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Depuis quelques années, il est facile de constater que les collégiens ne disposent plus d’un manuel dédié à la discipline « éducation musicale ». Dès lors, pour pallier l’absence d’un tel support, les éditions Lugdivine ont conçu une publication dématérialisée intitulée Le livre de musique pour tous.

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Published by Editions Musicales Lugdivine, 2022-06-10 04:31:54

Le livre de musique pour tous

Depuis quelques années, il est facile de constater que les collégiens ne disposent plus d’un manuel dédié à la discipline « éducation musicale ». Dès lors, pour pallier l’absence d’un tel support, les éditions Lugdivine ont conçu une publication dématérialisée intitulée Le livre de musique pour tous.

D - Le triomphe du grand opéra en Europe

Le XIXe siècle marque également la consécration du “grand opéra”, appellation qui
s’applique à des œuvres lyriques de grande envergure, généralement construites en 4
ou 5 actes avec un nouveau type de récitatif1 en lieu et place des dialogues parlés.
à travers cette évolution, l’orchestre symphonique donne enfin la pleine mesure de ses ressources
pour accompagner aussi bien les arias virtuoses que les chœurs imposants ou encore les ballets,
le tout mis en scène dans des décors fastueux. Entre 1820 et 1870, Paris est considéré comme le
fief du grand opéra, grâce à ses initiateurs : le Français Daniel-François-Esprit Auber (1782/1871,
La Muette de Portici, 1828), l’Italien Gioachino Rossini (1792/1868, Guillaume Tell, 1829) et
l’Allemand Giacomo Meyerbeer2 (1791/1864, Robert le diable, 1831).
Si l’école française est particulièrement bien représentée, tout au long du XIXe siècle, avec Berlioz,
Bizet, Gounod, Massenet ou encore Offenbach (pour ses opéras comiques), le genre connaît son
apogée en Italie grâce à une génération exceptionnelle dans laquelle s’illustrent Vincenzo Bellini,
Gaetano Donizetti, Giuseppe Verdi, Ruggero Leoncavallo, Pietro Mascagni et Giacomo
Puccini.
Le drame lyrique allemand, quant à lui, prend naissance avec un contemporain de Beethoven, Carl
Maria von Weber (son Freichütz, 1821, est considéré comme le premier opéra romantique) avant
que Richard Wagner ne s’impose comme la référence romantique suprême, au même titre que
son rival transalpin, Verdi.

1 Jusqu’alors dans l’opéra, le récitatif (ou récit), avait pour fonction d’expliquer, à travers des dialogues parlés, l’évolution
de l’action. Il se différenciait de l’aria qui exprimait d’abord les états d’âme des protagonistes. C’est Rossini, en particulier,
qui apporte au récitatif une ornementation qui le rapproche de l’aria et ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que ce clivage
aura tendance à s’atténuer.
2 trop souvent oublié, ce compositeur a pourtant connu, en son temps, les plus grands triomphes de l’histoire lyrique
avec ses opéras créés en langue française : Robert le Diable (1831), Les Huguenots (1836), Le Prophète (1849)…

Quelques grands opéras “romantiques” parmi les plus joués :
Der Freischütz (Weber, 1821) - Guillaume Tell (Rosssini, 1829) - Norma (Bellini, 1831) -
Lucia di Lammermoor (Donizetti, 1835 ) - Nabucco (Verdi, 1842) - Tannhäuser (Wagner,

1845) - Rigoletto (Verdi, 1851) - La Traviata (Verdi,1853) - Faust (Gounod, 1859) - Les Troyens
(Berlioz, 1863) - Tristan und Isolde (Wagner,1865) - Aïda (Verdi, 1871) - Carmen (Bizet, 1875) -
Der Ring des Nibelungen : l'Or du Rhin, la Walkyrie, Siegfried, le Crépuscule des Dieux (Wagner,
1876) - Lakmé ( Léo Delibes, 1883) - Tosca (Puccini, 1900) - Madama Butterfly (Puccini, 1904) -

La Bibliothèque-musée de
l'Opéra conserve, entre
autres, de très importantes
collections iconographiques,
qui forment un passionnant
témoignage de l'histoire de
l'opéra dans la capitale
française du XVIIe siècle
jusqu’à nos jours).

Maquette de décor pour
Tannhäuser -
Philippe Chaperon et édouard
Despléchin, (1861)

Ses œuvres les plus populaires Gioacchino Rossini (1792/1868)
Tancrède , L'Italienne à Alger - 1813, Très tôt livré à lui-même (son père, corniste et sa mère,
Le Barbier de Séville - 1816, La cantatrice, sont perpétuellement en tournées), le jeune
Cenerentola, La Pie voleuse - 1817, Gioacchino est recueilli par un charcutier de Bologne qui
Guillaume Tell - 1829. lui fait donner ses premières leçons de musique. Il entre
On lui doit aussi des œuvres de ensuite au Liceo Musicale de cette ville où il complète
musique sacrée, notamment un sa formation (chant, contrepoint, composition). En 1810,
Stabat Mater et une Petite messe il donne son premier opéra La Cambiale di matrimonia à
solennelle. Venise. Entre 1812 et 1813, il compose 8 ouvrages. Son
Tancredi est un immense succès. En 1816, il crée
Le tournedos Rossini est une triomphalement à Rome, Il Barbiere di Siviglia. Ensuite il
recette célèbre nommée en voyage à Vienne, Londres avant de s’installer à Paris en
son honneur. Certains tant que directeur du Théâtre italien. Il est alors consacré
gastronomes lui en attribuent “Premier compositeur du roi” et se trouve entouré
l’invention. d’admirateurs comme Berlioz, Liszt, Offenbach, Saint-
Saens, Gounod, mais aussi Stendhal, Chateaubriand,
Musset… Bon vivant à la rondeur cordiale, il reçoit
l’affectueux sobriquet “d’Il signor Vacarmi”.
Si son Moïse (1827) est un grand succès, il n’en va pas
de même pour Guillaume Tell (1829), plutôt tièdement
reçu. Très affecté par ce demi-échec mais aussi par la
perte de sa place en raison des évènement de 1830, il
cesse de composer. De 1836 à 1855, il retourne en Italie
où il conçoit malgré tout le Stabat Mater (1842). Il
s’établit ensuite définitivement à Paris où ses funérailles
seront l’occasion d’une somptueuse interprétation de la
prière de Moïse et d’extraits du Stabat Mater par tous
les plus grands noms de l’époque.

L'intérieur de La Scala de Milan avec vue sur la scène.
Gravure colorée à la main. Milan, Italie, vers 1830.

Ses opéras les plus célèbres Richard Wagner (1813/1883)
• Rienzi - 1842 Richard Wagner naît au moment où Napoléon occupe sa
• Le Vaisseau fantôme - 1843 ville, Leipzig. Quelques mois plus tard son père meurt et
• Lohengrin - 1850 sa mère se remarie avec un ami de la famille. Enfant
• Tannhäuser - 1855 fragile et indiscipliné, il trouve néanmoins un
• Tristan et Isolde - 1865 environnement propice à l’éclosion de ses dispositions
• Les Maîtres chanteurs musicales et poétiques. Après la mort de son beau-père,
il se retrouve une deuxième fois orphelin à l’âge de 8 ans.
de Nuremberg - 1868 à 15 ans, sa décision est prise ; il sera “artiste complet”.
• L'Anneau du Nibelung : En 1833, Wagner devient chef des chœurs au théâtre de
Würzburg, et, en 1834, directeur de la troupe itinérante
L'Or du Rhin - 1869 Bethmann. Il y fait la connaissance de l'actrice Minna
La Walkyrie - 1870 Planner qu’il épouse (1836). Mais les temps sont durs et
Siegfried - 1876 la troupe poursuivie par les créanciers fuit pour se
Le Crépuscule des dieux - 1876 réfugier à Paris (1839). Déçu par son séjour parisien, il
• Parsifal - 1882 retourne en Allemagne et devient maître de chapelle à la
Cour Royale de Saxe (1843). Il entreprend alors
• plusieurs projets d’opéras alliant la mythologie à l’histoire
allemande. En 1861, de retour à Paris, il est l’objet d’une
violente cabale à l’égard de son opéra Tannhäuser .
Après une longue série de concerts en Europe qui
s’achève à Stuttgart, en avril 1864, il reçoit l’aide et la
protection du nouveau roi Louis II de Bavière. En 1870,
Wagner épouse Cosima von Bülow, la fille de Liszt et
s'illustre par la publication d’un pamphlet anti-français
après la défaite de Napoléon III.
En 1874, Wagner s’installe, aux frais de Louis II à
Bayreuth. Il va ensuite partager son temps entre l’Italie
et l’Allemagne. Après la création de Parsifal, en 1882, il
part pour Venise où il décède dans le palais Vendramin.

Différence entre le romantisme “à la Française’
et le romantisme "à l’Allemande”
Dans une de ses chroniques, le romancier et critique d’art
Théophile Gauthier (1811 - 1872) tient ces propos : “ …
En France, le mot romantique n’éveille pas la même idée
qu’en Allemagne. Pour nous, il représente la liberté dans
l’art, la grande révolution de 1830. Il fait songer à Victor
Hugo, à Dumas, à Musset, à Delacroix, à toutes ces
individualités fougueuses qui passionnaient la jeunesse
d’alors et battaient en brèche les traditions
académiques.… Romantique n’a pas du tout le même
sens dans la patrie de Goethe : il implique seulement
l’idée d’un retour au Moyen Âge…”

à propos de l’œuvre de Wagner
Admiré autant que détesté, Wagner s’illustre également en tant que librettiste. Ainsi, il a
renouvelé tout l’opéra allemand, créé un art, une philosophie et un système dramatique où la
musique doit servir de commentaire au texte : synthèse parfaite des arts, la poésie étant l’égale de
la musique, la musique n’étant que l’illustration continue du drame. à l’aria succède la mélodie
déclamée et les scènes se suivent sans coupure, car l’orchestre, à la manière du chœur antique,
complète l’ambiance dans laquelle l’auditeur doit baigner, et, les thèmes que toujours il répète ou
développe (leitmotiv*), contribuent à donner à l’œuvre toute son unité. En puisant dans les vieilles
légendes, en ravivant un thème mythologique, en décrivant la nature ou bien en analysant l’amour
humain, il parvient à la fusion complète entre le drame et la musique.

Petite histoire de la musique en Europe - 1942 - Norbert Dufourcq - Larousse

Le cas Wagner
Pessimiste, mauvais gestionnaire, passionné, antisémite assumé (il est l’auteur de
l’ouvrage Le Judaïsme dans la musique), fasciné par la mythologie nordique, confident
du roi Louis II de Bavière, Richard Wagner soulève encore aujourd'hui les passions. En
particulier, même s’il est mort bien avant l'avènement d'Adolf Hitler, sa réputation pâtit toujours
des conséquences néfastes des propos que ce dernier a tenus : “…quiconque désire
comprendre le national-socialisme doit d'abord connaître Wagner…”
Cet engouement et cette admiration posent de nombreuses questions qui divisent :
-/ faut-il y voir une instrumentalisation de la part d’Hitler ? Wagner est mort depuis un demi-
siècle et n’est plus là pour cautionner le discours du maître du Troisième Reich !
-/ Richard Wagner est-il porteur des mêmes idées qui allaient plus tard former le national-
socialisme allemand (le nazisme) ?
-/ L’œuvre du compositeur contenait-elle déjà les bases d'antisémitisme, de misogynie et
d'idéologie concernant la notion de pureté ethnique qui ont pu justifier l'impérialisme
pangermanique d’Hitler ?

Quelles que soient les réponses, d’autres interrogations subsistent :
-/ faut-il bannir toute représentation des œuvres de Richard Wagner et oublier leurs qualités
musicales ? (c’est le cas en Israël !)
-/ comment peut-on continuer à admirer l’œuvre d’un artiste tout en trouvant l’homme
détestable ?

VOCABULAIRE Siegfrid possède ainsi son propre leitmotiv.
Leitmotiv : récurrence, signe qui revient et fait mémoire.

Il s’agit d’un court thème musical conducteur, reconnaissable
par sa mélodie, par les instruments employés, par son rythme,
par son harmonisation… pour évoquer un personnage, un lieu,
un objet, un sentiment… et qui réapparaît, de temps à autre,
au cours de la composition tout en pouvant évoluer au gré de
l’action dramatique.

Ce terme allemand de leitmotiv (en français : motif conducteur)
a été imaginé par le critique musicologue Hans de Wolzogen
pour désigner ce processus développé par Wagner (le fameux
“leitmotiv wagnérien”).

Ses opéras les plus populaires Giuseppe Verdi (1813/1901)
Nabucco (1842) Il né au sein d’une famille modeste d’aubergistes, dans le
Macbeth (1847) hameau de Roncole (dépendant de Busetto, ville d’émilie-
Rigoletto (1851) Romagne située entre Piacenza et Parme). C’est dans ce
La Traviata (1853) contexte qu’il découvre, auprès des clients de passage, le
Le Trouvère (1853) répertoire des chansons populaires et qu’il montre des
La Force du destin (1862) dispositions musicales exceptionnelles. Ainsi, dès l’âge de 12
Don Carlo (1867) ans, il succède à l’organiste du village qui avait assuré sa
Aïda (1871) formation générale.
Ses airs les plus populaires En 1836, il épouse Margherita, la fille de son protecteur et
Nabucco, Chœur des esclaves mécène, Antonio Barezzi. Trois ans plus tard, il reçoit une
Va pensiero commande de la Scala de Milan pour son premier opéra, Oberto.
Rigoletto, La Donna è mobile Le succès obtenu lui permet d’envisager l’avenir sereinement.
La Traviata, Libiamo Mais après le décès de son épouse en 1840 et le fiasco d’une
La Force du destin, Ouverture de ses créations, il songe à abandonner la musique.
Aïda, les trompettes de la Marche En 1847, après un détour par Londres, Verdi s'établit à Paris,
Triomphale… avec Giuseppina Strepponi, avant de revenir vivre à Busetto en
1849, un an après l’insurrection de 1848. Il acquiert le domaine
En plus de ses opéras, il a de Sant'Agata, qu'il ne cessera de faire prospérer. Mais les
également composé des relations avec sa famille et avec l’environnement local se
musiques sacrées, des musiques détériorent du fait de la réputation de sa nouvelle égérie qu’il
pour instruments et voix ainsi que épousera seulement en 1859. Cela étant, dès 1850, la réputation
des œuvres lyriques (chant et et la richesse de Verdi sont assurées d’autant plus que le succès
piano). de sa fameuse trilogie, Rigoletto-Trovatore-Traviata, ne fait que
renforcer sa situation.
L’échec de Garibaldi l’incite à se tourner vers Cavour et prendre
le parti de la monarchie de Victor-Emmanuel II. élu député de
Busseto en 1861, il continue de composer et dix ans plus tard, il
reçoit, pour son opéra Aïda, le plus gros cachet jusqu’alors
attribué à un compositeur.
Lorsqu’il meurt, en 1901 à Milan, Verdi laisse de nombreux
opéras (28 au total). Ses funérailles sont l’occasion d’un
rassemblement et d’hommages qu’aucun autre compositeur n’a
jamais reçus.

En août 1842, le succès Viva Verdi signifiait en réalité Viva Vittorio Emanuele Re D‘Italia
phénoménal de Nabucco à Milan (Vive Victor-Emmanuel Roi D’Italie).
lui apporte une notoriété aussi
fulgurante qu’inattendue. En effet,
tous les Italiens font du chœur des
esclaves “Va pensiero” l’hymne de
ralliement contre l’occupant autrichien
et Verdi devient le chantre de l’unité du
pays.

