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Les conditions de travail sont parfois très pénibles : on peut être victime d'agressivité, de dévalorisations de soi, de harcèlement, d'irrespect, d'empiètements sur son espace ou sur son temps, etc... Tout cela use le système nerveux, dévore l'énergie et a une influence néfaste sur la vitalité et sur la santé – et parfois même sur la vie (comme de récents et terribles faits divers l'ont démontré).
Dans ce livre l'auteur :
• Vous montre comment décrypter ces agressions – délibérées ou non – que l'on subit trop souvent dans le monde du travail
• Et surtout : elle vous donne les moyens de vous préserver et, quand ce n'est plus possible, de vous défendre – et aussi de (contre)attaquer si nécessaire !...

Car pourquoi faudrait-il vous soumettre et plier sous des violences morales ?
Non, bien au contraire vous devez :
• Savoir reconnaître l'agresseur et le type d'agression
• Savoir faire cesser cela
• Et surtout vous faire respecter...

Ce livre a été écrit pour que vous appreniez à le faire...

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Published by Michel Nachez, 2020-02-14 15:07:07

Au travail : faites-vous respecter !!

Les conditions de travail sont parfois très pénibles : on peut être victime d'agressivité, de dévalorisations de soi, de harcèlement, d'irrespect, d'empiètements sur son espace ou sur son temps, etc... Tout cela use le système nerveux, dévore l'énergie et a une influence néfaste sur la vitalité et sur la santé – et parfois même sur la vie (comme de récents et terribles faits divers l'ont démontré).
Dans ce livre l'auteur :
• Vous montre comment décrypter ces agressions – délibérées ou non – que l'on subit trop souvent dans le monde du travail
• Et surtout : elle vous donne les moyens de vous préserver et, quand ce n'est plus possible, de vous défendre – et aussi de (contre)attaquer si nécessaire !...

Car pourquoi faudrait-il vous soumettre et plier sous des violences morales ?
Non, bien au contraire vous devez :
• Savoir reconnaître l'agresseur et le type d'agression
• Savoir faire cesser cela
• Et surtout vous faire respecter...

Ce livre a été écrit pour que vous appreniez à le faire...

Keywords: développement personnel, psychologie, bien-être, guide pratique, travail,Erica Guilane-Nachez,harcèlement,harcèlement moral,harcèlement sexuel,hypnothérapie

© Copyright Erica Guilane-Nachez Strasbourg 2011

Éditions Neo Cortex
7 place d’Austerlitz – 67000 Strasbourg – France

www.cd-de-relaxation.com

Couverture : EGN

ISBN : 978-2-918535-01-0

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Introduction

L’entreprise n’est-elle pas comparable à des êtres
humains embarqués sur le même bateau ? Ce bateau,
commun à tous, a une fonction qui est la stabilité de
l’entreprise à travers ces destinations et ces escales
successifs que sont les succès engrangés. S’il n’y a plus
de succès, très vite il n’y a plus d’entreprise – et donc
plus d’équipage non plus.

Les employés de l’entreprise sont comme les
marins, comme l’équipage qui va du commandant
jusqu’au mousse, en passant par tous les postes
nécessaires à la bonne marche du navire.

Sur les flots, il y a bien d’autres bateaux, petits,
moyens et grands. Il y a des messages radio qui
s’échangent et les radars qui donnent des
informations. On croise des îles, on s’arrête dans des
ports. Il peut même advenir qu’on récupère un
naufragé ou qu’on se détourne de la route prévue
pour cause de marée noire, de guerre locale ou de
sauvetage. Cela fait partie des aléas du parcours et
aussi de la saine adaptation à ce qui se présente.

Sans les hommes qui le composent et les objectifs
qu’il a à remplir, le bateau n’existe pas : il est une
coque vide et dépourvue de sens. De même,
l’entreprise n’existe pas sans les femmes et les
hommes qui la composent. Cette union de femmes et
d’hommes est le point à la fois fort et faible de cette
entité que nous appelons entreprise.

L’entreprise veut faire des profits. Pour cela il lui faut
des projets et y investir beaucoup de temps, d’énergie
et ce que l’on appelle ses « ressources humaines ».

Cela, c’est la théorie et l’idéal... Dans la pratique, on
constate bien souvent que beaucoup d’énergie est
dilapidée dans des tensions, des irritations, des conflits
plus ou moins visibles ou plus ou moins souterrains
existant dans les rapports entre les humains :

– Je ne vais pas le laisser marcher sur mes plates-
bandes !

– Elle s’imagine qu’elle peut me donner des ordres,
alors qu’elle est au même échelon que moi !

– J’en ai assez de le voir s’installer dans mon bureau
comme en terrain conquis !

– C’est mon idée ! Je ne supporte plus qu'il la
présente à tous comme venant de lui !

– De quel droit se permet-elle de dire combien je
gagne ? !

– Elle pourrait s’habiller de façon plus décente.
Avec ces micro-jupes qui s’arrêtent juste sous l’aine,
elle a l’air d’une prostituée. Ce n’est pas bon pour
l’image de l’entreprise !

– J’en ai ras-le-bol de le voir envahir mon espace
vital pour m’enfumer !

– Il m’a dévalorisé auprès du chef de service. Il me
le payera !

– C’est moi le spécialiste de cette question ! Tu
devrais apprendre à te taire quand tu es
incompétent !

– Ce voyou de concurrent s’est permis de me
débaucher mon meilleur représentant !

– Ce poste me revenait logiquement ! Il est
inadmissible qu’on l’ait offert à Dupuis !

– Comment a-t-il osé se permettre de déplacer mon
téléphone pour mettre son désordre à la place !

– Ses réflexions débiles sur la coiffure de ma fille sur
la photo, là, sur mon bureau... Cette femme est d’une
stupidité !

– Il a oublié de transmettre le message que je lui
avais confié – et maintenant, je passe pour un
imbécile !

– Il me coupe régulièrement la parole dans les
réunions. Cela devient insupportable ! La prochaine
fois, je lui rentre dans le chou !

– Je ne comprends pas pourquoi tu t’obstines à
dénigrer notre service : c’est encore un de ceux qui
marchent le mieux dans la boîte !

– Malgré les excellents résultats que toute l’équipe
a obtenus cette année, ça lui écorcherait vraiment la
bouche de nous féliciter.

– C’est encore moi qui ramène le plus de
commandes. Il serait temps qu’« on » s’en rende
compte et qu’« on » m’augmente si « on » ne veut pas
que j’aille porter mes talents ailleurs... »

Ces phrases-là sonnent probablement de façon
familière à vos oreilles. Tension, irritation, agacement,
énervement, colère plus ou moins rentrée, agressivité,
insatisfaction, frustration... Voilà quelques-uns des
sentiments tout à fait lisibles dans ces phrases.

Ce sont bien là des émotions-sentiments signant les
tensions humaines au travail. Il y a là des problèmes
d’ego et de territoires : nous détestons tous que l’on
s’en vienne empiéter sans notre accord sur ce qui, de
notre point de vue, nous appartient :

• Notre ego, notre image, notre personnalité

• Nos prérogatives

• Notre espace

• Nos réussites

• Nos créations et idées

• Nos domaines

• Notre statut

• Nos goûts

• Nos talents

• Nos secrets

• Notre estime de nous-même…

Nous allons voir que toutes ces contestations
s’élèvent contre ce que, consciemment ou non, nous
considérons comme des incursions dans nos « chasses

gardées ». Colère, frustration, agressivité, ce sont
exactement les sentiments qu’il faut pour consommer
à haute dose de notre précieuse énergie vitale et la
dilapider en vain. Or, nous avons besoin de cette
énergie pour agir, travailler, remplir les missions et
parvenir aux objectifs fixés.

