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Les conditions de travail sont parfois très pénibles : on peut être victime d'agressivité, de dévalorisations de soi, de harcèlement, d'irrespect, d'empiètements sur son espace ou sur son temps, etc... Tout cela use le système nerveux, dévore l'énergie et a une influence néfaste sur la vitalité et sur la santé – et parfois même sur la vie (comme de récents et terribles faits divers l'ont démontré).
Dans ce livre l'auteur :
• Vous montre comment décrypter ces agressions – délibérées ou non – que l'on subit trop souvent dans le monde du travail
• Et surtout : elle vous donne les moyens de vous préserver et, quand ce n'est plus possible, de vous défendre – et aussi de (contre)attaquer si nécessaire !...

Car pourquoi faudrait-il vous soumettre et plier sous des violences morales ?
Non, bien au contraire vous devez :
• Savoir reconnaître l'agresseur et le type d'agression
• Savoir faire cesser cela
• Et surtout vous faire respecter...

Ce livre a été écrit pour que vous appreniez à le faire...

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Published by Michel Nachez, 2020-02-14 15:07:07

Au travail : faites-vous respecter !!

Les conditions de travail sont parfois très pénibles : on peut être victime d'agressivité, de dévalorisations de soi, de harcèlement, d'irrespect, d'empiètements sur son espace ou sur son temps, etc... Tout cela use le système nerveux, dévore l'énergie et a une influence néfaste sur la vitalité et sur la santé – et parfois même sur la vie (comme de récents et terribles faits divers l'ont démontré).
Dans ce livre l'auteur :
• Vous montre comment décrypter ces agressions – délibérées ou non – que l'on subit trop souvent dans le monde du travail
• Et surtout : elle vous donne les moyens de vous préserver et, quand ce n'est plus possible, de vous défendre – et aussi de (contre)attaquer si nécessaire !...

Car pourquoi faudrait-il vous soumettre et plier sous des violences morales ?
Non, bien au contraire vous devez :
• Savoir reconnaître l'agresseur et le type d'agression
• Savoir faire cesser cela
• Et surtout vous faire respecter...

Ce livre a été écrit pour que vous appreniez à le faire...

Keywords: développement personnel, psychologie, bien-être, guide pratique, travail,Erica Guilane-Nachez,harcèlement,harcèlement moral,harcèlement sexuel,hypnothérapie

Morale, culpabilité, fuite – ou con-
fort/plaisir ?

On peut se sentir agressé par le comportement
d’autrui, tout comme on peut se sentir coupable
d’avoir agi maladroitement. On peut fuir sous la
pression des événements.

– Elle pourrait s’habiller de façon plus décente.
Avec ces micro-jupes qui s’arrêtent juste sous l’aine,
elle a l’air d’une prostituée. Ce n’est pas bon pour
l’image de l’entreprise !

Morale ou bien ?...

Pas bon pour l’image de l’entreprise ? Est-ce
vraiment le problème ? Voilà qui n’est pas si sûr (on
peut supposer que si l’image de l’entreprise était
réellement mise en danger par la vêture de la dame,
la direction aurait déjà réagi). Mais pas « bon » pour
celui qui fait ce commentaire-là : certainement. On
pourrait épiloguer longuement sur ce genre de
propos selon la personne qui l’émet.

Des employées s’habillent plus « sexy » que
d’autres, certes, mais à ce jour, je n’ai encore jamais
entendu parler dans le monde du travail de quelqu'un

vêtu de façon franchement indécente1. Nous voici sur
ce qu’on pourrait appeler le terrain de la morale. C’est
là un terrain glissant. Il est basé sur les croyances, sur
le sens du bien et du mal, du permis et du tabou. Il est
le plus souvent éminemment subjectif, soumis à
interprétation individuelle et peut dissimuler, sous
l’apparent souci de l’intérêt général, une
problématique bien plus personnelle : celui qui juge
ainsi autrui lui est nécessairement supérieur, fait donc
partie d’une « élite » plus « morale » et donc plus
« élevée », est imprégné d’une « éthique »
surplombant de haut la pauvre créature s’exhibant
ainsi. Fanatisme et intégrisme ne sont pas loin.

Celui qui se sent ainsi atteint dans son sens de la
morale tend à vouloir imposer ses critères à autrui, de
façon coercitive s’il peut se le permettre ou de façon
plus « arrondie » dans le cas contraire. Or, si une
morale est nécessaire à la vie en société, l’excès en
tout nuit. « La liberté de l’un s’achève là où commence
la liberté d’autrui », dit fort judicieusement la Sagesse
Populaire...

1 Des activités spécifiques sont parfois plus dénudées
que d’autres : mais qui critiquerait la danseuse du Lido ou
la comédienne dans son rôle ?

Culpabilité/agressivité

Autre chose : est-il moral de ne pas s’occuper du
bien-être d’autrui lorsqu’on doit cohabiter pour des
buts communs ? S’il n’y a pas de réponse univoque à
cette question, on relève tout de même souvent que,
en plus du rejet par les autres, de la culpabilité peut se
manifester lorsqu’on ne respecte pas une certaine
bienséance. Et la culpabilité est un sentiment
désagréable qui en réaction, amène parfois de
l'agressivité envers autrui.

Charlie est créatif dans une agence de publicité et il
est fumeur. Dans son bureau où il est seul, il a le droit
de fumer. Arrivent Serge et Nathalie, nouvelle venue
dans l’entreprise. À eux trois, ils doivent faire un
« brainstorming » pour trouver la meilleure accroche :
il s’agit de monter la stratégie pour la campagne
publicitaire d’un des plus gros annonceurs de
l’agence.

Nathalie et Serge, tous deux non-fumeurs,
s’installent et on entreprend la mise en route du
brainstorming. Charlie, toujours nerveux dans ces cas-
là, allume cigarette sur cigarette. Nathalie, elle, se
mouche régulièrement.

– Tu es enrhumée ? lui demande Charlie.

– Non, non, répond Nathalie.

Le temps passe, le travail progresse plus ou moins
et Nathalie utilise de plus en plus fréquemment ses
mouchoirs en papier.

– Décidément, tu es enrhumée ! réitère Charlie.

– Non. Mais je suis allergique à la fumée de tabac,
avoue enfin Nathalie.

C’est là que Charlie a une réaction curieuse. Il
entame toute une diatribe sur le fait qu’il a
parfaitement le droit de fumer dans son bureau, que
personne ne peut le lui interdire et que ce serait
franchement triste et insupportable si on lui déniait ce
droit si élémentaire !

– Mais je ne t’ai jamais interdit de fumer dans ton
bureau ! Cela fait deux heures que je suis là et que
j’assume mon nez qui coule. C’est toi qui a insisté pour
savoir pourquoi je me mouchais !

Charlie n’est pas un méchant homme, pas plus que
ne l’était Jean-Paul, que nous avons rencontré dans le
chapitre sur le territoire du corps et qui avait laissé ses
pelures de mandarine dans le bureau d’une collègue.
Ce qui s’est passé pour ces deux-là, c’est que, pris en
faute, ils se sont sentis coupables d’avoir commis un
impair. Commettre un impair, un manque d’élégance,
avoir mis les « pieds dans le plat », avoir fait une gaffe
ou commis un manque de civilité, voilà qui remet en
cause sa propre image sociale, cette image de marque
que chacun veut présenter à autrui comme la plus

parfaite possible. À partir de là, il reste ou à s’excuser
pour ce manquement (et c’est heureusement souvent
ainsi) – et donc admettre implicitement qu’on a
commis l’erreur – ou à mettre l’autre en cause – la
meilleure défense étant l’attaque, dit-on.