E - Du grand opéra à l’opérette en France

a - Le grand opéra*
Un vent de renouveau souffle sur la forme opéra et sur les thèmes abordés : c’en est fini des
opéras inspirés de la mythologie ! les nouveaux librettistes oublient les dieux et les héros grecs pour
s’intéresser aux hommes et aux sujets historiques. L’emprise politique et économique de la France
pendant une bonne partie du XIXe siècle, fait de Paris une “plaque tournante” qui attire les artistes
de toute l’Europe. Le grand opéra* répond aux goûts bourgeois du moment et engendre une
débauche de mises en scène grandioses.
La création de nouveaux lieux permet, au même moment, la maintenance du genre opéra-comique
(né sous la Révolution) et l’émergence de l’opérette qui, en réaction à l’opéra-comique jugé trop
sérieux, développe une forme lyrique caractérisée par sa légèreté et sa fantaisie.

Caricature ; Offenbach est représenté au milieu des Les salles de spectacles lyriques
spectateurs d’une de ses opérettes aux Bouffes Parisiens. du Paris haussmannien
illustrateur : émile-Antoine Bayard (1837/1891) Pendant une bonne partie du XIXe siècle, Paris
devient le haut lieu de l’opéra avec deux
scènes emblématiques :
• l’Opéra (dit aussi “Académie de musique”),
construit par Charles Garnier (1825/1898) et
fréquenté par la bourgeoisie triomphante du
Second Empire. Il est dédié au grand opéra
entièrement chanté,
• le Théâtre national de l'Opéra-Comique
(salle Favart) fief de l’opéra-comique mêlant
le parlé et le chanté.
En parallèle, deux autres établissements
récemment construits, le Théâtre-Lyrique et
le Théâtre des Bouffes Parisiens, accueillent
des nouveaux talents : Gounod et Bizet
(Théâtre lyrique) et Offenbach, le roi de
l’opérette (Bouffes Parisiens).

Le Nouvel Opéra (Opéra Garnier) inauguré le 5 janvier
1875

*Il est toujours en quatre ou cinq actes avec un grand Théâtre de l'Opéra Comique ; il s'agit de la première salle
ballet placé au début du troisième acte. Il alterne les Favart construite par l'architecte Heurtier (1739/1822)
airs et les récitatifs chantés. Il comporte toujours des inaugurée en 1783.
chœurs et un orchestre très imposants ainsi que de
nombreux personnages solistes.

Ses œuvres les plus populaires Hector Berlioz (1803/1869)
Musique symphonique Né à la Côte-Saint-André (Isère), Hector Berlioz poursuit
1830 : Symphonie fantastique ses études à Grenoble puis à Paris où il s’inscrit en
1834 : Harold en Italie Faculté de médecine (1821). Malgré l’opposition familiale,
1839 : Roméo et Juliette il entre au Conservatoire où il se montre brillant et
1840 : Symphonie funèbre et triom- décroche le Prix de Rome (1830) avec sa cantate
phale Sardanapale. En 1833, il épouse Harriet Smithson, une
actrice “shakespearienne”. Par la suite, il devient
Ouverture chroniqueur musical pour divers journaux puis
1831 : Le Roi Lear responsable de la bibliothèque du Conservatoire (1939).
184-1844 : Le Carnaval romain Il entreprend une série de tournées triomphales en
1844 : Le Corsaire Europe de l’Est et en Russie où ses succès sont autant
1864 : Marche troyenne liés à sa notoriété de chef d’orchestre que de
compositeur. En 1846, il s’empare de la légende
Opéra dramatique de Goethe et compose La Damnation de
1834-1838 : Benvenuto Cellini Faust. En 1852 puis 1855, Liszt, un de ses fervents
1846 : La Damnation de Faust admirateurs, organise la semaine Berlioz à Weimar.
1856-1858 : Les Troyens Après la mort de son épouse, il se remarie (1854) et
1860-1862 : Béatrice et Bénédict accède à l’Institut (1856). En 1862, sa seconde épouse
disparaît. La création de L'Enfance du Christ est un
Musique sacrée triomphe (1864). Cela étant, malgré une nouvelle tournée
1824 : Messe solennelle triomphale en Russie, il reste globalement peu apprécié,
1829 : La Mort de Cléopâtre voire ignoré, par une partie du milieu musical français. En
1837 : Grande Messe des morts ou 1869, celui qui, selon Théophile Gauthier, formait avec
Requiem Eugène Delacroix et Victor Hugo la trinité française du
1850-1854 : L’Enfance du Christ Romantisme disparaît après une longue agonie.
1849-1855 : Te Deum
à propos du style de Berlioz
Musique chorale et vocale Liszt était le type de grand virtuose qui attire les
1840-1841 : Les Nuits d'été, cantate foules ; Chopin, celui qu’on applaudit dans l’intimité des
1846 : Le Chant des chemins de fer, salons ; Berlioz, le “Jeune-France*”, le brillant
cantate romantique, qui possède un tempérament de créateur,
1849-1851 : Tristia est, des trois, le seul que ses contemporains ne
comprennent pas toujours…
Chez lui l’expression revêt une exubérance, un réalisme
qui est chose nouvelle dans l’histoire de la musique
(ouverture du Carnaval romain). Son orchestration lourde
parfois, marque pourtant un progrès décisif sur celle de
ses prédécesseurs. Il ressuscite la musique à
programme, utilise l’un des premier le procédé du
leitmotiv…

Petite histoire de la musique en Europe - 1942 - Norbert Dufourcq -
Larousse

* Les Jeunes-France est une association que fréquenta Berlioz regroupant, vers 1830, des jeunes romantiques français
autour de Pétrus Borel, Gérard de Nerval et Théophile Gautier

Cet artiste révolté et révolutionnaire a eu le génie de la couleur, l’amour des sonorités contrastantes,
des timbres inédits, du fantastique… mais une image lui collait à la peau : celle d’un compositeur
“bruyant” et le public parisien désertait ses opéras, trop habitué à être diverti par le bel canto et
l'opérette. Cette image est très répandue dans les caricatures. Berlioz en plaisante et voici ce qu’il
rapporte dans ses Mémoires :
"Le prince de Metternich me dit un jour à Vienne : C'est vous, Monsieur, qui composez de la musique
pour cinq cents musiciens ?
Ce à quoi je répondis : Pas toujours, Monseigneur, j'en fais quelquefois pour quatre cent cinquante."

Cette caricature témoigne bien des difficultés que Berlioz Berlioz connut de grandes difficultés pour
rencontra face à un public qui n'appréciait guère ses faire jouer à Paris sa musique qui passait
innovations musicales. pour être exigeante et surtout grande
consommatrice de musiciens et
Un concert à la mitraille au théâtre de Vienne interprètes !
Andreas Geiger. Gravure en couleurs, 1846. bibliothèque-musée de Il se lança alors dans la constitution
l’Opéra. d'une société philharmonique (1850-
1851) qui fit faillite l'année suivante.

Berlioz dirigeant un concert de la société
philharmonique - Gustave Doré. Lithographie,
1850.

Berlioz se plaisait à utiliser les instruments les plus
hétéroclites pour l’époque : des cymbales antiques
fabriquées d’après un modèle retrouvé à Pompéi,
des cloches, une harpe et même une enclume dans
Benvenuto Cellini.

Cham caricaturiste, Gilbert, Achille Isidore (1828-1899)
graveur - 1855
Ville de Grenoble, Bibliothèque municipale

Quelques œuvres Georges Bizet (1838/1875)
élevé dans une famille de musiciens entre un père chanteur et une
Georges Bizet laisse à peu mère pianiste, le jeune Georges est tout naturellement destiné à la
carrière musicale. à 10 ans, il entre au Conservatoire de Paris où il
près 120 œuvres musicales truste, dès l’âge de 16 ans, les premiers prix (piano, solfège, orgue,
fugue). En 1857, il est lauréat du Grand Prix de Rome.  Non
mais son nom reste conformiste, sa première composition à la villa Médicis concerne un
opéra-bouffe italien : Don Procopio. En 1862, il épouse Geneviève
essentiellement associé à Halévy, la fille de son ancien maître. Son caractère indécis, sa
sédentarité (il quittera rarement Paris) et son souci de perfection ne
l'opéra-comique Carmen, servent pas sa carrière de compositeur. Probablement déroutés par
les innovations mélodiques, la richesse orchestrale ou le réalisme de
l'un des piliers du répertoire l’expression dramatique, le public et la critique en général, reçoivent
froidement Les Pêcheurs de Perles ou l’Arlésienne. Même Carmen,
lyrique français et chef-d’œuvre aujourd’hui universellement reconnu, est tièdement
accueilli. Bizet meurt jeune, le 13 juin 1875 après la 31e
international. représentation de Carmen.

L’air de La Marche des rois Carmen : opéra-comique en 4 actes - l’intrigue
Dans les années 1820, Carmen, jeune et jolie gitane employée à la
iissu de L'Arlésienne, manufacture de cigares de Séville, jette au brigadier des Dragons
Don José, une fleur qu’elle a mordue :
résonne également “Si je t’aime, prends garde à toi !…”

aujourd’hui encore dans Lors d’une querelle entre
cigarières, la force armée
toutes les salles des classes intervient et Don José, cédant
au charme de la belle, la laisse
de musique ! s’enfuir. Emprisonné à cause
de cette complaisance, le
Parmi toutes ses œuvres on brigadier, une fois libéré,
compromet sa carrière en se
dénombre des opérettes, battant avec son supérieur,
quitte le droit chemin et rejoint
des musiques de scène, sa bien-aimée, complice de
contrebandiers dans la forêt
des musiques pour piano, proche. Cependant, Carmen
aime un autre homme,
des mélodies et des Escamillo, un jeune toréador et
l’annonce à Don José. Malgré
arrangements de chansons les supplications de ce dernier,
Carmen reste insensible à
traditionnelles… toutes ses avances et le rejette
avec des mots très durs.
Portrait de Galli-Marié (mezzo Finalement, à proximité de
soprano) dans Carmen, l’arène où Escamillo triomphe,
représentation à l’Opéra-Comique, Don José tue Carmen…
1884, Henri-Lucien Doucet
(1856/1895) musée de l’Opéra

b - L’opérette
à propos de la forme “opérette”.
Le terme opérette peut désigner un petit opéra, un opéra de caractère comique, mais aussi un opéra
où les couplets chantés alternent avec le parlé. Sous le second Empire, l’opérette est l’expression
de la vie parisienne, tant à travers le spectacle en lui-même que par les “à côtés” liés à la vie de ses
vedettes. Le triomphe du genre est essentiellement dû à la collaboration de Meilhac et Halévy pour
les livrets et d’Offenbach pour la musique.

On fait généralement du chef d'orchestre et compositeur français
Florimond Ronger (1825/1892), dit Hervé, celui qui invente le genre,
à travers la ”folie-vaudeville” intitulée L’ours et le pacha (1843).
Quelques années plus tard, en 1848, est donnée à l’Opéra national
une représentation de Don Quichotte et Sancho Pança qui officialise,
aux yeux d’un grand nombre d’observateurs, la véritable naissance
de l’opérette. Le compositeur considère que ce ”tableau grotesque
en un acte” (sous-titre officiel), dont il est auteur et compositeur,
relève "d’un genre loufoque, burlesque, échevelé, endiablé, cocasse,
hilare, saugrenu et catapulteux". Reconnu par le public parisien,
Hervé, tout à la fois auteur dramatique, acteur, chanteur, metteur en
scène et directeur de troupe accède au poste de chef d’orchestre à
l’Odéon puis au Palais-Royal (1849). Il en chaîne alors les succès,
en particulier avec Les Folies-Dramatiques, spectacle en cinq actes, donné devant Napoléon III
et sa cour (1853). Ami de Jacques Offenbach, il crée, en 1955, le premier opéra-bouffe en un
acte de ce dernier, Oyayaye ou la Reine des Îles, considéré comme une ”anthropophagie
musicale” sur un livret de Jules Moinaux (père de Courteline).

Quelques œuvres Jacques Offenbach (1819/1880)
• Bata-Clan (1855) Fils du cantor de la synagogue de Cologne, lui même originaire
• Orphée aux Enfers (1858) d'Offenbach am Main, une petite ville près de Francfort, le jeune
• La Belle Hélène (1864) Jacob montre, très jeune, d’indéniables dispositions pour la pratique
• La Vie Parisienne (1866) du violoncelle. Son père* l’envoie étudier cet instrument et la
• Barbe-Bleue (1866) composition au Conservatoire de Paris dès l’âge de quatorze ans.
• La Grande Duchesse de Très rapidement, il mène en parallèle une activité de soliste virtuose
Gerolstein (1867) à l’Opéra Comique. Cependant, les portes des théâtres lyriques
• La Péricole (1868) restent fermées pour celui qui rêve de composer des opéras.
• Les Brigands (1869) Pendant la Révolution de 1848 il se réfugie à Cologne, sa ville natale,
• Pomme d’Api (1873), dans l’attente de jours meilleurs. En 1850, il obtient le poste de chef
• Le voyage dans la Lune d’orchestre à la Comédie-Française. Cette promotion le met sur le
(1875), devant de la scène, au propre comme au figuré, et lui permet de
• La fille du Tambour-major tisser des relations utiles. En 1855, il fonde le théâtre des Bouffes
(1879) Parisiens sur les Champs-élysées pour y donner ses propres œuvres
• Les contes d’Hoffmann et connaît un succès immédiat. Pour des raisons financières, il quitte
la direction de son théâtre dans les années 1860 et trouve asile au
Théâtre des Variétés. Pendant plusieurs années, ses créations qui
respirent la joie de vivre drainent un public de plus en plus nombreux.
à la réussite d’Offenbach, il faut associer le talent de ses librettistes
habituels : Hector Crémieux mais surtout Henri Meilhac et Ludovic
Halévy, sans oublier sa cantatrice virtuose : Hortense Schneider.
Après la chute de l’Empire, il s’oriente vers des compositions d’un
genre moins frivole. Celui que Wagner appelait ironiquement “Le
Mozart des Champs-Elysées” excelle dans le genre Opérette où sa
verve, sa truculence et sa cocasserie brossent de savoureuses
caricatures de l’ambiance décadente du Second Empire.

Ainsi, le petit immigré juif allemand sans le sou qui, à quatorze ans,
débarque à Paris, est devenu aux yeux du monde entier
le symbole de l’esprit parisien et l’un des compositeurs les
plus joués de son époque. Jacques Offenbach meurt à 61
ans des suites de la goutte et repose au cimetière de
Montmartre.

Caricatures de Jacques Offenbach en chef d’orchestre

*nommé initialement Isaac Judas Eberst. Ce dernier avait profité du décret napoléonien du 28 juillet 1808 pour adopter le
patronyme de sa ville d’origine, vers 1810.

