LES ÉTATS NON ORDINAIRES DE CONSCIENCE - Essai d'Anthropologie Expérimentale

VIII. Anthropologie expérimentale

Dans un premier temps, je vais évoquer les difficultés
que j’ai rencontrées dans cette démarche
expérimentale, puis ma méthodologie, et dans un
troisième temps, je présenterai mes sujets, et leurs
récits commentés des séances de transe avec, quand
cela a été possible techniquement, un graphique EEG
montrant l’activité cérébrale pendant la séance. Je
conclurai par une réflexion sur la conscience en état
de transe.

Difficultés de l’expérimentation

Il n’a pas été difficile de trouver des sujets acceptant
de servir de « cobayes » à des séances d’induction
d’états non ordinaires de conscience.

Ils se sont prêtés au jeu sans trop savoir ce qu’ils
allaient vivre et découvrir, et m’ont fait confiance, tout
en affichant une appréhension bien compréhensible
devant l’inconnu lors des toutes premières séances.

La principale difficulté a été de pouvoir mesurer les
ondes cérébrales de mes sujets pendant les séances.

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Au début, je ne savais pas comment faire pour avoir
accès à un électroencéphalographe, je pensais à un
hôpital ou à l’Institut de Psychologie qui dispose de ce
matériel. Mais cela ne me paraissait pas du tout
indiqué car, pour induire des ENOCs de manière
confortable, il me fallait un environnement sécurisant
afin de réunir les meilleures conditions possibles (une
ambiance décontractée) et permettre à mes sujets de
se sentir totalement à l’aise et de ne pas être influencés
par un personnel qui n’est pas familier de ces ENOCs
— conditions d’une bonne expérience personnelle. Je
m’étais déjà décidé à abandonner cette idée
d’enregistrement EEG lorsque je suis tombé sur une
information capitale : l’existence d’un appareil EEG
spécifique destiné aux professionnels de la
psychothérapie et de la relaxation et dont la
construction est dérivée des appareils médicaux. Un
appareil facile d’emploi, à la lecture simple et claire,
pas trop onéreux et utilisable avec un ordinateur — ce
qui facilite l’enregistrement et la relecture des EEG. Je
l’ai donc acquis et j’ai entamé mes séances d’induction
de transe.

Je me suis rapidement rendu compte que nombre
de mes enregistrements EEG étaient faussés suite à
des problèmes d’électrodes et de câbles, et,
finalement, de panne. J’ai dû échanger l’appareil et j’ai
pratiquement fini mes séances expérimentales sans
mesure d’ondes cérébrales. Pour ces raisons, il y aura
peu de graphiques EEG qui accompagneront mes

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comptes-rendus d’expérimentation. Ce n’est pas une
catastrophe dans la mesure où quelques
enregistrements représentatifs sont disponibles. De
plus, cet aspect de mon travail n’est pas le plus
important. Il s’agissait simplement d’une sorte de
contrôle, de test, pour m’assurer que les sujets
entraient bien dans un état non ordinaire de
conscience. L’idée n’était pas de me servir des
enregistrements EEG comme preuve scientifique mais
simplement d’élément complémentaire à mon analyse
des séances.

D’autre part, je comptais y découvrir l’activation de
l’état Thêta, signe d’un état non ordinaire de
conscience, comme l’avait détecté Felicitas Goodman
à Munich — et ainsi que les expériences de Neher
l’avaient déjà montré.

À part ces problèmes d’ordre technique, il n’y a pas
eu d’autre difficulté. Les sujets se sont montrés
coopératifs et intéressés par cette recherche, alors
qu’ils ne savaient pas ce que j’attendais d’eux et qu’ils
n’avaient aucune information qui puisse influer sur le
vécu des séances. Ils se laissaient faire et dans la
mesure où ils en tiraient un bien-être et un vécu
totalement différent de ce qu’ils avaient connu jusque-
là, ils étaient totalement satisfaits.

Ils étaient assidus, toujours présents, toujours
coopératifs, curieux d’explorer leurs profondeurs.
L’appréhension du début a vite fait place au désir de

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connaître et de se connaître et également au désir de
ne pas me décevoir, bien sûr. Cela se voyait lorsqu’une
personne ne « plongeait » pas : elle était plus déçue
pour moi que pour elle, s’en voulant même d’être
« nulle » et de me faire perdre mon temps. C’est arrivé
plusieurs fois avec des sujets différents, c’est un
comportement que j’ai noté chez mes sujets.

Pratiquement toutes les séances ont été enregistrées
sur cassette audio, certaines ne l’ont pas été pour des
raisons techniques : erreur de manipulation, mauvais
fonctionnement de l’installation, ou autre. Toutes les
séances ont été suivies d’un questionnaire où le sujet a
noté ses ressentis, ses expériences, son vécu.
Cependant, j’ai quelques enregistrements EEG sans
récits et je les intégrerai dans mon exposé dans la
mesure où ils sont intéressants d’un point de vue
démonstratif.

J’ai choisi quatre postures principales : Cholula, le
prince olmèque, le voyage dans le monde d’en bas et
la posture de l’ours. Accessoirement, d’autres postures
ont été testées : le voyage dans le monde des morts, la
posture de Galgenberg (non répertoriée car
abandonnée au bout de deux minutes à cause des
douleurs qu’elle occasionne)...

Chaque sujet a fait trois séances pour chaque
posture, ce qui nous amène à un total de douze
séances par personne. Cependant, il m’a paru
intéressant parfois d’y ajouter des séances

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complémentaires pour explorer tel ou tel effet, ou tout
simplement suite à la requête de certains des sujets. Ce
fut le cas par exemple en ce qui concerne le temps de
15 minutes qui a été une fois allongé à 30 minutes
pour observer ce qui arriverait. Cela n’a pas été
probant, mais le nombre de séances longues n’a pas
été suffisant pour en tirer des conclusions pertinentes.

Méthodologie, expérimentation et résultats
sur des sujets en ENOCs par transe induite

L’expérimentation a porté sur les postures de transe
découvertes par l’anthropologue américaine Felicitas
Goodman. Suite à la lecture de ses comptes-rendus
expérimentaux et de ses ouvrages, j’ai voulu me
rendre compte par moi-même de ce qu’elle rapportait
dans ses écrits.

Felicitas Goodman travaille surtout en groupe. Je
voulais savoir quel serait le résultat d’une induction de
transe sur un sujet seul. Dans les groupes de
Goodman, certains sujets, sinon tous, savent ce que
sont les postures et ce qu’elles induisent. Je voulais
éviter ce « parasitage ». Évidemment, étant moi-même
au courant et étant présent pendant la séance,
l’hypothèse d’un transfert inconscient d’informations
entre moi et le sujet ne peut être totalement écarté, le
sujet étant plus sensible et plus réceptif dans cet état
de transe que dans son état normal, son état de veille

~ 305 ~

habituel. Cela n’est important que pour la première
séance, car une fois une série entamée, les sujets
commencent à se faire une idée de ce qui se passe. À
ce moment, l’effet de surprise ne joue plus, le sujet se
familiarise et devient sujet connaissant. Mais il ne peut
compter en fait que sur sa propre imagination et son
propre savoir pour se faire une idée de la transe, car
nul autre participant ne peut lui communiquer son
vécu, à part moi, mais, en tant qu’expérimentateur,
mon silence et ma neutralité sont de rigueur.

En ce qui concerne la méthodologie, j’ai suivi la
procédure utilisée par Felicitas Goodman, procédure
consistant, avant la transe en elle-même, à relaxer le
sujet en lui faisant pratiquer un exercice de respiration
de 10 minutes pour le détendre, d’une part, et d’autre
part, le déconnecter de sa vie quotidienne. Il faut en
fait créer une atmosphère propice, où le sujet se sente
bien, où il peut ouvrir une parenthèse dans sa vie afin
de se rendre réceptif à une autre dimension, celle de la
transe.

Après cette petite séance de relaxation, la posture
de transe est prise et le sujet doit, en principe et dans
la mesure où la transe le lui permet, rester immobile.
Cette immobilité peut être source de tensions
musculaires, mais celles-ci, en général, sont assez bien
reléguées au second plan. Le sujet en a conscience,
mais ne s’y attache aucunement. Au contraire, il porte

~ 306 ~

son attention sur d’autres perceptions induites par la
transe.