Nous sommes tous plus ou moins attelés à une
tâche collective et il advient bien souvent que nous
nous marchions sur les orteils les uns aux autres.
Autrement dit : que nous empiétions de quelque
manière sur l’ego ou/le territoire d’autrui. Cette
notion de territoire est quelque chose de très subtil
parfois : cela n’englobe pas seulement des éléments
palpables, physiques, mais également des choses
beaucoup plus abstraites et psychologiques. Cet
empiétement peut pervertir des relations humaines,
pourrir l’ambiance professionnelle et même parfois
faire rater des occasions ou encore générer des
erreurs considérables.

Mais quelles sont les difficultés liées aux problèmes
d’ego et de territoire dans la vie professionnelle, dans
le monde du travail ?

Nous allons constater que tous ces domaines de
l’expérience humaine qui sont peu ou prou implicites
dans l’entreprise sont potentiellement sujets à conflits
de territoire :

• Le temps et l’espace

• Le corps et les cinq sens

• Les objets et les êtres

• Les idées et les pouvoirs

• L’identité et la morale

• Les émotions

• Et surtout (toujours d’ailleurs) le Moi l’ego...

Vous allez comprendre tout cela au fil de ce livre,
car je vais :

• Dans la première partie : passer en revue les
problèmes que vous pouvez rencontrer au
travail et leurs causes

• Puis, dans la deuxième partie – les problèmes
appelant les solutions – vous découvrirez
quels sont les « antidotes » permettant de
prévoir ces difficultés ou de les maîtriser
quand elles sont là.

Peu échappent à la nécessité de devoir travailler et
le travail occupe souvent plus de la moitié du temps
de veille pendant notre vie active. Le mieux,
évidemment, serait que chacun s’épanouisse dans
son travail – mais ce n’est malheureusement pas le
cas.

Le plus souvent, ce sont des difficultés relationnelles
et non les pesanteurs inhérentes aux tâches elles-
mêmes qui génèrent des stress destructeurs et
« pourrissent » la vie professionnelle.

En avançant dans votre lecture, vous découvrirez
des moyens de mieux vivre dans votre travail.

Vous serez mieux armé pour vous défendre –
voire pour attaquer si cela s’avère absolument

nécessaire…

Première Partie : Les causes…

Des valeurs rares : le Temps et l’Es-
pace

Le temps dont on dispose et limité – celui qui en prend
indûment à autrui est parfois ressenti comme un voleur de
vie. L’espace que l’on occupe physiquement est petit –
mettre son empreinte quelque part est, d’une certaine
manière, exister en ce lieu – même quand on en est
absent. Temps et espace sont des « objets » personnels.

Une des choses qui nous manque le plus à chacun
est cette denrée rare qui s’appelle le temps. Il
semblerait pourtant qu’il représente universellement
vingt-quatre heures par jour et soixante minutes par
heure. Mais, nous le savons bien par expérience,
soixante minutes d’horloge, ce peut être vécu comme
très-très court ou très-très long. Par exemple,
lorsqu’on attend quelqu'un qui est en retard, les
minutes s’étirent généralement très lentement. On ne
peut rien entreprendre d’utile – ce qui ferait passer le
temps plus vite – parce que, à chaque instant, le
retardataire peut arriver. Comme on ne fait rien, cela
polarise d’autant plus l’attention sur les aiguilles de la
montre et cette sorte de vacuité de l’action ouvre à
une mini (ou maxi) tempête émotionnelle :

– Décidément, il ne changera jamais !

– Elle n’a aucun égard pour les autres !

– Il doit imaginer que je n’ai que ça à faire,
l’attendre !

– Mais pour qui se prend-elle pour se permettre de
faire poireauter ainsi les gens !

Après ce genre de réflexions, on peut aisément
imaginer que l’état d’esprit avec lequel on accueillera
le retardataire ne sera pas forcément cordial et
ouvert...

Mon temps est donc cette matière rare avec
laquelle je dois vivre, agir, dormir, manger, élaborer,
penser, prendre plaisir, dialoguer, me soigner, me
distraire, me cultiver, combattre, etc. Mon temps, mon
précieux temps de vie — et la vie est courte ! — va de
plus en plus vite et j’ai souvent l’impression qu’il
m’échappe...

Oui, le temps, on lui court après, on « le tue » de
moins en moins (mais tuer le temps est un choix
personnel et n’est pas imposé de l’extérieur), on en a
peu pour tout faire. Alors, comment accepter
aisément qu’on vous le dilapide, qu’on vous le
gâche ? Vous en connaissez beaucoup, des gens
vraiment indifférents au fait que l’on vienne en retard
aux rendez-vous qu’on leur a fixé ? Et vous ?

Notre temps de travail est du temps qui est pris sur
les loisirs et la vie privée. Ce temps de travail est voué
à faire au maximum tout ce qu’il convient, de manière
à faire avancer les choses professionnelles pour
ensuite permettre de passer au temps personnel.
Dans tous ces cas, son temps est un des territoires
psychologiques fondamentaux de l’être humain.

Nous avons évoqué le retardataire qui « mange » le
temps d’autrui, mais il n’y a pas que lui : le patron qui
arrive au secrétariat trois minutes avant la fermeture
des bureaux avec une pile de factures à traiter – « ce
soir encore, Mireille » – sans se demander si Mireille
n’a pas une raison impérative de partir à l’heure,
empiète sur le territoire du temps d’autrui. Bien sûr, il
pourrait être légitime du point de vue du patron de
vouloir que ce travail soit fait maintenant mais, en
dehors d’horaires convenus, le temps de Mireille
n’appartient qu’à elle. Elle peut le concéder au patron
ou le garder pour elle.

À l’inverse : le patron paye pour acquérir une partie
du temps de Damien, un de ses représentants. Mais
Damien profite de son passage en Bourgogne pour
faire le tour des caves afin de regarnir la sienne, de
cave, en vins de qualité – et le nombre des clients
effectivement prospectés pour son entreprise chute
d’autant de temps.

Ou encore :

– Comment Munier ose-t-il me faire perdre mon
temps à me raconter des choses sans intérêt, alors que
j’ai tant à faire pour boucler ce budget prévisionnel ?!

La vie humaine s’écoulant dans le temps,
l’empiétement sur son territoire du temps est presque
parfois ressenti comme du vol de vie. Il peut arriver
que cela génère des sentiments très redoutables chez
la « victime » de ce larcin : découragement, impression
d’être exploitée, d’être considérée comme quantité

négligeable. Ce genre de sentiment n’incline
généralement pas à la bienveillance ou à la bonne
volonté envers l’« agresseur »...

Le territoire du temps est celui de la dialectique
envie de/pas envie de :

• On n’a pas envie d’attendre quelqu'un qui est
en retard – on aurait plutôt envie d’avancer
dans son travail, non ?

• On n’a pas envie d’assumer le bavardage
stérile de Munier – on aurait plutôt envie de
poursuivre le bouclage du budget.

