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Ce travail de recherche s’attache à montrer les similitudes que l’on peut constater entre certains états non ordinaires de conscience (ENOCs), tels la transe ecsomatique (OBE), le rêve lucide, les expériences de mort rapprochée (NDE), les expériences décrites comme des « enlèvements par les extraterrestres » et la transe chamanique induite par les postures de transe découvertes par l’anthropologue Felicitas Goodman. <br>Cette recherche décrit aussi comment l’anthropologie expérimentale peut se révéler être un outil d’exploration du chamanisme. Les séances impliquant les postures de transe, présentées dans cette thèse, montrent comment des sujets occidentaux, n’ayant eu aucun contact notable avec le chamanisme, délivrent des contenus de nature chamanique.<br>Enfin, ce travail met en relief les liens entre les ENOCs et les « géographies de l’invisible », i. e. les différents plans et niveaux de l’outre monde.

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Published by Michel Nachez, 2020-02-17 06:34:50

LES ÉTATS NON ORDINAIRES DE CONSCIENCE - Essai d&#39;Anthropologie Expérimentale

Ce travail de recherche s’attache à montrer les similitudes que l’on peut constater entre certains états non ordinaires de conscience (ENOCs), tels la transe ecsomatique (OBE), le rêve lucide, les expériences de mort rapprochée (NDE), les expériences décrites comme des « enlèvements par les extraterrestres » et la transe chamanique induite par les postures de transe découvertes par l’anthropologue Felicitas Goodman. <br>Cette recherche décrit aussi comment l’anthropologie expérimentale peut se révéler être un outil d’exploration du chamanisme. Les séances impliquant les postures de transe, présentées dans cette thèse, montrent comment des sujets occidentaux, n’ayant eu aucun contact notable avec le chamanisme, délivrent des contenus de nature chamanique.<br>Enfin, ce travail met en relief les liens entre les ENOCs et les « géographies de l’invisible », i. e. les différents plans et niveaux de l’outre monde.

Keywords: chamanisme, transes, états non ordinaires de conscience, états de conscience modifiés, transe ecsomatique (OBE), rêve lucide, expériences de mort rapprochée (NDE), chamanisme, anthropologie expérimentale, géographies de l’invisible, enlèvement par les extraterrestres, abduction

D’après cette description, ce Lieu II ressemblerait fort
au mundus imaginalis1 qu’a décrit Henry Corbin.

* Lieu III :
Le Lieu III ressemble au Lieu I « ... le Lieu III et le

Lieu I ne sont pas identiques. (...) Il pourrait s’agir
d’un monde de type terrestre situé dans une autre
région de l’univers qu’il est possible d’atteindre par
quelque manipulation mentale. Il s’agit peut-être
d’une réplique anti-matérielle du monde terrestre
physique où nous sommes tout à la fois les mêmes et
autres, unis par une force dépassant notre
compréhension actuelle. »2 Une autre dimension ?

Explorons à présent plus en détail le Lieu II, toujours
d’après les informations recueillies par Monroe. Le Lieu
II est subdivisé en anneaux qui représentent chacun
un « lieu de vie ». En voici la description :
— Les anneaux centraux : zones où les esprits sont

concentrés sur les activités de l’incarnation humaine.
Les types d’êtres rencontrés sont :

1 Le monde imaginal est le ‘‘monde où se spiritualisent les
corps et où se corporalisent les Esprits’’. À ce niveau donc, tout
corps est un corps spirituel, toute matière est une matière
spirituelle. Henry Corbin, Le paradoxe du monothéisme, p. 120.
2 Robert Monroe, op. cit., p. 108.

~ 601 ~

* Les rêveurs — ils sont rattachés à un corps
physique :

« Ils s’efforcent apparemment de poursuivre leurs
activités de l’état de veille, ou encore celles qu’ils
désirent ou imaginent. Certains se contentent d’en
reproduire les gestes ; d’autres tentent de parler avec
ceux dont ils savent qu’ils sont éveillés, ou bien ils
mangent, boivent, travaillent, jouent, essaient
d’accomplir l’acte sexuel, s’adonnant à des rêves tout
éveillés (...). On pourrait voir un semblant de preuve
de leur origine dans le fait qu’en un clin d’œil, ils
disparaissent soudain au milieu d ’une action. »1

* Les emmurés — ressemblent aux rêveurs mais :

« Ce groupe se compose exclusivement de ceux qui
ont quitté à jamais leur corps physique actuel : ils sont
morts physiquement mais ne le savent pas. En
conséquence, ils s’évertuent sans cesse à poursuivre
l’existence matérielle à laquelle ils sont habitués. On
les retrouve souvent auprès de lieux comme les
maisons, ou auprès des êtres incarnés auxquels ils se
sont attachés. Certains essaient encore de réintégrer
leur ancien corps physique et de le réanimer, même
dans la tombe (...). De plus, ils semblent
profondément empêtrés dans des peurs et des

1 Robert Monroe, Fantastiques expériences de voyage astral, p.
274.

~ 602 ~

comportements émotionnels qu’ils essaient d’exprimer
sans jamais y parvenir.»1

Ce seraient donc des fantômes, des revenants.

* Les sauvages :

« Les sauvages ne savent pas qu’ils ont perdu
l’usage de leur corps physique et ne perçoivent
d’autre réalité que celle du monde matériel.
Parfaitement conscients de leur différence, ils n’en
comprennent cependant ni le pourquoi ni le
comment, et n’ont d’ailleurs pas envie de l’apprendre.
Ce qu’ils savent, c’est que cette différence les libère
des contraintes, obligations et responsabilités qui
étaient le lot de leur existence physique. Leur situation
présente leur apparaissant comme la liberté absolue,
ils tentent donc de s’exprimer de la seule manière
qu’ils connaissent : en reproduisant l’activité
physique. Leurs efforts pour participer à la vie
humaine — qu’ils perçoivent comme se déroulant
autour d’eux — revêtent parfois des formes
curieuses. »2

Une autre sorte de fantômes, en quelque sorte.

— L’anneau suivant est peuplé de :

1 Ibid., p. 275.
2 Ibid.

~ 603 ~

« ... ceux qui savent ne plus appartenir au monde
sensible, mais n’ont ni conscience ni souvenir d’une
autre éventualité. Généralement dépassés par la
perte de leur corps, ils demeurent, immobiles et
passifs, prostrés dans un état de non-perception,
comme dans l’attente de quelque événement. »1

— Le grand anneau :

« Il semble contenir un nombre illimité de sous-
anneaux qui, tous, présentent une caractéristique
commune : ici en effet, les résidents savent qu’ils ont
traversé la mort physique. Il peut exister en revanche
un certain flou ou des divergences de vue sur les
raisons qui les ont conduits ici et sur la nature de cet
endroit ; d’où ces sous-anneaux, souvent délimités de
façon très nette. À peu près au centre du grand
anneau, il existe ce qu’on pourrait appeler un point
zéro d’un autre type, et pourtant très repérable depuis
l’extérieur. Il est engendré par l’existence de deux
champs d’énergie symbolisés qui se chevauchent,
exerçant une pression et une influence quasiment
égales, sans qu’il y ait pour cela interaction entre les
deux. (...) En deçà de ce point zéro, la force
dominante est HTSI, initiales de Human Time-Space
Illusion2, qui est au summum de sa puissance dans les
sous-anneaux centraux et s’amoindrit inversement

1 Ibid., p. 276.
2 Illusion spatio-temporelle humaine.

~ 604 ~

jusqu’à devenir insignifiante à la frontière externe de
l’anneau. Ici, en effet, la force dominante est NPR, ou
Non Physical Reality1(...). »2

D’autre part, il existe une zone que les occultistes
appellent bas astral et que Monroe décrit ainsi :

« On rencontre souvent, lors des voyages non
physiques dans ce plan, une ‘‘couche’’ ou région qu’il
convient de traverser (...) Il semble qu’il s’agisse de la
région du Lieu II la plus proche du Présent (Lieu I) et
qu’elle lui soit d’une certaine manière reliée. C’est un
océan gris-noir, dans lequel le moindre mouvement
attire des êtres qui vous mordillent et vous
tourmentent. (...) Cette région serait-elle la limite de
l’enfer ? Il est facile d’en conclure qu’une pénétration
de cette couche voisine nous mettrait en présence de
‘‘démons’’ ou de ‘‘diables’’. (...) Qui sont-ils ? Je
l’ignore. »3

C’est également dans cet espace que Jeanne
Guesné a fait de mauvaises expériences. En tous cas,
c’est un « endroit » qui est décrit par de nombreux
expérienceurs. Et dans la classification de John Lilly, on

1 Réalité non physique.
2 Op. cit., pp. 276-277.
3 Robert Monroe, Le voyage hors du corps, pp. 31-32.

~ 605 ~

pourrait sans doute le placer dans l’échelle se situant
entre -24 et -3.