Le sujet prend donc la posture et lorsque celui-ci est
bien positionné, j’enclenche mon enregistrement avec
le son du tambour accompagné d’un hochet — j’ai
créé un enregistrement spécial afin de bien simuler les
fréquences généralement présentes lors des véritables
rituels chamaniques ; Felicitas Goodman, elle, n’utilise
que le son du hochet. Le son est directement
« injecté » dans les oreilles du sujet à l’aide d’un casque
audio stéréophonique de type fermé pour éviter les
sons parasites venant de l’extérieur (éventuels bruits
de klaxon, aboiements de chiens, sonneries de
téléphones, portes qui claquent, etc. — la pièce où s’est
déroulée mes expériences est une pièce située sur une
cour intérieure et peu de bruits externes filtrent). Pour
compléter le dispositif, j’utilise également deux haut-
parleurs dont le volume sonore est assez élevé afin de
simuler les résonances physiques du son du tambour
sur le corps physique, ceci afin d’utiliser également les
récepteurs sensoriels kinesthésiques.

Le crâne du sujet est également relié à mon appareil
EEG afin d’enregistrer les ondes cérébrales lors de la
séance. Les câbles sont disposés de telle manière qu’ils
ne gênent aucunement le sujet. Ainsi préparée, la
séance peut commencer. L’enregistrement du
tambour dure 15 minutes. Lorsqu’il se termine, le sujet
sort de la transe et après une courte pause permettant

~ 307 ~

le retour à l’état de conscience habituel, le sujet est
invité à raconter son vécu, son ressenti. Il est
nécessaire de le faire assez rapidement, car, comme
pour les rêves, les sujets ont une mémoire assez
volatile en ce qui concerne les contenus. Ceci est dû à
leur manque d’expérience en ce domaine, car les
sujets habitués à la transe se rappellent plus facilement
et gardent plus longtemps en mémoire les récits
rapportés. Les récits ont donc été enregistrés sur
cassettes audio pour la plupart et ensuite retranscrits.
Lorsque l’enregistrement n’a pas été possible, j’ai pris
des notes et invité le sujet à m’écrire sa séance.

Voyons maintenant plus en détail ces séances.
Chaque sujet est d’abord présenté, ses récits sont
rapportés et commentés. Cette procédure permet de
bien suivre l’évolution du sujet, transe après transe.
Lorsque cela a été possible, un EEG commenté est
annexé.

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Séances expérimentales commentées

A. CATHY

Cathy est une femme de 41 ans, mariée, deux
enfants, femme au foyer, investie dans son ménage et
dans plusieurs activités associatives. Elle mène une vie
équilibrée, a une famille unie et s’intéresse aux
techniques de développement personnel. C’est une
personne dynamique avec un fond nerveux. En
général elle a du mal à rester en place et doit faire des
efforts pour se relaxer. Elle a suivi une psychothérapie
pour dépression il y a une quinzaine d’années, ce qui
l’a amenée à se pencher sur son univers intérieur, mais
pas trop, juste assez pour rester efficace et disponible
dans sa vie quotidienne. Je l’ai rencontrée lors d’un
stage de développement personnel et nous avons
sympathisé. J’ai ensuite fait la connaissance de son
mari, Gérard, dont je dresserai le portait plus loin,
puisque lui aussi a émis le souhait de participer à
l’expérience. Elle a tout de suite accepté de devenir
« sujet d’expérience », pour la bonne cause. Et elle a
été surprise de découvrir un univers inconnu d’elle.

Cholula. Pour cette posture de divination, il convient
généralement de poser une question au début de la
séance. Cette question doit être d’ordre pratique et
concerner le sujet et ses proches. Lors de chaque

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première séance de Cholula, je n’ai pas demandé aux
sujets de poser une question, je les ai juste laissés
entrer dans la transe, sans informations pour observer
leurs réactions. Ce n’est que lors de la deuxième
séance que les sujets pouvaient poser une question.

Note concernant le rythme de 3,5 hz : souvent les
sujets parlent de « la musique ». En fait, il s’agit
uniquement du rythme composé de tambour et de
hochet. Il n’y a aucune mélodie dans l’enregistrement.

#.1. Cathy 06/02/96 — séance 1 — Cholula (1)

« J’ai vu des gens danser avec des plumes sur la
tête. [il y avait] pas mal de monde. C’était
apparemment un village, mais pas noir... plutôt
Polynésie, peut-être à cause d’un film. J’ai plus été
sensible à mes sensations : la légèreté. Mes mains, je
les ai laissé aller. [j’ai ressenti] un engourdissement
comme du coton. C’est ça : légèreté, coton, grande
détente. Et des trucs qui viennent. Il y a des trucs qui
viennent. Sinon pas de vision. Impression de légèreté,
de décoller. Peut-être des gens assis. Ça a dû durer
1/4 d’heure. C’était très agréable. J’ai rarement eu
des moments de détente comme ça. D’habitude, je
suis toujours agitée sur ma chaise, mais là rien du
tout.(...) On est très détendu mais je n’ai pas
l’impression que je m’endormirais. Parfois, je ne
sentais plus rien du tout. Il n’y avait que la musique.
J’étais juste dans la musique et rien d’autre.

~ 310 ~

Raphia. Voilà la matière ! Avec des coiffes. J’ai eu
une sensation d’os. On ne voyait pas leur visage. Ils
étaient plutôt grands et minces. Danse.

Je me sens bien maintenant, légère. C’était très
agréable, très bonne sensation. »

Commentaire : Cathy a une particularité remarquable,
elle présente des lévitations spontanées des
membres. Les lévitations des bras et des jambes
sont habituellement une technique d’induction
hypnotique et s’observent extrêmement rarement
en dehors de ce contexte. Cependant, Cathy — qui
a juste été hypnotisée pour arrêter de fumer il y a
quelques années — n’a jamais vécu ce phénomène
précédemment. C’est une personne plutôt
nerveuse de nature. Pendant cette première séance
de transe, elle a présenté trois lévitations des deux
bras d’une durée chacune de deux à trois minutes.
La levée s’est effectuée sur deux à cinq centimètres
de haut. Parallèlement à cela, j’ai noté un léger
balancement rythmé, certainement en phase avec
l’enregistrement sonore.

Cathy ne voit pas les scènes qu’elle décrit mais
ressent des sensations. Ce qui est important ici, c’est
cette légèreté qu’elle ressent et cette grande
détente sur laquelle elle insiste. En effet, la
conversation post-séance a révélé que Cathy
n’avait jamais ressenti de sa vie une sensation de

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détente aussi prononcée, bien qu’elle ait déjà
pratiqué la relaxation.
EEG : l’électroencéphalogramme montre clairement
une synchronisation des deux hémisphères avec
une dominante à 8 hz. Nous nous trouvons là en
Alpha, signe de détente et de relaxation. Les pics
en Delta (0-3 hz) sont des artefacts liés aux
mouvements musculaires.

Graphique IX-1 : EEG Cathy séance 1
~ 312 ~

#.2. Cathy 20/02/96 — séance 2 — Cholula (2)

« Tam-tam, clochettes, paille, grands personnages.
Je me sens petite et jeune. C’est très agréable. J’ai
l’impression, au début [de la séance], que ma bouche
est très grosse. »

Commentaire : Dans cette séance également, Cathy
présente une lévitation des bras droit et gauche
d’environ dix centimètres chaque. La lévitation est
spontanée, due à la transe et ici aussi connectée à
la sensation de légèreté.
La scène des grands personnages minces avec
paille revient dans cette seconde séance de
Cholula. Peut-on conclure à une continuité de sa
perception, est-elle « connectée » au même « lieu
de transe » ?
Quant à la question posée par Cathy, il n’y a
pas d’informations.

EEG : on remarque dans ce graphique que les ondes
cérébrales sont moins bien structurées que lors de
la séance précédente. De l’Alpha dominant se
manifeste de temps à autre, mais rien de bien net
ne se dégage de ce graphique. Les pics en Delta (0-

~ 313 ~

3 hz) sont des artefacts liés aux mouvements
musculaires.