Les origines du french can can
La musique de ce galop infernal est célèbre dans le monde entier, même si les noms de son
compositeur et de l’œuvre dont elle est issue restent souvent inconnus. Généralement associée à
l’image d’une France frivole, volage et canaille, cette mélodie endiablée est, en fait, tirée de l’opéra
bouffe de Jacques Offenbach, Orphée aux Enfers.
D’origine populaire, la danse qui a inspiré le compositeur, appelée chahut ou chahut-can-can,
apparaît dans les premières décennies du XIXe siècle.
Il s’agit initialement d’un galop festif pratiqué en couple dans les bals ou dans les cabarets de la
capitale.Vers 1830, les femmes vont progressivement revendiquer le droit de danser seules, sans
présence masculine. Dès lors, ce can can, parfois appelé coin coin, devient porteur d’une réputation
sulfureuse dans la mesure où les danseuses adoptent des attitudes provoquantes que la morale
réprouve (levés de jambes qui découvrent les jupons et culottes des exécutantes…). En 1831, le
cancan est interdit mais cette condamnation ne fait qu’augmenter la curiosité et l’intérêt d’un public
avide de voir ces effrontées défier l’autorité.
En 1850, la vedette du Bal Mabille, Céleste Mogador, codifie la chorégraphie du can can pour lui
donner une forme de respectabilité et de reconnaissance artistique. Une année plus tard la danseuse
Rigolboche invente de nouvelles figures qui accentuent encore le côté scandaleux de la danse.
Lorsqu’en 1858 Jacques Offenbach conçoit le Galop infernal d'Orphée aux Enfers, il puise
directement dans l’extravagance affichée et le rythme endiablé du can can qu’il a découvert avec
gourmandise. Sa composition connaît alors un succès international symbole du french can can.
C’est le fameux Moulin Rouge qui a pérennisé le succès de cette danse. Il faut rappeler
qu’Offenbach est mort neuf ans avant l'ouverture du cabaret…

Orphée aux Enfers - paroles du chant Le Galop infernal - Acte II, quatrième tableau
(Pluton, Jupiter, Vénus et Eurydice, en chœur)

Ce bal est original d'un galop infernal, donnons tous le signal !
Vive le galop infernal ! Donnons le signal d'un galop infernal !
Amis, vive le bal ! La la la la la la

Le tout Paris danse le cancan ! mais où ?
Dans les années 1880, aux pieds de la butte Montmartre
éclosent les premiers cabarets où danseuses, danseurs
et spectateurs s’en donnent à cœur joie en pratiquant ou
en observant cette danse si subversive.
Au mythique Moulin Rouge, au Moulin de la Galette,
aux Folies-Bergère, les femmes sont les vedettes des
spectacles proposés et donnent toute leur énergie dans
l’exécution du fameux french cancan ! La chorégraphie
comporte plusieurs types de figures aux noms pour le
moins évocateurs : mitraillette, pas de charge, assaut, port
d'arme mais aussi petits chiens…
Cette danse a également ses stars ; elles se nomment la
Goulue, Nini Pattes en l’air, Rigolboche, Grille d’égout…
toutes au tempérament bien trempé !

à gauche, Nini Pattes en l’air et Grille d’égout
Bacard Louis Victor Paul (1820/1879)- Musée d'Orsay

Toulouse-Lautrec (1864/1901), témoin essentiel et
passionné des artistes du french cancan.
Le Moulin de la Galette, le bal de l'élysée Montmartre
et tous les cabarets qui avoisinaient ces lieux
incarnaient Montmartre… C’était au Moulin-Rouge
que Toulouse-Lautrec avait sa table réservée. Là, il
admirait, analysait et décryptait avec passion les
performances de La Goulue et de Valentin le
désossé, les héros des lieux, pour les reproduire dans
ses tableaux avec le talent qu’on lui reconnait.

c - Les librettistes du XIXe siècle
Le terme librettiste désigne l’auteur-rédacteur des dialogues et de l’histoire qui seront mis en musique
par un compositeur dans le cadre d’un opéra, d’un opéra-comique, d’une opérette, d’une cantate, d’un
oratorio…

Eugène Scribe (1791/1861) dramaturge et librettiste
français, l'un des auteurs dramatiques les plus joués du XIXe
siècle, en France comme dans le reste du monde. Il a été élu
à l'Académie française en 1834.
Son œuvre s’adapte aux mentalités bourgeoises de son
époque. Puisque le public se passionne pour les thèmes à
vocation historique, il écrit les Huguenots, La Dame blanche,
La Muette de Portici, Le Comte Ory, Robert le Diable, La
Juive, Les Vêpres siciliennes, Barkouf, L'Africaine…

Ludovic Halévy (1834/1908) : dramaturge, librettiste
d'opérettes et d'opéras, romancier français. Il donne les
livrets des plus célèbres œuvres scéniques de Jacques
Offenbach dont La Belle Hélène (1864), La Vie parisienne
(1866), La Grande-duchesse de Gérolstein (1867) et La
Périchole (1869).
ll collabore pour de nombreux livrets d'opérettes avec Henri
Meilhac.

Henri Meilhac (1830/1897) : auteur de pièces de théâtre,
librettiste d'opérettes et d'opéras. Avec Ludovic Halévy,
rencontré en 1860, il entame une collaboration de près de
vingt ans, donnant les livrets des plus célèbres opérettes de
Jacques Offenbach et aussi de Carmen de Georges Bizet
(1875). Cet homme au caractère jovial et plein de fantaisie,
bon vivant, amateur de jolies femmes restera célibataire
jusqu’à sa mort.

VOCABULAIRE
Grand opéra : entièrement chanté, ce genre lyrique du XIXe siècle, généralement en quatre ou cinq
actes, est donné presque exclusivement à l’Opéra de Paris assorti d’effets spectaculaires et
grandioses (beaucoup de soins sont apportés au décor, aux éclairages, aux costumes rutilants, aux
nombreux interprètes et figurants, le tout soutenu par un orchestre conséquent…). Les thèmes
prennent appui sur une intrigue tirée d'un événement historique dramatique ou héroïque.

L’opéra-comique : le mot comique n’est pas toujours l’équivalent de drôle et se rapporte ici à l’art
de la comédie. Un opéra-comique comporte un mélange de voix parlées et de voix chantées et les
interprètes doivent être aussi bons comédiens que chanteurs aguerris. Il s’agit d’une pièce destinée
à la scène lyrique (tragique ou comique).

L’opérette : ce terme apparaît vers 1850 et désigne un opéra-comique, de caractère léger ou
comique, comportant des dialogues parlés, des musiques et des danses à la mode (cancan, polka,
valse, galop…). En 1854, F. Hervé ouvre le Théâtre des Folies concertantes.
En 1885, J. Offenbach fonde le Théâtre des Bouffes-Parisiens où ses opérettes sont données.

Quelques opéras du XIXe siècle
• La Muette de Portici (1828), de Daniel-François-Esprit Auber (1782/1871) dont l’intrigue
exalte le sentiment de la patrie et celui de la liberté.
• La Dame blanche (1825) de François Adrien Boieldieu (1775/1834).
• Robert le Diable (1831) et Les Huguenots (1836) du compositeur Giacomo Meyerbeer
(1791/1864).
• La Juive (1835) de Jacques Fromental Levy, dit Halevy (1799/1862) bénéficiant d’un imposant
luxe décoratif très onéreux : une orgie de décors, de costumes, de chevaux et d’empereurs qui nuit
à la musique selon les critiques de l’époque !
• Hector Berlioz (1803 /1869) enrichit la palette expressive de l’orchestre en inventant une forme
d’esthétique qui laisse pressentir l’avènement de l’impressionnisme. Ses opéras Benvenutto Cellini
(1838), La Damnation de Faust (1846), Béatrice et Bénecdict (1862) ou Les Troyens à Carthage
(1863) ne sont toujours pas appréciés à leur juste valeur de son vivant, tout au moins en France.
• Charles Gounod (1818 /1893), apporte une espèce de fraîcheur spontanée et d’originalité à
l’opéra français avec Faust (1859), Mireille (1864), Roméo et Juliette (1867). Ses créations le placent
en dehors de toute influence wagnérienne.
• Georges Bizet (1838/1875), injustement délaissé par son époque et que l’histoire de la musique
ne situe pas toujours à sa vraie place, reprend dans ses principales œuvres la structure traditionnelle
de l’opéra (airs, duos, chœurs, ballets…) ; c’est le cas pour L’Arlésienne ou pour Carmen.
• édouard Lalo (1832/1892) annonce le début du drame lyrique (cf. Le Roi d’Ys).
• Claude Debussy (1862/1918) abandonne les coupes transitionnelles dans Pelléas et Mélisande
pour privilégier une plus grande unité lyrique. “J’ai voulu, déclare-t-il, que l’action fut continue et
ininterrompue…”
• Camille Saint Saëns (1835/1921) combat, à sa manière, le wagnérisme en défendant l’opéra
historique…

F - L’émergence du nationalisme musical : une réaction contre la
domination de la tradition classique européenne

Jusqu’au début du XIXe siècle, l’Italie, la France, l’Allemagne et l’Autriche imposent leurs modèles
musicaux à toute l’Europe. Mais, à partir de 1850, un mouvement contraire semble naître ici et là
en Occident : le “nationalisme romantique” en liaison avec les mouvements d’indépendance
politique. Les peuples européens, encore privés de patrie, recherchent dans leurs racines et leurs
traditions une identité propre exaltée par les musiciens, poètes et écrivains. Dès lors, on voit éclore,
d’abord dans les pays d’Europe centrale et orientale, des écoles en liaison avec les mouvements
d’indépendance. Les compositeurs reproduisent ou adaptent les danses et mélodies traditionnelles
de leur région d’origine créant ainsi des œuvres à forte connotation patriotique. Ces “emprunts” sont
d’autant plus efficaces qu’ils sont souvent associés à des choix de sujets historiques liés à chaque
société. La référence au folklore et à la tradition devient alors un moyen de se dégager de pratiques
dictées par “l'extérieur”. Très rapidement, cette tendance gagne quasiment toute l'Europe.
Ainsi, en Bohème (région de l’actuelle Tchéquie) s’élabore une véritable école tchèque dont on fait
de Bedřich Smetana (1824/1884), le fondateur. à ce compositeur du poème symphonique Ma
Vlast1 (Ma Patrie), on doit ajouter les noms d’Antonín Dvořák (1841/1904) et de Leoš Janáček
(1854/1928) qui ont perpétué son engagement.
En Pologne, Frédéric Chopin (1810/1849) est un des premiers musiciens à intégrer des éléments
nationalistes dans ses compositions comme en témoignent ses Polonaises. La portée politique de
ces œuvres est telle qu’au cours de la Seconde Guerre mondiale, les nazis interdisent leur
interprétation en raison de leur valeur symbolique…

1cycle de six poèmes symphoniques (dont La Moldau) pour célébrer son peuple et son pays

Arrivée de la mariée -1856 - Barabás Miklós (1810/1898) - Galerie nationale hongroise - Palais
de Budavár (Budapest)

En Russie, le Groupe des Cinq se fixe comme objectif de créer une musique nationale originale et
débarrassée de toute emprise occidentale. Alexandre Borodine (1833/1887), César Cui
(1835/1918), Mili Balakirev (1837/1910), Modeste Moussorgski (1839/1881) et Nikolaï Rimski-
Korsakov (1844/1908), tous musiciens autodidactes, font alors allégeance à l'idéal de Glinka
(1804/1857), considéré comme l’initiateur de cette école russe.
La musique scandinave se découvre un authentique style nordique, subtilement imagé et
nostalgique, à travers les œuvres du Norvégien Edvar Grieg (1843/1907), compositeur du célèbre
Peer Gynt) et du Finlandais Sibelius (1865/1957).
L’école espagnole, essentiellement représentée par Enrique Granados (1867/1916), Isaac
Albéniz (1860 /1909) et Manuel de Falla (1876/1946) renoue avec la tradition de rythmes et de
mélodies caractéristiques de la péninsule ibérique.

La Hongrie trouvera en Béla Bartók (1881/1945) et Zoltán Kodály (1882/1967) deux compositeurs
majeurs qui donnent au folklore de leur pays reconnaissance et lettres de noblesse.
Par ailleurs, ce courant de repli nationaliste touche également, avec plus ou moins d’intensité, les
pays phares européens dans le domaine musical. En Allemagne, par exemple, Weber est considéré
comme le chef du drame-lyrique national. Wagner, après lui, magnifie dans ses opéras la mythologie
germanique sans jamais faire appel à des musiques populaires allemandes. En Italie, Verdi fait
passer ses idées de libéral romantique de manière plus nuancée. Ainsi, son “Va pensiero” du chœur
des esclaves hébreux en captivité à Babylone, incarne à la fois les aspirations de tous les peuples
opprimés tout autant qu’il constitue la métaphore d’un souhait d’une nouvelle Rome.
En France, pour lutter contre l’influence des romantiques allemands et de Wagner en particulier
(cf. César Franck, Chausson, Vincent d’Indy…) se dégage un mouvement plus imprégné de culture
latine que germanique. Renouant avec l’empreinte laissée par Berlioz, édouard Lalo, Camille
Saint-Saëns ou encore Gabriel Fauré vont tracer, de leur côté, une voie typiquement française.

Bal d’été - 1897 -
Anders Zorn (1860/1920) -
Nationalmuseum - Stockholm
(Suède)

Quelques biographies de compositeurs nationalistes

Edvard Grieg (1843/1907) Norvège
Né en 1843 dans une famille où l’on cultivait la musique, Grieg poursuit
des études musicales au Conservatoire de Leipzig. De retour en
Norvège, il se lie avec le folkloriste Nordraak puis s’établit à Oslo où il
fonde un orchestre. La partition la plus populaire de Grieg reste sans
doute cette musique de scène qu’il compose pour la pièce d’Ibsen,
Peer Gynt et dont il tire deux suites d’orchestre (il en existe également
une version pour piano). On ne doit pas pour autant oublier son
Concerto pour piano et orchestre en La mineur (1868) ou bien encore
ses trois Sonates pour violon et piano. Infatigable voyageur, faisant
connaître partout ses œuvres, c’est au retour d’une de ses tournées qu’il meurt à Bergen le
4 septembre 1907.

Anton Dvorak (1841/1904) Tchéquie
Antonín Léopold Dvorak naît dans un village situé à une quarantaine
de kilomètres au nord de Prague en Bohême dans une famille de
boucher-aubergiste. à l’âge de 16 ans, il entre à l’école d’orgue de
Prague où il obtient un Second prix qui lui ouvre les portes d’un
orchestre local avant d’intégrer la formation en gestation du Théâtre
provisoire de Prague (1862). Tout en menant sa vie de musicien, il
s’adonne à la composition et livre ainsi ses deux premières
symphonies (1865). En 1871, son choix est fait ; il démissionne de
son orchestre et se consacre entièrement à la composition tout en
donnant des leçons pour assurer son quotidien. Sa réputation de compositeur commence à être
reconnue et il bénéficie pendant cinq années d’une bourse qui lui permet de se consacrer à son art.
à partir de 1877, son Stabat Mater puis ses Danses slaves et ses compositions symphoniques ou
vocales portent sa renommée hors frontières. Ainsi, dès 1879, il voyage souvent en Angleterre où
il est très apprécié mais aussi en Russie où il fait une tournée réussie en 1890. Entre 1892 et 1895,
il se retrouve directeur du Conservatoire national de New York. C’est là qu’il entreprend la
composition de sa 9e symphonie dite “Symphonie du Nouveau Monde” (1893) qui soulève
l’enthousiasme du public. Après cette expérience américaine, Dvorak rejoint sa Bohème natale et
prendra, plus tard, la direction du Conservatoire de Prague (1901). Parallèlement, il poursuit sa
carrière de compositeur, en particulier dans le domaine du poème symphonique, puisant son

inspiration dans les légendes collectées ou inventées par
l’écrivain-poète tchèque Karel Jaromír Erben. Il consacre
ensuite le reste de sa vie musicale à la création d’opéras dont
le fameux Rusalka, véritable hymne patriotique qui célèbre le
génie des musiques traditionnelles tchèques sur un livret
dans cette langue.

Dans la mythologie slave, les roussalki (pluriel de roussalka)
sont des êtres fantastiques, proches des naïades ou sirènes
de l’Antiquité, des fées, ondines, succubes ou dames
blanches du Moyen Âge occidental.

