LIVRE DES CONVERSATIONS | 201
plus il nous faudra d’efforts pour nous réadapter à cette
nouvelle sagesse et renoncer à ce que nous pensions être les
plus hautes perceptions spirituelles.
Nous nous trouverons alors face à une alternative :
- soit faire (de notre plein gré) abstraction de notre
compréhension superficielle et accepter, sans transiger
avec la nouvelle sagesse dévoilée.
- soit nous entêter à penser que nous avons raison, et
rejeter la grandeur de cette sagesse.
Dans le second cas, l’Éternel se verrait obligé de nous
imposer par la contrainte à reconsidérer notre conception
de la Torah.
Si la nation d’Israël dans sa globalité s’avisait à refuser
cette sagesse, cela pourrait lui être dangereux. Car cette
sagesse fait partie d’un plan divin. Elle doit inéluctablement
venir se dévoiler dans le monde.
Cela pourrait se produire, à Dieu ne plaise, par le biais
d’un conflit armé. Car la peur, qu’une guerre engendre, est
à même de démolir tout notre système logique et de briser
le fondement de l’assurance d’Israël : la confiance en son
armée.
En effet, la plupart s’imaginent que nous possédons des
tanks, des avions, mais en fin de compte on réalisera qu’ils
ne nous serons plus d’aucun secours.
202 | LIVRE DES CONVERSATIONS
L’homme détient le pouvoir d’échapper à un tel décret,
mais ce n’est certes pas grâce aux prières, en redoublant
d’hitbodedouth (conversations avec Dieu) ou d’autres
formes de dévotion. Ce sera tout simplement grâce à sa
sincérité et à son ouverture au message de Dieu.
Il prendra le parti de se taire, d’ouvrir son esprit et de
s’efforcer de trouver Dieu en chaque chose.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 203
79
A chacun son rôle
Une des habitudes d’Avraham consiste à ne pas faire
de différence entre religieux et non-religieux. Car il est
possible d’être très pratiquant, tout en étant éloigné de Dieu
et à contrario non pratiquant, mais profondément croyant,
doté de bons traits de caractère et animé d’un amour et
d’un grand respect de Dieu.
Aussi, Avraham nous engage-t-il constamment à ne
pas faire de discrimination entre juifs pratiquants et non-
pratiquants.
Quelqu’un l’interrogea, une fois sur la raison pour
laquelle il se trouve des juifs non-religieux dans le monde
de Dieu ? Il répondit qu’il ne pouvait en être autrement et
illustra son propos par une parabole :
Dans un jeu d’échecs, il faut nécessairement qu’il y ait
des pièces noires et des pièces blanches. A défaut, il n’y a
pas de partie possible. Dans un monde entièrement blanc,
il n’y a pas de place pour le dévoilement de Dieu.
C’est la volonté de Dieu d’assigner un rôle à chacun.
204 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Les rôles ne relèvent pas d’emblée d’un choix personnel.
Ils sont définis pour qu’une partie puisse se jouer et que
l’œuvre de la Création puisse se poursuivre.
C’est la raison pour laquelle, il n’y a pas à juger ceux qui
n’observent pas les commandements. Ils jouent simplement
le rôle qui leur est assigné dans ce monde.
Et plus encore : dans le futur, celui qui a joué le rôle de
«noir» dans ce monde-ci, recevra dans le monde futur sa
récompense pour avoir été contraint d’endosser ce rôle.
Lorsque l’on réfléchit selon cette approche, on comprend
dès lors, qu’il n’y a plus lieu de s’attarder sur une différence
illusoire : il n’y a plus de religieux et de non-religieux. Il n’y
a plus que des juifs !
LIVRE DES CONVERSATIONS | 205
80
Le rôle unique des non-religieux
Avraham s’exprima encore à propos des juifs laïques. Il
révéla qu’il y a certaines missions, qu’eux seuls sont capables
d’accomplir. Car lorsqu’un religieux reçoit les bienfaits de la
Providence divine, il peut se les attribuer suite à ses mérites et
ses bonnes actions :
«J’ai prié, j’ai mis les téfilines, et le Tout Puissant m’en a
récompensé !»
Or, cela n’est que partiellement exact.
Le laïque possède de particulier le fait qu’il vienne révéler
l’attribut de miséricorde du Créateur par lequel Il dispense
gratuitement le bien à ses créatures, sans aucune contrepartie.
Le non-religieux offre ainsi à Dieu l’opportunité de
témoigner son amour gratuit au peuple d’Israël. Un amour
non conditionné par des actes de dévotion ou un engagement
dans le service divin.
Ainsi, le non-religieux permet à Dieu de dévoiler Sa faculté
de prodiguer gratuitement sans rien attendre en retour.
206 | LIVRE DES CONVERSATIONS
81
Pourquoi prions-nous ?
Une fois j’étais à la Yéshiva. Il se trouvait sur place un
homme qui, en dépit de l’heure déjà très tardive (c’était dans
l’après-midi) commença à mettre ses téfilines. Un jeune
entra alors qui, le voyant s’acquitter de cette mitsva aussi
tardivement, commença à se moquer de lui et à ironiser
du fait qu’il aurait bien pu faire l’effort de se lever à l’heure
pour prier, comme il se doit, au petit matin.
Avraham lui fit des remontrances et réprouva son
attitude. Il expliqua que le motif pour lequel nous sommes
tenus de prier découle de l’insuffisance d’entraide et
d’amour entre nous.
Car lorsqu’un juif soutient un autre juif et est disposé
à reléguer au second plan ses préoccupations personnelles,
afin de lui venir en aide, il s’inclut en Dieu Béni Soit-Il et
c’est cela le but même de la prière.
Nous prions, afin de nous élever à ce niveau et nous
devons nous efforcer de garder sans cesse ce principe à
l‘esprit.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 207
De la même façon, Avraham expliqua que s’il se trouve
dans notre quartier un minian qui prie au lever du jour
(qu’on appelle «le nets» et auquel le choul’han arou’h
confère une grande importance) mais que le fidèle ne
connaît personne dans cette assemblée, il lui sera préférable
de se joindre à un minian qui prie plus tard, mais dans
lequel il se trouvera en compagnie d’amis. Car toute la
force du minian réside dans l’amour qui règne entre des
juifs qui prient ensemble.
Le lien et l’union entre juifs forment une prière qui
révèle et exalte l’essence profonde du Créateur, Béni Soit
Son Nom.
208 | LIVRE DES CONVERSATIONS
82
Pas de «folklore» ‘hassidique
Une fois Avraham s’en prit hardiment à ceux qui se
complaisent à cultiver une nostalgie de l’époque de Rabbi
Nachman, en prétendant qu’il faisait si bon y vivre et en
l’exprimant en ces termes :
«Ah Rabénou à son époque…comme tout était si suave…,
quels délices…!»
