HISTOIRE DE LA MUSIQUE
Les origines de
la musique
1 - La Préhistoire 1
vers – 35 000 ans
A - Au Paléolithique supérieur, il est probable que les premières
“musiques” s’expriment essentiellement à travers l’usage de la voix. On imagine volontiers de
petits groupes d’hommes et de femmes, unis dans un même élan, venus célébrer par des cris ou
des chants d’allégresse le retour des vainqueurs, guerriers ou chasseurs. Ces manifestations
vocales s’assortissent probablement de claquements de mains ou de frappements de pieds. Ainsi,
tout naturellement, à travers l’usage de ces premières percussions corporelles et d’ébauches de
chorégraphies, s’établissent, de façon spontanée, les premiers rituels de réjouissance qui scellent
la cohésion d’un groupe
Les premiers « instruments » Reconstitutions d’instruments utilisant l’os : racle
(guiro), sifflet.
• Pour accompagner leur voix et agrémenter leurs Photos © P. Kersalé
productions sonores, nos lointains ancêtres ont
vraisemblablement l’idée de frapper deux branches
d’arbre entre elles, de confectionner des racles à partir
de bois de rennes ou d’entrechoquer des cailloux. Ces
divers outils sonores préfigurent les claves, guiros ou
lithophones que nous utilisons aujourd’hui.
• Par ailleurs, grâce à la paléoarchéologie2, on sait que,
depuis au moins 35 000 ans avant notre ère, les
hommes savent fabriquer des outils sonores
sophistiqués : sifflets avec des phalanges de
mammifères (rennes…) et même des flûtes en os
d’oiseaux (vautour, cygne…).
NB : On a découvert que les stalactites ou les
stalagmites de certaines grottes ornées de dessins ont
été frappées intentionnellement pour en tirer des sons
(probablement à cause de l’acoustique de ces lieux).
à travers ces manifestations, Homo sapiens cherche-
t-il à s’attirer les bonnes grâces des esprits supérieurs
et mystérieux qui l’entourent ?
1 La préhistoire est généralement définie comme la période de l’histoire des hommes avant l’apparition de l’écriture.
2 L’archéologie appliquée à l’étude des objets fabriqués par les hommes préhistoriques.
Trompe d’appel ou cérémonielle, faite d’un coquillage
(Charonia tritonis). Cette trompe, utilisée aujourd’hui
encore en Océanie, est dotée d’une
perce latérale ou terminale.
Reconstitution d’une flûte en os
Photo © P. Kersalé
• Depuis le Paléolithique supérieur (-35.000 avant notre ère), la
“musique” a essentiellement une fonction magique. Il s’agit d’abord
de communiquer avec des entités surnaturelles. En effet, l’humain ne
comprend pas encore l’origine des mystèrieuses manifestations en provenance
du ciel (éclairs, grondements du tonnerre, arc-en-ciel, éclipse du soleil…).
Certains de ces “instruments”, comme les rhombes, semblent répondre à cet objectif. Rhombe actuel
Il s’agit d’une planchette pisciforme (parfois en bois de rennes) dotée d’une petite
perforation à une extrémité pour passer une ficelle. Lorsqu’on fait tournoyer l’objet, il Photo © Lugdivine
accomplit une double rotation qui génère un vrombissements mystérieux et inquiétant.
vers – 8 500 ans
B - Le Néolithique
Le Néolithique désigne une période qui, selon les zones géographiques, s’étend depuis le IXe
millénaire avant notre ère (au Proche-Orient, région dite “du croissant fertile”) jusqu’au IIIe millénaire
(début de l’âge du bronze en Europe). Généralement on considère que cette période succède à un
relatif court intermédiaire temporel appelé Mésolithique qui marque la fin du Paléolithique suite à
un brusque réchauffement climatique.
Appelée aussi Âge de la pierre polie, la période du Néolithique est également celle de la poterie
mais surtout celle de la sédentarisation pour l’homme. Cette étape marque la fin du nomadisme et
la disparition des chasseurs-cueilleurs du Paléolithique.
La période du Néolithique tardif mésopotamien (IVe millénaire avant notre ère) se caractérise par
deux inventions qui vont révolutionner tout le futur de l’homme : celle de la roue et celle de l’écriture.
L’arc du chasseur fait également fonction
d’instrument de musique, probablement depuis le
XIIIe siècle avant notre ère.
à ce titre, l’arc musical est considéré comme
l’ancêtre de tous les cordophones.
Photo©Patrick Kersalé
vers –3 000 ans
Lur de Brudevaelte - L. = 111 cm -
âge du Bronze final - Dannemark
Nationalmuseet de Copenhague
Reconstitution d’un joueur de carnyx Statuette à la lyre ou la lyre de
gaulois (Éduens) - âge du Fer Paule IIe siècle av. J.-C.
Musée de Bibracte (71). Photo©Lugdivine Musée de Bibracte (71).
Photo©Lugdivine
Les instruments de musique de la Préhistoire
dans le monde
L’apparition de la musique et l’invention des instruments ne sont pas
propres à l’Europe préhistorique. Ailleurs, dans le monde, en Asie, en
Afrique, en Amérique, en Océanie…, les hommes utilisent aussi des
outils sonores à ces mêmes périodes. Partout, des lithophones,
des rhombes, des flûtes, des sifflets en os ou en pierre, des
tambours et des hochets en terre cuite… ont été mis au jour.
Des gravures rupestres et des peintures pariétales attestent
aussi de l’existence de nombreux instruments pour
accompagner la danse. Lithophone - (Vietnam)
Musée de l’homme - Paris (France)
Les sons de la Protohistoire1
Évoquer les pratiques musicales du Paléolithique ou celles du Néolithique relève d’une
gageure puisque nous n’en connaissons ni les rythmes, ni les mélodies.
Nous ignorons également la pensée musicale propre aux hommes de ces époques.
Nous pouvons cependant imaginer que leurs musiques étaient liée au sacré et à sa
représentation lors de célébrations cultuelles, de cérémonies sacrificielles, de proces-
sions rituelles, de dépôts d’offrandes ou de funérailles.
C’est en étudiant certaines sociétés traditionnelles d’aujourd’hui que l’on conçoit les rôles
et fonctions de ces manifestations (attribution de l’ethnomusicologie).
Ainsi, on peut supposer que les principaux instruments utilisés couvraient quatre types
de fonctions acoustiques :
- signaux de communication (appeaux, alerte…),
- activités de loisir,
- vacarmes pour impressionner l’ennemi,
- sons à destination spirituelle ou thérapeutique.
1 Période qui, globalement, correspond aux âges du cuivre, du bronze et du fer.
Qui faisait de la musique ?
Malgré l’absence de sources écrites, nous pouvons avancer qu’il existait des musi-
ciens reconnus comme tels à ces périodes.
En effet, aux âges du Cuivre, du Bronze et du Fer, il est probable qu’avec la diversi-
fication des tâches dans la société, apparaissent des instrumentistes “professionnels”
et/ou des chanteurs “spécialisés” ou reconnus. Ce statut leur donnait le droit de tou-
cher et de jouer certains instruments (lur, trompe en bronze, carnyx…).
Le chaman, comme il le fait encore aujourd’hui, chasse les mauvais esprits et entre-
tient un contact privilégié avec les esprits.
Le barde apparaît chez les Celtes à l’âge du fer. Il s’agit d’un poète-musicien itinérant
qui célébre les exploits de héros ou de guerriers.
Les bergers, souvent solitaires, jouent de la flûte (instrument dit “pastoral”), confec-
tionnée avec des végétaux disponibles sur place, pour passer le temps.
Chant amérindien à la nature
Photo Pixabay
VOCABULAIRE
Aérophone : instrument à vent.
Bronze : alliage de cuivre et d’étain.
Carnyx : longue trompe gauloise en cuivre.
Cordophone : instrument à cordes.
Ethnologie : science qui étudie les caractères d’un groupe humain ou d’une ethnie.
Guiro (racle - racleur) : percussion sur laquelle on a pratiqué des stries grattées avec une
baguette.
Lithophone : percussion en pierre.
Lur : grande trompe métallique de l’âge du Bronze et répandue en Europe du Nord
(Scandinavie).
Protohistoire : période située entre la préhistoire et l’histoire. Elle s’applique aux peuples
sans écriture contemporains des âges du Cuivre, du Bronze et du Fer.
Rhombe : fine lame de bois, ou d’os, que l'on fait tournoyer au bout d'une cordelette pour
obtenir une sorte de vrombissement à la fois mystérieux et inquiétant.
à retenir Depuis la Préhistoire, les hommes et les femmes ont exprimé leurs émotions en
utilisant des langages issus de leurs appareils phonatoires (leurs voix) mais aussi des
langages corporels ou gestuels (leurs mains, leurs pieds…).
Au fur et à mesure des évolutions, des découvertes et des progrès techniques, ils ont
développé la facture de leurs premiers instruments de musique en utilisant des pierres (silex,
galets…), des ossements, des coquillages ou encore des végétaux (bois, roseau, feuilles…).
Ces “outils sonores” ont joué un rôle essentiel pour accompagner les cérémonies des
chamans qui officiaient comme intercesseurs entre les humains et les esprits de la nature.
Exercices La musique verte - l’atelier nature
Exercice 1 Selon la mythologie grecque, le dieu Pan aurait
Réaliser une frise chronologique depuis la “inventé” sa fameuse flûte après avoir entendu le
présence de l’homme jusqu’à la découverte de chant produit par le souffle du vent dans les
l’écriture. Situer les grandes périodes. roseaux situés en bordure du Ladon (rivière qui
coule au centre du Péloponnèse).
Exercice 2 Cette fortuite association du vent et du végétal n’a
Nommer quelques instruments de musique pas échappé à l’attention des premiers hommes
utilisés par l’homme préhistorique. qui ont su, eux-aussi, tirer parti de cette alliance
naturelle pour établir les fondements de la facture
Exercice 3 et de la lutherie instrumentales.
Transformez-vous en homme (ou femme) de la Tous les matériaux d’origine végétale, minérale ou
préhistoire ! Procurez-vous des matériaux animale ont ainsi constitué la matière de base des
“naturels” faciles à travailler (os de volatiles ou premiers instruments : calebasse, bambou,
de mammifères, terre argileuse, tubes de cannes, bois ou écorce (bouleau, aulne, sureau,
renouée du Japon…), et utilisez des outils frêne, châtaignier, robinier, aubépine…), tiges,
naturels (silex taillés…) pour faire votre propre feuilles et fleurs (pissenlit, lierre, houx, chiendent,
instruments de musique. gentiane, clématite…), coques (noisettes,
pistaches, amandes, cupules de glands…),
Exercice 4 noyaux (abricot, pêche, mirabelle, cerise, prune,
Avec un petit groupe d’élèves (3 ou 4), olive…), pierres, os (de volatiles, de mammifères),
construisez des polyrythmies à partir de coquillages marins ou terrestre (escargots…),
percussions corporelles ! coquilles saint Jacques, …
Pour aller plus loin
Illustrations sonores ou visuelles ethnographiques
Suggestion : travail de recherche et de documentation sur les sujets suivants :
• Musique traditionnelle (arc musical) et chants des Pygmées
• Musique traditionnelle amérindienne chamanique
• Les percussions corporelles
Cette pratique aussi évidente que familière pour ceux qui l’exercent, existe depuis des millénaires. On
la retrouve bien vivante au sein d’une multitude d’ethnies et de cultures du monde aujourd’hui encore.
