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Depuis quelques années, il est facile de constater que les collégiens ne disposent plus d’un manuel dédié à la discipline « éducation musicale ». Dès lors, pour pallier l’absence d’un tel support, les éditions Lugdivine ont conçu une publication dématérialisée intitulée Le livre de musique pour tous.

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Published by Editions Musicales Lugdivine, 2022-06-10 04:31:54

Le livre de musique pour tous

Depuis quelques années, il est facile de constater que les collégiens ne disposent plus d’un manuel dédié à la discipline « éducation musicale ». Dès lors, pour pallier l’absence d’un tel support, les éditions Lugdivine ont conçu une publication dématérialisée intitulée Le livre de musique pour tous.

le milieu des années 1930 marque l’avènement de la swing era (ère du swing) qui désigne le
balancement né de l’accentuation des 2e et 4e temps, au lieu des 1er et 3e temps habituels (cette
caractéristique constitue l’élément majeur qui qualifie la musique jazz). La swing era correspond
aussi à l’arrivée des grands orchestres (big bands) et surtout à la reconnaissance d’une nouvelle
catégorie de musiciens : les arrangeurs. Parmi eux, on doit citer le pianiste duke ellington
(1899/1974). Ce dernier se démarque de tous ses autres “rivaux” en inventant quelques styles qui
lui sont propres : “mood”, “jungle”…
De son côté, Count Basie (1904/1984), développe un style orchestral “swingué” très original.
Au cours de cette période dite middle jazz, éclot toute une génération de chanteurs et solistes
remarquables (Cab Calloway, Ella Fitzgerald, Louis Armstrong…) De même, on note l’avènement
du “combo”. Ce terme désigne une formation restreinte (pas plus de 8 à 9 musiciens) constituée
d’une section rythmique (en général, batterie, contrebasse ou guitare basse, guitare rythmique ou
piano…) et de diverses sections instrumentales, souvent des cuivres et des saxophones.

louis armstrong - 1953 - New York World-Telegram
and the Sun Newspaper Photograph Collection

Cab Calloway - 1933 - Van Vechten Carl
(1880/1964), photographe

ella Fitzgerald - 1933 - Van Vechten, Carl, Count Basie - 1946/48 - Gottlieb photographe
1880/1964, photographe

Photos (Library of Congress)

Parmi les solistes instrumentaux les plus célèbres, on retrouve, bien évidemment, le trompettiste
louis armstrong (1901/971), dit Satchmo. Ce dernier se distingue aussi dans le domaine vocal.
En effet, même s’il n’est probablement pas le premier à pratiquer le scat (onomatopées utilisées en
lieu et place de paroles), c’est lui qui popularise cette technique virtuose du maniement de
l’onomatopée (en fait le scat est né d’un oubli de paroles lors d’une intervention chantée).

à New York, de nombreux instrumentistes (cf. les plus célèbres ci-dessous) se retrouvent parfois
dans la 52e rue et organisent, de façon informelle, les fameuses jam sessions. Quelques pianistes,
qui n’ont rien à envier aux virtuoses de la musique savante, se démarquent, parmi lesquels erroll
Garner (1921/1977)…

lester Young - Famous Door - New York, - art tatum - Vogue Room - New York -1946
1946 - Gottlieb photographe Gottlieb photographe

erroll Garner - 1946 - Gottlieb photographe lionel hampton -1946 Gottlieb

Photos (Library of Congress) photographe

En Europe, et plus spécifiquement en France où bon nombre de musiciens américains noirs ont
trouvé refuge après la crise de 1929, le jazz se cristallise autour de la personnalité de deux
musiciens exceptionnels : le guitariste django Reinhardt (1910/1953) et le violoniste Stéphane
Grappelli (1908/1997).

c - le jazz manouche django Reinhardt - 1946
Même s’il existait une musique manouche clairement
identifiée avant Django Reinhardt, ce dernier, associé à Gottlieb photographe
Stéphane Grappelli, est considéré comme “l’inventeur” du
style jazz manouche, de fait né en France. Cette forme
est la résultante d’une synthèse entre la musique gitane,
la musique gypsy d’Europe centrale, le musette, la
chanson française, le tout saupoudré de jazz et plus
spécifiquement de be bop. La formation initiale se
caractérise par l’absence de percussions et de cuivres.
Elle se compose de guitares, contrebasse et violon. Petit
à petit d’autres instruments intègrent la formation de
départ ; l’accordéon et la clarinette en particulier.

d - la rencontre de deux mondes musicaux
Au cours de la Première Guerre mondiale,
débarquent en France 400 000 soldats américains et,
parmi eux, le 369e régiment d'infanterie essentiellement
composé de Noirs. La rencontre entre le jazz américain et la
java française a lieu, en décembre 1917, lorsque l’orchestre du
Harlem Hellfighters, défile dans les rues de Brest. Portée par
la dynamique de la victoire cette musique provoque un
engouement sans précédent qui participe activement à
l’ambiance des Années folles à Paris.

Dans la cour d'un hôpital parisien, une fanfare militaire noire américaine
divertit les patients en jouant des airs de jazz.

Joséphine Baker (1906/1975) et la Revue nègre

Le directeur du théâtre des Champs-élysées a bien compris
l’enthousiasme des Parisiens pour cette “mode nègre” et engage une
troupe composée exclusivement de Noirs (treize danseurs et douze
musiciens, dont Sydney Bechet), venue de New York où elle a déjà
triomphé à Broadway. Une jeune fille de dix-huit ans à peine se
distingue immédiatement par son tempérament de feu et son audace
artistique. Ses déhanchements, ses mimiques, son sourire, sa
coiffure courte (“à la garçonne”) fixée à la brillantine, son charleston
endiablé, son minuscule pagne de bananes (spectacle de 1927)…
font qu’elle devient vite le “phénomène Joséphine Baker”.

Joséphine Baker dansant le charleston aux Folies Bergère à Paris lors de la Revue
nègre en 1926 (photo de Waléry).

le grand orchestre ou big band
Dès le milieu des années 20, New York voit naître un nombre incroyable de grands orchestres. Les clubs,
théâtres, cabarets, qui pullulent, offrent du travail à tous. Cela dure jusqu’après la guerre.
Le pupitre “Vents” d’un big band comporte généralement 3 trompettistes, dont le premier trompette,
responsable de sa section, 2 trombonistes et 4 saxophonistes (1 baryton, 1 ou 2 ténors, 1 ou 2 altos).
La section rythmique se compose d’un piano (souvent la place occupée par le chef, mais pas toujours !),
d’une guitare, d’une contrebasse et d’une batterie.
Un chanteur et une chanteuse complètent l’effectif qui comprend au total une quinzaine de membres.

Glenn Miller (1904/1944)
Tromboniste, compositeur et chef d’orchestre, Glenn Miler connaît
un succès considérable au cours de la Seconde Guerre mondiale
lorsqu’il dirige l’orchestre militaire Glenn Miller Army Air Force Band,
basé à Londres. Les concerts de sa formation sont souvent
retransmis à la radio et, en parallèle, il enregistre de nombreux
disques* qui font de sa musique le symbole du swing qui
accompagne la libération du Vieux Continent. Cependant de
nombreux amateurs de jazz ne partagent pas cette reconnaissance

et reprochent à sa musique de céder à la facilité et à une forme de démagogie en privilégiant son
côté dansant plutôt que jazzistique. Le titre “In the mood”, adaptation d’un titre sorti en 1930 (Tar
Paper Stomp du trompettiste Wingy Mannone) sera une des inspirations du rock’n’roll et du
rockabilly. Glenn Miller trouve tragiquement la mort le 15 décembre 1944, lors d’un vol entre
l’Angleterre et la France où il se rendait pour organiser un futur concert. L’orchestre de Jazz de
Glenn Miller a continué d’exister après la disparition de son leader.

* C’est lui qui reçoit le premier disque d'or de l’histoire qui s’est vendu à 1 200 000 exemplaires.

l’orchestre de Glenn Miller - 1941 - Il est intéressant de noter l’utilisation par la section des cuivres
(trombones et trompettes) de sourdines à la forme originale de chapeau melon, en aluminium, que
les musiciens faisaient aller et venir devant le pavillon de leur instrument dans un geste ample et
synchronisé, très spectaculaire et caractéristique de ces années swing.

e - le be bop et les années 1940
Apparu en 1942 à Harlem, le style be bop
se démarque du swing en s’appuyant sur
des formations réduites (souvent un
quintette) interprétant des rythmes plus
saccadés et des mélodies complexes. Cette
musique s’écoute désormais plus qu’elle ne
sert pour danser. Dans le genre, s’illustrent
le saxophoniste Charlie Parker (1920/1955),
le trompettiste dizzy Gillespie (1917/1993),
le pianiste et compositeur thelonious Monk
(1917/1982), le batteur Kenny Clarke
(1914/1985).

dizzy Gillespie - 1946 - Gottlieb photographe

thelionous Monk - 1947 - Gottlieb Charlie Parker - 1947 - Gottlieb photographe
photographe
Miles davis - 1947 - Gottlieb photographe
f - le cool jazz et les années 1950 Photos (Library of Congress)
également appelée West Coast jazz,
cette musique développe un style plus

calme et plus apaisant que le be bop. Les
principaux représentants de ce nouveau
courant sont le trompettiste Miles davis
(1926/1991), le pianiste dave Brubeck
(1920/2012), le saxophoniste Stan Getz
(1927/1991).
La chanteuse Sarah vaughan (1924/1990)
est une des icônes féminines du genre.

iNtRUSiON de la MUSiQUe éCRite

Jelly Roll Morton fût le premier à écrire des arrangements sophistiqués. Il a ainsi montré la
voie à toute une série de compositeurs ou d’arrangeurs qui ont réussi, grâce à leur talent,
à coucher sur le papier l’esprit même du jazz. Bien sûr, ce travail nécessite une solide formation
classique associée à une totale immersion dans l’univers jazzistique. L’improvisation collective a ses
limites, en particulier quand il s’agit de faire jouer 15 musiciens ensemble. Les partitions sont alors
indispensables, mais elles doivent aussi laisser de la place au soliste et à l’improvisation.

Formation classique
La plupart des jazzmen bénéficient d’une formation musicale “sérieuse” avant d’avoir le droit de
s’aventurer à jouer “la musique du diable” comme l’appelaient les pasteurs de l’époque. Les plus à
l’aise économiquement se forment auprès de professeurs particuliers, les plus pauvres suivent des
cours collectifs de musique dans le cadre de l’école et les plus chanceux, comme Louis Armstrong,
se retrouvent dans une maison de redressement, avec un éducateur perspicace. Quoiqu’il en soit,
presque tous peaufinent leur apprentissage auprès des anciens, des maîtres qui ne rechignent jamais
à faire profiter les novices de leurs conseils éclairés.

Partition et improvisation
Pour résumer, on constate qu’une bonne partie des œuvres de jazz consiste en une succession
harmonieuse de parties écrites sur partitions, ou apprises par cœur en s’appuyant sur les grilles
harmoniques, mais aussi de séquences improvisées. Lors des séances d’enregistrement,
l’improvisation se limite à quelques chorus bien encadrés alors que, sur scène, les musiciens peuvent
s’exprimer plus longuement, au gré des encouragements du public, toujours friand de ces moments
de création spontanée.

Photo ©Library of Congress 1947 - Cette photo montre des étudiants de
la classe de swing band du Metropolitan
Vocational High au travail dans une école où
la musique populaire est traitée sur le même
plan que la musique classique. C'est
probablement l'une des très rares écoles
publiques du pays qui prépare les garçons
et les filles à devenir musiciens actifs.

g - le latin jazz
Cette appellation, créée dans les années 1960, fait référence à un courant, né vingt ans
auparavant, qui combine les rythmiques latino-américaines avec les pratiques jazz des USA.
Le latin jazz est marqué par une double influence ; celle des musiques des Caraïbes et plus
particulièrement de Cuba (salsa, merengue, mambo, songo, cha-cha-cha) d’une part, celle du Brésil
(bossa nova, samba) d’autre part. Le trompettiste dizzy Gillespie (1917/1993) s’impliquera
beaucoup dans cette nouvelle voie.

h - le hard bop et la fin des années 1950
Pour réagir contre le cool jazz, qui traîne une réputation de musique pour Blancs, une autre
génération de musiciens noirs s’épanouit. Ces derniers orientent leur choix en direction d’un
style plus musclé, le hard bop, en phase avec les racines afro-américaines du jazz. On considère
généralement que ce mouvement naît en 1954 lors du concert “Walking” de Miles davis
(1926/1991) au festival de Newport. Le contrebassiste Charles Mingus (1922/1979) est une des
autres principales figures de ce courant.

art Blakey - 1981 - Gotfryd, Bernard, photographe

Sonny Rollins - Paul-Emmanuel Roy
photographe - Vienne, 2008

Max Roach - 1947 - Gottlieb, William P

Photos ©Library of Congress)

i - le jazz modal et le soul jazz des années 1960
On fait, une nouvelle fois, de Miles davis l’initiateur du jazz modal. Faisant appel à des
gammes ou des modes d’écriture du passé, ou à des musiques “extra-occidentales”, ce
mouvement libère le soliste des contraintes harmoniques au cours des longues improvisations sur
un nombre réduit d’accords. Le saxophoniste John Coltrane (1926/1967) est également l’un des
représentants emblématiques de ce courant.

Le soul jazz est considéré comme un mix entre le hard bop et le blues. Dans ce genre, s’illustrent
le pianiste-chanteur Ray Charles (1930/2004) et la chanteuse aretha Franklin (1942/2018 ) dite
The Queen of soul.

