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Ce travail de recherche s’attache à montrer les similitudes que l’on peut constater entre certains états non ordinaires de conscience (ENOCs), tels la transe ecsomatique (OBE), le rêve lucide, les expériences de mort rapprochée (NDE), les expériences décrites comme des « enlèvements par les extraterrestres » et la transe chamanique induite par les postures de transe découvertes par l’anthropologue Felicitas Goodman. <br>Cette recherche décrit aussi comment l’anthropologie expérimentale peut se révéler être un outil d’exploration du chamanisme. Les séances impliquant les postures de transe, présentées dans cette thèse, montrent comment des sujets occidentaux, n’ayant eu aucun contact notable avec le chamanisme, délivrent des contenus de nature chamanique.<br>Enfin, ce travail met en relief les liens entre les ENOCs et les « géographies de l’invisible », i. e. les différents plans et niveaux de l’outre monde.

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Published by Michel Nachez, 2020-02-17 06:34:50

LES ÉTATS NON ORDINAIRES DE CONSCIENCE - Essai d&#39;Anthropologie Expérimentale

Ce travail de recherche s’attache à montrer les similitudes que l’on peut constater entre certains états non ordinaires de conscience (ENOCs), tels la transe ecsomatique (OBE), le rêve lucide, les expériences de mort rapprochée (NDE), les expériences décrites comme des « enlèvements par les extraterrestres » et la transe chamanique induite par les postures de transe découvertes par l’anthropologue Felicitas Goodman. <br>Cette recherche décrit aussi comment l’anthropologie expérimentale peut se révéler être un outil d’exploration du chamanisme. Les séances impliquant les postures de transe, présentées dans cette thèse, montrent comment des sujets occidentaux, n’ayant eu aucun contact notable avec le chamanisme, délivrent des contenus de nature chamanique.<br>Enfin, ce travail met en relief les liens entre les ENOCs et les « géographies de l’invisible », i. e. les différents plans et niveaux de l’outre monde.

Keywords: chamanisme, transes, états non ordinaires de conscience, états de conscience modifiés, transe ecsomatique (OBE), rêve lucide, expériences de mort rapprochée (NDE), chamanisme, anthropologie expérimentale, géographies de l’invisible, enlèvement par les extraterrestres, abduction

d’observer. Je me baladais un peu partout et dès que
je m’arrêtais sur un point précis, c’est à partir de là
que ça commençait à bouger. C’est-à-dire que cela
devenait l’épicentre du mouvement que je faisais. À
un moment donné, par exemple, j’étais dans mes
pieds et tout d’un coup, d’ailleurs, j’ai failli tomber,
pas tomber, mais l’appui changeait.

J’ai perçu certains muscles. C’est plutôt fulgurant.
C’est ressenti, au niveau du toucher. C’est-à-dire,
c’est presque une perception directe. Je sentais par
moment quel était le mouvement que je devais faire
pour améliorer un endroit précis. C’est surtout au
niveau du bassin. D’ailleurs, j’ai vraiment un
problème, dont je ne m’étais pas rendue compte
justement. Mais suite à la dernière séance, en fait, le
lendemain, j’ai dansé toute la nuit. Avec de la
musique ! Mais je retrouvais justement ce genre de
mouvement, et j’arrivais à le traduire en danse. Ça,
c’était assez génial. Et j’avais un sens de l’équilibre
que je n’avais plus depuis longtemps. Et ça ne
s’arrêtait plus ! C’était génial. La dernière fois, c’était
du genre de la révélation mais au niveau du corps.

J’ai eu une vague sensation à un moment donné de
ne pas avoir été seule et que j’étais en train de courir.
Courir dans un rythme très régulier. À la limite,
comme si je portais un flambeau. Une espèce de
course très lente et indéfinie. C’est toujours cette
espèce de même atmosphère que je retrouve toujours
avec cette musique. Voilà. »

~ 351 ~

Commentaire : Pour cette séance, je l’ai mise sous CES
(électrostimulation) à la fréquence de 3,5 hz.
Apparemment, cela a renforcé la transe ; le résultat
est intéressant et cette procédure est à réitérer.
Comme elle le dit, suite à cette séance, elle a dansé
toute la nuit chez elle. Il semble que cette série de
transes lui ai débloqué quelque chose. La posture
de l’ours est une posture de guérison : y a-t-il un
lien ? L’autre point intéressant, c’est cette
perception intérieure de son corps, cette intuition
spontanée concernant les endroits qu’il lui faut
débloquer. Bien qu’elle dise ne pas avoir été en
transe au début de la séance, c’est faux. Son esprit
est clair et sa perception est d’un autre ordre. Elle
identifie à tort esprit clair et état de conscience
habituel, car on peut avoir un esprit tout à fait clair,
précis et lucide en ENOC. En résumé, cette séance
implique l’existence d’un processus d’autoguérison.
C’est un peu comme si l’esprit « scannait » le corps
et réparait les parties endommagées.

#.12. Anne 26/07/96 — séance 12 — Sami

« Il y a eu une sensation curieuse au niveau des
jambes. Je me sentais bien physiquement dans cette
posture. À un moment donné, j’avais l’impression
d’avoir un corps de poisson. Le corps était plutôt gris.
Je ne bougeais pas, immobile au fond d’une rivière.
Cette espèce d’immobilité est très difficile à décrire.

~ 352 ~

Ça n’a pas duré longtemps, très très rapide, peut-être
un quart de seconde, très fugitif. »
Commentaire : Ce n’est pas une posture de
transformation, mais une posture de voyage. Les
détails intéressants ici, ce sont le poisson, être
aquatique, et la rivière, élément eau. Or l’eau est
une sorte de constante dans la posture Sami. Donc,
malgré la pauvreté de son vécu, le contact avec
cette posture a été établi. Il aurait été intéressant de
continuer à l’explorer, mais j’avais terminé la série
avec Anne. »
EEG : Il est très net. Les hémisphères cérébraux sont
bien synchronisés. Anne est en Alpha à 8 hz tout
au long de la séance. J’attends toujours le Thêta,
mais il ne se manifeste pas. Pourtant, je sais qu’elle
est en transe, mais peut-être n’est-elle pas assez
profond encore ? Certainement. Il me faudrait des
sujets plus entraînés, mais ce n’était pas le but de
cette série expérimentale qui ne concerne que des
sujets non familiers de ces états. Sur le côté droit, le
contact se perd à partir de la dixième minute. C’est
l’appareil qui fonctionne mal. Dommage.

~ 353 ~

Graphique IX-6 : EEG Anne séance 12

C. RÉMI

Rémi a 37 ans, est père de famille, a deux enfants, et
travaillait, en 1996, dans un magasin commercialisant
des cuisines et de l’électroménager. Sa femme est
infirmière. Ils forment un couple équilibré, une famille
unie. Rémi a toujours été intéressé par l’Orient, le
bouddhisme en particulier et ses études universitaires
l’ont mené jusqu’à une licence de psychologie,
époque à laquelle il a entamé une psychanalyse,

~ 354 ~

terminée aujourd’hui. Je lui ai proposé de participer à
cette expérimentation sachant son intérêt pour la
psyché humaine. Malheureusement, son emploi du
temps étant chargé (obligations professionnelles et
familiales), il n’a pu pratiquer que quatre séances.

Dans l’intervalle, et après cette série de transe, Rémi
a décidé de changer d’orientation professionnelle et
de s’occuper des enfants. Il est devenu professeur des
écoles et se sent bien mieux dans cette nouvelle
activité dans laquelle il se donne avec toute son
énergie.

#.1. Rémi 25/01/96 — séance 1 — Ganzfeld rouge +
tambour 3,5 hz

« Impression d’être bloqué dans mon corps, de
vouloir en sortir, de ne plus être fixé à lui. Images de
danseurs indiens en file indienne (de dos). Images
d’un public indien moderne lors d’une fête rituelle (de
dos). Image d’une bougie au centre d’un guéridon
rond, bougie allumée que je sens être moi.

Des cercles de lumière qui tournent très vite dans
des sens différents tout autour de cette bougie. Si la
bougie se décentre, elle tourne avec. Il faut que je la
ramène au centre : elle est alors très calme, très
stable.

Image d’une sphère (la Terre) avec de l’énergie
(des éclairs bleus) qui partent de son pôle magnétique
pour en faire le tour. Transformation en vaisseau

~ 355 ~

spatial sphérique qui s’ouvre en partie basse. Je suis à
l’intérieur dans la partie basse et les lumières
tournent autour de moi.

Un visage de femme noire avec des tresses et une
pierre précieuse au milieu du front se transforme en
visage d’homme noir et en d’autres visages en
perdant à chaque fois la peau et après une mutation
des muscles.

Vision comme provenant d’un oiseau. Vue de
dessus d’un rocher (rouge) relativement étroit et très
haut comme dans un canyon où des pointes de rocher
plus dures ont été mieux préservées de l’érosion que
ce qui les entourait. Déplacement dans le ciel comme
en volant avec toujours une vision panoramique de ce
paysage très aride et désertique tout en rochers et en
sable rouge.