Charlie aussi bien que Jean-Paul (et tant d’autres,
quotidiennement) ont choisi la deuxième réaction.
Est-ce la meilleure ? Probablement pas, mais
n’épiloguons pas à ce propos pour l’instant : nous y
reviendrons. Notons simplement pour l’instant que,
pour Charlie et Nathalie, leurs prochains
brainstormings communs et peut-être même
l’ensemble de leur collaboration future pourraient
bien être marqués par une « ombre au tableau » :
l’empreinte de ce premier conflit…

Fuite

Il y a des moments où la pression est plus
importante et même, parfois, elle l’est carrément trop.

Nombre d’animaux trouvent, dans ce qu’on peut
appeler le territoire de fuite (très souvent leur tanière),
le temps et le calme pour régénérer les forces
physiques et nerveuses. L’homo professionalis, lui
aussi, a besoin d’un tel territoire de fuite, d’une
position de repli où se réfugier lorsque le poids des
événements est devenu trop lourd à porter.

Ce territoire de fuite peut se trouver dans certains
endroits privilégiés dans l’entreprise : mon bureau, ou
la cafétéria, ou les toilettes... Ce peut aussi être le
moment pris à regarder méditativement par la fenêtre
ou encore celui voué à fumer une cigarette dans le
local ad hoc. Ce peuvent être des moments de
solitude ou bien des « récréations », à deviser
agréablement avec quelqu'un.

Ce sont là les « mini » territoires de fuite, ceux dans
lesquels on peut aller plusieurs fois par jour pour se
ragaillardir si nécessaire. Entrer dans ces territoires de
repli équivaut ainsi à prendre une respiration salutaire
pour mieux, ensuite, pouvoir repartir dans l’action
avec une vigueur renouvelée. Mais parfois,
l’atmosphère professionnelle devient irrespirable et il
devient nécessaire de se réfugier dans de plus grands
territoires de fuite. Ce repli dans le territoire de fuite
peut aller de quelques jours d’indisposition jusqu’à de
plus longues maladies. En dehors de l’absentéisme
délibéré (se faire « porter pâle » sans raison valable),
l’on sait bien que nombre de ces petites affections,
grippes, bronchites et autres sont des moyens
qu’utilise l’intelligence du corps pour obliger l’esprit à
décrocher d’une trop forte pression : entre deux
maux, il choisit le moindre et profite par la même
occasion d’une plage de repos, de répit, dans la vague
d’inconfort/déplaisir subie dans l’entreprise. Cela ne

signifie nullement que toute maladie soit
nécessairement liée à cela, mais il en est beaucoup.

Il est, bien sûr, préférable, de pouvoir évacuer « la
vapeur » avant d’en arriver à ces extrémités. Cela
consiste à savoir accepter ces micro-fuites, ces mini-
replis, et à être attentif aux signes avant-coureurs de
l’excès de stress : irritabilité ou découragement.

Confort/plaisir

Si le territoire de fuite est une micro ou une macro
vacance dans le temps de travail, il devient peu
nécessaire lorsqu’on a accès à ce territoire très
désirable qui a pour nom : le territoire du
confort/plaisir. C’est en lui que se trouvent l’agrément
à travailler, la satisfaction et la joie à se consacrer à la
tâche et aussi les meilleurs résultats aux efforts fournis.
Mais ils sont nombreux, semble-t-il, les rabat-joie, les
ennuyeux, les désagréables – puisque ce territoire du
confort/plaisir est si souvent vigoureusement
revendiqué.

– Rien que de voir la tête que tu fais, je n’ai plus
envie de me mettre au travail !

– Avec le peu de temps qui reste pour boucler ce
projet, il faut encore que tu viennes m’énerver avec
ces détails sans importance !

– Quel caractère, ce Colin ! Il nous gâche
littéralement la vie ! S’il ne venait pas régulièrement
nous embêter, on serait deux fois plus productifs !

Tous les humains aspirent au plaisir et en
redemandent lorsqu’ils y ont goûté. Sans les
affrontements d’ego et territoriaux, la porte s’ouvre
bien plus largement à l’efficacité et aux résultats
positifs – quelles que soient les difficultés intrinsèques
du travail – tout simplement parce que le
confort/plaisir porte en avant ceux qui en bénéficient.

Chaque femme, chaque homme, tend à défendre
bec et ongles son territoire du confort/plaisir : on peut
presque dire que c’est comme si la survie était en jeu.
Si on n’y parvient pas, vraiment pas, le femme ou
l’homme en question pourrait finir par aboutir à la
position de repli pour cesser de subir la pression
excessive de l’inconfort/déplaisir : et cela va parfois
jusqu’à la maladie physique ou nerveuse. On connaît
tous des gens qui ont « craqué » à cause d’une
ambiance professionnelle trop chargée de tension et
de malaise…

L’identité et les émotions

Lorsque notre identité est en jeu, les émotions sont
vite éveillées. Elles handicapent ou elles portent en
avant.

Les plus graves difficultés de territoire sont liées au
fait que l’on associe des éléments extérieurs à son Moi,
à sa propre identité. En fait, tous les problèmes que
nous avons passés en revue jusqu’à maintenant sont
impliqués dans l’idée plus générale de « territoires de
l’identité ».

Une personne peut apposer son identité sur de
multiples éléments. Qu’est-ce que l’identité ? C’est
tout ce à quoi l’on s’identifie ou que l’on identifie à soi
(identité vient du latin idem qui veut dire le même, la
même chose). C’est aussi l’idée de la permanence des
caractéristiques que l’on accorde à son Moi et des
éléments que l'on intègre à ce Moi. Ainsi peut-il en
être de :

• Ma personnalité

• Ma psychologie

• Mon caractère

• Ma valeur

• Mon nom

• Mon titre

• Mon statut

• Mes idées

• Mes actions

• Mes résultats

• Ma/mes spécialité(e)

• Mes diplômes

• Mes pouvoirs

• Mon travail

• Ma mission

• Mes goûts

• Mes décisions

• Mon entreprise

• Mon projet

• Ma découverte

• Et d’autres choses encore...
L’on se doute bien que lorsque quelqu'un agresse
un aspect de l’identité d’une autre personne, cela
peut générer des réactions virulentes.

Lorsque pour un individu il n’y a pas de distinguo
psychologique et émotionnel net entre « ma mission »
et « moi » ou entre « mes pouvoirs » et « moi », tout ce
qui entre en résonance négative envers « ma
mission », « mes pouvoirs », attaque directement le
Moi.

Dans ce qui se rapporte à l’identité se trouvent ainsi
également :

• Le « j’ai raison/tu as tort » : puisque « j’ai »
raison, « tu » as nécessairement tort si tu en
viens à me contredire.

• Les idées de priorités : souvent « moi
d’abord », « mes idées d’abord », « mon temps
d’abord »...

• Les privilèges et des permissions auxquels on
pense avoir droit : « mon temps de parole »,
« ma carte blanche », « ma liberté de
mouvement »...

• L’autonomie-responsabilités : « Lorsque je
décide de quelque chose, je veux qu’on me
suive – et sans discuter ! »

• Les appartenances : « mes alliances », « ma
culture d’entreprise »...

• Des domaines virtuel : « mon aire
d’influence », « mes parts de marché », « mon
droit aux subventions »...

• Le non-droit d’autrui : « Le temps qu’elle perd
à téléphoner à son mari au lieu de
travailler ! » ; « Le droit qu’il s’arroge de me
poser des questions sur mes résultats ! »

• L’argent : « Je mérite de gagner plus, eu
égard à... », « Il est hors de question que
j’accepte ce niveau de salaire. »

• Le secret : « Je ne veux pas que tu dises à tout
le monde combien je gagne. », « Je vous
interdis de révéler ceci à untel », « Tu n’as pas
le droit de faire sortir ces documents de
l’entreprise. »

Il y en a d'autres encore, mais arrêtons cette
énumération ici : les territoires de l’identité sont si
multiformes qu’il est impossible d’en énoncer toutes
les variations et nuances possibles. Mais constatons
que tout ce qui entre en rapport avec l’identité a un
impact émotionnel fort.