Ray Charles - 1984 - The Republican National aretha Franklin - 2009 - U.S. Capitol - 56e
Convention - Dallas Texas investiture présidentielle à Washington

j - le jazz funk et les années 1970
Directement issu du soul jazz, le funk s’en

démarque par la présence d’une section rythmique
au jeu très syncopée (guitare, basse, batterie) et par
les interventions énergiques des instruments à vent
(cuivres, saxos…).
James Brown (1933/2006) marque de son empreinte
ce mouvement.

James Brown “Mr. Dynamite” - ArtWorks -
1437 Main Street, Cincinnati, Ohio

k - le free jazz et les années 1960-1970
Dégagés des règles et des codes établis dans le domaine du jazz, les petits ensembles de free
jazz revendiquent et imposent une totale liberté d’expression. Souvent qualifiée “d’Avant-garde”,
cette musique sans compromis n’est pas toujours simple à appréhender et déroute souvent le public.
Parmi les inspirateurs de ce courant, on doit d’abord mentionner le poly-instrumentiste Ornette
Coleman (1930/2015) ainsi que Charles Mingus (1922 /1979) et John Coltrane (1926/1967).

l - le jazz fusion ou jazz rock
à la fin des années 1960, se manifeste une nouvelle tendance stylistique, combinaison des
critères jazzistiques (improvisation des solistes en particulier) et des rythmiques binaires du
rock ou de la pop music. C’est encore Miles davis qui signe cette orientation grâce à des
enregistrements effectués avec l’éminent guitariste John Mclaughlin (1942) qui s’est illustré avec
son groupe Mahavishnu Orchestra. De nouveaux instruments (électriques, électroniques ou issus
des musiques du monde) viennent alors compléter ceux habituellement utilisés pour ouvrir
considérablement l’horizon créatif. Quelques noms jalonnent ce parcours : herbie hancock (1940),
Chick Corea (1921/2021), Jean-luc Ponty (1942), Frank zappa (1940/1993), Michel Portal
(1935), Stan Getz (1927/1991)… ainsi que les groupes Cream, Magma, Weather Report, Soft
Machine…

Weather Report - Shinjuku Kosei-nenkin Hall - Dino
Ferrari

Frank zappa 1977 press conference
and Armadillo World Headquarters
performance photographs

John Mclaughlin - 2008 - Festival
de Vienne - Paul Emmanuel Roy
photographe

m - les autres styles de jazz
L’insaisissable métissage culturel, indissociable de la culture jazz, empêche de dresser un relevé
exhaustif de toutes les déclinaisons stylistiques qui ont pu exister. On peut cependant brièvement
évoquer quelques styles, plus ou moins bien cernés, qui ont jalonné ces dernières décennies :
• Acid Jazz. Il s’agit d’un mélange de hard bop, funk, dance music et hip hop remontant aux années
1980 en Angleterre.
• Smooth jazz. C’est un héritage soft du jazz fusion, qui fait appel, entre autres, aux claviers
électriques pour interpréter des musiques où l’improvisation n’a pas sa place.
• Post Modern. Difficilement assimilable aux styles précédents, cette appellation fait néanmoins
référence à un esprit proche du cool jazz, du soul et du funky.
• Trip-Hop ou Bristol sound. Apparue dans la décennie 1990, cette musique construite sur des
boucles de sons électroniques répétitifs (samples), au tempo lent est dérivée de la house et du hip
hop anglais.
• Europeen jazz. Ce terme, employé à la fin du siècle dernier, est destiné à remplacer celui de jazz,
trop conventionnel et passéiste. Les Européens (Scandinaves et Français en particulier) veulent
ainsi revenir au caractère “dansant” du jazz initial tout en associant instruments électroniques et
acoustiques.
• Nu Jazz. également dénommé jazz électronique ou electro-jazz à la fin des années 90, ce style
s’applique à un jazz libre de toute référence stylistique et qui explore de nouveaux territoires sonores
tout en intégrant le principe jazzistique à la musique électronique.

Quelques noms d’aujourWdi’nhtouniM1arsalis (1961) 4
ibrahim Maalouf (1980)

3
diana Kraff (1964)

2
trombone Shorty (1986)

Photos 1 - 2 - 3 (Paul Emmanuel Roy - Festival de Vienne) - Photo 4 Oliver Abels - Deutsches Jazzfestival Frankfurt 2013

à retenir Né à la fin du XiXe siècle dans le Sud des états-Unis, le jazz désigne un genre musical
issu du brassage de divers courants musicaux : spirituals, gospels, work songs,
blues, ragtime et quelques formes de musique européenne…

leS diFFéReNteS étaPeS trompettistes
le jazz New Orleans Louis Armstrong (1901/1971).
le style Chicago Miles Davis (1926/1991)
le jazz manouche Pianistes
le be bop et les années 1940 Scott Joplin (1868/1917)
le cool jazz et les années 1950 Duke Ellington (1899/1974)
le hard bop et la fin des années 1950 Ray Charles (1930/2004)
le latin jazz dans les années 1960 Guitariste
le jazz modal et le soul jazz des années 1960 Django Reinhardt (1910/1953)
le free jazz et les années 1960-1970 Saxophoniste
le jazz funk et les années 1970 Charlie Parker (1920/1955)
le jazz fusion ou jazz rock Contrebassiste
Charles Mingus (1922/1979)

vocabulaire Big band : grand orchestre de jazz composé généralement de 3 (ou 4) trompettes, 3
trombones, 5 saxophones, piano, guitare, contrebasse et batterie soit 16 musiciens.

Combo : petit orchestre de 5, 6 musiciens.
Chorus : en jazz, traditionnellement, on improvise sur le refrain d’une chanson. C’est ce que l’on
appelle “prendre un chorus”.
harmonie : constituée d’une suite d’accords, trame sur laquelle s’installe la mélodie.
improvisation : création musicale spontanée, réalisée tout en s'appuyant sur la grille harmonique,
support de la mélodie.
Jam Session : en fin de soirée lorsque des musiciens présents dans le public rejoignent ceux
qui sont sur scène pour jouer avec eux des morceaux improvisés. En français on dit : “faire le
bœuf”.
Mélodie : l’air de la chanson, phrase musicale que l’on fredonne.
Pont : passage de transition disposé entre deux parties identiques pour généralement apporter une
modification mélodique ou harmonique (exemple, section “B” d’un modèle “AABA”)
Riff : petite phrase musicale d’une ou deux mesures, à la mélodie simple et au rythme marqué,
répétée par un instrument.
Rythmique : constituée généralement par le piano, la guitare, la contrebasse et la batterie, la section
rythmique assure l’harmonie et le tempo.
Scatt et scatter : façon de chanter inventée d’après la légende par Louis Armstrong qui consiste à
utiliser des onomatopées en lieu et place des paroles d’une chanson.
Set : dans les clubs de jazz l’orchestre joue généralement 3/4 d’heure toutes les heures. On appelle
chaque passage un set.
Swing : désigne la pulsation rythmique indispensable au jazz et aussi la période (1930-1945) entre
le new orleans et le be-bop.
temps forts et faibles : une mesure compte généralement 4 temps ; on appelle le premier et le
troisième les “temps forts”, le deuxième et le quatrième sont dits “temps faibles”. En jazz on accentue
les temps faibles. C’est ce qui crée, entre autres, le swing. Attention, quand vous tapez dans vos
mains, faites-le sur les temps faibles !

exercices

exercice 1 exercice 5

Dans quel état des états-Unis le jazz est-il né ? Redonner à chacun des musiciens ci-dessous

(noter la bonne réponse) : son instrument favori (trompette - piano - guitare

Texas - Louisiane - Californie - saxophone).

exercice 2 a) Ray Charles b) Louis Armstrong
à quelle période a-t-on commencé à parler de
musique jazz ? (noter la bonne réponse) : c) Charlie Parker d) Django Reinhardt

fin du XIXe s. - XVIIIe s.- fin du XXe s exercice 6
Qu’appelle-t-on “scat” ? (noter la bonne réponse) :
exercice 3 a) Jeu à la trompette bouchée
Dans quelles formes musicales le jazz puise-t-il b) Chant fait d’onomatopées
ses racines ? (3 bonnes réponses) : c) solo de piano
Concerto - Gospel - Sonate - Blues - Symphonie
- Negro spiritual exercice 7
Retracer le chemin du jazz à travers les états-
exercice 4 Unis depuis son origine :
Comment se nomme le thème sur lequel un New York - Chicago - La Nouvelle Orléans - La
musicien improvise, synonyme de solo ? West Coast -

Pour aller plus loin

illustrations sonores - Suggestion

travail de recherche et de documentation sur les sujets suivants :

illustrations sonores ou visuelles ethnographiques

• les chants de travail
La stimulation de l’effort physique met en œuvre des composantes sonores énergisantes. Celles-ci
peuvent être produites par les acteurs eux-mêmes ou par des musiciens et/ou chanteurs participant
extérieurement à l’action. De nombreuses activités traditionnelles font appel à ces techniques
“inductrices” : pagayage, labourage, battage, pilonnage… Les encouragements proviennent de cris
individuels, de chants ou de clameurs collectives… Chez les Dogons du Mali, tandis que les femmes
battent le beurre de karité pendant des heures, d’autres les encouragent en chantant, en criant et en
frappant dans leurs mains !

Long John
Aux états-Unis, en 1934, John et Alan Lomax ont filmé et enregistré cette chanson de travail, Long
John, chantée par un homme identifié comme “Lightning” et un groupe de ses camarades condamnés
noirs à Darrington State Prison Farm au Texas. Ce film nous montre des prisonniers noirs enchaînés
les uns aux autres (chain gang), cassant des pierres et accompagnant ce travail harassant par des
chants ce qui leur permettait de travailler avec un rythme régulier, nécessaire à ces travaux “collectifs”.
Les paroles de Long John mêlent préoccupations religieuses et laïques, et espoirs de s'échapper un
jour de la servitude, ce désir profondément ressenti à la fois par les esclaves et les prisonniers.

Rosie (Chain Gang Blues)
Le chant Rosie fonctionne avec un système de questions-
réponses : une personne chante, les autres répondent et le
tempo est marqué par des coups de pioche dans la roche, ou
de hache contre les arbres. La voix est pleine de sueur et de
souffrance et la musique devient le moyen d'expression privilégié
des sentiments.

Prisonniers formant une chain gang - Caroline du Sud
(USA) ≈ 1900 / 1906
© Library of Congress

• Quelques rythmes et chants de travail
-/ les gumboots (bottes de caoutchouc) - Afrique du Sud :
Ngisebenzela wena - Emabovini
-/ Les Bateliers de la Volga : chanson traditionnelle russe sur la
pénibilité du métier de “tireur de bourlaque” au temps de la Russie impériale. Glenn Miller en a écrit
une interprétation sous le titre Song of the Volga Boatmen.
-/ Chants de marin : à ramer, à hisser… shanties, chants de travail utilisés pour rythmer et scander
diverses manœuvres à bord des voiliers (ex… The Wellerman)…

• Negro spiritual et gospel
• entre Jazz et Classique : Rhapsody in Blue - Georges Gershwin / Golliwogg’s Cakewalk - Claude
Debussy
• les grandes figures de la lutte anti-ségrégationniste
• le métissage du jazz

le travail vu par les peintres

Les bateliers de la Volga - Ilya Répine (1844/1930) - Musée d'état russe - Saint-Pétersbourg
Reproduction colorisée du tableau Les casseurs de
pierres - 1849 - Gustave Courbet (1819/1877) -
acquis par la Gemäldegalerie Alte Meister de
Dresde : la toile fut détruite lors du bombardement
de la ville en février 1945.

Chant :
Sur la route de Louviers

Lavandières au bord du canal - 1888 -
Paul Gauguin (1848/1903) - Museum of
Modern Art (MoMA), New York City -

Chant :
Les lavandières du Portugal

hIstOIrE DE LA MusIquE

2 - LEs MusIquEs pOpuLAIrEs

Les “nouvelles musiques populaires”, espaces de partage et de
liberté !
Aujourd’hui, un constat s’impose : désormais la musique classique n’est
plus l’unique dédicataire de la pratique dite “savante”. En effet, aux états-
Unis d’abord, la rencontre du mouvement littéraire beat generation et du
jazz en particulier a ouvert les esprits, estompé les frontières, créé des modes de
vie et de pensée revendiqués par une grande partie de la jeunesse… Ce métissage a favorisé
l’émergence de conceptions nouvelles qui associent sans discernement qualitatif, musique savante,
musique du monde, musique traditionnelle, musique populaire…

A - La comédie musicale

B - Le rock

a - Les origines : le rock’roll
hillbilly & country and western music - rockabilly

b - Les années sixties (1960) et le British style
rock-psychédélique - rock-folk - country rock - rock-garage

Vous avez dit pop music ?

c - Le rock des années 1970
progressive rock - glam rock

d - Le rock des années 1980
new wave

e - Le rock des années 1990
rock alternatif : grunge - britpop

f - Le rock du XXIe siècle

C - les musiques électroniques

a - La préhistoire de l’électronique
b - Les balbutiements

c - De la musique électronique à la MAO
d - L’électro

D - Le hip hop - le rap

a - Le hip hop
b - Le rap

c - Le rap en France

E - Les musiques traditionnelles

1 - En Occident
2 - Les musiques traditionnelles du monde

hIstOIrE DE LA MusIquE

MusIquEs ACtuELLEs
XXe - XXIe siècles

A - La comédie musicale

Il s’agit d’une forme qui combine les structures narratives de l’opéra et de l’opérette avec
les pratiques musicales populaires. Le genre se développe essentiellement aux états-unis
dans les théâtres (Broadway est un des centres les plus prolifiques) mais aussi à travers
l’industrie cinématographique basée à hollywood.