Cette description rappelle fortement celle de
Florence Ghibellini et qu’elle nomme le monde gris.
Monde où elle a été confrontée avec le « démon du
matelas » (cf. Annexe, « L’état intermédiaire », page
646.)

Pour parachever la description des cartographies de
l’invisible, voici un schéma que nous propose Florence
Ghibellini et qui donne sa vision de la structure de
l’invisible.

« J’appelle état intermédiaire tous les états subjectifs
de sortie hors du corps, actualisée ou potentielle. Il
existe plusieurs de ces états. (...) Je les ai classés
comme suit :

~ 606 ~

Figure X-7 : l'état intermédiaire

Le rêveur de base ne connaît généralement pas
l’état intermédiaire de base1 : il se meut
généralement dans une duplication du monde

1 Décréation (état intermédiaire de base) : il s’agit de la
décréation d’un rêve que l’on pourrait comparer au
démontage du décors d’une scène de théâtre.

~ 607 ~

physique (à droite). Il peut également se trouver dans
un décor qui n’a rien à voir avec sa chambre (en bas).
Au début, il peut lui arriver de tomber dans le monde
gris : lumière grise, difficulté à se déplacer, bruits
bizarres, rencontres avec des créatures indistinctes.

Certains rêveurs sont automatiquement aspirés
dans des tunnels : tunnel conduisant vers le monde
physique, vers le monde des morts (traversé au cours
des NDE) ou vers d’autres mondes. En général, le
rêveur [lucide] ne choisit pas son tunnel. Il semble
également exister un accès vers les rêves des autres.

Tous les rêves sont sous-tendus par un état
intermédiaire, en revanche, un état intermédiaire
peut exister sans rêve. L’état intermédiaire est le tissu
sur lequel se dessinent les rêves. »1

Cette représentation de l’invisible est intéressante
car elle nous propose une sorte de « gare de triage »
des différentes directions accessibles en ENOCs.
L’expérienceur expérimenté se retrouve d’abord dans
l’état intermédiaire dé-créé, c'est-à-dire sans contenu
visuel particulier (état intermédiaire de base vide). Là, il
a le choix soit d’entrer dans les autres mondes, qui
concernent donc tous les lieux pouvant être visités par
l’expérienceur, soit d’aller dans le monde des morts,
soit de partager des rêves / voyages avec d’autres

1 Florence Ghibellini, Conscience et rêve lucide, p. 180.

~ 608 ~

personnes également en ENOCs.1 Pour les personnes
novices, l’état intermédiaire est difficile à reconnaître.

Robert Monroe a effectué un travail de grande
valeur concernant l’exploration de l’OBE et en a retiré
une géographie de l’invisible relativement précise qui
a le mérite de pouvoir servir de référent.

Pour lui aussi, intérieur et extérieur sont identiques.
Les focus constituent un balisage des différents états
de conscience et désignent également des zones
« géographiques » de l’invisible.

Yram également :
« ... a mis en évidence l’étroitesse du lien unissant

dans les autres dimensions les notions de subjectivité
et d’objectivité. En d’autres termes, il avance qu’au
voyage dans l’espace situé hors du corps correspond
simultanément une plongée au plus profond de l’être
humain. Partant de là, les qualificatifs habituels de
‘‘subjectif’’ et ‘‘d’objectif’’ perdent tout leur sens. Cet
apparent paradoxe qui constitue sans doute le point

1 Yram, un expérienceur français du début du siècle, avait
l’habitude de pratiquer l’OBE en même temps que sa femme,
ce qui leur permettait de voyager ensemble. Il a décrit ses
expériences dans trois ouvrages : Le médecin de l’âme,
L’évolution dans les mondes supérieurs et Aimez-vous les uns
les autres, parus en 1926.

~ 609 ~

crucial de toute notre affaire est loin d’être une partie
de plaisir pour notre cerveau cartésien (...). »1

Nous avons donc là une forte homogénéité dans les
témoignages des personnes familière des ENOCs.

Que penser de la description de Monroe concernant
les habitants de l’au-delà ?

Il est clair que, dans cet état non ordinaire de
conscience qu’est l’OBE, les projections mentales sont
très réalistes. Il suffit de se remémorer les informations
relatées dans le Livre des morts tibétain pour
comprendre que nos croyances peuvent prendre
corps dans cet ENOC. Ainsi Monroe peut très bien
avoir été victime de ses propres projections mentales.
Mais il n’est pas dupe. Il sait, raconte-t-il, faire la
différence entre ses propres projections mentales et ce
qui est extérieur à lui. En disant cela, il rejette du même
coup l’affirmation de Stephen LaBerge qui veut que les
obeïstes soient des rêveurs semi-lucides qui ne
peuvent donc faire la part des choses et ne se rendent
pas compte qu’ils sont tout simplement en train de
rêver.

Pour LaBerge et d’autres, Monroe prend des vessies
pour des lanternes. Pour Monroe, les rêveurs lucides
rêvent et ne se rendent pas compte qu’il existe tout un
univers qui leur échappe puisqu’on peut « démarrer »

1 Jérôme Bourgine, op. cit., p. 44.

~ 610 ~

une OBE à partir d’un rêve. C’est une querelle qui ne
sera pas tranchée rapidement.

Mais que penser alors des men of high degree ? Des
chamans, des maîtres spirituels, des occultistes, de tous
ces spécialistes des ENOCs qui, depuis des siècles,
affirment avec conviction qu’il existe un au-delà, un
monde des esprits, un monde des morts, un monde où
le double peut se déplacer et que ces mondes sont
réels ? Que dire des Soufis qui affirment que le
mundus imaginalis est plus réel que la réalité physique
de notre monde matériel ?

Il est un fait, et ceci doit être noté, que la seule
culture qui n’ait jamais nié l’existence d’un au-delà est
la culture occidentale moderne, basée sur la Science
rationaliste. De nombreux chercheurs qui s’occupent
d’ENOCs, tels Michael Persinger, Gorges Devereux,
Suzan Blackmore, Stephen LaBerge, Catherine
Lemaire, Celia Green, et bien d’autres affirment que
ceux-ci nous font vivre des réalités virtuelles
psychiques.

Pour n’importe quel chaman, il y a un au-delà et il
sait, grâce à la transe et à sa cartographie, y voyager, y
travailler, et en revenir avec un plus pour le bien de sa
communauté.

Des ethnologues partagent le point de vue des
chamans : Michael Harner, Carlos Castaneda, Jeremy

~ 611 ~

Narby, Hank Wesselman, Felicitas Goodman, Terence
McKenna, Karl Schlesier, et d’autres encore.

Lorsqu’on induit un ENOC de sortie hors du corps,
une transe ecsomatique, on commence par se relaxer
puis on « coupe » les sensations qui viennent du corps
physique et des cinq sens afin de se rendre réceptif
aux stimuli intéroceptifs. C’est une plongée à l’intérieur
de soi et, à un moment donné, tout à coup, on se sent
« dehors », on ne se sent plus dans son corps physique
— tout en sachant où il est, souvent même en étant
conscient des deux corps (physique et double) en
même temps —, on a la sensation d’être dans un autre
lieu, dans un environnement qu’il est possible
d’explorer. Ainsi, comme nous l’avons vu, de
nombreux « voyageurs » ont décrit des géographies
de l’invisible, ce que Éliade nomme des géographies
sacrées ou des cosmogonies. La question ici, n’est pas
de se demander si cela est le fruit de leur très fertile
imagination ou bien si cela correspond à quelque
chose de réel. Il convient de simplement mettre
l’accent sur cette transition étrange, cette frontière, qui
délimite d’un côté la sensation d’être dans son corps
physique, et de l’autre côté, la certitude de ne plus y
être. Passer du dedans au dedans / dehors. 1

1 Cf. Annexe, « Discontinuité entre l’état de veille et l’état
intermédiaire phase 2. », p. 14.

~ 612 ~

Ainsi, tout se passe comme si, à un moment donné,
lors d’une transe par exemple, on avait la certitude de
ne plus participer à une expérience uniquement
psychique, mais plutôt à un voyage hors de
l’enveloppe corporelle, dans un autre « corps »,
comme si l’on avait passé une « porte » comme l’a
exprimé E.J. Gold, l’ami de Lilly.1

Ce dernier considère que ces espaces qu’il visite sont
de double nature : ils sont à la fois intérieurs et
extérieurs à l’être — ce que l’on pourrait traduire par :
« ce qui est en haut est comme ce qui en bas ». Et il en
déduit ainsi la possibilité que notre conscience n’est
pas forcément liée à notre cerveau, à notre corps
physique et qu’elle peut le quitter et voyager dans
d’autres réalités ou dans des contrées du psychisme
qui sont le reflet l’une de l’autre. Que ces espaces
soient intérieurs ou extérieurs n’a alors plus beaucoup
d’importance, car ce qui compte, ce sont les richesses
et la liberté que peuvent nous apporter les ENOCs.