Avraham n’apprécie pas du tout cette approche qui laisse
entendre que tout était doux et agréable et qu’ils s’étaient
déjà totalement familiarisés avec l’esprit du Tsadik.
Car ce faisant, on passe à côté d’un point essentiel.
En effet, il se trouve dans ce «pseudo-romantisme», une
grave omission : celle de ne pas considérer la pensée de
Rabénou comme actuelle et vivante. Rabbi Nachman, cela
se passe aujourd’hui et maintenant, à chaque instant, à
chaque seconde. C’est une pensée dynamique et sans cesse
renouvelée.
C’est une grande illusion que les gens créent autour de
la Torah.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 209
Ils sont d’accord de considérer par exemple Yossef
HaTsadik comme l’un des piliers notre patrimoine biblique,
mais qu’en reste-il aujourd’hui selon eux ? Rien d’autre
qu’une histoire.
Est-ce que la grandeur de Rabénou se limitait-elle au
temps où il vécut ? Est-elle aujourd’hui révolue ?
Les histoires de nos Sages, les contes que nous lisons à
leur propos ne seraient-ils plus que des légendes populaires ?
Les gens s’imaginent que les récits relatifs aux Maîtres
qui nous ont précédés ne sont qu’une compilation de faits
qui sont derrière nous.
Le Baal Chem Tov, Rabbi Nachman de Breslev, Rabbi
Chimon Bar Yo’hai, Moché Rabénou auraient fait partie de
cette histoire et nous, face à eux, ne serions que de simples
spectateurs.
Il s’agit là d’une très grande erreur.
Car tout ce vécu est présent, ici, aujourd’hui face à
nous. Tous les miracles qui se sont produits avec Moché
Rabénou, Yossef HaTsadik, Avraham Avinou, peuvent très
bien se (re)produire, à tout instant et ce, pour chacun de
nous.
Celui qui pense autrement dévie de la voie de nos Sages.
Car en quoi Dieu béni-soit-Il qui dirigeait le monde à
210 | LIVRE DES CONVERSATIONS
l’époque serait-Il différent aujourd’hui ? Tout est orchestré
par le seul pouvoir de Sa volonté. N’est-il pas toujours à
l’affut de ceux qui Le recherchent ? Ne se languit-Il pas de
trouver des gens qui croient en Lui ?
Que celui qui croit en Dieu comprenne que c’est pour
lui que le monde a été créé. Penser ainsi n’est pas une forme
d’orgueil, mais c’est la voie par laquelle Il va apporter
aujourd’hui quelque chose de nouveau qui n’a jamais existé.
Celui qui saura le comprendre verra à quel point, Dieu
sera disposé à lui montrer qu’il fait aussi partie de l’histoire.
Rappelons ici la parole que Rabénou adressa à l’un de ses
élèves :
«Si l’homme ne croit pas en lui-même, il ne pourra pas
croire en Dieu !»
A de nombreuses reprises Avraham nous a répété que
le piège consistait à s’imaginer que tout a déjà existé, que
tout s’est déjà produit. Mais en fait, tout demeure. Seules
les formes changent.
Rabénou aussi se trouve aujourd’hui parmi nous, mais
sous un autre visage. Les histoires extraordinaires existent
encore aujourd’hui dans notre vie, mais sous une autre
facette.
Et l’homme à la recherche de la vérité saura le découvrir.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 211
83
Ne pas s’impliquer dans les histoires
Avraham nous a vivement conseillé, à de nombreuses
reprises, de ne pas rentrer dans les histoires. Ceci est un
principe fondamental : éviter de s’impliquer dans les partis-
pris.
Car nos sociétés sont porteuses de nombreux débats,
dissensions et querelles.
Cela revêt une très grande importance pour Avraham.
L’homme n’a aucun intérêt à s’impliquer dans les conflits
idéologiques, qu’ils soient de nature politique, religieuse,
ethnique, etc., que l’un ait raison ou que ce soit l’autre, la
gauche ou la droite, les sépharades ou les ashkénazes.
Car lorsqu’une personne prend position et s’imagine
qu’il a raison, cela signifie qu’elle manifeste son engagement
dans le conflit.
Rien ne l’empêche d’avoir ses idées propres. Elle peut
même parfois se trouver pris dans des situations où elle est
contrainte de s’impliquer. Cependant, elle fera tout pour se
garder de s’y engager au point de se laisser prendre à son
propre jeu et d’imaginer que l’issue d’un problème puisse
212 | LIVRE DES CONVERSATIONS
dépendre de sa prise de position (comme en politique, par
exemple).
A l’époque de la guerre à Gaza, un des amis de la Yéshiva
était fortement engagé dans le conflit qui opposait la droite
et la gauche sur ce sujet. Il sollicita l’avis d’Avraham à
propos d’un groupe gauchiste qui s’exprimait de façon
calomnieuse sur l’État d’Israël etc.
Avraham lui répondit :
«Dieu montre à l’homme ce qu’il veut bien voir !»
Il entendait par là que, si un homme désire s’impliquer
dans une histoire et trouver les arguments pour justifier le
bienfondé de sa position, il réunira toutes les preuves qui
viendront étayer son raisonnement. En l’occurrence, il se
focalisera sur le comportement de ce groupe gauchiste, et
en oubliera la place de Dieu dans cette histoire. Il négligera
le fait que les gens appartenant à ce groupe sont également
ses frères et que Dieu règne aussi parmi eux.
Ainsi, lorsqu’une personne commence à militer pour ce
genre de cause, elle risque fortement d’en oublier ce point
fondamental.
La majorité des gens veulent avoir raison. Ils s’imaginent
qu’être de droite ou de gauche, religieux ou laïque, Breslev
ou végétarien constitue la vérité ultime et impose un
comportement conséquent.
Or l’essentiel du problème, consiste à se figer sur une
LIVRE DES CONVERSATIONS | 213
position sans vouloir en démordre et de prêter trop de
crédit à ce qui n’est qu’une «histoire fantasmée» qui
n’aboutit à rien. Lorsque l’homme est honnête et intègre
avec lui-même, Dieu agit de même à son égard.
Avraham nous confia avoir été toute sa vie le témoin
d’innombrables querelles générées par de simples conflits
d’opinions.
Aussi le seul conseil qu’il préconise est le suivant : que
l’homme aussi convaincu soit-il d’avoir raison se garde de
faire un «credo» de ses opinions. A vouloir accorder trop
d’importance aux histoires qui agitent ce monde, il risque
d’en oublier la véritable histoire qui est la sienne, celle qui
le lie aujourd’hui à son Créateur.
214 | LIVRE DES CONVERSATIONS
84
Comment Dieu considère le péché ?