• Les chants de travail
La stimulation de l’effort physique met en œuvre des composantes sonores énergisantes. Celles-ci
peuvent être produites par les acteurs eux-mêmes ou par des musiciens et/ou chanteurs extérieurs à
l’action. De nombreuses activités traditionnelles font appel à ces techniques “inductrices” : pagayage,
labourage, battage, pilonnage… Les encouragements proviennent de cris individuels, de chants ou
de clameurs collectives… Chez les Dogons du Mali, tandis que les femmes battent le beurre de karité
pendant des heures, d’autres les encouragent en chantant, en criant et en frappant dans leurs mains
!
Long John
Aux États-Unis, en 1934, John et Alan Lomax ont filmé et enregistré cette chanson de travail, Long
John, chantée par un homme identifié comme “Lightning” et un groupe de ses camarades condamnés
noirs à Darrington State Prison Farm au Texas. Ce film nous montre des prisonniers noirs enchaînés
les uns aux autres (chain gang), cassant des pierres et accompagnant ce travail harassant par des
chants ce qui leur permettait de travailler avec un rythme régulier, nécessaire à ces travaux “collectifs”.
Les paroles de Long John mêlent préoccupations religieuses et laïques mais aussi les espoirs de
s'échapper un jour de la servitude, désirs profondément ressentis à la fois par les esclaves et les
prisonniers.
Rosie (Chain Gang Blues)
Le chant Rosie fonctionne avec un système de questions-
réponses : une personne chante, les autres répondent et le
tempo est marqué par des coups de marteau dans la roche
ou de hache contre les arbres. La voix est pleine de sueur et
de souffrance. La musique devient ainsi le moyen privilégié
d'expression des sentiments.
Prisonniers formant une chain gang -
Caroline du Sud (USA) ≈ 1900 / 1906
© Library of Congress
1
2 - L’Antiquité
Alors que la civilisation néolithique s’installe en europe, une vaste zone
géographique de l’actuel proche-Orient est le siège d’évolutions et de
progrès qui vont à jamais bouleverser le destin de l’humanité.
On fait traditionnellement de la Mésopotamie (étymologiquement en grec “entre les fleuves”,
le tigre et l’euphrate) le berceau de plusieurs civilisations qui marquent le début de l'Histoire.
Cependant, de récentes découvertes archéologiques en Iran, nous obligent à mettre en parallèle le
monde mésopotamien avec celui de la Perse ancienne, porteur d’éléments tout aussi brillants.
LeS peupLeS de L’Antiquité 1 Antiquité
Civilisations méditerranéennes Période allant de l'invention de l'écriture,
- Mésopotamie : Sumer - Babylone - Assyrie
- égypte (vers 3500/3200 av. J.-C.),
- Hébreux jusqu'à la chute de l'Empire romain
- Gréco-Romain
d'Occident,
Civilisations extra-méditerranéennes (476 après J.-C).
- L’Afrique, l’Asie, la Chine
- L’Amérique Géographiquement, sont concernées :
- Les civilisations pré-colombiennes l’Europe,
l’Asie occidentale
l’Afrique du Nord.
A - La Mésopotamie : Sumer - vers – 3 500 ans
Dans cette région historique du Moyen-Orient, située entre le Tigre et l'Euphrate, la
musique constitue un domaine d’exploration vertigineux portant sur trois ou quatre
millénaires.
Carte © Lugdivine
une découverte exceptionnelle
En 1920, des archéologues britanniques ont mis au jour, dans les tombes royales de la
ville d’Ur (Mésopotamie, actuellement Irak), une série de harpes et de lyres dans un
état de conservation étonnant. Ces instruments étaient encore entre les mains de
musiciens et de musiciennes qui accompagnaient le (la) dignitaire défunt (e) dans son trépas.
1 - LeS COrdOpHOneS
a - La lyre de “L’étendard d'ur” (≈ 2600 avant J.-C.)
La frise supérieure de ce vestige représente des dignitaires assistant à
un banquet. Un musicien debout, porteur d’une lyre à tête de taureau
tenue par une sangle et un chanteur animent le banquet. à la fin du IIe
millénaire, les formes des lyres ont considérablement évolué,
témoignage des influences et des échanges entre diverses cultures.
Ces grandes lyres (environ 1 mètre de hauteur) possédaient de 8 à 11
cordes tendues à l’aide de petits bâtonnets disposés sur le joug reliant
les deux montants verticaux.
Les trois lyres les mieux préservées découvertes à Ur comportaient une
caisse de résonance parallélépipédique ornée d’une tête de taureau en
métal (or, argent ou bronze). British Museum
b - La harpe
Le musicien ici représenté joue d’une harpe angulaire (avec caisse de
résonance en forme de barque) qui repose sur ses genoux. L’instrument
est appuyé sur la poitrine du harpiste tout en étant maintenu à l’aide du
bras gauche. Dans sa main droite, l’instrumentiste tient un plectre et sa
main gauche libre lui permet d’étouffer les sons des cordes qui ne doivent
pas vibrer (à moins qu’il ne s’en serve pour égrener des notes).
Sur les plaquettes en terre cuite datant du IIe millénaire, on note la
présence de plusieurs formes de harpes qui témoignent d’une grande
créativité en matière de facture instrumentale.
Début du IIe millénaire av J-C - Eshnunna (Mésopotamie) Argile estampée et
cuite H. : 8,4 cm. ; L. : 8,9 cm. Musée du Louvre - Paris (France)
Photo © Lugdivine
c - Les luths
L’existence de luths est attestée par leur présence sur des objets
datés du troisième millénaire avant J.-C. D’autre part, des
instruments à longs manches avec une caisse de résonance ronde
ou ovale figurent sur de nombreux moulages en terre cuite datant
de la première moitié du IIe millénaire. L’instrument s’utilise
probablement pour accompagner les divertissements de la cour
(banquets…) ou les cérémonies cultuelles.
Figurine fragmentaire représentant un luthiste
Instrument à caisse de résonance parallélépipédique -
Musée du Louvre - Paris (France) - Photo © Lugdivine
2 - LeS AérOpHOneS
Toujours dans les tombes du cimetière royal d’Ur (-2600), ont été mis au jour des fragments de
doubles flûtes en argent. L’iconographie mettant en situation de jeu des aérophones est rare.
Cependant, les présences de trompes, probablement en terre cuite ou en cornes animales, sont
attestées par l’iconographie.
3 - LeS perCuSSiOnS
a - idiophones1
Les claquoirs
Ces instruments constituent les idiophones
parmi les plus anciens. Abondamment
présents en égypte ancienne, on en trouve
trace également en Mésopotamie,
représentés sur des plaquettes d’argile,
comme ici dès le début du IIe millénaire.
Des cymbalettes ou des cymbales en deux joueurs de claquoirs face à face. Musée du Louvre.
cuivre sont fréquentes sur des sites de Photo © Lugdivine
l’époque du Bronze (2500/1600 . J.-C.).
Elles s’utilisaient fréquemment pour
accompagner des tambours géants.
b - Membranophones
Au troisième millénaire on trouve des représentations
de récipients en céramique tendus d’une peau. De
même, des scènes de culte démontrent la présence de
tambours gigantesques sur les stèles de rois
sumériens.
Joueur de cymbales. Ninive (-704/-689) Joueur de gros tambour. Extrait d’une scène de culte où l’on
Bas relief du Palais - Musée de Pergame (ou aperçoit un musicien frappant sur un énorme tambour cylindrique.
Pergamonmuseum) Berlin (Allemagne) Stèle du roi sumérien Urnammu - Royal Ontario Museum -
Photo © Lugdivine Toronto (Canada)
1 Instrument à percussion dont le son est produit par lui-même, lors d’un impact et qui ne dispose ni de
B - L’égypte - vers -3000
Pour aborder l’histoire égyptienne, on fait traditionnellement appel à un découpage
chronologique par périodes et/ou par dynasties. Même si ces références et parfois leurs
datations, sont régulièrement remises en question, une telle classification a l’avantage de
permettre un repérage chronologique rationnel car l’histoire de l’égypte s’avère complexe en raison
des multiples conflits (internes ou externes) et des nombreux mouvements de population qui ont
jalonné toute son Histoire…et bien évidemment, celle des arts qui s’y réfère.
un SurvOL deS grAndeS périOdeS
L’époque archaïque thinite (≈-3000 / ≈-2700) - ière et iie dynasties
Le roi Narmer crée la première dynastie de la période archaïque et confirme l’unité du pays.
Les réalisations de ces deux premières dynasties posent réellement les bases de tout l’art égyptien
à travers une architecture variée qui comprend, entre autres, les mastabas, constructions funéraires
rectangulaires qui servent de sépulture pour les pharaons et plus tard pour les nobles et les notables.
L’Ancien empire (≈ -2700 / ≈ -2200) - iiie à vie dynasties
C’est l’époque des premières pyramides ; d’abord celle à degrés de Saqqarah (IIIe dynastie), puis
celles du plateau de Gizeh : Khéops, Khéphren et Mykérinos (IVe dynastie).
Le nouvel empire ( ≈-1550 / ≈-1069) - Xviiie à XXe dynasties
Il s’agit probablement de la période la plus connue de toute l’histoire égyptienne avec une politique
de conquêtes en Nubie et en Syrie-Palestine. Ces cinq siècles glorieux sont autant marqués par la
prospérité économique, par le renouveau culturel et artistique que par les noms familiers des
pharaons (ou dynasties) qui les ont accompagnés : Amenhotep, thoutmôsis, Hatchepsout,
Akhénaton, toutânkhamon, ramsès… Des réalisations exceptionnelles sont attachées à cette
période (Temple d’Amon de Karnak…).
La Basse époque ( ≈ -664/ ≈ -30) - XXvie à XXXie dynasties
L’égypte devient successivement province de l’Empire perse puis du royaume de Macédoine
(Alexandre le Grand, en - 332) avant que ptolémée (général macédonien d'Alexandre le Grand) ne
fonde la dynastie lagide (- 305, jusqu’à Ptolémée XV, Césarion, † -30, fils de César et de Cléopâtre).
En -30, après la défaite de Marc Antoine et de Cléopâtre, vaincus par Octave (le futur empereur
Auguste) à la bataille d’Actium, l’égypte devient une province romaine. Plus tard, l’égypte romaine
sera relayée, en +395, par l’égypte byzantine jusqu’en +640 (conquête arabe).
LeS grAndS nOMS du nOuveL eMpire
Akhénaton touthankhamon ramsès ii
1 - La musique et les instruments dans l’égypte pharaonique
La musique et la danse occupent une place prépondérante dans toute la culture de
l’égypte pharaonique. Si l’on se réfère aux témoignages iconographiques de cette
époque, les pratiques vocales semblent omniprésentes dans les cérémonies et
processions sacrées. Ainsi, dans les temples, des prêtres assistés de chantres et de chanteuses
glorifient leurs divinités par des hymnes. à partir de l’Ancien Empire (IIIe millénaire avant notre ère),
les représentations et les vestiges d’instruments retrouvés dans les tombes des pharaons ou des
dignitaires égyptiens attestent l‘omniprésence de la musique dans cette culture. Tous les groupes
instrumentaux (cordophones, aérophones, percussions) sont rassemblés et beaucoup de ces
instruments se déclinent sous différentes tailles et formes.
a - Le sistre :
instrument emblématique de l’égypte pharaonique.
Doté d’un manche assez court, il possède un cadre
ovale traversé par des tiges en métal sur lesquelles
coulissent des anneaux. On l’utilise en le frappant avec
la main libre ou en le secouant.
Objet rituel, il est souvent représenté entre les mains
de femmes.