Russalka - 1934 - Ivan Bilibine (1876/1942)

Bedrich Smetana (1824/1884) Tchéquie
Né en Bohème, Bedrich Smetana fut un enfant prodige. On prétend
qu'à cinq ans, il pouvait tenir sa partie dans un quatuor de Haydn. Ami
de Franz Liszt, il obtient de sa part l’argent nécessaire pour fonder une
école de musique publique à Prague en 1854. Après avoir épousé les
idées révolutionnaires pour ébranler le joug autrichien, il perd son
emploi et se réfugie en Suède où il devient chef d’orchestre à Göteborg.
De retour dans son pays, il prend la tête de l’Opéra tchèque en 1866 et
participe activement à la fondation de plusieurs organismes musicaux
bohémiens. Il compose des œuvres dans lesquelles s’expriment
souvent ses sentiments patriotiques. Atteint de surdité (il quitte son
poste de chef d’orchestre en 1874) mais surtout atteint de troubles
nerveux, Smetana est interné dans un asile d’aliénés où il meurt en 1884. à son actif, on peut
également citer la composition de 7 Opéras (dont La Fiancée vendue), celle de deux Quatuors à
cordes, d’un Trio avec piano…
à retenir une série de six poèmes symphoniques Ma Vlast (Ma Patrie) au sein desquels la célèbre
Moldau occupe la deuxième place, symbole d’une musique identitaire qui cherche à magnifier un
peuple à travers la découverte des paysages que traverse la rivière Moldau. Le compositeur,
construisant son poème autour du voyage de la rivière depuis sa source jusqu’au confluent avec
l’Elbe, a pris soin d’indiquer, dans sa partition, les différentes étapes qui jalonnent son parcours.

Béla Bartók (1881/1945) Hongrie
Pianiste et compositeur d’origine hongroise, Béla Bartók est un
remarquable pédagogue tout autant passionné par les musiques
traditionnelles d’Europe de l’Est que par les recherches de ses
contemporains : Debussy, Richard Strauss, Schönberg…
Il s’intéresse à la musique populaire, même au-delà des frontières de la
Hongrie, puisqu’il collecte des chants populaires jusqu’en Anatolie et en
Algérie. Toute son œuvre est marquée du sceau de cette double
influence. Entre 1926 et 1939, il compose une série de pièces pour
piano (153 au total) relativement courtes et regroupées dans un
ensemble de six livres sous le titre générique de Mikrokosmos (= petit
monde, en grec). Très pédagogiquement, Bartók a classé toutes ces
compositions en fonction d’un ordre chronologique qui prend en compte

leur difficulté croissante sur le plan
technique. Malgré ce prétexte
systématique, l’œuvre s’impose par sa
grande diversité de traitement en mêlant
des inspirations de type “folklorique”, des
incursions dans le monde de l’atonalité
ou encore du néoclassicisme.

Csardaz - 1934 - Ivan Bilibine (1876/1942)

Modeste Moussorgski (1839/1881) Russie
Ses parents, tous deux amateurs de musique lui font découvrir cet
univers, sa mère lui donnant ses premières leçons de piano. à 9 ans,
Moussorgski joue déjà des compositions de Franz Liszt. Prédestiné à
devenir militaire de carrière, il accède, en 1856, au grade de lieutenant.
Il quitte cependant l’armée en 1859 pour se consacrer à la musique.
Autodidacte, il rejoint quatre compositeurs, ardents défenseurs de la
musique nationale russe (comprenant Alexandre Borodine, Mili
Balakirev, Nikolaï Rimski-Korsakov et César Cui) pour former le Groupe
des Cinq. Considéré comme le plus original de ce groupe, il laisse une
œuvre de grande envergure. épileptique, alcoolique et sujet à des crises
nerveuses il meurt à 42 ans.
Il acquiert la célébrité grâce à l’opéra Boris Godounov et la suite pour piano Les Tableaux d’une
exposition (1874), orchestrée par Maurice Ravel en 1922. Il compose aussi le poème symphonique
Une nuit sur le mont Chauve (orchestration: Nicolaï Rimsky-Korsakov), les cycles de chansons La
Chambre d’enfants, les chants et danses de la mort ainsi que deux opéras inachevés : La
Khovanchtchina, terminé par Chostakovitch et La Foire de Sorotchinsky, terminé par Tcherepnine.

Nicolaï Rimski-Korsakov (1844/1908) Russie
Issu d’une famille aristocratique, il démontre très jeune des facilités
musicales mais qui sont vite étouffées par le veto parental. En effet, les
perspectives d’un métier dans le domaine artistique sont incompatibles
avec le rang social qu’il occupe ; c’est pourquoi il se retrouve programmé
pour une carrière navale. Pour autant, il n’abandonne pas sa passion et
se perfectionne dans les domaines de la pratique du piano et de la
composition. Sa rencontre avec le compositeur Balakirev (1837-1910)
s’avère déterminante. Il prend conscience de ses possibilités et, au fil
de ses voyages maritimes, compose sa première symphonie que
Balakirev dirige en décembre 1865.
C’est un triomphe ! Désormais Rimski-Korsakov consacre beaucoup
plus de temps à la composition. Il rencontre Borodine puis Moussorgsky et, en 1868, Tchaïkovski,
compositeur qui ne partage pas les mêmes centres d’intérêt que le Groupe des Cinq (Balakirev,
Borodine, Moussorgski, Cui et Rimski-Korsakov). Ce groupe, dans la mouvance romantique
nationaliste russe, revendique son originalité par rapport à la musique “occidentale” (à laquelle
Tchaikovski fait trop allégeance selon eux !). En 1871, Nicolaï devient professeur de composition et
d'orchestration du Conservatoire de Saint-Pétersbourg et, paradoxalement, c’est en exerçant à ce
poste qu’il peaufine sa formation dans les domaines de l'harmonie et du contrepoint sous l’influence
de “l’occidental” Tchaïkovski. Cette même année 1871, il épouse Nadejda Purgold, une excellente
musicienne qui l’assistera tout au long de sa carrière. En 1873, il devient Inspecteur des orchestres
de la marine impériale jusqu’en 1884. Il peut ensuite se consacrer totalement à la musique et c’est
ainsi qu’il finalise l’orchestration d’Une Nuit sur le Mont Chauve de Moussorgsky (1886, soit cinq
ans après la mort de ce dernier), et qu’il crée ses plus brillantes compositions, le Capriccio Espagnol
(1887), La Grande Pâque russe (1887/88), Shéhérazade (1888)… Peut-être que sa carrière dans
la marine lui a laissé cette attirance pour une forme d’ailleurs exotique qui se retrouve dans ses
œuvres et plus spécifiquement dans celle ici proposée.

Alexandre Borodine (1833/1887) Russie
Borodine n’est pas, à proprement parler, un “professionnel” de la
musique. C’est d’abord un chirurgien et un chimiste, professeur à
l’Académie de médecine et de chimie militaire. Il est également
l’auteur de plusieurs traités scientifiques remarqués et le fondateur
d’une école de médecine réservée aux femmes. Composer est pour
lui, un repos, un loisir, une récréation. Pourtant, ses qualités lui
permettent d’accéder à un niveau musical tout fait exceptionnel et
c’est la raison pour laquelle il fait partie du fameux “Groupe des Cinq”
(avec Moussorgski, Rimsky-Korsakov, Balakirev et Cui). 
Ses principales compositions : Le Pince Igor (opéra qui comporte
les célèbres Danses polovtsiennes et qui sera achevé par Rimsky-
Korsakov et Glanouzov), des symphonies (La Symphonie nº 1 en mi bémol majeur, la nº 2 en si
mineur, dite “épique” et la n° 3, inachevée), le Poème symphonique Dans les steppes de l'Asie
centrale, peut-être son chef-d’œuvre.

Manuel de Falla (1876/1946) Espagne
Compositeur et pianiste espagnol, Manuel de Falla, andalou par son
père et catalan par sa mère, reçoit ses premières leçons de piano
de cette dernière avant d’étudier la composition au conservatoire
de Madrid. Son opéra La vie Brève, lui vaut de recevoir, en 1905,
le prix de l’Académie Royale des Beaux-Arts. En 1907, il vient à
Paris où il mène une existence précaire (donnant des leçons de
piano et quelques récitals), mais pourtant pleine d’intérêt grâce à
la fréquentation de ses nouveaux amis : Debussy, Dukas, Ravel,
Albéniz…

Pendant la première guerre mondiale, il se réfugie à Madrid avant de
s’installer à Grenade en 1921 où il participe à l’organisation du concours
de cante jondo.
Il entreprend alors la composition d’une œuvre qui occupera les quarante dernières années de
sa vie : le monumental oratorio l’Atlantide qu’il laissera pourtant inachevé. Bouleversé par la guerre
civile de 1936, il émigre en Argentine chez sa sœur. Après de longs mois de maladie, il meurt
d’une crise cardiaque en 1946. Il est enterré dans la crypte de la cathédrale de Cadix.

Principales œuvres
Musiques de théâtre : La Vie brève, L’Amour sorcier, Le Tricorne, Le Retable de Maître Pierre,
Musiques pour orchestre : Nuits dans les jardins d’Espagne, Hommages,
Oratorio : l’Atlantide (œuvre achevée par Halffter en 1961),
Chant : Trois Mélodies, Sept Chansons populaires espagnoles, Fantasia betica, Hommages pour
le Tombeau de Debussy, Le Tombeau de Paul Dukas…

Les évolutions musicales à la fin du XIXe

Le développement des moyens de communications, les voyages, les inventions, les
premières expositions universelles, mais aussi l’essor du colonialisme… permettent une
meilleure connaissance des cultures des autres continents. Les artistes sont inéluctablement
attirés par ce que l’on a coutume d’appeler “l’exotisme”.
De grands progrès vont aussi s’opérer dans la facture instrumentale. Certains instruments font l’objet
de perfectionnements : les cuivres sont pourvus de pistons, les bois dotés de clés plus performantes,
le piano dispose désormais d’un double échappement et l’orgue s’améliore encore avec Cavaillé-Coll.
De nouveaux instruments voient le jour : le saxophone, les saxhorns (dont le tuba), le xylophone, le
célesta, l’accordéon…
Grâce aux progrès de l’instrumentation* et à l’évolution des formes de la musique, la production sonore
parvient à une plus grande puissance de suggestion. Les performances acoustiques des instruments
sont recherchées et le recours à des instruments très aigus (piccolo) ou très graves (contrebasson,
tuba) de plus en plus fréquent. Ces progrès instrumentaux permettent aux interprètes d’accéder à la
virtuosité (Paganini, Czerny, Liszt…). La voix n’est pas en reste et suit cette évolution en faisant appel
à des registres de plus en plus élevés et des techniques de plus en plus exigeantes.

En priorité, il faut accorder une place privilégiée à celui qui est considéré comme le
à retenir véritable précurseur du mouvement : Ludwig van Beethoven (1770/1827).

L'expression musique romantique désigne un type de musique qui domine en
Europe tout au long du XIXe siècle. Ce courant revendique une plus grande
liberté de création susceptible de traduire les états d’âme, les tourments, les
passions, les doutes, la nostalgie, le désenchantement… des poètes et des musiciens en
particulier.

En musique, on retiendra quelques éléments marquants :

Les formes du piano romantique Quatre noms (Chopin, Liszt, Schumann et Mendelssohn)
Le lied (lieder au pluriel) Schubert
Le poème symphonique
Le grand opéra, l’opéra comique et l’opérette
L’émergence du nationalisme musical

VOCABULAIRE
Instrumentation : connaissance des instruments, de leurs modes de jeu, de leurs timbres, de leurs
difficultés techniques, de leurs performances…
Ne pas confondre avec Orchestration : art de distribuer les différentes parties ou voix à exécuter
aux instruments correspondants selon le résultat sonore souhaité.
Lied (lieder au pluriel) (= chant en allemand) poème d’origine germanique, chanté et accompagné
par un piano ou un petit ensemble instrumental.
Poème symphonique : œuvre en un seul mouvement, destinée à un grand orchestre dont la
musique décrit un personnage, un paysage, une émotion…
Grand opéra : opéra classique du XIXe s. d’origine française (plus précisément parisienne) présenté
avec une mise en scène grandiose.
Opéra-comique : œuvre lyrique où sont associées des voix parlées et des voix chantées avec un
accompagnement instrumental.
Opérette : opéra-comique de caractère léger ou comique, comportant des dialogues parlés, des
musiques et des danses à la mode (cancan, polka, valse, galop…).
Nationalisme musical : glorification du sentiment national par des compositions musicales intégrant
des éléments populaires ou folkloriques.

Exercices

Exercice 1
Quel compositeur est considéré comme le précurseur des Romantiques en musique ?

a) Mozart
b) Beethoven
c) Wagner

Exercice 2
Dans cette liste de compositeurs trouver les noms de trois célèbres pianistes romantiques :

Chopin - Debussy - Liszt - Vivaldi - Bach - Schumann - Mozart

Exercice 3
Indiquer la nationalité de ces compositeurs (au choix, Polonais, Hongrois, Allemand)

a) Schumann
b) Liszt
c) Chopin

Exercice 4
Quel compositeur est considéré comme le spécialiste du lied ?

Exercice 5
Quelles formes musicales voient le jour au XIXe siècle ? (noter les 2 bonnes réponses)

Le concerto - La suite - Le lied - La symphonie - Le poème symphonique

Exercice 6
Choisir parmi la liste des instruments ceux qui ont été crées au XIXe siècle (noter les 4 bonnes
réponses)

saxophone - guitare - tuba - xylophone - violon - contrebasse - accordéon…

Exercice 7
Comment s’appelle le mouvement musical qui émerge en Europe faisant référence aux traditions et
au folklore de chaque pays ?

Exercice 8
Rendre à chaque compositeur sa nationalité (au choix, Tchèque, Russe, Espagnol)

a) Modeste Moussorgski
b) Manuel de Falla
c) Bedrich Smetana
d) Anton Dvorak
e) Alexandre Borodine

Exercice 9
Donner les définitions des formes suivantes et associer chacune d’elles à un des titres proposés.
(au choix Die Forelle (La Truite), Carmen, la Moldau.

a) lied
b) poème symphonique
c) opéra-comique

Pour aller plus loin

Illustrations sonores ou visuelles ethnographiques

Suggestion : travail de recherche et de documentation sur les sujets
suivants :

Visionner

• Amadeus - film américain réalisé par Miloš Forman, sorti en 1984,

• Un ou plusieurs extraits d’opéras (La Reine de la Nuit - Carmen - Nabucco…)

• Sur la Révolution française :

Films -/ La Marseillaise de Jean Renoir - 1938

-/ La Nuit de Varennes, film d’Ettore Scola - 1982

-/ Un peuple et son roi, film de Pierre Schoeller - 2018………

Comédies musicales -/ La Révolution Française "Opéra rock"

-/ 1789, les Amants de la Bastille

• Faire des recherches à propos de la Tétralogie de Wagner pour comprendre comment ce
dernier organise son propre panthéon nordique et comparer abvec celui de la mythologie.
• Le panthéon nordique : le Panthéon nordique représente l’ensemble des Dieux Nordiques. On peut
distinguer deux familles de dieux : les Ases, venant d’Asgard et les Vanes, venant de Vanaheim.
Trouver des éléments par la lecture de bd (exemples : L'Anneau des Nibelungen (manga) - Leiji
Matsumoto - éditions Kana / Le Crépuscule des dieux (bande dessinée) - collection “Soleil Celtic”…)
de livres pour la jeunesse (Mythologie nordique - Livres pour enfants…).

Statue deThor - Stokholm Statue de Valkyrie - Stephan Abel Sinding (1846/1922) -
Copenhague



HIsToIre de lA MusIque

8 - Musiques savantes moderne &
contemporaine (XXe s.- XXIe s.)