La plupart des compositeurs, chorégraphes et metteurs en scène de comédies
musicales introduisent dans leurs créations une dynamique originale apportée par le
jazz. Entre musique savante et musique populaire, cette forme typiquement américaine
s’appuie sur des dialogues, des chansons “solistes”, des chœurs et des danses. La nouvelle
formule signifie que les comédiens doivent être à la fois acteurs, chanteurs et danseurs. Autrement
dit, cette implication totale rompt avec le modèle “compartimenté” pratiqué dans les vaudevilles ou
les opérettes en Europe. Par ailleurs, le développement des radios, des studios d’enregistrement,
des vinyles et des gramophones fait que de nombreuses chansons tirées de ces œuvres deviennent
des succès de la variété… ou du jazz. Dans les années 1930-1950, que ce soit à Broadway (sur
scène) ou à Hollywood* (via les studios de cinéma), les comédies musicales font un triomphe !
On fait généralement de Show Boat (1927), histoire d'une troupe de théâtre qui remonte le
Mississippi, le spectacle qui donne sa forme aboutie au genre.

En parallèle, l’arrivée du cinéma parlant marque une étape décisive dans la propagation du genre.
Même si Le Chanteur de jazz (1927) n’est pas, à proprement parler, une comédie musicale (peu de
danse !), on assiste très rapidement à la réalisation de ”revues filmées” : The Show of Show (1929),
Broadway Melody (1929), Paramount on Parade (1930)… Dès lors, l’impulsion est donnée et deux
grands noms vont s’imposer dans l’univers de la comédie musicale américaine : Fred Astaire** et
Gene Kelly***.

quelques films marquants : Le Magicien d'Oz (1939), Un Américain à Paris (1951), Chantons
sous la pluie (1952), West Side Story (1960), My Fair Lady (1964), Mary Poppins (1965), La Mélodie
du bonheur (1965), Hello, Dolly ! (1969), Il faudrait également citer : New York, New York (1977),
Grease (1978), Moulin Rouge (2001), Chicago (2002), La La Land (2016).

* Noter que bon nombre de comédies musicales sont purement cinématographiques.
** Fils d’immigrés autrichiens à la fin du XIXe siècle, Frederick Austerlitz, alias Fred Astaire (1899/1987), très souvent
associé à Katherine McMath, dite Ginger rogers (1911/1995), s’illustre dans plusieurs films à travers des mises en
scène qu’il assure lui-même. Il crée ainsi un style original qui privilégie l’expression chorégraphique par rapport au
contenu du livret.
*** Gene Kelly, connu pour ses rôles, souvent très “physiques”, dans de grandes comédies musicales hollywoodiennes
des années cinquante.

Fred Astaire et Ginger Rogers

Quelques affiches de comédies musicales

Des sujets graves sur un ton léger !
Vers la fin du XXe s. les thèmes des comédies musicales s’élargissent et collent à l‘actualité
historique ou sociale. Ainsi le film West Side Story (1961, de Robert Wise et Jerome Robbins) sur
la musique de Leonard Bernstein constitue une référence en la matière. Cette œuvre, inspirée de
la tragédie Roméo et Juliette de William Shakespeare se situe stylistiquement entre classique, jazz
et variété. Cette réalisation va devenir la comédie musicale la plus vue au monde.
Cabaret (1972), de Bob Fosse, nous plonge dans le Berlin des années 1930, All That Jazz (1979,
ou Que le spectacle commence !), du même Bob Fosse, nous fait pénétrer dans les méandres des
tourments d’un réalisateur… Avec Hair (1979) de Miloš Forman, nous découvrons les états d’âme
d’une partie des recrues militaires en partance pour le Viet Nam (il s’agit de l’expression de
l’émergence du mouvement pacifique qui se développe alors un peu partout dans le monde).

Les comédies disco et rock
à partir de 1977, en même temps qu’un flash back nostalgique avec New York, New York de

Martin Scorcese, apparaît une nouvelle conception du genre qui introduit les modes musicales
contemporaines aux nouvelles productions cinématographiques : La Fièvre du Samedi soir (1977,
Saturday Night Fever) de John Badman, Grease (1978) de Randal Kleiser, The Blues Brothers
(1980) de John Landis, Flashdance (1983) d’Adrian Lyne… En revanche, la comédie Cats (1981)
du compositeur britannique Andrew Lloyd Webber échappe à la gravitation américaine en étant
créée au New London Theatre (avant de connaître le succès à Broadway).

En France, on note une cohabitation entre chansons et cinéma qui se manifeste à travers
diverses productions spécifiques : Sous les toits de Paris (1930) de René Clair, la Belle Équipe
(1936) de Julien Duvivier… ou à travers les apparitions de chanteurs ponctuellement
reconvertis en acteurs (Maurice Chevalier, Charles Trenet, Joséphine Baker, Tino Rossi…). Le
chanteur Louis Mariano tourne dans une vingtaine de films plus ou moins fidèlement adaptés
d’opérettes à succès (Ramuntcho, La Belle de Cadix, La Route du bonheur, Le Chanteur de Mexico…).
Jean Renoir, en 1955, réalise French Cancan avant qu’une dizaine d’années plus tard Jacques Demy
ne propose, sur des musiques de Michel Legrand, Les Parapluies de Cherbourg (1964) et Les
Demoiselles de Rochefort (1967). Dans cette mouvance, on peut également citer le film d’Alain
Resnais, On connaît la chanson (1997).
Au théâtre, il faut noter quelques succès de comédies musicales “à la française” comme Starmania
(1979 - opéra-rock) de Michel Berger et Luc Plamondon, Les Misérables (1980) adaptation du roman
de Victor Hugo de Claude-Michel Schönberg, ou encore Notre-Dame de Paris (1998) de Richard
Cocciante et Luc Plamondon.

En Angleterre, berceau de la pop, un compositeur marque de son empreinte le monde de la comédie
musicale, Andrew Lloyd Webber, avec son opéra-rock Jesus Christ Superstar en 1971, Evita (1978),
Cats (1981) et The Phantom of the Opera (1986).

Vocabulaire
Opéra-rock (rock opera) : comédie musicale dont la musique est d'inspiration rock. Des variations
sont apparues avec le temps et incluent notamment metal opera, punk-rock opera, et rap opéra.

un compositeur américain éclectique : Leonard Bernstein (1918/1990)

Le compositeur

La vie de ce musicien américain originaire du

Massachussetts, s’oriente vers trois univers

puisqu’il cumule les activités de chef d’orchestre,

de pianiste et de compositeur. Son enfance,

baignée par la musique et les chants des

synagogues, lui donne un caractère très affirmé.

Son physique avenant lui facilitera une carrière

médiatique et il deviendra très vite un des

compositeurs les plus en vue de la musique

américaine du XXe siècle.

En 1943, il remplace au pied levé, et avec une

insolente facilité, le grand chef Bruno Walter qui

devait diriger l’orchestre Philharmonique de New

York. à 25 ans, sa vocation de chef d’orchestre ne

fait plus aucun doute. De plus, il fait des tournées

de concerts en Europe en tant que pianiste. En

1953, il dirige Maria Callas dans Médée, à la tête

de l’orchestre de la Scala de Milan. à partir de

1954, il anime de nombreuses émissions de

télévision et compose de plusieurs comédies

musicales dont West Side Story.

Leonard Bernstein, jeune chef d’orchestre et directeur Ses créations restent variées puisqu’il aborde
musical du New York City Symphony -
Library of Congress Prints and Photographs Division indifféremment la symphonie, les musiques de

Washington, D.C. USA scène ou de films, ainsi que les œuvres pour piano

ou pour ensemble instrumental. Ces diverses

influences illustrent bien le “melting pot” culturel américain. Il s’inspire aussi bien du jazz que de

compositeurs comme Igor Stravinski ou Kurt Weil, tout en puisant parfois dans le folklore américain

ou dans la musique dodécaphonique.

Bernstein a notamment composé 3 symphonies (Jeremiah, The age of Anxiety, Kaddish), des

musiques de scène, des musiques de films, de nombreuses œuvres pour piano, des musiques pour

comédies musicales, des Opéras (Trouble in Tahiti, Tahiti two), des œuvres sacrées…

West side story
En 1949, Jérome Robbins, chorégraphe, propose à Léonard Bernstein de créer pour une scène de
Broadway une comédie musicale. Celle-ci s’inspirerait de l’histoire de Roméo et Juliette transposée
à New York, en remplaçant les deux familles rivales (Les Capulets et les Montaigus) par des juifs et
des catholiques irlandais. Mais le projet fut abandonné et repris 6 années plus tard, dans le contexte
de l’immigration des années 1950 aux états-Unis.
résumé du livret. Deux familles rivales constituent l’assise de deux bandes d’un même quartier. Il
s’agit de jeunes immigrés portoricains d’un côté, de jeunes américains de souche de l’autre. En
1956 et 1957, Léonard Bernstein compose la partition à partir du livret d’Arthur Laurents et des
paroles de Stephen Sondheim. Jérôme Robbins se charge de la mise en scène et des
chorégraphies. L’œuvre est créée à Broadway le 26 septembre 1957 et donne lieu à 734
représentations.
En 1961, Robert Wise adapte West Side Story pour le cinéma… succès mondial… Le film obtient
10 oscars (Les principaux acteurs : Nathalie Wood, George Chakiris, Rita Moreno, Russ Tramblyn,
Richard Beymer...).

L’histoire plus détaillée.
Dans les quartiers pauvres de l’ouest new-yorkais s’affrontent deux bandes rivales : les Jets (dont
fait partie Tony), jeunes américains commandés par Riff, et les Sharks, jeunes immigrés portoricains
menés par Bernardo.
Tony qui vient de trouver un travail dans un petit bar-confiserie s’est un peu éloigné des Jets. Maria,
la sœur de Bernardo vient d’arriver à New York et semble peu intéressée par les histoires de bandes
de son frère. Lors d’un bal de quartier et malgré une ambiance tendue, Tony et Maria se rencontrent
et tombent follement amoureux.
Dès lors, la haine des deux clans devient un obstacle fatal pour cet amour impossible. Une
explication, sous forme de bagarre à poings nus, est organisée dans un terrain vague.
Tony utilise toute son énergie à calmer les esprits pour que cette rencontre ne dégénère pas. Mais
pendant la bagarre, les armes blanches sortent des blousons et Bernardo sans le vouloir réellement
poignarde Riff. Tony réagit et, à son tour poignarde Bernardo… Le dénouement de l’histoire ne peut
être que dramatique… Le fonds de l’intrigue originelle de Roméo et Juliette est, malgré l’adaptation,
complètement reproduit par les créateurs.

Le film West Side Story - 1961 - George Chakiris au centre

1958

Leonard Bernstein à la première de la comédie
musicale West Side Story en 1957 au National
Theater, Washington - Library of Congress

LEs “AutrEs MusIquEs”

B - Le rock

Le genre musical appelé “rock” (= balancer) apparaît aux états-unis au tout
début des années 1950. Très vite, cette musique devient celle de la génération
des teenagers, autrement dit la jeunesse issue du Baby boom de 1944.

a - Aux origines : le rock’roll

On fait généralement du disc jockey américain Alan Feed l’inventeur de la formule
“rock’n’roll”. En effet, il aurait utilisé cette terminologie pour la première fois, en 1951, dans
le titre de son émission de radio The Moon Dog Rock’n’Roll House Party. Dans l’argot noir de
l’époque, le terme “rock” est porteur d’un double sens puisqu’il signifie à la fois “faire la fête” et “faire
l’amour”. L’ajout du verbe “roll” (= rouler) ne fait qu’accentuer les interprétations précédentes.
Le style rock, héritier du rock’n’roll correspond à un compromis entre blues et rhythm’n blues des
Noirs avec musique country des Blancs. Le résultat obtenu s’appuie sur un rythme binaire énergique,
porté par le nouveau son des guitares électriques1, de la batterie omniprésente et, très souvent du
piano (acoustique ou électrique). L’industrie du disque et du spectacle musical comprend très vite
tout le profit qu’elle peut tirer de l’exploitation de ce nouveau créneau commercial en l’ouvrant à une
plus large clientèle. Cet objectif est d’autant plus réaliste que le rock fusionne musiques des Noirs
et des Blancs pour constituer “un pont entre les communautés” qui abolit les préjugés sociaux et
les barrières raciales. En effet, même si le groupe blanc de Bill haley & the Comets avec son titre,
Rock around the Clock (1954), signe le premier “tube planétaire rock”, même si le “King” Elvis
presley (1935/1977) reste l'artiste solo à avoir vendu le plus d'album de toute l'Histoire de la
musique (entre 600 millions et un milliard), trois grands artistes noirs vont également marquer de
leur immense talent les débuts du rock : Chuck Berry (1926/2017), Little richard (1932/
2020) et Fats Domino (1928/2017).

Le président richar Nixon et Elvis presley
© Library of Congress
1 Bien que le principe de la guitare “amplifiée” existe depuis le début du XXe siècle, les premières guitares électriques
à corps plein font leur apparition aux états-Unis au cours des années 1930, dans les ateliers de la firme Gibson. En
revanche la basse électrique, à caisse pleine avec un manche muni de frettes, alternative qui répond aux nouveaux
besoins des contrebassistes, n’apparaît qu’à l’aube des années 1950 (invention de Léo Fender).

Bill Haley and his Comets. - 1956 - Photo publicitaire

Photo de Gene Vincent.
En 1957, la fabrique de chewing gums Topps
Gums publie des cartes à collectionner de
stars de cinéma, de télévision et de disques.