Sistre en bronze avec la tête d’Hathor
Musée du Louvre
Photo © Lugdivine
Lamentations de pleureuses au
passage d’un convoi funèbre.
(IIe millénaire avant notre ère).
Cette forme de chant, consistant à
pousser des cris en scandant des
versets, est indissociable des
cérémonies de funérailles.
Musée du Louvre
Photo © Lugdivine
de gauche à droite : flûte, luth et harpe.
Chacun de ces instruments se retrouve avec des
dimensions et des formes différentes, ce qui
prouve la richesse du parc instrumental de
l’époque pharaonique.
Musiciennes - Tombe de Nakht à Thèbes (égypte, 1422 -
1411) - Nouvel Empire
Photo © Yorck Project
C - Les Hébreux1 - vers -1 750 ans
L’histoire des Hébreux puise ses sources dans la Bible, et en particulier dans la Torah
de Moïse qui fonde les bases du judaïsme. La destinée errante de ces Sémites nomades
ne peut guère se dissocier de celles de l’égypte antique, de l’Assyrie, de Babylone, de la Perse
mais aussi de la Grèce hellénistique et de Rome.
Tout commence avec l’épisode de l’Arche de Noé (IIIe millénaire avant J.-C. ?). Quelques
générations après, vers 1750 avant notre ère, une partie d’un ancien peuple sémitique nomade
originaire de Mésopotamie, les Hébreux (littéralement, les errants ou “ceux qui passent”), décide,
sous la conduite du patriarche Abraham (descendant de Sem), de gagner le pays de Canaan2 (du
nom du fils de Cham). Ce territoire est alors occupé par les Cananéens probablement depuis le
milieu du IIIe millénaire.
une petite CHrOnOLOgie
Le déLuge
Noé et ses 3 fils (Sem, Cham et Japhet) construisent l’arche
pAtriArCHeS
Abraham, Isaac, Jacob, Joseph
LeS dOuZe triBuS d’iSrAËL
Division de la terre d’Israël en douze tribus issues des
douze fils de Jacob.
LeS rOiS HéBreuX
(royaume unifié)
Saül (-1030/-1010)
David (-1010/-970)
Salomon (-970/-931)
périOde deS deuX rOyAuMeS
royaume d’israël (-931 à -721) Les deux royaumes
Il sera détruit par l’empereur assyrien Salmanasar V. © Lugdivine
royaume de Juda (-931 à -587)
Détruit en -587 par Nabuchodonosor II qui rase Jérusalem et
déporte ses habitants à Babylone.
Moïse
Souvent maltraités, opprimés et réduits à la condition d’esclaves en égypte sous le pharaon Ramsès
II, les Hébreux finissent par se révolter. C’est ainsi qu’aux environs de 1250 avant J.-C., sous la
conduite de Moïse, ils parviennent à quitter le pays. Cette gigantesque migration s’accompagne
des fameux épisodes bibliques : les “dix plaies”, la traversée de la Mer Rouge, l’éxode, la remise
des Tables de la Loi sur le Mont Sinaï…
1 également appelés Israélites, Juifs ou Judéens.
2 Correspond actuellement aux territoires d'Israël, de Palestine, de l'ouest de la Jordanie, du Liban et de l'ouest de la Syrie.
La musique hébraïque*
incontestablement, les Hébreux sont repartis en palestine avec un bagage
culturel et artistique musical emprunté aux égyptiens : la lyre, la cithare, la harpe,
la flûte, la trompette (shofar ou sofar) et les percussions (sistre, tambour et
tambourin).
De nombreux témoignages bibliques nous montrent l’importance de la musique, des
chants et des instruments dans la vie religieuse des Hébreux :
La trompette ou le sofar pendant la prise de Jéricho : “.…Devant l’arche, sept
prêtres porteront sept trompes en corne de bélier. Le septième jour, vous ferez sept
fois le tour de la ville, et les prêtres sonneront du cor. Quand retentira la corne de
bélier – quand vous entendrez le son du cor –, tout le peuple poussera une grande
clameur ; alors, le rempart de la ville s’effondrera sur place et le peuple montera à
l’assaut, chacun droit devant soi.…» Livre de Josué, chapitre 6.
La harpe : “.…Un seul mot de notre maître, et les serviteurs qui sont devant toi
chercheront un bon joueur de harpe ; ainsi, quand un mauvais esprit de Dieu viendra
sur toi, cet homme jouera de son instrument, et cela te fera du bien… , David prenait
la harpe et en jouait. Alors Saül se calmait et se trouvait bien : l’esprit mauvais
s’écartait de lui…”
Les percussions : “.…La prophétesse Myriam, sœur d’Aaron, saisit un tambourin,
et toutes les femmes la suivirent, dansant et jouant du tambourin…” Livre de l’éxode,
chapitre 5.
Les chants : Alors Moïse et les fils d’Israël
chantèrent ce cantique au Seigneur : « Je
chanterai pour le Seigneur ! Éclatante est sa
gloire : il a jeté dans la mer cheval et cavalier !
Les différents instruments : la deuxième
strophe du Psaume n° 50 de David nous donne
un «catalogue» des différents instruments de
musique :
… Louez-le par l'éclat du cor,
louez-le par la harpe et la cithare,
louez-le par la danse et le tambour,
louez-le par les cordes et les flûtes,
louez-le par les cymbales sonores,
louez-le par les cymbales triomphantes !…
Sofar (chofar, shofar) : instrument de musique à vent en usage
dans le rituel israélite depuis l'Antiquité. Il est taillé dans une corne
de bélier.
© Photo Library of Congress
* On n'a que très peu d'informations, parfois douteuses (particulièrement concernant les traductions successives), sur les pratiques
musicales hébraïques. Il existe principalement trois types de sources : la Bible, la tradition rabbinique et quelques témoignages
archéologiques, essentiellement iconographiques postérieurs à la période étudiée.
d - La civilisation grecque
à partir du IVe millénaire, des populations d’origine indo-européenne, venues
d’Anatolie (Turquie actuelle), s’installent en Béotie, dans les Cyclades et à Chypre. Entre les
IIIe et IIe millénaires, se développe la civilisation minoenne (de Crète) qui rivalise avec Athènes.
Puis entre 1900 et 1600, d’autres peuples parviennent sur le continent (des Ioniens). à partir du
milieu du IIe millénaire s’épanouit, dans le Péloponnèse, la civilisation mycénienne (Agamemnon)
Celle-ci maîtrise la production du bronze et utilise une écriture syllabique, nommée le linéaire B,
base de la langue grecque. De 1200 à 800, se manifestent “les siècles obscurs” caractérisés par la
domination des Doriens, le déclin de la civilisation mycénienne et l’innovation apportée par la
métallurgie du fer.
Tous ces brassages ethniques ont contribué à établir les fondements de la civilisation grecque.
LeS grAndeS périOdeS
• La grèce mycénienne (-1 400 / -1050) -
époque d’Agamemnon, le “roi des rois” à la tête des Achéens lors de la guerre de Troie.
• La grèce archaïque (-1050 / - 500)
Les Doriens s’imposent en maîtres, détruisant les cités mycéniennes. Ils fondent Sparte et Athènes.
• La grèce classique (- 500/-338)
Domination et prospérité d’Athènes (le siècle de Périclès ou siècle d’or) - Rivalité entre Sparte et
Athènes - Soumission des cités grecques à la Macédoine.
• La grèce hellénistique (à partir de -338)
Règne d'Alexandre le Grand (-336 -323) - Intervention romaine et disparition politique du monde
hellénistique.
La musique et les instruments dans la civilisation grecque
Les innombrables représentations de musiciens présents à travers les sculptures ou les
peintures sur poteries, témoignent de l’importance de la musique dans l’éducation des
jeunes citoyens et plus généralement dans les actes du quotidien dans la Grèce antique.
De même, les sources littéraires portant sur les périodes archaïque et classique font état de
l’association de la poésie, du chant, des instruments et de la danse (ce qu’on appelle le lyrisme
choral) pour accompagner les événements de la vie de la cité. Beaucoup de textes mentionnent
l’existence de chœurs affiliés aux manifestations festives (mariages, célébrations de victoires,
banquets, débuts et fins de travaux des champs…) ou aux cérémonies plus recueillies (fêtes
religieuses, funérailles…). Par ailleurs, Athènes organise des épreuves de chœurs
dithyrambiques (le dithyrambe est un chant sacré et dansé en l’honneur de Dionysos) au
cours desquelles on pratique un sacrifice animal. Les cérémonies
s’accompagnent de libations qui mettent les participants dans un état proche
Statuettes de marbre issu de l’île de Kélos. Elles figurent un flûtiste (ou
un joueur d’aulos double) et un harpiste - Civilisation cycladique (entre les
IIIe et IIe millénaires avant notre ère). Ces objets, de petite taille en général,
revêtaient probablement un caractère rituel lors de cérémonies funéraires.
Musée d’Athènes (Grèce). Photos© Lugdivine
Les instruments de musique utilisés en Grèce sont, à peu de chose près, ceux qui existaient déjà
dans les civilisations précédentes, à savoir : la lyre, la cithare, la harpe, les luths, l’aulos, la
flûte de pan, les tambours, les sistres, les crotales, les cymbales et… l’orgue !
1 - LeS COrdOpHOneS
a - La lyre
Parmi les instruments les plus emblématiques de la Grèce antique, la lyre occupe une place
privilégiée. Dans la mythologie, on prête à Hermès l’invention de cet instrument à partir d’une
carapace de tortue sur laquelle sont fixés deux montants (bras) rigidifiés par une traverse.
L’instrument est doté de cordes en boyau (traditionnellement sept) pincées avec les doigts ou à
l’aide d’un plectre en os ou en métal.
C’est l’instrument à cordes le plus utilisé pour l’initiation des élèves ou la pratique des amateurs.
b - La kithara se distingue de la lyre par la présence d’une caisse en bois de dimensions beaucoup
plus conséquentes et surtout par le fait qu’elle est l’apanage des professionnels. Le terme citharède
désigne celui qui joue de la kithara.
Joueur de khitara. Vase à figures noires Ve/IVe
siècles. Musée Archéologique national de Paestum
(Italie)
enfant à la lyre avec son maître.
Peintre d’Euaion (460/450 avant J.-C.).
Musée archéologique de Florence (Italie)
Mosaïque d'Orphée - Orphée et sa lyre
Milet - Turquie - IIe siècle après J.-C.
Pergamonmuseum - Berlin (Allemagne)
Photos© Lugdivine
2 - LeS AérOpHOneS Joueur d’aulos (aulète). L’instrumentiste porte une
a - L’aulos (instrument à anche double) phorbeïa, masque de cuir attaché derrière la tête pour
Avec la lyre, l’aulos constitue l’autre instrument empêcher ses joues de se gonfler. Un des critères
emblématique fréquemment rencontré dans toute qualitatifs essentiels avait trait à la puissance de
l’iconographie grecque (vases en particulier), surtout l’émission sonore, parfois au détriment de la
à partir du Ve siècle avant notre ère. performance artistique… Ve siècle avant J.-C.
Souvent improprement appelé “flûte”, l’aulos se Musée archéologique de Paestum (Italie)
compose habituellement de deux tuyaux à perce
cylindrique (en roseau, en os, en ivoire, en bronze ou
même en argent), dotés d’un nombre variable de
trous (en général de 3 à 6). Chaque tuyau est
pourvu d’une anche double (comme les
instruments de la famille du hautbois).
b - L'orgue à eau ou hydraulis
Créé par le célèbre mécanicien Ctésibios
d'Alexandrie (IIIe siècle avant J.-C.), cet
instrument était admis aux concours
musicaux de Delphes et retentissait, à
l'époque romaine impériale, lors des
combats de gladiateurs.