Si une personne avait vraiment conscience de ce que sont
ses fautes, il en perdrait la raison. Car ce n’est que de notre
point de vue que nous les considérons comme telles. Pour
Le Tout-Puissant, il s’agit de quelque chose de complètement
différent.
Et Avraham d’expliquer :
Avant la création, la parole n’existait pas. Une voix non-
entrecoupée retentissait dans tout l’univers. Dieu seul était
présent. Il n’y avait de place ni pour une conscience de soi,
ni même pour qu’une notion de souvenir puisse exister. Car
lorsque Dieu est seul avec Lui-même, il n’y a pas de souvenir,
il n’y a rien. Il ne peut pas arriver à Se connaître, car étant
seul, il ne peut y avoir de notion de mémoire.
Pour parvenir à cette connaissance de Lui-même, pour
briser Sa solitude, Dieu dut, pour ainsi dire, détacher une
partie de Lui-même et s’en distancer, afin qu’il puisse exister
deux endroits. Et cette opération est obtenue précisément par
le biais des péchés du Peuple d’Israël.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 215
Avraham poursuivit son explication :
Dieu utilise les péchés commis par le Peuple d’Israël, car
le péché, par nature, éloigne l’homme de Dieu.
Pourquoi cela est-il nécessaire ?
Afin que Dieu puisse Se diviser en deux endroits.
En fonction de sa conscience et de son histoire personnelle,
l’homme éprouve de la tristesse lorsqu’il faute. Il se sent
éloigné de lui-même, relégué en exil.
Mais pourtant, ce point de vue n’est qu’une partie de
l’histoire, considérée seulement sous l’angle de l’homme
s’efforçant d’accomplir la volonté de Son Créateur.
Car, sous un tout autre plan, l’homme, par sa faute, a
donné la possibilité à Dieu de Se voir Lui-même.
Par son mérite et son passage sur terre, l’homme permet
au Créateur qui était tout un, de Se diviser en deux endroits,
sans quoi, Il n’aurait pas pu parvenir à cette connaissance de
Lui-même.
C’est cela qui est expliqué dans la Torah : «Dieu plaça
Sa lumière sur les côtés». Il dispose des actions de l’homme
puisées dans le cours de l’histoire, soit dans le passé, soit dans
l’avenir, et s’en sert, afin de pouvoir Se diviser sur les côtés.
Et c’est cela le rôle de l’être humain : lorsqu’il s’éloigne de
Lui, il représente une certaine facette de Dieu. Et lorsqu’il est
proche de Lui, c’est, pour ainsi dire, Dieu Lui-même.
Comprends bien cela !
216 | LIVRE DES CONVERSATIONS
85
Une chose en comprend une autre
C’est un principe :
Dans chaque chose se trouve autre chose.
Qu’est-il entendu par-là ?
Nous avons l’habitude de penser que la chose qui se
tient devant nous c’est la totalité de cette chose, et qu’il n’y
a rien à chercher au-delà de ça.
Pourtant à l’intérieur de cette chose se cache forcément
autre chose, une autre forme. Il en est toujours ainsi.
Par exemple : dans la lettre youd, se dissimule un autre
youd. Comment le voit-on ? La valeur numérique du youd
équivaut à 10. Lorsque qu’on l’écrit en hébreu, la somme
des lettres qui la composent équivaut cette fois à 20 comme
suit :
Youd s’écrit י ו ד, dont la somme est égale à : 10 + 6 + 4 =
20.
En d’autres termes, la lettre youd contient en elle 2 fois
sa propre valeur : l’une apparente et l’autre dissimulée.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 217
Que gagne-t-on à connaître ce principe ?
Cela vient illustrer le principe énoncé plus haut selon
lequel chaque chose recèle un aspect non apparent.
C’est pareil lorsque l’on rencontre une personne. On
pense que toute cette personne se résume à ce qui se dégage
d’elle à son premier abord. Mais il importe de dépasser
cette première considération. Au-delà de son apparence,
elle possède toute une histoire.
Supposons par exemple, que l’on rencontre un
mécréant, (car c’est ainsi que l’on pourrait arriver à
considérer une personne au premier abord), pourtant, il y
a obligatoirement enfui en lui, une autre histoire au-delà de
son aspect manifeste.
Il a déjà été rapporté l’exemple de l’aimant possédant
une partie positive et l’autre négative. Or, si l’on divise par
exemple la partie négative, on sera surpris d’y trouver en
elle un pôle positif.
Ainsi, il faut s’efforcer d’exercer notre pensée à chercher
en chaque chose la partie cachée qu’elle contient au-delà
de notre première impression.
218 | LIVRE DES CONVERSATIONS
86
Ne pas avoir peur de donner
Ne pas avoir peur ! Ne pas avoir peur de donner !
Celui qui veut devenir riche ne doit pas craindre de
vider ses poches de son argent. Qu’il achète en pensant à
grandir le nom de Dieu. Lorsque ses poches se vident, elles
se remplissent à nouveau.
Car la façon dont l’argent provient n’obéit pas aux
règles de la nature. Mais cela est impossible à comprendre.
Pour cette même raison, il n’est pas recommandé de
compter son argent.
Il est préférable de ne pas savoir de quelle somme exacte
l’on dispose. S’il y a, il y a.
Car lorsqu’une personne commence à vérifier et
compter exactement l’argent dont elle dispose, elle fait
entrer une pensée limitative dans son esprit :
«Peut-être demain l’argent lui fera-t-elle défaut. Peut-
être devra-t-elle aller travailler ?»
En pensant de la sorte, l’homme permet l’ingérence des
lois de la nature dans le miracle et ainsi l’argent s’arrête.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 219
Alors il sera effectivement obligé d’aller travailler.
Avraham nous a répété à maintes reprises que Dieu créa
le monde en «sortant de l’argent de Sa poche.»
Aussi, pour permettre à cette providence divine de
continuer à s’exercer, l’homme doit agir de même et sortir
lui aussi l’argent de sa poche. Il ne faut pas rester statique.
Une voix divine parle à travers le cœur de l’homme et
l’enjoint à dépenser son argent. Lorsqu’il ne fait pas cas de
ce message et qu’il choisit de conserver sur son argent, il
entrave la poursuite de l’histoire.
Alors Dieu le contraindra à dépenser son argent contre
son gré : frais médicaux, réparation, contravention, etc.
A défaut d’avoir voulu sortir spontanément son argent,
Dieu le lui fera dépenser en lui occasionnant des frais
inattendus.
C’est pourquoi l’homme donnera préséance à ses bonnes
pensées, et n’hésitera à faire usage de son argent.
Il est rapporté dans le Talmud que lorsque l’homme ne
regarde pas à la dépense pour honorer le Chabbat et les
jours de fête, Dieu promet de lui restituer intégralement
tout l’argent qu’il a déboursé.