En fait, dans tout ce qui a été décrit précédemment
dans ce livre, nous nous sommes toujours trouvés
dans le territoire des émotions, parce que l’émotion se
définit par, soit :

• Aimer – apprécier, goûter, estimer, etc...

Ou :

• Ne pas aimer – ne pas apprécier, détester,
haïr, etc...

Et c’est bien là la dialectique des problèmes
émotionnels, car en dehors de cela – aimer ou ne pas
aimer – il n’y a pas d’émotions : c’est la neutralité, le
calme ou l’indifférence. Dans la neutralité, le calme ou

l’indifférence, il n’y a pas de difficultés liées au
territoire.

Les émotions sont de très puissants ressorts du Moi,
en mode négatif ou en mode positif. Voici des
exemples d’émotions positives :

• La joie, le plaisir, l’optimisme, le rire/sourire,
l’enthousiasme, l’élan, la bonne humeur, le
sentiment de valeur personnelle, le sentiment
de la valorisation d’autrui, l’envie de
coopérer/collaborer, l’estime pour autrui, la
gratitude sincère...

Et d’émotions négatives :

• La colère, la haine, le ressentiment, la
frustration, le sentiment de dévalorisation de
soi ou d’autrui, la tristesse, la mélancolie, le
sentiment de perte d’énergie, la déprime, le
découragement, la rumination mentale, le
« pas envie de... », le sentiment d’injustice
ou/et de rejet de soi ou d’autrui, le sentiment
d’être exploité ou envahi, le sentiment
d’irrespect en provenance d’autrui, la
gratitude forcée...

En analysant un instant toutes ces émotions
négatives, on prend très vite conscience qu’elles
peuvent être, chacune, en rapport avec les unes ou
les autres des difficultés de territoires que nous avons
explorées jusqu’à présent. La colère surgit des

empiétements sur le territoire spatial, sur le territoire
du corps, du temps, du dû, etc. La haine peut résulter
de ces mêmes événements, aussi bien que la déprime,
le « pas-envie-de... », le sentiment de dévalorisation,
etc. On peut ainsi les passer toutes en revue à la
lumière des problèmes d’ego et territoriaux.

Les émotions ne relèvent pas de l’intellect : on ne
peut les contrôler avec la raison, elles ne se
commandent que difficilement. Ainsi, mes émotions
peuvent entrer en conflit avec celles de quelqu'un
d’autre.

– Pourquoi tires-tu la tête ? Tu cherches vraiment à
jouer les rabat-joie !

– Cette femme est stupide d’éclater de rire toutes les
trois minutes sous le prétexte des blagues débiles de
Maurice !

– Son optimisme béat me sort par les yeux ! Il ne se
rend vraiment pas compte de la difficulté des choses
ou bien il fait semblant ?

Malentendus, incompréhension, problèmes de
« longueurs d’ondes » – la communication se casse :

– J’ai le droit d’être morose avec tout ce qui arrive !
De quoi te mêles-tu ?

– Ah, si tu avais ne serait-ce qu’une petite once de
sens de l’humour...

– Tu sais, ce n’est pas en étant obsédé par les
problèmes que tu vas les résoudre. Allez, redresse la
tête et vas-y avec élan, au lieu de te laisser ronger par
ton sempiternel pessimisme !

Aimer-apprécier ou ne pas aimer-apprécier – la tête
que « tire » l’autre, ou l’humour facile d’Unetelle, ou
l’optimisme « béat » de tel autre... Ou la réflexion de
quelqu'un, ou le ton que l’on prend pour parler, ou le
fait que l’on laisse une épluchure de mandarine dans
mon bureau, ou le déplacement de mon clavier par
un collaborateur, ou le retard avec lequel l’autre se
permet d’arriver au rendez-vous fixé...

Aimer-apprécier / ne pas aimer-apprécier est donc
la grande clé des émotions. En tant qu’être humain,
on ne peut échapper au fait de ressentir des émotions,
mais on a le pouvoir de choisir ce qu’on est disposé à
aimer-apprécier et ce qu’on ne veut pas aimer-
apprécier. La solution aux difficultés dans le domaine
des émotions peut résider là : évidemment pas
devenir un robot sans émotions, mais se rendre
lucidement maître d’aimer-apprécier / ne pas aimer-
apprécier.

Cela peut se révéler plus qu’utile, car les émotions
négatives, on le sait bien, sont pernicieuses aussi bien
pour la personne qui les ressent que pour son
environnement humain et pour l’efficacité de la tâche
commune. Qui ne s’est pas, un jour, surpris à ne pas

avoir envie d’aller travailler parce que, hier, il y a eu
une prise de bec avec un collègue ? Se forcer à y aller
tout de même est très usant en énergie, car s’y ajoute
toute l’incertitude quant à l’attitude à avoir et quant à
l’attitude qu’aura « l’adversaire ». Revoici encore la
mécanique du « ne pas aimer » :

• Ne pas aimer ce qui s’est passé hier

• Ne pas aimer celui avec qui cela s’est passé

• Ne pas aimer ce que l’on redoute de vivre
encore aujourd'hui.

Nombre de gens consultent le thérapeute pour lui
expliquer par le menu toutes les abondantes
difficultés qu’ils ressentent pour se résoudre à se
rendre à leur lieu de travail, jour après jour, parce que :

– L’ambiance y est si pourrie à cause de l’attitude de
Untel. Je n’en peux plus. Ah, si j’osais, je me ferais
porter malade, ne serait-ce que pour gagner quelques
jours sans voir sa tête !

Comme nous l’avons vu, un certain absentéisme
(justifié ou non) dans l’entreprise a bien pour cause les
problèmes liés aux différents aspects des territoires et
les émotions pénibles et difficiles à gérer que cela
entraîne. Alors que les émotions positives, elles,
soulèvent, sont portantes. L’enthousiasme, le
sentiment de valeur personnelle, l’envie de coopérer,
etc., voilà des atouts considérables pour aller de

l’avant, aussi bien pour soi-même que pour l’œuvre à
réaliser en collaboration. Dans ces émotions positives,
il y a une considérable énergie mise – facilement, avec
élan et plaisir – au service de l’action commune. Voilà
de quoi faire avancer ce bateau qu’est l’entreprise.

Quels seraient les leviers, les moyens, pour réduire
ou même éliminer les freinantes émotions négatives
et stimuler, voire créer, les dynamisantes émotions
positives ? C’est ce que nous verrons plus loin, dans la
Deuxième Partie qui est consacrée aux remèdes…

Toujours le Moi, l’Ego…

L’ego est la quintessence, la marque intime de tous
les aspects que prennent les problèmes humains dans
l’entreprise (et ailleurs). Les blessures reçues à l'ego se
pardonnent difficilement.

Voici à présent ce qui apparaît être la clé, le
dénominateur commun, des difficultés que l’on peut
rencontrer dans le milieu professionnel et relevant de
ces notions de territoires. De cette clé qui court en
filigrane dans tout ce qui précède, vont, très
logiquement, découler les solutions à ces problèmes.

Aujourd’hui, en cette aube du XXIe siècle et dans
notre Occident, les réflexes de survie élémentaires ont
probablement toujours leur part dans l’instinct
territorial de cet animal qu’est aussi l’homme. Mais ils
n’en sont certainement pas l’assise ultime. Certes, le
« struggle for life » et la « loi de la jungle » sont
toujours peu ou prou d’actualité mais, dans le
contexte de l’entreprise, ils n’apparaissent pas comme
l’explication majeure des réactions territoriales et des
difficultés relationnelles.