• On n’a pas envie de rester à traiter les factures
encore ce soir – on aurait plutôt envie de
s’assurer que le petit-fils n’est pas en train
d’attendre dans les courants d’air, en bas de
l’escalier de la maison.

• On n’a pas envie que Damien use de son
temps de travail pour faire les vignobles – on
aurait plutôt envie qu’il soit chez les clients à
prendre des commandes...

Et, lorsqu’on aura avancé dans son travail,
lorsqu’on aura bouclé le budget, lorsqu’on sera sorti
du bureau, lorsque les chiffres seront rentrés dans
l’ordinateur, alors on pourra, le cœur plus léger,
s’adonner à d’autres choses que l’on a envie de faire :
loisir, plaisirs, famille, repos... Car, en réalité, le temps
après lequel tous nous courons, ce n’est pas le temps
des contraintes ni celui des obligations auxquelles on

se soumet, c’est celui des loisirs, des plaisirs, du repos.
Faut-il alors s’étonner si les « voleurs » de temps, les
envahisseurs du territoire du temps, en prennent
parfois pour leur grade ?

Une autre de ces denrées rares est l’espace que l’on
considère comme sien :

– De quel droit se permet-il de venir ici comme en
terrain conquis !?

Mettre son empreinte quelque part est, d’une
certaine façon, exister en ce lieu, même quand on en
est absent physiquement et cela d’autant plus lorsque
l’on y est présent : ce lieu devient un territoire
personnel.

Mon bureau, mon siège, mon école, mon
ordinateur, ma machine, ma place... tous, objets ou
lieux, sont comme marqués par la signature de la
personne qui les utilise et les identifie comme siens, les
investissant ainsi dans son « Moi ». Qui accepte que
l’on vienne envahir ou polluer son Moi ?

Pourtant, dans l’entreprise, mon endroit, mon local,
sont des lieux ou des objets qui doivent pouvoir être
approchés par toute autre personne lorsque cela est
nécessaire et utile à la bonne marche des choses ou
lorsque cela est agréable — l’utile et l’agréable
pouvant parfois se confondre. Toutefois, le jugement
distinguant l’utile du non-utile ou l’agréable du non-
agréable est non seulement éminemment subjectif
mais, aussi extrêmement variable selon les moments
et les personnes.

En fait, lorsqu’il est question de territoire personnel,
il y a l’art et la manière : l’art et la manière d’approcher
la place d’autrui pour s’y faire accepter ou en être
rejeté.

Josiane est enseignante remplaçante. Au cours
d’une année scolaire, elle est donc amenée à travailler
dans différents établissements au gré des besoins. Un
matin, elle vient prendre pour la première fois son
poste dans une petite école villageoise. La directrice
de l’école habite juste au-dessus des deux salles de
classe. L’école est encore fermée : il est sept heures et
demi et les classes ne commencent qu’à huit heures
quinze. Josiane sonne, demande à entrer à la femme
apparue à la fenêtre du premier et se fait rembarrer
vertement par elle

– Vous resterez dehors jusqu’à huit heures, heure
de l’ouverture de l’école !

Josiane, bien sûr, juge aussitôt la directrice revêche
et antipathique, ce qui crée un climat de tensions plus
ou moins larvées entre les deux femmes pendant les
quelques semaines que dure le remplacement.

Ce dont Josiane n’a pas eu conscience, c’est que
son propre ton, le premier matin, lorsqu’elle a
demandé à entrer, était autoritaire et agressif : elle
s’est présentée comme en terrain conquis dans un lieu
qui n’était pas encore le sien et elle en a subi les
conséquences. Si sa présence était certes utile, elle ne
fut pas ressentie comme agréable – elle n’avait pas eu
l’art ni la manière pour aborder la directrice, n’avait

pas suscité l’envie ou l’acceptation facile de partager
ensemble un territoire. Josiane ne lui avait pas fait
comprendre par son attitude qu’elle reconnaissait que
la directrice était « chez elle » dans cette école et
qu’elle y détenait le pouvoir.

« Arriver comme en terrain conquis », voilà qui
génère un des tous premiers degrés dans les
difficultés relationnelles liées à ce qui est perçu
comme le territoire personnel dans l’entreprise :
l’espace que l’on considère – à tort ou à raison –
comme sien, celui que l’on occupe la plupart du
temps, souvent aménagé en fonction de ses goûts ou
de sa façon de travailler. Se comporter comme en
terrain conquis, c’est parfois simplement agir avec
inattention ou maladresse, ce n’est pas ouvertement
agressif ou brutal. Le retour de bâton se manifeste
cependant toujours.

Marie :

– J’en ai assez de voir ce Jean-Paul laisser ses
épluchures dans mon bureau ! Qu’il fasse donc ses
saletés chez lui !

Jean-Paul :

– Qu’est-ce qu’elle peut être maniaque, cette
pauvre Marie ! Si elle est toujours comme cela, son
mari doit drôlement en baver...

Jean-Paul n’a sans doute pas voulu ennuyer Marie :
il sait que la femme de ménage passe dans tous les
locaux de l’entreprise et que la malencontreuse pelure
de mandarine laissée dans le panier sera éliminée le

soir même. Quant à Marie, elle a moult fois, chez elle
ou au bureau, rangé avec bonne grâce le désordre
laissé par un autre.

Dans cet incident, il semblait qu’il manquait
quelque chose dans l’ordre de l’utile et l’agréable, de
l’art et la manière ? En quoi aujourd’hui n’y avait-il rien
de tout cela dans les épluchures de mandarine ? Peut-
être est-ce l’humeur de Marie ou la façon de s’y
prendre de Jean-Paul qui fait la différence ? Notons
d’ailleurs que la réaction de Jean-Paul est de
dévaloriser Marie.

Dominique :

– Comment a-t-elle pu oser se permettre de
déplacer mon clavier pour mettre ses affaires à la
place !

Aline :

– Seigneur... On dirait que son clavier c’est son
trésor, l’amour de sa vie et toute son âme ! Poser mes
dossiers là lui a vraiment fait l’effet d’un crime de lèse-
majesté ! Il ne lui faut pas grand-chose pour monter
sur ses grands chevaux !

Aline n’a sans doute pas voulu indisposer
Dominique en déplaçant le clavier de l’ordinateur
pour poser son porte-documents. De toutes façons,
en repartant, elle aurait tout remis en place. Mais il
fallait bien qu’elle la mette quelque part, cette grande
serviette avec tous les papiers de la réunion !
Dominique, pourtant, en a vu d’autres : par exemple
le jour où Viviane avait envahi le plateau de ce même

bureau avec les photos de ses vacances à Izmir, où
Suzanne, venue discuter du projet en cours, avait
déplacé la pile de dossiers sur laquelle il travaillait pour
s’asseoir à moitié sur le bureau. Aline avait – déjà –
elle-même déplacé ledit clavier pour faire de la place
aux gâteaux et aux apéritifs quand ils avaient fêté la
promotion de Marc. Pourtant, là, Dominique n’avait
rien dit de désagréable ; au contraire, il avait gardé
courtoisie, sourire et bonne humeur.

Qu’est-ce donc qui fait la différence alors qu’aucune
de ces trois femmes, simples collègues de travail, ne lui
est plus proche que l’autre ? Ici encore, Aline réagit
avec vigueur en mettant en cause la personnalité de
Dominique.