On pourrait peut-être ajouter que ce qui fait la
différence, en fin de compte entre cette perception de
la nature intérieure ou extérieure de ces contrées, ce
sont les croyances.

En effet, il est notable que les personnes qui croient
en une réalité virtuelle psychique vivent des

1 J. Lilly & E.J. Gold, op. cit., pp. 98-100.

~ 613 ~

expériences allant dans le sens de leurs croyances
(LaBerge, Guesné, Lemaire, Blackmore, Persinger, etc.).
Par contre, ceux qui croient en la réalité de leur vécu
(mystiques, chamans et soufis, Monroe, Goodman,
Lilly, etc.) sont sûrs qu’ils ont accès à une autre réalité.
Nos croyances sont nos limites et nos limites sont nos
croyances. La réalité des choses est peut-être d’une
tout autre nature que celle que nous croyons
percevoir. En tous cas, John Lilly l’a bien souligné :

« Dans le royaume de la conscience, tout ce que je
crois vrai est vrai ou devient vrai à l’intérieur de
certaines limites à repérer empiriquement ou
expérimentalement. Ces limites sont des croyances
avancées qu’il convient de transcender. »1 « Ces
frontières sont d’autres croyances à transcender elles
aussi. La province de l’esprit est infinie.2 »

1 Exergue de la première page de texte de The center of the
cyclone. Cité par P. Gérome, op. cit., p.100.
2 Les simulacres de Dieu. Cité par Paul Gérôme, p. 91.

~ 614 ~

X. CONCLUSION

Au fil de ces pages, j’ai donc mis en évidence le fait
qu’il y a une similarité assez prononcée entre différents
ENOCs qui, apparemment, d’après un certain nombre
de chercheurs, sont différents.

Ainsi pourrait-on classer les rêves lucides, les
voyages chamaniques, les expériences de transe de
type OBE, les NDE et les « enlèvements par les
extraterrestres » — dans cette catégorie se classent
aussi les rapts par les démons et le petit peuple (elfes,
gnomes, lutins, farfadets, trolls...) — dans la catégorie
OBE, c’est-à-dire celle qui concerne la transe
ecsomatique. Il me semble en effet que nous avons là
un corpus particulier qui débouche sur une nouvelle
classification des ENOCs, plus cohérente.

De même, comme nous l’avons vu, il semble que les
états non ordinaires de conscience aient cette
particularité de placer le sujet qui les vit dans une
situation où il pense être en dehors de son corps et,
tout en étant tout à fait conscient du lieu où se trouve
son corps physique, il sait qu’il vit un état non
ordinaire de conscience.

~ 615 ~

Ce vécu particulier a induit, selon les cultures, les
croyances religieuses et les milieux sociaux, toute une
série de descriptions d’un univers invisible nommé
respectivement l’au-delà, l’autre-monde, le mundus
imaginalis, le plan astral et bien d’autres
dénominations encore. Il n’a apparemment échappé à
aucun de ces « voyageurs » de l’au-delà qu’il existait
une corrélation très forte entre états de conscience et
« plans » du monde invisible. Comme nous l’avons vu,
seule une partie de nos scientifiques contemporains
décrivent ces « lieux de l’invisible » comme des
hallucinations ou des réalités virtuelles psychiques.
Nous sommes une civilisation de la matérialité, de la
science « dure », de la technologie pratique et notre
vision du monde exclut qu’un état de conscience
puisse nous ouvrir l’accès à une autre dimension. Non
pas que l’existence d’autres dimensions soit mise en
doute. Au contraire, la physique de pointe les tient
pour possibles dans leurs théories (univers parallèles,
univers gémellaires, univers d’antimatière, théorie des
trous de vers, par exemple). Mais il est clair, et c’est là la
principale critique scientifique, que l’existence de ces
« ailleurs » est impossible à prouver avec nos
connaissances et appareillages scientifiques actuels. Et
comme on ne peut localiser, ni mettre en évidence ces
« lieux de l’invisible », l’explication la plus économique
en est celle d’une création mentale de type
hallucinatoire (Michael Persinger), métachorique (Celia
Green).

~ 616 ~

Il est évident que ces perceptions de mondes
invisibles ne sont valables qu’en tant qu’expériences
personnelles. En effet, les nombreuses descriptions
divergentes montrent la subjectivité de ces
informations, de ces cartographies. Le fait que nos
systèmes de croyances soient totalement responsables
de ce que l’on y voit montre qu’il est extrêmement
difficile de tirer des conclusions définitives en un tel
domaine. Cependant, malgré ces différences de
surface, il existe malgré tout un certain nombre de
constantes dans les modèles proposés par les
expérienceurs et celles-ci devraient nous stimuler à
creuser plus avant. Et c’est là que le rôle de
l’ethnologie de terrain démontre sa valeur car qui
donc peut mieux que quiconque obtenir des
témoignages de première main si ce ne sont les
ethnologues en prise directe avec les ethnies
pratiquant encore aujourd’hui un chamanisme actif ?
La connaissance de ces femmes et de ces hommes,
chamanes et chamans, est en effet primordiale, non
seulement pour les membres de leur communauté
mais aussi, par extension, pour nous, Occidentaux
dans le domaine de la biotechnologie, pour ne citer
qu’un seul domaine. On a beau affirmer que les
conceptions du monde des peuples traditionnels sont
issues d’hallucinations, il n’en est pas moins vrai que
les compagnies pharmaceutiques s’arrachent leurs
connaissances en botanique, financent des missions
de spécialistes pour acquérir leur savoir, ces mêmes

~ 617 ~

connaissances révélées par les esprits lors des rituels
chamaniques.

Pour en revenir aux systèmes de croyances, si ceux-
ci sont déterminés dans le monde ordinaire
matériel / physique par ce que l’on nomme le
consensus minimum de réalité1 — qui nous permet à
tous, habitants de notre planète Terre de
communiquer sur des bases à peu près communes —,
il n’en est pas de même dans ces univers visités en
états d’ENOCs. Là, nous n’avons aucun consensus
minimum de réalité, nous sommes chacun voués à
utiliser nos propres référants représentationnels,
colorés par nos croyances personnelles et nos
conditionnements socioculturels.

Que se cache-t-il derrière ces systèmes de
croyances ? N’y aurait-il pas là un point de départ pour
l’exploration de nouvelles perspectives qui pourraient
nous donner une toute autre image de la psyché
humaine ?

C’est à ce stade qu’il me semble que l’anthropologie
expérimentale pourrait jouer un grand rôle dans cette
exploration des ENOCs. En effet, à part quelques
chercheurs isolés travaillant avec un nombre restreint
de sujets, ou directement sur eux-mêmes, avec l’aide
de quelques amis et de fonds propres, et rarement

1 Voir Charles Tart, Altered States of Consciousness.

~ 618 ~

dans des programmes officiels de recherche, ou sur le
terrain avec les chamans (comme Jeremy Narby,
Terence McKenna1 ou Michael Harner, par exemple), il
n’existe aucun programme de recherche universitaire
ambitieux.