Graphique IX-2 : EEG Cathy séance 2
#.3. Cathy 04/03/96 — séance 3 — Cholula (3)

« Après que mes mains se soient levées d’elles-
mêmes, j’ai senti qu’à un moment donné mon pied
gauche s’enfonçait un peu dans le sol et que le droit
se soulevait Effectivement, il s’est soulevé de quelques

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centimètres. Mais je pensais aussi que tu l’avais
observé et c’était à la fin, et c’est à ce moment que la
musique s’est arrêtée.

La musique : j’avais l’impression de cailloux dans
quelque chose. J’ai pensé à des cailloux qu’on
secoue. J’ai pensé à de l’eau de temps en temps.
Moi-même, je me sentais bercée, mais vraiment.
[Pendant] un moment, j’ai juste eu l’impression qu’on
pouvait me tourner, mais c’était très court. À un
moment donné — [au bout de] dix minutes ? — je me
sentais penchée à droite et j’avais l’impression qu’on
pouvait me prendre telle que et, hop, un peu comme
un cadavre, finalement, figée, et puis j’avais
l’impression qu’on me mettait dans quelque chose.
J’avais aussi une impression de roue, de charrette, et
moi, portée de travers vers quelque chose qui monte,
genre montagne. Je ne sais pas si ça s’est vu, je me
sentais penchée sur le côté.

À un moment, j’ai entendu comme un bruit de
chien, mais juste un jappement.

C’était très agréable. J’étais engourdie mais me
sentais légère. Ce pied qui s’est levé à la fin, ça m’a
fait bizarre. Comme pour les mains d’ailleurs ! Si le
pied gauche s’était levé, je le laissais venir également.
Je me laissais complètement porter par les sons du
tambour. J’appelle ça la musique.

Un vrai bien-être et un laisser-aller... Maintenant,
après coup, je peux dire que, si à ce moment-là, on

~ 315 ~

avait voulu couper ma jambe, eh bien oui, on la
coupait, quoi. S’il avait fallu le faire, on le faisait.
Cette impression de ne pas agir, de laisser faire.
Finalement, je m’en fichais. Régulièrement, pendant
la transe, je constate que mes membres se soulèvent
et je me dis : je les repose ? Et puis non, je ne les
repose pas, je les laisse aller. Et je suis vraiment bien.

J’ai vu des choses. À un moment donné, j’ai vu une
chose ronde, comme une espèce de gouffre. C’était
fugace. Tout au début, j’ai eu une impression de
cornes, deux cornes, des cornes d’animal, mais pas à
moi, à quelqu’un.

Rien par rapport à ma question.

Je me sens très détendue maintenant. (...)

Maintenant, je me rends compte que quand tu es
en transe, tu ne juges pas, tu profites de la situation.
Tu es complètement dedans. Je suis quand même très
consciente de ce qui se passe, c’est assez marrant.
Mais je laisse passer. Parce ce que ça m’intéresse
beaucoup, c’est peut-être pour ça que je reste en
éveil. »

Commentaire : Ici aussi, comme dans les séances
précédentes, j’observe la lévitation des deux bras et
d’une jambe, la gauche. Pas d’EEG : j’ai eu des
problèmes d’électrodes. Concernant la question,
Cathy ne me l’a pas communiquée.

~ 316 ~

Les perceptions sont plus riches ici, Cathy
commence à s’acclimater à la transe. Elle perçoit
mieux et surtout elle prend conscience de sa transe
et observe ce qui se passe en elle. La « chose
ronde », le « gouffre », correspondent-ils à un
passage vers un autre « lieu » de transe ?

Note : nous avons décidé de refaire une séance en
doublant le temps à la demande de Cathy.

#.4. Cathy 19/03/96 — séance 4 — Cholula (4) (1/2
heure)

« J’évitais de résonner et quand j’avais une envie de
remettre le bras dans une position, je me disais : non,
tu laisses aller. Et j’écoute les sons. Je n’avais aucune
envie de me remettre dans la position tout en ayant
un peu mal. Mais ç’aurait été vraiment un
mouvement volontaire et que je m’imposais et il n’est
pas question, quand je suis dans cet état-là, que je
m’impose quelque chose. Peut-être aussi parce que
j’ai bien décidé de suivre les sons et de me laisser
aller. Alors je me laisse aller. De temps en temps mon
esprit dit : “si tu remets le bras, tu n’as plus mal”,
mais bon, je ne le remets pas. Par contre, je le
laisserais tomber plus bas. Mais j’ai l’impression qu’il
était un peu emporté parce qu’il me paraissait lourd.
J’avais l’impression que les os étaient en bois de ce

~ 317 ~

côté-là. Et pour la jambe, c’est venu assez vite aussi,
cette impression de lourdeur du côté droit.

Au début, c’est très léger dans la mesure où ça
monte tout seul. Mais c’est vrai que c’est bien la
première fois que j’ai l’impression de lourdeur à
droite et un petit peu de douleur. En revanche, je n’ai
pas du tout senti un point dans le dos ou quoi que ce
soit. Mais le bras était lourd et j’ai pensé à du bois.
Du bois à l’intérieur de mon bras. Je voyais bien
comme des... des bâtons, des os, des je-ne-sais-pas-
quoi. Et ça a été pareil pour la jambe et très vite. Le
bras, ça n’a pas été tout de suite, je ne crois pas, mais
quand même assez rapidement. Il m’a fait un petit
peu mal. Mais il faut dire que ce n’était pas une
position très confortable.

Le [bras] gauche, j’ai l’impression qu’il était très
léger. Comme c’était le cas pour les deux, il y a
quinze jours.

On peut dire : une sensation d’euphorie légère. Je
suis bien. Si on excepte cette douleur droite, j’étais
très bien dans ma tête. C’est une euphorie sans
manifestation de joie, alors on peut dire qu’elle est
légère.

Unité de soi, je ne crois pas. Je crois qu’il y avait
moi et puis moi je n’étais pas là en fait, ce n’était pas
moi. C’est cette impression que j’ai eue aujourd’hui.
J’étais déconnectée.

~ 318 ~

Volcan. Je ne sais pas ce qu’il fait là celui-là.
Végétation luxuriante et île. Pourquoi c’est une île, je
n’en sais rien. Ce n’est pas évident. Ce sont des
images fixes. J’ai l’impression d’être près. J’entends le
bruit des vagues. Aujourd’hui, je voyais plutôt qu’on
pouvait me prendre et que j’étais assez figée. J’avais
cette impression que, petit à petit, je serais figée
comme une statue.

C’est venu [les images] tout au début. J’étais
toujours face à la montagne, au volcan, jusqu’à la fin.
J’ai quand même eu cette impression d’être face à ce
paysage, tournant le dos à la mer. Sensation de
présence. Mais rien de plus. Je ne vois pas de
personne, je ne vois pas de sexe, je ne vois pas d’âge,
rien. C’était présent tout le temps. Je devais jouer un
rôle, je suis le centre de quelque chose. Un moment,
je me suis posé la question si nous étions plusieurs à
être dans cet état-là. Ça m’a juste traversé l’esprit.
Donc, oui, c’est comme un rite, si tu veux. J’ai cette
impression, après, de partir en procession. La
dernière fois, j’ai eu l’impression qu’on m’emportait
dans une position assise — mais j’étais comme du
bois. Et cette fois-ci, j’ai eu l’impression qu’on allait
m’emporter là — oui, j’ai eu une impression de
procession. J’étais celui qu’on déplaçait. La dernière
fois, je me sentais jeune fille. Là, rien. Peut-être
quand même plutôt féminin que masculin.

À un moment aussi il m’est venu — mais ça c’est un
peu comme les divinités à Delphes qui étaient un peu

~ 319 ~

droguées et disaient les oracles — et à un moment
aussi cela m’a traversé l’esprit : que je pouvais être
mise dans cet état pour dire quelque chose après. Le
but du rite, peut-être. Mais cela a passé. J’avais
l’impression de respirer très très peu et de temps en
temps je prenais l’air.