Or chaque dépense que l’homme effectue en l’honneur
de Dieu, contient en elle cette idée de Chabbat et de jours de
fêtes. C’est pourquoi l’Eternel lui donnera encore et encore,
afin qu’il puisse continuer à révéler la providence divine.
220 | LIVRE DES CONVERSATIONS
87
Ni avare, ni dilapidateur
Avraham affirma encore au sujet de celui qui économise
exagérément son argent, qu’il faisait preuve d’un manque
de foi. Sa pensée se bloque sur le fait que pour le moment,
Dieu lui a envoyé de l’argent et c’est tout. Mais qui dit que
Dieu aura de l’argent à lui envoyer demain ?
Laisser une telle pensée s’insinuer dans son esprit
équivaut à se faire le propre artisan de ses difficultés. Cela
éloigne ses clients potentiels et ses perspectives de gain.
Car l’inquiétude, elle-même fait obstacle à la subsistance.
Celui qui est miné par cette crainte pensera que Dieu ne
pourvoira plus à ses besoins.
Aussi, Avraham déclara qu’il n’est pas bon d’être pingre,
car cela introduit dans l’esprit un doute et un manque de
foi. Et le plus stupéfiant est qu’aussitôt après nous avoir
livré ce secret, il ajouta qu’il n’est pas non plus bon d’être
dépensier.
Il nous relata l’histoire de quelqu’un qui, ayant reçu
une somme d’argent se lança aussitôt dans une série de
dépenses : achat d’une voiture de prix, location couteuse
LIVRE DES CONVERSATIONS | 221
d’un appartement. Très vite, il se retrouva dans une situation
d’endettement. Avraham nous expliqua qu’une aptitude à
l’extrême opposé n’est pas du tout un témoignage de foi.
Il faut, en ce domaine, demeurer sincère avec soi-même.
Il ajouta que les anges eux-mêmes ont provoqué la chute
de cet homme. Car lorsque l’homme dépense sans limites,
il se prend en quelque sorte pour Dieu Lui-même et c’est
pourquoi il dépense sans compter. Par-là, il éveille une
forme de jalousie chez les créatures célestes qui le font
tomber.
C’est pourquoi, il nous confia que même une personne
qui gagnerait un million de shekels par mois ne doit pas
dépenser sans limites, mais acheter ce dont il a besoin.
Car perdre le sens des limites et ne cesser d’acheter, c’est
usurper de la prérogative de Dieu Lui-même.
Nous lui posâmes alors la question :
«Si tel est le cas, ou se trouve la limite ente l’avarice et la
prodigalité ?»
Il nous répondit qu’il existe une frontière précise entre
les deux, que seul celui qui est attaché au Tsadik et s’inspire
de ses actes peut parvenir à déterminer. Cela n’est pas
exprimable dans des mots, mais se capte par la pratique.
Efforce-toi de le comprendre!
222 | LIVRE DES CONVERSATIONS
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Avraham est-il le Messie ?
Une fois, quelqu’un demanda à Avraham s’il était le
Messie.
Il lui répondit que le Messie était pour lui une chose de
moindre importance.
Et, de toute façon, que gagnerait-il à être le Messie ?
En quoi cela pouvait-il aider un autre juif ?
Et il ajouta»
«Toute ma raison d’être dans ce monde est de protéger les
juifs».
LIVRE DES CONVERSATIONS | 223
89
Se tenir à la place du pécheur
Avraham ayant déjà traité le sujet à plusieurs reprises,
abordons-le encore une fois :
Il est impossible, aujourd’hui, de juger un juif sur la
base des fautes qu’il a commises.
Notre force de discernement étant limitée, nous ne
maitrisons que la moitié de la hala’ha, ou en d’autres
termes, que la moitié de l’histoire.
Nous sommes dans l’incapacité de juger une personne
selon les modalités prescrites par nos Sages et qui consistent
à se mettre à la place de celle-ci ( ְל ַה ִּגי ַע ִל ְמקֹומֹו- Pirké Avot 2ème
chapitre)
Un véritable décisionnaire rabbinique possède la
capacité de prendre aussi en compte cette deuxième facette
d’une situation, d’échapper ainsi à une vision partielle de
la question et de pouvoir finalement aboutir à un jugement
équitable.
224 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Avraham ramena l’exemple suivant :
Considérons le cas d’une femme sur laquelle pèse le
soupçon d’avoir trompé son mari. Un témoignage ne peut
être reçu que par deux personnes qui, d’une part étaient
présentes au moment et à l’endroit précis où les faits se
sont déroulés, et d’autre part, qui ont vus et perçus les faits
de la même manière.
Or, comme dit plus haut, ceci ne constitue que la moitié
de la hala’ha, base insuffisante pour pouvoir établir un
jugement authentique.
Où se trouve donc alors la deuxième moitié de la
hala’ha ? Les éléments du témoignage ne sont jamais
parfaitement concordants (Talmud Makot 6).
Rabbi Nachman l’enseigne : il est impossible que deux
individus, se trouvant ensemble au même endroit, témoins
de la même scène, puissent la capter exactement de manière
identique.
En effet, une concordance parfaite de leurs perceptions
relève de l’utopie. C’est en ce sens que l’on peut parler
d’hala’ha partielle. Par conséquent, ils deviennent inaptes
à délivrer tout témoignage.
Sachant cela, il serait possible théoriquement de
disqualifier tout témoignage et d’abolir tout jugement.
Mais que l’on ne s’y trompe pas! Celui qui prétend que ce
principe autorise la transgression se trouve dans l’erreur.
Car il est fait ici mention de cette approche uniquement en
LIVRE DES CONVERSATIONS | 225
vue de protéger celui qui est déjà tombé.
C’est de ce subtil équilibre dont la Torah a aujourd’hui
besoin.
Car, la tendance actuelle en matière de hala’ha consiste
à croire que la qualité d’un Rav dépend de la rigueur de sa
façon de trancher la loi :
Sa décision hala’hique serait plus considérée s’il
privilégie l’opinion la plus sévère au détriment de la voie la
plus indulgente.
Par exemple, il se trouve, aujourd’hui des rabbanim qui
n’hésitent pas à proclamer que tout porteur d’une kippa
crochetée fait partie du peuple d’Amalek, à Dieu ne plaise.
Il s’en trouve même affirmant que les enfants de celui
qui possède un smartphone sont des bâtards.
Ou de prendre le parti de disqualifier le témoignage
d’un juif qui consomme des aliments dont la cacherout
n’est validée «que» par une Rabanout consistoriale.
Il semble que l’on assiste à une sorte de compétition
entre les rabbanim. Celui qui se montrerait le plus rigoureux
et jugerait selon la voie la plus extrême se verrait auréolé
d’une crédibilité supérieure à ses pairs.