En fait, en creusant sous les apparences, on
achoppe sur ceci : le fin mot qui synthétise presque
tout ce qui se rapporte au besoin de territoires est ego.
Nous sommes là, semble-t-il, dans la quintessence

même de pratiquement tous les aspects de ce qui est
nommé « territoires » depuis le début de cet exposé.

Nous avons amplement constaté que les
problématiques de territoires sont des
problématiques d’individus et de relations entre eux.
Les individus sont divers – plus ou moins efficaces,
plus ou moins armés, plus ou moins tolérants, plus ou
moins équilibrés, plus ou moins forts, plus ou moins
confiants en eux-mêmes et en la vie...

L’homo professionalis est un Moi, un ego qui pose
ses empreintes sur le maximum d’éléments autour de
lui, voire qui pousse ses extensions aussi loin, aussi
intensément et aussi largement qu’il lui est possible :
tous azimuts, dans toutes les directions de
l’expérience humaine, voilà qui lui est juste suffisant.
En dernière analyse, les territoires sont les marques de
l’extension du Moi, ce Moi que l’homme ne peut
décidément pas cantonner dans des limites étroites.

Nous l’avons vu, l’homo professionalis (comme
l’homme tout court) est un homo symbolicus. Pour
transcender les limites de la faible portion d’espace et
de temps que l’être humain occupe physiquement et
temporellement, il se sert de tout ce qui est utilisable
comme marqueurs de son Moi. Résumons-les
rapidement :

• Son corps et éventuellement le corps d’autrui

• Sa propre énergie et éventuellement l’énergie
d’autrui

• L’espace qui l’entoure

• Le temps, le sien et éventuellement celui
d’autrui

• Les objets inanimés – des possessions

• Les « objets » animés – des possessions

• Des contrôles que l’on veut/peut exercer
• Des convictions et croyances que l'on porte

en soi

• Son identité, son image de soi, le sentiment
de sa valeur personnelle

• Son autorité

• Son action et les résultats de celle-ci

• Ses connaissances et autres bagages, ses
savoir-faire, ses idées

• Sa parole

• Ses prérogatives, ce qui lui revient « de droit »,
ses privilèges et permissions

• Ses secrets
• Son argent

• Ce qui lui « est dû »

• Ses sentiments, ses émotions, ses sensations

• Son pouvoir, ses pouvoirs spécialisés

• Sa liberté
• Ses priorités
• Ses fuites
• Ses alliances...
Ce constat amène à la conséquence suivante :

• La plus grande part des « agressions »
territoriales sont des tentatives d’extension de
l’ego de l’« agresseur »

• La plupart des blessures de territoires sont
blessures d’ego

• La plupart des revendications de territoires
sont revendications d’ego.

À partir de là peuvent se décliner les « remèdes »
relevant de plusieurs approches « thérapeutiques ».
C’est ce que nous verrons bientôt. Mais auparavant,
abordons encore un concept important pour chacun :
le territoire de sa liberté.

Et la liberté ?

La pleine et entière liberté est inaccessible lorsque
l’on doit œuvrer en commun. Se préserver tout de
même un territoire de la liberté, c’est s’attacher aux
solutions – et non aux problèmes.

Ce territoire-là, c’est un fourre-tout : on y trouve des
tas de choses – chacun selon ses goûts. On y trouve
aussi les autres territoires.

Un de nos jeunes et meilleurs comédiens français a
fait le commentaire suivant :

– Un collègue me dit : « Je te signale que lundi ça
fera cinq jours que ma femme a accouché et tu n’es
toujours pas allé voir mon bébé à l’hôpital. » Pourquoi
faut-il que j’aie mauvaise conscience si je lui dis :
« Écoute, ne le prend pas mal mais je m’en fiche, ton
fils ne m’intéresse pas pour l’instant ! Quand il aura
quatre ans et qu’il parlera, je serais content de le voir
mais là, je ne peux pas partager ton truc ! »

Il ajoute :

– La liberté ce serait d’oser dire : « Écoute, à propos
du dîner de ce soir entre collègues, je sais bien que tu
vas râler, mais je n’ai pas envie de venir. Aussi, je ne
viens pas. On se verra demain. » Au lieu de devoir
trouver un prétexte du genre : « Écoute, j’ai un gros

problème : mon chat est passé sur le balcon d’en face
et il s’est battu avec le siamois de la voisine. Alors, il
faut que j’aille chez le vétérinaire. Aussi, je ne peux pas
venir ce soir. »

Ainsi, dans le territoire de la liberté, on pourrait
avoir envie de dire et de faire ce que l’on souhaite, en
toute spontanéité, comme cela vient, en étant « soi-
même ».

L’ennui, c’est que nul ne peut pleinement savoir ce
que c’est que d’être « soi-même » – d’autant plus que
« soi-même » change selon les interlocuteurs, les
moments, l’humeur, le vécu et les aventures
existentielles. Le territoire de la liberté d’être soi-même
pourrait donc bien être une abstraction, quelque
chose d’à la fois inqualifiable, inquantifiable et
mouvant. Alors, le territoire de la liberté, ce pourrait
être ceci ? :

• La liberté de fumer dans le bureau de Virginie
– juste parce que j’ai envie d’une cigarette
maintenant, là, tout de suite (et peu importe
qu'elle soit allergique à la fumée de tabac)

• La liberté de bavarder avec Leroy – peu
importe ce qu’il a à faire

• La liberté d’appeler Geneviève « ma grosse »
– parce que je le pense gentiment

• La liberté de traiter la fille-à-la-micro-jupe de
prostituée – juste parce que je trouve sa mise
immorale

• La liberté de dire à Pierrot ce qu’il devrait
manger et ne pas manger – juste parce que
je sais mieux que lui ce qui est bon pour lui

• La liberté de me faire porter malade – juste
parce que je suis contrarié d’avoir dû subir des
reproches à cause de cette erreur que j’ai
commise avant-hier

• La liberté de couper la parole à Franck en
réunion – de toutes façons, il n’a jamais rien
d’intéressant à dire !

• La liberté de me servir de la machine de
François parce que la mienne « accroche » en
ce moment

• La liberté de raconter à chacun que Pervier
gagne seulement x francs par an – parce qu’il
n’y a pas de raison d’en faire un mystère

• La liberté de...

Liberté, c’est là un concept quasi sacré dans tout
pays démocratique. Tout de même, même dans un
pays démocratique, il y a mille et plus de choses qu’on
n’a pas la liberté de faire : agresser autrui de quelque
manière, l’insulter, le voler, lui nuire. En d’autres

termes, la liberté, dans un pays libre, est restreinte à
cela :

• Ma liberté s’arrête là où commence celle
d’autrui et les impératifs légaux.

Comme il est impossible de délimiter avec précision
cette notion de « lieu » où s’arrête et commence la
liberté, on pourrait paraphraser cela de cette
manière :

• Ma liberté s’arrête là où commence la
souffrance que j'inflige à autrui.

Dans l’entreprise, on vit ensemble, on œuvre
ensemble, on est dans une communauté où chacun a
droit à une place, a des prérogatives et des devoirs, a
des pans d’autonomie, de pouvoir, d’espace... Si
chacun s’accordait toute latitude d’action et de
réaction en fonction de son humeur du moment ou
d’une idée idéale de liberté, ce serait rapidement le
capharnaüm. Les règles sociales et hiérarchiques, les
différences de « pesanteur » des personnalités en
présence, les importances respectives des rôles de
chacun, voilà qui tend, en général, à réguler les
choses de manière à rogner quelques griffes trop
acérées ou à limer quelques crocs trop avides de
croquer des morceaux de territoires supplémentaires.
Toutefois, cette régulation-là se fait sous le poids de la
contrainte et pas forcément du librement consenti :

nous revoilà dans la problématique du territoire de la
liberté.