Nous trouverons des éléments de réponse à ces
questions dans la suite de ce livre.

Nous aurons à nous souvenir que l’utile,
l’agréable, l’art et la manière sont, en fait, des
clés importantes pour gérer efficacement les

difficultés liées à tous les aspects territoriaux
dans la vie professionnelle.

Auparavant, continuons à explorer les différentes
couleurs que peuvent prendre les problèmes
relationnels chez l’homo professionalis.

Le corps et les cinq sens

Notre corps est le premier élément d’identification
du Moi et il est probablement pour chacun sa
possession la plus importante. En tant qu’objet
physique, il est lié à la survie du Moi. En tant qu’objet
sensoriel et sensuel, il est lié au désir de prééminence
du Moi. Ces deux territoires du corps – et donc du Moi
– impliquent les instincts de conservation et
d’affirmation.

– J’en ai ras-le-bol de voir Dupont envahir mon
espace vital pour m’enfumer !

Aujourd’hui, avec les changements dans les
dispositions sur la fumée de tabac dans les lieux
publics, il faut espérer que cette réclamation n’a plus
cours. Toutefois, ce genre de doléance peut se
décliner de différentes autres manières :

– La porte !!!

– Enlève cette fleur : j’y suis allergique !

– Tu devrais changer d’eau de toilette : l’odeur de
celle que tu portes m’agresse littéralement les narines
et me fait éternuer.

Nous sommes tous, peu ou prou, egocentrés. Mon
corps, ma santé, d’abord.

Et pourtant, que de nuances : le fils de celle qui
vitupère ainsi fume, son mari apprécie vraiment ce
même détestable after-shave – sentant le persil ! – ou
sa fille qui a décidément besoin que sa porte reste
ouverte – malgré les courants d’air amenant sa mère
à éternuer – voilà qui ne provoque pas (ou guère) de
réactions négatives. Mais Dupont fumant dans son
bureau, Marielle oubliant de refermer la porte
donnant sur la réserve, Sidonie imposant son lys
violacé ou Georges sentant le persil, voilà qui lui est
impossible à assumer !

Comment se fait-il qu’elle j’accepte les
désagréments venant des uns et pas des autres ?
Comment est-il possible que la fumée de Dupont lui
donne des nausées et pas celle produite par son fils ?

Eh oui : l’attachement sentimental fait la différence.
Nous acceptons bien des choses de ceux que nous
aimons. Plus encore : nous nous soumettons
beaucoup plus facilement à ceux que nous aimons.
En fait, ceux que nous aimons font partie de nous, de
notre être et en tant que tels ont presque autant de
droits sur nous que nous-mêmes. Ils sont dans notre
territoire et avec notre accord. D’une certaine
manière, accepter leurs travers, c’est comme
d’accepter nos propres faiblesses à nous : nous savons
être si indulgents envers nous-mêmes...

Est-ce à dire que l’on déteste pour autant Dupont,
Marielle ou Georges ? Non, sans doute pas. Mais voilà,
l’attachement affectif ne se porte pas sur eux, ils sont
donc en dehors de notre orbe. De ce fait, ce qui
provient d’eux et est interprété (culturellement ou
dans une logique personnelle propre) comme
nuisible à l’intégrité physique reçoit une riposte
parfois disproportionnée. Ce serait presque comme si
la fumée de cigarette émise par Dupont équivalait,
toutes proportions gardées, à une volée de flèches
envoyées par un membre de l’ethnie d’à côté : crime
de « lèse-mon-corps ». On en viens peut-être alors
facilement à penser que, pour Marielle ou Georges,
l’état de santé de celle qui se sent ainsi agressée
« compte pour du beurre » et qu’il faut donc qu’elle
défende bec et ongles sa « survie ».

À l’extrême, on pourrais citer l’exemple de ce très
grand et célèbre musicien américain venu donner un
concert en Alsace il y a quelques années. Tout a été
parfait jusqu’au moment où un spectateur, transporté
d’enthousiasme, a sauté sur la scène pour passer une
écharpe autour du cou de l’artiste. Celui-ci a
immédiatement arrêté le concert. Pourquoi ?
L’explication est simple : le musicien a considéré que
les mesures de sécurité étaient insuffisantes et que, au
lieu de recevoir un acte d’admiration, il aurait pu être
agressé (précisons qu’il avait déjà été agressé

autrefois). Le public a été ainsi à moitié heureux et à
moitié frustré par la fin précipitée de la prestation, et
cela parce que les organisateurs du concert n’avaient
pas tenu compte d’impératifs liés au « territoire du
corps » de cet artiste.

Si on analyse ce type de situation, on peut en venir
à constater alors (ou à imaginer) que, si « mon » état
de santé (sa sécurité, pour ce musicien) est sans
importance pour autrui, combien donc,
implicitement, je peux en arriver à considérer que
« mon être » doit lui apparaître comme une quantité
négligeable.

Voilà donc la logique interne du mécanisme
aboutissant au cri : « La porte !!! » – et analogues. Le
corps et ce qui le concerne, en dernière analyse,
aboutissent au Moi, à l’ego.

Nous aurons l’occasion de revenir sur cet important
concept : l’ego.

Autres problèmes :

– Arrête donc de grignoter tout le temps ! Tu es
assez gros comme ça !

Ou bien :

– Martin m’appelle « ma grosse » ! Il dit que c’est
affectueux, mais je ne supporte pas ce genre de
familiarités !

Mais de quel droit quelqu'un dirait-il à son collègue
(« majeur et vacciné ») ce qu’il doit, ou pas, manger –
et quand exactement ? De quel droit infliger de telles
familiarités hors de propos à une collaboratrice ? Il y a
là des incursions dans le territoire du corps d’autrui et
la réaction peut aller de l’humiliation rentrée à la
riposte agressive, pour peu que le destinataire du
commentaire y soit vulnérable. Nous revoici encore
au contact de la problématique qui lie le corps à l’ego.

Évoquons maintenant encore une autre difficulté
liée à la notion de territoire du corps : le harcèlement
sexuel. C’est probablement plus fréquent qu’on ne le
pense généralement et quelques (rares) faits divers
ont démontré que les femmes ne sont pas seules
victimes de ce genre de choses.

Le harcèlement sexuel porte atteinte au territoire
du corps, mais aussi aux territoires de la liberté et du
choix personnel. Il n’est nul besoin ici de démontrer
ses aspects pernicieux pour la victime, tout autant que
pour l’ambiance, la sérénité et la poursuite saine de
l’action commune.

Un autre aspect lié au territoire du corps est celui de
l’énergie qu’on pourrait qualifier de « vitale ». Nous
avons tous déjà entendu ce genre de doléance :

– Sa façon de réagir systématiquement avec
panique à chaque fois qu’un problème se présente
m’use littéralement !

– Il faut toujours que je répare tes erreurs ! Tout ce
qui me reste d’énergie y passe !

– J’en ai par-dessus la tête de devoir mettre toute
mon énergie dans ce projet que tu devrais porter !