Fats Domino (1928/2017)

Chuck Berry - ≈1957
Photo publicitaire

Little richard - 2007 - University of Texas Forty Acres Festival
Photographe Anna Bleker

Hillbilly & country and western music - Les membres de la famille Carter, pionniers de la
Rockabilly musique hillbilly - 1940 - © Library of Congress
Le hillbilly se pratique dans les Appalaches,
au cours des années 1920/30. Il est issu d’un
métissage entre les musiques apportées par les
émigrants irlandais et anglais avec celles des cow
boys. Les instruments utilisés sont le violon (fiddle), la
mandoline, le banjo, la guitare, la guitare dobro, le
dulcimer, l’autoharp.
Lorsque les chanteurs et instrumentistes fusionnent le
country et le blues sur un tempo de boogie, ils
deviennent des “musiciens rockabilly”.
La formation type “rockabilly” comporte généralement
une guitare électrique, une batterie réduite (caisse-
claire, grosse caisse + 1 cymbale) et une contrebasse.
Les musiciens et le public, adeptes de cette musique,
adoptent un habillement caractéristique : blousons de
cuir noir, coiffure “banane” pour les garçons, robes
légères ou pantalons corsaires pour les filles.

un phénomène social
Lorsque le microsillon 45 tours remplace les “vieux” 78 tours, les industriels comprennent vite
l’enjeu sociétal représenté par ces nouveaux consommateurs et l’importance économique des profits
à en tirer. Effectivement, autour de cet engouement pour les disques, se greffent naturellement le
développement d’une presse pour les jeunes et, en parallèle, celui de l’industrie de l’habillement
(mode des blousons noirs en cuir, des cheveux longs, des soins de beauté)…
Force est de constater que le mouvement culturel et social généré par l’avènement du rock dépasse
le simple domaine musical. Cependant, si elle rassemble les faveurs d’une très grande partie de la
jeunesse, cette musique indissociable de la danse, suscite, en même temps, un vaste mouvement
de rejet de la part de la société américaine bien pensante. Cette dernière ne voit dans ces pratiques
qu’obscénité, immoralité, subversion et surtout violence, en particulier à l’égard des phénomènes
de bandes qu’elle génère. Alors, certains “conservateurs” vont jusqu’à organiser des réunions au
cours desquelles ils brûlent en public les disques des “rockers” les plus emblématiques…

b - Les années sixties (1960) et le british style
Vers la fin des années 1950, le rock’n’roll s’expatrie et se répand comme une trainée de poudre
sur le vieux continent. C’est en Angleterre que se manifestent les premiers témoignages de cette
colonisation musicale. Très vite, les adaptations qui voient le jour délaissent le côté “abrupt” du
rock’n’roll “américain” pour lui donner un aspect plus “civilisé”, simplement qualifié de “rock”. Cette
appellation devient progressivement un terme générique pour recouvrir de nombreux genres comme
la pop music, le hard rock, le rock psychédélique, le garage rock, la soul music et même le hip hop…
Dans le contexte des années sixties, deux groupes s’imposent et marquent de leur empreinte tout
le paysage musical de l’époque : les Beatles d’un côté, les Rolling Stones de l’autre. Ces deux
formations illustrent bien la scission qui s’établit ; les premiers nommés (Beatles) ont tendance à
privilégier une recherche rythmo-mélodique et harmonique très élaborée tandis que les seconds
(Rolling Stones) favorisent un côté rythmiquement plus marqué et moins harmonique, dans la lignée
de l’esprit revendicatif et provocateur du rock’n’roll originel.

Cette différence stylistique a façonné la distinction entre le genre rock music et le genre rock’n’roll
proprement dit.
Indépendamment de ces deux formations, d’autres groupes comme les Kinks, les Who, The
Yardbirds ou encore The Animals, contribuent à asseoir le leadership britannique dans le domaine
de la culture populaire musicale sur le terrain international. Ainsi, en 1966, John Lennon, du groupe
les Beatles, crée une polémique en déclarant “Aujourd'hui, nous sommes plus populaires que
Jésus”…

The Beatles, The Ed Sullivan Show [New York] - 1964 - De gauche à Les Beatles
droite : George Harrison, Ringo Starr, Paul McCartney, John Lennon Originaires de Liverpool, deux
adolescents, John Lennon (piano-
guitare) et Paul Mac Cartney (basse),
rejoints par George Harrison (guitare),
créent, en 1957, un groupe appelé les
Quarry Men. Un an après, le batteur
Peter Best complète le trio pour former
Johnny and The Moondogs. En 1961,
le quatuor se produit en Allemagne
avant de revenir à Liverpool où il est
pris en main par un manager
visionnaire, Brian Epstein (1962). Ils
changent alors de nom et deviennent
les Beatles (les scarabées). Dans la
foulée, Ringo Starr remplace Pete
Best. Dès lors, débute la légende des
Fab Four qui, en 8 ans de collaboration,
deviendront le groupe le plus célèbre
de l’histoire de la musique. Mais les
conflits relationnels entre John Lennon
et Paul Mac Cartney, principaux
auteurs-compositeurs du groupe,
aboutiront à la séparation des Beatles
en 1970.
Phénomène mondial inédit la
“Beatlemania” se traduira par des
records de vente de disques même
après l’implosion de la formation (on
estime à 2 milliards le nombre d’albums
vendus dans le monde…).

L'invasion britannique de l'autoroute Rock 'N'
Roll : installation artistique dans la ville de Little
Walnut Ridge (Arkansas ) pour célébrer le passage,
en 1964, de John Lennon, Ringo Starr, George
Harrison et Paul McCartney alors sur la route des
vacances vers un ranch du Missouri.
4 silhouettes de taille réelle sur une toile de fond
d'Abbey Road et des références cachées à des
titres et des albums des Beatles.
Library of Congress

1965 - Rolling Stones' North American tour Les rolling stones
De haut en bas : Mick Jagger - Charlie Watts - Bill Wyman - Formés en 1962 à Londres, par le guitariste
Brian Jones - Keith Richards - Billboard mai 1965 p. 25 Brian Jones et le pianiste Ian Steward, les
Rolling Stones intègrent ensuite le chanteur
Mick Jagger, un autre guitariste Keith
Richards, un bassiste Bill Wyman et le batteur
Charlie Watts. Très vite, Jagger (auteur) et
Richards (compositeur) s’imposent comme
les leaders de la formation très orientée vers
le style blues.
Après l’éviction de Steward (1963), les
Stones se produisent régulièrement sur
scène et connaissent un succès foudroyant
avec le single Satisfaction (I Can’t Get No)
qui, en 1965, les propulse sur la scène
mondiale. La formation, porteuse d’une
image de mauvais garçons rebelles,
collectionne les succès et se pose en rival
des Beatles jugés “plus civilisés”.
En 1969, Mick Taylor remplace Brian Jones,
mort mystérieusement, avant d’être à son
tour suppléé par Ronnie Wood. Le groupe qui
poursuit sa route connaîtra un nouveau
départ ; celui de Bill Wyman relayé par Darryl
Jones.
Près de 60 ans après leurs débuts, les Rolling
Stones, considérés comme le plus célèbre
groupe de rock de tous les temps, continuent
à se produire occasionnellement sur scène.
Même si un certain flou est entretenu quant
aux ventes effectives d’albums, on considère
qu’elles pourraient être de plusieurs
centaines de millions.

Les stones en concert à Summerfest - 2015
Photo Jim Pietryga - CC BY-SA 4.0

Keith richards - Voodoo Lounge Tour, Rio de Janeiro, Mick Jagger - 2018 - Londres
Brésil - 1995 - Photo Machocarioca ©Raph_PH - CC-BY

La seconde moitié des années 1960 marque une évolution dans la sophistication artistique et la
recherche technique de la mouvance rock avec les débuts de David Bowie, du groupe pink Floyd,
des formations Fleetwood Mac, Cream ou Led Zeppelin… Cela se traduit, au niveau des textes,
par un éloignement des thèmes favoris du rock’n’roll initial : les filles, les voitures, l’amusement, la
danse ou le sexe. Désormais, une dimension relativement plus philosophique, sociale, politique ou
poétique sous-tend le contenu des paroles.
à partir des années 1965, les états-Unis subissent à leur tour la British Invasion. Cette déferlante
influence et favorise l’émergence de groupes américains comme les Beach Boys, les Monkees,
les Doors, ou encore les Bee Gees (même s’ils sont australo-britanniques)… à travers eux, le rock
devient un style de vie au même titre qu’un genre musical, porteur des valeurs de la contre-culture
américaine, mouvement inspiré par les idéaux de la beat generation*. Les beatniks qui s’en
réclament sont adeptes de la non-violence, de l’amour libre, du rejet du conformisme et de l’usage
des stupéfiants.
Sur la côte Ouest américaine, à San Francisco en particulier, une nouvelle tendance, dans le sillage
de la mouvance hippie et du power flower, s’épanouit pour donner naissance à des styles originaux,
dont le rock-psychédélique. Le guitariste-chanteur Jimi hendrix, mort prématurément en 1970 à
l’âge de 27 ans, est une des tragiques figures de proue de cette génération, victime des
débordements liés à la consommation excessive d’alcool et de drogue. Aux environs de cette fin de
décennie, plusieurs autres artistes de la mouvance “rock” meurent également d’overdose à ce même
âge : Brian Jones (Rolling Stones), Janis Joplin, Jim Morrison (The Doors)… De cette coïncidence,
qui a connu d’autres exemples plus tard (Kurt Cobain, Amy Winehouse…), est né le tristement
célèbre club des 27 qui rassemble les “rockers” morts prématurément à 27 ans.

David Bowie Les Doors

Les Bee Gees Jimi hendrix
Photo Pixabay

La période du rock-psychédélique marque une évolution dans l’instrumentation de l’orchestre rock.
Les guitares se dotent d’effets spéciaux (distorsion, delay, reverb…) et les formations de nouveaux
sons “planants” apportés par les premiers synthétiseurs, des instruments à cordes et/ou à vent et même
d’instruments traditionnels du monde. Les textes se veulent souvent ésotériques et entrecoupés de
longues improvisations sous forme de solos de guitare.
C’est encore au milieu des années 1960 que Bob Dylan et Joan Baez, stars mondiales du courant mu-
sical folk américain, électrifient leurs guitares et rejoignent la mouvance rock, pour donner vie au genre
rock-folk qui, lui-même évoluera vers le country rock (cf. the Eagles).
à la fin de cette même décennie émerge une autre forme stylistique plus musclée, le rock-garage,
courant dans lequel s’illustrent Iggy pop & stooges, MC5 ou encore les ramones.

The Eagles 2014 - De gauche à droite, les “papas” du country-rock : Timothy B. Schmit, Bernie Leadon,
Glenn Frey (mort en 2016), Joe Walsh - Photo©Rachel Kramer - CC-BY

Iggy Pop aux Escales de St Nazaire en 2016
© Tilly antoine - CC BY-SA

Vous avez dit pop music ?

L’appellation pop music (de popular music = musique populaire) est apparue, au milieu des
années 1950, aux états-Unis puis en Angleterre, pour désigner l’ensemble des musiques populaires,
pour la plupart influencées par le rock’n’roll, et destinées aux jeunes. L’industrie discographique a
pris conscience de l’importance que représentait ce marché d’adolescents en quête d’une identité
en rupture avec les générations précédentes. Dès lors, grâce aux relais de la radio et de la télévision,
ce commerce connaît un développement sans précédent d’autant que d’autres domaines d’activités
(vêtements, automobile, motos, loisirs…) s’associent à ce phénomène de mode et de
consommation, pour alimenter ce créneau économiquement très porteur.
sur le plan artistique, la pop music de cette période est une sorte de melting pot qui associe
indifféremment des styles musicaux issus du folk, du blues, du jazz, du rhythm and blues
ou encore des musiques ancienne, classique, extra-occidentale…

En France, à cette époque, on qualifie cette production musicale de “variété”.
Au cours des années 1960, le mot “pop” (réduction de pop music) s’applique prioritairement à un
sous-genre musical hérité du rock’n’roll. Sous l’influence prépondérante des Beatles, des Beach
Boys ou du duo Simon & Garfunkel, il désigne un courant musical qui privilégie les mélodies et
harmonies vocales séduisantes ainsi que les recherches originales en matière d’orchestration. Par
ailleurs, cette appellation “pop”, souvent porteuse d’un sens péjoratif, parce qu’associée à des
objectifs plus commerciaux qu’artistiques ou stylistiques, est considérée par certains critiques
comme une sorte de “rock soft dénaturé”. En cela, la pop se distingue du genre rock resté fidèle à
ses racines historiques, le blues et le rhythm and blues en particulier. à cet égard, les Rolling Stones
constituent le parfait exemple du groupe “rock”, provocateur, voire agressif dans son attitude, alors
que les Beatles incarnent l’aspect plus édulcoré et sophistiqué du courant pop.
Dans les années 1990, la distinction entre pop et rock devient de plus en plus difficile à établir et on
voit apparaître une nouvelle catégorie qualifiée de pop rock en marge des autres courants qui
voient le jour : techno, funk, soul, rap… Indépendamment de Michael Jackson et de Madonna
considérés comme “King and Queen of Pop”, Elton John, Paul McCartney, Rod Stewart, Chicago
sont les représentants les plus marquants du genre pop rock.