Si nous nous souvenons maintenant de ces notions
que sont l’utile et l’agréable, l’art et la manière, peut-
être est-il alors possible d’harmoniser sans
contraindre, de cohabiter sans blessures, de coopérer
sans douleur ? Une fois compris que le territoire de la
liberté est fait de restrictions librement et
consciemment acceptées de sa propre liberté, il
pourrait devenir facile de déplacer le regard du faux-
problème (vouloir étendre un illusoire territoire de
liberté) pour le poser en un lieu utile : celui des
solutions.

Alors, abordons-le maintenant, ce domaine des
solutions, pour le bénéfice de l’accroissement du bien-
être et de l’équilibre, voire du plaisir à œuvrer avec
d’autres – dans ces territoires imbriqués les uns dans
les autres au sein de ce bateau qu’est l’entreprise...

Deuxième Partie : Les Remèdes

Comment conclure un pacte

« Guérir » les difficultés territoriales est une
nécessité pour préserver l’équilibre de chacun dans
l’entreprise. Un conflit présuppose au moins deux
parties opposées. Nommons l’une d’entre elle
l’« agresseur » et voyons comment il peut
réharmoniser les choses.

Nous l’avons bien vu : les humains qui, dans leur
travail, souffrent de problèmes d'ego, de difficultés
liées aux territoires, voient leur motivation
démobilisée, leur vitalité grignotée et leur efficacité
s’effilocher. Leur qualité de vie sur le plan
professionnel en pâtit et souvent, même, leur qualité
de vie privée en souffre par rebond. Les difficultés de
territoire peuvent donc ronger une énergie
considérable. Cela s’opère au détriment de la
constructivité et de l’avancement de ce « bateau »
qu’est l’entreprise et du bien-être de ses occupants.

Alors, y a-t-il des remèdes et, si oui, de quels ordres
sont-ils ?

Oui, il y a des remèdes. On peut les envisager au
niveau de la guérison et aussi de la prévention. En
parlant de guérison : n’oublions pas que, dans un
conflit territorial, il y a deux parties prenantes :

• À certains moments, c’est vous qui avez été
blessé et qu’il faut guérir

• À d’autres moments, c’est à vous de
contribuer à guérir l’autre de l’impact de vos
paroles ou/et actes parfois... envahissants.

Nous allons maintenant aborder ces deux façons
de voir la guérison. Ensuite, nous découvrirons
comment prévenir, puisque, on le sait bien : prévenir
vaut mieux que guérir.

Lorsque le vilain virus des problèmes de territoire
grippe des relations humaines dans l’entreprise, il est
grand temps de penser à le combattre et à rétablir la
bonne santé générale. Cela est presque toujours
possible : à 90% dirais-je. Les 10% restants, rien n’étant
parfait sur cette Terre, sont liés aux raideurs
psychologiques difficilement réductibles de certains –
ceux, en particulier, qui sont incapables de se remettre
en question, qui ont toujours « tout juste » (de leur
point de vue en tous cas), ceux avec lesquels le
dialogue est quasi impossible. Toutefois, même avec
ceux-là, des améliorations peuvent intervenir (à
défaut de guérison des problèmes) grâce à
l’application des remèdes que je vais vous décrire (et,
en tous cas, s’être soi-même construit un ego fort est
la solution absolue face à ce genre de personnage).

Les expressions populaires me manquent pour
évoquer les problèmes interhumains :

• J’ai commis un impair : tu m’en veux

• Tu as outrepassé une limite : je te réserve un
chien de ma chienne, je te rendrai la monnaie
de ta pièce, je te revaudrai ça, tu me le
payeras !

Oh, mais voilà qui assombrit la perspective d’avenir
des contacts entre toi et moi, moi et toi, n’est-ce pas ?
Et une telle ombre sur la suite des événements augure
mal à la fois de la nature des relations entre nous et
de la cohérence-efficacité du travail à réaliser de
concert. Sans même parler du mauvais côté où
penchera inévitablement le plateau de la balance
plaisir/déplaisir, si importante pour la qualité de la vie
professionnelle et pour la coopération... Et pourtant,
nous sommes tous deux sur le même bateau et il est
inévitable que nous ayons à travailler ensemble...

Ainsi, dans les difficultés de territoire, il y a
l’agresseur et l’agressé, l’attaquant et la victime. Bien
qu’un distinguo aussi tout blanc / tout noir soit
artificiel, il est tout de même commode pour aborder
les solutions en nous permettant leur mise en
catégorie et, partant, leur clarté. Dans le chapitre
suivant, nous verrons comment dépasser le piège,

sans dommages pour votre ego, lorsque vous êtes la
« victime ».

Mais tout d’abord, voyons comment guérir l’ego de
l’autre lorsque...

Vous êtes l’« agresseur »

Un proverbe allemand dit : « Le plus intelligent
cède. »

Il est parfois bien difficile d’admettre que l’on a agi
de travers, que l’on s’est montré maladroit,
désagréable, envahissant, que l’on a ainsi marché sur
les plates-bandes de quelqu'un d’autre. Mais tout de
même, tous les signes sont là de l’empiétement d’un
territoire par vous : l’autre vous en veut, est en colère
contre vous, vous a manifesté une acrimonie verbale
ou s’est montré possessif, défensif à l’égard de vos
paroles ou de vos actes.

La preuve est ainsi faite que vous avez sans doute
perdu de vue les frontières entre les notions de « ce
qui est à moi », « ce qui est à toi », « ce qui est à nous ».
Il n’est alors pas interdit de tirer les conséquences de
cette prise de conscience et de réfléchir aux solutions.
Bien sûr, il reste possible de camper obstinément sur
ses propres positions, voire d’aggraver les choses. Ce
peut être un choix, à chacun de voir. Toutefois, la suite
de cet exposé visera plutôt à vous montrer comment

on peut privilégier la paix et l’équilibre relationnel au

bénéfice de la qualité de la vie en commun dans

l’entreprise. Il y a un prix à payer toutefois :

l’acceptation de l’idée que l’on n’est pas parfait et que

l’on a pu se tromper ou agir maladroitement,

malencontreusement. C’est un prix facile à assumer

pour qui a un ego fort et bien structuré – plus difficile

à acquitter lorsqu’on se sent déchoir à admettre avoir

fait erreur...

Tout le monde a droit à l’erreur – vous aussi.

L’erreur est humaine – vous aussi. Vous savez, par

expérience, que les blessures à l’ego liées aux

empiéteurs-dans-vos-territoires vous sont

désagréables et peuvent même, parfois, faire

franchement mal : il y a de ces jours où on se sent plus

fragile, plus vulnérable que d’autres. États infectieux
passagers, fluctuations hormonales, moments

d’inquiétude pour un proche, « baisse de pression »,

questions se posant dans la vie privée... Il y a nombre
de raisons possibles dans la vie de chacun pour que

l’on ne soit pas toujours au top-niveau.

Il peut ainsi se produire que si vous, par maladresse

ou distraction, vous alliez trop loin dans le territoire

d’autrui, vous en veniez à le blesser profondément.

Dans ce cas, vos rapports ultérieurs s’en trouveront
entachés : addition inévitable pour ce que l’autre a

perçu comme un manque d’égard ou de respect

envers lui. Vous avez donc bien des choses à perdre
en renoncant à soigner les blessures à l'ego que vous
avez infligées à l'autre. En d’autres termes, vous avez
tout intérêt – vous voyez qu’ici altruisme et égoïsme
se servent des mêmes moyens pour aboutir à leur
finalité propre – à « panser » ces plaies que vous avez
provoquées. En voici donc les moyens.

