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13
Le choul’han arou’h de la pensée
Il existe une loi dans le «choul’han arou’h» (code de
la loi), selon laquelle l’homme récite une bénédiction en
fonction de sa pensée ou plus exactement en fonction de
l’aliment qu’il préfère.
Par exemple, s’il s’apprête à manger une glace dans un
cornet, c’est lui qui décidera la bénédiction à réciter en
premier. S’il veut, il récite d’abord «chéakol» (bénédiction
récitée sur la glace à proprement parler) ou s’il désire, il
fera en premier «mézonot» (bénédiction se rapportant au
biscuit qui contient la glace).
Et l’on découvre ainsi le pouvoir de la pensée chez
l’homme.
S’il veut manger d’abord le cornet, il a le pouvoir par
sa pensée d’annuler la glace présente devant lui, comme si
elle n’existait plus. S’il préfère l’un des deux aliments, il a
le pouvoir de reléguer l’autre au second plan, comme s’il
n’avait jamais été là.
Il y aurait donc un choul’han arou’h de l’action et un
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autre choul’han arou’h de la pensée. Et c’est ce qui est
enseigné dans le Talmud (Kédochin 40) :
«Même si l’homme a eu une simple pensée de regret, cela
lui est compté comme s’il s’était vraiment repenti.»
Malheureusement, l’homme, du fait de son esprit étroit,
n’accorde pas suffisamment de crédit à ce choul’han arou’h
de la pensée. Et s’il a fauté, il pense qu’il devra passer par
des souffrances physiques, des jeûnes et une dévotion
pénible, afin de s’assurer que son repentir soit accepté.
Pourtant, il existe un point de repentir qui se trouve au-
delà de tout où un simple remord est considéré comme
une parfaite repentance. Et c’est cela que Rabbi Nachman a
évoqué à plusieurs reprises :
«Même si l’homme commet la plus grande faute possible,
la seconde d’après, il est à nouveau un homme entièrement
cacher.»
C’est quelque chose d’extraordinaire. Il en ressort que
si continuons de penser que nous sommes des “pêcheurs”
devant Dieu, c’est uniquement à cause de notre petitesse
d’esprit.
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14
Pas de rigorisme
Avraham n’aime pas l’excès de rigorisme que certains
religieux s’imposent en matière d’hala’ha (loi juive). Il attire
notre attention sur le fait que l’homme qui se contraint à de
telles exigences espère être le préféré de Dieu au détriment
de son prochain. Avraham nous explique que l’excès de zèle
n’est bon que s’il est destiné à renforcer l’amour d’Israël.
Nous l’avons également interrogé au sujet de certains
‘hassidim qui se montrent extrêmement scrupuleux
pendant la fête de Pessah.
Selon Avraham, ces derniers doivent conserver les
exigences supplémentaires qu’ils se sont imposés et
qui résultent de la complexité de leurs raisonnements
intellectuels. Plus ils visent la rigueur, plus ils compliquent
leurs réflexions. Dans cette mesure, il leur est interdit d’opter
pour une application simple de la hala’ha. Leur esprit ne
saurait se satisfaire d’une telle simplicité, inadaptée à la
sophistication de leurs raisonnements.
En conséquence, celui dont l’esprit est traversé par des
questionnements et des raisonnements compliqués, devra
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faire preuve de plus rigorisme et de zèle dans l’observance
du code de la loi.
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15
Histoires de son père
Avraham affectionne particulièrement raconter des
histoires à propos de son père, bien que ce dernier n’ait pas
été rabbin. Il nous dit que l’essentiel de son expérience de
la vie, il l’a reçue de son père. Souvent, il nous a relaté des
histoires extraordinaires à son propos ! En voici quelques-
unes :
A.
Se réjouir d’une grosse perte d’argent
Un jour, son père conduisait sa voiture en tenant dans sa
main une grosse liasse de billets. Lorsqu’il s’arrêta pour faire
le plein d’essence, il la posa l’argent sur le toit du véhicule.
Quand il se remit en route, il oublia de la reprendre. L’argent,
tombé du toit, fut perdu. Lorsque son père réalisa ce qui
s’était passé, il organisa le soir même une grande fête à la
maison dans la joie, avec un repas fastueux et orchestre.
Cette réaction va complètement à l’encontre de la logique.
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La plupart des gens, dans une situation semblable auraient
éprouvé colère et désolation, s’affligeant de la perte d’une
somme si importante.
Mais son père expliqua à Avraham qu’en restant joyeux,
il montrait à Dieu combien il Lui faisait confiance, car
d’une part, Lui seul pouvait l’aider et d’autre part, parce
que la joie s’élève au-dessus du temps. C’est précisément
de là-bas que provient l’argent et toutes les abondances. Et
c’est ainsi que cela se passa : suite à cela, son père s’enrichit
et accéda à la grandeur.
B.
Vivre avec les gens simples
Avraham raconta aussi que, bien que son père fût très
riche, on ne le vit jamais côtoyer la haute société. Il se
trouvait avec les gens simples et leur famille. Il était fier de
l’importance qu’il accordait à ce principe de ne fréquenter
que des personnes de modeste condition.
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C.
Aimer même le voleur
Avraham raconta encore qu’une nuit, un voleur entra dans
leur maison. Son père l’attrapa sur le fait. Au lieu d’appeler
la police ou de le frapper, comme n’importe qui l’aurait fait,
il s’adressa à lui sur un ton chaleureux. Il apprit alors que
le voleur était un père de famille plongé dans une grande
détresse matérielle, devant subvenir aux besoins des siens et
ne sachant plus que faire. Ainsi de fil en aiguille, il se mit à
voler.
Le père d’Avraham s’aperçut qu’il n’était pas un homme
mauvais et lui vint en aide en lui donnant de la nourriture
pour lui et sa famille puis le laissa repartir.
Des années plus tard, quand les pogroms et les harcèlements
envers la communauté juive commencèrent à sévir, ce même
voleur, qui était devenu un ponte de la pègre, envoya quelque
uns de ses hommes pour veiller sur la maison et les voitures
du père d’Avraham. Ils protégèrent toute sa famille pendant
plusieurs jours, afin qu’il ne leur arrive rien. Ainsi leurs
possessions furent à l’abri de tout dommage, contrairement
à d’autres familles dont on attenta à leurs biens.