Vision d’un totem très ouvragé, très symbolique.
Pas un totem classique avec les représentations
d’animaux ou de tête indienne, mais plutôt comme si
les symboles sous-jacents en étaient exaltés et en
ressortaient plus directement. Des symboles exprimant
la puissance, l’entrelacement, la cohésion : beaucoup
de circonvolutions pour exprimer quelque chose de
très simple, très sobre, qui n’apparaît pas alors.

Image d’un homme religieux (d’Inde) en pleine
activité de prière active, une sorte de rite ou de travail
sacré que je ne distingue pas. Beaucoup de paix,
d’énergie, d’allégresse, de joie.

~ 356 ~

Une fumée très dense, très grise qui s’élève
(comme d’un volcan) et qui se rassemble pour former
un chef indien avec sa couronne de plumes. À la fin,
après l’endormissement, image d’un cylindre en
mouvement dans lequel je me trouve. Lumières qui
bougent, très grande clarté. »
Commentaire : J’ai voulu tester le rythme de 3,5 hz

avec un champ Ganzfeld, sans posture de transe.
Rémi a perçu beaucoup d’images hypnagogiques
sans grand lien entre elles. Une impression de
calme et de sérénité se dégage de cette séance. Ce
rythme de 3,5 hz semble induire des images de
danseurs indiens — ce que j’ai déjà noté chez
d’autres sujets, et cela se reproduira encore par la
suite chez les suivants. En tout cas, le Ganzfeld agit,
les images hypnagogiques sont là pour l’attester.
De plus, la relaxation de Rémi a été très profonde
comme le montre le tracé GSR (biofeedback)
suivant. Il est à noter que la technique du Ganzfeld
est très prisée dans les expériences sur l’ESP
(perception extrasensorielle) justement à cause de
ses propriétés très relaxantes. Il est aussi utilisé pour
induire des OBE avec de bons résultats.

~ 357 ~

GSR : C’est un biofeedback fonctionnant sur le principe
de la mesure de résistivité de la peau. En fonction
de la conduction électrique de la peau, on peut
mesurer l’émotivité du sujet. C’est aussi le principe
des détecteurs de mensonge. Ici, dans cette séance,
la courbe descend manière régulière : c’est le signe
d’une relaxation de plus en plus profonde. À la
vingt-septième minute, Rémi s’endort, pour se
réveiller presque aussitôt. En général, ces courts
sommeils qui se manifestent en relaxation sont très
réparateurs.

#.2. Rémi 22/02/96 — séance 2 — Cholula (1)
« Première sensation : comme si on m’enfonçait

Graphique IX-7 : GSR Rémi séance 1
~ 358 ~

mon corps sur le côté droit, de façon rythmique,
d’ailleurs et comme si je me décalais à chaque fois.
Comme si je sortais de mon corps. Ensuite une image,
celle de rochers en forme d’escaliers qui forment un
angle au fond desquels coule de l’eau, un liquide qui
a la même couleur que le fond. Impression de
m’élever par rapport à cet escalier, d’être à peu près
au milieu de cet escalier, de voir une sorte d’abeille
qui vole, qui est stable, très stable et qui est dirigée
vers ce filet d’eau. L’insecte s’élève et je vois une sorte
de tunnel, duquel s’écoule ce liquide, cette eau, ce
tunnel au milieu duquel il y a une sorte de tige qui
sort. Cela me fait penser à une fleur dans laquelle
l’abeille veut s’engager. Ensuite il y a une période de
flou, de gris. Après il y a rideau de flammes rouges
qui s’éteint brutalement. De nouveau du gris, du flou.
Après il y a l’image d’une voiture ancienne riche, vue
de face, un peu comme une Bentley ou une Rolls,
l’avant est tout doré avec la calandre et le pare-chocs.
Cette image se transforme en une tête recouverte
d’un casque et d’épaulières, de... quelque chose de
doré, une sorte d’armure juste sur la partie haute de
ce personnage. Ça se transforme en une sorte de
peau de bête qui fait d’abord penser à quelque chose
de l’ordre du jaguar, quelque chose de très doré, et
après il y a une sorte de tête d’ours. Le personnage
en lui-même est très calme. Je ne sais pas si c’est un
type indien. Il est barbu. Il a une barbe et ça disparaît.
Période floue. Je perd un peu le fil. Je perds le fil des

~ 359 ~

images. Je sais qu’il y a eu un autre personnage, mais
ça ne me revient plus. Il y a eu ensuite — je ne sais
pas si c’était ensuite ou pendant — l’impression d’être
déconnecté, comme si mes jambes n’étaient plus là,
comme si je sortais de mes jambes et ensuite au
niveau du reste du corps aussi. Cette impression de
rythme aussi qui diminue comme si j’étais décalé,
comme si... un peu comme le rythme cardiaque
change quand on s’endort. C’était vraiment ça, c’est-
à-dire que ça a été brutal, cette impression du rythme
qui devient beaucoup plus lent. Du rythme de la
musique qui devient beaucoup plus lent. Pour l’instant
je dirais que c’est tout.

Ah si, il y a une autre image qui est venue. Je ne
pourrais pas dire exactement à quel niveau... C’était
après ma tête d’indien surmontée d’une peau d’ours.
C’était une surface d’eau non délimitée autour avec
une sorte de petit jet d’eau au milieu, pas vraiment
un jet d’eau, de l’eau qui s’écoule comme ça, qui
vient du milieu, qui s’élève et qui retombe, pas en jet,
mais qui retombe sur elle-même, comme une source
qui viendrait du milieu de l’eau. (...)

Il y eut cette l’impression quand même à un
moment, au moment où ce personnage-là est apparu,
où l’autre est apparu, de vibrer en harmonie avec
eux, de faire partie d’un tout à ce moment-là. De
faire partie un peu de ce qu’ils étaient, d’être en
partie eux, effectivement.

~ 360 ~

Il n’y a eu aucune parole. Simplement d’être en
phase. Il n’y avait pas besoin de message. Comme si
tout ça c’était une forme d’initiation. Il n’y a pas
besoin de message en tant que tel, il n’y a pas besoin
d’amener quelque chose de parlé. Sachant que ce qui
va suivre va de toutes façons aller dans le même sens.

Les mâchoires — la supérieure surtout — font une
pression sur la langue. Plutôt la mâchoire supérieure
qui presse sur la langue-mâchoire inférieure. La
pression s’est relâchée lorsque je me suis laissé aller.
Impression d’avoir une grosse langue. »

Commentaire : L’impression d’avoir une grosse langue
survient de temps en temps chez les sujets. René
semble être très vite en état de réception
hypnagogique : le nombre des images perçues le
démontre. Pour une première séance de transe,
c’est bien, cependant il n’y a pas beaucoup de
différence du point de vue du vécu vis-à-vis de la
séance Ganzfeld précédente.

#.3. Rémi 04/06/96 — séance 3 — Ours

« Pas de temps. Hors du temps.

La première chose, c’était un masque d’insecte avec
des yeux globuleux, un nez aplati en forme de paire
de ciseaux fermés. Pas de couleur précise. La forme
du visage ovale, brune.

~ 361 ~

Ensuite, il y a eu une spirale comme si je rentrais
dans un des yeux, une sorte de spirale, de tourbillon,
un peu comme un trou noir, ou un tourbillon très
long. Ça partait à l’horizontale. Je le voyais, j’étais
dedans mais sans tourner. Ça tournait, il y avait des
traits jaunes. Ce tourbillon s’est étiré et je le voyais un
peu de trois quarts de côté, je le voyais de dedans et
de côté. Et ça a duré quelques instants, comme si
j’étais pris dedans, ça défilait aussi.

Il y a eu aussi — je ne me rappelle plus la
chronologie — un visage d’indien, mais très bref, avec
des plumes. C’était très vague.

Par contre, à un autre moment, il y a eu un masque
de type africain très net, noir, un masque de guerre
vraisemblablement. Très ovale, très effilé, les yeux
légèrement en amandes.

Maintenant je me rappelle la chronologie. En fait
au début, la première image, c’était une tête d’un
personnage vivant, pas une photo, un asiatique, un
chinois ou un japonais avec une moustache de
mandarin assez longue, très fine, incurvée, blanche et
avec un sourire et c’est là que je suis parti dans le
tourbillon. Après est venu le masque d’insecte.

Après ce masque d’insecte, il y a eu un moment où
il n’y avait rien. Après il y a eu un autre mouvement,
un autre déplacement, comme si j’étais pris à
l’intérieur d’un couloir, très large dont je ne voyais
pas les côtés. Je voyais le sol et le dessus. Et, même

~ 362 ~

chose, ça se déplaçait très vite par rapport à moi. Ou
c’est moi qui me déplaçais très vite à l’intérieur. Et
une ouverture au loin qui ne se rapprochait jamais et
qui était de forme rectangulaire. C’est là que les
autres masques sont apparus et d’ailleurs au niveau
de cette ouverture, avant que les autres masques
n’apparaissent, il y a eu une sorte de carte, de
planisphère qui est apparue avec un centrage
vraisemblablement sur l’Afrique, parce que les
contours n’étaient pas très nets. Je ne les ai pas
vraiment reconnus en tant qu’Afrique, c’était l’Afrique
mais ce n’était pas la forme qu’elle a actuellement.