Très sommairement, on a coutume d’appeler musique moderne, les
productions issues de la première moitié du XXe siècle et de nommer
musique contemporaine celles de la seconde moitié du XXe et du début du
XXIe.
Aborder les musiques postérieures au XIXe siècle s’avère délicat en raison de la
profusion de tendances, d’écoles et de styles qui se manifestent tout au long de cette période. Au
même titre que les peintres inventent de nouvelles esthétiques, les musiciens explorent des
territoires sonores originaux pour créer des langages musicaux différents. Cette évolution
s’accompagne d’un phénomène important, propre au XXe siècle : la mondialisation. Désormais,
l’accès aux cultures et civilisations dites “extra-européennes” ne peut plus être ignoré. Ces avancées
constituent un élément qui favorise l’ouverture vers d’autres façons d’approcher la musique. Les
compositeurs empruntent des rythmes africains, indous, sud-américains tandis que les mélodies
orientales, asiatiques, arabes sont de plus en plus souvent prises en référence.
Il faut néanmoins préciser qu’en parallèle à ce secteur “savant”, on assiste, aux états-Unis, pendant
cette même période, à un véritable bouillonnement artistique et social d’où émergent diverses formes
populaires qui donneront naissance à une nouvelle composante musicale révolutionnaire : le jazz.
Le XXe siècle finissant et le XXIe débutant se présentent comme des périodes de profonds
bouleversements dans les relations aux pratiques artistiques, aussi bien dans leur conception ou
leur représentation que dans leur perception par le public. La modification des comportements,
l’évolution des moyens de création et surtout les nouvelles formes de consommation de l’Art, nous
portent tout naturellement à redéfinir les pratiques de nos contemporains et à différencier deux
domaines que l’on peut résumer à travers deux formules : l’Art immédiat (improvisation ou jeu en
“live”, dans l’instant) et l’Art média (avec présence d’un support).

Art immédiat Art média

Photos Fotolia

Dans les pas de l’Histoire

quelques événements et personnages marquants des XXe et XXIe siècles

• 1890 - 1914 : l’Art nouveau en europe (inspirations végétales, lignes courbes…)
la Belle époque : expansion, insouciance, foi dans le progrès, gaieté…

• 28 juin 1914 : Assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l'empire austro-hon-
-grois à sarajevo

• 31 juillet 1914 : Assassinat de Jean Jaurès
• 3 août 1914 : Guillaume II déclare la guerre aux Français et aux Belges
• 1914 - 1918 : Première Guerre mondiale (la Grande Guerre)
• russie février 1917 : la révolution des soviets conduit à l’abdication de Nicolas II
• 1921 Italie : Benito Mussolini fonde le Parti national-fasciste
• 1922 - 1991 : union des républiques socialistes soviétiques (urss) - Joseph staline,

secrétaire général du Parti communiste de 1922 à 1952
• 1924 : Mort de lénine - staline prend la direction du pays
• 1919 - 1929 : les Années folles à Paris (la fête, le Jazz, les plaisirs futiles…)
• Jeudi 24 octobre 1929 : Crise financière aux états-unis : plusieurs centaines de milliers de

petits actionnaires sont ruinés.
• 28 octobre 1922 : Benito Mussolini marche sur rome. en 1925, il fait de l'Italie un régime

fasciste à parti unique.
• 30 janvier 1933 : Adolf Hitler chancelier du reich.
• 17 juillet 1936 au 1er avril 1939 : la guerre d’espagne ( guerre civile espagnole). le 1er avril

1939, Franco proclame la fin de la guerre.
• 26 avril 1937 : Guernica
• 1939 - 1945 : deuxième guerre mondiale
• 6-9 août 1945 : une bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki
• 1947 - 1991 : Guerre froide (états-unis d’un côté, l'union soviétique de l’autre)
• 1954 : débuts de la guerre d'indépendance algérienne (jusqu’en 1962)
• 1959 : révolution marxiste à Cuba. Prise du pouvoir par Fidel Castro
• 1961 : Construction du mur de Berlin.
• 7 août 1964 : Guerre du Vietnam
• 1979 : début de l'invasion soviétique en Afghanistan sur fond de Guerre froide.
• 1980 : début de la guerre Iran-Irak, dite "1ère guerre du Golfe" (jusqu’en août 1988).
• 1986 : catastrophe nucléaire de Tchernobyl.
• 1989 (9 novembre) : Chute du mur de Berlin.
• 1990 (2 août) : Invasion du Koweït par l'Irak. début de la 2e guerre du Golfe (fin en 1991).
• 1991 : début des guerres sur les territoires de l'ancienne république fédérale socialiste de

Yougoslavie (jusqu’en 2001).
• 2001 (11 septembre) : Attentat aux états-unis. Intervention des usA en Afghanistan.
• 4 novembre 2008 : Barack obama président des usA
• 2011 : Fukushima : accident nucléaire majeur
• 2015 - 2016 : Attentats islamistes : Charlie Hebdo, Bataclan, stade de France, Nice
• 2019 - 2022… : Pandémie de la Covid-19

+ Accélération et confirmation du réchauffement climatique



A - la musique moderne (≈ 1900 / ≈ 1945)

a - dans le domaine de la musique “savante”, on note, comme dans celui des arts
plastiques, l’éclosion d’une multitude de courants musicaux. Ces nouvelles formes
d’expression n’ont qu’un seul point commun : sortir du modèle romantique. Le compositeur
français Claude debussy (1862/1918) symbolise la rupture avec une écriture musicale du passé,
entièrement dépendante des règles tonale. Dès lors, il conçoit un discours qui s’appuie sur la
richesse et la diversité des timbres instrumentaux en juxtaposant de nombreuses touches sonores
évocatrices, souvent tout juste esquissées. Ainsi, même si la plus grande partie de son œuvre se
destine au piano, les nuances, les rythmiques et les harmonies subtiles qu’il développe parviennent
à traduire son humeur et ses sentiments, autrement dit, ses impressions. Nous éviterons cependant
de qualifier sa production d’impressionnisme car cette appellation, qui renvoie au courant de peinture
du même nom, ne convient guère au maître puisqu’il la réfute.
L’autre grand compositeur français de l’époque, Maurice ravel (1875/1937) s’inscrit dans la même
veine originale. Il propose une grande variété dans l’inspiration et la forme de ses créations,
témoignages concrets de son inventivité (son Bolero, par exemple).
En 1913, le Russe Igor stravinski, provoque un véritable électrochoc, au théâtre des Champs-
élysées de Paris, avec son ballet, Le Sacre du Printemps, interprété par les ballets russes de
Diaghilev. Dans cette œuvre, le compositeur fait largement évoluer la palette orchestrale
traditionnelle, les codes de l’harmonie, l’usage habituel des instruments à vent et accorde une place
de choix aux percussions. La chorégraphie proposée rompt de la même façon avec les conventions,
ce qui suscite probablement le plus grand scandale de toute l’histoire de la danse.
De son côté, l’Autrichien Arnold schönberg (1874/1951) est l’initiateur d’une révolution atonale*
sans précédent lorsqu’il pose les fondements du dodécaphonisme*. Par ailleurs, avec son Pierrot
lunaire (1912), il tourne radicalement la page de la tonalité en proposant une interprétation vocale
en Sprechgesang (parlé-chanté). Avec Alban Berg (1885/1935) et Anton Webern (1883/1945), il
forme alors un trio, qualifié de “seconde école de Vienne*”, résolument engagé dans la voie du
dodécaphonisme et de son prolongement naturel, le sérialisme*.
D’autres mouvements également nés de la volonté de casser le moule de l’académisme s’expriment
en parallèle depuis le début du XXe siècle.
C’est le cas du courant bruitiste développé par le peintre-compositeur italien luigi russolo
(1885/1947). Ce dernier intègre dans ses créations la matière sonore brute constituée par les bruits
environnants omniprésents et indissociables de l’ère industrielle.
Peu après, dans les années 1920, edgard Varèse (1883/1965) fait usage d’instruments mécaniques
(enclume, sirène…) pour “bruiter” ses compositions. Il est imité par John Cage (1912/1992) qui a
recours à des sons enregistrés, des percussions improbables ou des extraits radiophoniques pour
construire ses Paysages imaginaires (1939).

* VoCABulAIre

Atonalité : Abandon des gammes et des accords tels qu’ils sont organisés dans le système tonal =
égalité de toutes les notes entre elles et adoption de la gamme chromatique dans son ensemble.
dodécaphonisme : ensemble des techniques de composition qui accorde la même importance aux
douze notes de la gamme chromatique, selon un principe d'énumération et sans répétition, pour
échapper à la notion de tonalité.
école de Vienne : référence à la Première école de Vienne (Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert).
sérialisme : système de composition, inscrit dans le prolongement du dodécaphonisme, dans lequel
un des paramètres du son (hauteur, durée, intensité, timbre…) est énoncé en série suivant un ordre
répétitif.

b - une révolution technique dans le domaine du son

Depuis l’apparition de l’électricité et de l’électronique, le rapport avec la musique a changé.
l’électricité a permis l’amplification et par voie de conséquence une écoute de masse lors de
grands concerts, une diffusion omniprésente de la musique dans notre vie quotidienne, un partage
immédiat sur les réseaux sociaux… tout cela à consommer avec, bien entendu, discernement et
modération !!
l’électronique, grâce aux possibilités des appareils électroacoustiques et de l’informatique
musicale, ouvre un chemin vers “l’automatisation” de la composition (composition assistée par
ordinateur, musique algorithmique…). L’invention du phonographe (Thomas édison, Charles Cros),
la mise au point des premières transmissions télégraphiques par ondes hertziennes (Marconi,
1899), la naissance de la radiodiffusion (1907) et la création d’émissions radiophoniques (1921
en France) permettent à un public considérablement élargi de découvrir un éventail de musiques
jusqu’alors inconnues. Dès les années 1910, le disque 78 tours (nombre de rotations par minute)
marque les débuts de l’industrie de la musique enregistrée. En 1927, le premier film parlant et
musical Le Chanteur de jazz (avec Al Jolson) propose d’associer image et son sur un même
support. Cette avancée ouvre une page décisive quant à la désormais inextricable interaction entre
ces deux médiums (les vidéo-clips sont les descendants directs de cette invention).
Tous ces progrès techniques participent au développement d’une forme de métissage stylistique
sans précédent. Ainsi, les musiques et chansons issues des danses “exotiques” connaissent un
grand succès en Europe dans l’entre-deux-guerres : fox-trot, charleston, black-bottom (états-Unis),
rumba et son cubains, biguine antillaise (Caraïbes), samba brésilienne, tango argentin (Amérique
du Sud)… Par ailleurs, apparaît un genre révolutionnaire, essentiellement chanté et joué par des
musiciens noirs, appelé jazz. En provenance des états-Unis, cette pratique va s’imposer rapidement
et devenir, grâce à sa grande liberté d’expression, une composante incontournable du paysage
musical dans le monde entier.

quelques chiffres
Un gigantesque répertoire de styles (classique,
music hall, variété, jazz…) devient alors
accessible. On estime qu’en 1920, 100 millions
de disques sont vendus aux états-unis. C’est le début
du vedettariat et des premières “stars” (à sa disparition,
en 1921, le célèbre ténor italien Caruso avait enregistré
plusieurs centaines de 78 tours).

Caruso devant un phonographe - ≈ 1900
Photo Library of Congress

La Victor Talking Machine Company (1901 - 1929) américaine
qui fut l’une des principales entreprises produisant des phono-
graphes et des disques au début du XXe siècle a utilisé le dessin de Francis Barraud (1856-1924) et le slogan La voix de
son maitre (His Master's Voice) en 1900.

c - des inventeurs de génie

Au XIXe s. : l’arrivée du son électrique par le biais du
téléphone mis au point par Graham Bell en 1876, et celle de
l’électronique en 1906, bouleversent les comportements, et
particulièrement, l’invention du premier dispositif amplificateur
d’un signal électronique, la lampe triode (l’audion) de
l’ingénieur américain lee de Forest (1873/1961). En effet, de
cette découverte, découle le cinéma parlant, la TSF (radio), et
plus tard l'informatique… trois domaines dont nous pourrions
difficilement nous passer aujourd’hui !!

Lee de Forest et sa lampe triode © Library f Congress

Charles Cros (1842/1888) poète, scientifique… invente le
paléophone. Le 30 avril 1877, à l’Académie des sciences, Charles
Cros dépose un pli cacheté sous le titre Procédé d’enregistrement
et de reproduction des phénomènes perçus par l’ouïe. Ce pli est
ouvert et lu en séance publique le 3 décembre de la même année
et reproduit in-extenso dans le procès-verbal de la dite séance.
Toute l’invention du paléophone y est nettement expliquée :
membrane vibrante, pointe métallique suivant les ondulations de
la membrane, appareil moteur faisant tourner la surface
d’enregistrement… Mais voilà, il manque l’essentiel, le prototype
que Charles Cros n’a pu construire par manque de fonds
nécessaires. Ces fonds, Charles Cros les chercha vainement…
pourtant son paléophone était une idée de génie...

Alexander Graham Bell (1847/1922), inventeur, scientifique,
ingénieur, professeur de diction, est surtout connu pour être le
“père” du téléphone bien que d’autres aient brillé dans ce
domaine de recherche : Elisha Gray et Antonio Meucci
(Télettrophone).

Thomas Alva edison (1847/1931) scientifique, industriel,

homme d’affaires américain… invente le phonographe capable

d'enregistrer mais aussi de restituer toute forme de sons dont

la voix humaine.

Le 15 janvier 1878, aux états-

Unis, Thomas Edison, prend un

brevet dans lequel se trouve

décrit le phonographe

mécanique. Le grand adaptateur

et réalisateur américain avait eu

tout le temps de s’inspirer et de

tirer parti du mémoire original de

Charles Cros, publié dans les

comptes-rendus de l’Académie,

et de l’article de l’abbé Le Blanc, Phonographe d’Edison Edison et son phonographe à
paru trois mois auparavant. (Casa Milà) Barcelone

© Lugdivine cylindres (configuration

d'enregistrement) - 1870

Guglielmo Marconi (1874/1937)
physicien, inventeur et homme
d'affaires italien. Co-lauréat avec
Ferdinand Braun (1850/1918) du
prix Nobel de physique de 1909 “en
reconnaissance de ses contributions
au développement de la télégraphie
sans fil“. Longtemps considéré
comme l'inventeur de la radio, son
nom est cependant associé à celui
de Nikola Tesla (1856/1943) dont il
aurait abusivement utilisé 17 de ses
brevets. Effectivement en 1943, la
Cour suprême des états-Unis
invalide un des brevets sur la radio
déposé par Marconi.

Guglielmo Marconi (1874-1937) - 1900
© Library of Congress

l’enregistrement et la rediffusion :

ses répercutions sur nos esprits et nos

comportements

La pratique et l’importante consommation de

l’enregistrement encouragent sans doute cet instinct de

conservation, marque du XXe s. Non seulement le support

gravé est préservé de l’oubli mais il participe à ce

mouvement de redécouverte du passé, à cette conquête

du passé faisant de ce siècle celui de la véritable

musicologie. La “capture du son” permet l’écoute, en un

même lieu, de toutes les musiques du monde et, de plus,

de mélanger le passé au présent. Il crée un semblant

d’unité de lieu et de temps, accorde le disparate, et établit

des ponts culturels, dégage des constantes et met en

évidence des archétypes.

Enfin l’enregistrement, mémoire artificielle, déplace l’objet

de son contexte, en modifie les lectures et les

interprétations. Que signifie une musique rituelle africaine

entendue dans un salon occidental par des auditeurs

étrangers à la culture source de cette musique ? La fixation

du son normalise l’audio, en fait un produit esthétique,

détaché de sa réalité première, dont la lecture est souvent

“décalée”. Cette difficulté de compréhension, souvent Edison et son gramophone en concert -
1870
ressentie par les compositeurs, pousse à une réflexion Photo ©Library of Congress
honnête et plus approfondie sur les fondements de l’art,

sur le sens à donner à la mission de l’artiste. De ce fait, la

place du compositeur dans la société est souvent remise

en cause.