Je pense qu’il y avait du monde, mais je ne sais pas
comment il était ce monde. Je ne m’imagine pas du
tout seule, ça, c’est clair. Il y a du monde.

C’était plus pénible que la dernière fois. Mais
vraiment un besoin de laisser aller. Et puis à un
moment, en fait, je l’ai oubliée cette douleur.

Je me sens un peu à la merci. Je n’ai qu’à subir ça.
Ce n’est pas vraiment désagréable, mais je
n’interviens pas. Si ça durait plus longtemps, ce serait
très dur... Je me suis sentie plus légère la dernière fois
que cette fois-ci.

J’avais l’impression que je n’avais pas le droit de
changer quelque chose, je dois vraiment me laisser
porter par ça sans intervenir. (...) Quand je suis en
état de transe, je ne me sens plus obligée de rien du
tout. Il y a quelque chose quand même qui fait que :
eh bien non... J’écoute à nouveau les sons, je rentre
dans la musique et puis c’est tout. Dès qu’une idée
vient, elle est balayée vite fait. Mais, moi, j’ai
l’impression de ne pas avoir de pouvoir de décision à
ce niveau-là. Enfin, ce serait mal vu, mal venu... Mal
venu, ce n’est pas le but. Tu m’as bien dit au départ

~ 320 ~

aussi : tu rentres dans la musique ! Bon, toi, tu me dis
et moi je fais, comme je le sens. Donc, je ne me sens
pas du tout obligée de faire à ce point-là. Pourtant là,
c’est ce qui est à faire, j’ai l’impression, quand je suis
dans la musique. »

Commentaire : Cathy montre également dans cette
séance ce détachement dont elle a maintenant
l’habitude. Elle se laisse aller et elle se perçoit peut-
être dans une île face à un volcan. Elle est aussi
partie intégrante d’un rite dont elle ne sait rien à
part qu’il y a une procession et beaucoup de gens.
Est-ce un processus initiatique en devenir ? Rien par
rapport à sa question, car elle ne l’a pas posée, elle
l’a oubliée, entrant très vite dans la transe. Ici aussi,
ses bras ont lévité et cela est accompagné d’une
sensation de légèreté mais comme la séance a été
plus longue, elle a ressenti un inconfort naissant :
une douleur dans le bras, qui a cependant été
transcendée grâce à sa faculté, pendant la transe,
de chasser les préoccupations de son mental de
veille habituel.

EEG : Ici on peut observer une belle synchronisation
hémisphérique droite / gauche et un stade Alpha
dominant à 10 hz qui correspond à un état de
relaxation. Je ne trouve toujours pas de Thêta
dominant. Où est-il ?

~ 321 ~

Graphique IX-3 : EEG Cathy séance 4

#.5. Cathy 09/04/1996 — séance 5 — monde d’en bas
(1)

« Une roche claire avec un peu de sable et une
tache sombre au milieu. Tout à la fin, une impression
d’être tirée par les pieds ou de subir un allongement
de la jambe droite (agréable). J’ai l’impression d’être
sur le sol à l’extérieur, peut-être au même endroit que
la fois précédente.

~ 322 ~

Les membres (les bras d’abord) paraissent figés. Pas
le reste du corps. »

Commentaire : Cathy présente, là aussi, une lévitation
des deux bras. C’est une posture de voyage et elle
perçoit « une roche claire avec un peu de sable » et
elle se sent à l’extérieur. C’est peu, mais cela entre
bien dans le cadre de cette posture. Elle se sent
bien, son esprit est clair et elle est bien réveillée.
L’enregistrement EEG n’a pas fonctionné : la panne
s’annonce.

#.6. Cathy 23/04/1996 — séance 6 — monde d’en bas
(2)

« Au niveau des épaules, j’ai eu l’impression d’être
soulevée comme si on gonflait quelque chose sous
moi. Je n’ai pas eu de sensation des mains, mais
plutôt de l’air... finalement, je ne me rends pas
compte de ce que c’est.

[Je n’ai pas été soulevée] par des personnes, [mais]
par quelque chose de pneumatique, de l’air.

D’autres fois, il m’avait déjà semblé que des
présences me massaient. Mais là, ce n’était pas des
personnes. Ça venait plutôt comme ça. Alors, est-ce
que petit à petit je me détendais ou... Les bras, c’est
toujours pareil (lévitation), mais j’avais à un moment

~ 323 ~

très très mal dans le bras gauche, et puis finalement,
je l’ai reposé sur le front.

Quand j’ai eu le bras sur le front à nouveau, la
main sur le front, c’est à ce moment-là que j’ai été
poussée dans le dos, soulevée légèrement dans le
dos. Et j’ai eu aussi une impression d’allongement des
jambes. D’abord l’une et puis l’autre tout à la fin.
C’était assez bizarre. Et j’ai eu l’impression d’être très
très longue au niveau des jambes. Et puis je me
sentais comme ça me décaler, avoir une hanche qui
descend.

Et puis quand ça a été terminé, je me suis sentie
vraiment électrique. Ça grouillait dans les membres.
Pas comme des fourmis, électrique. Mais c’était
agréable. C’est la première fois.

De temps en temps, je vois quelque chose : un
masque, un oiseau, un bec. Et puis j’ai eu des
sensations de chien à un moment. Un chien assis à
côté de gens, mais c’est tout.

Je me sens bien maintenant. »

Commentaire : Le bras gauche s’est élevé à 10 cm du
front ; le bras droit à 1 cm du sol. Les jambes sont
restées immobiles. Par contre, son torse s’est
soulevé au moment où elle a parlé d’une poussée
dans le dos. Elle n’a pas vu grand-chose. C’était très
physique cette fois-ci mais le corps subit des

~ 324 ~

transformations : les jambes s’allongent. Pas d’EEG :
panne.

#.7. Cathy 30/04/1996 — séance 7 — Olmèque (1)

« Ça m’a paru plus ennuyeux. J’avais pas mal de
contractures, ça faisait un peu mal. Mais tout en étant
très détendue mentalement. Le corps est contracté
mais l’esprit est détendu. J’ai eu cette impression
d’être un peu figée. Quand mes bras s’élèvent, il y a
d’abord des fourmillements, puis c’est léger et ensuite
j’ai l’impression d’être figée. À d’autres moments, je
sens que je m’arrondis, j’ai une impression d’ovale.
C’est tout.

Je suis bien dans la musique, dans les sons. Pas
d’images mentales.

Je me vois quand même plus dans la nature qu’ici.
J’ai la sensation de montagne, d’être entourée de
relief. C’est une sensation. C’est sombre.

De temps en temps, je pars sur le côté et c’est
quand les sons changent. Ça ne dure pas longtemps.
C’est souvent là que j’ai la sensation de partir sur le
côté et d’être figée. Je me dis que si je tombais, je
resterais dans la position, comme si j’étais en bois. Je
n’ai pas été frustrée d’arrêter aujourd’hui. Ça
suffisait.

Je me suis sentie à l’extérieur dans un lieu sombre
entouré de montagnes, mais c’est le jour. »

~ 325 ~

Commentaire : Cathy se retrouve dans le genre
d’endroit qu’elle « visitait » dans les transes induites
par la posture de Cholula. Ses bras lévitent toujours.
J’ai l’impression qu’elle ne réagit pas à la
transformation et cela est sans doute dû au fait que
ses bras ne restent pas dans la position indiquée
par la posture. Felicitas Goodman, à plusieurs
reprises, insiste sur l’importance de la position des
membres dans les postures de transe. Cathy,
écoutant son corps, laisse ses bras léviter — elle ne
peut pas résister — et modifie donc sa position
initiale. Elle semble donc entrer dans un état de
transe qui lui est spécifique. Je laisse faire, par
curiosité.

#.8. Cathy 07/05/96 — séance 8 — Olmèque (2)

« Je me suis ennuyée au début. J’ai eu mal au dos.
J’ai finalement réussi à décontracter mes bras. Ça
m’a gêné et ennuyé. Les cinq dernières minutes, je
me suis sentie grandir, comme si on me tirait vers le
haut, en pointe. Je crois que je me suis redressée,
c’était agréable, je me suis laissée faire. À partir de
là, ça a été mieux. Mieux, d’un point de vue douleur.
Il restait une petite gêne, mais c’était moins fort.
J’étais plus détendue.