58 | LIVRE DES CONVERSATIONS
D.
Faire vivre le métal
Le père d’Avraham possédait un grand dépôt de ferraille.
Beaucoup d’acier était entreposé en vrac dans la cour de
l’usine. Il avait l’usage, deux à trois fois par an, de demander
à ses employés de déplacer cet immense tas de métal d’un
côté à l’autre de l’usine, sans apparente nécessité, ce qui
était très surprenant. Pourquoi un tel transbordement ?
Son père lui dit que ces métaux inertes entreposés
possédaient aussi leur propre vitalité. Ils incarnaient
l’aspect du passif qui permet au principe de l’actif de se
développer (ce qui amènera à l’usine une nouvelle manne
d’affaires).
Car dans toute chose se trouve deux côtés : un actif et un
passif. (Voir les dernières conversations du livre).
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16
Même le mal est un bienfait
Ce que nous appelons «le mal» nous apparaît de la sorte
à cause de notre étroitesse d’esprit. Mais si nous savions en
quoi il consiste véritablement, nous comprendrions qu’il est
le vecteur d’un très grand bienfait. Or, pour le commun des
mortels, il est très difficile d’accepter l’idée qu’une épreuve
est pour le bien. Pourtant, nous avons souvent l’occasion
de vérifier qu’une chose apparemment mauvaise, ne l’est
que suite à notre perception faussée.
En voici un exemple :
Une personne peut parfois tomber dans la pauvreté. Dans
ce contexte, elle éprouve de la rancœur envers Dieu qui ne
lui envoie pas sa subsistance avec largesse. Dans sa logique,
elle pense que la pauvreté est une situation négative, une
punition.
Elle se trompe :
«Car vos pensées ne sont pas mes pensées, ni vos voies ne
sont mes voies, dit l’Eternel.» (Isaïe 55,8)
" ְיהָוה, ְנ ֻאם-- ְוֹלא ַדְר ֵכי ֶכם ְּדָר ָכי,"ִּכי ֹלא ַמ ְחְׁשבֹו ַתי ַמ ְחְׁשבֹו ֵתי ֶכם
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Il se peut en effet que, par décret divin, un homme
soit condamné à mourir. Mais Dieu, souhaitant le sauver,
transformera sa sentence et décrètera la pauvreté à la place
de la mort.
Comme il est dit dans le Talmud (Nédarim 64b) :
«Un pauvre est considéré comme mort».
Ainsi, tout en maintenant sa sentence, le Tout Puissant
l’a «adoucie» et a substitué à la mort physique, l’épreuve de
la pauvreté.
Qui contesterait le bienfondé d’un tel acte ? A partir de
là, cet homme aura le choix : se plaindre de son sort ou
comprendre qu’en réalité, il doit sa vie à sa pauvreté.
Jour après jour, Avraham dévoile des enseignements sur
la base d’exemples tirés de la vie quotidienne. Pour nous
montrer que les épreuves que nous vivons cachent le plus
souvent un bien dont nous n’avons pas conscience.
A ce propos, il faut se rappeler que dans le «Monde de la
Vérité», il n’existe pas de différence entre le bien et le mal.
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17
Quoi de neuf ?
La première question qu’Avraham pose à chaque
personne qu’il rencontre est:
« Quoi de neuf ? »
Il nous enseigna qu’à travers les nouveautés qui sortent
dans le monde, il est possible d’en apprendre sur Dieu. C’est
pour cela qu’il adore toutes les inventions et les nouvelles
technologies, comme par exemple les Smartphones, les
ordinateurs etc.
Il achète presque chaque nouveau modèle lorsqu’il sort
sur le marché, même s’il ne sait pas s’en servir. Et lorsqu’on
l’interroge à ce sujet, il répond que chaque nouveauté qui
sort dans le monde, représente le Lui-même de Dieu. Car
lorsque Dieu souhaite introduire une nouveauté dans la
création, qu’il s’agisse d’un concept ou d’une nouvelle
sagesse, Il ne peut pas le faire directement. Il doit l’habiller
à travers un nouveau produit, comme un téléphone ou une
autre invention.
À notre niveau, nous ne voyons qu’un appareil. Mais en
62 | LIVRE DES CONVERSATIONS
vérité, il y a là comme une partie de Dieu véritablement, qu’Il
nous a envoyé dans le monde, afin que nous en apprenions
plus sur Lui. Chaque nouveauté est véritablement le Lui-
même de Dieu.
Un jour, Avraham nous dit :
«Les gens pensent que Dieu se trouve à la synagogue,
dans les prières, le jour de Yom Kippour. Mais personne ne
pourrait imaginer que Dieu se trouve dans un Smartphone
ou une caméra.»
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Le miracle du perroquet
Une fois, Avraham donna un cours chez un ami qui
possédait un perroquet dans son salon. L’oiseau savait juste
articuler un mot ou deux. Soudain, au milieu du cours, il
prononça à plusieurs reprises :
"« – "אברהם אנחנו אוהבים אותךAvraham nous t’aimons».
Tous s’émerveillèrent de ce miracle : le perroquet était
capable de réciter une phrase entière et de connaître le
nom d’Avraham.
A chaque fois que l’on écoutait l’enregistrement du
perroquet, il suscitait en nous une grande émotion car cette
anecdote cache un grand prodige. Mais Avraham nous dit
qu’en vérité, pour celui qui possède une conscience divine
développée, il n’y a pas réellement de miracle. Car ce n’était
pas le perroquet qui parlait, c’était son «Atsmo –son Lui-
même» qui s’exprimait.
En effet, un miracle est un phénomène que nous ne
pouvons pas expliquer de façon rationnelle, c’est pourquoi
nous le qualifions de «miracle». Mais si nous vivions en
64 | LIVRE DES CONVERSATIONS
permanence avec cette conscience supérieure, même
l’ouverture de la mer rouge nous semblerait quelque chose
de normal.
En fait, il y a le «Atsmo» du perroquet, et il y a le «Atsmo»
de la fenêtre, du verre et de la table. Il y a le «Atsmo» de
Adam et de ‘Hava. Et chaque «Atsmo» est le même «Atsmo»,
identique pour chaque chose et pour chacun.
