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En voici une illustration extraite d’un des épisodes du
voyage de Rabbi Nachman en Terre Sainte.
Alors qu’il se trouvait en bateau, une forte tempête se
leva qui mit en péril tous ceux qui se trouvaient à bord.
Les passagers, pris de panique, commencèrent à prier et
à implorer Dieu de les sauver. Rabénou qui demeurait
totalement calme en dépit du danger, fut pris à parti par
plusieurs personnes. Il leur rétorqua :
« Si seulement vous restiez tranquilles, les choses iraient
beaucoup mieux. Taisez-vous et la mer s’apaisera elle aussi ».
En effet, leur prière ne faisait qu’aggraver la situation :
les vagues risquaient à chaque instant de briser le navire.
L’homme qui connaît la vérité, aussi conscient soit-il de
la situation préoccupante dans laquelle il se trouve, sait que
tout peut s’inverser en un instant. C’est pourquoi il se rendra
à un autre endroit se changer les idées, gardera le silence et
ne se laissera pas dominer par ses propres pensées.
Parfois, l’homme qui prie ne fait que renforcer la
prévalence des lois de nature (alors même que son but est
de changer le cours des choses). Il peut, à Dieu ne plaise, du
fait de la confusion de ses pensées, en arriver à provoquer la
mort du malade alors qu’il prie pour sa guérison.
Il existe une hala’ha qui vient confirmer ce principe : il
est interdit de pleurer à côté d’un malade. Car ce faisant, on
lui communique notre angoisse, nos craintes à son sujet. Il
pourrait en venir à perdre la foi et à en mourir.
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Le dévoilement du «atsmo»
Une mutation est en cours actuellement dans le
monde. Nous entrons dans une ère nouvelle, une ère de
dévoilement sans précédent dans laquelle se multiplient les
signes annonçant l’imminence de la délivrance.
Avraham nous cita en exemple les clips vidéo qui
circulent sur les réseaux sociaux dans lesquels des animaux
d’espèces différentes adoptent un comportement singulier
qui défie les lois de la nature.
On y découvre parmi les multiples exemples, une oie
sur un étang, s’affairant à nourrir les poissons autour d’elle.
Une autre vidéo montre une lionne protégeant une biche
de l’attaque d’un lion prêt à la dévorer, etc… De nombreux
autres exemples du règne animalier se comportant de la
sorte sont disponibles.
N’est-ce pas surprenant de voir une oie se soucier des
poissons ou une lionne protéger un animal qui n’est pas
de son espèce ? Au travers ces exemples, on découvre que
les instincts naturels s’amenuisent pour laisser place à une
qualité de relation beaucoup plus évoluée.
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Ce phénomène provient de ce concept du «עצמו-
Atsmo» que l’on traduit par «Lui-même». Le «Lui-même»
tend à devenir de plus en plus perceptible dans le monde.
Qu’entend-on par-là ?
La racine «Etsem», en hébreu fait référence à l’armature
osseuse, à ce qui est interne (dissimulé) et solide (qui
maintient). Le " "עצמוs’apparente à un point de vitalité
constitutif et commun à chaque chose et chaque être
dans ce monde. On pourrait le définir comme l’essence
fondamentale, l’étincelle divine qui anime chaque élément
de la création au-delà de la diversité des formes extérieures.
Le " "עצמוest commun à tout ce qui nous entoure : les
animaux, les hommes, les objets. Il est le point de divinité
qui nous relie. Lorsque nous ne voyons pas ce point, alors
surgissent les conflits, les guerres. L’homme oublie son
semblable, son ""עצמו et considère son prochain comme un
être radicalement différent, voire totalement opposé à lui et
avec lequel il n’a aucun lien.
Mais lorsque ce point de «Lui-même» se dévoile, alors le
chalom apparaît. Lorsque le " "עצמוrayonne, l’oie ne voit plus
le poisson en tant que poisson, mais le considère comme un
de ses semblables.
Et la paix peut régner partout, car la conscience d’une
unité véritable vient transcender les apparences. Ainsi,
lorsqu’une personne s’attache fortement à son «Lui-même-
»עצמו, il n’a plus rien à craindre de qui que ce soit. Le poisson
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le considérera comme l’un des siens et le lion ne le verra
pas comme une proie. Chaque espèce verra en l’autre un
reflet de lui-même, son alter ego, son עצמו.