L’énergie vitale, chacun sait qu’il n’en dispose que
d’une quantité limitée. Elle appartient au territoire du
corps et elle doit pouvoir être répartie dans tous les
champs d’expérience impliquant le corps : vie
professionnelle certes, mais aussi vie privée, affective,
sensuelle. Consommer, de son point de vue, trop
d’énergie vitale dans le travail équivaut à la retirer à
ces autres domaines pourtant si désirables. On ne
peut guère s’étonner, alors, que des revendications se
lèvent pour tenter de préserver cette si précieuse
possession qu’est l’énergie vitale.

« Mon corps », ce n’est pas que « ma santé », c’est
aussi tout ce qui entre en contact avec mes cinq sens
— vue, ouïe, odorat, toucher, goût. Ci-dessus, j’ai déjà
évoqué l’odorat en parlant de tabac et d’eau de
toilette, mais c’était davantage dans l’ordre de la santé
(allergie, pollution) que de l’esthétique du sens de
l’odorat.

On peut se sentir agressé par ce qui est jugé
inesthétique au niveau sensoriel :

• Telle odeur m’incommode parce qu’elle est
laide de mon point de vue

• Telle vision m’insupporte parce qu’elle est un
péché pour mon sens de la beauté visuelle.

L'idée de l’esthétique est par nature quelque chose
qui ne peut être rigidifié. Le monde est empli de goûts,
de saveurs, de couleurs, de sonorités, de textures,
d’odeurs, si multiples et si diversifiés. L’oreille
japonaise peut se délecter du son du shakuhachi,
l’oreille aborigène du bourdon tournant du
didgeridu1, l’oreille occidentale du tintement court du
clavecin. La bouche hongroise aime le goût du
paprika, la bouche chinoise le goût du serpent frit. La
vue japonaise s’émeut devant les branches du cerisier
en fleur, la vue mongole devant les longues steppes
dépourvues d’arbres et la vue du New-Yorkais bon
teint devant les buildings (et les tags). L’odorat de
mon amie Lila s’extasie des parfums vanillés et l’odorat
de mon autre amie Denise préfère les parfums
poivrés. Pour Alain, le bois est la matière la plus
agréable à toucher, pour Patrick, c’est le métal. Sonie
préfère l’art moderne et moi j’ai un faible pour les arts
ethniques. Michel vibre à la musique instrumentale et
moi à la musique vocale...

1 Le shakuhachi japonais et le didgeridu australien sont
tous deux des instruments de musique à vents.

C’est vraiment enfoncer une porte ouverte que de
souligner cette immense diversité qui est une des
grandeurs de l’espèce humaine et la question qui
peut, en permanence, se poser est la suivante :
comment trouver, comment mettre la main sur ce qui
pourrait m’emplir d’émotion esthétique, visuelle,
auditive, olfactive, tactile, gustative – et que je ne
connais pas encore ?

Mais l’on a tendance à mettre la marque de son Moi
dans ses goûts et dégoûts et, lorsque cela se produit,
il arrive que l’on en vienne à y mettre trop de son Moi.
« Trop de Moi » égale souvent « moins de Toi »,
rejetant-repoussant ce qui dépasserait de ce Toi
envahissant. Les cinq sens peuvent ainsi être prétexte
à un champ de bataille entre des Moi.

– Caroline, ne crie pas ! Dès que tu élèves la voix, tu
commences à m’évoquer une crécelle et ça me fait
littéralement mal aux oreilles !

– Geneviève, ce poster d’art moderne que tu as
punaisé sur le mur de ton côté est vraiment une
abomination visuelle ! Toutes ces couleurs qui jurent
ensemble !

– Marc, comment fais-tu pour te délecter de ces
machins séchés ? Rien que d’y penser, ça me coupe
l’appétit.

Bien sûr, pour peu que l’on soit occupé et bien
concentré sur sa tâche, la vue de l’« horrible » tableau

ou la pensée des « immondes » crackers sentant la
friture disparaît du champ de conscience – et la
tolérance revient.

« Des goûts et de couleurs, on ne discute pas », dit
la sagesse populaire. Geneviève aime certainement le
poster – sinon elle ne l’aurait pas mis là – et Marc,
vraiment, apprécie la saveur des « machins » – sinon il
n’en mangerait pas. Quant à Caroline, cette mise en
question de son timbre de voix a sûrement quelque
chose d’humiliant. Dans ces trois cas – et tous les
autres relevant du territoire de l’esthétique sensorielle
– la riposte peut être désagréable. Car, si l’un y met
une atteinte à son sens esthétique, l’autre y voit une
atteinte à sa liberté et, surtout et probablement plus
important, une dévalorisation de soi et de ses choix et
goûts : une remise en cause de la qualité de son Moi.

Blessure à l’ego...

Ainsi, les problématiques relationnelles liées aux
cinq sens, ce n’est pas tant la dialectique j’aime/je
n’aime pas, mais bien plutôt celle-ci :

• Je (mes goûts et dégoûts) vaux mieux que toi

• Tu (tes goûts et dégoûts) vaux moins que
moi...

Vu ainsi, on peut comprendre que l’ambiance
professionnelle ne peut rester au beau fixe…

Mes affaires, mes idées !

La marque du tabou (de l’interdit), visible ou
invisible, est implicite sur tout objet ou idée que
quelqu'un revendique comme lui appartenant.

Voici une anecdote significative : Madeleine, une
dame d’un certain âge qui avait, pendant plus de
vingt ans, travaillé dans un atelier de couture puis
avait été licenciée pour cause économique. Pendant
toutes ces années, elle avait toujours cousu avec la
même machine, au même endroit de l’atelier. C’était
« sa » machine et elle n’était nullement
interchangeable avec aucune des trente ou quarante
autres machines présentes dans le local. Madeleine
avait même composé une chanson – paroles et
musique – en l’honneur de sa machine. L’entreprise
avait dû fermer et Madeleine a souhaité acheter « sa »
machine pour ramener à elle cette partie de son
territoire, vraie partie de ce qu’elle identifiait comme
son Moi.

Dialogue (pas si rare !) :
– Comment as-tu osé me prendre ma calculette
dans le tiroir de mon bureau ?!

– Écoute, Gisèle, j’avais vu que tu la rangeais là et
j’en ai eu besoin. Ce n’est tout de même pas un crime.

– Je ne veux pas que l’on touche à mes affaires !

– Quel caractère ! À croire que ta minable calculette
est la perle noire de l’Orient !

Mon bureau, ma place, mes affaires, la photo de
mon fils sur ma table de travail, mon clavier, ma plante
verte en pot... Ces objets matériels sont de vraies
extensions de l’être de leur « propriétaire ».

L’homme est homo symbolicus et l’espace
professionnel peut être ainsi habité d’objets-symboles
qui sont bien souvent comme des « marques de
territoire » au sens que les ethologues 1 donnent à
cette expression : signe de présence, de possession et
même, implicitement, d’interdit. Interdit de toucher,
de déplacer, d’enlever, d’envahir. Modifier
l’emplacement de ces éléments sans l’accord explicite
du possesseur est ressenti comme un « crime de lèse-
Moi », générateur de tensions, de conflits.

Toutefois, dans l’entreprise, le territoire des
possessions est quelque chose qu’il n’est pas facile de
délimiter. La photo de mon fils, sur mon bureau, peut
voisiner avec la plante en pot de la collègue avec
laquelle je partage ce même bureau. Si cette collègue,
en plus d’être la collègue est ma collègue, il m’est

1 Spécialistes du comportement animal.

encore plus facile d’admettre ses objets-symboles
d’elle à quelques centimètres de mes objets-symboles
à moi.