Et lorsqu’une personne réalise cela, alors elle comprend
qu’il n’y a plus de miracle…
LIVRE DES CONVERSATIONS | 65
19
Combler ses désirs
« Il n’y a pas d’homme qui meure en ayant comblé ne fut-
ce que la moitié de ses désirs. » (Kohélet Raba)
Le monde entier ne représente qu’un aspect de «moitié».
Car le plaisir que nous éprouvons aujourd’hui n’est que la
moitié d’un tout, cette seule partie dont Dieu nous permet
de nous délecter. L’homme n’est pas à même de supporter
trop de plaisir. Cela pourrait le conduire à la folie.
Tous les interdits dont la Torah nous impose ne sont pas
liés à des notions d’impureté, de saleté ou de perversion.
L’interdit est une protection contre l’excès de plaisir, car
la personne qui s’y égare peut au final courir à sa perte.
Avraham nous raconta qu’il a connu un homme qui,
avant de se marier, menait une vie de débauche et vivait dans
une frénésie de plaisir au point d’en oublier son identité.
Appelé un jour à remplir un formulaire, il ne savait plus
comment il s’appelait.
A ce sujet, Rabbi Nachman nous apprend que dans le
66 | LIVRE DES CONVERSATIONS
monde futur, il sera demandé à l’homme quel est son nom ?
Celui qui ne s’en souviendra pas sera empli de honte. C’est
la raison pour laquelle nous mentionnons un verset qui
contient les initiales de notre nom à la clôture de la prière
de la «Amida».
De là on comprend qu’un excès de plaisir peut réellement,
en fin de compte, nous faire perdre notre monde.
Le moyen de se protéger est d’associer Dieu à chacune
des délectations qui nous sont autorisées dans le cadre de
la hala’ha. La personne sera alors protégée de la très forte
lumière qui accompagne chaque moment de délectation.
Le seul temps où il nous est permis d’éprouver un plaisir
complet, c’est pendant le Chabbat. A ce moment, l’homme
peut se délecter pleinement (Choul’ han Arou’ h Ora’h ‘Haïm 250) sans
que son âme n’en soit endommagée. Car il n’y a rien de
plus élevé que le Chabbat. Il est même supérieur à la Torah.
Si une personne souhaite faire téshouva et qu’elle ait
le choix entre aller étudier à la Yéshiva (sans respecter le
Chabbat) ou de respecter le Chabbat, elle devra privilégier
l’observance du Chabbat.
(Note : cette question relève plus du domaine théorique
mais vient révéler la grandeur du Chabbat)
LIVRE DES CONVERSATIONS | 67
20
Refuser la facilité
Avraham raconta :
«Souccot est une fête que j’affectionne particulièrement.
Ma femme souhaite à chaque fois que j’achète une Soucca en
structure métallique qui se monte et se démonte rapidement.
Mais moi, je cherche toujours du bois, des clous et un marteau.
Une année, j’avais déjà fini de la construire lorsque,
deux heures avant la fête, je décidai de tout démonter pour
la remonter complètement depuis le début. Mon fils me
demanda pourquoi ? Je lui répondis : «C’est comme ça !»
Je travaillais pour la finir juste avant l’entrée de la fête. Les
gens se rendaient déjà à la synagogue alors que résonnaient
encore mes derniers coups de marteau. Car l’essentiel (de la
fête), c’est de ne pas oublier la Soucca !»
Qui est-ce que la Soucca ?
C’est Dieu Lui-même!
Qu’est-ce que Dieu aime le plus au monde ? C’est l’amour
que nous Lui portons! Car notre amour pour Lui alimente
68 | LIVRE DES CONVERSATIONS
l’amour qu’Il dispense envers nous.
Avraham nous enseigne à ne pas céder à la facilité
dans notre rapport avec Dieu. Parfois, il vaut mieux Le
rechercher dans la difficulté et s’appliquer à Le servir dans
l’effort, avec ardeur et dévotion. Cela créé un espace dans
lequel nous pouvons Le rechercher.
Il nous raconta aussi qu’une année, juste avant Pessah, il
consacra la nuit entière à nettoyer le four, en le démontant,
frottant les pièces, pour finalement le jeter le lendemain à
la poubelle!
Ce comportement est porteur d’un grand secret. Il est
évident qu’il serait plus simple de monter une structure
métallique puis de la recouvrir d’un «skha’h» (natte en
bambou). Le risque c’est que cette facilité peut conduire
à l’oubli, à la pratique d’un service divin sans effort qui ne
reflète pas la volonté de rechercher Dieu intensément.
Se souvenir de Dieu dans la vie de tous les jours passe
par un dépassement de soi, un effort porteur d’un message
d’amour; je suis prêt pour Toi à transpirer et à mettre mes
mains dans le cambouis.
Créer parfois un peu de désordre c’est comme laisser
Dieu s’échapper. Après cela, on peut Le rechercher à
nouveau et Le retrouver.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 69
21
L’amour de la souca
Suite aux propos évoqués lors de la conversation
précédente, il convient d’ajouter que le principe énoncé
défie toute logique. Car à priori, une personne qui finirait
de construire rapidement sa Soucca pourrait consacrer son
temps à d’autres préparatifs. Par exemple, en étudiant des
enseignements relatifs à la fête.
Il est souvent difficile de comprendre le comportement
d’Avraham.
La vérité est que la dévotion divine échappe à toute
logique. Une personne qui recherche Dieu est comparable
à un homme amoureux. Sa quête s’apparente à la conquête
du cœur de la femme qu’il aime. Il n’est plus guidé par la
raison et de ce fait pourrait s’assoir au milieu de la nuit
sous la terrasse de l’élue de son cœur pour lui jouer une
sérénade, sans même avoir l’assurance qu’elle l’entende. Il
lui offrira des cadeaux sans rapport avec ses besoins, fera
des gestes fous, ne craindra ni la moquerie, ni le ridicule.
Son amour est si puissant qu’il ne s’embarrasse ni des
contingences de la logique, ni des conventions.
70 | LIVRE DES CONVERSATIONS
C’est ainsi qu’il convient de rechercher Dieu. De cette
façon, il s’opère un ‘hidouch (une perception divine
radicalement nouvelle qui n’existait pas auparavant).