Après, le masque africain s’est transformé en
masque maya avec les ornements qui parent les
côtés. Après ça a disparu. Impression d’être à la fois à
l’intérieur de mon corps, de sentir que c’est mon
corps, d’être là et en même temps d’être ailleurs,
d’être à un autre niveau, très calme, très tranquille,
un peu comme si j’étais dans un autre espace-temps,
dans une autre pièce où il n’y a pas de bruit, où il n’y
a aucun heurt, aucune tension, vraiment le calme
plat, très profond, une sensation de clarté, de lucidité
très profonde aussi. Un peu comme si je me
retrouvais non pas sur la scène mais un peu dans la
salle de commande d’où on tire les ficelles. Un peu
cette impression-là de ne plus être dans le feu de
l’action du film, mais d’être en dehors, d’avoir
beaucoup de recul, tout en sachant que j’étais en
même temps dans mon corps. C’est un dédoublement

~ 363 ~

qui est assez intéressant. Donc au niveau des images,
il n’y avait pas d’image particulière sur cette
sensation. La sensation de la sueur qui coulait, la
chaleur qui coulait partout. D’ailleurs, j’ai l’impression
aussi que ces couloirs ou ces tourbillons qui défilaient,
c’était le jeu de l’énergie aussi. L’énergie qui circulait
très rapidement d’ailleurs, pas à une vitesse folle, à
une vitesse constante, régulière, naturelle.

Autre image qui m’est venue un peu après, c’est
une sorte de fleur jaune avec plein de pétales, en
relief, ce n’est pas une photo. Très grande, ça
occupait tout mon champ de vision et elle a
commencé à s’effeuiller et de nouveau cette
impression de repartir dedans, de voyage à l’intérieur,
je re-bougeais dedans.

Après [est venue] cette sensation d’être de nouveau
au poste de commande, en recul, d’être tranquille. De
m’interroger par rapport à la pièce, par rapport à toi
où tu étais, etc. Et ensuite une image de contrôle par
rapport à ma posture. Et après une image comme une
tête d’aigle qui est apparue et qui, quand je me suis
concentré dessus, c’est comme s’il essayait de percer
une feuille de papier avec le bec, et quand il a réussi
à percer, ce n’est qu’un petit oisillon qui est passé.
Qui ne volait pas, d’ailleurs qui était sur ses pattes.

Après ça, de nouveau le recul, dans cet état calme,
dans ce lieu, je le vis vraiment comme un lieu avec
cette notion de calme, très tranquille. Où il n’y a

~ 364 ~

aucune secousse. Le sentiment d’être quelque part
sans être là soi-même, d’être dans un endroit dont on
est partie intégrante sans qu’il y ait cette notion
d’identité.

Ensuite, une image de raie de lumière rouge qui
apparaissant de l’horizon, à la limite qui découpait
une partie de l’horizon, une forme que je ne peux pas
décrire, un peu comme des rochers qui sortiraient... il
y a les termes de cimetière qui me sont venus, de
tombe aussi, et le soleil qui est sorti par rapport à ça,
qui a illuminé ça, mais sans que ce soit net en tant
que tel, un lieu très chargé d’énergie, très fort, très
sacré. Même chose, blanc au niveau des images, et
après un dolmen, non, un menhir qui se dessine, qui
se découpe par rapport à un fond, un ciel très
dégagé, un ciel de jour très dégagé. Après il y a la
sensation de toi en train de te lever et ça y est, c’est
fini.

À un moment, au niveau des jambes, j’avais
l’impression que les jambes se mettaient à bouger, à
battre avec le rythme des sons, et l’impression que les
pieds tapaient le sol même, ou que le sol bougeait
sous mes pieds. C’était assez net à un moment. Au
niveau du reste du corps, à la limite engourdi, les
jambes ont fait mal au début et après, c’était plus le
fait de contrôler les muscles pour éviter qu’ils aillent
plus loin, mais il n’y avait plus de douleur.

~ 365 ~

À la limite, j’avais l’impression de m’échauffer un
peu comme une batterie qu’on recharge. À la fin,
j’étais vraiment en train de fondre, littéralement.

Là, je me sens chargé, j’ai l’impression d’avoir
l’esprit plus calme, plus serein. »

Commentaire : Toujours beaucoup de visuel chez
Rémi. Mais pas de scénario très net qui se dégage.
Par contre, sa description de son état de
détachement est intéressante. Je traiterai plus loin
de ce thème de la conscience dans la transe. Autre
point : la chaleur ressentie. Elle est signe de cette
énergie que ressentent certains sujets lors de
certaines séances. C’est positif. La posture de l’ours
est une posture à contenu initiatique (dépeçage
rituel) ; il n’y a pas de trace de ceci dans ce récit.
Tout au plus cette sensation de se trouver « dans la
salle des commandes d’où on tire les ficelles »
pourrait être un indice d’être dans un lieu spécial,
sacré, un lieu initiatique, un lieu où l’on a et donne
le pouvoir. À ce stade, cependant, ceci est pure
conjecture, il faudrait approfondir.
Malheureusement, Rémi n’est pas disponible pour
plus de quelques séances ; il ne vivra la posture de
l’ours que lors de cette unique fois. D’autre part, à
plusieurs reprises, se sont présentées des ébauches
de voyages dans des tunnels (thème également
fréquent dans les transes de Goodman) : « comme
si j’étais à l’intérieur d’un couloir très large... », avec

~ 366 ~

une sensation de déplacement rapide. Vue d’une
ouverture... Plus loin, deuxième tunnel : une fleur
avec impression de plonger dans son centre et
sensation de déplacement. Cela ressemble à ces
tunnels décrits dans les NDE. Le but, apparemment
ici, est ce « centre de commande » où Rémi « tire les
ficelles ».

#.4. Rémi 06/08/96 — séance 4 — Cholula (2)

« J’ai commencé par voir une sorte de pyramide, il
n’y avait pas de fond particulier, une pyramide assez
sobre. À l’intérieur de chacune des faces, s’est formé
comme une sorte d’arc de cercle, comme un porche.
En face de moi, j’avais plutôt une arrête, légèrement
de profil. Et donc deux arcs de cercles sur les deux
faces que je voyais. Cette pyramide vibrait de
l’intérieur avec la musique et d’un coup, les porches
sont sortis de la pyramide comme des espèces de
tunnels, de façon assez soudaine et toujours une
représentation à la limite du symbole, lisse,
complètement lisse, métallique, mais pas d’éclat
métallique.

Après l’image s’est transformée en une forme plus
complexe tout en gardant cette idée de pyramide, le
nombre de tunnels était plus important. Et ça partait
dans toutes les directions, je ne voyais pas le bout des
tunnels, je voyais le centre et le départ des tunnels et
notamment il y avait deux bras de tunnel qui venaient
en quelque sorte vers moi ou qui venaient au-dessus

~ 367 ~

de moi. J’ai eu l’impression à un moment de sentir
comme une serre d’aigle ou d’oiseau, de rapace qui
venait me prendre. J’étais minuscule par rapport à
cette serre qui était immense et qui allait m’emmener
et m’emporter.

Après, il n’y a plus eu tellement d’images. Par
contre, il y a eu cette impression de puissance et de
force dans cette serre, cette sorte de patte. C’était
presque une image de synthèse mais beaucoup plus
réelle quand même. Comme quelque chose en verre
et très puissant.

Ensuite, il y a eu une période de latence assez
longue, du moins, j’ai l’impression. Et j’ai perçu une
sorte de personnage dans une position relativement
larvaire, en lune, en haricot et un personnage qui
était très reptilien, le mot de crocodile m’est venu. En
approfondissant j’ai vu toute une rangée de plumes
qui descendaient de la tête, donc sur le dos qui était
arrondi. Les plumes descendaient jusqu’au sol. On ne
voyait pas le sol, il n’y avait pas de sol. C’était
toujours très sobre comme représentation.