B - les nouveaux instruments de musique

a - le telharmonium
Instrument de musique électromécanique, développé à partir de 1897 par l'américain Thaddeus
Cahill. C’est le premier véritable instrument de synthèse musicale. Le son n’est pas produit par un
oscillateur électronique (la lampe triode n’existe pas encore), mais par la rotation d’une “roue
phonique”, ou réothome, devant un micro composé d’une bobine et d’un aimant, selon le même
principe qu’un micro de guitare électrique.

b - le thérémin

Instrument de musique électronique, précurseur du synthétiseur et

inventé en 1919 par le Russe Lev Sergueïevitch Termen (connu

sous le nom de “Léon Theremin”). Theremin présente à Paris son

Ætherophone, devançant Maurice Martenot qui, lui, avait fabriqué

les ondes Martenot et dont les sonorités étaient identiques ou

presque (puisque utilisant la même technologie). Ingénieur et

passionné de musique, il travaille le son et fabrique son instrument

en utilisant les nouvelles technologies de l’époque. Ce dernier

possède deux octaves et demi, fonctionne à l’aide d’oscillateurs à

tube électronique et se présente sous la forme d’un boîtier muni

d'une antenne (à droite) pour faire varier la fréquence du son (la

hauteur des notes), et d’une autre antenne (celle de gauche),

horizontale et en forme de boucle, pour modifier le volume sonore. Lev Termen jouant de son
instrument
Cet instrument surprend et fascine car il se joue entièrement à

l’oreille, sans aucun contact ce qui ne permet pas au musicien

d’avoir de repères. Il fonctionne en utilisant la capacité de l'organisme, par l'intermédiaire des mains

et des bras, de perturber les champs électromagnétiques. C’est en se rapprochant plus ou moins

des antennes que le musicien obtient les notes souhaitées tout en gérant leur volume.

c - les ondes Martenot Ondes Martenot - Musée de la Musique (Paris)
Maurice Martenot (1898/1980) présente cet
instrument monodique électronique en 1928
à l’Opéra de Paris. Il comporte :
> un clavier de 7 octaves reposant à ses
extrémités sur deux pieds,
> un ruban, fixé à l’index de la main droite
qui permet de produire des
sons proches de la voix humaine, des
glissandi, des vibrati…
> un tiroir, à portée de la main gauche : il
contient la boîte de commande destinée à
régler les nuances, les timbres, les
diffuseurs (une grenouillère peut remplacer
les touches de commande et ainsi libérer la
main gauche),
> un (ou plusieurs diffuseurs) qui émet des
sons nés des oscillations de lampes
électroniques.

C - les principaux compositeurs “modernes”

quelques œuvres : Claude debussy (1862/1918)
Pelléas et Mélisande Né à Saint-Germain-en-Laye dans une famille de modestes
(opéra, 1892/1902), commerçants, Claude Debussy découvre la musique et surtout la
Prélude à l’après-midi peinture auprès de son oncle, le banquier Achille Arosa au cours d’un
d’un faune (1892/94), séjour à Cannes. Ne fréquentant pas l’école, ses talents de pianiste
Nocturnes (1899), La sont rapidement découverts et il entre au Conservatoire à l’âge de 10
mer (1905), Le martyr de ans. Plus tard, il fait la connaissance de Madame von Meck, la
saint Sébastien (1911), mystérieuse protectrice de Tchaïkovski, qui l’engage comme
Images (1911), Jeux professeur. Ses trois voyages en Russie vont ensuite lui permettre de
(1912)… Il écrit aussi découvrir de nouveaux horizons mais surtout de rencontrer et d’écouter
beaucoup pour le piano d’autres musiciens. En 1884, il obtient le Prix de Rome avec L’Enfant
et la voix (Mélodies). prodigue. Après son séjour à la Villa Médicis, il se fixe à Paris, en 1887,
Plusieurs de ses écrits où il mène une vie de bohême marquée, entre autres, par sa liaison
sont réunis dans un livre avec la belle Gabrielle Dupont. En 1888 et 1889, il se rend à Bayreuth
intitulé Monsieur Croche où les opéras de Wagner l'impressionnent fortement. Toujours en 1889,
antidilettante. il découvre la musique de l’Extrême-Orient lors de l’Exposition
universelle. Mais il est tout autant attiré par le chant grégorien et par
les œuvres sacrées de Palestrina ou de Vittoria. Fort de ces influences
diverses et variées, il débute sa vie de compositeur “reconnu” et son
Prélude à l’après-midi d’un faune est chaleureusement et unanimement
acclamé. Malgré la création de plusieurs autres chefs-d’œuvre (Les
trois chansons de Bilitis, 1897/98, les Nocturnes, 1899…), sa vie
s’avère difficile sur les plans affectif et matériel. Dans des circonstances
dramatiques, il épouse la meilleure amie de sa compagne (1899) et
Gabrielle Dupont tente alors de se suicider… Heureusement le début
du siècle sonne le triomphe du talent de Debussy. En 1903, il délaisse
sa compagne pour une autre conquête, Emma Bardac. Il s’attire ainsi
les reproches et les foudres d’une partie de l’opinion publique avant de
trouver refuge à Jersey puis à Dieppe (où il achève La mer). Il épouse
Emma Bardac et une fille Emma-Claude naît de cette union. Dès lors,
Debussy mène une vie calme entièrement dévolue à la composition
musicale tandis que sa renommée ne cesse de croître dans le monde
entier. Dès 1909, il s’intéresse à la critique musicale et, à partir de 1914,
il connaît des conditions de vie plus difficiles. Harcelé par les
créanciers, il est, de plus, atteint par la maladie (cancer) et incapable
de travailler régulièrement.

à propos de l’Après-midi d’un faune
Ce poème symphonique est composé entre 1892 et 1894 par Claude debussy
(1862/1918) d'après le poème églogue de stéphane Mallarmé (1842/1898).
Thème du poème selon Debussy* : “Ce sont plutôt les décors successifs à travers lesquels se
meuvent les désirs et les rêves du Faune dans la chaleur de cet après-midi. Puis, las de
poursuivre la fuite peureuse des nymphes et des naïades, il se laisse aller au sommeil enivrant,
rempli de songes enfin réalisés, de possession totale dans l’universelle nature”

(*note de l’édition originale de la partition)

Le faune se présente à nous et nous invite à pénétrer dans un théâtre de verdure, au milieu
des nymphes, des animaux et des créatures magiques.

Maurice ravel (1875/1937)

Maurice Ravel naît à Ciboure (Pyrénées-Atlantiques) le 7 mars 1875.

Très rapidement l’enfant manifeste un goût prononcé pour la musique

et reçoit, dès l’âge de six ans, ses premières leçons de piano. En 1889,

il entre au Conservatoire de Paris où il obtient une première médaille

deux ans plus tard. Après diverses compositions initiales, il donne sa

première audition publique en 1899. En 1901, il obtient un deuxième

Second prix de Rome. Plusieurs fois il se présente à nouveau à ce

prestigieux concours mais n’obtient aucune récompense.

Progressivement, Ravel devient un compositeur notoire même s’il n’est

quelques œuvres : pas tellement joué du fait que certaines de ses créations, jugées trop
Sérénade grotesque, 1894 - ”audacieuses”, sont sévèrement sanctionnées par certains critiques
Menuet antique, 1895 - Ou- ”traditionalistes”. On lui reproche en particulier de s’être trop inspiré de

verture de Shéhérazade, Debussy alors que leurs musiques diffèrent profondément. Réformé en
1898 - Pavane pour une in- 1914 en raison de sa faible constitution, le compositeur réussit toutefois

fante défunte, 1899 - Jeux à s’engager comme chauffeur de camion (1916). Démobilisé pour

d’eau, 1901 - le Quatuor à cause de maladie et très affecté par la disparition de sa mère (1917)

cordes en fa majeur, 1902 - autant que par les horreurs de la guerre, il s’écarte quelque peu de la

Shéhérazade, 1904 - His- vie publique.
toires naturelles, 1907 - à partir de 1922, sa renommée internationale grandissant, il entreprend
Rapsodie espagnole, Ma plusieurs voyages en Grande-Bretagne puis au Canada et aux états-
mère l'Oye, Gaspard de la Unis où il triomphe. à New-York (1928), il fréquente les clubs de jazz
nuit, 1908 - Valses nobles et de Harlem. Séduit et fasciné par les rythmes, la diversité et la richesse
sentimentales, 1911 - Daph- de cette musique qu’il découvre, c’est à son retour qu’il compose le
nis et Chloé, 1912 - Le Tom- Bolero. En 1932, il entreprend une tournée européenne. à partir de
beau de Couperin, 1914/17 cette année-là, il se montre beaucoup moins productif sur le terrain
- la Valse et L’enfant - les

Sortilèges, 1920 - Concerto créatif. Victime d’un accident de taxi à Paris, il est progressivement

pour la main gauche en ré affecté par des troubles de plus en plus importants (langage,

majeur (1929-1930) mémoire…). En fait, cet épisode vient probablement aggraver les effets

- Concerto en sol (1932) d’une maladie neurologique bien antérieure. Une intervention
- Don Quichotte à Dulcinée chirurgicale de la dernière chance ne pourra pas le sauver.
(1932-1933) - Morgiane

(1932)……

à propos du Boléro
l’œuvre est une musique de ballet destinée à un orchestre symphonique.
Cette danse à 3 temps prend appui sur un ostinato rythmique (répété
inlassablement) avec un tempo immuable et une même mélodie divisée en deux
thèmes. Les seules variations notables relèvent de savantes combinaisons
instrumentales variées, du développement très progressif d’un lent crescendo (de pp
- pianissimo - à ff - fortissimo) et, à la fin, d’une courte modulation en mi majeur.
Certains observateurs n’ont pas hésité à voir dans la nature itérative, quasi-mécanique,
du rythme et de la mélodie une allégorie de la modernité industrielle, incarnation symbolique du
productivisme de cette première moitié du XXe siècle. Cette allégation serait confirmée par Ravel
lui-même qui, passant près d’une usine aurait déclaré : “Voyez cette usine là-bas ; c'est l'usine du
Boléro ! C'est là que j'ai vu une chaîne industrielle et qui m'a donné l'idée de cette répétition
inlassable et terrifiante”.

quelques œuvres : Igor stravinsky (1882/1971)
Scherzo fantastique et Feux Issu d’une famille cossue, Igor Stravinsky voit le jour dans la ville russe
d’artifice (1908) d’Oranienbaum (aujourd’hui nommée Lomonossov située à une
L’oiseau de feu (1910), quarantaine de kilomètres à l'ouest de Saint-Pétersbourg) où ses
Petrouchka (1911) - parents possèdent une résidence d’été. Son père, Fiodor Stravinsky,
Le Sacre du printemps célèbre basse de l’opéra de Saint-Pétersbourg est un homme cultivé,
(1913) collectionneur, par ailleurs bon peintre amateur, mais qui se montre
Renard (1917) sévère et froid dans ses rapports avec ses enfants. Ce n’est qu’à l’âge
Histoire du soldat (1918) de neuf ans qu’Igor entame ses premières années d’apprentissage du
Pulcinella (1919 / 1920), piano sans pour autant faire preuve d’un enthousiasme débordant.
Octuor à vent (1923), élève peu attentif pour les matières d’enseignement général, il
Symphonie des psaumes s’intéresse pourtant à la composition musicale, à la lecture des
(1930). partitions lyriques de son père mais surtout à l’improvisation. Il prolonge
ses études générales par quelques années de droit à l’université où il
Clins d'œil au jazz : se lie d’amitié avec Vladimir, le jeune fils de son idole, Rimski-Korsakov.
le ragtime intégré à Présenté à ce dernier, il devient alors son élève et, sous son égide,
L’histoire du soldat et écrit plusieurs œuvres qu’il donne en concert. Serge de Diaghilev
Ragtime pour 11 (1872/1929), critique d’art, impresario, organisateur de spectacle, mais
instruments (1917). surtout fondateur des Ballets russes (1907), frappé par le dynamisme
Ebony concerto (1946) écrit intense de l’œuvre de Stravinsky, Feu d’artifice (1908), lui commande
pour l’orchestre de jazz de la musique de ballet L’Oiseau de feu pour sa deuxième saison
Woody Herman. parisienne des Ballets russes. Le compositeur se rend à Paris pour la
création de son œuvre qui remporte un succès foudroyant. Promu au
rang de célébrité, Stravinsky se consacre à l’écriture et trois ans plus
tard, le 29 mai 1913, le Théâtre des Champs-élysées abrite une des
plus scandaleuses créations que la musique ait jamais connue : celle
du ballet Le Sacre du Printemps sur une chorégraphie de Vaslav
Nijinski. Après avoir passé les années de la guerre 1914-1918 en
Suisse, il s’établit à Paris et prend la nationalité française. En 1939, il
se réfugie aux états-Unis avant de s’installer à Hollywood et de se faire
naturaliser américain.

à propos des Ballets russes (1909 - 1929)
Suite à l’alliance franco-russe de 1891, on assiste, en
France, à un véritable engouement autour de l’art russe
peu ou mal connu jusqu’alors. En 1906, on inaugure une
exposition de peinture russe et, en 1908, Boris Godouvov
est donné pour la première fois à l’Opéra de Paris. Le 19 mai 1909, on
assiste à la création des Ballets russes au théâtre du Châtelet. La
troupe se produira ensuite sur plusieurs scènes européennes (Rome,
Vienne, Genève, Barcelone, Madrid…), d’Amérique du Sud ou encore
aux états-Unis. Les Ballets russes vont exister pendant deux
décennies, c’est-à-dire jusqu’en 1929, ce qui correspond à l’année de
la mort de Serge de Diaghilev, leur créateur. De célèbres danseurs,
souvent chorégraphes, s’illustrent : on peut citer Vaslav Nijinski, Léonide
Massine, Michel Fokine, Serge Lifar, George Balanchine… C’est au sein de cette troupe que se
distingue le créateur de costumes, par ailleurs peintre et décorateur, Léon Bakst (1866 - 1924). Par
son originalité et sa créativité il se montrera l’indispensable maillon complémentaire des audaces
chorégraphiques qui accompagnent, en particulier, les musiques pour ballet de Stravinsky.

d - la musique contemporaine (à partir de 1945)

dans le domaine de la musique savante, cette appellation s’applique à un certain
nombre de mouvements nés de la recherche musicale purement théorique mais
aussi de l’utilisation des plus récents outils technologiques.

Si le courant “sériel intégral” reste très présent, certains compositeurs entament des démarches
originales pour sortir de codes et règles en place qu’ils jugent trop rigides. Pour cela, ils font usage,
entre autres, d’outils sonores extérieurs au parc instrumental traditionnel (bandes magnétiques,
premiers synthétiseurs, extraits de programmes radiophoniques…). La plupart du temps, les
résultats de leurs recherches déconcertent le public et les critiques. 
Généralement, on range la plupart de ces nouvelles créations dans une catégorie fourre-tout
appelée “musique expérimentale“. Cette locution englobe des tendances classées, en Europe,
sous les étiquettes musique concrète* (Pierre Schaeffer, Pierre Henry, François Bayle, GRM…),
musique électronique* (Karlheinz Stockhausen, Henri Pousseur, divers studios de musique affiliés
à des radios …) ou encore musique électroacoustique*.
Aux états-Unis, “Musique expérimentale” semble revêtir une signification plus radicale pour se
rapporter aux œuvres de compositeurs qui revendiquent une part d’aléatoire* dans leur création.
Cela signifie introduction de l’arbitraire et du hasard comme éléments de composition. De ce fait,
les nouvelles partitions font appel à une notation utilisant des signes, des dessins ou des directives
qui sont sans rapport avec l’écriture graphique jusqu’alors en usage.
Le représentant américain le plus emblématique de ce mouvement est l’Américain John Cage
(1912/1992). Ainsi, en 1952, il conçoit une œuvre intitulée 4’33 destinée à un pianiste…qui ne va
jouer aucune note. Les 4’33 ne comporteront que l’enregistrement des réactions du public présent
qui se montre impatient à l’égard de ce musicien muet. Dès lors, on parle autant de performance
que de composition pour évoquer certaines de ces créations musicales. Dans ce contexte, naît le
concept “d’œuvre ouverte” ; le compositeur laisse à l’interprète la possibilité de faire des choix d’in-
terprétation (liberté dans l’instrumentation ou l’organisation des enchaînements parmi les diverses
sections proposées dans les partitions…).
à partir des années 1960, se développe aux états-Unis, en parallèle avec le domaine des arts
plastiques, un autre courant musical : le minimalisme. Ce mouvement souvent appelé répétitif se
caractérise par une économie de moyens significative et par une structure de composition très
simple. Son fondateur, l’Américain la Monte Young (1935 ) a particulièrement inspiré trois de ses
compatriotes dans cette voie minimaliste : Terry riley (1935), Philip Glass (1937) et steve reich
(1936). Ce dernier a connu la célébrité grâce à son œuvre Clapping Music* destinée à deux
personnes tapant dans leurs mains (1972).