Cours de danse accompagné à l’aulos
Ve siècle avant J.-C.
Pergamonmuseum - Berlin (Allemagne).
c - La syrinx Musiciens jouant de l'orgue et de la salpinx (la
Parmi les autres instruments à vent il faut, bien salpinx est constituée d'un tuyau en bronze long et
évidemment, faire mention de la syrinx (flûte de pan) mince à perce cylindrique, aboutissant à un pavillon
qui trouve sa légitimité dans la mythologie où la - Ier siècle avant J.-C. Musée du Louvre.
nymphe Syrinx se transforme en roseau pour fuir les Photos© Lugdivine
avances de Pan. Pour se consoler, ce dernier fabrique
une flûte avec des tubes de roseaux.
Sculpture du dieu pan (jardin de Wisley - Angleterre)
pythagore (≈ VIe s. avt J.-C.), théoricien du rapport entre musique et fractions
Pythagore découvre que les principales consonances, octaves, quartes et quintes
correspondent aux divisions exactes de la corde tendue d'un arc. La vibration est
mathématiquement reliée à la hauteur du son par des valeurs numériques.
Communément attribuée à Pythagore (mais elle existait certainement déjà du temps
des égyptiens), la relation numérique entre la longueur d’une corde vibrante et les
hauteurs musicales renvoie aux conceptions mystiques que les Grecs se faisaient de
la puissance des nombres.
Les grecs écrivaient la musique
La plus ancienne notation musicale connue date de la Grèce du IIIe siècle av. J.-C. Elle
consiste à indiquer les hauteurs des sons à jouer ou à chanter par des lettres de
l’alphabet grec placées au-dessus des paroles du chant. Des signes indiquaient
également “la durée” de chaque son.
Les modes
S’il est une notion récurrente dans les textes antiques, elle concerne les effets produits
par la musique. Effectivement, les Grecs anciens attribuent aux modes le pouvoir
d’exprimer et de faire ressentir à l’auditoire des états de l’âme. Il s’agit de l’ethos qui
confère à chacun d’eux un caractère particulier et une puissance morale.
en fonction de la position des tons et demi-tons, les compositeurs grecs ont défini
7 modes qui portent chacun le nom d’une province de la Grèce :
-/ Mode de do : ionien (mode majeur) = enthousiasme et brillance
-/ Mode de ré : dorien (mode mineur) = force et courage
-/ Mode de mi : phrygien (mode mineur) = passion, échauffement des esprits
-/ Mode de fa : lydien (mode majeur) = mystère, profondeur
-/ Mode de sol : mixolydien (mode majeur) = pathétique, suave, plainte
-/ Mode de la : éolien (mode mineur) = mélancolie
-/ Mode de si : locrien (mode majeur) = caractère et passion
vOCABuLAire
Aède : artiste chanteur itinérant qui interprétait
ses propres œuvres épiques en
s’accompagnant à la lyre (phorminx).
dithyrambe : hymne religieuse en l’honneur
du dieu Dionysos, chantée par un chœur
d’hommes accompagnés à l’aulos.
grammatiste : celui qui enseignait aux
enfants la lecture, l’écriture et le calcul.
pédotribe : professeur de gymnastique.
rhapsode : chanteur ambulant qui déclamait
des poèmes épiques comme l’Iliade et
l’Odyssée.
e - La civilisation romaine
Les étrusques
Parallèlement à la période de la Grèce archaïque, s’établit, au VIIIe siècle en Italie centrale, un
puissant empire qui se pérennise pendant près de cinq siècles jusqu’à l’affirmation de la suprématie
romaine : l’Empire étrusque :
LeS tArquinS, premiers rois de rome
tarquin l'Ancien, roi de Rome de -616 à -575
tarquin le Superbe, roi de Rome de -535 à -509
Sextus tarquin, fils de Tarquin le Superbe
Lucius tarquinius Collatinus, époux de Lucrèce
Progressivement, les Tarquins se fondent avec les populations indigènes (Latins, Sabins) et
entreprennent de nombreux travaux (constructions de temples, de remparts, assèchement de
nombreux marécages…).
petite CHrOnOLOgie
• Les étrusques (-753 / -509)
• La république : de 509 av. J.-C. (chute de la royauté étrusque) jusqu’à 27 av. J.-C.
Le mot “république” vient du latin res publica, ce qui signifie “la chose publique”. La devise de la
République est Senatus Populusque Romanus (SPQR), “le Sénat et le peuple romain”. Elle
symbolise l'union du Sénat romain où siègent à l'origine les familles patriciennes (de classe
supérieure, par opposition aux plébéiens) et l'ensemble des citoyens romains.
• Le Haut empire (1er, iie et iiie s.)
L’Empereur détient tous les pouvoirs. Conquête de l’empire territorial. Le christianisme apparait et
se développe.
• Le Bas empire (395 - 476)
Crises économiques et militaires se succèdent. Assauts des Barbares. Partage en deux parties de
l’Empire (395). En 410, suite à de nouvelles invasions barbares, Rome est prise par les Wisigoths
d’Alaric. Puis de nouvelles vagues d’envahisseurs se succèdent tout au long du Ve siècle (Attila, en
452, puis les Vandales, en 476) qui mettront définitivement fin au règne de Romulus Augustus
considéré comme le dernier Empereur romain d’Occident. Seul subsiste l'Empire romain d'Orient
(capitale Byzance).
La Louve du Capitole - Bronze étrusque, vers 500 avant J.-C. Jules César - Musée archéologique
d’Arles
Photos© Lugdivine
La musique romaine
Les sculptures, mosaïques ou fresques témoignent des occasions et des situations
dans lesquelles la musique est pratiquée à Rome. On peut ainsi dresser un inventaire
précis du parc instrumental disponible en complément des vestiges archéologiques effectivement
mis au jour. La plupart des instruments romains sont directement issus de la culture grecque et,
comme à Athènes, les musiciens se trouvent associés aux fêtes religieuses de la cité. La tibia,
instrument omniprésent dans ces cérémonies, est l’héritière directe de l’aulos grec. Pour les offices
quotidiens, le prêtre est pratiquement toujours accompagné par un tibicien (joueur de tibia) auquel
s’ajoute parfois un joueur de lyre.
Scène de sacrifice à rome.
On apporte au prêtre l’animal qui va être sacrifié sur l’autel.
Un joueur de tibia accompagne cette cérémonie.
gros plan sur le tibicien (joueur de tibia, instrument à
anche fait de 1 ou 2 tuyaux. Apparenté à l’aulos).
Noter que son pied gauche actionne simultanément une
sorte de claquoir appelé scabellum.
Villa de Pompéi, Ier siècle après. J.-C. Musée archéologique
de Naples.
Joueur de lyre
fresque de Pompéi, 45-79 avant J.-C.
Photos © Lugdivine.
Par ailleurs, les musiciens participent aux cortèges funéraires à l’occasion d’enterrements de
combattants ou de riches civils. Les cuivres, habituels serviteurs de la musique militaire,
apparaissent dans ces cérémonies : “Il y a tant de cornus, de tibiae et d'instruments à vent que le
malheureux empereur manque d'être réveillé” s'exclame Sénèque (philosophe, dramaturge et
homme d'état romain du Iᵉʳ siècle) à l'occasion de l'enterrement parodique de Claude.
a - La musique militaire
La musique est pratiquée dans l’armée à des fins morale et artistique. Elle galvanise les soldats,
aide à marcher et intervient même dans la stratégie. Ainsi, César n’hésite pas à faire sonner les
tubae dans un camp déjà évacué pour tromper les Gaulois sur la position de ses troupes. De son
côté, Ovide prétend que la tuba donne du courage aux jeunes recrues et précise qu’elle constitue
la première arme avec laquelle ils font connaissance.
Les musiciens sont de nationalité romaine et possèdent, au moins, le grade de sous-officier. Même
si César puis Auguste augmentent généreusement leurs émoluments, leur situation matérielle n’est
pas forcément enviable car l’achat de l’uniforme, des armes mais aussi des instruments, reste à
leur charge. Cependant, la musique demeure un moyen d’améliorer l’ordinaire puisque les
professionnels militaires offrent volontiers leurs services aux organisateurs de manifestations
ludiques.
2
3
Les principaux instruments de la catégorie des “cuivres”
1/ La buccina (buccin), trompette recourbée à la sonorité proche du cor de chasse
actuel. Elle présente d’étroites ressemblances avec la cornu.
1
3
2/ La tuba, trompe métallique (de 1m à 1,30 m), dotée d’une perce cylindrique jusqu’au
pavillon, apparaît comme symbole de l’armée. Les tubicines (joueurs de tubæ)
interviennent dans de nombreuses circonstances : assemblées (comices centuriates),
parades, défilés, sacrifices, exécutions capitales…
3/ La cornu, tès proche de notre cor de chasse, composte une hampe diamétrale qui
facilité sa manipulatiuon.
b - La musique de divertissement
• Les jeux du cirque
La musique romaine s’associe de façon inextricable aux jeux du cirque. Ainsi, les sonneries des
trompes font toujours partie des annonces des différentes phases des combats et des courses.
C’est également la tuba, parfois la buccina (la cornu), qui fait taire le public au moment de
proclamer le nom du vainqueur. Au cours de ces spectacles, la musique de fond revient à l’orgue
hydraulique, actionné par un ou deux assistants. Le clavier est parfois tenu par une femme.
Cet instrument est aussi utilisé chez les particuliers, au théâtre, dans la maison impériale à titre
privé et dans les grandes fêtes solennelles.
plan large de la mosaïque de Zliten (Libye) représentant un groupe de musiciens et une scène de
combat de gladiateurs. On peut noter, que l‘orgue est joué par une femme. On y voit encore un joueur de
tuba et deux cornus. Derrière l’organiste est disposée une litière pour recevoir les morts au combat.
Photo©Tarek
• La musique de la rue
à Rome, la musique et le
théâtre ne sont pas le fait
unique des musiciens
professionnels. Amuseurs
publics, baladins et
charlatans qui ne trouvent
pas d’emploi auprès d’une
institution se retrouvent
constamment présents
dans le décor urbain.
On les appelle circulatores
du fait du cercle qui se
formait autour d’eux lors de
leurs prestations.
Les saltimbanques formaient de véritables orchestres ambulants. L’artiste hellénistique Dioscouridès de Samos a fixé
l’image de quelques musiciens de rue. Cette mosaïque de la villa de Cicéron a saisi, en pleine action une formation com-
prenant :
- à gauche, une femme joue de la tibia et un enfant tient un cor dont on distingue l’embouchure.
- au centre et à droite, des joueurs de kympala (petites cymbales ou crotales) et de tympanum esquissent un pas de
danse.
On remarquera que les quatre personnages sont masqués.
Musée archéologique de Naples - Villa del Cicerone à Pompéi. Photo©Lugdivine
à retenir On fait traditionnellement de la Mésopotamie (étymologiquement en grec “entre les fleuves”,
c’est-à-dire le Tigre et l’Euphrate) le berceau de plusieurs civilisations qui marquent le début
de l'Histoire : les Sumériens, les égyptiens, les Hébreux. La musique de ces diverses
populations présente des similitudes dans son usage et dans sa facture instrumentale.
Religieuse et incantatoire, elle permet de tisser un lien sacré avec les dieux (ou le Dieu unique).