Paul Simon & Garfunkel - ≈1960/70
Bernard Gotfryd photograph collection (Library of Congress)

The Beach Boys TV : Dennis, Mike, Brian, Carl, Al.
1964

c - Le rock des années 1970
On considère généralement la première moitié des années seventies (1970) comme la période
“phare” du progressive rock (= rock-progressiste) qui a vu le jour en Grande-Bretagne et en
Allemagne au milieu des années sixties. En fait, cette appellation englobe tellement d’influences
qu’il est difficile d’en tirer une définition précise car elle fait autant référence à diverses formes
propres au rock qu’à des adaptations de musiques savantes ou traditionnelles. Cela se traduit par
un éloignement des structures “rock’ habituelles au profit de combinaisons faites de citations, de
collages et d’improvisations parfois complexes. On obtient alors des musiques au caractère
expérimental et recherché avec des orchestrations très élaborées, conçues par des instrumentistes
qui ont de plus en plus recours aux nouvelles technologies musicales. On peut citer quelques
exemples d’emprunts stylistiques dont ce courant se nourrit : musique électronique (tangerine
Dream, Kraftwerk…), musique classique (Emerson Lake & palmer, procol harum), musique
symphonique (Genesis, Yes…) mais aussi musiques traditionnelles et médiévales d’origine
européenne.
Parmi les précurseurs du rock progressif, il faut faire référence aux pink Floyd, mais surtout au
groupe britannique King Crimson, considéré comme l’inventeur du genre.
Par ailleurs, comme son nom le laisse supposer, le “rock progressif” calque son évolution sur les
avancées artistiques et les progrès techniques propres à chaque nouvelle génération. C’est pourquoi
on parlera de rock néo-progressiste dans les années quatre-vingts et même de rock revival-
progressiste depuis la fin du XXe siècle jusqu’à nos jours.
Au début des seventies, au Royaume-Uni, on note aussi l’apparition d’un style appelé glam rock
considéré, par certains côtés, comme précurseur du mouvement punk. Les musiciens et chanteurs
se présentent maquillés, portent des chaussures à hauts talons et des habits baroques couverts de
paillettes, autrement dit de tout un attirail qui accentue le caractère androgyne de leurs personnages.
à l’encontre du rock progressif, le glam rock propose une musique plus spontanée, souvent plus
énergique avec guitares saturées et instruments divers, dont des synthétiseurs, qui évoquent
l’ambiance sonore et visuelle du film emblématique du moment : Orange mécanique. Cette musique
se prête à la danse, ce qui la différencie encore plus du progressive rock. Les figures marquantes
sont incarnées par David Bowie ou Alice Cooper, les groupes anglais t. rex et roxy Music ou
l’Américain Lou reed (1942/2013).

The Velvet Underground - 1967/68 promotion de leur second album White

Light/White Heat - de gauche à droite : Alice Cooper - Rennes - 2011

Lou Reed, Sterling Morrison, John Cale, Maureen Tucker. ©Tilly antoine - CC-BY-SA - détail

En parallèle, au cours de ces mêmes années 1970, une déclinaison musicale née d’un mélange de
rock’n’roll, de garage rock et de rock psychédélique, voit le jour. Baptisé hard rock, souvent assimilé
à heavy rock, ce nouveau style dégage une impression de puissance et d’agressivité, surtout à
travers l’utilisation de guitares électriques aux sons saturés et l’usage de rythmes simples mais
efficaces. La formation type inclut également une basse, un clavier et une batterie “survitaminée”.
Les musiciens et fans du hard rock et de son appendice heavy metal portent un certain nombre
d’attributs vestimentaires caractéristiques (pantalons et blousonsen cuir agrémentés de clous et de
badges…) tandis que le macabre, l’horreur et la science-fiction constituent les thèmes principaux
des textes de leurs répertoires.
Les groupes Led Zeppelin, Black sabbath, Deep purple, scorpions, Van halen, Aerosmith ou encore AC/DC
sont les principaux représentants de ce courant. Dans les années 1990, le hard rock perdure à travers les
créations et les performances de formations comme Guns’N roses ou Metallica.
Toujours dans les années 1970, aux états-Unis puis en Angleterre, on assiste à l’éclosion du
mouvement punk caractérisé par une volonté de rompre culturellement avec les codes socialement
et artistiquement établis. Sur le plan musical, cette nouvelle génération rejette le rock des sixties
devenu trop conventionnel à ses yeux et s’oppose à la philosophie hippie peu en rapport avec les
inquiétudes d’un avenir pour le moins incertain (conflits internationaux, crise économique, crise
pétrolière…). C’est à ce moment que fleurissent le fameux slogan “No future” et la revendication
“Anarchy” pour traduire le désespoir et la frustration d’une jeunesse en mal de vivre.
Musicalement, les arrangements proposés s’avèrent plus rudimentaires et surtout plus agressifs
que ceux du hard rock. Les paroles des chansons se placent sur le terrain de la contestation,
cultivent la provocation, prônent le mépris des valeurs “bien pensantes” ou font l’apologie de
l’autodestruction. Le style vestimentaire et capillaire des punks ainsi que leurs comportements sont
à la mesure de l’énergie sauvage de leur musique. Le groupe londonien sex pistols est reconnu
comme l’initiateur du mouvement et sera suivi par d’autres formations également britanniques
comme Clash, Buzzcocks ou Damned.

Angus Young et le logo
d’AC/CD
Pixabay

Deep Purple - 2004 - de gauche à droite : Roger Glover, Ian Paice, Ian Gillan, Don
Airey, Steve Morse.
©Photo Nick Soveiko - Quebec City, Canada - CC-BY-SA

Guns N ’ Roses - 2016 - Palacio de los Deportes, México - De gauche à droite : Richard Fortus,
Dizzy Reed, Duff McKagan, Axl Rose, Slash, Melissa Reese, Frank Ferrer.
©Ed vil CC BY 2.0

Aerosmith se produit sur scène lors du concert NFL Kickoff Live 2003 -
Brad Whitford, Steven Tyler, Joe Perry
Photographe 2nd Class Rob Rubio

Eddie Van Halen (1955/2020) - 2012 -
avec sa guitare Frankenstrat. New Haven
Coliseum - Connecticut
©Carl Lender CC-BY

Sex Pistol - 1977 - Paradiso, Amsterdam -
de gauche à droite : Paul Cook, Glenn
Matlock, Johnny Rotten,Steve Jones
©Anefo Nationaal Archief - Photographe :
Koen Suyk

d - Le rock des années 1980
En réaction à la musique agressive et contestataire du mouvement punk, se développe,
essentiellement en Angleterre, un courant musical au son épuré dans lequel les synthétiseurs
et les boites à rythmes sont abondamment présents : le new wave (nouvelle vague, référence au
cinéma français des années 1950). Cette appellation générique s’applique alors à un style d’avant
garde underground, c’est-à-dire en marge des pratiques artistiques industrielles en matière de
production et de diffusion. De fait, la promotion et la distribution de la new wave sont assurées par
des labels discographiques indépendants qui n’ont pas les mêmes surfaces financières que les
majors. Sur le terrain musical, cette mouvance se caractérise par une synthèse des différents genres
qui jalonnent le paysage de l’époque : musique électronique, musique expérimentale, musique disco,
musique pop-rock… Le résultat ainsi obtenu donnera naissance à des courants plus ou moins
éphémères : “nouveaux romantiques” et “rock gothique” en particulier. Les thèmes des chansons
sont en rapport avec ce glissement vers une forme d’introspection plus ou moins morbide. Sont
ainsi évoqués les questions et problèmes liés à la solitude, à l’adolescence ou encore au suicide.
Parmi les artistes et groupes représentatifs de la new wave, on peut citer Depeche Mode, the
Cure, simple Mind, Indochine, Niagara…

Depeche Mode avec ses musiciens additionnels lors d'un concert à
Hyde Park (Londres) en 2006 : Peter Gordeno, Christian Eigner, David
Gahan, Martin L. Gore, Andrew Fletcher - ©Nir Nussbaum CC-BY-SA

Nicolas sirkis - Indochine - festival des Vieilles
Charrues 2014.
©Thesupermat - CC-BY-SA

e - Le rock des années 1990
Dans cette décennie, on assiste à une résurrection du rock pur et dur à travers l’apparition de
deux courants majeurs du mouvement dit rock alternatif : le grunge aux états-Unis et le britpop
au Royaume-Uni. L’appelation générique de rock alternatif s’applique au départ, comme pour le
new wave, à des groupes underground produits confidentiellement par des petits labels
discographiques indépendants avant de connaître le succès auprès du grand public et une
reconnaissance internationale.
• Le grunge constitue une sorte de compromis entre le punk et le hard rock qui se traduit par une
musique “sale” dominé par des riffs “bruts” de guitare, assortis d’effets de distorsions ou d’usage de
pédale wah wah. Les thèmes des chansons dénoncent souvent les travers véhiculés par le
capitalisme américain : individualisme, matérialisme, recherche effrénée de la réussite financière…
La colère, le pessimisme et la résignation deviennent les moteurs qui portent ces messages
adressés à une jeunesse rebelle, désœuvrée et écœurée par la société qui les entoure. En ce sens,
on a souvent fait du grunge, “l’enfant déprimé du rock et du punk”. Le groupe Nirvana et son leader
charismatique, Kurt Cobain mort prématurément à l’âge de 27 ans, incarnent le profond désespoir
et tout le malaise existentiel d’une population jeune, engagée dans ce combat utopique. Parmi les
autres groupes qui ont marqué le genre, on peut également citer pearl Jam et the smashing
pumpkins.

• La britpop
Originaire d’Angleterre, ce courant musical constitue une réponse au succès du grunge américain
en mélangeant le rock anglais des sixties (Beatles, Who, Kinks, en particulier) avec les différentes
tendances qui se manifestent dans les années 1980, glam rock, punk, new wave… jusqu’au hip
hop. Cette synthèse porte rapidement ses fruits et, au milieu des années 1990, deux groupes
cristallisent l’intérêt d’un public de plus en plus sensible à cette renaissance de la vague british style :
Oasis d’un côté, Blur de l’autre. Les deux formations se livrent un duel artistique acharné doublé
d’un affrontement social entre les “riches” du Sud (Blur) et les “déshérités” du Nord (Oasis).
Malheureusement les excès dans la consommation de stupéfiants ont quelque peu scellé le déclin
de ces deux groupes mais comme le show biz, à l’instar de la nature, a horreur du vide, d’autres
formations ont vu le jour et fait évoluer la britpop vers de nouveaux horizons : the Libertines et
Coldplay par exemple.

pearl Jam - 2006 Stadthalle, Wien - Mike McCready, Stone Gossard, Jeff Ament, Matt
Cameron, Eddie Vedder - ©PJOrsi - CC-BY-SA

f - Le rock du XXIe siècle
Avec le nouveau millénaire, porteur de son cortège d’innovations technologiques en matière de
communication et de diffusion, le fonctionnement des modèles traditionnels de création, de diffusion
et de distribution de la musique (rock en particulier), se trouve totalement bouleversé. L’arrivée
d’internet, les innombrables plate-formes et sites de streaming musical, les vidéos you tube ou les
réseaux sociaux offrent désormais un accès immédiat, et souvent gratuit, à des centaines de milliers
de titres. De même, chaque internaute-musicien, chaque groupe plus ou moins établi, peut proposer,
sans préalable sélectif ou qualitatif, des créations immédiatement diffusées dans le monde entier.
Force est de reconnaître cependant que les infinies propositions disponibles sur ce nouveau créneau
n’empêchent pas certains titres d’émerger et de déferler sur la toile, à raison de plusieurs millions
de vue en quelques heures, sans qu’on puisse connaître les raisons d’une telle réussite ou d’un tel
intérêt soudain. Dans ce contexte de profusion et d’anarchie, il s’avère impossible, d’envisager une
classification en matière d’évolution stylistique comme on pouvait le faire jusqu’alors en fonction de
critères de ventes effectivement établis.
De ce fait le marché traditionnel, fondé sur la vente des vinyles ou des CD, s’est effondré pour faire
très majoritairement place au E-commerce fondé sur la dématérialisation des supports sonores.
Dès lors, les concerts et festivals géants restent les seuls héritages de la génération rock du siècle
précédent. En effet, même s’il faut considérer que les musiciens et chanteurs qui ont écrit l’histoire
du rock sont désormais entrés dans les 3e et 4e âges (ou ont disparu) leurs œuvres perdurent sous
leur forme originelle ou font l’objet de recyclages et d’adaptations par des interprètes du XXIe siècle.
Heureusement quelques groupes “historiques” font exception et continuent à aller de l’avant avec
la même énergie qu’à leurs débuts et enchaînent les tournées.
Compte tenu de ce constat, on peut se demander si les rock stars d’hier ne se sont pas re-inventés
ou réincarnées à travers les rappeurs puisque le genre hip hop est devenu la musique la plus
écoutée aujourd’hui.
Ainsi, dès 2013, le sulfureux rappeur américain Kayne West déclarait de façon prémonitoire : “le
rap est le nouveau rock’n’roll, et nous sommes les nouvelles rock stars”. De fait, sur le terrain des
problématiques politiques et des thématiques sociales, les textes du rap, à travers leur rage et leur
provocation, rejoignent les discours militants des punks. Par ailleurs, sur le plan vestimentaire, la
casquette, le bonnet, les baskets, le jogging ou le baggy des rappeurs ont remplacé les coiffures
improbables, les blousons et pantalons de cuir usé ou encore les godillots des punks de la belle
époque. Enfin, la musique techno et la musique informatique ont partiellement évacué la musique
rock et ont donné aux DJ’s le même statut jusqu’alors accordé aux anciennes légendes du rock
adulées par la jeunesse.