Quand un homme prend plaisir à monter une Soucca puis
à la démonter pour la reconstruire, il réalise un ‘hidouch
qui procure une grande joie et une délectation tout à fait
particulières pour Le Créateur.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 71
22
S’extraire de son contexte
J’ai entendu une fois Avraham parler à une femme qui
cherchait à se marier depuis de nombreuses années, sans
parvenir à trouver son conjoint. Elle vint plusieurs fois lui
rendre visite. Chaque fois, il s’efforçait de la consoler et
la rassurait en lui disant qu’elle finirait par être exaucée.
Elle lui disait perdre espoir, ne voyant pas l’ombre d’une
évolution. Il lui expliqua alors que la situation d’une
personne est parfois bloquée et qu’il est, quelques fois,
impossible de changer le décret qui pèse sur elle, un peu
comme si une porte dans le Ciel lui était fermée.
Que peut-on faire dans un tel cas ?
Avraham suggéra à la personne de s’extraire mentalement
de sa situation. Momentanément, elle devait considérer
que son problème n’existait plus. Par cette mise à distance,
elle marquait un temps de pause susceptible d’engendrer
un dénouement de la situation.
En s’efforçant d’oublier sa condition et d’annuler dans
son esprit ce qui le tracasse, l’homme a le pouvoir de
tout transformer. Cela est comparable à une personne
72 | LIVRE DES CONVERSATIONS
qui quitte une pièce pour n’y revenir qu’après un certain
temps. En y revenant, cette personne sera en mesure de
poser sur cette pièce un regard différent, renouvelé. Elle
pourra par exemple, redécouvrir certains détails, envisager
de nouvelles possibilités d’agencement. Elle envisagera le
lieu avec un nouveau regard et de nouvelles forces.
On ne peut se délivrer d’une idée ou d’une situation qui
nous étouffe qu’en prenant le parti de l’abandonner pour
un temps, en la sortant de son esprit comme on quitte un
lieu dans lequel on s’est emprisonné à force d’y tourner en
rond.
Et il est possible d’accomplir cela même lorsque l’on
demeure physiquement au même endroit.
Avraham raconta une fois l’anecdote suivante :
Un jour, il essayait de faire entrer un réfrigérateur dans
une maison, mais l’appareil, trop grand, ne passait pas la
porte. Ils furent nombreux à essayer avec lui de trouver
un angle favorable, mais sans succès. La situation semblait
«fermée».
Avraham arrêta tout. Il fit une pause avec ses amis
pour aller déjeuner. Quand il revint sur les lieux, il tenta
à nouveau de faire entrer le réfrigérateur qui cette fois-ci,
parvint à passer la porte.
Les personnes présentes furent stupéfaites car le l’appareil
n’avait pas changé de taille et la porte non plus. Comment
LIVRE DES CONVERSATIONS | 73
était-il possible qu’un accès étroit ait pu permettre le
passage d’un objet de taille supérieure ?
Avraham expliqua que le fait, pour une personne, de se
détourner d’une pensée qui la préoccupe (même en allant
dormir) peut provoquer un renversement de situation.
En d’autres termes, tout se passe dans la tête. Si on a la
conviction qu’une situation peut évoluer, on induit un
changement. Atteindre ce niveau de croyance pour se sortir
d’un cas problématique requiert néanmoins un grand
travail.
74 | LIVRE DES CONVERSATIONS
23
La vraie raison du mariage
La raison essentielle pour laquelle un homme a le devoir
de se marier provient de ce que Dieu souhaite qu’il se
connecte à son Lui-même (son être profond). L’âme de
l’homme possède deux facettes : l’une masculine et l’autre
féminine. Or, lorsque l’homme vit seul, il ne développe que
l’aspect masculin de sa personnalité ; c’est sa propension à
donner, à exercer son influence qui prévaut. Il ne parvient
pas à identifier autre chose en lui que cette facette.
Pour accéder à sa plénitude, l’homme doit aussi
redécouvrir et entendre la partie féminine qui se trouve
en lui. Il peut y parvenir en se mettant à l’écoute de son
prochain, en position de recevoir de l’autre. En se reliant à
son aspect féminin, il pourra redevenir un être entier.
C’est la raison pour laquelle l’homme est obligé de se
marier. Il ne doit pas rester seul. A défaut, il n’exprimerait
que la partie masculine qui parle mais qui n’écoute pas,
qui donne mais qui ne sait pas recevoir. En ordonnant à
l’homme de se marier, Dieu le met en situation de s’écouter
à travers sa femme et d’accéder ainsi à son être véritable.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 75
Chez la femme, les facettes masculine et féminine
s’expriment naturellement. Elle n’est donc pas tenue, au
sens strict de la hala’ha, à l’obligation de se marier.
En revanche l’homme a ce devoir.
Car tout ce que l’homme entend extérieurement de sa
femme se trouve en lui, mais seul, il n’aurait pas été capable
de le déceler. Ainsi, lorsque Dieu ordonne à l’homme de se
marier, Il le place en situation d’auto-écoute à travers elle,
afin d’accéder de la sorte à son être véritable.
76 | LIVRE DES CONVERSATIONS
24
Dieu se cache dans l’attente
Avraham monta en Terre Sainte à une époque où il ne
parlait pas encore couramment l’hébreu. Les gens avec
lesquels il engageait la conversation n’avaient pas vraiment,
le plus souvent, la patience de l’écouter. Il nous rapporta
cependant le cas particulier du propriétaire d’un magasin
de matériaux de construction. Bien que débordé de travail
et très sollicité, il fit constamment preuve d’une grande
patience à l’égard d’Avraham. Il s’adressait à lui en hébreu,
lentement et l’écoutait avec affabilité. Cette personne reçut
une grande bénédiction aussi bien dans son commerce que
dans sa vie personnelle. Et tout cela car Dieu Se languit de
Se lier avec un juif.
Comment est-ce que cela se passe ?
Il y a à cela une explication, un lien de cause à effet.
Lorsqu’une personne accepte de s’arrêter et de prendre
du temps, alors qu’elle est absorbée par ses occupations,
soumise au stress et aux pressions professionnelles, et que
malgré tout, elle se consacre aimablement à son prochain,
elle va élever cet instant au-dessus du temps.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 77
Par cette attente, la personne va offrir à Dieu, trônant Lui
aussi au-dessus du temps, un point de connexion, une porte
d’accès dans ce monde, afin qu’Il puisse venir s’unifier avec
elle.