Mais ce faisant, les dirigeants flétrissent l’âme des
juifs dans le Ciel et les empêchent d’accomplir un sincère
repentir dans ce monde-ci.
226 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Or, le but de notre enseignement est de promouvoir une
vision nouvelle du monde, une conscience élargie, afin de
protéger chaque juif, quoiqu’il ait pu faire. C’est un principe
fondamental et conforme à un judaïsme authentique de
toujours garder une porte ouverte pour le repentir.
C’est exactement ce à quoi Yaakov fait allusion en
divisant son camp en deux parties avant sa rencontre avec
Essav, qui signifie :
Même si un camp tombe entre les mains de l’ennemi
(à savoir si un juif tombe et faute), il restera malgré tout
un camp intègre (c’est-à-dire une porte ouverte pour se
rapprocher de Dieu!).
Car l’espoir est l’essentiel de notre Torah !
LIVRE DES CONVERSATIONS | 227
90
Proches mais pas trop
Quelqu’un prétendit une fois à Avraham que l’essentiel
consistait à ce que le Peuple juif soit uni. Mais ce qu’il sous-
entendait par-là, c’est qu’il vive replié sur lui-même, en
autarcie.
Il devait se trouver dans une union absolue, former une
communauté soudée et hermétique, même dans la vie de
tous les jours. C’est dans ce vase clos que le Peuple d’Israël
pouvait, selon ses dires, avoir le plus de chances de mettre
en application ce principe de vivre dans l’unité, l’amour et
la paix. Il était persuadé qu’il répondait ainsi au véritable
désir de Dieu.
Avraham s’opposa vivement à cette conception, qui
selon lui, était un véritable poison. Il expliqua au contraire,
que la véritable union consistait à permettre à chacun de
vivre où bon lui semble, d’avoir ses propres opinions, son
propre style de vie. L’union véritable repose sur le respect
des différences, seule garantie d’une vie dans la paix et
l’unité. L’union, ce n’est pas l’homogénéité, c’est le respect,
la reconnaissance et l’acceptation.
228 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Vivre en confrérie, peut vraiment nuire au monde,
car chaque être a besoin de son jardin secret, de son
intimité. Sans un minimum de limites, on peut aboutir à
une immixtion dans la vie de l’autre, de sa famille, sans
retenue, sans pudeur et commencer à suivre tous ses faits et
gestes. Ainsi, trop de proximité peut conduire à d’énormes
préjudices, comme cela s’est déjà avéré à maintes reprises.
Vivre en vase clos, est un facteur de chaos. Le monde
revient à un état antérieur à la création, un monde de
confusion. Une personne privée d’espace peut se perdre,
sentir que l’on n’a pas besoin d’elle (de ce qu’elle porte de
spécifique en elle).
Si tout le monde devenait identique, qu’adviendrait-il
de l’humanité ?
La volonté de fusion ne peut qu’engendrer du mal pour
l’individu et pour l’ensemble de la communauté.
Car l’âme, en son for intérieur, aspire à la protection
que lui procure un espace intime, privé, personnel, encadré,
défini par des limites.
Voici une histoire qui vient illustrer ce principe :
Une fois, un des amis d’Avraham lui confia qu’il
n’arrivait pas, avec sa femme, à avoir d’enfants, depuis déjà
plusieurs années. Lorsqu’Avraham vint lui rendre visite, il
constata que sa maison ne désemplissait pas d’invités qui
LIVRE DES CONVERSATIONS | 229
entraient et qui sortaient.
Cet ami raconta à Avraham qu’il était très attaché à la
mitsva d’hospitalité, et qu’il se faisait un devoir d’ouvrir sa
porte à toute personne sans domicile, afin de lui fournir
hébergement le temps nécessaire.
Avraham s’érigea contre cette pratique. Il lui expliqua
que ce n’était pas ainsi qu’il convenait d’accomplir la mitsva
d’hospitalité. En agissant de la sorte, il commettait une
transgression. Et c’était précisément la raison pour laquelle
il n’arrivait pas à avoir d’enfants. Il le somma de renvoyer
sur le champ tous ses invites. Ayant écouté le conseil, la
femme eut peu de temps après le mérite de tomber enceinte.
Avraham leur expliqua que la capacité d’engendrer est
liée au fait de fixer des limites. Car il faut savoir garder
ses distances avec ses amis. L’union avec ses proches n’est
pas synonyme de confusion. Et c’est ainsi qu’il faut la
comprendre. Chacun est différent de son semblable et tout
le monde vit dans l’amour et la paix.
C’est là la signification du Midrash Raba qui rapporte
qu’Amalek vit les enfants d’Israël dans le désert, résidant
ensemble, mais chacun au sein de sa tribu. S’ils vivent
ensemble, alors pourquoi est-il nécessaire de les désigner
chacun «selon sa tribu» ?
Amalek ne parvenait pas à comprendre le
fonctionnement du Peuple d’Israël. Il pensait que «vivre
ensemble» signifiait gommer les différences et annuler
230 | LIVRE DES CONVERSATIONS
l’individu au profit de la communauté.
En fait, Amalek ne peut comprendre qu’un seul concept
à la fois.
Alors que le Peuple d’Israël possède la force d’intégrer
en lui ces deux forces : respecter la différence entre les
individus et parvenir néanmoins à s’entendre, à s’aimer et à
vivre en paix tous ensembles. C’est cela l’union authentique.
C’est pourquoi, d’une manière générale, Avraham
n’apprécie pas trop la vie dans les petits villages, dans
lesquels les gens mènent une vie communautaire trop
rapprochée et cela même lorsque l’objectif est de se
consacrer au service de Dieu.
Il conseille d’éviter ces endroits et ne préconise pas de
s’y établir. Car il existe un risque de mise en péril de la
protection de l’intimité de chacun pouvant entraîner des
préjudices pour les membres de la communauté, et aboutir
à une profanation du Nom divin.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 231
91
La Matronita
Le terme «Matronita» ( ) ַמ ְטרּו ִני ָתאen langue sainte,
autrement dit «matrone» en français, désigne «la mère de
famille digne et respectable dans la société antique romaine,
disposant d’un certain pouvoir à l’intérieur de la maison,
vis-à-vis des servantes et des esclaves.»
Les lettres qui composent ce mot en hébreu forment
l’acronyme du mot «Internet» () ָה ִאי ְנ ֶטְר ֶנט.
Le Midrash rapporte l’histoire d’une matrone qui vint
rendre visite à Rabbi Yossi ben ‘Halafta (Midrach Raba 8:1).
Elle lui posa la question suivante :
«A quoi Dieu est-Il donc occupé depuis qu’Il a créé le
monde ?»
Il lui répondit que depuis ce temps-là, le Tout Puissant
s’affaire à former des unions, à constituer des couples.