Les grecs attribuent également un pouvoir magique à la musique et certains personnages
mythologiques sont dotés d’instruments déterminés (Orphée la lyre, Pan la flûte…).
La musique tient également une place essentielle dans la vie sociale, politique ainsi que dans
l'éducation des enfants et des jeunes gens. Philosophes, mathématiciens, citharèdes, professeurs…
tous la considèrent comme indispensable pour former le caractère.
Les romains qui se sont installés en vainqueur sur les territoires grecs, ont absorbé dans leur culture
instruments et musique sans toutefois y apporter de grandes innovations (ils n’ont laissé aucune
partitions et les instruments retrouvés sont en piteux états !). Les musiciens sont associés aux fêtes
religieuses de la cité, aux jeux du cirque, au théâtre, à l’armée et aux divertissements
populaires.
exercices
exercice 1 exercice 6
Donner les dates approximatives de la période Attribuer à chaque instrument de musique le
appelée Antiquité. groupe dont il fait partie. Au choix : Cordophones
(C), Aérophones (A), Percussions (P) :
exercice 2 harpe - sistre - flûte de Pan - aulos - crotales - lyre
Deux inventions marquent le début de l’Antiquité. - cornu - cithare - tuba -
Quelles sont-elles ?
exercice 7
exercice 3 à quelle famille instrumentale l’aulos grec
Citer les 5 civilisations méditerranéennes de appartient-il ?
l’Antiquité. (au choix : flûte, clarinette, hautbois)
exercice 4 exercice 8
Quel instrument de musique exceptionnel a été Donner les noms des instruments de musique
découvert à Ur ? romains utilisés pendant une bataille ?
exercice 5
Quel est l’instrument favori d’Orphée ?
exercice 9
Nommer les instruments de musique représentés ci-dessous.
a b cd e f
pour aller plus loin
illustrations sonores ou visuelles ethnographiques
Suggestion : travail de recherche et de documentation sur les sujets suivants :
A/ Les lyres, luths et harpes… instruments traditionnels du monde
• La lyre bagana, une lyre éthiopienne à 10 cordes
• La harpe-luth kora ou la n’goni africaines
• Le saz ou le tar, luths turc et iranien
• Le oud, instrument roi de la musique arabe
• Les luths tampura et le sitâr
• La harpe birmane
• La harpe celtique
B/ Les flûtes et hautbois… instruments traditionnels du monde
• Les flûtes obliques du monde arabo-musulman : le nay arabe, le ney turc, le kaval turc…
• La flûte des Peuls en Guinée
• La flûte native amérindienne
• Les flûtes de Pan : la quena des Andes, le nai roumain
• La ghaïta, la zurna, hautbois des arabo-musulmans
C/ Les musiques reconstituées
a • Musique grecque antique : Annie Bélis archéologue, philologue, papyrologue et musicienne
française, directrice de recherches au CNRS, spécialiste de la musique de l' Antiquité.
Son disque : Ensemble Kérylos : Musiques de l’Antiquité Grecque
b • Musique romaine :
-/ Legion VIII Augusta : Histoire vivante et reconstitution historique du Ier siècle après J.C.
-/ Synaulia : Musique de la Rome antique, Vol. I (les Vents) - Musique de la Rome antique, Vol.
II (les Cordes)
Photos Illustrations & Pixabay
L’Histoire de l’Antiquité “vue” par les compositeurs
Suggestion : écoute des œuvres ci-dessous :
Mésopotamie Le Faravahar, un des symboles du zoroastrisme
• G. Verdi : Nabucco - le chœur des esclaves
• R. Strauss : Ainsi parlait Zarathoustra - Prélude
• G. Rossini : Cyrus à Babylone
• Negro spiritual : Joshua fit the battle of Jericho
• Boney M : Rivers of Babylon
• Tryo : Babylon
Égypte
• G. Verdi : Aïda - la marche triomphale
• W. A. Mozart : La Flûte enchantée - Ô Isis et Osiris
• Negro spiritual : Go down Moses
Le monde grec
• C. Monteverdi : Orfeo - annonce de la mort d’Eurydice
• J.P. Rameau : Castor et Pollux - Rassemblez-vous peuples - Brisons nos fers !
• J. Offenbach : La Belle Hélène - Le couplet des Rois
• M. Ravel : Daphnis et Chloé
• Debussy : L’après midi d’un faune
• Xenakis :Oresteia
Le monde romain
• Purcell : Didon et Énée - Chœur en écho (Acte II, scène 1)
• W. A. Mozart : Ascanio in Alba - Terzetto - Chœur des génies, des Grâces, des Bergers et des
Nymphes.
décor de La Flûte Enchantée - Act I - Karl Friedrich Schinkel (1781/1841) D’après iconographie Théâtre de Vienne
- graveur Carl Friedrich Thiele (1780/1836) - Berlin, Hochschule der Künste, ©Lugdivine
Bibliothek ©Yorck Project
3 - le Moyen âge
vers l’an 500 Un bref survol historique de la France au Moyen âge
La période du Moyen Âge s’étend sur un millénaire (en gros, de 500 à 1500
de notre ère) et constitue une sorte de long trait d’union entre le Vieil Âge (l’Antiquité)
et le Nouvel Âge (les Temps modernes).
• à la fin du Ve siècle, le roi de tous les Francs, Clovis1 gagne la confiance de la
société gallo-romaine et parvient à gouverner l’ensemble de la Gaule en instaurant une monarchie
de religion chrétienne. Petit-fils de Mérovée (412-457), il inaugure ainsi une dynastie de rois
catholiques (les Mérovingiens) qui règne jusqu’au milieu du VIIIe siècle.
• Pépin le bref fonde ensuite la lignée des Carolingiens en devenant roi des Francs (751) avant
son fils, Charlemagne (768). L’histoire de cette dynastie, qui dure jusqu’à la fin du Xe siècle, est
marquée, entre autres, par la lutte contre les invasions vikings.
• En 987, Hugues Capet met un terme à la lignée des Carolingiens et implante celle des Capétiens.
Leur règne est jalonné par les huit croisades (entre 1095 et 1270), par l’installation, à Avignon, du
siège de la papauté au détriment de Rome (1309/1378), par la courte période dite des “rois maudits”
et l’avènement des Valois (1328). Ces derniers seront confrontés à la fameuse guerre de Cent Ans
(1337/1453) qui englobe l’épopée conduite par Jeanne d’Arc.
vers l’an 1500
Histoire de LA MUsiqUe
Les trois ordres de la société médiévale
Les seigneurs Le clergé
L’organisation féodale du Moyen Âge est Au Moyen Âge, toute l’administration (l’état civil :
pyramidale avec, au sommet, le roi, au centre naissances, mariages, morts…) l’éducation et la
les seigneurs et le clergé et à la base, le médecine sont entre les mains du clergé séculier
monde paysan et artisanal. (= qui vivent “dans le siècle” : évêques, curés…).
Le château domine le paysage médiéval Très souvent propriétaire de grands domaines, ce
constitué de champs, de prairies, de bois et de clergé perçoit la dîme de la part des paysans.
bâtiments “techniques” (moulins à vent, L’expansion du christianisme génère la création de
pressoirs, fours…). nombreuses communautés religieuses vivant isolées
Le seigneur et ses vassaux doivent protection dans des monastères. Organisés selon des règles
aux paysans et au clergé. plus ou moins strictes, les moines forment le clergé
Leurs principales distractions se cristallisent régulier sous l’autorité d’un abbé et participent
essentiellement autour de la chasse et des activement au défrichement et à l’amélioration des
tournois. techniques de cultures agricoles
Le monde paysan
Les serfs sont héréditairement attachés à la terre d’un seigneur, d’un évêque ou d’un monastère.
Les vilains ou manants, paysans libres louent leurs parcelles au seigneur. Ils sont écrasés d’impôts,
de charges diverses (cens, champart, taille, banalités) et de services civils (corvées) ou militaires.
Toute cette population vit et cultive la terre pour nourrir et enrichir les deux premiers ordres. Par ail-
leurs, le petit peuple doit également payer la gabelle, impôt royal sur le sel.
Les croisades :un vecteur inter-culturel
« À la fin du XIe siècle, l’espace méditerranéen se partage entre le monde islamique, l’empire byzantin
et la chrétienté occidentale. L’Orient musulman et byzantin, gouverné par de véritables états, est le
siège d’une civilisation séculaire brillante, tandis que l’Occident chrétien sort à peine de la barbarie où
l’ont plongé les invasions et la régression économique. » (Georges Tate : L’Orient des Croisades).
à partir de 1095 et pour deux siècles, l’Occident lance contre les terres du Proche-Orient une série de
huit opérations militaires, connues sous le nom de Croisades, en vue de ”délivrer les Lieux Saints”.
De part et d’autre, on ne compte plus les combats, les massacres, les hauts-faits d’armes et les exploits
héroïques.
Cependant, grâce aux contacts, souvent douloureux,
occasionnés par les Croisades, l’influence du monde
islamique sur l’Europe s’exerce dans de nombreux
domaines : agricole, culinaire, industriel, architectural et
artisanal. Dans les domaines de l’astronomie, des
mathématiques, de la médecine et de la
philosophie, les apports du monde islamique ont
été considérables.
En ce qui concerne la musique, l’instrumentarium
médiéval européen témoigne nettement de ces
influences : le luth (de l’arabe al’ud), le rubebe (rebab), le
canon ou micanon (qanoun), les nacaires (naqqara)…
Joueurs de rebec et de luth ‘oud - Cantigas de
Santa Maria
Photo © patrimonio nacional Espagne.
1 N’oublions pas que Clovis est considéré, en Allemagne, comme un roi allemand !
Le développement des villes
L’essor urbain donne progressivement naissance à de nombreuses villes organisées autour
de l’église ou de la cathédrale, des halles et de l’hôpital. Les bourgeois (ceux qui résident dans
le bourg) habitent la grande rue, en général pavée. Les autres citadins vivent dans des ruelles
boueuses, étroites et démunies de trottoirs. Les épidémies sont fréquentes en raison du manque
d’hygiène.
L’artisanat s’exerce le long des voies de communication et constitue la principale activité économique
urbaine. Les artisans appartiennent à des corps de métiers qui ont leurs propres règles, leur saint
patron, leur sceau et leurs fêtes. Il s’agit de maîtrises, de jurandes ou de confréries (le terme
corporation ne sera en usage qu’au XVIIIe siècle).
reconstitution d’une scène de rue au Moyen âge
Dans les gros bourgs, autour des bâtiments de pierre que
sont les cathédrales, les églises ou les hôpitaux, se
dressent les maisons construites en bois et en torchis
(mélange de paille et de terre). Les façades sont “à
encorbellement” (avancée d’un mur tenue par des
corbeaux1). Le rez-de-chaussée est occupé par des
boutiques de commerçants ou d’artisans. Ces derniers se
regroupent souvent en fonction de leur activité. Ainsi
naissent la rue des orfèvres, la rue des bouchers…
1 élément saillant d’un mur (poutre)
Illustration François Crozat
Les Très Riches Heures du duc de Berry : une vision du monde médiéval dans les années 1440
Il s’agit d’un livre manuscrit commandé par le richissime duc Jean Ier de Berry (1340-1416). Paru bien après sa mort, il est
destiné à rassembler les prières pour toutes les heures de la journée (d'où son nom). De nombreuses enluminures
accompagnent le texte sacré en langue latine. Elles illustrent, sous forme de calendrier, les différentes activités (agricoles,
festives, populaires, royales…) des 12 mois de l’année à travers des scènes de vie plus ou moins idéalisées.