Car ce moment d’attente que marque le vendeur est
contraire à la logique qui veut que tout le monde courre après
ses affaires. C’est pour cela que ce moment qui se déroule
dans le temps s’élève malgré tout au-dessus du temps.
Derrière chaque situation qui vient ralentir l’homme
dans ses activités, Dieu Se cache et nous éprouve. C’est le
cas d’Avraham par exemple ou de toute personne qui peine
à s’exprimer.
Ce peut être le cas lors d’un embouteillage, d’un gendarme
qui nous arrête, ou d’une maman qui stoppe toutes ses
activités pour tendre l’oreille à ses enfants qui ont besoin
d’être écoutés. Les exemples ne manquent pas qui sont autant
d’épreuves ou d’occasions de faire rentre le «au-dessus du
temps» dans le temps.
Dieu souhaite se lier à chaque juif. Tout obstacle placé
devant nous peut être saisi comme une opportunité qu’Il
nous offre de suspendre le temps ici-bas pour donner la
préséance aux valeurs du monde d’en haut.
Lorsque l’homme comprend cela, qu’il s’arrête et patiente
calmement, il célèbre littéralement un «petit Chabbat»
au milieu de la semaine et reçoit en retour la «bra’h»
(bénédiction) d’un temps sanctifié.
78 | LIVRE DES CONVERSATIONS
25
La deuxième personne en soi
Les notions de temps et d’exil proviennent de
l’éloignement qui réside entre l’homme et Lui-même.
Lorsqu’un homme s’oublie, le temps commence à exister.
C’est dans le temps que les épreuves et les souffrances
surviennent : un brigand commet un méfait, une personne
tombe en faillite, à Dieu ne plaise. Tout cela ne se produit
que par l’emprise du temps. Comment l’homme peut-il en
sortir ?
En s’élevant au-dessus du temps.
Car tel est le principe : à l’intérieur de l’homme vit un
deuxième personnage.
L’homme apparent, qui se tient devant nous, évolue
dans le temps et fonctionne en vertu des lois de la nature.
Dans cette dimension, il organise sa vie autour de temps
conventionnels, liés à sa condition de vie physique, sociale,
familiale et culturelle. Il a des moments d’étude, de travail,
de repos, de loisirs, etc.
L’autre personnage, lui, se situe au-dessus du temps.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 79
En s’attachant à lui, il est possible, pour ainsi dire, de
«sortir du temps». Et lorsque l’on revient, l’histoire peut se
transformer et son destin s’améliorer.
Nous possédons tous ce personnage parfait en nous.
Lorsque nous nous lions à lui, nous écourtons notre propre
exil.
D’ailleurs une fois Avraham a dit :
«Le Tsadik existe juste parce que nous avons oublié son
existence, et que nous avons besoin d’un exemple concret
pour nous le rappeler, mais sinon, nous le portons tous
potentiellement.»
Ainsi, tous les exils proviennent d’un écart entre l’homme
et son être profond. C’est pourquoi, deux personnes placées
dans une même situation peuvent la percevoir et la gérer
de façon radicalement différente.
Avraham nous rapporta avoir été personnellement le
témoin, alors qu’il se trouvait chez Rav Israël Odesser
zatsal, de la différence radicale de ses réponses à une même
question selon qu’elle émane d’un élève ou d’un autre.
Comment cela peut-il se concevoir ?
Le Tsadik ressemble, en effet, à un miroir : sa réponse
s’adapte à l’écart existant entre l’homme «apparent» et son
être profond.
De nombreuses histoires rapportent l’attitude de grands
80 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Sages confrontés, dans leur génération à la situation de
juifs profanant le Chabbat. Ces Sages avaient tant travaillé
leur mauvais penchant qu’ils parvenaient à ne plus voir le
mal chez leur prochain.
Car tout le mal dans le monde provient de cet éloignement
entre l’homme et lui-même. Il se pourrait ainsi qu’une
personne soit témoin d’un péché commis alors que son
voisin présent devant la même scène ne voie rien du tout.
En d’autres termes, il existe deux mondes diamétralement
opposés à la même seconde, car la réalité est différente pour
chacun.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 81
26
Testé au niveau des pensées
L’essentiel de l’épreuve par laquelle Dieu teste l’homme
se situe au niveau de ses pensées. Dieu est très attentif aux
pensées du juif envers son prochain.
En fait, la plupart des juifs religieux tombent dans le
même piège. Ils s’imaginent que leur pratique des mitsvot et
de la Torah les rende plus proches de Dieu. Ils ont de ce fait
la fâcheuse tendance à juger, voire à rejeter les personnes
«non-pratiquantes».
Est-ce légitime ?
Rabbi Nachman nous enseigne que tout juif, en
apparence éloigné de la Torah et des commandements,
reste malgré tout très attaché en pensée à son Créateur et
L’aime sincèrement. Enfermé dans l’image du juif laïque
non religieux («hiloni») qui le définit socialement, il
prétend ne rien avoir à faire avec Dieu, alors qu’en réalité
son cœur brûle d’amour pour Lui.
Aussi, il faut faire très attention à ne pas se laisser envahir
82 | LIVRE DES CONVERSATIONS
par des pensées fanatiques, méprisantes ou mesquines
envers son prochain sous prétexte qu’il n’est pas religieux.
Voici en quels termes Rabbi Nachman s’exprime à ce
sujet (L.M. I :142) :
Il cite l’exemple de deux personnes. L’une se trouve dans
le désert, dans l’incapacité de servir Dieu. Privée de toute
possibilité d’accomplir les commandements, elle peut
néanmoins étudier grâce aux questions qu’elle se pose. Dans
un tout autre endroit se trouve une deuxième personne
qui, dans le cadre de ses réflexions toraniques, concevra la
réponse à sa question. Il se créé ainsi une connexion dont
les deux juifs n’ont pas conscience et qui pourtant les relie
entre eux.
Au moyen de ce jeu de questions réponses à distance,
un livre de Torah s’écrit dans les mondes supérieurs.