Cette idée de grenouille ou de tortue et finalement,
il y a eu cette idée de crocodile aussi, mais cette idée
de serpent qui était plus vraie, plus réaliste. La notion
d’homme-serpent. Quand l’idée de serpent est venue,
il y a eu des images comme si cet être-serpent ou cet
esprit-serpent devenait vivant. Ou qu’il dormait et
qu’il se réveillait. Et il a commencé à absorber tout ce

~ 368 ~

qui l’entourait et qui m’entourait moi. Cette
impression de me laisser faire, d’être tranquille, d’être
absorbé en même temps que tout ce qui m’entourait :
du sable. D’être en train de m’enfoncer, d’être
absorbé par le sable, un peu à l’idée de sable
mouvant, mais de façon active. C’est-à-dire ce n’est
pas le sable qui se laisse faire, qui cède sous mes pas,
c’est plus le sable qui vient, actif, qui est vivant et qui
vient m’avaler. Cette impression d’être avec
quelqu’un d’autre qui a peur, qui panique à ce
moment-là. Moi, qui lui dit : “non, ce n’est pas la
peine”. Ce ne sont pas des paroles, c’est quelque
chose qui passe. De toute façon, je sais que sa peur
n’est que passagère parce qu’il n’y a aucun risque, il
n’y a aucune crainte à avoir. Et toujours cette image
de sable, de voir des mains qui sortent du sable, des
doigts. Je sais que si je le veux, je peux en sortir sans
aucun problème. Cette impression, ce désir, de me
laisser faire, de me laisser aller dedans.

Je crois que c’est à peu près tout. Voilà. J’ai
l’impression d’oublier un épisode, mais ça ne me
revient pas pour l’instant. »

Commentaire : Les images sont plus structurées, plus
ordonnées dans cette transe ; deux scénarios se
dessinent. Rémi commence à s’habituer à la transe,
il commence à « fonctionner ». Encore quelques
séances et il pourrait avoir des expériences plus
profondes, plus parlantes. Ce ne sera pas le cas,

~ 369 ~

c’est sa dernière séance. Mais le potentiel est bien
là. Des symboles forts apparaissent ici : comme la
pyramide, centre de jonction des tunnels, comme si
la pyramide était le lien qui reliait tous les « lieux »
de la transe. Ensuite cette notion symbolique très
chargée de l’esprit-serpent, symbole de la kundalini,
qui réveille les centres énergétiques, et qui se
manifeste par de fortes décharges de chaleur. Voici
ce que rapporte Éliade à ce propos :

« Lorsqu’on éveille la kundalini, on sent une
chaleur extrêmement intense. (...) D’autres textes
tantriques précisent que cette ‘‘chaleur magique’’
est obtenue par la ‘‘transmutation’’ de l’énergie
sexuelle. (...) Nous touchons ici à un problème
extrêmement important, non seulement pour les
religions indiennes mais pour l’histoire générale
des religions : l’excès de la puissance, la force
magico-religieuse, est expérimentée comme une
très vive chaleur. Il n’est plus question des mythes
et des symboles de la puissance, mais d’une
expérience qui modifie la physiologie même de
l’ascète. (...) Un grand nombre de tribus
‘‘primitives’’ se représentent le pouvoir magico-
religieux comme ‘‘brûlant’’ et l’expriment par des
termes qui signifient ‘‘chaleur’’, ‘‘brûlure’’, ‘‘très
chaud’’, etc. C’est pour cette raison que les
magiciens et sorciers ‘‘primitifs’’ boivent de l’eau
salée ou pimentée et mangent des plantes

~ 370 ~

extrêmement piquantes : ils veulent ainsi
augmenter leur ‘‘chaleur intérieure’’. »1

Cette chaleur vécue par les sujets en transe
induite par les postures serait donc une chaleur
« magique ».

D. FRED

Fred, 30 ans, célibataire, ouvrier spécialisé et chef
d’équipe dans une entreprise du Haut Rhin, est un
passionné d’arts martiaux qu’il pratique avec ardeur et
régularité. Il est ouvert à tout ce qui touche à l’esprit
humain et particulièrement intéressé par le Ki,
l’énergie vitale décrite par les Chinois et les Japonais.
Je l’ai rencontré par relation et il a tout de suite
accepté de participer.

#.1. Fred 05/02/96 — séance 1 — Cholula (1)

Fred a tout oublié de ce qui s’est passé dans cette
séance. Tout au plus a-t-il pu me rapporter des
sensations de chaleur et de mouvements circulant
dans son corps et le souvenir qu’il y a eu des images,
mais il ne les a pas mémorisées. Vers la dixième
minute, Fred s’est endormi jusqu’à la fin de la séance.

1 Mircéa Éliade, Mythes, rêves et mystères, pp. 182-183.

~ 371 ~

#.2. Fred 23/02/96 — séance 2 — Cholula (2)

« La première chose qui s’est passée : je vous ai vu
vous [il me désigne]. De face, le visage, transformé en
Indien. Après ça il y a la parure de l’Indien qui est
apparue, juste la coiffe sans tête, de côté, avec des
plumes blanches. Ensuite un Indien de face, dur. Pas
de coiffe. Par moments, il l’avait. Il avait environ 45
ans. Je voyais juste la tête. Le fond était noir. Au
même moment il y a eu l’apparition d’un aigle, juste
sa tête, son bec. Après cet aigle s’est transformé en...
il a volé dans un canyon. Il a observé, il voyait bien.
Après j’ai volé avec, j’étais dans l’aigle et je voyais à
travers ses yeux. La vue était profonde. (...) Il n’y avait
que des rochers. Il faisait jour. Pas de végétation, rien.
Je voyais un vautour assis sur un rocher. Je voyais
l’aigle qui fonçait sur le vautour, qui le renversait du
rocher. Puis après, un nouveau vautour s’est installé
et l’aigle l’a à nouveau renversé. Il y a eu la répétition
de la phrase : “Aigle de fer”. Je ne sais pas si elle est
venue avant ou après. Pas loin d’une dizaine de fois.
Puis, plus loin dans la séance, la phrase “C’est mon
guide intérieur” est venue. Cette phrase est venue
quand j’ai vu l’aigle voler. Après l’aigle a aussi volé
au-dessus d’un village d’Indiens. Le village n’était pas
précis. J’ai vu juste un tipi. J’avais la sensation qu’il y
en avait beaucoup, mais j’en ai vu qu’un.

Ensuite, je me suis demandé pourquoi l’aigle. C’est
toujours pareil, c’est un monologue qui est venu.
Apparemment, c’est parce qu’il a une très grande

~ 372 ~

capacité d’observation, donc il voit un peu tout et il
sait tout. Après je me suis demandé pourquoi l’aigle.
Alors il y a une réponse qui est venue : “Parce que
l’aigle sait tout et voit tout, il sait mettre en rapport les
personnes qui pourraient me faire avancer dans le Ki,
dans la pratique du Ki”. Et tout ça, c’était des
monologues à l’intérieur de ma tête. Après ça, au fur
et à mesure, les images sont parties. Puis une très
grande concentration, puis du noir, que du noir,
pratiquement jusqu’à la fin de la séance.

À un moment j’ai aussi senti de nouveau, pendant
quinze secondes, justement où tout cela était terminé,
les mouvements du corps, j’avais l’impression que le
corps recommençait à bouger comme la dernière fois.
Mais ça n’a pas duré longtemps, ça a duré trente
secondes, puis après c’était le noir complet.

(Pendant ces images), il y a eu sensation de force et
de puissance. Maintenant, j’ai encore cette sensation
de force et de puissance.

Commentaire : Fred a eu des mouvements du corps.
C’est un sujet réceptif. Le contenu de son récit
présente des thèmes familiers du corpus
chamanique. L’aigle initiateur qui emmène Fred en
voyage ; s’ensuit une scène où l’aigle renverse le
vautour — symbole du renouveau, de la
régénérescence — qui est remplacé par un autre
vautour. Ceci pourrait indiquer un processus de
purification du Moi avant que l’aigle devienne « le

~ 373 ~

guide intérieur », le maître de l’initiation, de la
transmutation intérieure. Cholula est une posture
de divination et cette séance annonce
certainement le processus initiatique que vivra
Fred.

#.3. Fred 01/03/96 — séance 3 — Cholula (3)

« J’ai vu un animal bizarre. C’était un genre
d’échassier au corps mince. Puis j’ai aussi vu un genre
d’aigle mais allongé comme une flèche. Je l’ai vu
plusieurs fois. Il volait comme une flèche. Après je me
suis vu, non, plutôt senti voler comme si j’étais un
aigle au-dessus du canyon comme la dernière fois.
Puis à un moment je me suis posé la question du sens
du temps. La réponse est non.

Après, au moins pendant dix minutes, j’ai eu une
réponse qui est venue : “Soit cool, soit cool.” Chaque
fois les mêmes mots : “Soit cool, reste cool”. Au moins
pendant cinq à dix minutes.

La question que je me suis posée c’est comment
faire pour maigrir. D’abord je me suis demandé quel
est le lien avec ça : “Soit cool”, puis apparemment
c’est la réponse pour maigrir.

C’est tout. Sensation physique moyenne. C’est la
séance, parmi toutes, où j’étais le moins
profondément détendu. La langue était un peu
engourdie vers la fin. J’ai peut-être mordu un peu
trop (rires). »

~ 374 ~

Commentaire : J’ai utilisé un enregistrement de hochet
de Felicitas Goodman pour induire cette transe —
en général, j’utilise mon propre son composé de
tambour, de hochet et de tambourin. Mon son est
plus gras et plus riche. Ici Fred pose une question et
la réponse qu’il obtient semble assez absurde. Quel
est le sens de cela ? Le lâcher-prise et la confiance
en soi ; mais pas en réponse à sa question sur
l’amaigrissement, mais sur autre chose.