La matrone, ne manqua pas d’être surprise par sa
réponse. Elle trouva la chose trop simpliste, se disant qu’elle
pouvait accomplir cela tout aussi bien que Dieu. Elle se mit
en tête de procéder à la même tâche.
232 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Très fortunée, cette matrone possédait des milliers de
domestiques et de servantes. Elle les convoqua tous, les
aligna en deux rangées : les esclaves d’un côté, les servantes
de l’autre. Elle dit :
«Untel avec untelle ! Untel avec untelle !»
Et ainsi de suite, au gré de son inspiration.
Quelques jours à peine s’écoulèrent avant que la matrone
ne revienne rendre visite à Rabbi Yossi. Elle lui relata
qu’après avoir unis les domestiques avec les servantes, il
s’ensuivit un grand tollé : disputes musclées, dents cassées,
œil au beurre noir, pour ne citer que quelques-uns des
méfaits qui s’en suivirent... Elle avoua son échec et reconnut
que former des couples ne relevait pas de l’improvisation.
Elle comprit alors que la tâche à laquelle Dieu s’adonnait
était l’une des plus complexes et des plus ardues qui soient.
Cette matrone d’antan connait un équivalent
aujourd’hui : internet.
Pourquoi ?
Parce que le propre d’internet est de permettre en un
« clic » de créer des contacts avec une facilité sans pareil.
Un israélien peut communiquer avec un chinois.
Un homme peut recontacter sa petite amie d’antan et la
rencontrer à nouveau.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 233
Toutes sortes de relations peuvent s’établir par ce
nouveau mode de communication et plus souvent pour
le pire que pour le meilleur. Nombreux sont les couples
qui se sont formés par ce biais et qui ont conduits à des
fourvoiements, conflits et divorces, à Dieu ne plaise.
Il incombe à chacun de savoir si la relation qu’il établit
via internet est sérieuse ou illusoire. Il faudra être très
vigilant à ce sujet, car il peut vraiment s’agir parfois d’une
question de vie ou de mort, ou de la dislocation d’une
famille.
234 | LIVRE DES CONVERSATIONS
92
Les nouveautés
Dieu ne se focalise pas sur les actions de l’homme. Il est
beaucoup plus attentif à ce qui peut se produire de nouveau
dans le monde, d’unique, de singulier.
Ainsi, même dans une situation extrêmement
contraignante, l’acte le plus insignifiant peut avoir, aux
yeux de Dieu, une valeur tout à fait exceptionnelle.
Imaginons le cas d’un homme qui vient au monde
accablé d’une paralysie totale. Il ne peut mouvoir le moindre
de ses membres, il n’a pas la faculté de communiquer.
Quelle mitsva pourra-t-il accomplir ? Mobilisant toutes ses
forces, il parvient à cligner d’un œil. Et il adresse ce geste
indicible à son Créateur.
Le clin d’œil de cet homme équivaut pour le Tout
Puissant à une vie entière de service divin.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 235
93
Parler avec soi-même
C’est une excellente chose pour l’homme de prendre
l’habitude de dialoguer avec lui-même. Qu’il s’adresse
aussi directement à ses membres. Qu’il parle avec lui-
même avant à sa prière, et qu’il demande de pouvoir être
digne de prononcer des paroles gracieuses et authentiques,
de réciter chants et louanges envers son Créateur.
Cette manière de procéder est bénéfique en toutes
circonstances. Ainsi, il est bon qu’une personne parle
avec elle-même avant de manger, et d’avantage encore,
lorsqu’elle confectionne les mets destinés au Chabbat ou
aux fêtes. Qu’elle s’adresse aux ingrédients, qu’elle les prie
de bien vouloir s’agencer de telle façon à produire des plats
succulents et parfumés.
Si sa voiture tombe en panne, on peut tout à fait lui
demander de se remettre à fonctionner.
De même, celui qui va dormir avec l’intention de
se réveiller pour réciter le Tikoun ‘hatsot – la prière de
minuit, pourra parler à son Lui-même et lui demander de
se réveiller à l’heure de ‘hatsot. Il constatera qu’il se lèvera
236 | LIVRE DES CONVERSATIONS
à l’heure souhaitée, sans l’aide de réveil.
Et dans tous ces exemples, il n’y a rien de de miraculeux.
Il y a l’incroyable pouvoir de la parole de dévoiler la force
spirituelle contenue dans les éléments qui nous entourent.
Le problème, c’est que nous avons cessé de croire que cette
force existe.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 237
94
Le nombre 3
Tout ce que nous voyons aujourd’hui dans ce monde
gravite autour du principe du «Trois», issu des lettres ה-ו-ה
(hé-vav-hé), les trois dernières lettres du tétragramme.
Or il existe aussi le principe du «Un», incarnée par la
première lettre du nom divin, le י-youd, qui symbolise le
Juste, fondation du monde. Cette lettre représente ce point
de «Lui-même»-" "עצמוqui se trouve dans chaque chose. Elle
est plus voilée, distincte des trois autres lettres et doté de sa
propre histoire.
Tout notre travail consiste à la rechercher et à la connecter.
Car elle représente la quintessence de la croyance et de la foi.
Considérons par exemple, les quatre murs du Temple de
Jérusalem. Trois furent complètement détruits et il n’en reste
aujourd’hui qu’un seul : le Kotel, le mur occidental appelé
aussi «mur des lamentations». Et chaque nuit, il convient de
pleurer sur la destruction du Temple.
Cependant une question se pose :
Si c’était la maison de Dieu, comment a-t-elle pu être
détruite ?
238 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Ainsi en vérité, seuls trois murs furent-ils démolis, le
quatrième est resté intact. Il représente le point fondamental,
ce point du Juste authentique, qui demeure toujours. Le
Kotel, le mur occidental, incarne ce principe par excellence.
Par analogie, on en déduit que même chez l’homme dont
la vie s’écroule et devient chaos, même lorsqu’il sombre dans
l’abime, dans la spirale du péché, il demeure toujours en lui
un point auquel il peut se raccrocher. Qu’il se souvienne,
même s’il s’imagine avoir tout perdu, qu’il subsiste toujours
en lui ce point de soutient, son propre Kotel, son propre mur
occidental, qui reste intact et pur de toute faute.
Il est difficile de tenir de tels propos, mais pourtant, la
destruction du Temple constitue pour nous d’une certaine
manière, un bienfait. Sans cela, nous n’aurions pas pu
développer notre foi dans le Tsadik. Nous serions restés
focalisés sur le principe du Trois. Car le Temple nous
contentait en tout. Les sacrifices nous offraient la réparation
de nos fautes et nous rapprochaient de Dieu. Le service des
prêtres nous procurait une élévation spirituelle. Les trois
montées à Jérusalem dans l’année réunissaient le peuple dans
une atmosphère de sainteté incomparable. Enfants comblés,
choyés, chéris de Dieu, nous en étions arrivés à oublier ce
point du Juste qui se trouve en chacun de nous.