J’ai pensé à des maternités, ou quelque chose
comme ça. J’ai eu cette impression... Mais... je suis un
peu fatiguée. J’étais un peu fatiguée avant de

~ 326 ~

commencer. Je crois que je dormirai bien maintenant.
[Je suis] détendue.

J’ai eu l’impression d’être allongée, tirée vers le
haut les cinq dernières minutes. C’était agréable en
plus du fait que cela faisait cesser presque toutes les
contractures du dos. »

Commentaire : Pendant les dix premières minutes,
Cathy s’ennuie et a mal, elle est sujette à des
contractures. La transe a du mal à s’installer, puis
cela vient. Toujours pas de transformation dans
cette séance mais son corps s’allonge : début d’une
transformation ? Pas d’EEG : l’appareil n’enregistre
rien, il y a un problème.

#.9. Cathy 14/05/96 — séance 9 — Olmèque (3)

« J’ai eu un petit balancement qui me paraissait
tout petit mais très perceptible. Là j’ai eu cette
impression d’être un petit peu aidée, dans le dos. À
un moment ça s’est arrêté et puis ça a repris tout de
suite. Quand j’ai senti que j’avais les bras trop raides,
j’ai laissé tomber et puis je me suis remise dans la
musique et je crois que ça se relevait à chaque fois.
J’ai vraiment senti le balancement. C’est la première
fois que je sens cela comme ça.

Je suis toujours dans la campagne. Je suis à
l’extérieur, j’ai une sensation de terre, d’être dehors,
mais je n’ai pas d’image.

~ 327 ~

Je ne me pose pas la question de savoir qui je suis.
Non, je ne suis pas Cathy. J’ai l’impression de ne pas
être quelqu’un. Je ne me pose pas la question. J’ai la
tête claire mais je ne sais pas qui je suis. J’ai
l’impression de jouer un rôle, de prendre la place de
quelqu’un. Pendant la séance, je fais autre chose. Ce
n’est pas moi, c’est vrai : j’ai l’impression d’être à la
place de quelqu’un.

Dans la mesure où tu prends des statuettes qui ont
été sculptées et que tu nous fais prendre cette position
— et cette position a été prise sur quelqu’un qui était
comme ça au moment de rites ou quelque chose
comme ça — il y une fonction pour celui qui est
planté là avec sa langue. Un moment je me suis dit :
est-ce que cette langue n’attend pas une offrande ?
Quelque chose comme à l’Église, finalement. Ça
m’est venu tout à l’heure. Il ne se passe rien, mais il
se passe quand même quelque chose.

Je n’étais pas une chose mais une personne.
Femme. Dans cette posture, je ne me pose pas la
question. C’est un rôle que je joue. Je suis aussi là
pour jouer le rôle de la personne qui a inspiré celui
qui a fait la statuette. Ça, c’est ce que je me dis.
Quand je suis dans la musique, je ne suis plus Cathy.
À chaque séance, je suis toujours la même personne,
j’ai l’impression que cela ne change pas. Je change
de position, oui.

~ 328 ~

Les bras se lèvent vraiment quand je me dis :
“Retourne dans la musique”. J’ai bien sûr des
souvenirs qui passent et j’essaye de ne pas me laisser
distraire par ça. Parce que j’ai envie de revenir dans
la musique, toujours. Mais je n’ai plus au début de la
séance cette sensation de bien-être tout de suite. Les
premières fois, dès que tu mettais l’appareil en route,
je me sentais gonflée, bien, enveloppée, c’est plus
subtil maintenant, c’est moins précis.

J’ai déjà eu ça une fois : une idée de chien. Et une
idée d’aigle aussi, de rapace. Cette idée d’animal,
mais je ne me voyais pas moi comme animal, mais
j’ai eu cette sensation. Aujourd’hui, oui. À d’autres
reprises aussi, il me semble, ça m’est déjà arrivé de
penser à un chien ou un loup. Et à un rapace. »

Commentaire : Cathy est bien en transe cette fois-ci.
Les mouvements spontanés de va-et-vient sont un
indice évident. Le balancement est signe de transe
dans les postures et il débouche généralement sur
une sensation forte d’euphorie qui peut aller
jusqu’à une sensation de plénitude extatique.
Cependant, il est tout de même rare que le sujet en
arrive là. Le plus souvent, une joie intérieure et une
forte euphorie sont atteintes, sans plus. Elle ne se
sent plus être Cathy mais une autre personne
qu’elle n’arrive pas à définir. Chose intéressante,
elle essaye de contrôler ses bras qui se lèvent
toujours d’eux-mêmes. Elle ne se transforme pas

~ 329 ~

encore complètement en animal, elle en a juste la
sensation ; en tous cas, elle est sur la bonne voie.
Toujours pas d’EEG.

#.10. Cathy 21/05/96 — séance 10 — Ours (1)

« Il ne s’est rien passé.
Ce n’est pas facile d’être debout. Ça fatigue. Je me
suis un tout petit peu ennuyée. Déjà le fait d’être
debout, ça ne me plaisait pas. Légers balancements,
d’une jambe sur l’autre. Cette séance m’a mise de
mauvais poil.

Je me sentais plutôt dehors, la nuit. Pas plus. La
terre, sèche, c’est tout.

J’avais déjà un a priori contre la position debout.
Peur d’être fatiguée, d’avoir mal aux jambes. Je
n’aime pas les positions debout sans bouger parce
que j’ai des problèmes circulatoires assez importants.
J’ai mal aux jambes quand je suis debout. Là, c’était
en fait supportable.

Bien que je me sois ennuyée, ça a dû durer dix
minutes, j’ai cette impression. »

Commentaire : Lévitation légère des deux mains et
avant-bras sur le devant du corps vers l’avant. Léger
balancement. Peu de réceptivité à la posture.
Inconfort et appréhension. Pas d’EEG

~ 330 ~

#.11. Cathy 28/05/96 — séance 11 — Ours (2)

« J’aime pas trop la position debout. Mais à un
moment j’ai eu comme une impression d’être en haut
d’une montagne, j’avais l’impression que je pourrais
écarter les bras et voler, j’avais l’impression que ma
tête tournait à droite. Mais c’est la seule chose qui
peut être intéressante.

Je n’ai pas décollé finalement.
De temps en temps, je me suis sentie bien.
De temps en temps j’ai eu l’impression d’oiseaux,
grand bec, grands oiseaux, préhistoire. Très très
ancien. »

Commentaire : Décidément, Cathy ne « fonctionne »
pas très bien avec cette posture. Pas d’EEG.

#.12. Cathy 04/06/96 — séance 12 — Ours (3)

« J’étais plutôt dehors que dedans. Loin d’ici. C’est
tout.

Il y a sûrement des présences, mais il n’y a rien. J’ai
l’impression qu’il fait nuit.

À un moment ma jambe gauche s’est enfoncée un
petit peu. Elle s’est un petit peu crispée. J’avais
l’impression d’être plus large. J’ai aussi l’impression
que je ne sais pas en quoi je suis, mais je ne suis pas
en chair. D’être un peu figée. Plutôt du plastique,

~ 331 ~

quelque chose de lisse, d’assez chaud, tiède.
[impression]

J’ai encore une forme humaine. Bien qu’à un
moment j’avais l’impression d’un grand poitrail,
d’être bien large. J’ai toujours cette envie de me
casser en deux, de me rouler. De temps en temps,
j’avais cette impression qu’on me pliait.

Je voyais des montagnes au loin.
Ni chaud ni froid. J’ai un peu balancé de temps en
temps. La respiration est très ralentie. C’est plutôt
agréable. C’est un état un peu de léthargie, très très
ralenti. De temps en temps, j’ai l’impression que la
musique monte, devient plus dense, un peu comme
dans une symphonie quand les violons arrivent. À ce
moment-là, une impression d’être gonflée comme ça,
qui est effectivement très agréable, mais fugace.
La position debout m’est inconfortable. »

Commentaire : La sensation d’être large serait-elle en
rapport avec l’ours ? Aucun indice ne le laisse
supposer. Toujours lévitation des mains. Pas d’EEG.
Cette série « ours » a été décevante : la transe de
guérison ne s’est apparemment pas manifestée. Sur
ce, nous avons réitéré une séance « monde d’en
bas ».