#.4. Fred 04/03/96 — séance 4 — Monde d’en bas (1)

Fred a juste entendu en esprit le mot « aigle » qui se
répétait sans cesse. Puis il a commencé à être assailli de
souvenirs de la vie quotidienne, notamment un conflit
avec des collègues. Cet épisode désagréable l’a
déconnecté de la transe.

#.5. Fred 11/03/96 — séance 5 — Monde d’en bas (2)

« Je vous ai vu vous de nouveau tout au début [il
parle de moi]. Et j’ai vu une rivière, plutôt un
ruisseau. Et après, j’ai vu un sorcier qui dansait. Et
après je me suis senti — pas vu — frapper sur un
tambour. Et après ça, j’ai vu des animaux bizarres :
un rhinocéros avec une tête d’éléphant — il était
moche ! J’ai encore vu un autre animal bizarre. Après
ça, j’ai vu un truc bizarre : la tête d’un avion,

~ 375 ~

concorde, et après s’est greffée dessus une tête de
baleine, de cachalot. Je me suis dit : tiens, ils ont
imité une baleine pour faire un avion. Après cela, j’ai
vu l’avion — on a imité la nature pour faire un avion
— on a imité les oiseaux en fin de compte pour faire
un avion. Après cela, j’ai vu un cheval. Puis, je me
suis dit : la voiture, c’est pareil, on a imité les
animaux à quatre pattes pour faire les voitures. Puis
après pour le train, c’était pareil : on a imité les
chenilles pour faire les trains.

Après cela, il y a aussi eu des souvenirs imaginaires
— j’ai un peu oublié — on aurait dit de conflit de
situations. Je ne sais pas exactement ce que c’était, je
ne me rappelle plus.

Ce qui était drôle c’était les animaux et les avions.
C’est ça ma révélation. Cela m’a fait sourire parce
que c’est l’évidence. Jusqu’à présent, je ne me suis
jamais rendu compte de cela. C’est la première fois. »

Commentaire : Fred a une révélation. L’EEG n’est pas
très parlant, je ne l’ai donc pas inclus. Fred a
rencontré son deuxième esprit tutélaire après
l’aigle : il s’agit du sorcier. Ces deux esprits tutélaires
vont le suivre dans toute la suite de ses séances.

#.6. Fred 20/03/1996 — séance 6 — Monde d’en bas
(3)

« Il n’y a pratiquement eu que du monologue
pendant toute la séance. D’abord il y a eu une image

~ 376 ~

de sorcier de nouveau — mais pas longtemps : un
dixième de seconde — puis après il y a toute suite eu
une phrase qui est venue : “C’est le sorcier”. Cela
pendant un bout de temps. Et puis après est venu :
“C’est le sorcier qui a tous les pouvoirs”. Et cela
pendant plusieurs répétitions. Et puis : “Demande-lui
les pouvoirs”. Toujours répétition. Après : “Il est là
pour ça”. Après, cela s’est transformé : “Demande-lui
les pouvoirs si tu as besoin d’aide”. Plusieurs fois.
Après : “Appelle-le, appelle-le”. Après, il y a eu un
truc bizarre, le nom, apparemment le nom du
sorcier : “Omanchaïa”. Ça, c’est venu beaucoup.
Après, je me demandais, c’est qui, c’est quoi. Après
est venu : “Pur esprit, pur esprit, il est pur esprit”.
Pendant un bout de temps. Puis, là il a dit : “Je suis
partout”. Là il y a eu l’image d’une forêt avec un lac.
Je me suis demandé si cela est réel, il a dit : “Je suis
invisible, je suis partout”. Apparemment il suffit que je
l’appelle pour qu’il vienne, il est toujours là. Cela s’est
passé tout au long de la séance, cela s’est arrêté juste
deux ou trois minutes avant la fin.

J’ai du mal à y croire. Je ne sais pas si c’est mon
imagination. Je suis dans le doute, là. Je veux dire
que c’est un peu gros. (...) Les doutes sont venus à la
fin de la séance, pas pendant. (...) À un moment,
quelque chose est venu : “Refaire la séance”. (...)
J’étais bien détendu. »

Commentaire : Fred semble être entré en contact
rapproché avec son esprit tutélaire, le sorcier. Il a

~ 377 ~

même son nom ! Mais il doute. Cela l’a un peu
bouleversé car il ne s’y attendait pas. Le doute est
généré à la fin de la transe, au retour à l’état de
veille habituel qui rejette, par habitude et
conditionnement social, ce qui est hors norme. Le
contraste est violent et un conflit intérieur se
manifeste chez Fred. Il lui faut du temps : « soit
cool ». « On » l’avait prévenu, mais il n’a pas encore
intégré ce qui lui arrive.
EEG : cet EEG présente un problème de connexion sur
l’électrode gauche : on y observe donc une moins
forte amplitude du signal. L’Alpha est très actif,
entre 6 et 7 hz. Mais aussi en Thêta, surtout dans
les cinq dernières minutes. Vraisemblablement —
c’est mon extrapolation — l’hémisphère gauche a
dû présenter le même pattern que le droit, ce qui
implique une bonne synchronisation
hémisphérique.

~ 378 ~

Graphique IX-8 : EEG Fred séance 6

#.7. Fred 24/04/1996 — séance 7 — Olmèque (1)

« J’ai transpiré beaucoup. Au début de la séance,
j’étais très léger. Après, je descendais par paliers.
C’est un peu les mêmes paliers lorsque je m’endors,
mais là c’était le corps : c’est la relaxation. Il y avait
une très grande clarté mentale, pratiquement un vide
mental, pendant pas mal de temps. Une phrase est
venue au début de la séance : “C’est le sorcier”,
plusieurs fois et aussi : “C’est ton ami”.

~ 379 ~

Et l’image d’un collègue de travail est apparue.
C’est tout.

Je suis beaucoup plus détendu qu’après une séance
de relaxation très profonde. »

Commentaire : Pas de transformation pour Fred dans
cette séance. Son Sorcier est toujours là. À noter la
forte chaleur qui est caractéristique, donc, comme
déjà vu, de certains ENOCs dont la transe.

#.8. Fred 29/04/1996 — séance 8 — Olmèque (2)

« Au début, il y a eu un élan moche, fripé et, en
surimpression, il y a le sorcier qui est venu. Après
l’élan s’est transformé en tête de vache. Après il y a
eu cinq, six tipis que j’ai vu d’en haut et ensuite l’aigle
est venu et a dit : “Je suis aussi là”. Il l’a dit plusieurs
fois. Ensuite un jeune cheval blanc est venu. Il est
apparu dans le ciel. Après, j’ai voyagé en Égypte, il y
avait une pyramide. Il y avait un personnage qui est
venu et il a dit : “Eh oui, c’est moi le sorcier”. Après il
a dit : “Je suis le dieu Isis”. Après cela il y a eu une
confusion de ma part, il y a eu doute, car pour moi le
sorcier, c’est un Indien. À ce moment une voix me dit :
“C’est pareil”. Et c’est tout. »

Commentaire. Pas de transformation non plus ici pour
Fred, mais apparition d’un élan. Son sorcier s’est à
nouveau présenté ainsi que son esprit-aigle. Fred
doute car il ne comprend pas pourquoi le sorcier se
dit être Isis. Isis est l’initiatrice, son symbole est la

~ 380 ~

Croix Ankh, symbole de ses pouvoirs infinis. Elle est
celle qui transforme. Isis est en relation avec le
vautour qui est source de régénérescence, symbole
de la transformation continuelle de la vie et de la
mort. Le sorcier est bien Isis, le pouvoir
transformateur. Fred ne connaît pas le symbolisme
égyptien et hermétique — ni chamanique
d’ailleurs— et ainsi, pour lui, ces informations le
perturbent.

#.9. Fred 10/05/96 — séance 9 — Olmèque (3)

« Au début, il y avait une bataille. Comme les
barbares. Apparemment, c’est vous [il me désigne]
qui étiez à leur tête. Après, vous avez disparu. Après,
il y a une hache qui est descendue du ciel puis, à un
moment, j’ai cru qu’elle allait tout couper en deux
mais, en fin de compte, elle est descendue très
lentement et elle s’est mise entre les deux (camps)
pour éviter une bataille entre eux. Après, il y a eu
apparition d’un totem en bois. Apparemment, c’était
un hibou. Comme s’il sortait du totem.

Avant, j’ai vu un genre de cheval avec quelqu’un
dessus et plein de filaments ; comme des cheveux en
arrière. Après il y a eu l’apparition d’une vache, de
face, elle avait l’air maigre.

Il y a eu aussi émergence de souvenirs de ma part :
rien de spécial. Plein de trucs...