Mars est le mois propice aux labours ; on voit donc un paysan maniant une charrue tirée par deux bœufs tandis que d’autres
s’affairent à tailler les vignes où s’apprêtent à semer des graines.
Juin propose une scène dans laquelle trois hommes fauchent un champ avant que deux femmes ne collectent le futur
foin à l’aide d’un rateau et d’une fourche. Ce foin servira d’aliment pour les animaux l’hiver prochain. La scène se passe à
proximité de Paris puisqu’on distingue un imposant bâtiment fortifié (le Palais de la Cité) à proximité d’une chapelle (la
Sainte-Chapelle).
LA MUsiqUe
A - La musique religieuse
Sous des formes variées, différentes pratiques musicales existent depuis l’Antiquité et
voyagent dans toute l’Europe. L’avènement du christianisme et l’installation de nombreuses
communautés religieuses provoquent le besoin accru de glorifier dieu par le chant. Voilà pourquoi,
tout au long du Moyen Âge, le clergé a la main mise sur une pratique musicale essentiellement
chantée. Jusqu’en 750, on trouve divers répertoires sacrés régionaux (bénéventin, gallican, romain,
ambrosien…). Pépin le Bref et son fils Charlemagne décident d’unifier la liturgie1 selon le monde
romain. Pour imposer leur décision, les Carolingiens font alors référence au pape Grégoire-le-Grand
(590/604) d’où l’appellation de chant grégorien (ou plain-chant).
1 Ensemble des rites, cérémonies et prières dédiés au culte d'une ou de plusieurs divinités.
500
600
700
800
900
1000
1100
1200
1300
1400
1500
Clovis Charlemagne Hugues Capet st Louis Louis Xi
466/511 1214/1270 1423/1483
≈ 742/814 ≈939/996
Chants monodiques
chant grégorien Philippe Le Bel
1268/1314
écriture musicale Ars Antiqua troubadours Ars Nova
neumes école franco-flamande
école Notre-dame de Paris trouvères œuvres polyphoniques
organum - polyphonie
a - L’écriture musicale
Pour généraliser et diffuser ces chants grégoriens, il faut inventer la notation correspondante.
C’est ainsi qu’apparaissent les neumes dits in campo aperto (à champ ouvert), c’est-à-dire des
signes sans lignes de portée.
à la fin du iXe siècle, les moines fixent la hauteur des sons et utilisent la correspondance
alphabétique : la (A), si (B), ut* (C), ré (D), mi (E), fa (F), sol (G). Ce système est toujours en vigueur
dans les pays anglo-saxons.
Une autre manière consistait à utiliser des lignes destinées à préciser la hauteur des sons. Ainsi,
autour de l’an 1000, on généralise la portée de quatre lignes. Progressivement la portée
musicale et la notation carrée remplacent les anciennes figurations graphiques.
* Plus tard, Ut sera remplacé par Do.
neumes dits in campo aperto
Antiphonaire dit d'Hartker, Saint-Gall vers 990-1000
Gradual Aboense
L'Introit Gaudeamus omnes, écrit en notation carrée aux XIVe et XVe
siècles - Graduale Aboense, en hommage à Henry, saint patron de
la Finlande - Bibliothèque nationale d’Helsinki - Finlande
1 On prête au moine pédagogue Guido d’Arezzo
(992/1050) une hymne1 dédiée à Saint Jean-Baptiste qui
permettait de retenir le nom des note de la gamme :
Ut queant laxis, Resonare fibris, Mira gestorum, Famulari
tuorum, Solve polluti, Labii reatum, Sancte Joannes.
Traduction : Que tes serviteurs chantent d'une voix vibrante les merveilles de
tes actions, absous le péché des lèvres impures de ton serviteur, Ô Saint Jean.
1 mot féminin pour désigner un chant dans la liturgie chrétienne.
Guido de Arezzo écrivant, manuscrit originaire d'Augsburg, XIe siècle
ms. 334 Gud. Lat. 8°, Herzog-August-Bibliothek, Wolfenbüttel, fol. 4r.
2 La portée d’aujourd’hui
à ses début, l’écriture musicale se contente de signes placés plus haut ou plus bas les uns par
rapport aux autres ce qui permet au chanteur d’évaluer la hauteur des sons. Par la suite, la
portée faite de lignes parallèles (4 puis 5) indique précisément l’emplacement des notes.
Aujourd’hui, la portée comporte 5 lignes et 4 interlignes.
4e interligne
3e interligne
2e interligne
1er interligne
Les notes placées sur ces lignes et interlignes portent des noms (do, ré, mi, fa, sol, la, si,
do…) et leur emplacement indique si elles sont graves ou aiguës. Plus les notes sont graves,
plus elles sont placées vers le bas de la portée et plus elles sont aiguës, plus elles sont placées
vers le haut.
sol la si do ré mi fa sol la si
Pour les notes qui se positionnent en dehors de la portée, on les a dotées de portions de lignes
supplémentaires pour faciliter leur repérage
3 Le scriptorium
Il s’agit d’une salle particulière réservée aux moines copistes à
l’intérieur d’un monastère ou d’une abbaye.
Le matériel utilisé se composait des instruments nécessaires à l'écriture
comme des plumes, calames, encriers ou grattoirs, des feuilles de
parchemin ainsi que les pigments naturels pour réaliser l’encre (rouge ou
noire).
Certains moines décoraient les manuscrits avec des petits dessins qui
mettaient “en lumière” le texte, c'est de là que vient le mot enluminure.
Codex Amiatinus - Biblioteca Medicea-Laurenziana
b - Le chant grégorien (chant monodique a cappella)
Avant l’an mil, les chants monodiques (à une seule mélodie)
s’établissent dans la liturgie chrétienne. Ces plains-chants ou
chants grégoriens sont interprétés a capella (sans instruments).
Ils accompagnent les moines au cours des nombreux offices de la
journée. Il s’agit de la mise en musique des textes latins de la messe.
On qualifie de responsoriale la technique d’alternance du chant
entre le soliste et le chœur (le psaume est chanté par un soliste
suivi d’une réponse du chœur après chaque verset).
Cet échange parlé-chanté d’un ambitus restreint s’affranchit de la
contrainte rythmique et du respect de la mesure.
Moines chantant (chantres) -
manuscrit du XIIIe siècle
c - essor de la polyphonie (chant à plusieurs voix superposées)
Sur la base du chant grégorien, les compositeurs superposent, une, puis plusieurs voix
différentes et donnent ainsi naissance à la polyphonie (du grec poly = plusieurs et phonê = voix).
Période de l’Ars antiqua (1170 - 1310)
Dès le IXe siècle, la voix principale (teneur) s’assortit d’une voix parallèle. Le résultat est alors qualifié
d’organum. Au XIIe siècle, cet organum, dit “parallèle”, devient plus complexe du fait de l’ajout de
superpositions vocales et de la présence de nombreux mélismes (plusieurs syllabes portées par
une seule note).
Pérotin et Léonin deviennent les maîtres de cette musique à plusieurs voix au sein de l’école de
Notre-dame (1160 / 1250). Ils rassemblent autour d'eux, en les formant, des musiciens venus de
tout l'Occident chrétien. En plus du répertoire liturgique, ils ont écrit, suivant le même principe
polyphonique, des chants “moralisateurs” appelés conduits.
Ars Nova (XiVe siècle)
De nouveaux compositeurs (Jean de Murs, Philippe de Vitry et Jacques de Liège) insufflent un sang
nouveau en inventant un système de notation mélodico-rythmique qui ouvre sur des compositions
beaucoup plus complexes.
Le motet constitue l’une des manifestations les plus spectaculaires de cet Ars nova. Il s’agit d’une
composition de une à plusieurs voix, chantée a cappella ou accompagnée d’instruments, sur un texte
religieux et parfois profane.
Ce XIVe siècle, qui fut aussi celui de la peste noire (25 millions de victimes soit 1/3 de la population
européenne), nous livre des musiques pour messe, dont la Messe de Nostre Dame de Guillaume
de Machaut (1300/1377), entièrement dédiée à 4 voix chantées.
Guillaume Dufay L’école franco-flamande (XVe siècle)
La création musicale se concentre dans le sud des Pays-Bas
bourguignons. Le fort développement économique de cette région et
l’extraordinaire déploiement des cathédrales accompagnent
l’épanouissement de l’école franco-flamande.
Trois compositeurs régionaux produisent des œuvres polyphoniques
majeures : Guillaume dufay (1400/1474), Jean ockeghem
(1425/1497) et Josquin desprez (1450/1521).
L’écriture musicale évolue rapidement pour annoncer l’apogée
polyphonique de la Renaissance.
B - La musique profane
Parallèlement à la musique religieuse, le Moyen âge est marqué par
l’amplification d’une pratique profane qui allie instrument et chant.
Elle est dispensée par :
a - Les jongleurs
on désigne ainsi tous ceux qui font profession de divertir :
chanteurs, instrumentistes, jongleurs de balles, acrobates, diseurs
de fables… Certains d’entre eux, à la fin du XIIe siècle, sont qualifiés de
ministers ou ménestrels au service d’une cour, par exemple. Il s’agit
généralement d’interprètes plus que d’auteurs ou de compositeurs.
Jongleurs.
b - Les troubadours Abbaye de Conques.
Guillaume VII de Poitiers (1071/1127) invente une lyrique1 profane en langue d’oc2, le trobar (l’art
de trouver) et devient le premier trobador (troubadour). Il sera suivi par beaucoup d’autres poètes,
en général de haut rang. L’Amour courtois3 est le terrain d’expression sur lequel leur art se manifeste
prioritairement. Cependant, les thèmes politiques ou littéraires, les satires morales contre la
décadence des mœurs ou les discours contre un rival potentiel font partie de leur panoplie
thématique. Les femmes troubadours se manifestent dès la fin du XIIe siècle ; elles se
nomment trobairitz (troubadouresses).
c - Les trouvères
Un demi-siècle après les troubadours, apparaissent les trouvères qui utilisent une
poétique en langue d’oïl pratiquée dans le nord de la France.
Par ailleurs, se développe, dans les pays de langue germanique ce même style de
poésie lyrique en usage chez les minnesängers.
Près de 350 troubadours ont été recensés.
Parmi les plus célèbres, on peut citer :
Guillaume VII de Poitiers (1071/1127),
Eble II de Ventadour († vers 1147),
Albertet de Sisteron (1194/1221),
Cadenet (1160/1235),
Raimbaud de Vaqueiras (≈ 1180/1207),
Gui de Cavaillon (≈1175/1229)…
Parmi les trouvères, se sont illustrés :
Richard Cœur de Lion (1157/1199)
Adam de la Halle (1177/1236)
Thibaut IV de Champagne (1201/1253),
Colin Muset (≈ 1210),
Rutebeuf (1230/1285),
Charles d'Orléans (1394/1465) duc d'Orléans
et de Valois …
1 Expression poétique de sentiments personnels autour de divers thèmes (l'amour, la nature, la mort, le temps qui passe…)
2 Cette langue s’appuie sur divers parlers méridionaux qualifiés de romans (pratiqués dans l’ancienne “Provincia romana”)
par opposition au latin qui constituait la langue officielle de l’époque.
3 L’amour courtois suppose une attitude exemplaire de la part du poète envers sa Dame.
d - Les goliards
Entre 1225 et 1250, des moines défroqués ou des musiciens
itinérants s’emparent de chants profano-religieux en latin
médiéval, pour dénoncer la décadence du clergé en évoquant
crûment leurs coupables relations amoureuses mais aussi en
accordant une bonne place aux chansons à boire…
Ce répertoire, prioritairement destiné à amuser le “bas-peuple”
ou les clients des tavernes connaît un succès aussi franc que
clandestin, surtout vis-à-vis de l’église.