Woodstock le festival de la démesure (un demi-million de spectateurs ) !
Du 15 au 18 août 1969, dans le village de Bethel (au nord de New York), un petit groupe de
hippies, décidé à célébrer la musique et la paix, organise un festival !
Ce projet séduisant s’avère un échec dans sa réalisation : embouteillages colossaux, manque d’eau,
de nourriture, trop de drogues et d’alcool, météo exécrable (pluies torrentielles qui transforment le
terrain en un champs de boue)… mais, en dépit de tous ces aléas et contre toute attente, ce festival
entre dans la légende comme point culminant de la contre-culture des années sixties et du mouvement
hippie. Sur scène on dénombre plus de 32 artistes ou groupes aux styles aussi divers que variés :
Ravi Shankar (musicien indien sitariste), Joan Baez (chanteuse et compositrice folk), Santana (rock
latino), Creedence Clearwater Revival (rock blues et country), Janis Joplin (la reine de la soul
psychédélique), The Who (groupe britannique rock), Joe Cocker (blues-rock britannique), Blood,
Sweat and Tears (fusion du rock, du blues, de la musique pop…), Crosby, Stills, Nash and Young
(groupe folk-rock). C’est Jimi Hendrix (rock et jazz électrique) qui clôt le festival avec la mémorable
reprise de l'hymne américain.

L’essentiel du parfait rocker La scène :
les fumigènes,
les écrans géants,
les projecteurs,
la machinerie
les structures…

Les instruments
- la guitare électrique :
une guitare rythmique +
une lead guitar (celle
qui effectue les solos)
- la basse électrique
- la batterie

Le look et la gestuelle
cheveux longs ou
courts, blouson de cuir,
tee shirts, tatouages…

Photos Pixabay

Le micro Le backstage

il doit être le parfait (le derrière de la scène,
médium entre la voix et les coulisses) :
les oreilles du public. les amplis, les cables,
Pour l’anecdote, le les spots, les flight
micro d’Elvis des cases (malles, caisses,
années 1950, existe valises sur roulettes) de
toujours avec le même rangement…
look vintage inimitable
(micro “tête de mort”) La pédale “effets” pour guitare et basse
et ses très bonnes
performances - Pédales de saturation
acoustiques. - Pédales de modulation
- Pédales de retard (delay)
- Pédale d’écho, de reverb
- Pédales de filtres : pédales wahwah…

Photos Pixabay La batterie Amplis et
baffles
la grosse caisse, (enceintes)
la caisse claire,
les toms, La législation
le charleston, distingue deux
les cymbales ride, limites :
les cymbales crash, • la protection des
les cymbales splash, auditeurs : le niveau
les autres cymbales. ne doit pas dépasser
les pédales. 102 dB(A)* et
118dB(C)* sur 15
* dB A : perception réelle par l'oreille humaine aux sons de faible et moyenne intensité. minutes.
dB C : perception réelle par l'oreille humaine aux sons de forte intensité. • la prise en compte
de la gène du
voisinage (pas
d’augmentation de
plus de 3 dBA la nuit
et 5 dBA le jour).

à retenir Le genre musical appelé “rock” (= balancer) apparaît aux états-unis au tout

début des années 1950. Très vite, cette musique devient celle de la génération des
teenagers, autrement dit de la jeunesse issue du baby boom de 1944. Elle se manifeste
par la présence de guitares (électriques de préférence), d’une batterie, d’un clavier (pas
indispensable), d’une ou de plusieurs voix, le tout sur un rythme binaire bien marqué.
Mais c’est également, selon les périodes, une attitude provocante savamment mise en scène
(tenues vestimentaires, coiffures et maquillage trash), un rythme de vie épuisant que les drogues
et l’alcool aident à surmonter, les révoltes successives des jeunes générations, l’évolution des
progrès techniques du son, la consécration des studios d’enregistrement où musiciens et
compositeurs rockeurs passent un temps infini à la réalisation d’albums porteurs d’enjeux
économiques colossaux…

petit historique de l’univers rock
• Les origines : le rock’roll

hillbilly & country and western music - rockabilly
• Les années 1960 et le british style

rock-psychédélique - rock-folk - country rock - rock-garage
pop music
• Le rock des années 1970
progressive rock - glam rock
• Le rock des années 1980
new wave
• Le rock des années 1990
rock alternatif : grunge - britpop
• Le rock du XXIe siècle

Exercices

Exercice 1
Quel pays est considéré comme le berceau du rock ?

Exercice 2
Quels sont les instruments de musique les plus utilisés par les groupes rock ?

Exercice 3
Quels progrès, inventions ou circonstances ont permis la diffusion rapide du rock ?

Exercice 4
De quel mélange de styles est issue la musique rock ? (au choix : le blues, la musique latino, le rhythm’n
blues des Noirs, la valse, la musique country des Blancs)

Exercice 5
Nommer quelques courants musicaux issus du rock.

Exercice 6
Nommer quelques grands groupes “historiques” du rock britannique.

3 - Les musiques électroniques

Musique électronique : musique caractérisée par l’utilisation de sons
de synthèse issus de générateurs (le premier synthétiseur électronique
RCA Mark I voit le jour en 1956 aux USA).
Musique électro : (sous entendu électro-pop, électro-funk…) est un
courant issu de la musique électronique, né dans les années 1980, qui utilise la boite à rythmes, les
samples et les nouvelles technologies.

a - La préhistoire de l’électronique

Dès la fin du XIXe siècle, l’invention de l’électricité incite les compositeurs et les musiciens
à utiliser cette nouvelle énergie comme générateur de source sonore. Ainsi, aux trois groupes
instrumentaux déjà recensés (cordes, vents, percussions) s’ajoutent désormais celui des
machines susceptibles de produire des nouveaux timbres issus, non plus de l’action mécanique
directe du musicien, mais à partir d’oscillations électriques.
Très rapidement, la possibilité de créer, de modifier, de stocker et de reproduire des “bruits musicaux”
ouvre la voie à des recherches tous azimuts. On fait généralement du peintre-compositeur italien
Liugi russolo (1885/1947), le théoricien de la musique “bruitiste”, notion qu’il a développée dans
l’Art des Bruits, un traité publié en 1913. On considère volontiers cet écrit comme le fondement du
renouveau musical de tout le XXe siècle du fait qu’il préfigure, entre autres, l’avènement de la
musique concrète* et de la musique électronique*.

Intonarumori de Liugi Russolo 1913

*Vocabulaire Se reporter au chapitre Musique
savante moderne & contemporaine -
Musique concrète : désigne la musique I - Musiques modernes
expérimentale des années 1940-1950 qui C - Les nouveaux outils sonores (telharmonium
exploite la technologie de la bande - thérémin - ondes Martenot)
magnétique. Elle s’appuie sur les sons II - Musiques contemporaines
naturels qui sont isolés de leur contexte, A - Les nouveaux outils sonores (synthétiseur -
montés, mixés et, souvent superposés. norme Midi - piano numérique)
Musique électroacoustique : associe des
sons issus d’enregistrements “naturels” ou
concrets avec des sons fabriqués par
synthèse (sons électroniques).

b - Les balbutiements

La locution “musique électronique” s’applique prioritairement à des compositions créées par
des appareils souvent encombrants, générateurs de signaux et de sons synthétiques au cours
des années 1940. Les premières manifestations générées par ces nouveaux “outils sonores” se
concrétisent à travers des formes si riches et si diversifiées qu’il est difficile d’en cerner tous les
contours.
Cependant, on s’accorde sur le fait que c’est au milieu du XXe siècle que cette notion prend
réellement corps. En effet, dès 1948, deux compositeurs, pierre schaeffer et pierre henry,
conçoivent des enregistrements sur bandes magnétiques. Des fragments de leurs captations sont
d’abord isolés, mis en boucle puis juxtaposés ou superposés les uns sur les autres. Diversement
traitées au montage, les séquences sonores ainsi obtenues servent ensuite de matière brute pour
créer des compositions originales. Il s’agit là du premier exemple de la technique ultérieurement
appelée “échantillonnage” (ou sampling). Cette façon de procéder a donné corps à la musique
concrète dont la musique purement “électronique” est l’héritière.
C’est en 1953 que le jeune compositeur allemand Karl-heinz stockhausen (1928/2007) élabore
la première œuvre de musique conçue avec des sons électroniques : Studie I.
Par ailleurs, plusieurs radios nationales (RAI, BBC, RTF…) comprennent tout l’enjeu lié au
développement de cette pratique d’avenir et mettent en place des studios dédiés aux recherches et
productions de cette “nouvelle musique”, qualifiée d’électronique. Les états-Unis ne sont pas en
reste dans cette course à la recherche dans l’innovation sonore, comme en témoigne la bande
sonore du film de science-fiction Forbidden Planet (Planète interdite, 1956), entièrement composée
électroniquement.

Cependant, compte tenu des lourdeurs et de la complexité de fonctionnement des synthétiseurs ou
des ordinateurs de l’époque, beaucoup de compositeurs continuent à aborder la musique
électronique par le biais de la musique concrète. De ce fait, dans les années sixties (1960), les
recherches se multiplient pour mettre au point des synthétiseurs autonomes, plus faciles à utiliser
que ceux de la première génération. C’est ainsi qu’en 1963 on découvre le Buchla (du nom de
l’ingénieur don Buchla), une “boite noire à composition” relativement aisée à manier. L’année
suivante, Robert Moog présente le premier synthétiseur avec un clavier piano, invention qui va
révolutionner le marché et le devenir de toute la musique électronique. Dès lors les progrès
technologiques prolifèrent et favorisent l’accès à de nouveaux modèles fabriqués industriellement
et de plus en plus performants. Désormais, la musique électronique n’est plus réservée qu’au
seul domaine savant et pénètre le monde de la “pop music”.

Cette image, un peu floue, de
Robert Moog permet toutefois de
bien visualiser la taille des
synthétiseurs de l’époque !

Robert Moog posant avec quelques
synthétiseurs de son invention, dont le
Sonic 6, un synthétiseur modulaire 55 et
le Minimoog.

c - De la musique électronique à la MAO (Musique Assistée par Ordinateur)

Diverses créations vont rapidement jalonner la diffusion et les avancées de l’électronique
dans le paysage musical mondial. Ainsi, en 1967, le compositeur français pierre henry crée
Messe pour le temps présent, œuvre hybride servie par des sonorités “électro-acoustiques”
révolutionnaires. Cette suite de danses, chorégraphiée par Maurice Béjart, connaît un succès
retentissant auprès d’un très large public.
En 1969, le musicien américain d’origine allemande, Gershon Kingsley publie l’album Music To
Moog By, sur lequel figure le morceau “Popcorn”, qui 3 ans plus tard était repris par les Anglais du
groupe Hot butter, faisant de ce titre le premier hit planétaire “électro” de l’histoire de la pop. Les
auditeurs découvrent alors un son “inouï” (au sens étymologique, c’est-à-dire jamais entendu). Il
s’agit tout simplement d’une programmation réalisée à l’aide de synthétiseurs Moog.
Progressivement, l’évolution technologique permet la miniaturisation de ces nouveaux outils sonores
qui s’intègrent de plus en plus dans la panoplie des instruments utilisés par des groupes rock. C’est
le cas en particulier des Américains de silver Apples et surtout des Britanniques de pink Floyd.
Ces derniers seront, aux yeux du grand public, les pionniers de la production de musiques dites
planantes (spacemusic) à travers leurs créations “psychédéliques” (1964). Trois ans plus tard, les
Allemands de la formation tangerine Dream empruntent la même voie. Au cours des seventies
(années 1970), un autre groupe germanique, Kraftwerk, privilégie l’usage de l’électronique et de la
robotique pour en faire les symboles de la dépendance du monde moderne à l’égard de la
technologie. De leur côté, Vangelis (l’Apocalypse des animaux, 1973) et Jean-Michel Jarre (album
Oxygène, 1976) contribuent largement au succès de la musique électronique et du synthétiseur.
D’autre part, des pianistes virtuoses du jazz ou du jazz fusion comme Herbie Hancock, Chick Corea,
Joe Zawinul (Weather Report) et Jan Hammer (Mahavishnu Orchestra) font des instruments
électroniques un des moteurs de leurs créations en exploitant toutes leurs nouvelles possibilités
d’effets sonores (slide, vibrato, distorsion, wah wah…).

Kraftwerk en concert à Helsinki (2018) - © Raph_PH - cc-by-2.

Les années suivantes marquent l’avènement de la technologie du numérique* (des synthétiseurs
et des sampleurs tout particulièrement) en lieu et place de l’analogique*. Ces récentes possibilités
et facilités d’usage, ajoutées à l’industrialisation de la production de ces machines permettent très
vite à de nombreux musiciens ou groupes d’inventer d’autres façons de concevoir la musique via
des supports électroniques (house music, techno, dub…).
Par ailleurs, le home studio (studio d’enregistrement à la maison) se développe considérablement
à partir du milieu des années 1980 et révolutionne le modèle de la production discographique. Grâce
aux coûts de plus en plus abordables et à la simplification liée au fonctionnement du matériel
numérique, la production musicale s’ouvre désormais à tous. Un simple ordinateur et quelques
équipements bien choisis (carte son, clavier MIDI, enceintes de monitoring…) permettent d’accéder
à l’expérimentation musicale et à des réalisations de qualité sans passer par l’étape du studio
professionnel.
Aujourd’hui, nous vivons l’ère de la MAO (Musique Assistée par Ordinateur), une technologie qui
ouvre la voie à de multiples possibilités d’exploitations. Cependant, on peut de demander si cette
conception de la création musicale ne s’avèrera pas bientôt obsolète. En effet, compte tenu de la
vitesse d’évolution des technologies digitales on peut s’interroger sur la part que prendra l’irruption
de l’intelligence artificielle dans le domaine de la composition musicale de demain. L’homme aura-
t-il toujours sa place ou la programmation suffira-t-elle à gérer la création originale et sans défaut
d’une œuvre musicale ?