Savoir s’excuser

• Vous êtes en retard. Vous avez ainsi empiété
sur le territoire du temps de votre vis-à-vis.
Celui-ci pense que vous exagérez, que vous
n’avez pas de considération pour lui ou pour
son emploi du temps. Il est mécontent et il y a
tout lieu de penser que la qualité de
l’entretien en souffrira...

• Vous avez mis une idée en avant lors de la
dernière réunion. Or, cette idée appartient à
un de vos collègues et, ne le citant pas, vous
avez empiété sur son territoire des idées. Il
vous fait la tête, l’ambiance est grise...

• Vous avez oublié que votre compagnon de
bureau sort à peine d’une bronchite
carabinée. Vous avez laissé la porte grande
ouverte et votre collègue dans les courants
d’air. Énervé, il vous a crié : « La porte ! ». Vous

avez empiété sur son territoire du corps.
Fragilisé par son récent problème de santé, il
rumine votre manque d’égards et il vous en
veut...

• Vous avez donné un ordre d’une voix trop
sèche à votre collaborateur. Vous vous êtes
aperçu du coin de l’œil qu’il se hérissait. « Mais
pour qui me prend-il pour me parler ainsi !
Pour un chien ? » a-t-il pensé. Vous avez
empiété sur son territoire de l’ego. Peut-être
obtempérera-t-il, mais avec quelle mauvaise
grâce ou, pire, mauvaise volonté...

Sans doute n’est-il là nul besoin d’allonger cette liste
d’exemples. Il y a nombre de blessures de territoire qui
sont guérissables avec cette simple chose : une excuse
clairement formulée.

– Veuillez excuser mon retard. Je n’ai pas pu arriver
plus vite.

– Oh la la, mon pauvre Durand, quand je pense que
tu sors à peine de cette bronchite et que je te fais
risquer la rechute ! Excuse-moi d’avoir laissé la porte
ouverte.

– Dupond, je suis préoccupé par le retard que nous
avons pris dans ce projet. Ne vous offusquez pas de
mon côté un peu emporté.

Mettez-vous un instant à la place de Durand, puis
de Dupond, et demandez-vous si l’avanie encaissée
laissera vraiment des traces en eux après ces paroles.
Il faudrait qu’ils soient bien mauvais coucheur pour
cela, n’est-ce pas ?

Eh oui, l’excuse a un presque miraculeux pouvoir
d’apaisement des conflits naissants. Et pas seulement
naissants !... Car même s’il peut être plus difficile de se
résoudre à s’excuser lorsque des « mots » ont déjà été
échangés, cela reste tout de même une des voies
royales d’armistice. De toutes façons, l’excuse
« n’écorche pas la bouche » de celui qui a un ego fort,
bien structuré et une saine confiance en soi. Voyez ce
dialogue :

– La porte ! crie Durand

– Oh, pourquoi prends-tu toujours la mouche pour
tout et n’importe quoi ! Une porte ouverte, c’est un
crime de lèse-Durand !

– Tu es bien fidèle à toi-même ! Manque d’égard et
je-m’en-fichisme pour tous les autres ! On peut mourir
la bouche ouverte, ce n’est vraiment pas ton
problème !

– Pour un mourant, tu as la langue bien pendue et
le ton bien agressif !

– Peut-être que comme cela, il y a une chance pour
que le message entre dans ton cerveau obtus !...

Vraiment difficile de s’excuser à ce stade-là, non ?

Non. Il suffit pourtant que l’interlocuteur de Durand
prenne conscience que voilà bien du bruit pour pas
grand-chose et qu’envenimer davantage la situation
n’a aucun intérêt. Que pourrait-il dire alors ? Par
exemple ceci :

– Ok ! Ça y est, c’est rentré ! Je viens seulement de
me souvenir que tu crachais tes poumons il y a encore
deux jours. C’est vrai, j’aurais dû la fermer, cette porte
– on a encore besoin de toi vivant, ici. Excuse-moi : j’y
penserai la prochaine fois. On fait la paix ?...

D’accord : si Durand est une brute – ou un ego
minable – il peut renforcer son (prétendu) avantage :

– La paix ? Puisque tu le demandes, je veux bien.
Mais que cela te serve de leçon. Tu devrais davantage
(ceci), et puis aussi (cela)...

Mais même dans ce cas (pas si fréquent que cela,
d’ailleurs : la plupart des gens sont si étonnés de
recevoir des excuses que l’effet de ces dernières est, je
le répète, le plus souvent miraculeux), c’est encore
l’interlocuteur qui aura gagné. Il aura montré la
preuve de la bonne qualité de son ego, de sa maîtrise
de la situation, de sa capacité à s’adapter et à corriger
le tir – là où Durand n’aura démontré qu’une certaine
médiocrité.

Voici un petit exercice très salutaire pour chacun :
au(x) prochain(s) conflit(s), ayez le réflexe de prendre
un peu de recul et de trouver le moyen de placer une
excuse. Il y a toujours un moyen d’y parvenir de façon
saine et intelligente, surtout si l’on tient compte du fait
que l’on ne peut guère considérer que l’on est soi-
même tout blanc et l’autre tout noir.

Cet exercice vise à la fois à vous entraîner et à vous
prouver le remarquable pouvoir de l’excuse.

Savoir s’expliquer

Imaginons ensemble la situation suivante :

– Daniel, je ne comprends pas pourquoi tu
t’obstines à dénigrer mon service. C’est encore un de
ceux qui marchent le mieux dans la boîte ! affirme
Jacques.

Manifestement, Jacques se sent atteint dans son
territoire du dû et probablement aussi celui de l’ego.
Il réagit avec amertume et de façon défensive contre
Daniel. Ce dernier est donc l’« agresseur ».

Que peut faire alors Daniel. Il peut envenimer la
situation (« Un de ceux qui marchent le mieux ? C’est
toi qui le dis ! ») ou la laisser en plan (« Bof, ce n’est pas
si grave que cela. Tu ne devrais pas attacher tant
d’importance à des mots qui entrent dans une oreille

pour ressortir aussitôt de l’autre. »). Dans ces deux cas,
la blessure de territoire reste vivace. Mais il peut aussi
s’expliquer. Par exemple : « Tu sais, Jacques, j’ai dit
cela, parce que, à ce moment-là, je n’avais pas encore
tous les éléments ! Maintenant que j’en dispose, je me
rends compte que ma façon de voir était erronée... »

Savoir s’expliquer c’est, de manière curative,
souvent apaiser les choses après le conflit. Mais, savoir
s’expliquer, ce n’est pas argumenter en vain de la
manière suivante :

– J’ai dit (ceci) !

– Ce n’est pas vrai : tu as dit (cela) !

– Mais tu n’as rien compris ! Si tu avais écouté
correctement, tu aurais bien saisi ce que je voulais te
dire (ceci) ! » Etc.

Non. Savoir s’expliquer commence par le fait de se
dire que, si on a été mal compris ou si l’on a obtenu
une réaction négative inattendue, c’est parce ce que
l’on n’a pas (pas encore) bien fait passer le message.
C’est même là un des principes de base de la meilleure
communication interpersonnelle 1 . À partir du
problème, la question féconde à se poser est la
suivante : comment, moi, vais-je réagir à présent pour

1 Pour devenir un maître dans la communication
interpersonnelle : lisez mon livre Communiquer avec les
autres, c'est facile ! (éd. de L'Homme).

faire bien comprendre ce que je voulais vraiment
communiquer, ce que je pensais vraiment, ce que je
faisais vraiment ? J’ai droit à l’erreur, certes, mais ai-je
le droit de m’y enferrer, de continuer à la cultiver ? Si
je suis l’« agresseur » empiétant sur le territoire
d’autrui – et que je ne désire pas (ou n'ai pas intérêt à
cela) entrer dans la « guerre » s’ensuivant
logiquement – je peux reconnaître que j’ai été
maladroit dans mes paroles ou dans mes actes.