~ 381 ~

J’étais bien physiquement, tout le temps. Sensation
de chaleur. Je suis plus détendu maintenant, j’ai plus
d’énergie et je suis plus éveillé.

Il n’y a pas eu de paroles pendant cette séance.
J’étais au-dessus de ces scènes que je voyais. C’est
comme si je regardais un peu la télévision. »

Commentaire : La transformation du prince olmèque
ne semble pas avoir de prise sur Fred. Les
sensibilités personnelles sont différentes mais les
messages continuent d’affluer : la bataille symbolise
son conflit intérieur que la hache vient résoudre. La
hache tombe du ciel et se plante entre les deux
camps : symbole de fécondation et d’unité : la
hache unit ici les contraires. Le hibou, symbole des
forces nocturnes est aussi un protecteur et un
psychopompe.

#.10. Fred 15/05/96 — séance 10 — Ours (1)

« Il n’y a pas eu d’apparition d’images mentales. Au
début, c’était une sensation d’être enraciné comme
un arbre, un roc. J’ai beaucoup transpiré aussi. Très
grande détente, tout ce qui était en haut (du corps)
était très détendu. Le corps cherchait son point
d’équilibre, son point d’appui. Des couleurs, vers la
fin, du bleu.

La sensation de chaleur circulait.

~ 382 ~

De temps en temps une image. Au début un arbre,
peut-être le sorcier est venu, mais il est parti tout de
suite. C’est pratiquement tout. Il y a eu des
changements de rythme dans la musique. Accéléré, je
trouve.

La position du corps, au début, était assez
désagréable. À la fin j’étais bien détendu. »

Commentaire : Chaleur et transpiration sont des
éléments importants qui accompagnent la transe
comme nous l’avons déjà vu. Premier contact avec
la posture, rien de spécial. Les choses se préparent.

#.11. Fred 03/06/96 — séance 11 — Ours (2)

« La première chose qui s’est passée : il y a eu une
phrase, toujours le même scénario, qui m’a dit
plusieurs fois : “Je suis un guerrier, je suis un
guerrier”. Je me suis demandé quel guerrier je suis. Il
y a un asiatique de type indien qui est venu. C’était
une réponse : “Guerrier indien et guerrier asiatique”.
Indien de la forêt, comme ça. Ce n’est pas une image
qui est venue, c’est une sensation. Après cela, il y a
eu une grande sensation de puissance et de force,
très très claire, une sensation d’invincibilité aussi.

Après ça, il y a eu l’apparition du sorcier, là je l’ai
vu en entier, c’est la première fois où je l’ai bien vu. Il
m’a parlé et m’a dit : “Les forces de l’esprit sont en
toi, pourquoi tu ne les utilises pas ?” Et après il m’a
dit plusieurs fois : “Utilise, utilise”. Et là il était

~ 383 ~

vraiment clair. C’est un vieil Indien, très âgé, des traits
assez durs et il est grand, 1,80m, avec les plumes,
c’est un chef, un grand chef. J’ai vu la coiffe, je l’ai
bien vue. D’habitude, je voyais surtout la tête, là
c’était le buste et le reste aussi mais je ne le voyais
pas, mais c’est comme s’il était en entier.

Je n’ai pas bien vu ses yeux.

Après, il y a eu l’apparition d’un chinois, d’un
japonais, assez banal et qui m’a dit : “Moi aussi, je
suis un maître”. Alors, je me suis dit : “Eh bien, trois
maîtres !”

Après, je ne sais pas si c’est mon imagination qui a
joué, apparemment c’est un vietnamien. Après, il y a
eu une démonstration d’arts martiaux, puis ça m’a
dit : “Ça te convient”. Dans la réalité, ça ne me
convient pas trop, à vue d’œil. (Freddy pratique les
arts martiaux).

Après, la force, je la sentais au niveau du sternum
et après, elle s’est déplacée dans la tête. Je l’avais
dans la tête, toute la tête. Après, je me suis fait un
petit film où je dirigeais l’énergie dans le corps, dans
les bras, des trucs comme ça. Après l’énergie s’est
déplacée dans le ventre et après, dans tout le corps.
Et juste avant d’arrêter la séance, j’ai commencé à
avoir des problèmes dans les jambes. Et je me suis dit
ou on m’a suggéré : “Laisse aller ta force dans les
jambes”. Et c’est allé dans les jambes. C’est tout. Je
me sens bien : détente, bien-être. J’avais des

~ 384 ~

moments d’euphorie, au milieu de la séance. La force
est liée à la phrase du guerrier. La sensation de force
est arrivée après la phrase : “Je suis un guerrier”. Ça,
c’est la première chose qui est venue, au début.

Ma conclusion : c’est de plus en plus bizarre, car je
ne sais pas si c’est mon imagination ou si c’est
effectif. Je ne sais pas. J’aimerai bien utiliser ces
forces, mais je n’arrive pas à y croire complètement. »

Commentaire : Fred ressent la force et la puissance du
guerrier. Cela fait bien sûr partie de sa mythologie
(arts martiaux et Ki). Mais ce sont aussi les attributs
de l’ours (puissance et guérison, redoutable animal)
et de la transe (chaleur et transpiration). Le Ki est là
maintenant et Fred peut le diriger dans son corps.
Comme Anne (cf. plus haut), il peut agir sur des
points précis de son corps grâce à la posture de
l’ours. « On » lui montre également une technique
d’arts martiaux qu’il connaît déjà mais n’aime pas ; il
ne l’a donc jamais étudiée. Pourtant il semblerait
qu’elle puisse le faire avancer dans la voie. En tous
cas, « on » lui montre la force du Ki et « on » lui
reproche de ne pas utiliser son potentiel.

#.12. Fred 12/06/96 — séance 12 — Ours (3)

« Ce qui s’est passé là est bizarre Vous avez mis
une autre musique que d’habitude ? Ça doit être ça.
Déjà au niveau des sensations physiques, c’est
comme si mon corps n’était pas là. À part lorsque je

~ 385 ~

sentais mes jambes qui tremblaient, mais certaines
parties de mon corps n’étaient pas là. Au niveau de la
tête, j’avais l’impression d’être sur une autre planète
alors que mon corps était ici. Ça a duré pendant toute
la séance. Pendant les cinq premières minutes, c’était
le trou noir.

Après, le sorcier est venu et m’a demandé à quoi il
sert. Plusieurs fois. “Pourquoi je n’utilise pas... Quand
est-ce que tu vas te réveiller ? Réveille-toi, je te
l’ordonne !” Plusieurs fois. Après ça il a dit : “Tu es en
train de renaître.”

Après, il a dit que j’étais un nouvel homme. J’ai
transpiré et il a dit que j’éliminais la négativité en
moi. Ensuite un trou noir de nouveau. Tout à la fin de
la séance, il me dit, en parlant de ces sensations que
j’ai eues pendant la séance : “C’est ton état naturel”.
Pareil, il me répète ça ‘x’ fois.

D’après ce que je comprends au niveau des
sensations physiques que j’ai eues — c’est vrai, je suis
complètement détendu, il n’y a aucune tension en
moi, je suis complètement détendu, légèreté même,
ma tête est claire et très concentrée — c’est ça mon
état naturel.

Au niveau de la renaissance, ce que je comprends,
c’est que je connais plein de techniques que je
n’utilise pas. Ça veut dire qu’à partir de maintenant,
comme je suis réveillé — à un moment, il a aussi dit :

~ 386 ~

“Tu es éveillé, tu es là” — je vais utiliser les
techniques.

Je n’ai rien vu. Le sorcier, je l’ai entr’aperçu. Il n’y
avait que cette voix qui parlait. C’est comme si j’étais
dans la musique [il veut dire le rythme de 3,5 hz]. Je
me demande si ce n’est pas la musique qui a induit
cet état-là. C’était différent qu’avant, et je trouve
même : mieux.

Je suis très calme, serein. »

Commentaire : En effet, j’avais changé le son sans le
prévenir : j’ai utilisé l’enregistrement audio de
Felicitas Goodman (hochet seul). Ici Fred rapporte
un élément du processus de l’initiation : il est un
nouvel homme. Il n’a pas vécu le dépeçage rituel et
la recomposition de son corps, il sait uniquement
qu’il a changé, qu’il est nouveau. Et c’est important
pour lui, car il a des pouvoirs qu’il peut utiliser :
avant, il connaissait des techniques ; maintenant, il
est éveillé et il peut donc les appliquer. Sensation
de chaleur aussi. Ici, le sorcier lui reproche à
nouveau de ne pas utiliser ses capacités. Il lui
annonce encore une fois, mais directement cette
fois-ci, qu’il est en train de renaître (« tu es un
homme nouveau »). Le processus initiatique semble
ainsi terminé. Mais Fred ne comprend toujours pas
ce qui lui arrive.