La description seule d’un état de conscience ne suffit
pas. L’expérience est nécessaire pour délimiter le
champ de la recherche. Et en ce sens, une véritable
anthropologie expérimentale devrait être développée
afin de parfaire notre connaissance des ENOCs, non
seulement en étudiant les récits des chamans, non
seulement en collectant des observations et savoir-
faire de rituels, non seulement en ce que certains
ethnologues soient entraînés à l’expérimentation
d’ENOCs (sur le terrain en situation réelle avec des
chamans et medicine-men, et en laboratoire selon des
protocoles à établir et basés sur les connaissances
acquises chez les peuples traditionnels), mais aussi en
mettant en place de véritables programmes de
recherches englobant l’utilisation de techniques
chamaniques et de techniques d’induction modernes
d’ENOCs (CIS, Ganzfeld, électrostimulation, HemiSync

1 Terence McKenna est ethnobotaniste et explorateur, il « a
parcouru le monde pour travailler et vivre avec des chamans.
Aux connaissances ainsi acquises se sont ajoutés ses efforts
pour la conservation des plantes utilisées dans les rituels. »,
Henri Weissenbach, texte de présentation pour le livre de
Terence McKenna, La nourriture des dieux.

~ 619 ~

et autres stimulations sonores, stimulations opto-
accoustiques, stimulations électromagnétiques, etc.).
Ces dernières pour l’heure sont l’œuvre de pionniers et
méritent absolument une plus grande attention et un
approfondissement plus conséquent. Ces techniques
représentent un potentiel énorme d’exploration du
psychisme humain en ce sens qu’elles facilitent
l’induction d’états non ordinaires de conscience. Ce ne
peut être qu’un plus dans la mesure où l’utilisation des
plantes psycho-actives est interdite par la loi dans tous
les pays occidentaux pour des raisons uniquement
politiques. Bien que le sujet de ma thèse concerne
uniquement l’induction de la transe par des méthodes
excluant l’utilisation des hallucinogènes, je tiens à
souligner ici le frein que représente cet interdit pour
l’ethnologie et l’anthropologie dans la mesure où nous
ne pouvons pas, dans ces conditions, explorer ce
domaine de manière tout à fait libre. Le nombre des
sociétés de type chamanique qui utilisent les
substances psycho-actives étant très élevé, cet état de
fait est hautement regrettable pour la recherche.

Que se passera-t-il lorsqu’il n’y aura plus de peuples
traditionnels ayant conservé leurs pratiques
ancestrales ? Vers quel terrain nous tournerons-nous ?
Si nous n’avons pas la possibilité d’expérimenter en
laboratoire, de pratiquer une anthropologie
expérimentale incluant éventuellement également ces
pratiques d’ingestion de substances psycho-actives,
nous n’aurons alors plus à notre disposition que

~ 620 ~

l’immense littérature ethnographique léguée par nos
pairs pour conduire nos recherches et de moins en
moins de données nouvelles pourront être
engrangées. Ce sera peut-être, et certainement, la fin
d’une certaine pratique de l’ethnographie et de
l’ethnologie.

En ce qui concerne l’étude de la transe, lorsqu’on lit
la littérature psycho-ethno-anthropologique sur le
sujet, on est souvent consterné par la difficulté qu’ont
les différents auteurs à émettre un avis convergent et
pour définir précisément l’objet d’étude, malgré
d’excellents travaux déjà entrepris depuis ces trente
dernières années. Dans cette optique, il me semble
qu’un modèle adéquat, pas nécessairement issu du
corpus ethnologique (comme celui de John Lilly, par
exemple, mais ce n’est pas le seul) peut être utilisé
comme point de départ pour ordonner, préciser les
concepts-clés et surtout définir les états de
transe / ENOCs avec plus de précision. En ce sens
l’interdisciplinarité est une nécessité : ethnologues,
psychologues, neurophysiologistes, ethnobotanistes,
historiens des religions, et même chamans et
spécialistes des ENOCs de tous horizons, et d’autres
encore, devraient communiquer sans cloisonnement.

D’autres modèles devraient être pris en
considération également. Ainsi, pour ne citer qu’un
exemple, le concept de double en tant qu’hypothèse

~ 621 ~

de travail semble être une base prometteuse, ainsi que
l’explique Pierre Erny :

« Car si cette notion [de double] n’occupe qu’une
faible place dans la pensée officielle occidentale, elle
s’impose par la bande (par la pensée ésotériste, par
la parapsychologie) et se révèle éclairante dès que
l’on s’interroge sur des phénomènes restés jusque-là
sans explication convaincante. Ceux-ci ont été
marginalisés, niés d’un côté, assimilés au miraculeux
de l’autre, alors que dans des civilisations reposant
sur des cosmologies et des anthropologies différentes
ils ont pu prendre ouvertement la place naturelle qui
leur revient. (...) Une question reste ouverte : s’agit-il
là d’une notion relevant de visions de l’homme
particulières, parmi d’autres possibles, ou s’imposera-
t-elle un jour au titre de la science comme donnée
incontournable, comme j’aurai tendance à le penser à
la suite de G. Frei ? »1

Cette question reste en effet ouverte, mais il est fort
probable, que des hypothèses de travail incluant les
phénomènes parapsychologiques, la notion de double
ou d’univers parallèles invisibles accessibles en ENOCs
par exemple, finissent par être de plus en plus
adoptées pour la simple raison qu’elles sont plus
économiques et qu’elles éliminent nombre de
contradictions ou de paradoxes, de constructions

1 Pierre Erny, op. cit., p. 224.

~ 622 ~

intellectuelles insatisfaisantes, générées par le modèle
classique matérialiste. Aujourd’hui, nous n’avons pas
encore élaboré les concepts et les modèles pour traiter
de ces questions, mais quoiqu’il en soit, les recherches
déjà entreprises et les résultats déjà obtenus, ainsi que
les pistes théoriques, conceptuelles et expérimentales
qui se profilent dans notre horizon immédiat, mettent
en cause notre image mécaniste du monde.

Cette évolution de la pensée est naturelle, elle fait
partie du nouveau paradigme scientifique.

~ 623 ~

XI. ANNEXES

A. L’ÉTAT INTERMÉDIAIRE :
expériences de « dédoublement », entre

veille, rêve, et méditation.1

Florence Ghibellini

(...) Il n’existe pas actuellement de critères valides
permettant de discerner les phénomènes de « rêves
lucides » et de « sortie hors du corps » pendant le
sommeil, en sorte que l’on serait logiquement tenu
d’en conclure qu’il s’agit d’un unique phénomène
(rêve lucide), théorisé à partir de trois paradigmes
différents (occultiste, parapsychologique, et
scientifique). Dans le présent article, mon propos n’est
pas de nier l’existence d’expériences distinctes qui
pourraient être vécues dans des états proches du
sommeil, mais de rejeter la catégorisation qui en a été
faite : les catégories de « voyage astral », « OBE » et
« rêve lucide » me semblent en effet artificielles, elles
ont été proposées par des individus souvent dénués

1 Revue Rêver, n°3, pp. 46-59.

~ 624 ~

de sens critique, et visiblement peu soucieux de
rigueur intellectuelle. Les critères de différenciation
généralement invoqués ne tiennent pas debout ce qui
ne signifie pas qu’il soit impossible d’en trouver : par
exemple, je ne connais pas d’explication scientifique
satisfaisante des phénomènes de bilocation (le sujet
est vu hors de son corps par un tiers)1. Et le fait que je
n’aie ni les moyens ni le matériel pour prouver ce
genre de phénomènes ne m’empêchera pas de
reconsidérer le problème : y a-t-il une seule expérience,
ou plusieurs types d’expériences, qu’un point de vue
critique mais un peu hâtif, cette fois, regrouperait de
manière indifférenciée sous le vocable de (au hasard)
« rêve lucide » ? Et si c’était le cas, qu’est-ce qui nous
permettrait de les caractériser, d’un point de vue
phénoménologique, en dehors des sensations
subjectives de « réalité », de « clarté » ou
d’« étrangeté », irrecevables du point de vue du
chercheur sérieux ?

a.a.a Deux grands types de rêves lucides.
Tous les rêveurs lucides chevronnés savent qu’il

existe deux grands types de rêves lucides :

1 En ce qui concerne les recherches scientifiques effectuées
dans le domaine OBE, le lecteur pourra se reporter aux extraits
de l’ouvrage de Christine Hardy, p. 60-65.

~ 625 ~

1 — les rêves lucides « normaux », qui résultent de

l’apparition de la lucidité au cours de rêves nocturnes

classiques, et qui présentent des caractéristiques et
imageries à peu près semblables (maisons / villes,

montagnes / mer, forêts / plantes, ciel,

gens / animaux, scénario, haut / bas etc...)