Ainsi, s’expliquer présuppose que davantage de
clarté soit utile pour parvenir à un accord ou au moins
à un modus vivendi acceptable.

On reste trop souvent sur un malentendu qui obère
la suite des événements. Mais savoir s’expliquer, c’est
aussi se faire comprendre, communiquer, dialoguer.
Savoir s’expliquer, c’est aussi accepter de le faire, c’est
ne pas camper avec rigidité sur ses positions en
considérant que l’autre aurait dû comprendre. Or, il
faut bien le dire, la télépathie n’est pas d’usage si
courant : l’autre n’a donc pas nécessairement à être
branché sur mes pensées profondes, mes desiderata,
mes exigences et mes propres concepts territoriaux.
Pas plus qu’il n’est supposé lire en moi mes
motivations, mes distractions, mes maladresses ou
mes oublis.

S’expliquer, c’est réparer la relation ; et la réparer,
c’est la remettre en bon état de fonctionnement.

Est-ce difficile, est-ce facile ? Cela dépend de
chacun. Cela dépend surtout de ce que l’on a pour
objectif, ce que l’on veut privilégier :

• Ne surtout pas « déchoir », donc camper sur
ses positions

• « Enfoncer » l’autre – délibérément et en
toute lucidité

• Laisser le temps faire le travail de
« réparation »

• Revenir vite et bien à une atmosphère
positive et constructive – et restaurer ainsi le
potentiel de plaisir pour ces futures
nombreuses heures de la vie à devoir
travailler ensemble...

Souvenons-nous de Josiane et de la directrice
d’école que nous avons rencontrées dans le chapitre
sur le territoire spatial. Si Josiane, au lieu de se
renfrogner (après tout, la réaction même de la
directrice aurait pu lui faire comprendre qu’il y avait là
un problème de territoire), s’était expliquée : « Je suis
venue en avance ce premier jour parce que je ne
connaissais pas encore les lieux. Je vais attendre
tranquillement l’heure de l’ouverture. » ; et avait
éventuellement ajouté (savoir s’excuser) : « Excusez-
moi de vous avoir dérangée si tôt. » – croyez-vous que
la directrice l’aurait encore laissée dehors ? Sans doute
non. À moins que, étant encore en petite tenue, elle

ait répondu (savoir s’expliquer) : « Attendez, je
m’habille en vitesse et je descends vous ouvrir dès que
c’est fait. » Et voilà économisés les désagréments de
quelques semaines de cohabitation professionnelle
tendue entre les deux femmes : beaucoup d’énergie
nerveuse et de déplaisir.

Souvenons-nous encore de Jean-Paul, dans le
même chapitre, rabroué pour avoir laissé ses
épluchures de mandarine dans le bureau de Marie et
qui réplique alors en dévalorisant sa collègue. Pour lui,
savoir s’expliquer eût, par exemple, été : « Oh, Marie,
j’ai laissé ces pelures-là parce que je sais que la femme
de ménage les enlèvera ce soir. Je ne voulais pas
t’encombrer ni te laisser mes déchets. Désolé. »

Est-ce vraiment si difficile ? Ou si nuisible à son
propre ego ?

Pour conclure sur savoir s’expliquer, ajoutons
encore quelques considérations sur deux petits mots
qui peuvent avoir un pouvoir quasi magique : « parce
que ».

Ce qui est écrit ou dit après « parce que » donne
une crédibilité à ce qui est écrit ou dit avant lui. « J’ai
déplacé ton clavier parce que je ne savais vraiment
pas où poser tous ces documents avant de partir.
J’espère que cela ira comme ça ? » L’explication rend
ainsi plus légitime l’envahissement du bureau du

possesseur du lieu, y donne une finalité positive et
mentionne une issue satisfaisante à l’invasion de
paperasses.

S’expliquer n’a pas le même sens que se justifier. Ce
deuxième verbe peut sous-entendre que l’on se sent
pris en faute, alors que le premier signifie que l’on veut
rendre nos actes et nos paroles intelligibles à autrui.
C’est là un acte de communication. Je crois que nos
frères humains sont tout à fait dignes de recevoir des
explications lorsque nos actes deviennent
contraignants à leur égard. Non ?

Dire son respect de l’autre

À la phrase précédente, j’ajouterai volontiers que
nos frères humains sont dignes de respect, tout
autant que nous-mêmes. Mais peut-être y a-t-il des
gens moins « respectables » que d’autres ? Toutefois,
apposer ce genre d’étiquette à un collaborateur n’est
pas la meilleure façon d’amener une collaboration
positive, une coopération féconde, de faire avancer le
« schmilblick ». C’est, par contre, une excellente façon
pour fausser les rapports, développer des difficultés,
créer des incompréhensions et des conflits.

De surcroît, considérer qu’un collègue n’est pas
digne de respect, incline nécessairement, dans le non-

dit1 au moins, à des attitudes et réactions trahissant
cette conviction. L’autre percevant alors ce
sentiment : adieu le dialogue, adieu la relation, adieu
les fertiles aboutissements en commun.

Si l’on trouve que telle personne est antipathique –
« Ça ne se commande pas, n’est-ce pas ? » – et qu'il
faut néanmoins travailler avec elle, il peut être utile de
chercher délibérément ce pour quoi on peut tout de
même lui trouver des qualités. Il ne s’agit pas de lui
faire des concessions (encore que : pourquoi pas ? –
ce serait la marque d'un ego fort !) mais bien d’agir et
de réagir de la meilleure façon, à la fois pour :

• Sa propre paix
• L’économie de sa propre énergie nerveuse
• Une meilleure efficacité
• La préservation de l’ambiance

professionnelle.

1 Le non-dit est tout ce qui, dans la communication, ne
relève pas du sens des mots prononcés, de leur
signification. Le non-dit, ce sont les expressions faciales, les
attitudes, les gestes et comportements corporels. Le non-
dit représente 70% de ce qui est émis dans la
communication interpersonnelle, le dit en représentant
seulement 30%. C'est dire l'importance du non-dit – que
l'on nomme aussi le non-verbal.

• Et cela au service des objectifs à atteindre le
plus facilement et le moins désagréablement
possible.

Ce préambule, pour souligner que nous sommes
tous extrêmement sensibles aux manques de respect
envers nous : tous, nous aspirons à ce qu’on nous
respecte. Nous montrer de l’irrespect équivaut à
empiéter gravement sur notre ego. Et tous, peu ou
prou, nous apprécions les marques de respect à notre
encontre.

Mariette est préposée au nettoyage des bureaux.
Elle est dans l’entreprise entre dix-sept heures et dix-
neuf heures trente et il advient souvent que des
employés s’activent encore lorsqu’elle arrive. Un jour,
un des chefs de service lui claque la porte d’un bureau
au nez et Mariette interprète cela comme la
manifestation du dédain absolu que cet homme lui
porterait. Cette histoire est sans paroles : l’homme
n’avait absolument pas pris conscience de la présence
de Mariette, absorbé qu’il était par une question à
solutionner. Mariette s’est tue et rumine le problème,
se sent méprisée et tire une tête longue d’une aune à
chaque fois qu’elle doit aller travailler. Son moral se
dégrade, elle en devient insomniaque et,
nerveusement épuisée, finit par se faire porter
malade, entrant ainsi dans son territoire de fuite.

Dans ce cas, l’« agresseur » n’a jamais su le fin mot
de l’histoire et n’aurait donc pas pu réparer. Mais s’il
avait connu les événements, il aurait pu facilement
arranger les choses : quelques mots agréables, une
manifestation délibérée de respect, auraient sans
doute résolu le problème.