~ 387 ~

#.13. Fred 18/07/96 — séance 13 — Sami

« Il s’est passé deux choses. La première, c’est le
sorcier. Il est rentré en moi. C’est vrai, j’en suis sûr.
Toute cette semaine-là, il y a eu un changement vis-
à-vis de lui. Avant, il me faisait un peu peur. Ces
derniers temps, il était neutre. Et pendant la posture,
il m’a dit que je suis lui et lui est moi et je n’ai plus
besoin de demander quelque chose puisque tous les
pouvoirs sont en moi maintenant. Dès que je veux un
pouvoir, je l’ai tout de suite.

Le mieux, c’est que j’en suis sûr.

La deuxième chose, c’est au niveau physique, j’ai
eu froid au niveau des pieds. Et au niveau du dos, on
aurait dit que le dos était endormi.

Pas d’images, juste les paroles du sorcier pendant
3-4 minutes.

Les pouvoirs, c’est toutes les ressources :
concentration, par exemple. Le pouvoir de me
concentrer sur mon hara, ça marche, j’ai demandé de
la vitalité. J’ai travaillé cette nuit et je ne suis pas
fatigué. De l’intuition aussi. Il m’est arrivé de deviner
les paroles. Je savais ce que l’autre allait dire. Des
choses comme ça. »

Commentaire : Fred semble avoir intégré son esprit-
tutélaire. En effet, il n’a plus peur du sorcier, c’est
un allié qui lui donne des pouvoirs dont il se sert
d’ailleurs. Autre élément : il ne doute plus de ce qui

~ 388 ~

se passe. La posture sami est une posture de
voyage, pourtant, Fred ne voyage pas. Tout se
passe comme s’il y avait continuité entre les
séances, qu’un phénomène d’intégration de sa
personnalité se développait. On peut voir là une
action importante de la transe chamanique :
l’initiatique. Fred a enfin compris qu’il avait subi
une initiation.

#.14. Fred 18/07/96 — séance 14 — Monde des morts
(Totenreich)

« À la fin de la séance précédente, j’avais le
sentiment que c’était une initiation. J’ai franchi
plusieurs étapes.

Là, il y a un autre personnage qui est apparu : je ne
sais pas si c’est Dieu. J’étais dans un lieu où tout était
blanc. Presque le pôle nord, et il y a eu l’apparition
d’un être blanc avec une auréole. C’est tout.

Il m’est arrivé le même schéma de pensée qu’avec
le sorcier : c’est-à-dire le doute. Une partie de moi
disait : “C’est Dieu”. L’autre partie : “C’est
l’imagination”.

J’ai ressenti le doute et les questions. Des émotions,
j’en ai maintenant. J’ai envie de pleurer, presque. Ça
me fait quelque chose, aussi bizarre que ça paraisse.

Tout de suite au début, j’avais comme un voile
devant moi. Moi-même, je me disais que ça

~ 389 ~

m’empêche de voir quelque chose. Et 5-10 minutes
après, il y a eu l’apparition. Au début, j’ai demandé
l’aide de l’aigle. Il m’a dit oui.

Je me sentais moins bien après cette apparition
qu’avant. Avant, cette séance, j’étais presque
euphorique, maintenant, c’est mitigé. C’est ni joie, ni
peine. Je suis plutôt bouleversé. Je ne m’y attendais
pas, je n’ai jamais vécu des choses similaires. »

Commentaire : C’est la dernière séance de Fred. À
l’issue de celle-ci, il a fondu en larmes, la charge
émotive était trop forte. Cette posture « ouvre » la
porte du monde des morts : Fred a rencontré le
Sacré et il a été bouleversé comme il le dit lui-
même. Cette séance est en quelque sorte la clé de
voûte de son expérience avec les transes, c’est aussi
l’aboutissement de son processus initiatique. Je ne
pensais pas trouver une telle continuité du vécu
dans cette série expérimentale. Cela montre
l’importance de ces états non ordinaires de
conscience et leur pouvoir et, même, à un niveau
plus profond, leur lien avec l’émergence du Sacré.
En tous cas, le chemin initiatique de Fred n’est pas
terminé. J’espère qu’il continuera à évoluer. (À
ceux de mes sujets qui le désiraient, j’ai offert un
enregistrement du rythme de 3,5 hz afin de leur
permettre de continuer à explorer les postures de
transe chez eux).

~ 390 ~

E. LUCIE

Lucie a 57 ans, veuve — son mari est décédé un an
avant le début de nos séances de transe —, elle a
également perdu son fils dans un accident de voiture
quelques mois avant le décès de son mari. De plus, son
mari ayant laissé son affaire sans direction — elle-même
n’ayant jamais participé à la direction de l’entreprise —,
elle s’est retrouvée à devoir résoudre des problèmes
complexes. Fatiguée et dépressive — suivie par un
psychiatre et prenant un traitement à base
d’antidépresseurs — elle a suivi un stage de
développement personnel pour se changer les idées.
C’est là que je l’ai rencontrée. Possédant un DESS en
psychologie, elle s’est montrée intéressée par ma
recherche doctorale. Pour ma part, je me suis dit, à
l’époque, qu’il serait intéressant d’observer l’impact des
transes sur une telle personne, d’autant plus que je
n’avais aucun sujet de cet âge. Je l’ai donc acceptée
comme sujet en prenant un certain risque, certes, mais
qui s’est avéré totalement infondé. C’est ainsi qu’au
terme des séances de transe, Lucie se sentait
beaucoup mieux. Elle a arrêté toute prise de
neuroleptiques, a résolu ses problèmes d’entreprise en
négociant serré la vente (domaine où elle n’avait
aucune expérience) et est sortie de sa dépression. Tout
cela sur une période de quatre mois, ce qui est
remarquable. Lucie étant sous neuroleptiques
pendant une bonne partie des séances, il est

~ 391 ~

compréhensible que les contenus psychiques aient été
bloqués, ce qui explique l’absence quasi totale
d’images hypnagogiques. Elle ressent généralement
de l’euphorie et voit des taches colorées. Je pense que
l’amélioration de son état psychique est dû aux
endorphines dont la sécrétion est stimulée par la
transe. Il est à noter que les antidépresseurs ne
semblent pas avoir bloqué la sécrétion des
endorphines.

Quelques séances ne sont pas rapportées ci-après.
Les séances 1 et 2 étaient des séances de relaxation
simples. La séance 3 est sa première transe avec la
posture de Cholula, mais cela n’a rien donné car elle
était trop occupée par ses soucis quotidiens. Les
séances 5 (posture de Cholula (3)) et 6 (posture
Monde d’en bas (1)) sont caractérisées par un vide
mental entrecoupé de soucis quotidiens. Les séances 9
et 10 (posture du prince olmèque), idem.

#.1. Lucie 01/03/96 — séance 4 — Cholula (2)

« J’ai trouvé ça très agréable. J’avais presque envie
de danser. Euphorie, presque. En même temps ça me
faisait penser à une forêt, forêt vierge peut-être avec
tous ces bruits mystérieux, comme en arrière-fond. En
même temps comme une musique de danse, en
même temps comme un bruit d’eau. Et puis j’ai eu
des visions colorées, pas des images, un champ visuel
coloré. Des couleurs qui se succédaient. Ça, ce n’est

~ 392 ~

pas nouveau, je l’ai souvent, à la maison, il m’arrive
de l’avoir avant de m’endormir ou dans la journée...
Ici, c’était quasi immédiat. Allant du violet au
magenta. Très brillant par moments.

J’avais l’impression que tu étais derrière moi et que
tu agitais les calebasses, tellement c’était proche et
vivant.

J’ai senti une pulsation dans mes mains, et elles
étaient chaudes. Et un peu des palpitations
cardiaques mais rien d’angoissant. C’était bien. »

#.2. Lucie 04/04/96 — séance 6 — Monde d’en bas (1)

« Euphorie. Je vois un balancement du corps,
presque envie de danser.

Le tam-tam me semblait plus léger, plus entraînant,
ayant envie de danser.

Je n’arrive pas à décoller complètement du
quotidien. Ce que j’aimerais bien mais je n’y arrive
pas. Relaxée oui.

Je n’avais pas de sensation d’ennui...

Je n’ai jamais d’images mentales. Même pas de
lumières comme l’autre fois. »

~ 393 ~

#.3. Lucie 11/04/96 — séance 7 — Monde d’en bas (2)
« Plus de couleurs devant les yeux que la dernière

fois, plus de taches colorées : toujours virant du rouge
au violacé.

Impressions : le tam-tam. À un moment donné,
j’avais l’impression qu’il y avait en plus un bruit
humain de claquement de mains et qui n’était pas
continu. »

#.4. Lucie 15/04/96 — séance 8 — Olmèque (1)
« Le long des bras, il y avait sensation de bien-être.

J’avais réussi à oublier mes soucis. Pas d’images
mentales. Quelques taches colorées : violacé, bleu,
un peu de rouge. Euphorie : oui »

#.5. Lucie 29/05/96 — séance 11 — Ours (2)
« Tremblements dans les mains. Je n’avais pas

vraiment l’impression que c’était des crispations. Les
jambes étaient crispées. Les mains qui chauffent.