Rêve 1

05/04/95

Je marche sur une sorte d’esplanade et j’entends
soudain une sirène. Je me dis : "Tiens, c’est la sirène
du premier mercredi du mois, et ça c’est un rêve.
Tâchons de ne pas nous réveiller." Par chance, ça
s’arrête assez vite. J’appelle Stiennon. À la seconde, il
apparaît au coin de l’immeuble.
– Salut je suis venu te voir.
– Juste au moment où je t’ai appelé ? Quelle
coïncidence !

On commence à marcher. "Tu permets que je
puisse vérifier que c’est bien toi ? Tu vas me donner
par exemple ta date de naissance." Il me donne une
date en 96. "Écoute, c’est pas sérieux. Alors quoi ?" Il
commence à marmonner quelque chose puis s’envole
comme un voleur pardessus un pont d’autoroute et se
transforme en petite lumière.
– Mystificateur !

J’essaie de le poursuivre, mais il finit par
s’évaporer.

~ 626 ~

2 — Les rêves lucides que l’on pourrait appeler « de
dédoublement », qui apparaissent fréquemment à la
suite d’un endormissement, ou d’un faux-éveil : ce sont
des rêves au cours desquels le rêveur a la sensation de
quitter ou d’avoir quitté son corps, qui se situent dans
le lieu où dort le rêveur, disons, dans un périmètre de
quelques mètres autour de son corps (il y a peu
d’exceptions), avec un visuel que le rêveur reconnaît
comme étant celui du lieu où il s’est endormi (image
du lieu ou image mimant le lieu).

Rêve 2 (dans ce rêve j’ai souligné un certain nombre
d’éléments caractéristiques, dont il sera discuté plus
loin)
11/07/94. La créature.
Endormissement conscient. Je sors de mon corps et
m’assois sur mon lit pour réciter des mantras. Au bout
d’un certain temps, un truc bizarre me prend, comme
un champ d’électricité statique et me déplace. Je vois
mes mains, qui sont d’un blanc bizarre. Je me
demande si je ne suis pas dédoublée, mais je ne vois
pas mon corps sur le lit. Quand j’essaie de traverser
le plafond, tout redevient noir. Je reprends la
récitation, mais avec OM, et ça reprend. Je suis
complètement électrisée, en plus ça fait des nœuds
dans le dos. Je me mets debout, ça circule un peu
mieux, mais à chaque fois que je récite, j’ai
l’impression d’être en surcharge. J’ai deux courants
qui passent de chaque côté de la colonne et ça me
fait deux barres sur le milieu du dos, là où je me suis

~ 627 ~

coincée l’autre jour. Le courant m’empêche d’avoir
toute liberté de mouvement, la surcharge paralyse.
J’essaie de voir de nouveau mes mains, une
luminescence verte apparaît devant mes yeux.
J’entends comme un reniflement dans le noir, sur ma
gauche, j’ai l’impression qu’une créature malsaine est
en train de s’approcher de moi mais sans m’avoir
encore vue. Je rentre dans mon corps. Si je ne bouge
pas, la sensation d’électrisation demeure, elle
disparaît seulement des endroits d’où je bouge. Elle
peut rester même les yeux ouverts.

Ce sont de telles expériences, bien sûr, qui ont
donné naissance à toute la littérature concernant le
voyage astral et les OBE, et que je désignerai dans cet
article par le terme générique « d’état intermédiaire ».
Mon objectif est ici de les étudier, telles qu’elles se
présentent, sans discuter de leur « subjectivité » ou de
leur « objectivité » et pour autant qu’elles puissent se
distinguer des rêves, c’est-à-dire pour autant que
l’expérimentateur ne s’éloigne pas de son corps — car
c’est là la clé, ce dont personne ne s’est visiblement
avisé jusqu’à présent : si les scientifiques ont si peu pris
au sérieux les occultistes jusqu’à présent, c’est parce
que le phénomène n’a jamais été étudié là où il se
différencie réellement du rêve, mais toujours là où il a
une fâcheuse tendance à lui ressembler, c’est-à-dire
loin du corps.

~ 628 ~

a.a.b Imbrication des deux états.

Première remarque : un rêve normal, vécu dans un
même cycle qu’un état intermédiaire, sera toujours
imbriqué dans ce dernier. On se réveille du rêve pour
se retrouver dans l’état intermédiaire (faux-éveil), et on
« passe » de l’état intermédiaire au rêve par
éloignement du sujet de sa chambre ou surimposition
des images du rêve (dont nous verrons plus loin les
raisons).

Rêve 3 (Passage de l’état de veille à l’état
intermédiaire et ensuite au rêve).

30/09/92
Je sors de mon lit en rampant mais le rêve est difficile
à fixer. Je me laisse tomber en arrière comme
spécifié. Ensuite je tourne sur moi-même. Sensation
très bizarre. Je réintègre cependant mon lit. Je
recommence en sortant par la fenêtre. La rue a
encore du mal à se fixer mais ça vient. Je me laisse
tomber en arrière du haut d’une fenêtre et je
recommence à tourner sur moi-même. Plus ou moins
concluant. J’attrape une fille pour l’examiner, elle est
bien consistante. Je me mets à voler, je sors de la
ville, je suis un canal, traverse une sorte de banlieue
et j’arrive jusqu’à la mer, d’un bleu intense. Je plonge
dans l’eau mais je perds la vue et me réveille.

Dans le rêve suivant, c’est l’inverse, le rêve s’impose.

Rêve 4

~ 629 ~

18/12/96
Je sors de mon lit, je fais zazen dans le décor de ma
chambre, et je ne bouge plus. Bientôt, un paysage se
met à défiler autour de moi, des branches d’arbres
me frôlent, le rêve fait visiblement tout pour attirer
mon attention.

En fait, il semble qu’une sorte de période de
gestation soit nécessaire, une fois que l’on se trouve
dans l’état intermédiaire, pour qu’un rêve se crée. Si on
se précipite hors de sa chambre sitôt dédoublé, le rêve
peut mettre une ou deux minutes à se créer. À
l’inverse, si on y reste trop longtemps, ce sont les rêves
qui viennent envahir la chambre, à tel point qu’il est
extrêmement difficile de rester plus d’une ou deux
minutes tranquillement dédoublé sur son lit. En
relisant mes rêves, j’ai été effarée par le nombre de
formule du genre : « je suis assise dans mon lit le décor
apparaît... brusquement, me voilà à tel endroit...».

Bref, toutes choses qui me laissent penser que l’état
intermédiaire est en fait un état physiologiquement
intermédiaire entre veille et rêve. Je dis bien,
physiologiquement, car phénoménologiquement, il ne
relève ni de l’un, ni de l’autre, ni d’un mélange. C’est
un état à part entière, comme nous allons le prouver
dans cet article. Mais, reprenons les choses par le
début :

~ 630 ~

a.a.c L’état intermédiaire : phase 1

Dans sa thèse, Christian Bouchet écrit :

« L’induction naturelle du rêve lucide commence
souvent à partir de ce qu’on pourrait appeler un "état
intermédiaire". Il ne s’agit pas de la simple transition
de la veille au sommeil et au rêve couramment
décrite par les rêveurs (...), bien qu’elle présente un
point commun avec elle : le sentiment de ne pas
encore dormir et pourtant de ne plus veiller. (...) Au
cours de la transition simple l’attention du sujet
devient flottante, comme dans une rêverie éveillée ;
dans l’état intermédiaire au contraire, le sujet reste
parfaitement conscient. Du point de vue du sujet qui
s’observe, "l’état intermédiaire" est un état dans
lequel il pense ne pas dormir alors qu’il peut
constater "en lui" des phénomènes qui
n’appartiennent manifestement pas à la veille.

Induction plus réussie que la veille, malgré une
difficulté persistante à détendre la nuque. (La tête
tend toujours à partir en arrière au moment
vibratoire). Ces "vibrations", dont il n’est pas sûr que
je les ressens, ne sont peut-être pas essentielles. Je
vois qu’il y a surtout un état de tension à l’intérieur du
cerveau (que j’ai rencontré parfois en méditant) dont
la "force" tend à se communiquer au reste du corps. Si
l’on veut, on peut avoir l’impression que cela vibre ou
fourmille. À tort ou à raison, j’ai résisté à

~ 631 ~

l’accélération de la respiration, la maintenant calme
et longue.

Les "tâtonnements" des mains étendues sont plutôt
vaseux, c’est-à-dire que l’imagination ordinaire
semble y tenir la place principale. Plus intéressantes
certaines "gymnastiques" (lever les jambes et surtout
se tourner sur un flanc puis sur l’autre. Là, j’ai
vraiment l’impression qu’il se passe quelque chose
d’inconnu. « Après cela, j’ai constaté avec objectivité,
mais aussi une certaine satisfaction, que j’avais
l’impression d’être incapable de bouger. Je suis
finalement arrivé à bouger ma main droite, avec
"grésillement et étincelles". Ce n’était pas vraiment
difficile, mais plutôt lointain.