*VoCABulAIre
Musique concrète : musique qui exploite la technologie de la bande magnétique en faisant appel
à des sons naturels enregistrés. Ces derniers sont ensuite isolés, montés, mixés ou superposés,
jusqu'à leur écoute, une fois composés, via les haut-parleurs, sans lesquels cet art ne serait pas.
Ce domaine musical est souvent assimilé à l’électro-acoustique.
Musique électronique : musique caractérisée par l’utilisation de sons de synthèse issus de
générateurs (le premier synthétiseur électronique RCA Mark I voit le jour en 1956 aux USA). Ce
secteur entre également dans la catégorie des musiques électro-acoustiques.
Musique électroacoustique : appellation générique qui s’applique aux musiques associant des
sons “concrets” avec ceux fabriqués par synthèse.
Aléatoire : faisant appel au hasard. Interventions des interprètes de manière indéterminée.

Toute la production musicale de la fin du XXe siècle et du XXIe est également marquée par d’autres
critères : mondialisation de la diffusion musicale (= uniformisation du goût), facilité d’accès aux
musiques en provenance d’autres cultures (variété, jazz, rap, musiques du monde…), amélioration
de la qualité sonore des supports de transmission (les vinyles sont remplacés par les CD ; le
numérique prend le pas sur l’analogique…), accroissement de la présence d’outils technologiques
dans la création (MAO - Musique Assistée par Ordinateur, en particulier), introduction de la
microtonalité (1/3 , 1/4 ou 1/6 de ton, par exemple) …
La démocratisation de l’accès aux nouvelles technologies du son et de l’image, mais surtout leurs
facilités d’utilisation et leurs coûts de plus en plus abordables, favorisent l’évolution créative.
Aujourd’hui, l’artiste est en mesure de concevoir ses propres productions en utilisant le vecteur des
réseaux sociaux comme propulseur d’une diffusion sans limites ou frontières physiques.
Enfin, il est désormais nécessaire de considérer un autre paramètre qui s’impose depuis le début
du XXIe siècle : l’image (clip) est devenue un élément constituant de la création sonore. Ainsi, on
confisque la part d’imaginaire qui pouvait encore s’exercer sur le support sonore.

résuMé : lA MusIque CoNTeMPorAINes / quelques GrANds CourANTs

I) la fin d’un système musical par l’effondrement de la tonalité
l’atonalité

Dès la fin du XIXe s. s’ouvre une période de transition. Les compositeurs, suivant leur personnalité, cherchent
de nouveaux modes d’expression prenant en compte la perte du modèle fondé sur la tonalité.

dodécaphonisme - Musique sérielle
Arnold Schönberg (1874/1951) (école de Vienne)

Alban Berg
Anton Webern
Olivier Messiaen

sérialisme intégral
Luigi Nono - Pierre Boulez - Karlheinz Stockhausen

2) l’enregistrement et la musique acousmatique 3) la musique minimaliste ou répétitive
(ou électro-acoustique) Utilisation d'une pulsation régulière et la

Musiques créées à partir de sons synthétiques fabriqués par des répétition de courts motifs souvent
générateurs de signaux. Cette musique est destinée à être diatoniques, évoluant lentement
entendue via des haut-parleurs.
(superpositions, décalages,
l’objet sonore transformations…)
L’objet sonore, plus encore que l’objet surréaliste ou bruitiste John Cage
placé dans l’orchestre, introduit, pour la première fois dans le La Monte Young
musical, une véritable figuration. Le compositeur ne se borne Steve Reich
plus, comme le faisait Messiaen, à s’inspirer ou imiter le chant Philip Glass
de l’oiseau. Il lui devient possible de faire entendre le véritable Terry Riley…
oiseau et l’intégrer dans une composition, voire de composer
avec. 4) le mélanges d’influences
(synchrétisme) de la fin du XXe et début
la musique concrète
Pierre Schaeffer du XXIe siècle
Edgard Varèse Sélection et emprunts dans tous les
courants et styles du passé comme du
Bernard Parmegiani
François Bayle présent pour écrire une musique
Pierre Henry … personnelle

(emprunts à la musique savante, au
rock, au jazz…)

e - les nouveaux outils sonores

a - le synthétiseur
Instrument électronique, inventé dans les années 1960, doté ou non de clavier d’abord mono, puis
polyphonique. Cet outil permet la fabrication de sons dits “synthétiques”, c’est-à-dire imitant le
timbre de certains instruments, à partir de signaux électriques, analogiques au début et aujourd'hui
numériques. Compris comme un instrument de musique qui se rajoute à l’instrumentarium général,
il est muni d’un clavier et répond aux critères musicaux traditionnels : il est “accordé” et permet de
jouer avec les valeurs des musiques instrumentales. Il sera rapidement adopté par l’ensemble des
musiques rock, variété, cinéma… Dans les années 1960 son usage se vulgarise par le biais des
orchestres de pop music qui s’en emparent (Pink Floyd).
L'emploi de séquenceurs (mémoires linéaires permettant de composer, enregistrer et lire des
séquences de notes ou d'accords en temps réel ou non) améliore les performances de l’appareil.
Si le synthétiseur est souvent perçu comme un “outil sonore” moderne permettant de remplacer
l’instrument traditionnel, il devient de plus en plus, pour les compositeurs contemporains, un
instrument à part entière apte à créer des sons “inédits”.

b - la norme Midi
Les fabricants de synthétiseurs, de marques et de modèles différents, se sont entendus pour créer
un standard de communication, la norme MIDI (Musical Instruments Digital Interface) qui comportait,
pour tous les appareils, une partie commune et une partie propre à chaque modèle d’instrument.
C’est autour de la norme MIDI que s’est développée, dès les années 1980, l’idée du “home studio”
permettant au compositeur, professionnel ou amateur, d’assembler divers appareils (synthétiseurs,
consoles de mixage, échantillonneurs…).

c - le piano numérique
Il s’agit d’un instrument qui allie les avantages du piano acoustique traditionnel par son toucher
“lourd” permettant le jeu nuancé (la mécanique recrée la sensation du double échappement) et les
possibilités offertes par l’électronique. Le son peut être ainsi amplifié ou complètement occulté par
le branchement d’un casque. De plus, l’instrumentiste peut avoir accès à toute une panoplie de
sons échantillonnés qui sont restitués de manière très convaincante.

XXe - XXIe sIèCle

1950 1960 1980 et +
Instruments électro-mécaniques Instruments électro-analogiques Instruments numériques
> Synthétiseurs numériques
> guitare électrique, utilisant les caractéristiques du avec des composants électroniques
> orgue Hammond courant électrique pour générer des capables de stocker les informations.
> piano Fender… sons. Le circuit le plus représentatif > Interfaces et connecteurs MIDI
> Naissance du Home studio
est appelé oscillateur.

d - l’orgue Hammond et sa cabine
leslie

Musée de la Musique - Berlin

Totalement polyphonique et destiné
initialement aux églises, cet instrument
sera popularisé par le gospel puis le
blues, le jazz et le rock. La cabine Leslie,
du nom de son inventeur, est un
dispositif muni de haut-parleurs dirigés
vers des diffuseurs rotatifs situés en bas
et en haut de la cabine dans le but de
créer un effet semblable à un vibrato par
effet Doppler (modification de la
fréquence du son par simple
amplification et mouvement de rotation).

e - le minimoog
Conçu par les Américains Bill Hemsath et Robert Moog,

ce mini synthétiseur analogique monophonique,
appelé minimoog, avec clavier intégré, reste,
aujourd’hui encore, la référence dans le
domaine de la musique électronique.
Fabriqué entre 1971 et 1981, il est
l’archétype et le prototype des nouvelles
générations de synthétiseurs qui fleurissent

dans son sillage. Plusieurs lignées d’artistes ont eu
recours à ses services dont Pink Floyd, Yes, Daft Punk,
Sun Ra, Chick Corea…
(Le Minimoog est un synthétiseur fabriqué par la société
Moog à partir de 1969).

f - 1971 Fender rhodes suitcase 73-Key
Voici le contenu d’une publicité qui le concerne
en 1971 (un des millésimes les plus recherchés

de la production de Fender Rhodes)
“Le piano parfait lorsque vous avez besoin de
la présence d'un Rhodes dans un
enregistrement pop ou rock, ainsi que du son

entendu sur les premiers disques Fusion… C'est le
Rhodes dont vous avez besoin !!”

la technologie dans la notation musicale
En examinant le processus d’écriture musicale depuis ses débuts, on constate que l’aspect
technologique reste fondamental dans le choix :
> du support. Chaque support disponible a une durée de vie “finie” ; le compositeur doit
donc opter pour le plus approprié selon le devenir qu’il souhaite donner à sa musique (bien entendu,
parmi les disponibilités de son époque). En fonction du temps qu’il souhaite consacrer à cette
notation, de ses capacités et de ses connaissances, le choix du support revêt toute son importance
(la pierre, le parchemin, le papier, la bande magnétique, le CD, le disque dur…),
> du marqueur : il s’agit de choisir l’outil qui permet de “graver” l’information sur le support (le silex,
la plume, la calame, le stylo, le clavier, le logiciel informatique…). 
le rapport support/marqueur implique l’existence d’outils complémentaires à l’écriture (la règle,
le compas, la couleur, l’imprimerie, la duplication, la photocopie, la mémoire du disque dur, la gravure
d’un CD…). Support et marqueur, étroitement liés, laisseront la trace choisie par le compositeur.
Les signes écrits constituent un vocabulaire organisé comme une grammaire, avec des fonctions
pré-définies de lecture (hauteur, durée des sons, ordre de succession des sons… ).  Ils sont tous
inscrits sur un graphe (la portée) avec, en ordonnée, les sons et en abscisse, le déroulement du
temps. Des signes annexes renseignent l’interprète sur les intentions du compositeur (vitesse,
nuances, attaques…). à peine une cinquantaine de signes composent cette grammaire !… les
siècles de musique n’ont donc pas surchargé l’écrit et les lois qui formulent la Théorie de la Musique.
Pourtant, au XXe s., les compositeurs de musiques expérimentales, contemporaines, d’avant-
garde… (inspirés par des artistes comme Pollock ou Calder, attirés par la création musicale assistée
par ordinateur et insatisfaits par l’antique “grammaire musicale”) créent des illustrations, des
indications textuelles et des symboles non conventionnels pour indiquer la manière dont doit être
interprété un morceau de musique. Ils se tournent alors vers le dessin et trouvent dans l’association
“son et couleur” un moyen plus efficace pour exprimer leurs créations. Les sons nouveaux trouvent
une notation nouvelle, les sons enregistrés et utilisés comme un instrument apparaissent sous
formes graphiques (rectangles, triangles… plus ou moins colorés pour indiquer la puissance du
son…). Tous ces signes sont englobés dans le terme plus générique de “graphisme musical”.
Chaque compositeur ayant son propre vocabulaire, la tâche n’est pas simple pour les interprètes
dont le courage et l’effort de compréhension ne sont pas toujours récompensés !

Courbe - traits - points - couleurs - taches… : quelques exemples de graphismes
qui pourraient être utilisés pour remplacer la notation habituelle.

à retenir Très sommairement, on a coutume d’appeler musique moderne, les productions
issues de la première moitié du XXe siècle et de nommer musique contemporaine

celles de la seconde moitié du XXe et du début du XXIe.

• Durant tout ce siècle, les musiciens ont exploré des territoires sonores originaux pour

créer des langages musicaux différents de ceux qui existaient jusqu’alors. Cette révolution musicale

a fait exploser près de trois siècles de musique tonale et les résultats sonores des œuvres ont fait

“grincer” bien des oreilles d’auditeurs non avertis. Jugées “compliquées”, incompréhensibles,

dissonantes, inaudibles… ces musiques modernes et contemporaines en ont dérouté plus d’un !!

Cependant, à une époque où la technologie nous offre un accès direct à presque tous les genres
de musiques existants, n’hésitons pas à explorer ces productions dans toute leur diversité pour y
découvrir certainement celle(s) qui pourrai(en)t retenir à la fois notre intérêt et notre attention.

• Au début du XXe siècle, on assiste aux états-Unis à un véritablement bouillonnement artistique et
social d’où émergent diverses formes populaires qui donneront naissance à une nouvelle
composante musicale révolutionnaire : le jazz.

exercices

exercice 1
Citer quelques événements historiques majeurs du XXe s.

exercice 2
Nommer quelques découvertes ou progrès techniques du XXe s. qui ont contribué à modifier les
rapports qu’entretenaient les compositeurs avec la création musicale.

exercice 3
Quelle est la différence fondamentale entre la musique contemporaine et la musique classique ?

exercice 4
Nommer quelques courants musicaux du début du XXe s.

exercice 5
Nommer quelques courants musicaux de la période dite contemporaine.

exercice 6
En quoi l’écriture d’une partition d’œuvres contemporaines diffère-t-elle de ce qui existait avant ?

exercice 7
Nommer quelques instruments nouveaux apparus au XXe s.

exercice 8
Avec un petit groupe d’élèves (3 ou 4), construire des polyrythmies à partir de percussions corporelles.

exercice 9
Avec un petit groupe d’élèves (3 ou 4), construire une pièce musicale électro-acoustique de 3 mn
maximum (musiques créées à partir d’un synthétiseur, d’une pièce musicale existante sur laquelle
sont placés des bruits… le tout enregistré sur un téléphone). Cette musique est destinée à être
entendue par le reste de la classe sur des haut-parleurs.

vii les musiques

actuelles

1 - le Jazz (blues - gospel - jazz)

a - Princa - Principales caractéristiques
B - le blues

C - le jazz

2 - leS MUSiQUeS POPUlaiReS

a - la comédie musicale
B - le rock

C - les musiques électroniques
d - le hip hop - rap

e - les Musiques traditionnelles

1 - en Occident
2 - les musiques traditionnelles du monde

hiStOiRe de la MUSiQUe

MUSiQUeS aCtUelleS
XXe - XXie siècles

l’expression “musiques actuelles”, désormais officiellement codifiée par l’institution,
regroupe des formes musicales aussi variées que le jazz, le blues, la soul, le rock, la variété
(pop music), le hip-hop, la techno, l’électro… ainsi que les musiques traditionnelles.