Ce même principe s’appliqua à la manne que
consommèrent les enfants d’Israël dans le désert. La manne
était un aliment fondamental qui incluait en elle toutes les
sortes d’aliments, de parfums, de textures et de saveurs.
Elle était l’aliment unique, le " "עצמוde la nourriture.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 155
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Un bon point même chez les nazis
Il n’existe pas de chose dans le monde qui ne contienne
de point positif. Il est impossible qu’il en soit autrement.
Aussi, à l’occasion d’un cours d’Avraham, quelqu’un lui
demanda, dans ce cas, s’il était possible de trouver un point
positif même chez Hitler et les nazis.
Avraham répondit :
«Même chez les nazis se trouve forcément un point
positif !»
Cela est difficile à accepter, car nous nous figeons
sur la mort de millions de juifs et sur les atrocités qu’ils
ont commises. Nous les considérons à raison comme le
paroxysme du mal. Car ils ont vraiment tués et tout ce qu’ils
ont perpétré est le comble de l’horreur. Mais comme nous
sommes obnubilés par cette vérité, nous ne captons que
la moitié de l’histoire. Or, il existe encore une deuxième
moitié dont nous avons occulté.
Quelle est-elle ?
Les nazis sont venus nous dévoiler qu’un juif est un
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juif, indépendamment de qui il est, de ce qu’il sait ou de ce
qu’il fait.
Les nazis n’ont pas fait de distinction entre le riche et
le pauvre, entre l’érudit en Torah et le juif assimilé, entre le
croyant et l’athée. Même un juif converti au christianisme
demeurait juif à leurs yeux, puisqu’ils ont fait des recherches
sur son origine jusqu’à quatre générations en arrière.
Ils ont mis en évidence le principe, selon lequel chaque
juif équivalait à son prochain! Personne n’est supérieur.
N’ayant su nous-mêmes capter ce message, il aura
fallu qu’il nous parvienne par le biais du peuple de la pire
espèce : les nazis.
Aussi, lorsqu’un juif surprend son prochain en train
de fauter et qu’il se permette de lui adresser une remarque
déplacée à ce propos, il ne fera que reproduire cette erreur.
Laquelle ?
Celle qui consiste à ne voir que les faits et à les juger
froidement. En critiquant son semblable, il s’érige en juge
et oublie ce point fondamental et positif, qui lui n’a pas
échappé aux nazis.
Or, il n’y a pas de plus grande faute que celle de médire
un autre juif, quelle que soit sa faute. Dire du mal d’autrui
est rigoureusement interdit.
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Penser positif pour manger cacher
Rabbi Israël Dov Odesser, zatsal, était appelé
respectueusement «Saba» (le grand-père), ayant atteint le
très bel âge de 106 ans. Lorsqu’il était invité à manger chez
quelqu’un, il ne vérifiait jamais son niveau d’observance
des lois de la cacherout.
De même le ‘Hazon Ich, pourtant réputé pour avoir été
très strict en matière de cacherout, laissa à son décès une
lettre à l’un de ses proches dans laquelle il demandait de ne
pas être trop rigoureux sur les lois alimentaires. Il affirmait
que l’essentiel était de manger en paix.
Or cette lettre fut dissimulée pendant 17 ans par un
proche de la famille qui craignait de la diffuser.
Mais, tel est le principe : lorsqu’un juif se rend chez un
ami sans remettre en cause son niveau d’observance de la
cacherout, il n’aura pas à craindre de transgresser les lois
alimentaires. Car la pensée et la réalité sont intimement
liées.
A l’inverse, si, traversé par le doute, il s’engage dans
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une enquête minutieuse sur le niveau de cacherout de son
ami, il prend le risque de le vexer et de détériorer la bonne
relation qu’ils entretenaient jusqu’alors.
Le doute que ce juif éprouve envers son prochain,
va lui-même le faire trébucher, car sa pensée a une
incidence directe sur la nourriture et la rend impropre à la
consommation
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Le principe du Tikoun ‘Hatsot
Avraham expliqua à propos du Tikoun ‘Hatsot (la
récitation de la prière de minuit sur la destruction du
Temple), que le principe ne consiste pas à demeurer éveillé
jusqu’au milieu de la nuit. Il vaut mieux au contraire
marquer une coupure avec la journée précédente en allant
dormir, puis alors se relever.