Taches colorées. Des couleurs. C’était écarlates et
c’est devenu de plus en plus sombre. »

~ 394 ~

#.6. Lucie 04/06/96 — séance 12 — Ours (3)

« Crispation dans les mollets. Bien-être. Je me suis
laissée envahir par le rythme. Bien-être tout en
sentant une crispation.

L’effet de la transe, j’ai l’impression de l’avoir sentie
plus aujourd’hui. C’était tout le haut du corps qui était
pris de façon harmonieuse. »

F. PATRICK

Patrick a 39 ans et est commercial ; au chômage en
1996 suite au dépôt de bilan de son employeur. Il est
marié et a deux enfants. Étant disponible, il a accepté
de participer à mes séances, Rémi m’ayant mis en
contact avec lui. C’est un personnage calme et posé
qui s’est prêté au « jeu » avec amabilité : il s’est laissé-
aller et a produit des contenus intéressants.
Aujourd’hui, il a un nouveau travail, toujours dans la
même branche.

#.1. Patrick 15/02/96 — séance 1 — Cholula (1)

« J’avais l’impression d’être comme un chef. Des
tambours. Il y avait une trentaine de personnes qui
dansaient autour d’un feu. C’était très grand, il y avait
au moins une trentaine de personnes, un grand
cercle. Avec ce feu dans la nuit. Dans une tente, pas à
l’extérieur. Et puis ils dansaient, l’impression de partir

~ 395 ~

dans le rythme du tambour. Chaud, il y avait une
chaleur, j’avais l’impression de transpirer. Le rythme.
Par moments je voyais ça de très haut. D’être dedans,
de participer et puis après de voir tout ça de haut. De
très haut, de trois ou quatre étages. Ils étaient comme
les Indiens d’Amérique avec des petits pagnes, des
couleurs peau, du cuir naturel. Tout le monde est de
ton cuivré avec le feu, bronzés. Je voyais surtout les
jambes, je ne sais pas pourquoi. J’avais l’impression
de ne plus avoir la sensation du corps. Je me sentais
plus grand, plus géant. Je n’avais plus l’impression de
ma dimension. C’était assez obsédant, de les voir
tourner dans le rythme. Ça te saoule, voilà. J’étais
toujours à l’intérieur, mais je voyais de très haut, c’est
très particulier. Et ce feu, ce très très grand feu. Et
chaud. Il n’y avait que des hommes. J’avais
l’impression qu’ils faisaient cette fête pour moi. Je ne
participais pas, je regardais. Il n’y avait pas de
communication avec eux. Ils avaient les jambes nues,
pas de pantalons. Impression de balancement, que le
corps tourne. Ça a duré cinq minutes. J’avais
l’impression d’avoir du coton dans la bouche. C’est
tout. Les gens très calmes. D’autres regardaient. Ce
feu était vraiment aussi grand que moi. Une très très
grande pièce. Un lieu où on fait des cérémonies. Je le
ressentais comme cela ce lieu. Il n’y a rien qui se
passait, ils venaient et repartaient. Du début à la fin,
c’est toujours la même chose. »

~ 396 ~

Commentaire : Patrick réagit bien à la transe, il est très
réceptif. Les signes sont là : la chaleur, les
balancements... Ses visions d’Indiens sont
certainement induites par le rythme du tambour
qui me sert d’inducteur. Il se sent très grand, ce qui
est un indice d’ENOC (modification de la
perception du corps).

#.2. Patrick 22/02/96 — séance 2 — Cholula (2)

« Au début, un œil qui me regarde et qui disparaît.
Je me trouve en haut d’un canyon et des Indiens

dansent autour d’un totem. Ensuite, je suis en train de
planer au-dessus d’une immense forêt.

Un homme âgé avec une peau de bête épaisse
danse face à moi en agitant les bras en l’air.

Dans une caverne, des hommes dansaient autour
d’un rocher pointu avec au sommet une boule de
lumière blanche. Ils dansaient en se tenant les
épaules. À l’entrée de la caverne, un vieil homme
regardait cette danse. Cet homme tenait une grande
crosse dans la main. En le regardant de plus près,
c’était mon conseiller intérieur. »

Commentaire : Patrick ne me parle pas de sa question.
Après l’interview, je lui demande ce qu’il en est et il
me répond qu’il a oublié. Toujours des Indiens et
l’apparition de « son conseiller intérieur » : son
esprit-tutélaire ? Il plane au-dessus d’une forêt : on
a là un indice de voyage en esprit.

~ 397 ~

#.3. Patrick 07/03/96 — séance 3 — Cholula (3)

« Un visage m’est apparu : un homme avec une
couronne de feuillage autour. C’est tout. Ensuite, je
me suis retrouvé dans la même grotte que la dernière
fois. Ah non, avant ça, j’avais l’impression que mon
tronc s’allongeait.

Après, il y a un totem très coloré avec des yeux
exorbités. En fin de compte, c’était une sculpture qui
était dans la grotte. De mon côté droit. Elle était là,
en hauteur, dans la roche. Donc, je me suis retrouvé
dans la même grotte que la dernière fois. Il y avait de
nouveau ce pic pointu et des hommes qui couraient
autour, vite. Ils couraient assez légèrement, c’était
assez bizarre, comme un dessin animé [avec] les
mouvements exagérés. En fin de compte, c’était un
cratère, il y avait de temps en temps comme du feu
qui sortait, qui crachait, puis cela faisait un gros
nuage. Ça ne retombait pas, ce n’était pas de la lave.
Moi, j’étais en hauteur je surplombais la scène. Je
n’étais pas au même niveau qu’eux, j’étais toujours
au-dessus, comme si j’étais sur un surplomb. En face
de moi, il y avait de nouveau l’entrée de la grotte,
plus haute toujours, avec mon conseiller qui était là,
qui faisait ça (geste) avec la main.

C’est la première fois que je vois les visages. Avant,
je n’avais jamais de visage. C’était des vieillards qui
apparaissaient, très très ridés, avec de longs cheveux
noirs, une petite plume derrière et ce n’est pas eux

~ 398 ~

qui dansaient. Ils étaient autour. Et à un moment,
j’avais l’impression que c’était des femmes. Je ne
savais pas si c’était des hommes ou des femmes. Ils
tapaient sur leurs tambours dans le rythme, tout
autour. Autour de la grotte, ils étaient toujours en
cercle. Il y avait une deuxième ronde autour du feu et
là ils dansaient en rythme, avec des mouvements
exagérés en tournant autour de ce cratère.

J’avais posé ma question et il y a des images qui
me sont apparues. D’abord, je donne un coup de
main à un collègue qui veut que je travaille pour lui
et, quand on rentre dans son magasin, il y a une cage
avec des perruches. C’est la cage avec des perruches
qui m’est apparue, et tout à la fin il y avait l’enseigne
du magasin. La séance s’est terminée. Je savais que
c’était fini, il n’y avait plus rien. La vision de
l’enseigne, c’était la fin.

Je n’entends jamais de paroles, c’est des
sensations, des impressions, des frissons par
moments. L’impression que le conseiller me faisait
passer quelque chose, cela m’a donné des frissons.
C’était une sensation agréable comme quand tu
entends une belle musique qui te touche. Et après,
j’avais de nouveau une vue d’ensemble de ces gens
qui dansaient autour de ce cratère. Il y avait du
monde. À la fin, je suis parti en les voyant de haut,
c’était la fin. »

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Commentaire : Patrick est souvent en hauteur. C’est un
signe de voyage en esprit (on ne peut pas parler
d’OBE). Sa question concernait son travail : il avait
subi un licenciement économique et cherchait du
travail. Ce qu’il a vu ne s’est pas réalisé mais il a, un
peu plus tard, trouvé un nouveau travail dans le
même domaine que le précédent.

#.4. Patrick 14/03/96 — séance 4 — Monde d’en bas
(1)

« Je n’avais pas envie de respirer. Après, la
respiration s’est fait oublier mais j’avais du mal au
début.

J’étais au bord d’un ruisseau, des bruits d’eau.
C’était dans une forêt. Le ruisseau dévalait une pente
dans la montagne. Il y avait des Indiens de nouveau
mais avec des grandes plumes, leur machin
d’apparat. Ils étaient à la source de la rivière et ils
avaient des bols en bois avec des billes dedans et puis
ils tapaient, ils faisaient le rythme. Avec des bâtons, ils
tapaient. Il y en avait plusieurs, une dizaine. Tous
avec leurs grandes plumes et ils étaient là, ils
tapaient, tapaient. On a l’impression que c’était une
cérémonie pour l’eau ou quelque chose comme ça.

Après il n’y en avait plus qu’un avec la grande
coiffe. Et les autres n’avaient plus de coiffe. Ils étaient
tout autour. Et puis il mettait ses mains, comme des
impositions de mains au-dessus de la source et les

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