~ 332 ~

#.13. Cathy 28/06/96 — séance 13 — Monde d’en bas
(3)

« Scarabée. Comme ça, juste une impression de
scarabées, c’est tout.

J’avais l’impression de ne pas être bien dans la
transe.

Chaque fois qu’un bras se lève, j’ai cette impression
d’être figée. Et ça a beau me faire un petit peu mal de
temps en temps, je suis figée. Quand ça retombe —
c’est retombé deux ou trois fois — ce n’est pas
vraiment volontaire. Quand ça tombe, je me dis
“ouf”, mais j’essaye vraiment de rester dans la transe
et de laisser faire.

Aujourd’hui, j’avais plutôt l’impression d’être en
bois. Plus du bois, parce que j’ai cette impression
d’être desséchée. Oui, un corps vivant qui se fige,
comme s’il se desséchait. Dans la mesure où c’est
figé, je n’ai pas de sensation de vie. Pas
d’environnement. Mais [je suis] plutôt dehors que
dedans. Dès que je ferme les yeux, je ne suis plus ici.
Je n’ai pas plus de sensations que les autres fois,
alors je suis peut-être toujours au même endroit.

C’est un endroit où je n’irai pas spontanément, je
ne suis pas attirée par les voyages au loin. Et ça me
paraît loin. C’est sombre. C’est tout. »

Commentaire : La lévitation des deux bras est toujours
présente, c’est une constante chez Cathy. Elle

~ 333 ~

perçoit de nouveau cet endroit sombre, qu’elle
connaît pour l’avoir déjà perçu dans d’autres
séances de transe. Elle ne semble pas entamer un
voyage mental mais reste apparemment « coincée »
comme s’il lui était impossible de franchir un certain
stade et de vivre une expérience plus riche, plus
profonde. Cela est certainement à mettre sur le
compte de la lévitation des bras qui modifie la
posture.

B. ANNE

Anne, 41 ans, est éducatrice spécialisée et travaille
dans un établissement scolaire pour adolescents
difficiles ; son travail lui permet d’être indépendante et
libre. Elle n’est pas mariée et vit seule. Ses centres
d’intérêts gravitent autour de l’occultisme et de la
magie cérémonielle occidentale, mais de manière
relativement superficielle. Elle n’a aucune
connaissance du chamanisme, et n’a vécu aucun état
non ordinaire de conscience qui aurait bouleversé sa
vie. Je l’ai rencontrée en 1990 lors de mon enquête de
maîtrise concernant l’alchimie (elle ne pratique pas du
tout l’alchimie mais gravite occasionnellement autour
de ces groupes). Toujours friande de nouvelles
expériences, elle a accepté avec plaisir de faire partie
de mes sujets.

~ 334 ~

#.1. Anne 15/02/1996 — séance 1 — Cholula (1)

« Sensations de légèreté et de lourdeur en
alternance. Au début, il y avait les chevaux. Il y avait
le côté indiens d’Amérique. C’était très confus. Je
voyais des indiens qui dansaient, mais j’ai
l’impression que c’est une image créée. Par contre, à
un moment donné, j’ai eu — mais ça s’est dissipé très
vite — l’impression d’être dans une clairière, il y avait
un endroit... c’était la nuit, dans la nature. Je n’ai pas
vu de feu, mais c’est comme si il y avait eu un feu.
C’est assez difficile à expliquer. C’est un peu le genre
d’endroit qu’on voit dans les westerns, le bivouac.
Mais en même temps ce n’était pas une forêt. Ce qui
est bizarre c’est que je n’ai pas vraiment vu quelque
chose, mais ce n’était pas une forêt. Il pouvait y avoir
des collines... Maintenant je vois l’image, mais avant
je ne la voyais pas... Et puis après, ça s’est
complètement arrêté. Plus rien du tout. Mais par
contre, j’ai eu des phénomènes physiques, ou plutôt
corporels très étranges. À un moment donné, il a
commencé à y avoir [une sensation] comme si
certains muscles se rallongeaient ou une tension qui
lâche, mais très doucement. Et puis à un moment
donné j’ai commencé à balancer. C’était très
agréable et en même temps sur le coup, j’ai eu la
trouille parce que... le premier réflexe c’est de vouloir
arrêter la chose et... après non. Et puis après c’était la
tête, et après, c’était fini [la séance]. J’avais la
sensation d’être plus légère. Par moments, c’était

~ 335 ~

comme s’il y avait une fraîcheur. Pas froid. Je me
sentais très très stable. J’avais mal au dos. Mais cela
ne m’a pas embêté, c’était une toute petite gêne. Je
me sens très bien maintenant. Mieux qu’avant. »
Commentaire : Le rythme sonore semble induire ces
images d’Indiens d’Amérique. Anne semble bien
réagir à la transe. Elle ressent ces balancements
spontanés typiques. Pour une première séance,
c’est bien.

EEG : L’appareil fonctionne mal : on le voit à l’absence
d’informations entre 19 et 31 hz. Il y a aussi beaucoup
d’artefacts qui indiquent une activité musculaire

~ 336 ~
Graphique IX-4 : EEG Anne séance 1

abondante : Anne bouge, elle se balance. On peut tout de
même discerner une synchronisation des hémisphères
cérébraux — et c’est pour cela que j’ai finalement gardé
cet enregistrement, bien qu’il soit mauvais — et un stade
Alpha peu prononcé mais bien net à 8-9 hz
pratiquement tout au long de la séance et bien visible
entre la sixième et la dix-huitième minute.

#.2. Anne 20/02/96 — séance 2 — Cholula (2)

« C’était très bizarre parce que j’avais l’impression
que je n’étais pas en ondes Alpha. Enfin, c’était
différent des autres fois. C’est difficile à expliquer
avec des mots, mais je suppose que ces ondes alpha,
ça correspond à une perception vraiment précise,
c’est-à-dire une sensation dans le cerveau, et celle-là
je ne l’avais pas vraiment aujourd’hui. Donc, j’ai
l’impression d’être restée très consciente et très
présente, alors que les autres fois, j’étais plus partie, il
me semble. Mais, sur le plan physique, je peux dire
que ça a déménagé !

Ça a commencé à pulser d’abord au niveau de la
gorge, puis ici [montre son plexus], puis en bas
[montre son ventre], puis en fait pendant
pratiquement la majorité du temps, c’était au niveau
du ventre. Je suppose qu’on l’appelle le hara. Et donc
là je sentais vraiment des pulsations comme le sang
qui bat mais c’était probablement dans les corps
subtils, je ne sais pas.

~ 337 ~

Ça m’a fait jubiler, tout ça. Et puis, à un moment
donné, j’ai ma volonté qui a dit : “Je voudrais que ça
bouge au niveau de la colonne vertébrale”. Parce
que, au début, je ne bougeais qu’au niveau de la tête
et ça, c’est une pensée vraiment... pas vraiment
normale comme maintenant. (...) Et, hop, ça s’est mis
à bouger par là !

Et alors là, c’était assez bizarre parce que cela me
faisait penser à des danses indiennes. Enfin
hindoues ! Les femmes qui se contorsionnent d’une
certaine manière... et là aussi c’était quelque chose
de très agréable. Par contre, par moments il y a eu —
ça m’a passé très vite — une sensation d’ennui qui
tombe, pouf ! Et puis ça repartait. Ça c’est la première
fois, parce que, jusqu’à présent, je ne me suis jamais
ennuyée. Et de l’euphorie, aussi. Même presque de
la... une espèce de jubilation. C’était vraiment un
plaisir, ce corps qui bougeait dans tous les sens. Et en
même temps une espèce de tension dans le bras droit
et j’ai l’impression que, lentement, je le déplaçais
pour me débarrasser de ça. Alors quand j’y pensais,
je le remettais et..., voilà en gros.