Comme dans le territoire spatial, les objets identifiés
comme miens, mes possessions, portent ma marque
invisible, sont des morceaux de moi et y toucher sans
mon accord peut être ressenti comme quelque chose
de l’ordre de la violence. Des personnes dont la
maison a été cambriolée expriment souvent de la
manière suivante les sentiments ressentis alors :

– Cela m’a vraiment fait l’effet d’un viol !

Les objets entrant dans le territoire professionnel
peuvent ainsi être psychologiquement porteurs de la
dialectique mon corps/pas mon corps. Comment,
alors, s’étonner que Madeleine ait souhaité ramener
chez elle cette partie si physique d’elle-même, exilée
au loin, qu’était sa machine à coudre ? Ou faut-il être
surpris de ce que Gisèle monte sur ses grands chevaux
pour une chose si minime qu’un emprunt de
calculette dans le tiroir (fermé) de son bureau ? Et
peut-on imaginer ce que Gisèle ressent à entendre
ensuite qualifier sa calculette-symbole de
« minable » ?

Du reste, est-ce par hasard que cette répartie, ainsi
formulée, est émise ? Probablement pas :
l’emprunteur participe, lui aussi, de ce besoin
psychologique de marquer son territoire de

possessions-symboles de son propre corps. Il sait donc
parfaitement – à défaut de consciemment –
manipuler cette symbolique-là pour punir Gisèle
d’avoir été, lui, pris en faute.

Notons aussi que, dans le tiroir du bureau de Gisèle,
il y avait aussi des stylos et des trombones que Paul
aurait pu prendre sans aucun problème. Comment
savoir que la calculette est « chargée » et pas les
trombones ? Par la valeur de l’objet ? Non. Par sa
taille ? Non. Par sa fonction ? Pas davantage.

En fait, il n’y a pas de moyens de savoir ce qui, pour
quelqu'un, est investi de sa marque territoriale. Ce
n’est qu’à l’usage – méthode des essais et des erreurs
– que l’on peut le constater. En se souvenant que le
territoire des possessions a des analogies avec le
territoire du corps, on peut aisément comprendre que
s’emparer sans autorisation des parties physiques de
quelqu'un – fussent-elles symboliques – expose à des
réactions liées à la survie, lesquelles peuvent être très
virulentes.

C’est encore moins simple que cela car, là où Paul
est perçu comme un « violeur » – toutes proportions
gardées – Jérémie, lui (autre collègue et seulement
cela pour Gisèle, c’est-à-dire ni ami ni amant) aurait pu
prendre la calculette sans se trouver en butte à la
vindicte. Pourquoi ? Peut-être à cause de sa position
sur l’échelle utile/agréable, différente de celle de Paul.

Ou peut-être à cause de quelque chose d’aussi
inquantifiable qu’un art et manière – différent de celui
de Paul ? Probablement...

Les possessions ne sont pas qu’objets inertes, elles
peuvent être aussi bien plus vivantes :

– Ce voyou de concurrent m’a débauché mon
meilleur commercial !

– Ma secrétaire s'est permise de me faire faux bond.

– Mon associé est parti trois semaines en vacances
sans m’en aviser !

– Comment ma vendeuse ose-t-elle me faire ça ?

Colère, frustration, énervement face à ce que
quelqu'un fait ou ne fait pas, accepte de faire ou non :
lorsque ces émotions se produisent, elles sont le signe
manifeste que le problème est d’ego ou/et de
territoire. Là, « mon représentant » ou « ma
vendeuse » entrent bien sûr dans ce que le locuteur
assimile, consciemment ou non, à ses possessions,
avec la connotation de permis ou interdit applicable à
ce territoire des possessions.

Les possessions peuvent également être abstraites.

– C’est mon idée ! Je ne supporte plus qu’il la
présente à tous comme venant de lui ! La prochaine
fois qu’il le fait, je lui rentre dans le chou !

– C’est moi le spécialiste de cette question. Tu
devrais apprendre à te taire quand tu es incompétent.

Heureusement que, depuis longtemps, le ridicule ne
tue plus !...

Il est extrêmement irritant de se voir dérober son
idée ou sa théorie, fruit peut-être d’une longue
cogitation, d’un long mûrissement – que ce soit par
l’« incompétent » de service ou, pire, par un pair... Nos
idées, nos conceptions, nos inventions, nos
découvertes, tout cela fait partie intégrante de notre
Moi. Ils sont le résultat de toute notre évolution, de
notre passé, du savoir que nous avons acquis puis
développé au fil du temps. Ils sont nos « enfants »,
issus non de notre chair mais de notre esprit. Il a pu
advenir que l’on ait beaucoup transpiré, que l’on ait
mis infiniment de soins, de temps de vie, d’attention
et d’espoirs dans l’élaboration d’une idée ou d’une
stratégie. Et tout cela pour que l’on s’en vienne nous
la voler ?!

Chacun d’entre nous a expérimenté, à un moment
ou à un autre, cette humiliation, cette injustice de se
voir spolié d’une idée et chacun peut ainsi se souvenir
de la frustration et du hérissement ressentis alors.

Dans la recherche scientifique, c’est au premier qui
publie un article sur ses résultats dans un domaine
précis que revient la paternité de la découverte.
Souvenons-nous des démêlés d’un de nos célèbres
instituts de recherches français avec un concurrent
américain quant à la découverte du virus du Sida : il y

eut des années de procédure juridique pour que soit
reconnue l’antériorité de la découverte française. À la
clé de cette reconnaissance juridique internationale
se trouvaient en jeu d’énormes intérêts financiers.

Dans la vie professionnelle courante, il est plus rare
que d’aussi lourdes conséquences soient impliquées
lorsque l’un empiète sur le territoire des idées d’un
autre. Mais que de blessures d’amour-propre, que de
ressentiment, que de « chiens de ma chienne »...

Que se passe-t-il lorsque quelqu'un s’attribue le fruit
du travail d’un autre ? C’est une sorte de vol qui
implique tout de même que l’objet soit de valeur –
d’une certaine manière, c’est d’ailleurs un compliment
implicite. Quelque part, c’est aussi l’aveu de
l’insuffisance du « voleur » – qui n’a pas été capable
de trouver tout seul. D’accord. Mais faire ces constats
ne suffit pas forcément à faire accepter le larcin.

Il faut se souvenir qu’une idée, un développement,
un résultat, sont bien souvent la suite d’un travail et la
justification de celui-ci. Lorsqu’on vole une idée à
quelqu'un, on lui vole aussi la justification de toute
l’œuvre accomplie pour y aboutir : on lui vole des
parts de son territoire du temps, de son territoire des
possessions, de son territoire du dû et souvent
d’autres territoires encore (argent, identité,
prérogatives, pouvoir, etc.). Faut-il s’étonner alors des
vigoureuses réactions qui suivent le larcin ?...

Le sentiment d’une injustice envers soi est peut-être
une des choses les plus désagréables que l’on puisse
éprouver. D’autant plus qu’il est parfois presque
impossible de prouver la paternité d’une idée, d’une
trouvaille ou d’une conception, car il peut y avoir une
autre difficulté encore : c’est que l’« adversaire » soit
de bonne foi et croie sincèrement que l’invention est
de lui. Ou, vice-versa, que le « volé » ait tort en croyant
tout aussi sincèrement qu’il est l’auteur de l’idée :

– Je l’ai vu avant toi !