Analogique et numérique
Il s’agit de deux moyens de stocker et de restituer des informations dans le domaine de l’audio
mais aussi dans celui de l’image (vidéo, photo…).

L’analogique reproduit fidèlement, généralement sur un support magnétique ou sur un disque vinyle,
les signaux produits en amont et qui se traduisent sous forme de vibrations. Si la vitesse de la vibration
du son de départ est rapide (son aigu), les signaux le seront aussi et si la vibration est puissante,
l’amplitude des signaux sera également importante. Concrètement, la vibration de l’air se transmet
dans le microphone qui traduit cette vibration mécanique en une vibration électrique au comportement
analogue. Cette vibration électrique est ensuite convertie en une empreinte mécanique (disque vinyle)
ou magnétique (bande) qui reste toujours identique au signal de départ avant d’être reconvertie en
vibration électrique par l’amplificateur. Ce dernier permet ensuite au haut-parleur de restituer l’ensemble
des informations sous la forme d’une vibration mécanique (pression de l’air). Enfin, notre oreille prend
le relais pour de nouvelles conversions. Un signal analogique est donc caractérisé par le fait que sa
tension varie proportionnellement à l’événement original. Pour ce qui concerne le son, la tension du
signal varie proportionnellement aux variations de la pression de l’air.
Le numérique. Au lieu de stocker les vibrations sur un support de façon analogique (vinyle, bande
magnétique), on convertit le son en une suite de “0” et de “1” qui traduisent sa fréquence et son
intensité. On dispose alors d’un signal à deux amplitudes au lieu d’une infinité en analogique. Il faut
beaucoup de chiffres “0” et “1” par seconde pour produire une seconde de son sur un compact disc
(44 100 unités !). Ensuite, il faut reconvertir l’ensemble de ces données en vibrations analogiques pour
remettre l’air en vibration. Entre temps, c’est l’ordinateur qui effectue toutes les manipulations pour
multiplier, additionner et jouer avec tous ces chiffres. La numérisation du signal (digitalisation)
correspond à la transformation d’une information continue (information analogique) en une information
discrète (information numérique). En fait les fragments de sons ainsi produits sont comparables aux
images d’une pellicule cinématographique. En faisant se succéder rapidement ces images fixes on
crée l’illusion d’un mouvement en continu.
pour conclure, il faudra toujours bien considérer que le numérique ne sert qu’au transport et
au stockage des données car tout signal devra nécessairement être converti en analogique
pour être amplifié et perçu par nos oreilles (l’homme ne possède pas de décodeur incorporé à
ses oreilles !).

d - L’électro

Très globalement, le terme “électro” s’applique à un certain nombre de genres et de sous-
genres musicaux populaires dont la production sonore est assurée par des instruments
électroniques ou synthétiques. De ce fait, les deux points communs de toutes les musiques dites
“électro” résident dans l’utilisation des nouveaux outils technologiques (synthétiseurs, boîtes à
rythmes, samplers, ordinateurs…) et dans le recours au home studio.  
Compte tenu des multiples déclinaisons qui composent la mosaïque de styles liés à cette
qualification générique, il s’avère délicat de cerner avec rigueur les appellations appliquées à un
phénomène musical qui a envahi tout l’espace sonore depuis les années 1980. Ainsi, certaines
dénominations comme électro-funk, électro-boogie, électro-rock, électro-pop, électro-swing (liste
non exhaustive) que nous n’avons pas retenues, recoupent plus ou moins les courants et styles
que nous avons tenté de répertorier dans la présentation ci-dessous.

La dub music
Directement issue du reggae, la dub music (= musique “bricolée”) voit le jour en Jamaïque dans la
seconde moitié des années 1960. Elle est le résultat de remixages “hasardeux”, avec les moyens
de l’époque (magnétophones surtout), de morceaux reggae, sans les voix et qui mettent en avant
le duo basse-batterie combiné avec des effets techniques (en particulier des décalages sonores à
partir des bandes magnétiques pour produire une réverbération, un écho ou un déphasage).
L’ingénieur du son King Tubby est considéré comme l’inventeur de ce style qui va s’épanouir au
début des années 1970. Dès lors, les DJs s’emparent de cette façon originale de produire du son
et donnent libre cours à leur créativité. Par ailleurs, de nombreux artistes surfent sur la vague de ce
nouveau filon en produisant des albums avec des versions “dub” de leurs chansons avec un tempo
entre 60 et 90 battements par minute (BPM).
Même si à la fin des années 1970, en Jamaïque, la surexploitation du genre entraîne une forme de
désintérêt, la vague dub connaît une véritable renaissance au Royaume-Uni où elle se fond plus ou
moins dans la mouvance punk. à partir des années 1990, la musique électronique s’invite en force
dans ces productions et donne au genre une empreinte plus agressive et plus violente. Tout en
ouvrant sur la création de nouvelles orientations stylistiques en liaison avec l’arrivée des dernières
“machines sonores” et du numérique, la dub music reste tributaire de deux composantes essentielles
du genre : elle peut être jouée en “live” par un groupe (ou par un DJ) et elle nécessite la présence
d’un mur d’enceintes appelé “sound system” (= disco mobile) pour danser frénétiquement.

On trouvera parfois
l’acronyme EMD (Electronic
Music Dance) en lieu et place
des différentes appellations
regroupées sous l’étiquette
“électro”. De fait, ces trois lettres
sont devenues, d’abord aux
états-Unis puis un peu partout
dans le monde, un nom commun
qui qualifie sans discernement
l’ensemble des musiques
interprétées dans les clubs ou les
festivals avec l’objectif de faire
danser.

Sans codification réellement établie, la dub music, constamment à la recherche de nouveaux effets,
se décline en différents sous-genres parmi lesquels on peut citer :
-/ La “dub expérimentale”, généralement gravée sur les faces B des 45
tours vinyles de Jamaïque, elle en est la forme la plus authentique (cf. Rock
It Baby Tonight de Bob Marley),
-/ La “dub poétique”, très proche du reggae avec un texte en forme de
poésie, dit oralement, qui sert de rythmique à la composition instrumentale
(cf. Reflection in red d’Okuonuora),
-/ La “dub stepper” (ou “steppa”) donne une importance prioritaire à la
grosse caisse jouée sur tous les temps. Ce style a consacré de célèbres
spécialistes du genre dont Sly Dunbar & Robbie Shakespeare,
-/ “L’abstract dub” ou “dark dub”, nécessite un apport électronique conséquent. Les machines sont
gérées par un seul intervenant pour produire des musiques planantes et mélancoliques,
-/ La “dub techno” ou “dub minimaliste” offre une structure épurée qui renvoie aux productions
underground des mouvements house et techno du début,
-/ La “dub électro” jouée en live avec des références musicales au hip hop et utilisation de samples
et d’effets sonores (cut off, delay, scratch…).

La house music (ou House)
Héritière du disco et d’une synthèse “funk - soul - pop - hip hop - jazz…”, la house est née, au tout
début des années 1980, à Chicago (Michigan - USA) dans le club Warehouse (d’où son
appellation). C’est là que le DJ Frankie Knuckles enflamme les danseurs par ses mixages virtuoses
avec boîtes à rythme, premières batteries électroniques, samplers, boîtes d'effets (écho…), sifflets,
bruits du quotidien, cuivres, chanteurs, guitares… Cette musique s’organise sur une mesure à 4
temps avec pulsation à la grosse-caisse (kick drum) créée à la boite à rythme ou à
l’échantillonneur). Globalement, la house s’appuie sur une rythmique minimaliste, une ligne de
basse très présente, des samples et des voix (samplées ou non), le tout sur un tempo entre 115
et 130 battements par minutes (BPM).

Fresque murale en hommage au “saint patron” de la Chicago house, Frankie Knuckles

Même si Chicago demeure la capitale de la house, on note une rapide évolution dans tous les
états-Unis (Détroit, Brooklyn…) et hors frontières (Londres, Paris…) générant une multitude de
sous-genres parmi lesquels on peut citer1 l’acid house (caractérisée par une ligne basse créée
au synthétiseur Roland TB-303, et connue à travers les rave parties), la disco house (née fin des
années 1990, ce courant marque l’avènement de la french touch), la deep house (style mélodique
au tempo lent), la tech house (associée à la techno de Detroit - voir ci-après - elle offre une
rythmique saccadée très présente et une ligne de basse profonde), la Chill house (musique
planante et “calmante”), la Tropical house (popularisée par Bob Sinclair et Yves Larock avec
références à l’Ibiza house), le Garage house (référence au club Paradise Garage de New York
qui propose des musiques dans la mouvance du Chicago style), la Future house, l’Electro
house, la Progressive house, la Bass house, la Minimal house…

1Liste non exhaustive

La musique techno (ou techno)
Issue en droite ligne de la house, la techno éclot dans la seconde moitié des années 1980 à
Detroit (Michigan - USA, à 400 km à vol d’oiseau de Chicago). Largement influencé par les groupes
européens comme Kraftwerk, ce courant “électro” s’élabore sous l’impulsion de compositeurs-
Disc Jockey (ou DJ). Ces derniers expérimentent des mélanges sonores en reprenant les
fondements techniques du hip hop (mixage de disques vinyles en particulier) et non plus du disco
comme le faisait la House. Cette nouvelle musique sobre et minimaliste, destinée aux dancefloors,
est avant tout instrumentale. Elle utilise des sons de synthèse (beaucoup de “percussions” et
d’effets sonores préparés à partir d’ordinateurs, de boîtes à rythmes, de synthétiseurs ou de
magnétophones) et s’appuie sur une pulsation entre 120 et 140 battements par minute (BPM),
c’est-à-dire légèrement plus rapide que celle de la house. à l’origine (Detroit), le mouvement
techno relève d’une culture underground fondée sur de petits labels indépendants, sans véritables
stars et pour alimenter le répertoire, on n’hésite pas à remixer des morceaux existants. Au début,
les compositions favorisent la mélodie et la ligne de basse, éléments privilégiés pour les DJs, alors
qu’aujourd’hui ils n’en constituent plus les bases essentielles. Progressivement, l’orientation
générale consiste à entremêler plusieurs pièces différentes lors de longs enchaînements
synchronisés en interaction avec la boîte à rythmes et diverses sortes de réverbérations ou de
filtres qui empêchent de discerner les départs de certains effets et le moment où ils cessent. Ainsi,
l’apport des instruments électroniques permet une évolution sonore très élaborée (surtout en
matière de grain, de résonance ou de filtrage) qui casse l’image péjorative initialement associée
à la techno, perçue comme “musique simpliste destinée aux drogués”. Les clubs, les free parties
ou les raves clandestines (et non pas les concerts) sont les terrains d’expression favoris de ce
genre dans lequel le DJ tient une place essentielle.
La techno se décline en plusieurs sous-genres parmi lesquels on peut distinguer : l’acid-techno
(fin des années 80, assez proche de l’acid-house du fait de l’usage d’un timbre de basse du synthé
Roland TB-303), la minimal techno (début des années 90, avec rythme répétitif rapide et basse
électronique sourde de type funky), la dub techno (années 1990 en Allemagne, proche parente
de la minimal techno avec apport d’effets sonores empruntés à la dub jamaïcaine), la techstep
(assimilée à la Jungle, avec de puissantes infrabasses et des rythmes élaborés), la tecnocumbia
(mêlant la cumbia colombienne, des musiques latino-américaines et des musiques actuelles)…
Bien d’autres courants plus ou moins hybrides peuvent compléter cette liste : art techno,
breakbeat, electro body music, intelligent techno…
Nous réserverons pourtant une place privilégiée au genre trance, issu d’une synthèse de musique
techno avec les styles ambient wave (production axée autour de l’atmosphère sonore) et new
beat (proche de l’acid house). Née en Allemagne, la trance se caractérise par un tempo rapide
(de 130 à 160 bpm) et par une recherche d’émotions à travers des sonorités plus mélodiques
avec apports de phases montantes ou descendantes plus marquées.

Les tempos de l’électro
Dub : 60 - 90 bpm
Hip hop : 60 - 100 bpm
House : 115 - 130 bpm
Techno : 120 - 140 bpm
Trance : 130 - 160 bpm

bpm : unité de mesure qui quantifie le
nombre de battements produits en une
minute.

Festival électro
©Pixabay

D - le hip hop - le rap

Directement issus de la culture musicale afro-américaine, le hip hop et le rap
sont souvent classés, avec le R'n'B, dans un genre fourre-tout appelé “Musiques
urbaines”. En fait, cette qualification, justifiée par le contexte géo-culturel dans
lequel ces musiques puisent leurs origines, s’est substituée à celle de “musique
noire”1.
En quelques décennies toutes ces productions dites “urbaines”1 ont évolué et
sont devenues le genre musical le plus écouté dans le monde entier
en prenant la place jusqu’alors occupée par le rock et la pop.