(...) Comment situer cet état, s’agit-il déjà de
l’endormissement ? Il n’est guère possible de dire que
le sujet "rêve", puisqu’il a conscience de son corps, le
bouge même. C’est cet état qui appartient à la fois à
la veille et au sommeil tout en conservant une pleine
conscience que nous appelons ici "état intermédiaire".
(...) Les éléments perceptifs de la vie de veille sont
"suivis" par la conscience et ne semblent pas avoir
subi de modification : les perceptions restent les
mêmes (bruits extérieurs ou de la respiration,
sensations physiques du lit et de la pression des
couvertures....). Simplement il y a des phénomènes
"en plus" qui indiquent l’état intermédiaire. Et quand
le sujet bouge, il peut se rendre compte à la fois qu’il

~ 632 ~

n’est pas endormi et que ses perceptions étaient
exactes, donc qu’il était bien éveillé. L’état
intermédiaire n’est donc pas le sommeil, ou plus
exactement il n’est pas le sommeil habituellement
défini comme l’état dans lequel le dormeur est coupé
de la vie de relation. (...)

En fait, l’état intermédiaire pose un problème de
situation pour le chercheur car les sujets ne lui
donnent pas un statut particulier mais le considèrent
comme une sorte de frontière où deux domaines
tendent à se confondre. Ils n’y voient pas un "état" à
proprement parler, sont peu enclins à le définir et
encore moins à l’étudier. On trouve en fait deux
attitudes à l’égard de l’état intermédiaire. La première
consiste, pour celui qui enregistre ses rêves lucides, à
ne pas en tenir compte, parce qu’ils n’appartiennent
pas au domaine du rêve, et donc à ne pas les noter.
La deuxième consiste au contraire à inclure ces
expériences dans le rêve et à ne pas signaler de ce
fait ce qui les rend singulières. (...) Pour obtenir des
récits d’états intermédiaires, il était donc nécessaire
d’attirer l’attention des rêveurs sur ce point et il est
possible que l’observation de son propre
endormissement favorise leur émergence. »1

1 Christian Bouchet, Le Rêve Lucide. Description et analyse du
phénomène à partir d’expériences de rêves lucides spontanées

Suite de la note page suivante

~ 633 ~

Cependant, cet état où le sujet se situe entre la veille
et le sommeil, expérimentant dans sensations de veille
et de sommeil mêlées, ne me paraît être que la
première phase de l’état intermédiaire, la « porte
d’entrée » en quelque sorte, que l’on pourrait
caractériser de la façon suivante :

– Le sujet sent son corps physique, mais d’autres
sensations viennent s’y mêler (paralysie, vibrations,
courants électriques), indiquant comme la
« formation » d’un second corps.

– Le « dédoublement » est possible, bien qu’il ne soit
pas toujours effectif, et généralement partiel, en ce
sens que la conscience se partage entre le corps
dédoublé et le corps physique : le sujet doit faire des
efforts de suggestion et d’imagination pour « sortir »,
et le réveil est toujours le risque majeur.

(on pourrait même distinguer une phase 1.1 où le
sujet sent qu’il peut se détacher, avec beaucoup
d’imagination et de difficultés, et une phase 1.2 ou le
détachement est effectif et se produit parfois
automatiquement, mais avec sensation simultanée du
corps physique).

« Début de rêve lucide : Je sens un état
caractéristique. Mon corps se lève tout seul, pris de

ou préparées. Chapitre 4 : l’induction de la lucidité onirique.
Section 1, §1 : induction à partir d’un état intermédiaire.

~ 634 ~

vibrations (phase 1.2). Dans le noir je m’élève et me
retourne sur les bras dans mon lit. Mais tout est
encore noir et ça ne se concrétise pas en images et
sensations nettes. Je décide de recommencer en
levant la main droite. Elle est énergisée. Je commence
le mouvement (mais cette énergie, ou ce mouvement,
me réveille) »1.

– Le sujet n’a pas encore d’image nette de (ou
mimant) ce qui l’entoure, il baigne dans le noir ou
dans une vague luminosité. (Parfois, il peut néanmoins
voir une image de ce qui l’entoure avec une
luminosité très réaliste (comme en rêve), quoique
l’image soit très fuyante (mais je ne l’ai constaté que
dans des sorties entièrement conscientes d’un bout à
l’autre, c’est-à-dire provoquées par méditation).

– Il existe une variante de cet état qui favorise
incroyablement la composition et les souvenirs
musicaux : les morceaux sont « joués », et entendus
avec la même clarté que des disques. Bien que ne
connaissant rien à la composition, j’en ai
personnellement essayé tous les genres : musique
symphonique, piano, violon, rock, chant byzantin,
ragas...

– Il n’existe pas de discontinuité entre cet état et l’état
de veille. Pour m’en assurer, je me suis livrée des

1 Ibid.

~ 635 ~

dizaines de fois à l’expérience suivante : à
l’endormissement, compter de 1 à 10 avec une
bouche imaginaire. Parfois, certains chiffres sont
audibles, tandis que d’autres sont simplement
imaginés. J’ai déterminé qu’il fallait qu’à peu près 5
chiffres sur 10 soient réellement entendus pour que le
« dédoublement » commence à être possible (sans
compter le fait que la récitation approfondit l’état),
mais que pour être sûr de réussir son dédoublement, il
était préférable d’attendre que tous les chiffres soient
entendus (autrement dit que la désatténuation
auditive soit complète voir Claude Rifat, Rêver n°2, du
Rêve conscient à la conscience). De même, on peut se
dédoubler plus ou moins, avec toutes les gradations
possibles.

a.a.d L’état intermédiaire : phase 2.
Lorsque l’état intermédiaire s’approfondit, (ou au

cours d’un faux-éveil, souvent à partir d’un rêve de vol)
le sujet entre dans un nouvel état, que j’appellerais
« phase 2 », très différent de la phase 1. Dans cet état :
– Le rêveur est complètement dédoublé (même s’il
peut avoir le sentiment d’être encore dans son corps
physique), et perd la sensation simultanée de son
corps physique : il peut sentir son corps physique
alternativement avec son corps dédoublé, mais pas les
deux ensemble. Cette alternance peut avoir lieu alors

~ 636 ~

que le corps dédoublé est à plusieurs mètres du corps
physique (selon sa propre appréciation).

– Son corps perçu ne ressemble pas à son corps
physique, il peut être blanchâtre noirâtre, verdâtre, ou
même à rayures !...

– Il a une vision nette qu’il interprète comme étant la
chambre qui l’entoure et ses sensations sont
parfaitement distinctes.

Rêve 6. 25/05/97
Faux-éveil. Brusquement, me voilà dans ma chambre,
en train de me voir me dédoublant, me séparant de
mon corps (Je me vois depuis les yeux de mon corps
qui se dédouble). Image parfaitement nette. J’essaie
de me réveiller pour savoir ce qui se passe, "ouvre
une sensation" (comme on ouvre un œil) dans le corps
physique, constate que je suis bien dans mon lit, que
tout va bien. Sans transition, je referme l’écoutille. La
vision reprend exactement là où elle avait cessé, moi
en train de me dédoubler. Je laisse faire.

a.a.e Discontinuité entre l’état de veille et l’état intermédiaire
phase 2.

Pour essayer de déceler une éventuelle continuité
l’état de veille et cet état intermédiaire, je me suis livrée
à l’expérience suivante : sachant que le rêveur
dédoublé garde une conscience alternée de son corps
physique dans la phase 2, il devait être possible

~ 637 ~

quoique délicat de dédoubler une main tout en
ouvrant les yeux physiques. Pourquoi juste une main ?
Parce que le fait de se situer spatialement dans son
corps physique devait rendre l’alternance plus facile.
Mais comment, me dira-t-on, pouvais-je être sûre
d’avoir ouvert mes yeux physiques et non mes yeux de
rêve, dans la mesure où, dans la phase 2, on n’est pas
simultanément conscient du corps physique ? En
utilisant le « protocole » suivant :

1 – s’assurer en fait qu’on est bien en phase 2, et y
rester.
2 – dédoubler une main.
3 – ouvrir les yeux.
4 – regarder sa main.
4bis (subsidiaire) – essayer de toucher sa main
physique avec sa main dédoublée.
5 – rentrer sa main sans fermer les yeux.
6 – se réveiller sans fermer les yeux.
7 – sortir de son lit sans avoir fermé les yeux depuis
l’étape 3.
Note : si ce genre de gymnastique est effectuée par
erreur dans la phase 1, elle provoque
irrémédiablement le réveil. En revanche, la phase 2
induit un état de sommeil tellement intense qu’il est
parfois extrêmement difficile de se réveiller (rêve 8).
Résultats :

~ 638 ~

– On voit effectivement une substance là où sont
censées se trouver les mains dédoublées : il s’agit
d’une substance claire sur fond clair, comme emplie de
petits courants transparents, et noire sur fond sombre.