La phase de sommeil d’oubli doit nécessairement
précéder le réveil. Car c’est là tout le principe du Tikoun
‘Hatsot : ne pas persister dans une voie, ne pas s’enfermer
dans la faute, ne pas s’engluer dans sa chute. Car même si
une personne s’est en quelque sorte «oubliée», sa véritable
faute consiste à se maintenir dans son erreur.
Une fois Avraham rencontra à Méa Shéarim un ‘hassid
Breslev de renom. Ce dernier l’accosta, et s’enquerra, avec
une pointe de défi et d’ironie, de savoir s’il se levait à minuit
pour réciter le Tikoun ‘Hatsot.
Avraham lui répondit :
«Es-tu toi-même, en pleine journée, et à ce moment précis
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en état d’éveil ?»
Il souhaitait lui faire comprendre par-là que l’on peut
s’attacher à la lettre d’une mitsva tout en oubliant totalement
l’esprit. Car l’essentiel du Tikoun ‘Hatsot ne se limite pas,
comme on pourrait le penser, à l’acte de se lever au milieu
de la nuit pour pleurer sur la destruction du temple.
L’essentiel du Tikoun ‘Hatsot est une qualité spirituelle.
Le véritable Tikoun ‘Hatsot consiste à savoir interrompre
une action négative que l’on a commencée, marquer un
temps d’arrêt et prendre le parti ne pas continuer sur sa
lancée.
Considérons par exemple le cas d’une querelle qui surgit
entre deux personnes. Cette dissension, par nature, tend à
se perpétuer si chacun reste campé sur ses positions. Elle
peut même durer des années lorsque chacun, convaincu
d’être dans son bon droit, s’endort pour ainsi dire, sur son
parti pris.
En revanche, si maintenant une personne s’attache
à l’esprit du Tikoun ‘Hatsot, elle se réveillera comme un
lion et rassemblera ses forces pour aller faire la paix avec
son prochain. C’est là le Tikoun ‘Hatsot par excellence ; ne
pas persister dans la mauvaise voie, mais se contraindre
à sortir de sa léthargie spirituelle pour s’engager dans la
téshouva et changer sa vie !
C’est la raison pour laquelle Yossef HaTsadik est appelé
le «gardien de l’alliance». Pris au piège des avances de la
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femme de Poutifar, il trouva la ressource, au plus fort de
sa chute spirituelle, de s’arrêter net et de s’extirper de sa
situation. Or le fait de réfréner ses instincts au beau milieu
de la faute possède une valeur infiniment plus grande que
la capacité de s’en retenir, sans y être tombé.
Et c’est là le vrai sens du Tikoun ‘Hatsot !
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Avec nos jeunes et nos vieillards
Lorsque Moché Rabénou émit le souhait de sortir
d’Égypte pour aller servir Dieu dans le désert, Pharaon
accéda à sa demande mais posa une condition ; que seuls
les hommes adultes s’y rendent ! Autrement dit, sans les
enfants !
Moché s’entêta : «…avec nos jeunes et nos vieillards
nous irons !…» (Exode 10:9)
Pourquoi cette insistance ? Les vieillards et les enfants
ne sont-ils pas une entrave pour celui qui souhaite servir et
prier Dieu ?
Leur présence n’est-elle pas une source de perturbation
et de chahut ?
De plus, elle requiert une attention particulière : les
enfants ont besoin d’être surveillés, changés, occupés. Les
vieillards nécessitent de même des soins, de l’attention et
de la patience.
Pourtant, Moché ne renonce pas :
LIVRE DES CONVERSATIONS | 163
«Avec nos jeunes et nos vieillards nous irons!»
Son insistance nous montre que c’est précisément dans
ce contexte que leur dévotion divine a le plus de valeur.
A de nombreuses reprises, Avraham mit en évidence
le lien entre cette leçon de Torah et le fait de voyager à
Ouman, chez Rabbi Nachman.
En effet, certaines personnes expriment le souhait de
voyager chez le Tsadik en milieu d’année, à des périodes
de moindre influence. Ainsi, à l’abri de l’agitation et de
l’effervescence des moments de grand rassemblement, ils
disposent du calme et de la tranquillité qui leur permettent
de prier à leur convenance.