Les Carmina Burana
Le recueil des Carmina Burana est un manuscrit retrouvé en l'abbaye bénédictine de Beuren
(Bavière) et comprenant plus de 300 pièces, compilées au milieu du XIIIe siècle.
Le plus souvent, on retient l'idée de chants volontiers paillards, bachiques ou érotiques, véritable
répertoire de confréries d'étudiants turbulents et provocateurs, par ailleurs sans perspective d’emploi
au sein de l’église. Mais cet aspect est bien limitatif. L'étude du manuscrit révèle d'autres types de
textes : chansons religieuses, jeux religieux parodiques, chansons morales et satiriques... Ces
dernières expriment en particulier les craintes et les critiques d'intellectuels bien établis face aux
nouvelles réalités du Siècle et à certaines pratiques dégénérescentes de l'église. Plusieurs textes
des Carmina se retrouvent ainsi dans d'autres sources sous la signature de quelques-uns des plus
grands esprits des XIIe et XIIIe siècles comme Philippe le Chancelier (philosophe, poète et
compositeur français, 1165/1236) ou Pierre de Blois (diplomate et poète latin, ± 1135/1203).
Deux versions existent aujourd’hui. La première est celle de rené Clemencic (1928/) qui a utilisé
le principe de la contrefaçon (contrefactum), courant à l'époque médiévale qui consiste à prendre
la mélodie d'une autre pièce de métrique poétique similaire sur le texte initial.
La seconde est celle de Carl orff (1895/1982) qui a composé la cantate Carmina Burana, en 1937,
en s’appuyant sur l’assise des 24 poèmes issus de l’œuvre composée au Moyen Âge.
e - Le théâtre profane et religieux
Tout d’abord jouées dans la nef des églises puis en plein air, sur une petite
estrade montée sur le parvis, ces représentations théâtrales religieuses1
(miracles, mystères, drames liturgiques, drames semi-liturgiques) qui traitent
de façon familière les sujets sacrés, se sont souvent transformées en farces
(ex. La Farce de Maître Pierre Pathelin) où les chansons et les
divertissements instrumentaux tiennent une part de plus en plus active.
Le Jeu qualifiait un spectacle scénique religieux ou profane. Il s’agissait aussi Maître Pathelin au
d’une sorte de tournoi musical dans lequel deux interlocuteurs exposaient tribunal, gravure du
alternativement leurs arguments sur une même mélodie chantée (on disait Moyen Âge
alors “jeu parti”).
Exemple : Le Jeu de Robin et Marion, pièce de théâtre entrecoupée de chansons écrites par le
trouvère Adam de la Halle dans les années 1270/1280.
1 Ce sont des spectacles pouvant durer plusieurs jours. Ils mettent en scène l'Histoire Sainte afin d’évangéliser un public
très majoritairement ignorant. Ces représentations complétent ainsi l'enseignement délivré par les bas-reliefs, les fresques
et les vitraux des lieux saints.
C - La danse
Compte tenu de l’absence de traces écrites, les danses médiévales sont mal connues.
Cette situation est directement liée au fait que l’église condamnait ces pratiques immorales
et que les moines, très majoritairement auteurs des chroniques de l’époque, n’en faisaient
pas mention. On sait, en revanche, qu’au VIIIe siècle la papauté et la royauté tentent d’interdire ces
”manifestations impies”. à partir du XIe siècle, il semble exister une prédominance de danses, sous
forme de rondes ou de farandoles, communément appelées caroles. Ces pratiques occupent
probablement une grande place dans les loisirs populaires, bourgeois et, bien sûr, aristocratiques.
Constituée par un ensemble de femmes, ou de femmes et d’hommes en alternance, se tenant par la
main (le doigt ou le poignet), la carole s’organise, la plupart du temps, sous forme d’un cercle fermé.
Elle est accompagnée de chansons et parfois d’instruments.
Miniature du Codex Manesse - 1310/1340 - Bibliothèque de l'université de
Heidelberg (Allemagne)
Par ailleurs, se développent des danses Maître du Roman de la Rose de Vienne - (≈ 1430)
appelées branles1 qui se présentent La carole au dieu d’amour - Guillaume de Lorris -
probablement sous forme de chaînes ou de Österreichische Nationalbibliothek
rondes.
On connaît également l’existence de la
tresque, ronde animée de sauts et de larges
mouvements de bras, de l’estampie, danse
courtoise probablement accompagnée de
frappements de pieds ou de battements de
mains (en italien stampare = taper du pied),
de la ductia, danse instrumentale proche de
l’estampie ou encore de la saltarelle qui,
comme le laisse supposer son nom, se
caractérise par la présence de sauts.
Au XVe siècle, se développe la danse en
couple, ou suite de couples, à travers la
basse-danse, pratiquée à la cour. Elle est
constituée par un défilé de couples exécutant
une suite de mouvements de danses, distincts
les uns des autres, par le rythme et par le
tempo (révérence, branle, demi-tour,
saltarelle…).
1 terme signifiant “progresser en branlant (= se
balançant) d’un pied sur l’autre”.
Les danses macabres
L’apparition des ”danses macabres” sur les murs des églises, des cimetières ou des
couvents correspond à un message fort de la religion à destination des fidèles. Il s’agit
de montrer clairement que tous les hommes, puissants ou humbles, doivent mourir un
jour d’où la nécessité pour eux de s’engager spirituellement envers Dieu.
La plupart du temps, ces danses en ligne exécutées de façon très réaliste sous forme de
peinture ou de fresque, mettent en scène une succession de couples associant un vivant
et un mort (un squelette). L’organisation de ces farandoles obéit à un ordre hiérarchique
très codifié. Ainsi, de gauche à droite (sens de la lecture), on trouve d’abord les
personnages les plus importants de la société médiévale : le pape, l’empereur, le cardinal,
le roi… Ils sont suivis par le duc, l’évêque, le comte, l’abbé, le chevalier, le chanoine, le
médecin, le prêtre, le marchand… avec, à chaque fois entre chacun d’eux, la présence
d’un squelette. Il faut également noter la présence de femmes pour bien montrer que la
mort se moque aussi bien de la condition sociale que du genre et que personne ne lui
échappe. Il semble que ces danses aient réellement été accomplies par des vivants sur
la place publique ou mises en scène.
Sur la fresque de l’église Saint-Germain de La Ferté-Loupière défilent 42 couples “vivant-squelette” montrant du pape au
plus humble toute la diversité sociale du Moyen Âge. Des squelettes musiciens (cornemuse, orgue et harpe) accompagnent
la danse.
en 1874 le compositeur Camille saint-saëns (1835/1921) a illustré musicalement ce thème dans sa Danse macabre
d’après un poème de Jean Lahor (Henri Cazalis 1840/1909) : Égalité-Fraternité, tiré des Heures sombres.
d - Les instruments de musique
Cette longue période de mille années a connu l’éclosion d’un instrumentarium
d’une très grande richesse qui a bénéficié de l’héritage de techniques nouvelles,
d’avancées dans la facture instrumentale et d’apports nés des échanges interculturels
de l’époque (surtout avec le monde arabe). Par la suite, durant tout le Moyen Âge, la Renaissance
et une partie de la période baroque, on classe les instruments en fonction du contexte, des lieux et
des endroits où ils sont joués. Ainsi :
• “hauts instruments” signifie “instruments qui jouent fort” donc en extérieur ; par déduction
destinés à la chasse ou à la guerre
• “bas instruments” ou “instruments qui jouent doucement” donc à l’intérieur, pour accompa-
gner le chant.
Bas instruments Hauts instruments
Les cordophones : luth, harpe, vièle et rebec, Les aérophones : muses, chalémies,
psaltérion… cornemuses, cor, trompes et trompettes…
Les aérophones : flûtes “douces” (traversières Les percussions : tambours, timbales,
et à bec), orgue portatif (organeto)… crécelles…
Les percussions : tambourins, crotales,
guimbarde…
L’instrumentarium médiéval
La connaissance de l’instrumentarium médiéval
a beaucoup progressé ces dernières années
malgré l’absence d’instruments originaux
entièrement conservés. L’iconographie
(statuaire, bas-reliefs, peintures murales,
miniatures, vitraux…), l’archéologie (vestiges,
débris d’objets…) ainsi que les textes ont
grandement aidé les spécialistes à la
reconstitution de ces instruments et à la
compréhension de leur mode de jeu. La plupart
du temps, il s’agit d’instruments réservés à la
société savante, formée par l’église et la
seigneurie qui possèdent des moyens autrement
plus élaborés que ceux du peuple, pour rendre
compte de leur propre culture.
C’est pourquoi, les instruments populaires,
souvent d’usage éphémère et de facture
rustique, sans valeur marchande, sont très sous-
représentés. Ainsi, dans une Europe rurale à
près de 90 %, nous ne savons que très peu de
choses de la musique du “petit-peuple”.
Au sein des trois groupes instrumentaux
(Cordes, Vents, Percussions), nous avons
retenu les instruments les plus représentatifs Miniature représentant les hauts et bas instruments du Moyen
Âge encadrant une dame jouant de l’organeto (≈ 1410).
de la musique médiévale.
1 - Les cordophones
Les cordes frottées
a - Avec un archet : les vièles
-/ Au Xiie siècle, on trouve une vièle ovale, comportant 5 cordes (deux doubles
chœurs + une corde grave extérieure au manche), tenue le long du bras de l’instrumentiste.
Un nouveau cordophone à archet, adaptation du rabab mauresque introduit en Europe par
l’Espagne, s'impose : le rebec. C’est un instrument monoxyle (fait d’un seul bloc de bois)
avec une caisse de résonance piriforme (en forme de poire). Le chevillier transversal se
révèle beaucoup plus efficace pour l'accord des cordes (de 2 à 4 en général). Il se joue
posé sur l’épaule avec un archet court pour faciliter la pratique. La sonorité de cet
instrument est caractéristique : perçante, grésillante, pour ne pas dire
nasillarde. Pour cette raison, le rebec devient un instrument
ménétrier capable de rythmer les danses.
-/ Au XiVe siècle, les vièles se perfectionnent grâce à des
avancées technologiques de plus en plus abouties. Leur facture an-
nonce déjà le futur violon.
Tabernacolo dei Linaioli - extrait - ange jouant du rebec - Fra Angelico
(1432/1433) - Musée de San Marco - Florence (Italie)
b - Avec une roue : l’organistrum et la chifonie
Parallèlement aux instruments dont les cordes sont frottées à l’aide d’un archet, existent des instru-
ments à cordes frottées par une roue mise en rotation à l’aide d’une manivelle.
C’est le cas de l’organistrum du XIIe siècle, considéré comme l’ancêtre de la vielle à roue. Il s’agit
d’un instrument à la fois pédagogique et liturgique joué par deux personnes. Le musicien manipule
les tirettes du clavier rudimentaire tandis que l’autre intervenant se contente de tourner la roue. Doté
de trois cordes (dont une faisant fonction de bourdon), l’organistrum est musicalement assez limité.
Il sera remplacé par la chifonie ou symphonie (sinfonie) qui dispose de touches coulissantes en lieu
et place des tirettes, ce qui permet de jouer sans la présence d’un assistant “tourneur”. Il s’agit de
l’ancêtre de la vielle à roue.