– En touchant mes mains physiques (que je croyais
sentir) avec mes mains dédoublées, j’ai constaté
l’apparition d’une nouvelle paire de mains que
j’appelle « mains grises », qui sont grises,
caoutchouteuses et plus lourdes que les mains
transparentes (voir compléments d’explication plus
loin). En fait, c’était ces mains-là que je sentais
simultanément, mais pas les mains physiques, qui elles
étaient sous la couverture, et que je n’arrivais plus à
retrouver dans le fouillis de mes six mains.

Rêve 7. 26/06/95
Je me dédouble entièrement, puis je reviens, j’ouvre
les yeux et j’essaie de voir mes mains dédoublées, je
les vois comme la fois précédente. J’ai une sensation
de torsion au niveau de la colonne et dans la tête, là
où mes corps se séparent. Je décide de toucher mes
mains physiques. En fait je touche des espèces de
mains grises et molles dans lesquelles j’ai une
sensation cotonneuse désagréable, et j’ai
simultanément l’impression que des mains me tirent
les oreilles, c’est très déstabilisant. J’essaie ensuite de
bouger mon oreiller, je ne tire qu’une espèce de tissu
astral que je ne vois pas, dans lequel je commence à

~ 639 ~

m’empêtrer, et je vois vaguement une poussière
lumineuse. Finalement, je préfère me réveiller.

– La vision n’est pas une vision physique mais
onirique : en effet, il existe un point où il est possible
d’expérimenter l’alternance des deux, vision
physique / vision onirique (de même qu’il est possible
d’éprouver l’alternance des sensations kinesthésiques).
La différence se situe au niveau de la luminosité. La
vision onirique est à la fois plus « grise » et plus
« électrique » ou « brumeuse ».

Rêve 8. 02/97
Assise sur mon lit. J’écoute une musique. Soudain je
trifouille je ne sais quoi avec le volume et le son
devient sursaturé, insupportable. J’essaie de me
réveiller, mais j’ai beaucoup de mal, et je reste
finalement entre deux eaux. J’ouvre les yeux, et là, je
vois alterner vision de veille / vision de rêve ! L’une
est plus blanchâtre-grisâtre, et ça saute sans arrêt de
l’une à l’autre.

– L’état de conscience expérimenté n’est pas la
conscience de veille : il est caractérisé par un intense
sentiment d’insécurité (étrange alors qu’on est
quasiment réveillé). On ne souhaite qu’une chose : en
sortir le plus vite possible, soit dans un sens, soit dans
l’autre, et on éprouve la plus grande difficulté à
réfléchir avec tout le sang-froid nécessaire.

~ 640 ~

Rêve 9. 21/06/95
J’essaie de voir mes mains astrales avec mes yeux
physiques. Je vois une ombre sur fond noir et des
mains translucides sur fond clair. Je ne sais pas
pourquoi. je suis inquiète.

J’ajouterais à cela que la faculté d’ouvrir les yeux
dans l’état intermédiaire a été constatée par d’autres
personnes ayant un conjoint en mesure de constater
qu’ils dormaient les yeux ouverts : dans la plupart des
cas, il s’agissait d’un rêve de dédoublement. En ce qui
me concerne, j’ai pu constater une propension à ouvrir
inconsciemment les yeux dans cet état mais je le
répète, le décor vu n’est pas le décor réel vu avec les
yeux physique, bien qu’il mime invariablement le lieu
où dort le sujet.

Cette série d’expériences semble indiquer une
hétérogénéité des deux états de conscience, qui reste
néanmoins à prouver de manière plus nette. Quoiqu’il
en soit, si l’état intermédiaire commence bien avec la
phase 1, puisque le « dédoublement » y est déjà
possible, la discontinuité réelle se trouve entre la phase
1 et la phase 2 (on peut retrouver le même type de
discontinuité dans le rêve normal : dans les rêves
légers, on peut avoir conscience en simultané, de son
corps physique et des stimuli extérieurs, dans les rêves
plus profonds, il est nécessaire d’alterner).

~ 641 ~

#.2. Le corps gris

Il s’agit d’un phénomène propre à l’état
intermédiaire phase 2, que j’ai expérimenté tout à fait
par hasard lors d’un faux-éveil (comme je l’ai signalé
plus haut, les faux-éveils ramènent très souvent le
rêveur dans l’état intermédiaire) :

Rêve 10. 18/03/94
Je commence à m’élever dans le ciel, en ramant avec
les bras. Je monte de plus en plus haut, jusqu’au
point où je perds tout repère et je me dis que je ne
devrais pas tarder à changer de plan. Bingo, j’arrive
au-dessus d’un étang noir complètement sinistre. Je
n’y comprends plus rien. Bref, je quitte cet endroit
malsain en continuant à ramer et à mon grand
étonnement, il me semble bien me retrouver dans
mon corps physique qui est en train d’ouvrir les yeux.
Je repense à S.L* qui parlait de sensations visuelles en
rêve, je me dis ‘‘alors on peut ouvrir les yeux en rêve
!’’. En plus, le décor semble réel. Pas sombre comme
pendant les inductions. Mais j’ai vraiment une
sensation bizarre, et je me vois, moi qui suis en train
de ramer, comme un corps gris argent avec des
rayures noires en train de quitter mon corps physique.
Il y a une espèce de bruit bizarre qui m’accompagne,
de haute fréquence. Quand je m’en sépare, j’entends
un claquement sec comme un arc électrique et là je
me dis ‘‘Mince, je me suis dédoublée !’’ Vite, je

~ 642 ~

replonge dans mon corps physique. Je me réveille pas
bien du tout.

Dédoublement classique me dira-t-on. Cependant la
sensation était celle de ramer dans de la glu et de
fournir un effort intense, tout autant que de me
trouver dans un corps lourd et difficile à manipuler ce
qui s’accompagne évidemment d’un intense sentiment
d’insécurité. Voir également Rêve 7. Le phénomène
est généré par un effort vers le haut, comme si le fait
de s’élever amenait un deuxième corps, plus lourd, à
sortir à son tour du corps physique. Ce corps est
généralement perçu comme cotonneux, difficile à
manipuler et désagréable. Il peut sortir en bloc ou par
partie dans cette deuxième hypothèse, il peut sortir
comme un nuage de lait qui irait remplir une forme
transparente, ce qui a d’ailleurs donné naissance à
l’expression de « saignement astral ». Le phénomène
des maux de tête après dédoublement semble
d’ailleurs correspondre à une mauvaise réintégration
de ce corps.

Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne le corps perçu
dans l’état intermédiaire phase 2, jamais il n’apparaît
comme « normal » (comme dans les rêves classiques,
par exemple). Il est gris, avec ou sans rayures,
transparent, vert, blanchâtre, noirâtre etc... (rêve 2, etc)
mais jamais il ne mime le corps physique.

~ 643 ~

#.3. Imagerie du monde intermédiaire

Nous l’avons déjà dit, l’image mime celle du lieu où

« dort » le sujet (à de rares exceptions près), mais sa

luminosité est différente : elle est comme électrique, et
souvent la « sortie » s’accompagne d’un son

caractéristique (bourdonnement, crissement,
claquement, sifflement, son saturé...). Parallèlement, les

« lumières » qui s’y manifestent ne sont ni des soleils, ni
des lampes, comme dans les rêves normaux, mais des

phosphènes, des flashs lumineux, ou surimposition de

dessins ou symboles en 2D1.