Au contraire, Avraham affirme que l’essentiel du
voyage chez Rabénou, consiste à se trouver confronté à
ce vaste désordre qui peut se traduire par la perte de nos
valises, l’oubli de nos provisions, la difficulté à trouver
un hébergement, etc... C’est justement cela qui constitue
l’essentiel du voyage. Aussi, lorsqu’une personne parvient
à élever ses prières dans ce grand remue-ménage, il peut
vraiment prétendre s’être rendu chez Rabbi Nachman.
Rabénou nous enseigne qu’il arrive parfois qu’une
personne vienne chez lui dans un état de «léthargie
spirituelle». Elle se trouve physiquement sur le lieu de sa
sépulture, mais sans y être vraiment présente.
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De l’argent sans travailler
L’homme pense généralement que l’argent qu’il gagne
est proportionnel aux efforts qu’il déploie. Ce rapport de
cause à effet est le fruit de son imagination. En réalité, il n’y
a aucun lien entre l’un et l’autre.
Bien sûr, la personne quitte son domicile pour aller
travailler, mais c’est Dieu seul qui lui envoie son salaire.
La preuve en est que même lorsqu’une personne s’arrête
pour Chabbat ou pour toute autre raison, elle dispose
néanmoins de ce qui lui est nécessaire pour subsister. Elle
s’appuie uniquement sur Dieu.
Avraham nous rapporta l’histoire d’un ami qui possédait
plusieurs magasins et qui maintenait une surveillance
constante sur ses employés. Au moyen d’une caméra vidéo,
il analysait leurs moindres faits et gestes en s’imaginant
que la réussite de ses affaires en dépendait. Pourtant, il était
sans cesse confronté à des difficultés avec son personnel.
Avraham lui conseilla de tenter l’expérience suivante:
pour une période d’un mois, qu’il se cantonne à faire
l’ouverture de ses magasins, puis à quitter les lieux en
LIVRE DES CONVERSATIONS | 165
laissant à ses employés le soin de gérer ses affaires.
Il s’avéra qu’il enregistra, sur cette période une forte
hausse de ses bénéfices.
Ainsi, se révéla à nouveau l’absence de lien de cause à
effet, entre les démarches et les bénéfices qui en résultent.
Une fois, Avraham nous assura que si l’homme était
doté d’une absolue confiance en Dieu, il pourrait s’asseoir
à ne rien faire et recevoir cependant sa subsistance sans le
moindre effort.
Mais la nature de l’homme l’entraînant à faire toutes
sortes de calculs, il tend par son comportement à chasser
de lui le bienfait de la providence divine.
166 | LIVRE DES CONVERSATIONS
63
Le même tronc
L’essentiel des querelles qui se manifestent au sein du
peuple d’Israël (entre la gauche et la droite, les religieux et
les non religieux, etc.), provient du fait que les juifs oublient
qu’eux-mêmes et ceux qu’ils identifient comme leurs
opposants, sont en réalité les deux parties constitutives
d’une seule et même entité.
Comment peut-on oublier cette réalité fondamentale ?
Il n’existe pas d’erreur plus grossière que celle-là.
L’idée a déjà été évoquée que pour parvenir à se
connaître Lui-même, Dieu S’est fragmenté en une infinité
d’éléments. Cet «éclatement» en une multiplicité de
particules a abouti à ce que chacune d’entre-elles ait fini
par oublier sa provenance et son origine commune avec les
autres.
Cela s’apparente à des branches qui poussent sur un
même tronc d’arbre. Avec le temps, elles grandissent et
s’éloignent de leur origine. Au sommet de l’arbre, plus rien
ne témoigne de leur provenance commune.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 167
En vérité, pourquoi devraient-elles entrer en
compétition ? Ne font-elles pas partie d’un même tout ?
Toute atteinte au tronc n’affecte-t-elle pas l’ensemble des
branches ? N’en souffrent-elles pas autant l’une comme
l’autre ?
Dans le même ordre d’idées, le Ben Ich ‘Haï enseigne
que lorsqu’une personne donne la tsédaka à un autre juif,
il ne fait en réalité que transférer de l’argent de sa main
gauche à sa main droite.