Joueurs d’organistrum Joueur de chifonie XIIIe s. Vielle à roue - ≈ 1390
Cathédrale de Saint-Martin Ourense Cantigas de Santa María Altar Relicario del Monasterio de Piedra
(Espagne) - XIIe s. Saragosse (Espagne)
Les cordes grattées et pincées
a - Citoles et luths
-/ La citole existe depuis l’époque carolingienne (IXe siècle). Cet instrument, également appelé
maurache ou encore guitare sarrasine, doté de 4 cordes, a probablement été introduit dès le VIIIe
siècle par les Arabes en Espagne.
-/ Le luth est l’héritier en ligne directe de l’instrument du Moyen-Orient, présent en Europe
dès le VIIe siècle, appelé al oud (le bois). Il s’agit d’un instrument à caisse de résonance en forme de
demi-poire, doté de frettes en boyau nouées autour d’un manche cassé à angle droit.
Le luth médiéval comporte généralement 5 chœurs (5 doubles cordes) et une chanterelle, en boyau.
Joué à l’aide d’un plectre, ou avec l’extrémité tendre du bout des doigts, c’est l’accompagnateur
privilégié de la voix.
Rarement représenté avant le XIIIe siècle, il devient ensuite de plus en plus reproduit. à partir du
milieu de ce XIIIe siècle, des instruments distincts sont également présents : la guiterne, à caisse
monoxyle, le luth, à caisse presque toujours assemblée, la citole, la vihuela de peñola…
NB : le mot “luth” s’applique à la fois à un instrument spécifique et à l’ensemble des instruments de la
catégorie des instruments dont les cordes sont disposées parallèlement à un manche dans le
prolongement de la table d’harmonie. La guitare en est le représentant le plus emblématique.
Citole carolingienne
Psaultier de Stuttgart
Luth (XIIIe siècle)
Cantigas de Santa María
Guiterne
Crypte de la cathédrale du Mans
b - Psaltérions et harpes
-/ Le psaltérion, de forme trapézoïdale,
appartient à la catégorie des cithares
(instruments dépourvus de manche
avec des cordes tendues parallèlement
sur toute la longueur de leur corps qui
sert de caisse de résonance). Il
possède des jeux de cordes doubles
ou triples qui se grattent avec un ou
deux, plectre(s).
Psaltérion - église des Jacobins - Chapelle St-
Antoine XIVe siècle - Toulouse
-/ La harpe médiévale européenne Le roi david et sa harpe.
possède au XIIe siècle une forme Luttrell Psalter - XIVe siècle
particulière faite de l’assemblage de trois
parties : la caisse de résonance, la
colonne et la console souvent en “col de
cygne”.
Au XVe siècle, l’instrument s’allonge et la
colonne est moins courbée. De plus, à la
base de chaque corde apparaît, à la fin du
Moyen Âge, un dispositif appelé harpion
destiné à provoquer une petite vibration
très caractéristique.
2 - Aérophones Un ange et sa harpe.
Triptyque de la Vierge à
a - Flûtes et sifflets l'enfant entourée d'anges
-/ Flûtes à embouchure : le souffle du musicien vient se briser sur musiciens ≈1490 - Palais
l’arête vive que constitue le bord du trou. C’est le cas du frestel (flûte des Beaux-Arts de Lille
de Pan), confectionné dans une planche de bois, mais aussi de la flûte
traversière. Berger et son frestel
-/ Flûtes verticales avec conduit (flûte à bec) : l’air est guidé sur une Cathédrale de Chartres
arête par un conduit aménagé. Il peut s’agir de flûtes harmoniques Portail royal
(sans perforations sur le tuyau) ou avec des trous de jeu.
La flûte à 3 trous tenue par une main est associée au tambour à
cordes ou de peau (tabor) frappé par l’autre main.
-/ sifflets : de formes très variées, ils sont confectionnés en terre cuite
et assimilés à des ocarinas (flûtes globulaires) avec embouchure
directe ou à conduit.
Flûtes et tabors - Vièle et flûte traversière
XIIIe siècle- Cantigas de Santa María Codex Manesse - XIVe siècle
b - instruments à anche (s)
-/ La muse est un instrument constitué d’un simple
tuyau de perce cylindrique, doté, à son
embouchure, d’une anche battante simple. Quand
son pavillon est prolongé par une corne animale, l’instrument est alors appelé musacorne.
Lorsque les muses sont montées sur une poche faisant office de réservoir d’air, on les nomme muse
au sac ou sac à muse. Le terme de cornemuse apparaît au XIVe siècle chez Guillaume de Machaut.
-/ Chalémie
Elle se distingue de la muse du fait qu’elle possède un
long tuyau doté de trous de jeu, d’une perce
conique (comme le hautbois) et d’une anche
double.
-/ La cornemuse à hautbois constitue
une avancée remarquable (perce
conique) qui permet d’obtenir un
instrument techniquement plus
performant avec une sonorité plus
percutante. Cornemuse
Codex Manesse Chalémies - Cantigas de Santa María
c - instruments à embouchure “cuvette”
-/ Le cor ou olifant. Même si le cor en corne
animale (olifant) et celui en terre cuite restent
d’usage, cette catégorie d’instruments évolue
considérablement pour aboutir, à la fin du XIVe siècle,
à la trompette à coulisse dite de “ménestrel” en
alliage de cuivre.
Un ange sonne dans un olifant - tympan de l’église
abbatiale Sainte-Foy de Conques
Magnifique olifant en ivoire - ≈ Xe s. - origine byzantine
Neues Museum (Berlin)
-/ La trompette médiévale (busine ou buisine)
fabriquée en alliage de cuivre, est surtout un
instrument de signal utilisé par les hérauts1 ou par
les sentinelles. Elle apparaît presque toujours par
paire dans l'iconographie.
Cantigas de Santa María - XIIIe siècle
1 Officier chargé d’annoncer officiellement les nouvelles, de porter les déclarations de guerre, de donner le signal des
combats…
3 - Les claviers
-/ L’organetto. Ce terme désigne un petit orgue portatif joué par un seul ins-
trumentiste. De sa main droite, ce dernier accède au clavier tandis que son bras
gauche actionne le soufflet attenant. Les différences de pression exercées par le souf-
flet influent sur le son qui en résulte.
Ange à l’organetto - -/ Au XVe siècle, on note la présence d’orgues
église des Jacobins positifs de plus grandes dimensions avec un
Chapelle St-Antoine nombre de touches et de tuyaux plus élevé. Il
XIVe siècle - Toulouse faut un intervenant indépendant pour
actionner les deux soufflets qui insufflent l’air
pour provoquer le son.
Sainte à Cécile à l’orgue positif
église Sainte Cécile d’Albi
4 - Les percussions
Les tambours tiennent la part belle de ce
groupe instrumental. On trouve des tambours
avec deux membranes dont l’une est frappée
avec des baguettes, des tambours sur cadre
munis d’un timbre, d’autres avec des
cymbalettes mais aussi des nacaires, sortes
de petites timbales (peau montée sur poterie),
probable héritage des Arabes sur le sol
européen.
S’ajoutent de nombreux outils sonores en métal
(cloches, cymbales diverses, guimbardes), en
bois (claquoirs, crécelles …).
Cymbales - Nacaires - Portail de la Primatiale
Saint-Jean-Baptiste-et-Saint-Etienne - Lyon (Rhône)
Faisons une place spéciale au jeu de cloches
accordées (tintinnabulum), instrument
pédagogique par excellence utilisé par les
moines instructeurs.
Enseignement de la musique - Tintinnabulum -
sculpture romane de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun
.
Neumes
Signes des premières notations musicales dédiées aux livres liturgiques.
troubadour
Poète-musicien du sud de la France écrivant, parlant et chantant en langue d’Oc.
trouvère
Poète-musicien du nord de la France écrivant, parlant et chantant en langue d’Oïl.
à retenir La période du Moyen Âge s’étend sur un millénaire (en gros, de 500 à 1500 de
notre ère). Dans un contexte essentiellement rural, l’organisation administrative
et sociale repose sur la féodalité. La société se divise en trois groupes :
-/ la seigneurie et ses vassaux, “propriétaires” des terres et des paysans,
-/ les religieux qui prient et perçoivent la dîme de la part du bas peuple,
-/ les travailleurs (serfs, vilains, manants, artisans, commerçants… ), écrasés
d’impôts (cens, champart, taille, banalités) et de services civils (corvées) ou militaires.
La musique religieuse
Les moines accompagnent leurs prières de chants en latin a cappella (chant grégorien ou
plain-chant). Pour les reproduire ou les transmettre le plus fidèlement possible, ils inventent
une notation faite de signes (les neumes) avant de créer des lignes de portées pour améliorer
la précision et la lecture de cette écriture.
D’abord monodiques, les chants évoluent vers la polyphonie au cours des siècles. Les styles
Ars antiqua (1170 - 1310), Ars Nova (XIVe siècle) puis de l’école franco-flamande (à partir
du XVe siècle) marquent les étapes de cette lente évolution.
La musique profane
Au XIIe siècle, Guillaume IX de Poitiers utilise une langue romane autre que le latin, la langue
d’oc (d’Occitanie) et devient le premier des trobadors (troubadours). Un demi-siècle après
l’apparition de ces poètes-musiciens dans le sud de la France se manifestent les trouvères
qui utilisent la langue d’oïl alors en usage dans le nord du pays.
exercices
exercice 1 exercice 5
Quelles sont les dates habituellement retenues En quelle langue les chants religieux étaient-ils
pour baliser la période du Moyen Âge ? écrits ?
(choisir la bonne réponse)
exercice 6
200 - 950 1200 - 1715 500 - 1500 Replacer chronologiquement les grandes étapes
1600 - 1800 musicales du Moyen Âge, ici proposées dans le
désordre :
exercice 2 Ars nova (1320/1380) - école Notre-dame
donner les bonnes définitions des termes : (1170/1250) - école franco-flamande (1420/1630) -
a cappella, monodique, polyphonique Ars antiqua (1210/1310)
Au choix :
1: à une seule voix chantée à l’unisson exercice 7
2 : sans accompagnement instrumental Quel est le nom du pape qui, au Moyen Âge, a
3 : à plusieurs voix réformé les chants liturgiques et donné son nom
au chant grégorien ?
exercice 3
exercice 8
reconstituer la phrase qui caractérise le chant Comment s’appelle le moine qui a généralisé la
grégorien : notation musicale sur 4 lignes et le nom des notes
Au choix : a cappella, monodiques, chantres de musique ?
Il s’agit de chants ………………………… , interprétés
par des …………… qui chantent …………………
exercice 4
Comment s’appellent les signes de la notation
musicale en usage pendant tout le Moyen Âge ?
exercice 9
Nommer les instruments de musique présentés en image ci-dessous :
au choix : cornemuse, psaltérion, organetto, cor, vièle, luth, hautbois, busine.
ab cd
e fg h
exercice 10
En quelle langue chantaient :
a) les troubadours
b) les trouvères
De quelle partie de la France venaient :
c) les troubadours
d) les trouvères
exercice 11
à propos du Moyen âge
a) La période du Moyen Âge est aussi désignée par l’adjectif
(au choix : médiéval - ancien - préhistorique)
b) Comment appelle-t-on l’organisation de la société au Moyen Age ?
(au choix : fidélité - fierté - féodalité)
c) Quel nom donne-t-on aux paysans qui n’ont aucun droit ?
(au choix : chevalier - vilain - serf - moine)
d) Quelle maladie contagieuse a ravagé l’Europe au cours du Moyen Âge ?
(au choix : la grippe - la rage - la peste noire)