La personne, à l’instar d’un non religieux qui se trouve
totalement isolée dans le désert et sans aucune lecture
possible a malgré tout, là où elle se trouve, accès à une
forme de connaissance qui se matérialise suite à sa soif
ardente d’apprendre. Elle n’évolue pas dans un contexte où
les commandements sont accomplis concrètement, mais,
au-delà des apparences, sa volonté d’entretenir un lien avec
Dieu et la Torah l’entraine dans une étude personnelle qui
la rapproche de son Créateur.
C’est un devoir pour chacun de s’appliquer à toujours
rechercher le lien qui unit chaque juif à Dieu, qu’il soit
LIVRE DES CONVERSATIONS | 83
religieux ou non. C’est pour cela qu’il nous est interdit de
tenir des propos désobligeants ou de nous laisser aller à de
mauvaises pensées à l’encontre de son prochain. En réalité,
le non religieux est comparé à un juif dans le désert qui, en
dépit des apparences, étudie à sa façon.
84 | LIVRE DES CONVERSATIONS
27
Le pouvoir bénéfique de l’aimant
C’est une «ségoula» (vertu bénéfique) pour un homme
de porter en permanence un aimant sur lui.
La raison est que chaque chose dans ce monde est
porteuse de bien. Même si elle contient quelque chose
d’apparemment négatif, elle détient toujours en elle une
part de positif. Cela concerne également le cas d’une
personne qui est tombée dans le péché. Même dans sa faute
réside une part de bien.
C’est une erreur de penser qu’il ne se trouve que du mal
dans le monde. Cet enseignement nous vient de Rabbi
Nachman :
«Même si une personne a commis la pire des fautes, une
seconde plus tard elle est de nouveau une personne cachère».
Car au sein du mal se trouve aussi du bien.
En effet, le mal n’a pas d’existence propre. Il ne peut
exister qu’en s’attachant à une parcelle de bien. C’est
exactement ce qui se passe dans un aimant. Il possède
une double force : celle d’attraction et celle de répulsion.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 85
Autrement dit : un côté positif et un autre négatif.
Même si juste un instant auparavant, le côté négatif l’était
complètement, en vérité, il se trouvait caché un côté positif
qui apparait lorsque l’aimant est coupé en deux.
De la même façon, lorsqu’une personne faute, même
dans son «négatif», même dans sa «transgression», apparaît
immédiatement un nouveau côté positif, un point de mitsva
qui est caché.
Seul le Tsadik est en mesure de réaliser cette opération
qui consiste à extraire le bien caché dans la faute et à le
dissocier de l’écorce du mal qui l’entoure.
Cette Torah-là est porteuse de tout l’espoir d’Israël dans
la perspective d’une délivrance très proche, avec l’aide du
Saint-béni-soit-Il.
86 | LIVRE DES CONVERSATIONS
28
Témoigner de l’affection
Témoigner de l’affection à son prochain constitue une
très grande mitsva.
Les textes nous apprennent que Rachel, la femme
de Rabbi Akiva, envoya son mari étudier la Torah et il finit
à son tour à enseigner à 24’000 élèves.
Il est rapporté par ailleurs que ces 24’000 élèves furent
décimés par une épidémie de diphtérie parce qu’ils
ne s’étaient pas témoigné de respect les uns envers les
autres. Or, ces 24’000 élèves étaient les siens.
En fait, Avraham nous révèle que la véritable raison de
ce terrible décret provient de l’attitude de Rabbi Akiva à
l’égard de sa femme qui peut être interprétée comme un
manque de respect envers elle.
De retour chez lui après 12 années de séparation, il
surprit sa femme dans une conversation avec une voisine.
Elle lui expliquait que l’étude de son mari avait à ses yeux
la plus grande importance et que s’il estimait nécessaire
de prolonger son absence pour étudier 12 années
LIVRE DES CONVERSATIONS | 87
supplémentaires, elle accepterait sans condition.
A ces mots, Rabbi Akiva reprit directement le chemin
du retour sans prendre la peine d’entrer dans sa maison
pour saluer son épouse. C’est ce manque de d’affection
envers sa femme, marqué par une absence de 24 années
loin de chez lui, qui fut la cause directe de la mort de ses
24’000 élèves.
On comprend ainsi l’importance du chalom, de
l’amour et du respect qui règne entre deux juifs, et plus
particulièrement, entre un homme et sa femme.
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29
Les premiers à reconnaitre le Messie
L’avènement du Messie provoquera un bouleversement
radical dans notre perception de ce monde. Les premiers
qui ressentiront l’avènement du Messie et qui sauront
l’identifier seront les juifs laïques et les non juifs.
C’est parce que le Messie viendra avec une Torah nouvelle.
Et bien qu’elle soit inclue dans la Torah que nous connaissons
aujourd’hui, malgré tout, elle est complètement nouvelle.
Pour la comprendre, il y aura besoin d’une nouvelle
forme d’intelligence.
C’est la raison pour laquelle les personnes les plus aptes à
l’identifier seront, paradoxalement, les juifs laïques et les non
juifs. Car il n’y a qu’eux qui seront à même de comprendre
une Torah qui est impossible à saisir aujourd’hui.
En effet, le monde juif, malgré sa diversité, s’est enfermé
dans un certain mode lecture, conforme à la Torah héritée
au mont Sinaï.
La volonté légitime de transmettre cette tradition
empêche la possibilité d’une autre lecture, d’une vision
LIVRE DES CONVERSATIONS | 89
différente de notre sainte Torah, immédiatement cataloguée
comme «révolutionnaire».
C’est pour cette raison que le Ari Zal se montrait
réticent à ce que soit délivré des lettres d’approbation et
de recommandation émanant d’autorités rabbiniques à la
sortie de chaque nouveau livre. Cette réticence s’appuie
sur l’esprit saint du Ari zal qui avait déjà perçu que tout le
monde sera déstabilisé par les enseignements du Messie.
Les rabbins auront du mal à l’accepter et ne pourront pas
donner leur approbation à sa Torah, ce qui fera obstacle à
son dévoilement.
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Le Voyage à l’aéroport : Préambule aux conversations 30 à 35
Un jour, nous avons accompagné Avraham à l’aéroport qui allait
chercher son frère aîné. Ce fut le jour le plus pluvieux de l’année. Au cours
de ce trajet, il nous fit des révélations stupéfiantes qui constituent le contenu
des conversations 30 à 35 et qui émanent en fait d’un seul long entretien.