C’est seulement après l’épreuve de la perte et de la
ruine de notre splendeur passée que, dépourvus de tout,
nous sommes aujourd’hui contraints de rechercher ce point
intime. Car c’est en lui que réside notre seul espoir.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 239
(Cela est en rapport avec la conversation No 43 qui
évoque la situation où nous avons des tanks et des avions,
sur lesquels nous bâtissons notre salut, mais qui amenuisent
notre foi en Dieu.
Il faudra nécessairement qu’arrive un jour où le Peuple
d’Israël soit confronté à une situation où sa logique sera
impuissante à tout secours. Il ne lui restera d’autre issue que
de se tourner vers le Kotel, ce qui correspond à son Kotel
intérieur, la foi sur laquelle il peut toujours s’appuyer.)
Avraham se rend bien compte qu’il est difficile de
considérer la destruction du Temple comme un bienfait,
en particulier sachant que tout le Peuple se plonge dans
l’affliction chaque 9 du mois de Av. Mais pourtant, même ce
deuil gravite autour du chiffre 3 (3=2+1=)אב.
Or le but de ces propos consiste uniquement à rétablir
l’équilibre en rappelant l’existence de cette deuxième facette
complètement occultée.
Ainsi, le Kotel est l’expression vivante de ce principe! En
effet, le Temple fut entièrement brûlé à l’exception du mur
occidental. Ce qui signifie qu’il échappa à la logique de la
destruction.
Et c’est bien pour cela qu’il demeure et demeurera
toujours !!!
Réfléchis bien à ce point, et médite mille fois au message
qu’il nous transmet!
240 | LIVRE DES CONVERSATIONS
95
Notre mur des lamentations
(Suite de la conversation précédente)
Que nous reste-t-il à faire dans la vie ?
Se mettre à rechercher le Kotel qui se trouve en nous.
Mais il est interdit de se restreindre à une recherche
machinale. Car dans chaque chose existe ce principe du
Trois et du Un, d’une face cachée et d’une face révélée.
Ainsi, même pour le Kotel, qui est pourtant l’endroit le plus
saint, dont dispose aujourd’hui le Peuple d’Israël, il existe
cette approche extérieure, cette notion des «trois murs»
qui masque et relègue au second plan, sa facette cachée qui
provient du Juste.
Ce principe s’applique également lorsque les gens
souhaitent se rapprocher du Tsadik lui-même : ils peuvent
n’en capter que le côté apparent qui émane de lui.
Or, il appartient à chacun de rechercher son propre
mur occidental, et à ne pas tomber dans l’erreur de mimer
le Tsadik au point d’ignorer ses spécificités et sa vérité qui
sont siennes.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 241
Le Juste authentique dégage une très grande aura et les
gens ont une tendance naturelle à se calquer sur son image
et à reproduire faits et geste. S’il est juste de suivre son
conseil et d’adopter la conduite particulière qu’il préconise,
il faut néanmoins rester vigilant et ne pas tomber dans la
systématisation. Autrement dit, même en ce domaine, il
faut se garder de faire une sorte d’idolâtrie des conduites
et des voies que le Juste authentique indique. Car la vérité
évolue constamment et le Juste lui-même ne cesse de
changer. C’est pourquoi, il ne faut pas rester crispé sur des
acquis, mais tâcher de se renouveler à chaque instant.
C’est en ce sens qu’Avraham nous somme de
constamment courir après la vérité. Dès l’instant où nous
parvenons à la saisir, il faut apprendre à lâcher prise pour
mieux se remettre à sa recherche.
C’est en ce sens aussi, que Rabbi Nachman affirmait que
ceux qui étaient le plus à même de faire écran à la lumière
et à l’enseignement du Juste, pouvaient bien se trouver
parmi ses propres élèves, se figeant sur quelques-uns des
comportements qu’il aurait prescrits.
Aussi, le principe consiste à rechercher à nouveau,
chaque fois et à un endroit différent, son propre Kotel.
A l’issue de cette discussion, quelqu’un demanda à
Avraham :
«Peux-tu nous dire, en ce qui te concerne, qui est ton
propre Juste ? Est-ce Rabénou ?»
242 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Cette même personne affirma quant à elle que c’était
Rabénou.
Avraham lui répondit qu’il le comprenait et que c’était
ainsi qu’il devait répondre.
Mais la vérité, est que si une personne se connaissait
vraiment et avait une vraie foi en elle-même, elle saurait que
c’est en son for intérieur que se trouve son mur occidental.
Et ce point, c’est aussi Rabbi Nachman lui-même.
Et ce point c’est aussi Dieu Lui-même.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 243
96
Surmonter la médisance
A une certaine époque, plusieurs rabbins défrayèrent
la chronique car ils furent inculpés de faits contraires aux
bonnes mœurs.
Cependant, lorsque nous souhaitâmes aborder le sujet
avec lui, Avraham nous imposa le silence. Il se refusait à
entrer dans quelque débat que ce soit au sujet de tel ou tel
Rav.
Il nous répondit de la façon suivante :
« Comment savons-nous que Dieu souhaite notre silence
en ce moment ? En nous confrontant à une situation qui suscite
l’envie de parler sur autrui. Un rabbin qui se conduit mal est
un sujet tentant, mais est-il vraiment nécessaire de débattre
sur la question ?
Le fait que, par son comportement, il ait entraîné une
profanation du nom de Dieu, nous impose-t-il un devoir de
parler sur lui ?
La vérité est que la seule raison pour laquelle Dieu nous
envoie des mauvaises pensées sur cette personne n’est que
dans le but de les surmonter en se retenant de toute parole
inconvenante à son égard.»
244 | LIVRE DES CONVERSATIONS
97
L’effet Kirlian
Après la guerre, les Russes mirent au point un appareil
permettant de visualiser l’aura d’un individu en utilisant
un principe qui s’appelle «l’effet Kirlian».
Comment en sont-ils arrivés à concevoir un tel appareil ?
Ils étudièrent le cas d’un soldat, dont la jambe avait
été amputée et qui continuait malgré tout à ressentir sa
présence.
Ce soldat éprouvait des sensations de chaud et froid ou
des démangeaisons dans le membre qui lui faisait défaut.
Bien qu’il eût perdu physiquement sa jambe, elle demeurait
toujours là spirituellement, de manière invisible.
Ce phénomène est une allusion au principe du «עצמו-
Atsmo-Lui-même».
Ainsi, il se trouve en chacun une deuxième personne,
invisible, qui est son «Lui-même», qui est pour ainsi dire,
Dieu qui Se trouve en lui.