À un moment donné j’ai eu la sensation — mais je
n’ai pas vu — j’avais l’impression d’être sur une
espèce de haute montagne et j’essayais de voir s’il y
avait une présence, je n’ai pas senti de présence cette
fois-ci comme la dernière fois. Mais à un moment
donné, là, je ne sais pas... Est-ce que je l’ai visualisé ?
Une espèce de... Bon, moi ça m’a fait penser au

~ 338 ~

Christ. Mais je pense que c’est une image, un certain
personnage mythique qui existe dans mon imaginaire,
qui était très grand au-dessus de moi. Et puis, je ne
sais pas, qui me bougeait un peu, comme s’il tirait
quelque chose au niveau de la tête.

Je sens à peu près constamment, actuellement, des
espèces de... comme une pression. Jusqu’à présent,
c’était plutôt derrière et là, c’est carrément là [montre
le sommet de la tête]. Mais, j’ai lu un bouquin sur les
chakras très récemment et j’ai appris que le chakra
coronal c’était là, alors du coup je le sens là. Alors là
aussi, quelle est la part d’autosuggestion et la part
de...

Il y a des moments, et là je te parle de la vie
courante, où cela devient presque désagréable. Il
suffit que j’y pense et je le sens.

Et puis bon, là effectivement, j’avais l’impression
d’avoir senti vraiment les chakras. C’était très ténu,
mais bon pareil, pas d’images. Alors à un moment
donné, j’étais fâchée parce que je n’avais pas
d’images. Enfin, je me suis rendue compte que j’avais
une sensation d’irritation parce qu’il n’y avait pas
d’images. Alors, j’ai voulu en appeler, mais ça n’a pas
marché.

La question que j’ai posée est : “Comment me
débarrasser de ces blocages”. Et j’ai l’impression que
la réponse c’est tous ces mouvements. Parce que là
d’un côté, je suis un peu fatiguée, mais j’ai

~ 339 ~

l’impression que ça a vraiment déménagé. Je me sens
bien, très bien. À part cette tension dans le biceps.

En gros, je crois que c’est tout.

C’était très intéressant sur le plan physique, cette
sensation de spirale dans le mouvement de la
colonne vertébrale et ce sentiment de confiance qui
vient. »

Commentaire : De nets progrès depuis la première
transe de Cholula. La confiance s’installe, la transe
s’approfondit. Elle a bougé le pied à un moment :
sentiment de mieux-être — ajustement de la
posture ? Les mouvements de balancements se
transforment en des sortes de mouvements amples
et circulaires. L’euphorie s’installe et croît jusqu’au
plaisir. Après la séance, elle est bien dans sa peau.
La question est claire et la réponse également.
L’enregistrement EEG ne « parle » pas : il y a
beaucoup trop d’artefacts qui recouvrent les
mesures EEG.

#.3. Anne 01/03/96 — séance 3 — Cholula (3)

« Cette histoire de balancements qui a repris. Et à
un moment, j’avais vraiment l’impression qu’il y avait
quelqu’un, quelque chose... Enfin, c’était humain,
disons... Enfin... peut-être, pas une bête. Pas vu, mais
senti. Mais c’était très diffus. Et puis à un moment
donné, après, je crois que s’est créé par-dessus une
espèce de construction que j’ai essayé de faire à partir

~ 340 ~

de là. Enfin, c’était très ténu. En fait à un moment
donné j’ai eu l’impression que c’était là, à droite, et
ensuite c’était sur la gauche et j’avais l’impression
qu’en fait ça essayait de me tourner la tête.

Là où c’était désagréable, c’est que j’ai vraiment
senti toutes mes tensions physiques. D’ailleurs, j’ai
encore mal. Les épaules sont très crispées. Et ça,
c’était un peu une gêne, et en même temps je sentais
que les mouvements étaient censés un peu détendre
ça. Et ça marchait un petit peu. Disons que je me suis
un peu détendue, mais ça se retendait...

Le sexe de ce quelqu’un ? Masculin.

Au début, mais j’avais déjà ça avec les autres
[séances], [j’ai ressenti] comme une espèce de sorcier
indien qui danse. Mais c’était quelqu’un de plutôt
vieux, je dirais. Mais en même temps je ne le voyais
pas.

Ensuite il y avait aussi des moments où j’étais très
mentale. C’est à dire où effectivement je me rendais
compte que j’essayais de nouveau de diriger un petit
peu les choses. Je me suis rendue compte que je
coinçais au niveau du plexus, non, plutôt au niveau
du nombril. J’ai laissé aller, le mouvement est un petit
peu descendu au niveau des hanches. Ça remontait.
Et je sentais vraiment une résistance quand... Ah oui,
à un moment donné c’était très bizarre parce qu’au
niveau de la gorge, il y avait comme une espèce de
boule qui pulsait. Et puis à un moment donné j’ai

~ 341 ~

vraiment eu l’impression qu’il allait y avoir une
espèce de décharge émotive et puis là, le mental a
bloqué. Et après j’ai mis un petit moment pour me
laisser de nouveau aller dans le mouvement. Mais ce
mouvement de la tête c’est vraiment quelque chose
qui... ça ne vient pas de mon mental, c’est quelque
chose de spontané. Alors, évidemment, j’ai des
pensées qui sont très rapides, comme des flèches.

Par contre, par rapport à la question : aucune
réponse. »

Commentaire : Sa transe est très physique. Elle se
balance beaucoup et est très euphorique. Elle sent
aussi une présence, signe qu’il se passe quelque
chose, mais on ne peut encore rien en conclure.
C’est le signe de « giclées » d’endorphines dans son
cerveau. Dommage que je n’aie pas d’EEG de cette
séance, je pense qu’il aurait été intéressant. Anne
est un bon sujet.

#.4. Anne 08/03/1996 — séance 4 — Monde d’en bas
(1)

La séance a été stoppée car Anne ne la supportait
pas. Elle a en effet ressenti des douleurs extrêmement
désagréables dans les bras et des contenus psychiques
désagréables ont émergé. De ce fait, nous avons
décidé de tenter l’expérience encore une fois avec
cette posture et de voir.

~ 342 ~

#.5. Anne 04/04/96 — séance 5 — Monde d’en bas (2)

« Tout un défilé d’images. Des trucs très quotidiens,
du boulot... de la télé, j’ai pensé à Sharon Stone1 à
un moment donné.

Ce n’était pas très intéressant. Zéro. Mon bras
glissait (celui qui est sur le front), ça m’a empêché de
m’endormir. Autrement, j’aurais certainement dormi.

Par contre, le bras ! J’ai mal dans le biceps
maintenant. Ça m’a vraiment irrité. (...) »

Commentaire : Elle ne semble pas être entrée en
transe et cela est certainement dû à sa douleur
dans le bras. Nous avons décidé d’arrêter
d’expérimenter avec cette posture car elle ne lui
convient pas du tout. Ses douleurs dans les bras lui
rappellent des souvenirs douloureux de son passé.
Cela court-circuite la transe.

#.6. Anne 09/04/96 — séance 6 — Olmèque (1)

« J’avais la sensation que j’avais des pattes et que
j’étais un peu comme un animal, comme un chat
finalement... À un moment donné, je commençais à
partir d’avant en arrière. Et là aussi j’avais
l’impression d’une sorte de rythme... un peu comme
animal qui va partie faire une course, un truc comme
ça. C’était uniquement au niveau physique, dans la

1 Une actrice de cinéma américaine très connue.

~ 343 ~

tête, il n’y avait pas d’images. C’était au niveau des
bras et des mains. C’est tout. C’était intéressant. La
colonne aussi. Comme si le dos était l’échine d’un
animal. Ça pourrait être un cerf, un animal de ce
genre. C’est la première fois que j’ai cette sensation-
là. (...) J’avais la tête plutôt vide. »

Commentaire : Pour une première posture de
transformation, c’est plutôt bien. Anne sent des
modifications physiologiques. Son mental est vide,
signe qu’elle se laisse aller, qu’elle est réceptive. On
observe également des mouvements de
balancements d’avant en arrière, toujours signe de
transe. Pas d’EEG : toujours des problèmes.

#.7. Anne 15/04/96 — séance 7 — Olmèque (2)

« C’était formidable. J’ai effectivement eu des
vagues d’euphorie et une sensation de liberté
absolument extraordinaire.