Ainsi il est bon de se souvenir durant la journée que
chaque juif est comme une branche parmi d’autres reliée à
une seule et même souche.
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C’est un garçon !
Avraham nous relata l’histoire d’une femme qui après
avoir eu cinq filles, enfanta un garçon. Avraham déclara
qu’il devait forcément en être ainsi.
Mais comment affirmer une telle chose ?
Chaque Roch ‘Hodech, cette femme avait coutume de
préparer des gâteaux à l’occasion du cours traditionnel
qu’Avraham donne ce jour-là à la Yéshiva. Dans tout ce
qu’elle faisait, elle y mettait beaucoup d’amour. C’est aussi
de cette façon qu’elle donnait son maasser (la dîme de son
argent). Elle n’avait de cesse d’exprimer sa foi en Dieu avec
amour. Elle manifestait cette foi au-delà de toute logique.
Il faut comprendre qu’à l’origine, la notion de «foi» est,
pour ainsi dire, étrangère à Dieu. Dieu ne croit pas en Lui-
même. C’est à travers le Peuple d’Israël qu’Il peut découvrir
ce concept de foi.
Par exemple, lorsque le Tout-Puissant voit un juif briser
sa logique pour ne se reposer que sur sa foi, ce dernier, par
cela vient renforcer la propre foi de Dieu en Lui-même.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 169
En retour, Dieu peut récompenser la personne pour
la confiance qu’elle Lui a témoignée. C’est ainsi que cette
femme fut gratifiée par la naissance d’un petit garçon.
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Réveiller la particule spirituelle
Une fois, Avraham voyageait en voiture avec une
personne dont le téléphone portable avait cessé de
fonctionner. Avraham demanda à voir son appareil. Dès
qu’il le prit en main, il ouvrit la fenêtre du véhicule en
marche et jeta l’appareil par la fenêtre en direction d’une
flaque de boue.
Le propriétaire du téléphone, stupéfait, s’arrêta sur
le champ et sortit de sa voiture. Il courut pour extraire
son appareil de la vase et découvrit…qu’il s’était remis à
fonctionner.
Et il existe une quantité innombrable d’histoires comme
celle-ci. Une autre fois, la montre d’Avraham s’arrêta. Il la
saisit vigoureusement et la menaça de la jeter à la poubelle
si elle ne se remettait pas à fonctionner, ce qu’elle fit bien-
sûr!
Un jour encore, je vins lui rendre visite. Mon téléphone
était tombé dans l’eau. Je l’avais amené chez un technicien
qui ne m’avait laissé aucun espoir. Mais Avraham me
demanda de ne pas croire ce que chacun raconte. Il me
LIVRE DES CONVERSATIONS | 171
reprocha de ne pas avoir fait ce qu’il s’imposait dans un tel
cas, à savoir, m’adresser directement à mon téléphone et
lui demander de se remettre à fonctionner.
Parler avec lui pour de bon !
Il m’expliqua que tout le problème provenait du fait
que le téléphone possède en lui le pouvoir d’oublier ou de
se souvenir de qui il est vraiment ; Et qu’en l’occurrence,
l’appareil avait oublié qu’il était porteur d’une particule
divine et finit par se considérer comme un simple téléphone
portable. Aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est
un peu comme si le téléphone lui-même s’était départi de
sa foi et s’était enlisé dans la logique des voies de la nature.
Or, lorsque nous nous adressons à lui, nous venons
réveiller cette particule spirituelle et lui rappeler qu’il
n’est pas seulement un téléphone, mais qu’il possède une
étincelle divine. Et ce rappel réactive en lui cette capacité
de fonctionner.
Il s’agit d’un grand prodige, d’une véritable nouveauté.
Qui pense encore comme ça ? Aujourd’hui, il va de soi qu’un
téléphone défectueux doit être réparé par un professionnel,
et qu’à défaut de solution, il devra être jeté.
Si l’homme était croyant, il demanderait à Dieu d’avoir
pitié de lui en lui épargnant des dépenses supplémentaires.
Mais qui possède suffisamment la foi pour converser avec
son téléphone ?
172 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Pourtant, lorsque cette foi est développée, l’homme
prend vraiment conscience de la présence de Dieu en toute
chose. Cela se produit et se vérifie et c’est une approche
radicalement nouvelle dont le monde ne connaît pas encore.