Notre but consiste précisément à dévoiler, niveau après
niveau, cette partie cachée.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 245
Lorsqu’une personne s’isole pour parler avec son
Créateur, c’est à son Lui-même qu’elle s’adresse. Si elle
s’annule vraiment, elle peut entrer en communication
avec son essence fondamentale qui lui communiquera des
messages en retour.
Une parole qui vient de son Atsmo est une parole
authentique.
De nombreux cours prodigués par Avraham nous ont
fournis l’occasion de voir l’application de ce principe.
Avraham commence à parler, puis, à un moment donné
son Atsmo prend le relais et s’exprime. L’interrompre, ou le
déranger à cet instant précis, peut conduire à le déconnecter
de sa source.
Il arriva souvent qu’Avraham ait prodigué un cours
magistral et détaillé, mais dont il n’avait plus le moindre
souvenir le lendemain. Comme si quelqu’un d’autre avait
parlé à travers lui, alors qu’Avraham ne se souvenait plus
de rien.
Il arriva aussi que de nombreuses personnes se
réunissent pour venir l’entendre dispenser un cours sans
que sa voix intérieure ne parvienne à s’exprimer. A l’opposé,
son " "עצמוcommença à parler parfois spontanément, alors
que rien ne laissait le présager. Un cours s’improvisa sans
que des amis puissent être réunis, voire même lors d’un
moment «mal choisi» !
En quoi tout cela nous concerne ?
246 | LIVRE DES CONVERSATIONS
En vérité, ce phénomène n’est pas particulier à Avraham.
Chacun d’entre nous possède son propre " "עצמוqui peut se
manifester de la même manière. (Car le " "עצמוde chacun
est le même pour tout le monde).
Il suffit au départ de croire en son «Soi-Même»!
Il faut croire qu’il existe en nous cette deuxième
personne, parfaite et inaltérée.
C’est une particule divine se trouvant en nous et qui
transcende tout. La faire émerger exige parfois d’être
actif et parfois de l’annulation. Il ne faut pas renoncer à
la rechercher, elle est là, enfouie et ne demande qu’à se
manifester.
Puisse Dieu nous faire la grâce de la découvrir, petit à
petit !
LIVRE DES CONVERSATIONS | 247
98
La voix de Jacob
« La voix c’est la voix de Yaakov et les mains sont les
mains d’Essav »
Aujourd’hui le monde entier a une affinité avec Essav.
C’est parce que nous faisons plus confiance à l’efficacité de
nos actions qu’à la force de notre parole.
Tout cela prévaut particulièrement dans le domaine de
nos relations avec autrui. Nous entrons dans une ère où l’on
privilégie exagérément l’emploi des nouvelles technologies
pour communiquer au détriment du bon vieil usage de la
parole.
Plutôt qu’engager un dialogue vivant et chaleureux, on
enverra un message soit par SMS, WhatsApp ou par mail.
Or, une telle relation, où l’usage de la voix (de Yaakov)
est délaissé, ne peut être authentique. Malheureusement,
les gens ne s’aperçoivent même plus qu’ils sont entre les
mains d’Essav qui les manipulent.
Avraham rapporta l’histoire d’une personne qui, ayant
eu un litige professionnel avec un de ses clients, s’empressa
d’aller chez son avocat pour lui envoyer une lettre de mise
248 | LIVRE DES CONVERSATIONS
en garde. Avraham lui dit que ce comportement était
caractéristique d’Essav. En agissant ainsi, il refusait d’entrer
en relation directe avec cet autre juif. Avraham lui conseilla
d’aller le trouver et de s’expliquer avec lui de vive voix.
Car un juif affectionne l’occasion d’entendre la voix
d’un autre juif. Un Sms ou un email ne peut pas véhiculer
l’âme vibrante comme le fait si bien la voix.
Même si une discorde survient entre deux juifs, Avraham
nous engage toujours à régler le conflit en se parlant l’un à
l’autre. Car chaque juif souhaite entendre la voix de Dieu
qui lui parle par l’intermédiaire de son prochain.
Et cela n’est possible que lorsqu’on entend sa voix.
Il a ajouté le conseil suivant : dans tout ce qui concerne
les affaires et les relations professionnelles, mieux vaut
éviter de communiquer par le biais de SMS ou réseaux
sociaux. Les relations téléphoniques avec ses partenaires
ou ses clients sont beaucoup plus recommandées, afin
qu’un contact humain soit établi. C’est un grand facteur de
réussite.
L’homme possède un cœur, siège de ses émotions et de
ses sentiments et il souhaite ressentir avec qui il travaille
pour faire prospérer ses affaires.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 249
99
Juif quoi qu’il arrive
Le Midrash nous rapporte que lorsque le roi David
sortait en guerre avec ses combattants, ils revenaient
toujours tous sains et saufs.
Un ami raconta à Avraham l’histoire suivante : alors
qu’Israël était en guerre à Gaza, un des soldats au combat
mit ses téfilines et alla prier. Au même moment, une
roquette tirée depuis le camp arabe atteint le groupe des
juifs parmi lequel il se trouvait. Pas un seul ne survécut.
Cet ami fit part de son étonnement à Avraham.
Comment Dieu put-Il permettre qu’un juif, revêtu de son
talith et de ses téfilines, puisse périr par l’explosion d’obus
avec ses compagnons, alors même qu’il était plongé dans
sa prière ?
Avraham répondit que le libre arbitre que Dieu nous
donne de croire ou de ne pas croire commence précisément
lorsque nous n’avons plus d’explication face à une situation
donnée.
Car si un homme échappait à la mort grâce à sa
prière, qu’en serait-il du libre arbitre, de la croyance
250 | LIVRE DES CONVERSATIONS
inconditionnelle ?
Vivons-nous dans un monde monolithique, un monde
d’avant la création dans lequel celui qui prie est sauvé et
celui qui ne prie pas meurt ?
Qui souhaite un tel monde ? Qui aurait une vraie foi en
Dieu dans de telles conditions ?
Avraham ajouta :
«Et de toute façon, te semble-t-il fondé qu’une personne
qui prie ait plus de mérite qu’une personne qui ne prie pas ?
Un juif ne demeure-t-il pas un juif, quoi qu’il arrive ?!»
Il convient de rectifier cette vision faussée des choses.
Ne vas pas t’imaginer que celui qui ne prie pas est plus
en danger que celui qui prie. C’est peut-être même
précisément l’inverse. On a bien déjà vu que la prière peut
tuer un malade.
Le Saint Béni Soit-Il ne veut pas entendre ceux qui
tiennent ce genre de propos. Trop de sottises ont été dites!
Comme si le sort du juif ne dépendait que de ses actes.
S’il en est ainsi, nous ne prions que pour notre intérêt
personnel.
Quel sens cela a-t-il ? Sommes-nous en mesure «de
soudoyer Dieu» ?
C’est là précisément que vient se révéler la grandeur