Je suis partie très très vite [dans la transe], c’était
presque immédiat. J’ai essayé de me concentrer sur le
troisième œil et là j’ai vu une espèce de boule de
lumière avec deux mains qui la tiennent. J’ai eu très
tôt la sensation alors que j’étais toujours dans le
même endroit que d’habitude — je sais que c’est la
nature, la montagne, des collines — et là j’étais
vraiment dans une espèce de lumière laiteuse. Et
alors je cabriolais [rires]. Je ne sais pas si j’étais un
animal mais il y a vraiment les pattes avant, les pattes

~ 344 ~

arrières... Et je sentais mon dos vraiment comme...
mais je crois que c’était à la limite presque plus
proche de la chèvre... À des moments, j’avais
carrément envie de sauter. Enfin, je me suis vraiment
amusée. Et j’avais l’impression d’une sensation de
galop aussi et de ne pas être seule non plus comme
s’il y avait d’autres bestioles comme moi, autour de
moi. On courrait, on sautait sur des rochers.

Je ne voyais pas les rochers, mais c’est tout à fait la
sensation que ça pouvait donner. C’est-à-dire un sol
qui n’était pas plat... Et alors quelque chose de très
euphorique et libre.

Voilà, c’est tout. C’était très très très agréable. »

Commentaire : Fort balancement d’avant en arrière.
Anne est bien dans la transe et plonge dans la
transformation. Son récit parle de lui-même.

EEG : Les balancements importants rendent l’EEG
illisible. Je ne l’insère ici que pour montrer l’ampleur
des artefacts face au calme du début de la séance
où Anne immobile. Dans ces cinq premières
minutes, on peut tout de même noter que les deux
hémisphères sont synchronisés et que ses ondes
cérébrales sont en Alpha dominant à 8 hz, puis à 7
hz.

~ 345 ~

Graphique IX-5 : EEG Anne séance 7

#.8. Anne 22/07/96 — séance 8 — Olmèque (3)
« J’ai commencé à remuer très très vite. Je pensais

que ça mettrait un certain temps à se déclencher
parce qu’on n’a pas travaillé depuis un bon moment.
C’était quasi immédiat. Une fois, c’était à la base de
la colonne vertébrale, un autre fois, c’était le cou.

Au début, j’ai eu une sensation euphorique parce
que j’avais l’impression de voguer. C’était très court.

~ 346 ~

J’étais bien dans ma tête. Pas d’images, alors de
temps en temps, j’essayais de me concentrer un peu
sur mon troisième œil.

Au début, j’ai eu une sorte de sensation africaine. À
un moment, il y avait aussi une sorte de musique, il y
avait une sorte de mélodie que je n’entendais pas
vraiment mais qui me semblait exister. Et deux notes
très aiguës que j’ai entendues presque tout le temps.
Très jolies. C’était un son plus doux que des cloches.
Comme dans le lointain comme si j’entendais la
résonance d’une cloche. Ça a pratiquement duré tout
le temps de la séance. Quand une cloche sonne,
après il y a eu une vibration. Eh bien, c’est cette
vibration-là que j’entendais. Voilà.

C’était agréable sans plus. »

Commentaire : Pas de transformation cette fois-ci. Pas
d’EEG.

#.9. Anne 22/07/96 — séance 9 — Ours (1)

« C’était totalement physique. J’ai tout de suite
commencé à bouger. J’étais un peu consciente, ce qui
fait que je bloquais un petit peu les mouvements.
Alors une fois c’était les hanches d’avant en arrière, à
un moment donné comme si j’étais assise sur un
cheval, comme un cavalier qui fait des sursauts sur sa
selle. C’est-à-dire les deux jambes, les deux genoux
qui bougent en même temps. À un autre moment,
c’était décalé, un genou qui montait, l’autre qui

~ 347 ~

descendait. Puis le contraire. Donc mouvement
alternatif. De temps en temps, je me balançais sur les
orteils. À un moment donné, il y avait les pouces qui
commençaient à tourner puis les mains qui
commençaient à taper. Je commençais à respirer
dans le rythme, un peu saccadé. Je crois que c’est la
plus folle de toutes les expériences qu’on a faites. Et
alors, sensation d’euphorie, de plaisir, de joie de
vivre, de liberté aussi qui était assez extraordinaire.
Tout en ayant toujours quand même ce petit coinçage
quelque part qui revenait de temps en temps. Je crois
que ça pourrait encore aller plus loin. C’est vraiment
une danse. J’avais le sentiment d’être ailleurs. Mais
où ? Dans une sorte de no man’s land... Peut-être
dans la même région dans laquelle je me retrouvais
au début. Là, je n’ai pas vu de paysage ni rien, mais
c’était un peu la même ambiance. Par rapport à avant
où je disais africain, là c’était plutôt indien. Je crois
que c’est la musique qui évoque pour moi un peu la
danse des sorciers ou les danses dans les films où les
Indiens dansent autour du feu. Voilà. »

Commentaire : « Danse de saint Guy ». Anne a remué
dans tous les sens. Cela l’a vraiment rendu
heureuse et plus libre. Sa sensation de liberté et
d’euphorie lui font beaucoup de bien.

~ 348 ~

#.10. Anne 22/07/96 — séance 10 — Ours (2)

« Par rapport à avant, je n’ai pas eu cette sensation
d’euphorie ni cette sensation d’énergie que j’avais
très fortement avant. Mais j’étais quand même dans
un état de bien-être très très agréable. Par contre au
début, les mouvements étaient beaucoup plus coulés,
plus doux, un peu comme une vague. À un moment
donné, je me suis rendue compte que j’étais... comme
si j’étais dans une boîte de nuit, en fait. Ça n’a pas
duré. Et là, j’ai eu la sensation qu’il y avait quelqu’un
qui me regardait. Ça a passé très vite. Après, c’est
devenu plus saccadé, j’ai recommencé à respirer
d’une manière saccadée, dans le rythme.

J’ai commencé à chanter. Une espèce de son grave
est sorti de ma gorge. Ça a duré presque jusqu’à la
fin. J’ai trouvé que c’était très court : 10 minutes.

Là, ce qui s’est passé, c’est que j’ai senti comme un
vertige au niveau de la cervelle. Dans les autres
séances, j’ai eu l’impression que la tête restait
normale quand même et j’observais un petit peu en
même temps ce qui se passait dans mon corps. Dans
celle-ci, j’ai plus l’impression d’avoir été en transe.
Alors que pourtant, c’était à priori moins fort. Mais je
crois que j’ai mieux décroché au niveau de la cervelle.
Ceci dit, il y a toujours cette sensation de stabilité. Je
n’ai jamais eu l’impression de perdre mon équilibre.
Là j’ai vraiment oublié le lieu, alors qu’avant, malgré

~ 349 ~

tout, je restais consciente que je restais ici. En gros, je
dirais que c’est ça la différence. »

Commentaire : De nombreux mouvements variés, mais
plus « coulés » que ceux de la séance précédente.
Tout se passe comme si le déblocage de son corps
était achevé. La transe change de nature et elle a
des sensations dans son cerveau maintenant.
Toujours pas d’EEG.

#.11. Anne 26/07/96 — séance 11 — Ours (3)

« Je me sentais vraiment centrée sur moi-même.
Pas d’images, pas de souvenirs. Quelques impressions
un peu diffuses. Par contre, c’était comme si je sentais
tout mon corps très clairement. Par exemple, les
endroits où ça faisait un peu mal, ou les muscles
étaient un peu tendus. Je sentais tout cela très
clairement. C’est la première fois. Je n’arrive pas à
expliquer.

J’ai complètement perdu la notion du temps.

Pour le corps, je pense qu’il y avait une sorte de
vision. Par exemple, c’est quelque chose que je fais
aussi quand je fais des exercices de yoga nidra : ça
consiste à se promener dans tout le corps. Et là,
c’était un peu pareil, comme si ma conscience se
baladait dans le corps. Mais en même temps, le
cerveau restait très clair. À la fin, je commençais à
être en transe. Mais pendant un long moment, je
n’étais pas en transe, parce que j’étais en train

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