Il peut toutefois se produire que celui qui manque
de respect à quelqu'un, ou contrevient à une règle
admise de respect d’autrui et est pris en faute, peut se
sentir acculé dans son territoire de la culpabilité. Il
risque alors de tomber dans le piège suivant : je te
manque de respect / je m’en rends compte / je t’en
veux, à toi. Souvenons-nous de Charlie-le-fumeur, pris
en défaut d’une élémentaire courtoisie et qui,
verbalement, agresse alors injustement Nathalie-
l'allergique.

Mais si on se souvient qu’il est très simple de réparer
les blessures liées au non-respect, il n’y a plus de
raisons pour que les difficultés s’éternisent.

Comment exprimer son respect à l’autre ? Cela peut
se faire par le dit aussi bien que par le non-dit :

• Lui tenir une porte, s’effacer pour le laisser
passer

• Lui faire un compliment (mérité)

• Utiliser des phrases comme :

– Je sais que ton temps est précieux.

– Je respecte ton travail qui...

– Tes goûts en matière de... sont tout à fait
respectables.

– Ne m’en veuillez pas si, par maladresse, j’ai
manqué d’égards envers vous.

– Etc...

Savoir faire preuve d’humour

Humour ne veut pas dire ironie ou taquinerie : il ne
s’agit pas d’aggraver les choses !

Vous êtes donc l’« agresseur », vous avez empiété
sur un territoire d’autrui, vous vous en rendez compte
et vous n’avez pas envie « d’en rajouter ». L’humour
est une solution envisageable, car il dédramatise. Il
peut éventuellement « recadrer » et, en tous cas, il
allège l’atmosphère. Bien sûr, il est parfois à manier
avec précautions parce que tout le monde n’a pas cet
atout inestimable qu’est le sens de l’humour.

Jean-Marc et Annie sont associés. Ils ont pris un
restaurant en commun et ils se partagent les tâches :
le restaurant est ouvert de sept heures du matin à
minuit, de l’heure du petit déjeuner à l’heure du
souper. Annie s’occupe de la gestion, de l’argent et de
la tranche horaire comprise entre sept heures et
quinze heures ; Jean-Marc prend le relais ensuite et
fait la fermeture, le soir. Jean-Marc est efficace, précis,

charmeur avec la clientèle et insupportable envers les
employés et Annie. De plus, il ne veut rien savoir des
problèmes d’argent – lorsqu’Annie lui parle de
difficultés à payer certaines factures, il advient que
Jean-Marc entre dans une colère noire et hurle qu’il
n’en a « Rien à faire ! C’est ton boulot, débrouilles-
toi ! », puis parte en claquant la porte. Qui, de Jean-
Marc ou d’Annie est l’« agresseur » ? L’autre, du point
de vue de chacun d’entre eux.

Lorsque Jean-Marc laisse ainsi exploser son
irritation, il empiète au moins sur l'ego et sur les
territoires du j’ai raison/tu as tort ! et du confort/plaisir
de Annie. Lorsque Annie « ennuie » Jean-Marc avec
les problèmes financiers, elle empiète sur les territoires
du confort/plaisir, de l’autonomie/responsabilités et
de la liberté de Jean-Marc.

Que faire ? Si chacun de ces deux-là pouvait
accepter l’idée qu’il est, en effet, d’une certaine façon
l’« agresseur », il pourrait, au bénéfice de l’entreprise
commune, faire preuve d’humour dans ses échanges
avec le partenaire. Par exemple :

Jean-Marc :

– Je sais que je suis un ours, et mal léché encore !
Où est la cage la plus proche ? Où est l’anneau à me
mettre dans le nez ?

Et, ajoutant le geste à la parole, il pourrait peut-être
se mettre à se dandiner lourdement d’un pied sur
l’autre, comme un ours qui danse.

Annie :

– Cher Jean-Marc, pardon pour ce harcèlement
chiffré, mais je suis possédée par le grand démon gris !
Aie pitié de moi, pauvre calculatrice !

Savoir se relaxer, se déstresser

Lorsqu’on a empiété sur un territoire appartenant à
quelqu'un d’autre, des tensions en ont été la
conséquence : tensions pour soi, tensions pour
l’autre. Quelques mots ont fusé, quelques regards en
forme d’éclairs ont été échangés, le ton a monté,
l’ambiance est devenue « électrique ». Par exemple :

– Tu n’as pas à me donner d’ordres !! Je sais ce que
j’ai à faire !

Vous venez d’empiéter sur le territoire du pouvoir
de votre vis-à-vis. Vous vous êtes hérissé à cette
phrase, rejetant votre innocente (?) proposition et
vous avez laissé jaillir une réplique quelque peu verte.
Dans ce moment d’humeur, de l’adrénaline a été
émise et cela crée tout un ensemble de manifestations
physiques liées aux mécanismes de la chimie
organique. Je vous en épargne la description
scientifique, mais sachez que cela aboutit à un

énervement et à un stress usants en énergie vitale, à
des réactions agressives, à du mécontentement voire
à de la colère.

Ok. Mais cela, c’est la mauvaise méthode, celle qui
va faire empirer les choses. Il y en a une meilleure :
avoir le réflexe de comprendre qu’il y a là une difficulté
de territoire et appliquer le remède suivant : se relaxer,
se déstresser.

Comment y parviendrez-vous ? C’est plutôt simple
car ce qui est le plus compliqué, c’est l’étape
intermédiaire de la prise de conscience de ce que vous
avez agi en « agresseur ». Mais une fois ceci opéré, il
vous suffit de prendre quelques grandes respirations
en vous concentrant sur les sensations physiques que
produit l’air en passant dans vos voies respiratoires,
des narines jusqu’aux poumons et retour.

Les quelques instants que vous passerez à faire cela,
non seulement vous ôteront votre crispation et votre
mauvais stress, mais en plus vous rechargeront en
énergie positive et feront entrer des torrents
d’oxygène dans votre cerveau. Cela aura pour
salutaire effet de vous éclaircir les idées, de vous
redonner du tonus, de vous décrocher du problème
pour que vous puissiez alors le résoudre facilement.

On peut même faire cela à deux, l’« agresseur » et la
« victime » ensemble :

– Bon, je crois qu’on est en train de s’énerver tous
les deux. Si tu veux bien, respirons d’abord quelques
grands coups pour nous rafraîchir les idées et voyons
ensuite comment on peut harmoniser nos façons de
voir. Après tout, je voulais seulement mettre en avant
une idée pour que tu me dises ce qu’on peut en faire,
pas te donner des ordres.

Un représentant de commerce m’a raconté
l’anecdote suivante :

– Je suis arrivé chez un client chez qui j’avais un
rendez-vous et, en entrant, il m’a ainsi apostrophé :
« Ah non ! Pas vous ! J’ai eu une journée
épouvantable, je ne veux plus voir personne, j’en ai
vraiment ras-le-bol de tout le monde !! »

Que faire ? M’énerver ? Partir la tête base ? Me
mettre en colère à mon tour ? Lui crier qu’on ne reçoit
pas ainsi les gens, qu’il était un jean-foutre ?.. Non,
rien de tout cela n’était une solution acceptable. J'ai
alors décidé de réagir ainsi, en parlant sur le même
ton que lui :

– Ah oui ! Ça ne m’étonne pas que vous soyez mal !
Moi aussi, j’ai eu une journée épouvantable ! Moi aussi
je n’en peux plus ! Je comprends votre point de vue et
je ne vous embêterai pas plus longtemps – on se verra
un autre jour plus tranquille.

J’ai ajouté, d’une voix progressivement plus calme :


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