– Je l’ai dit avant toi !

– Je l’ai découvert avant toi !

Il n’est donc pas simple de faire la part des choses
entre ce qui appartient à César et ce qui m’appartient.
De plus, en dehors éventuellement de découvertes
scientifiques de pointe, y a-t-il vraiment tant de choses
totalement nouvelles sous le Soleil ? Les frontières
entre mon idée et ton idée peuvent être très floues :
l’histoire et l’expérience enseignent que nombre
d’inventions et de conceptions nouvelles qui en
arrivent à être « dans l’air du temps », surgissent
simultanément dans des esprits différents et n’ayant
aucun contact entre eux...

Ceci dit et dans la mesure où on ne peut rien
prouver, s’arrêter à ce que j’ai trouvé, moi, et à ce que
tu as trouvé (ou pas), toi, est-ce vraiment si productif
que cela ? S’arrêter ainsi à cela, n’est-ce pas bloquer

une énergie considérable dans la frustration ou/et la
chamaillerie ? Et à quoi mène l’énergie bloquée ? Il le

semble bien : à rien. Alors qu’il y a encore tant de
choses à imaginer, à créer et tant d’idées à produire –
en prenant toutefois alors plus de précautions pour
pouvoir en assurer ma paternité, n’est-ce pas ? Et
donc pour protéger mes futures prérogatives dans ce

domaine des idées.

Rester au sommet !

Les motivations à vouloir le pouvoir sont différentes.
Mais le pouvoir que l’on détient peut toujours être mis
en danger par l’audacieux de passage. C’est toute la
problématique de la « chasse-gardée ».

– Il s’imagine qu’il peut me donner des ordres, alors
qu’il est au même échelon que moi !

– Cette Pascale ! Elle se prend pour la patronne
depuis qu’elle est la maîtresse du patron !

– Duparc, comment osez-vous griller la voie
hiérarchique en communiquant directement avec Y ?

Les motivations à vouloir le pouvoir sont différentes
selon les individus :

• Certains y voient le moyen de s’élever
socialement, avec les avantages financiers
que cela implique

• D’autres y voient le moyen d’aider, de
protéger, de faire évoluer les choses

• D’autres ont des moteurs différents encore :
moyen d’affirmation du Moi, de
grandissement du Moi

• Certains y perçoivent une façon de se
protéger des adversités

• D’autres encore y recherchent une
amplification de leurs moyens, armes et
atouts dans la vie

• Et il y a ceux qui (consciemment ou non) en
attendent des avantages ou/et des plaisirs
plus ou moins pervers : pouvoir écraser
autrui, pouvoir agir à sa convenance, sans
avoir de comptes à rendre, etc.

Dans l’aspiration à la prise de pouvoir se trouve
imbriqué l’impératif instinctif de défense et
d’autodéfense. Quant aux nécessités liées aux
territoires du pouvoir, elles mettent tout
particulièrement en jeu des aspects très profonds et
très instinctuels de notre nature. Ce sont ces mêmes
aspects qui font que chez les mammifères supérieurs
socialisés, il y a une hiérarchie rigide, certes, mais
toujours susceptible d’être remise en question par
l’audacieux de passage – les capacités de celui-ci
pouvant se révéler meilleures que celles du chef en
titre. Si la nature a implanté ainsi ces nécessités
(défense, détrônement par un meilleur), elle l’a fait au
bénéfice du meilleur potentiel de survie biologique
nécessaire au groupe.

L’entreprise est un groupe. Elle est également un
lieu de pouvoirs qui doivent aussi bénéficier à son
potentiel de survie. Les humains qui sont l’entreprise

ont des pouvoirs divers et spécialisés. Les possesseurs
de ces pouvoirs devraient savoir faire preuve de toute
la souplesse utile à la survie du groupe : se maintenir,
s’adapter, s’en aller, selon ce qui est nécessaire.
Cependant celui qui a un certain pouvoir s’y
cramponne parfois, tout comme le lion qui veut
continuer à régner sur son bout de savane – comme
lui, il peut montrer les crocs, sortir les griffes, rugir et
donner des coups de pattes (pour, comme le lion
délogé, s’en aller la tête basse et plein de rancœur, si
un lion plus fort lui prend la place).

Une des notions souvent véhiculées par l’idée de
pouvoir est la suivante :

• Quand on est en bas, on est tributaire de tout
et de n’importe quoi

• Quand on est en haut, on a la paix.

C’est évidemment faux : le pouvoir étant désirable
et convoité pour les différentes raisons évoquées plus
haut, il y a toujours le risque que l’envieux passe par
là et se mette à attaquer les positions du possesseur.
Ainsi va la vie... Cette perspective devrait plus être vue
comme un challenge :

• Être la stimulation à aller de l’avant

• Donner la motivation de ne pas stagner

• Inciter à l'action décidée, puissante

• Amener à développer en soi une saine
capacité d'adaptation.

Dans l’entreprise, le pouvoir implique aussi
l’acceptation du partage du pouvoir global puisqu’il
est rare de détenir à soi tout seul l’ensemble des rênes.
Y avoir du pouvoir suppose donc cultiver le un sens
de la répartition des frontières des différentes aires du
pouvoir, la tolérance envers certains chevauchements
inévitables de ces zones et l’aptitude à négocier en cas

de problèmes. Ainsi, tout ce qui est raideurs, rigidités,
non-adaptabilité, non-flexibilité est juste ce qu’il faut
pour que le « chêne », comme dans la fable, craque et
s’effondre lorsque le vent adverse de la contestation
d’un territoire de pouvoir devient trop fort...

– Je ne vais pas le laisser marcher sur mes plates-
bandes !

– C’est encore mon service qui a la meilleure
rentabilité dans cette boîte ! Il ne faudrait pas que
Chabert s’avise de trop se mettre en avant, vus ses
résultats !

– Ce poste de chef-comptable me revenait
logiquement ! Il est inadmissible qu’il l’ait offert à
Devereux !

Services administratifs, informatiques,

communication, vente, comptabilité, ressources

humaines, services techniques, gestion des stocks...

Dans tous ces services peuvent se poser ces grandes

questions aux réponses parfois ambiguës et chargées
de conflits potentiels :

• Qui a le droit (le pouvoir) de faire quoi,
comment et à qui ?

• Qui a le droit (le pouvoir) de faire faire quoi,
comment et à qui ?

L’entreprise, aujourd’hui, est encore souvent
marquée par une hiérarchie pyramidale : au bas de la
pyramide, le personnel le moins qualifié ; tout en haut
le(s) chef(s) suprême(s) ; entre les deux, différents
niveaux successifs correspondant à des échelons de
spécialisations et de qualifications. Toutefois, il
semblerait que ce modèle commence à se dissoudre,
car ce sont ceux qui détiennent l’information qui
tendent aujourd’hui à prendre les rênes et cela, à
quelque point de la pyramide qu’ils se trouvent. Avec
l’avènement de l’informatique en réseau, nombreux
sont ainsi les collaborateurs, à tous les niveaux, qui
peuvent distribuer l’information par messagerie
interne – et même en « grillant » la hiérarchie. Le chef
d’atelier, via son ordinateur, peut envoyer une
information qui sera réceptionnée par le patron,
lequel peut lui répondre directement par le même
vecteur.