1Ce qualificatif est aujourd’hui fortement remis en question car jugé porteur d’éléments racistes et discriminatoires.

a - Le hip hop

Cette appellation générique s’applique à un vaste mouvement culturel, musical et
artistique urbain qui prend son essor dans les revendications contestataires de la
jeunesse noire, au début des années 1970 au cœur du Bronx de New York avec pour le slogan
Peace, love, unity and having fun d’Afrika Bambaataa, DJ fondateur de la Zulu nation.
étymologiquement on accorde à hip le sens de “être dans le coup” (c’est-à-dire s’exprimer avec les
codes de la rue) et à hop le fait de “bondir“ (autrement dit d’être en action).
La mouvance hip hop englobe trois grandes disciplines :
- la musique, porte-voix volontiers provocateur d’une population défavorisée qui dénonce les
discriminations et injustices dont elle est victime. Le rap constitue un des sous-genres majeurs de
l’expression musicale hip hop au même titre que le beatbox (imitation du son des instruments ou
d’une boîte à rythmes uniquement avec la bouche) ou le deejaing (enchaînement de divers
morceaux, ou extraits : c’est tout le savoir-faire du DJ, le Disc Jockey).
- le graffiti qui se manifeste sous forme de peintures, faites à l’aide de bombes aérosols, dans
l’espace public de la ville (murs, métro, trottoirs…). Initialement, il s’agit de réalisations la plupart du
temps illégales, souvent assimilées à une forme de pollution visuelle. Cependant, au fil des ans,
certains “graffeurs” ont acquis une reconnaissance artistique et leur production une sorte de
respectabilité. De ce fait, il faut distinguer le graffiti, devenu “art de la rue” du tag “agresseur et
dérangeant” qui se réduit à une simple signature dans le but de marquer de façon anarchique et
illégitime un territoire, sans véritable objectif de recherche esthétique.

Grafitis sur une façade d’immeuble à
Sao Paulo (Brésil)

Photos Pixabay

grafitis sur le mur de Berlin

- la danse dite hip hop, initialement amalgamée à celle issue du jazz-rock, relève d’une pratique
street art spontanée et “underground”. Il s’agit probablement d’un transfert de comportement destiné
à servir d’alternative pacifique aux rixes violentes de bandes rivales (ce qui explique l’existence des
fameux “fights” ou affrontements sur le seul terrain chorégraphique). La danse hip hop laisse une
grande liberté d’action et de création à ses pratiquants. Elle s’appuie cependant sur différents styles
plus ou moins codifiés, dont le locking (référence au funk-style) ou le poping (ou electric boogaloo,
smurf …). La break dance désigne un style qui s’applique aux enchaînements de mouvements
spectaculaires pratiqués au sol. Le new style, comme son nom le laisse supposer, propose de
nouveaux territoires d’explorations dansées sur les musiques les plus récemment promues sur le
marché.

Photos Pixabay

b - Le rap

Origines
Né dans le courant de la musique hip hop, le rap désigne un chant “parlé-chanté” fait de
paroles scandées et martelées, portées par une rythmique au caractère marqué et au tempo
plutôt modéré.
On voit généralement dans la tradition du griot africain, et plus particulièrement dans sa maîtrise de
l’art oratoire, l’origine de la pratique des rappeurs afro-américains de la fin du XXe siècle. Ces
derniers ont remplacé les louanges bienveillantes et les chroniques sociétales de leurs lointains
ancêtres par un discours souvent sulfureux et véhément à l’égard des institutions socio-politiques,
ou de “l’establishment”, à l’origine, selon eux, des injustices dénoncées.

étymologiquement issu de l’anglais “to rap”(= cogner, taper) ce verbe prend le sens de “baratiner,
bajasser, causer…” en argot américain (slang). Mais il peut aussi signifier, selon certaines
interprétations “parler vigoureusement, franchement, ouvertement, soudainement…”. Par ailleurs,
on a pu faire du mot “rap” les acronymes* de Rock Against Police ou de Rhythm And Poetry.

Quoiqu’il en soit, l’usage de ce style de chant est d’abord destiné aux populations noires déshéritées
des quartiers-ghettos de New York (Bronx, Queens, Brooklyn, Harlem). Les textes racontent des
histoires banales du quotidien mais aussi les états d’âme ou la colère qui touchent les laissés-pour-
compte de la société américaine. Il s’agit typiquement de l’expression d’un street art dans la mesure
où les manifestations festives du début (appelées block parties) se déroulent effectivement en plein
air. Les organisateurs condamnent les deux issues d’une rue bien choisie et y installent un sound
system performant. Moyennant un droit d’accès minime, le public peut alors assister au spectacle
proposé. Un DJ (Disc jockey) manie les platines ; il est généralement assisté par un MC (Master of
Ceremony) qui “chauffe” la foule afin de mettre de l’ambiance.

évolution
La conception et l’élaboration de la forme rap proprement DJ Kool Herc en activité - 2009.
dite trouvent leur source dans l’exploitation des breaks,
c’est-à-dire des parties d’un morceau de musique où il y
a le moins d’éléments sonores (principalement des
percussions). Au milieu des années 1970, le fameux D.J.
Kool herc, au cours de soirées où l’on danse
essentiellement sur les rythmes répétitifs de la soul ou
du funk (cf. James Brown, Bob James, Parliament,
Pleasure, Curtis Mayfield…), a l’idée d’exploiter ces
instants moins bruyants (les breaks). Il prend alors le
micro pour faire passer des annonces à destination du
public présent. D’abord anodins, les messages se
densifient, deviennent plus longs (les breaks sont alors
montés en boucle) et leurs contenus abordent des
thématiques et des sujets de plus en plus diversifiés ou
élaborés. Très vite, la base rythmique ainsi constituée
s’enrichit d’ajouts sous forme de samples (cuivres,
basse, guitares, piano…). Ces échantillons sonores sont
prélevés dans les thèmes au caractère syncopé des
musiques funk, disco, R&B… Ainsi, le rap acquiert une
indépendance et une originalité qui lui donnent le statut de genre autonome.  

* sigle ou mot formé à partir des initiales d’un groupe de mots.

Au début des années 1980, de multiples groupes s’emparent de cette nouvelle conception
musicale et la diffusent dans tous les états-Unis. La côte Ouest se montre particulièrement réceptive
(cf. le succès de Captain Rapp) et on note l’apparition des premiers rappeurs blancs (Beasties Boys
de Manhattan). Par ailleurs, à cette période, on fait généralement de Joseph Saddler, leader du
groupe Grandmaster Flash and the Furious Five, un des pionniers des techniques du scratch1
et du remix2 mais aussi l’inventeur du cutting3. Sa virtuosité, sa dextérité et surtout sa rapidité à
manier les platines lui valent d’être surnommé “Flash” en complément de son titre de “Grandmaster”
(Grand maître).
Dans cette mouvance, se dessine une nouvelle orientation avec l’arrivée du groupe Run-DMC,
originaire du Queens à New York. Ce trio accède à la notoriété en 1983 avec son maxi vinyle qui
comporte le titre Sucker MC’s considéré comme référence fondatrice du rap hardcore.
L’appellation rap s’applique à un genre devenu prépondérant dès la fin des années 1980, porteur
de textes résolument agressifs avec un vocabulaire très cru pour évoquer la situation et les
sentiments des populations confrontées à la précarité, En parallèle, Run-DMC impose un code
vestimentaire austère, en accord avec le contenu textuel de ses chansons : habits de couleur noire,
veste en cuir et chapeau en particulier.
Le rap hardcore donne naissance à divers sous-genres qui cultivent une forme d’escalade dans la
provocation et la revendication sur tout le territoire américain. Ainsi, les thèmes du gangsta rap se
concentrent autour du monde des voyous et des criminels dans un contexte où la pauvreté, l’abus
d’alcool, la drogue, la violence des rues et la guerre des gangs sont extrêmement présents.
schooly D et la formation public Enemy s’illustrent en tant que pionniers dans ce domaine. Ils
seront suivis, au début des années 1990 par des artistes comme Dr Dre, snoop Dogg et par le
groupe Wu-tang Clan. Dans la foulée, d’autres ensembles prennent le parti de s’attaquer
violemment à la police en dénonçant ses agissements brutaux ; c’est le cas, entre autres, de N.W.A
( Niggaz Wit Attitudes = des Nègres qui ont du style).

Par la suite, et au cours des années 2000, les messages politiques et revendicatifs deviennent le
fond de commerce d’une industrie du show business entre les mains de petits labels qui parviennent
à réaliser des ventes conséquentes d’artistes rappeurs. C’est le cas d’Eminem (des millions
d’albums vendus + deux Grammys Awards en 2013) qui se distingue, entre autres, par la qualité et
la maîtrise de son flow, façon de débiter les paroles, en rythme sur le beat (battement). Pour
l’anecdote, Eminem a établi, en janvier 2020, un record en posant 224 mots sur 30 secondes de
musique, ce qui en fait le rappeur au débit le plus rapide du monde.
Au cours de cette dernière décennie, le rap n’a cessé d’évoluer et de se réinventer avec une telle
vigueur et une telle créativité qu’il est devenu la forme musicale la plus présente chez les jeunes.
Du fait de ses multiples facettes, il s’avère délicat d’en dresser une synthèse cohérente ou de citer
tous ceux qui ont contribué à cette réalité.

VOCABuLAIrE
1Scratch : procédé consistant à modifier manuellement la vitesse de lecture d'un disque vinyle pour
obtenir des effets sonores spéciaux
2 Remix : morceau de musique modifié par divers moyens techniques, soit en studio, soit en direct
pour obtenir un résultat sonore différent de l’initial
3Cutting : technique consistant à démarrrer au début d’un sample puis à laisser tourner le vinyle
pour l’entendre.

c - Le rap en France

Le rap fait véritablement son apparition en France, en 1984, conjointement à l’autorisation
d’émission accordée aux radios libres. Jusqu’alors, seules quelques émetteurs pirates
proposaient à un public ciblé cette musique qualifiée de hip hop en provenance des USA.
De ce fait, sur le territoire national, la diffusion et l’implantation de ce genre musical s’effectuent via
ces nouveaux médias “libres” avant que son adoption et sa vulgarisation ne soient le fait de la rue,
plus spécifiquement des banlieues “sensibles”. Il faut donc constater que son mode de propagation
a fonctionné à l’inverse des états-Unis où la reconnaissance et le succès de la rue ont, en quelque
sorte, forcé la porte des médias.
Sur le terrain artistique, une des premières manifestations “grand public” de l’influence “rap” dans
la production de chansons françaises s’exprime, dès 1981, à travers le titre Chacun fait c'qui lui plaît
par le duo Chagrin d'amour. à partir de 1982, se développent, essentiellement dans la région
parisienne, des pratiques sur scène ou sous forme de réunions “free jams” organisées dans des
lieux improbables (terrains vagues, friches…). En 1984, la chaîne de télévision nationale TF1
propose une émission intitulée HIP HOP qui fait la part belle au rap et à quelques-uns des artistes
ou groupes émergents qui le pratiquent. Mais ce créneau consacré au rap ne sera exploité qu’une
année car le genre est jugé trop passager et assimilé à un phénomène de mode éphémère… opinion
que l’avenir démentira ouvertement.
Quoi qu’il en soit, dans ces divers contextes se manifestent les pionniers du mouvement rap français
plus ou moins imprégnés de l’american Style : Lionel D, Dee Nasty ou encore les formations Nec
Plus Ultra et Assassin… Le groupe marseillais IAM, constitué en 1988, va s’imposer comme un des
représentants les plus originaux du genre et atteindra, en 1994, avec le titre Je danse le mia, une
reconnaissance nationale.
Le début des années 1990 scelle l’avénement de MC solaar. Ce dernier éclipse tous les autres
artistes de l’époque s’inscrivant dans le même courant. En effet, son album Qui sème le vent récolte
le tempo, avec le tube Bouge de là ! est considéré comme le référent fondateur du rap “à la
française”. D’autres groupes, plus versés dans le courant radical issu du gangsta rap américain, se
distinguent. C’est le cas en particulier du groupe “parisien” NtM qui rejette le “consensus
conformiste” de certains rivaux musicaux en créant, en particulier, une opposition avec IAM, doublée
d’une concurrence “régionale” entre Paris et Marseille…
Indépendamment de ces têtes d’affiches, la dernière décennie du XXe siècle voit s’épanouir de
nombreux groupes dans le paysage du rap francophone : AtK, Ärsenik, Fonky Family, NAp,
KDD…Les principaux thèmes abordés tournent autour de la rue, de la drogue, de l’alcool, de
l’éducation, de l’injustice, des médias mais aussi de l’amour et de la relation houleuse des jeunes
avec la police… Les années 2000 marquent un certain changement dans l’esthétique avec un
abandon progressif par le DJ du scratch originel au profit de breakbeats, rythmes binaires syncopés,
directement inspirés du funk, portés par la musique électronique et assortis de polyrythmies.
Avec le XXIe siècle apparaissent de nouveaux artistes qui élagissent le champ d’expression du rap
francophone. Parmi cette dernière génération, on peut citer Booba, La Fouine, Kery James,
sniper, soprano…
On note alors chez certains une radicalisation du discours, une forme d’irrévérence et le
développement d’attitudes provocantes. En fait, la politique s’invite dans les thématiques qui
prennent parfois un caractère violent (un courant anti-américain se manifeste en particulier).
à partir des années 2010, l’ouverture et la diversité stylistiques se confirment, preuve de la vivacité
et de la richesse du rap, devenu le premier genre musical plébiscité par la jeunesse. Quelques noms
émaillent cette réalité : Gims, Lacrim, Jul, sultan, Mister You, sexion d'Assaut…

De gauche à droite : Akhenaton (Philippe Fragione) - Imhotep (Pascal Joeystarr (Didier Morville) - festival
Perez) - Kheops (éric Mazel) - Kephren (François Mendy) de Cabourg - 2016
Shurik'n (Geoffroy Mussard) Photo Georges Biard
Photo CsdemFrance CC BY-SA 3.0 CC BY-SA 3.0

Cyanure et Kesdo (ATK) - Festival Bobigny Terre(s) Hip Hop 2014
Photo Coup d'Oreille - CC BY-SA 3.0

MC solaar - Festival Jazz des Cinq Continents -
Marseille - 2009.
Photo Thomas Faivre-Duboz
CC BY-SA 2.0

Booba - Rockhal (Luxembourg) le 15 Mars 2014
Photo Arnaud.scherer
CC BY-SA 4.0


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