Rêve 11. 31/07/94

Assise sur mon lit, je récite le mantra OM. Une
énergie naît du côté droit et se répand. J’essaie de
savoir par quelle narine je respire : c’est la droite. Je
vois passer devant moi des signes graphiques,
mathématiques, symboliques, en noir sur fond blanc,
ils sont disposés sur des cercles, comme dans "le
Cobaye" et passent à toute vitesse. Ça s’emballe, je
vois des éclairs de partout, des boules de lumière, je
commence à me faire une petite peur. (Passage au
rêve normal avec transformation de contenu). Ça
se termine dans une pièce éclairée par un tas de
globes de lumière, comme un salon d’entreprise. (voir
également Rêve 18).

1 En deux dimensions.

~ 644 ~

On peut également éprouver de la difficulté à se
déplacer ou à parler (paralysie) et des forces
inconnues peuvent déplacer le rêveur de côté et
d’autre. De plus, dans l’état intermédiaire, il n’apparaît
jamais de personnages, et lorsqu’il en apparaît, ce n’est
jamais sans « amener » un rêve avec eux, en quelque
sorte, comme on le voit dans l’extrait suivant.

Rêve 12. 07/11/96
Je suis sur mon lit. Je fonce vers le plafond et je me
coince dedans, décide de retourner sur mon lit. (...)
Bientôt, ce que j’appellerais des « contenus gênants
du monde intermédiaire » viennent se manifester
autour de moi sous la forme de deux personnages qui
viennent me déranger dans ma méditation. On dirait
de mauvais moines zen. Je m’en accommode d’une
manière ou d’une autre. L’un d’entre eux me dit de
lire tel livre, que j’y trouverai des réponses, et me
tend un truc invisible. Ils essaient de lire par
télépathie le mantra que selon eux j’aurais en tête
pour en faire je ne sais quoi, mais c’est raté. En
attendant que ça se calme, j’essaie de fixer des
objets, je reste dix secondes sur l’un, dix secondes sur
un autre, etc. Me voici devant une cuisine, je fixe une
bouteille de coca juste sous mon nez, elle se déforme
(à l’évidence, je suis en plein rêve).

Les « habitants » typiques du monde intermédiaire
sont, eux, très différents :

~ 645 ~

Rêve 13. (Dans ce rêve, l’habitant est seulement
entendu)

05/01/97. Crr crrr...
Je sors de mon lit. Après diverses pérégrinations, je
monte je monte, et au moment où je me dis, « mince,
c’est une erreur », Boum, me voici dans ma chambre
avec une sensation très désagréable. J’ai encore
sûrement sorti le corps gris. Hop, je rerentre dans
mon corps et j’attends. Au-dessus de moi. une espèce
de chose passe et repasse en volant avec un bruit de
billes métalliques secouées dans un récipient en bois,
rythmique, et vraiment ça ne me plaît pas.

Rêve 14.(Dans ce rêve, l’habitant est vu... et ne
gagne pas à l’être)

27/04/96
Sensation kinesthésique d’un vent de plus en plus
puissant qui me pousse sur le côté, vitesse
vertigineuse, et soudain je me retrouve dans mon lit
en train de faire une bizarre sortie hors du corps. Une
espèce de chmoll noir me colle après et me pousse à
sortir, genre démon qui voudrait me piquer mon
corps. Je le décolle, je lui dis « Tu es moi, tu es ma
création », il devient blanc avec une tête de mort,
mais il ne m’impressionnera pas et je l’intègre
physiquement.

Rêve 15. (Dans ce rêve, je tombe sur une créature
particulièrement coriace, que je retrouve d’ailleurs à

~ 646 ~

chaque fois que je vais sous mon lit ce qui fait que
j’ai cessé l’y aller)
11/02/95. Le démon du matelas.
Je fais un trou dans mon lit et je saute dedans, ce qui
me fait plonger dans le noir comme Alice sous terre.
Soudain. une créature me saisit les poignets.
– Qui es-tu ?
– Je suis un démon, ici c’est l’Enfer, et tu vas voir ce
que c’est.
Je me dis : « Hop, hop, réveillons-nous tranquillement
et tout ira bien. » Je me retrouve dans mon lit, mais
deux bras noirs me tiennent les poignets, et
l’impression est celui de l’espace mental
intermédiaire. Je jette le démon contre le mur avec
des imprécations. (...)

D’autres personnes voient des sortes de rats, ou de
vermines, se promener dans leur chambre, se font
saisir par les pieds, par les mains, tirer hors de leur lit,
etc... Ce ne sont pas des expériences particulièrement
agréables, et la « protection » la plus efficace consiste à
faire surgir un vrai rêve : pour des raisons que j’ignore,
le rêve donne une sensation de sécurité. Tout ceci, me
direz-vous, ne vous donne guère envie d’aller
expérimenter l’état intermédiaire. D’ailleurs, suis-je
masochiste pour y aller si souvent ? Non, car malgré
ses défauts, c’est un état très intéressant du point de
vue méditatif et énergétique. J’ai pu m’en apercevoir il

~ 647 ~

y a quelques années en y pratiquant le chant
harmonique.

#.4. Chant harmonique / mantras

L’expérience consiste à générer des nappes
d’harmoniques, en chantant des mantras par exemple
(OM), ou simplement des voyelles (A), et en pratiquant
divers exercices.

Méthode :
1 – se dédoubler et s’asseoir sur son lit.
2 – chanter une note (4 secondes d’émission / 4
secondes pour reprendre sa respiration)
3 – favoriser par l’esprit l’émergence d’autres notes. En
général, un chœur se met à chanter derrière vous.
4 – se taire et entretenir le son par la pensée.
5 – vous pouvez y ajouter des balancements (du corps
de rêve), des visualisations (de chakras),
éventuellement une convergence oculaire.

Résultats :

– Il est fréquent que l’on éprouve des difficultés à
démarrer : il faut insister avec patience et
persévérance.

– Les premiers sons qui apparaissent sont les
harmoniques du premier son émis. Ensuite
apparaissent les harmoniques des harmoniques.
L’intensité a tendance à augmenter, surtout dans les
aigus : c’est la sensibilité des oreilles du rêveur qui lui

~ 648 ~

dira où s’arrêter. Pour moi, la question demeure de
savoir si on peut s’abîmer les oreilles en rêve ou pas,
mais mon idée serait de dire que oui.

– L’intensité du son crée dans le corps du rêveur une
énergie (de type prânique, pour employer un terme de
yoga), qui est soit diffuse, soit localisée sur un
« chakra ». Cette énergie peut être déplacée par la
pensée, ou par une variation dans la hauteur du son
de base émis. Là aussi, l’intensité des énergies
générées dépend de ce que le rêveur est disposé à
supporter.

Rêve 15. 21/07/94
Solution au problème de la veille. Il y a deux types
d’harmonisation : celle du haut de la gorge provoque
une modification du son qui fait mal aux oreilles, celle
du fond de la gorge fait apparaître des nappes
d’harmoniques qui provoquent le phénomène
énergétique et qui semblent avoir plus de persistance.
La prononciation d’un nom rend le son plus prégnant
que le simple « A ». (...) J’essaie de créer une
condensation sur le premier chakra mais ce n’est pas
évident, je ne trouve pas le bon son. L’électricité a
tendance à descendre effectivement mais pas
suffisamment pour créer une forte condensation.

– Il arrive que l’énergie emporte le rêveur dans un
tourbillon ou un courant, lumineux ou non.

~ 649 ~

Rêve 17. 17/09/93
Lotus, et récitation du mantra AUM MANI PADME UM.
Le rêve disparaît de nouveau. Je suis dans le noir,
sensation de tournoiement. Je sens que je vais un peu
plus loin que la dernière fois en ce qui concerne le
contrôle de la respiration. J’ai l’impression que mon
corps change de texture, s’évide par atomes.
Expérience reprise plusieurs fois. Sensation d’être
aspirée par le haut plutôt que de tournoiement. Des
voix d’hommes et de femmes récitent le mantra en
même temps que moi sur une dizaine d’harmoniques
différents, comme des chœurs.

Le lecteur sera peut-être surpris d’apprendre que
l’effet de tels exercices est très diminué en rêve normal.
Pourtant, qu’on l’explique de la manière qu’on voudra,
le fait demeure : le meilleur endroit pour obtenir un
résultat, c’est assis sur son corps. Les nappes
d’harmoniques peuvent être générées dans le rêve
normal, mais l’effet énergétique qui les accompagne
est d’une intensité très inférieure à ce que l’on obtient
dans l’état intermédiaire, en général. Il en va de même
pour la pratique de la conscience attentive, qui est la
méthode la plus puissante et la plus fiable pour faire
monter cette même énergie.

~ 650 ~


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