Alors, si détenir l’information est une des marques
du pouvoir, celle-ci n’est plus centralisée pour suivre
une voie hiérarchique. De ce fait, davantage

d’importance est donnée aux employés et il y a moins
de filtres sur le passage des informations utiles – avec
pour corollaire une perte de pouvoir pour certains. En
tous cas, une mouvance du pouvoir se manifeste à
laquelle il convient de s’adapter au bénéfice, toujours,
de la survie du groupe.

Mais on constate souvent que la résistance est
fréquente avant la phase d’adaptation/acceptation. Il
y a souvent des colères plus ou moins rentrées, des
craintes et des frustrations, des conflits. Les
affrontements de pouvoir sont des affrontements de
survie et donc, très fortement, d’egos. Les difficultés
liées aux notions de pouvoir peuvent être vraiment
pernicieuses : toute la vitalité mise dans la défense de
la « chasse gardée » que l’on considère comme sienne
est retirée de la réalisation d’autres choses qui seraient
probablement plus utiles et productives.

L’expérience montre que lorsque quelqu'un qui

a du pouvoir commence à se sentir instabilisé

par l’arrivée d’un élément mettant en question

la permanence de ce pouvoir, il est en passe

de perdre ce dernier.
L’être de pouvoir a alors le choix entre s’agripper
rigidement à son pouvoir ou le développer en
s’adaptant. Et pourquoi pas ? L’homme est ainsi fait
que son désir de grandissement du Moi passe aussi
par cette preuve qu’est le fait de posséder du pouvoir,

d’avoir un territoire du pouvoir. Mais se cramponner à
son pouvoir et le développer, ce n’est pas du tout la
même démarche ni le même mode de
fonctionnement.

Alors, lorsqu’on se surprend à se hérisser pour des
questions de pouvoirs et de droits, peut-être est-il
temps de se demander quelle est la meilleure stratégie
à adopter ?...

Et la récompense ?

Chacun a besoin de voir reconnue sa valeur
personnelle ainsi que celle de ses actions et résultats.
Si on ne reçoit pas ce « dû », le sentiment d’injustice
peut être très pénible.

– C’est encore moi qui ramène le plus de
commandes ! Il serait temps qu'« on » s'en rende
compte et qu’« on » m’augmente si « on » ne veut pas
que j’aille chercher ailleurs.

– Malgré les excellents résultats que l’équipe a
obtenus cette année, ça lui écorcherait vraiment la
bouche de nous féliciter !?

– Je trouve inadmissible que l’on ait offert cet
avancement à Michaux : ses résultats passés ne
justifient absolument pas cela !

– Je suis le seul à l’avoir soutenu pendant la réunion
et je me suis « mouillé » pour lui. Il me devait bien
quelque chose en retour : appuyer mon projet
d’agrandissement des ateliers. Mais il ne l’a pas fait ! Il
peut toujours courir s’il s’imagine que je le soutiendrai
encore…

Nous sommes dans l’idée du « dû », l’idée que l’on
se fait de la récompense (ou de la non-récompense)

méritée (ou non) par soi-même ou autrui. Le dû est
étroitement associé au sentiment de justice/injustice.

Dans le contexte professionnel, nous avons tous
plus ou moins l’œil sur les autres et leurs actions. Cela
est même tout à fait indispensable pour ajuster notre
propre activité en conséquence afin que les objectifs
soient atteints. En même temps, nous sommes donc
plus ou moins en position de juger le comportement
et les résultats d’autrui, ce qui se fait avec plus ou
moins d’objectivité ou de bienveillance.

Nombre de rancœurs peuvent alors s’accumuler et
paralyser la féconde collaboration professionnelle. Il
est très facile d’imaginer les sentiments et les émotions
impliquées par les déclarations ci-dessus : désir
inassouvi, frustration, conviction d’injustice,
rumination, exigence, voire menace. Ce sont
exactement les sentiments qu’il faut pour générer de
la mauvaise volonté ou la tentation d’en faire moins
(« Puisque, de toutes façons, on ne gagne rien de plus
à se décarcasser, dans cette boîte ! »), ou des rapports
faussés (« Tu me dois bien ça ! »), ou une grogne
souterraine s’accumulant pour aboutir à on ne sait
quoi (« Il ne mérite pas cette promotion »).

Chacun a besoin de voir sa valeur personnelle
reconnue et, dans le monde de l’entreprise, cette
valeur est sans cesse mise en regard de la valeur des
autres. Cela signifie que, clairement exprimée ou non,

une échelle de comparaison est très souvent présente,
jaugeant les mots, les actes, les résultats des uns, des
autres et de soi-même.

L’argent du salaire qui tombe en fin de mois est,
certes, un moteur au travail, mais des recherches en
psychologie sociale ont démontré que d’autres
moteurs – et parfois plus puissants que l’argent –
existent en l’homo professionalis : recevoir de la
reconnaissance, des marques de gratitude, des
récompenses. Toutes ces choses représentent, de
façon visible, des signes de la valeur personnelle ou
de la valeur de ce que l’on a fait.

Savoir décerner de telles récompenses est, du reste,
la marque d’un bon meneur d’hommes tout autant
que d’un bon enseignant. Souvenons-nous : lorsque
nous étions enfant, à l’école maternelle, l’instituteur
savait distribuer des « bons points », petits bouts de
papier sans autre valeur que la reconnaissance devant
tous que l’on avait bien agi ou bien réussi. Nous avons
été sensibles aussi à bien d’autres récompenses
obtenues par la suite : notre Moi a donc pris le goût
du plaisir d’être gratifié d’honneurs – prix, médailles,
tableaux d’honneur, félicitations, mentions, titres et
autres coupes ou... avancement, promotion.

Nous avons ainsi acquis un mécanisme
psychologique associant étroitement les notions :

• Action / récompense = juste/valeur du
Moi/plaisir

ou :

• Action / pas de récompense = injuste/preuve
de non-valeur du Moi/déplaisir

ou :

• Action / récompense mal proportionnée =
injuste, problématique de valeur du
Moi/déplaisir.

Cette dialectique est bien visible dans les deux
premières exclamations commençant cette
description du problème du dû : « on » doit
m’augmenter, « on » doit nous féliciter. Elle est tout à
fait présente dans la troisième phrase également : « je
l’ai soutenu » – voilà qui a de la valeur et, donc, « il me
doit quelque chose en échange ». Quant à la
quatrième phrase, elle est toujours en rapport avec
ces mêmes notions : Michaux est récompensé pour
quelque chose qui n’a pas de valeur du point de vue
de celui qui parle, lequel en retire un sentiment
d’injustice et de déplaisir – ce qui ne manque pas de
réduire encore plus dans son esprit la valeur
personnelle du dit Michaux...

Que nous l’admettions ou pas, nous agissons pour
en recevoir des récompenses (argent ET d’autres).
C’est cela aussi qui fait le pouvoir qu’a le compliment

sur celui qui le reçoit. En d’autres termes, hors de la
coercition ou du pas-le-choix, nous n’agirions pas en
dehors de cette perspective de recevoir. Cette notion
de dû est donc inhérente à notre état d’être humain
et d’être en action et, psychologiquement, il ne fait
pas franchement bon qu’il y soit dérogé.


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