Chacune de ces formes musicales possède son autonomie, ses interprètes, ses règles ainsi que
son réseau de diffusion et de programmation. Petit à petit, ces différentes pratiques se développent
en marge des codes de la “grande musique” et conquièrent une place de plus en plus influente.
Ces constats nous placent devant une évidence : dorénavant, le domaine dit “classique”, ou plus
exactement “savant”, n’est plus l’unique référent musical à considérer.
Au cours de la Première Guerre mondiale deux mondes se rencontrent, les Français en plein
rationnement et les Américains les poches pleines de savon, de chocolat, de chewing-gum (une
découverte !), de cigarettes, de tabac blond, de boîtes de conserve, de swing et de jazz.…
L'armistice une fois signée, les clairons sonnent la fin de la Grande Boucherie sur les champs de
bataille tandis que, dans les cabarets parisiens, les orchestres de jazz attirent comme des
mouches, une clientèle surexcitée en mal de divertissement après des années de malheur. 
Dès lors, l’Europe toute entière, va plier sous le charme de cette musique du Nouveau Monde.

Pourquoi et comment la musique américaine s’est-elle internationalement
imposée avec autant de vigueur pour devenir une composante artistique
majeure du XXe siècle aussi bien dans le domaine savant que populaire ?

à la fin du XIXe siècle, l’Amérique est une nation “melting pot” composée d’émigrés d’origine
européenne, africaine et, plus minoritairement, asiatique. Tous ces déracinés arrivent sur
cette terre d’accueil avec leurs traditions instrumentales et leur répertoire sacré, profane,
savant ou populaire. Un peu plus d’un siècle après l’arrivée des pèlerins du Mayflower en
Nouvelle-Angleterre (1620), un premier orchestre symphonique s’établit en Pennsylvanie
(1743). Progressivement, les grandes villes se dotent de formations orchestrales
prestigieuses et le public américain peut entendre les œuvres allemandes, italiennes,
françaises…
après la Guerre de Sécession (1861-1865), se manifestent les premiers courants musicaux
qui s’affranchissent lentement, mais sûrement, de l’influence européenne. Paradoxalement
c’est le grand compositeur tchèque, Antonín Dvořák, nommé directeur du Conservatoire
national de New York de 1892 à 1895, qui favorise et encourage activement cette
émancipation en direction d’une musique plus “américanisée”.
C’est ainsi qu’au tout début du XXe siècle, dans le domaine de la musique savante, s’épanouit
une école dite “de Boston”, groupement de compositeurs et de pédagogues conscients de
l’originalité des racines culturelles dont ils sont porteurs. à la suite de ce mouvement vont
s’imposer les noms de Charles ives, de George Gershwin et d’aaron Copland. La seconde
moitié du siècle musical américain sera, quant à elle, marquée par les figures d’elliott Carter,
de John Cage ou encore de Philip Glass.

Dans le domaine de la musique populaire, cette Amérique décomplexée, grouillante de vie
et d’imagination, toujours à la pointe du progrès technique (radio, télévision, enregistrements
discographiques…) devient alors un extraordinaire terrain d'expérimentation et de recherche.
Ainsi naissent de nouveaux genres, de nouveaux styles, de nouveaux rythmes estampillés
“made in USA” : la comédie musicale, le rock, la country music, le folk, la pop, le funk, le hard
rock, le hip hop, le R’n’B, l’électro, le rap, le slam…

1 - le Jazz

Né à la fin du XiXe siècle dans le Sud des états-Unis, le jazz
désigne un genre musical issu du brassage de divers courants
musicaux : spirituals, gospels, work songs, blues, ragtime et
quelques formes de musique européenne…

C’est à La Nouvelle-Orléans, capitale de la Louisiane, que s’épanouit ce nouveau
langage essentiellement joué par les Créoles et les Noirs réunis dans des brass
bands (fanfares de rue). Par la suite, ce melting pot sonore, initialement qualifié

de jazz New Orleans*, s’imprègne progressivement de l’influence d’autres apports
musicaux ou de différents métissages culturels. Cette évolution donne corps à de
nouveaux styles qui jalonnent tout le XXe siècle : swing, be-bop, latin jazz, cool, hard bop,
free jazz, fusion, acid, smooth, post modern…

*Le style New Orleans, pratiqué par des Blancs, est appelé dixieland

Dixieland jazz band on Bourbon Street, New Orleans, Louisiana - ≈ 1980/2006 - Highsmith, Carol M., photographe -
Library of Congress-

a - Principales caractéristiques

Même si elles peuvent largement varier en fonction des styles ou des courants considérés, les
caractéristiques essentielles du jazz se cristallisent autour d’un certain nombre d’éléments :  
- rythme (ou swing, avec accentuation des temps faibles),
- improvisation (collective ou soliste),
- jeu avec la matière sonore (recherche d’effets expressifs parfois “non orthodoxes”),
- liberté de traitement (rythmique, mélodique, harmonique),
- appui sur la structure “blues”,
- aptitude à l’hybridation stylistique.
Origines
Héritier direct des traditions musicales des esclaves noirs déportés en Amérique entre les XVIe et
XIXe siècles, le jazz puise ses racines dans les worksongs (chants de travail) qui évoquent le sort
des populations opprimées et servilement exploitées dans les plantations de coton. Au fil du temps,
ces worksongs sont devenus le socle stylistique, l’assise thématique et la trame harmonique de la
forme blues.
En parallèle, se développent des pratiques de chants d’inspiration biblique dans les lieux de culte
agencés par les Blancs. Ainsi naissent les negro spirituals (essentiellement issus de l’Ancien
Testament) puis les gospels (référence au Nouveau Testament), formes musicales imprégnées de
références rythmo-mélodiques africaines.

Travailleurs dans les champs du Mississippi -
©Library of Congress

la note bleue, ou blue
note en anglais (quarte
augmentée ou quinte
diminuée) ajoutée à la gamme
pentatonique mineure, donne
une sonorité particulière,
caractéristique du blues qui
puise ses racines dans de
nombreuses origines (africaines,
asiatiques, irlandaises, etc…).
Elle permet au chanteur
d’illustrer la nostalgie ou la
tristesse de l’histoire évoquée.

B - le blues

Ce terme s’applique à un genre vocal et/ou instrumental directement issu des

worksongs, chants des travailleurs noirs victimes de la ségrégation raciale dans le Sud

des états-Unis. Le chanteur, initialement accompagné par un instrument rudimentaire, expose à

travers une complainte réaliste sa triste condition, son mal de vivre et son désespoir.

étymologiquement, le terme blues serait tiré de la locution anglaise blue devils (démons bleus =

idées noires, cafard, bourdon) ou d’un dérivé du mot français bluette (chanson faisant ouvertement

état de sentiments intimes et personnels). Au début du XXe siècle, la structure de ces chants se

standardise sous forme d’une grille harmonique de 12 mesures à 4 temps réparties autour de 3

accords (1er degré, 4e degré et 5e degré). Ainsi, dans une tonalité de départ en do, cela concerne

les accords do - fa - sol. Même s’il existe quelques rares variantes, cette structure “étalon” se

généralise et se retrouve dans d’innombrables titres de jazz, de boogie woogie, de rock…

aB

iiii dO dO dO dO

iv iv i i Fa Fa dO dO

vv i i SOl SOl dO dO

A - Grille utilisée dans la plupart des blues. Les chiffres I, IV et V indiquent les degrés de la gamme tonale.
Chaque case correspond à une mesure (très généralement en 4/4).

B - dans une tonalité en do, l’écriture par degré (i, iv, i, v, i) est alors remplacée par les accords effectivement
utilisés : do (x4 mesures) puis fa (x2 mesures) puis do (x2 mes) puis sol (x2 mes) puis do (x2 mes).

les instruments du blues

la voix
C’est le premier instrument du blues, le plus facile à transporter, le moins cher à l’achat et celui
qui porte les plus belles histoires. N’oublions pas que le blues raconte une tranche de vie ou fait part
d’états d’âme sans aucun filtre et sans coquetterie. La voix du bluesman ne s’embarrasse pas de
fioritures. Elle va toujours à l’essentiel du propos. On sent vraiment dans son timbre éraillé, les litres
de whisky ou les paquets de cigarettes qui ont tapissé la bouche et la gorge du griot déraciné,
américanisé malgré lui. Cette voix peut être grave ou aiguë, exaltée ou dépressive. Peu importe, ce
qui compte c’est qu’elle vienne du ventre, qu’elle sorte des tripes !

la guitare
Les premiers bluesmen s’accompagnent à la guitare, un instrument nomade par excellence et
susceptible de fournir un soutien harmonique riche pour épauler le chanteur mais aussi pour jouer un
solo entre deux couplets chantés. Depuis, l’instrument et le blues ont tissé des liens si étroits que dans
l’imaginaire collectif on associe immanquablement le bluesman authentique avec l’utilisation d’une
guitare. D’abord acoustique, plus proche de la guitare folk que de l’instrument joué par les jazzmen, la
guitare s’électrifie et quitte la campagne pour la ville, le Sud pour Chicago. Beaucoup de grands
bluesmen furent aussi de grands guitaristes.

le piano
Très tôt, le piano prend le train du blues en marche…Et ce n’est pas qu’une image puisque le boogie
woogie tire son nom des bogies (boggies), les essieux responsables du bruit shuffle (croche pointée,
double-croche) lié au roulement sur les rails. En fait, on retrouve cet instrument dès le début de l’histoire
du blues, et, un peu comme dans la fable, on distingue les pianistes des villes et les pianistes des
champs. Ces derniers écument les honky-tonks, baraques de fortune où les travailleurs agricoles
viennent dépenser la paye de la semaine en buvant des alcools frelatés tout en écoutant leur musique.

l’harmonica
L’harmonica diatonique est vraisemblablement le seul instrument qui n’existe que dans le blues et pour
le blues. En effet, l’harmonica “blues” ne peut jouer qu’une seule gamme diatonique, donc sans
altérations. De ce fait, l’harmoniciste se retrouve affublé d’une poche de ceinture dans laquelle il range
ses petits instruments de différentes tonalités. à lui de choisir celui qui correspond à la tonalité du
morceau que jouent ses partenaires musiciens (guitariste (s) en majorité).

le violon
Dès le XVIIe siècle, des artistes noirs et créoles utilisent le violon, au sein d’orchestres à cordes ou en
duo avec un piano ou une guitare. Le violon est joué à l’épaule ou sur le bras, et accordé “à
l’occidentale”. La tradition africaine des vièles à archet leur attribue une grande importance dans
l’accompagnement du chant. Le style “vocal” du “blues fiddle” se retrouve chez certains violonistes de
jazz.

les instruments insolites
La tradition de l’instrument africain doté de vibreurs pour “casser le son pur”, se perpétue dans le blues.
C’est ainsi qu’on retrouve dans cet instrumentarium :
- le kazoo. Le joueur de kazoo “chante” dans ce mirliton pour mettre en vibration la fine membrane et
conférer un effet nasillard à sa voix,
- le jug. Il s’agit d’une cruche en terre cuite, verre ou métal, utilisée pour produire un ou plusieurs sons
rappelant celui du tuba ou celui de l’hélicon.
- le washboard. C’est une planche à laver comportant une surface métallique striée, munie
d’accessoires (clochettes, cymbalettes, woodblock, klaxon manuel…), frottée ou frappée par les doigts
du musicien équipés de dés à coudre.

(cf. L’essentiel du Blues - G. & V. Gerdil , L. Soret - éditions Lugdivine - Réf.1033)

Sur cette photo, les deux musiciens ont embouché chacun un kazoo,
instrument “chantant”, ce qui leur permet de s'accompagner d'une
guitare et d’une sorte de “contrebasse” (en fait, un luth monocorde),
dont la facture rappelle divers instruments africains, tels que le
gumbri, le kondé, le molo... Selon la tradition d’origine, l'instrument
peut être frappé directement sur la corde mettant en action une série
de grelots, sur la “cymbale” fixée sur la caisse, ou encore sur la
caisse elle-même, tandis que la main gauche établit la hauteur de la
note.

Un paysan se désaltère à une jug !
C’est exactement le même ustensile
qu’utilisent les jug bands.

Photos © Library of Congress

C - le jazz

a - New Orleans
à la fin du XIXe siècle, c’est à la Nouvelle-Orléans, et plus particulièrement dans le quartier de
Storyville, haut lieu de la prostitution, de l’alcool et du jeu, qu’apparaissent les premiers orchestres
jazz. Composées de musiciens créoles et noirs, ces fanfares déambulatoires (marching band) font
appel à divers instruments : trompette, trombone, clarinette, banjo, guitare, tuba, washboard,
tambours, objets sonores recyclés… Ces formations à géométrie variable interprètent des mélodies
syncopées lors de défilés ou d’événements festifs mais aussi des marches aux rythmes plus calmes
et solennels au cours de cérémonies d’enterrements.
En marge de ces musiques de rue, on note, dans les tripots ou les saloons, l’éclosion d’une pratique
instrumentale destinée au piano : le ragtime. Joué par des Noirs autodidactes, le ragtime combine
des éléments de la musique savante européenne et des rythmes marqués issus de la tradition
africaine. Un pianiste va particulièrement s’illustrer dans ce domaine : Scott Joplin (1868/1917).
Même si l’on ne parle pas encore de jazz au tout début du XXe siècle, c’est à la Nouvelle-Orléans
que se crée le premier ensemble de musiciens avec un répertoire qui donne naissance au style
qualifié de New Orleans. Grosso modo, il s’agit d’un cocktail qui combine librement les syncopes
du ragtime et l’esprit du blues.
Paradoxalement, c’est le quintette formé de musiciens blancs, Original Dixieland Jazz Band, qui,
en 1917, signe le premier enregistrement discographique de musique jazz.

vocabulaire

Dixieland : le style New Orleans,
pratiqué par des Blancs.
Syncope : note qui commence sur
un temps faible de la mesure et qui
se prolonge sur le temps suivant
(toujours un temps fort) pour créer
une sensation de décalage.

Sidney Bechet (1897/1959) à la clarinette un des
représentants majeurs du style New Orleans 1946 -
© Photos Library of Congress

Louis Armstrong - Un des nombreux murs peints à Lexington, Kentucky - Carol M. photographe -
© Library of Congress

b - le style Chicago et la swing era

En 1917, en ordonnant la fermeture du quartier de Storyville, le centre d’intérêt du jazz naissant
se déplace vers le Nord, sur les bords du lac Michigan où, entre 1918 et 1928, en pleine prohibition
(c’est l’époque du célèbre gangster Al Capone), se développe le “style Chicago”. Il s’agit d’une
musique interprétée à la fois par des instrumentistes blancs et par des musiciens noirs qui ont fui le
Sud. Parmi ces derniers, figure un jeune trompettiste qui deviendra célébrissime : louis armstrong
(1901/1971).
Le Chicago style est marqué par l’émergence des solos individuels improvisés (à la différence des
improvisations collectives du jazz de La Nouvelle-Orléans), par l'importance prise par le saxophone
en tant qu’instrument soliste et enfin par l’assise rythmique du trio batterie/basse/guitare.
Cependant, la musique jazz se manifeste également en d’autres lieux, à New York en particulier,
où, malgré la crise économique engendrée par le crash de Wall Street en 1929, les grands
orchestres de danse prospèrent. Le jazz quitte alors l’intimité des cabarets pour toucher un plus
large public dans les dancings très fréquentés comme le Savoy ou le Cotton club.

Le Savoy Ballroom (ouvert de 1926 à 1958)
était une belle salle de bal et l'âme du célèbre
quartier de Harlem à New York. Ce club de
danse swing chic, extrêmement populaire dès
son ouverture, a toujours eu une politique de
non-discrimination et sa clientèle était
généralement à 85% noire et 15% blanche,
même si parfois tous les participants s’y
retrouvaient avec une parfaite égalité.
C’est là que la danse appelée lindy hop (en
hommage à Charles Lindbergh) a été inventée
et pratiquée avant de s’étendre à toute
l’Amérique et un peu plus tard en Europe.


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