30
Il manque l’autre moitié
Il est interdit de juger un juif sur ses fautes, même s’il nous
semble s’écarter de la Torah. Car il n’y a personne à notre
époque qui soit en mesure de véritablement comprendre la
Torah et qui soit capable de juger qui que ce soit.
La raison vient du fait que la Torah que nous connaissons
aujourd’hui n’est qu’une moitié d’un tout. Cette Torah,
telle que nous la vivons actuellement, nous incite à juger
l’homme en fonction de ses seuls actes. Si untel agit
conformément à l’idée que nous nous faisons du bien, il est
méritant, sinon c’est un fauteur.
En réalité, il existe une autre Torah, entière, complète,
d’un niveau supérieur à celle que nous connaissons. Si
nous pouvions la percevoir, nous découvririons qu’un juif
LIVRE DES CONVERSATIONS | 91
ne pourrait pas commettre la moindre transgression sans
que cette dernière ne contienne une parcelle de bien.
C’est ce que nous évoquions au sujet de l’aimant cité
en exemple .(voir la conversation 27) Dans la Torah que nous
connaissons, le côté positif et le côté négatif apparaissent
comme deux forces distinctes, voire antagonistes.
La Torah nouvelle vient remettre en cause cette
conception et nous révèle que dans le négatif se trouve
forcément du positif, dans chaque élément, dans chaque
acte, dans chaque individu…
92 | LIVRE DES CONVERSATIONS
31
Les homosexuels aussi servent Dieu
Comment pouvons-nous constater que nous ne
possédons qu’une moitié de la Torah ?
Considérons par exemple le cas des homosexuels à notre
époque. Si l’on s’en tient à une vision classique de la Torah,
leur comportement est considéré comme une abomination.
Leur sexualité est décrite comme une déviance et une forme
de débauche.
Rabbi Nachman, qui assure qu’il n’existe aucune forme
de désespoir, affirme pourtant qu’il n’y a pas de «tikoun», de
réparation pour l’homosexualité.
Il convient de préciser au passage qu’il faut distinguer
deux formes d’homosexualité masculine :
- une première qui procède d’un acte orienté purement
vers la recherche du plaisir.
- une seconde qui est liée à la nature même de l’individu
dont le corps possède des attributs masculins mais dont
LIVRE DES CONVERSATIONS | 93
l’âme et la sensibilité sont féminines. On trouve dans
le Zohar une référence à ce type d’homosexualité. Ce
deuxième cas de figure relève de la volonté du Tout
Puissant.
Attention, il ne s’agit en aucun cas de légitimer ce
comportement, mais de comprendre comment les choses
fonctionnent.
Tout cela est la résultante d’un déséquilibre entre
deux forces présentes dans l’ensemble de la création et
qui se manifestent tout particulièrement dans le cadre des
rapports intimes.
En effet, Dieu, qui est Un, a créé à l’origine un être
humain androgyne comme il est dit : «…Mâle et femelle ils
furent créés à la fois» (Genèse 1:27).
Puis Dieu les sépara en deux entités distinctes. Depuis,
l’homme est constamment en quête de retrouver cette unité
originelle. Cette volonté de rapprochement, de fusion,
constitue une grande mitsva lorsqu’elle s’exprime dans le
cadre d’un rapport marital, mais est vivement réprouvée
lorsqu’elle a lieu entre deux hommes. En effet, bien que ce
rapport procède d’une volonté «naturelle» de réunification
de deux moitiés, il ne correspond pas au modèle initial qui
est l’union d’un homme et d’une femme, car il remet en
question le but même de la création du monde.
Ainsi, comme évoqué plus haut, il existe deux forces
dans le monde : la force active et la force passive.
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Le maintien d’un équilibre dans le monde nécessite que
les deux forces puissent trouver chacune leur place, car elles
sont ensemble des manifestations de la volonté de Dieu.
Or, aujourd’hui plus que jamais, la force active est
survalorisée : tout le monde veut dominer, agir. Les hommes
décident de diriger leur vie sans laisser à Dieu le soin de les
guider, ce qui entraine un voilement de Dieu sous Sa forme
passive (car Dieu vit à travers l’homme).
Ainsi, lorsqu’il y a déséquilibre suite à cette
prédominance de la force active, la force passive va vouloir
se frayer à tout prix un chemin dans le monde.
Or le passif caractérisant précisément les relations
homosexuelles, cette force manquante va venir échoir sur
certains hommes qui vont rééquilibrer ce manque à travers
leurs relations homosexuelles.
Une Torah partielle ne permet pas d’appréhender
l’homosexualité d’aujourd’hui sous cet angle. Mais la
lecture que nous pourrons en faire dans le futur nous
amènera à considérer que certaines personnes ont été
désignées à cette tâche, et bien qu’elles apparaissent à priori
sans rapport avec elle, ces dites personnes auront en réalité
effectué collectivement un travail à notre place.
La Torah du futur viendra nous révéler une logique qui
fonctionne exactement à l’inverse de notre façon de penser
aujourd’hui.
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32
Dieu associé dans la faute
Un jour, Avraham évoqua la situation d’hommes
et de femmes qui s’étaient confiés à lui à propos d’actes
immoraux auxquels ils s’étaient livrés. Il affirma qu’il était
interdit de penser du mal de ces personnes, mais de les
considérer plutôt comme ayant été sous l’emprise d’un
mauvais penchant émanant des mondes supérieurs.
Car dans le monde d’avant la création, tout se trouvait
dans un était d’immense mélange, y compris les êtres
humains. Tout se trouvait inclus dans un imbroglio
géant. Et de cet état demeure encore en nous comme une
empreinte, qui parfois se manifeste en l’homme lorsqu’il
veut commettre une faute et avoir une relation avec autrui
de manière prohibée.
Avraham continua son explication, en soulignant
combien toute personne qui avait failli à nos yeux dans
ce domaine avait momentanément oublié qui elle était
vraiment.
A ce propos, il nous rappela les paroles de Rabénou au
sujet de la confession des péchés que nous lisons dans nos
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prières quotidiennes. Cette confession est toujours récitée à
la première personne du pluriel : «...nous avons péché, nous
avons fauté, nous avons prévariqué,…». Il aurait semblé plus
logique de la formuler à la première personne du singulier,
chacun en son propre nom : «… j’ai fauté, j’ai péché,…».
Avraham nous expliqua qu’il est en réalité impossible à
l’homme de fauter sans que Dieu ne vienne S’associer à lui
dans ses faits et gestes.
Cette formulation à la première personne du pluriel
vient indiquer que l’homme n’était pas seul, mais que Dieu
vint l’accompagner réellement jusque dans sa faute. En effet,
Dieu Se trouve aux côtés de l’homme à chaque instant, dans
chacun de ses actes, y compris dans ceux qui sont qualifiés
de «répréhensibles».
En conclusion, nous devons admettre notre incapacité
à juger celui qui faute dans la mesure où tout ce que nous
connaissons aujourd’hui ne repose que sur une connaissance
partielle de la Torah.
La Torah entière et parfaite se situe bien au-delà de
notre compréhension des enjeux qui pousse une personne à
fauter. C’est probablement ce à quoi font allusion nos Sages,
lorsqu’ils nous disent que nous ne pouvons pas juger notre
prochain avant de nous trouver à notre tour dans la même
situation.
Une situation que la Torah entière permet d’éclairer sous
un jour nouveau
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33
L’origine du conflit
La racine de toutes les fautes est le produit d’un conflit
dans le Ciel, haut lieu d’un affrontement entre deux forces.
Une force a pour objet de veiller sur l’homme, de le
protéger et de préserver sa forme et son espace vital.
Alors que l’autre force, au contraire, exerce son influence
pour ramener le monde au chaos. Les fautes et les péchés
commis s’avèrent être la conséquence de la lutte entre ces
deux forces.
Car toutes les flétrissures que nous connaissons
aujourd’hui, telles que les dérives d’internet et la
banalisation de l’immoralité sont l’expression d’une épée
puissante qui souhaite détruire le monde et le ramener à
l’état de tohubohu, c’est-à-dire d’avant la création.
Sur un plan individuel, toutes les personnes éprouvées,
désespérées, confuses et perturbées psychologiquement
sont autant de sujets soumis à l‘influence de cette guerre qui
se déroule au-dessus de nous, dans les mondes supérieurs.
L’étroitesse d’esprit de l’homme le prive de la conscience
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de ce conflit qui se déroule au-dessus de lui et qui s’apparente
à un champ de bataille, siège d’un conflit armé entre deux
pays, dans lequel il est pris sans en comprendre les motifs,
la logique et les enjeux. De ce fait, les personnes qui fautent
sont qualifiées de «débauchés», «pervers», «homos», autant
de qualificatifs qui reflètent un jugement de valeur basé sur
des critères apparents. Mais si l’on connaissait la vérité,
on se rendrait compte que ces personnes n’ont rien à voir
avec les actes qu’ils commettent. Leur situation reflète la
conséquence de cette guerre entre deux forces opposées.
De plus, celui qui serait tenté de critiquer un juif qui faute
risquerait d’attirer sur lui et d’incarner cette force qui
souhaite détruire le monde.
En effet, celui qui parle d’un juif et le juge attire sur lui
un décret rigoureux, à Dieu ne plaise, car il endosse sur
terre cette force destructive.
Nous comprenons ainsi que si l’homme connaissait,
ne serait-ce qu’un petit peu cette Torah complète, il
constaterait de ses propres yeux que la faute n’existe pas.
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34
Ne pas trop presser les enfants
Avraham déclara une fois à propos des enfants que trop
d’éducation aussi peut s’avérer très néfaste.
Cela est particulièrement vrai chez les enfants qui,
élevés dans un milieu trop religieux1, finissent par rejeter
l’enseignement et le mode de vie de leurs parents.
C’est un peu comme si ce dépassement des limites
établies engendrait un glissement vers l’infini, un
débordement d’énergie qui, à Dieu ne plaise, entrainerait
un éclatement de nos réceptacles, voire l’effondrement
des mondes. De là aussi proviennent, Dieu nous en garde,
toutes les tentations et les transgressions. C’est le sens du
verset : «Ne sois ni trop juste ni trop mécréant» (Ecclésiastes 7:7).
Car l’un dépend de l’autre. Il faut veiller à ne pas être trop
1. Il est interdit de s’écarter du droit chemin tracé par la Torah, comme par exemple
en exagérant la pratique des commandements ou de l’assortir d’obligations au-delà
de ce que la Torah prescrit explicitement. Cela relève d’un interdit émanant de la
Torah elle-même qui s’appelle «ne pas dévier à droite». Car en procédant de cette
façon, fut-ce même «Léchem Chamaïm» (pour la gloire du Ciel), cette déviation du
chemin exactement tracé, crée un préjudice et perturbe le saint dosage (de lumière)
qui assure la pérennité du monde.
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juste pour ne pas finir impie. (Likouté Hala’hot Nédarim 3)
En observant des pratiques religieuses trop rigoureuses,
au-delà de limites communément fixées, on peut en venir
à se tromper et à chuter par orgueil. Vouloir «prouver» à
Dieu que l’on est le plus proche de Lui, c’est risquer de
se considérer, plus ou moins consciemment, supérieur au
dépend d’autres juifs qui n’auraient pas atteint le même
degré de foi ou de pratique religieuse.
En prétendant n’être guidé que par Dieu dans le monde,
les adeptes de l’orthodoxie prennent le risque de s’ériger à
tort comme des élus de Dieu, au détriment de leurs frères.
En vérité, une telle pratique est un resquillage.
Avraham nous rapporta l’histoire de certains (fidèles)
hassidim animés par la volonté de devenir de parfaits
Tsadikim. Ils s’entêtaient dans l’éducation prodiguée à
leurs enfants, leur imposant un excès de contraintes.
En réalité, ce modèle éducatif n’a rien à voir avec la
volonté de glorifier le nom de Dieu. Il ne reflète pas non
plus une motivation désintéressée au seul nom du Ciel
(«Léchem chamaïm»). Il traduit plutôt une satisfaction
personnelle d’appliquer un système d’éducation sans
concession qui flatte l’orgueil au détriment de la recherche
de la vérité. Avec le temps, ces enfants s’éloignent de la
Torah.
Avraham affirme que, paradoxalement, ces enfants
sont proches de Dieu, Béni Soit-Il, car ils ont identifié