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Savoir raconter les histoires
Dieu se trouve emprisonné, ainsi qu’il est écrit :
«Le roi est enchaîné…» (Cantique des Cantiques VII)
Mais grâce à toutes les histoires de providence divine
que nous racontons et qui témoignent de la manifestation
du Tout-Puissant, qui nous rappellent combien Il est
présent chaque jour à nos côtés dans la vie quotidienne,
grâce à cela, il devient possible peu à peu de Le libérer de
Sa geôle.
Et très souvent, lorsqu’Avraham raconte une histoire,
il révèle un lien entre deux sujets qui, à première vue,
n’avaient rien à voir l’un avec l’autre. En d’autres termes,
il dévoile, pour ainsi dire, la main de Dieu. Ainsi à chaque
nouvelle histoire, petit à petit, Dieu sort de prison.
Mais le contraire est aussi vrai :
En effet, Avraham attira souvent notre attention sur
l’importance de savoir comment raconter les histoires de
Tsadikim, en veillant à ne pas commettre de maladresse.
174 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Un jour, une personne lui rapporta l’histoire d’un Tsadik
qui par sa prière, aurait soi-disant permis à un avion, dans
lequel il voyageait, de poursuivre son vol, alors qu’il avait
décollé presque sans carburant.
Lorsqu’Avraham entendit ce récit, il exprima son
mécontentement. Il nous fit part de l’importance de savoir
comment raconter les histoires des Tsadikim. Car, si dans
son récit, le narrateur n’accorde la place qui revient aux
lois de la nature et les mésestime, il peut provoquer l’effet
contraire chez l’auditeur et lui faire perdre sa foi en Dieu
au lieu de la lui renforcer.
Car comment un avion peut-il décoller sans que ses
réserves en carburant aient été vérifiées au préalable ?
Celui qui relate des histoires comme celle-ci, sans
préserver une place pour les lois naturelles qui régissent le
monde, ou qu’il altère la réalité pour grossir le miracle, ce
narrateur provoquera en fin de compte l’effet contraire à
celui souhaité.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 175
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Les vertus de la cuisine
Avraham rapporta l’histoire d’une femme qui avait des
enfants turbulents qui lui causaient beaucoup de tracas. La
situation était difficilement supportable.
A ce propos, Avraham nous expliqua que si une femme
prépare elle-même les repas à la maison, les enfants se
conduiront bien.
Il faut savoir que ce qui calme les enfants, ce sont les plats
que leur mère leur prépare. Les enfants qui consomment
des repas tout prêts, réchauffés en quelques minutes, auront
tendance, eux aussi, à vouloir tout bâcler et à adopter une
attitude dissipée. Ces comportements pourront même se
dégrader avec le temps. Comment l’expliquer ?
Ces enfants ne trouvent pas dans les fast-foods et
l’alimentation industrielle, l’ingrédient qui parvient à les
calmer.
Ce n’est que pour cela que Dieu nous a donné le Chabbat :
afin que l’on prépare soi-même et que l’on dispose les bons
plats cuisinés sur la table. En effet, la table et les aliments
176 | LIVRE DES CONVERSATIONS
de Chabbat nous réunissent, nous rassemblent et nous
calment.
D’où provient cette force de calmer qui émane de la
nourriture ?
Sachez qu’il existe un grand secret dans le fait même de
cuisiner. Cela est un ‘hidouch, une nouveauté extraordinaire
pour Dieu.
L’importance qu’accorde la Torah à la nourriture
apparaît entre autres dans la loi juive suivante : «une femme
qui brûle le repas constitue un motif de divorce.»
(Cette loi a valeur d’enseignement. Grâce à Dieu, elle
n’est pas appliquée à la lettre de nos jours.)
Ainsi, l’acte de cuisiner possède un grand pouvoir
d’unification. En effet, si l’on rassemble plusieurs ingrédients
côte à côte, il ne se passe rien. En revanche, lorsqu’on les
accommode et qu’on les fait cuire, il se produit quelque
chose de nouveau dans le monde. Et cela n’est pas dû à la
chaleur du feu !
C’est le résultat des gestes que la femme effectue avec
ses mains et de l’amour qu’elle transmet dans le manger.
Tout cela est l’expression de sa foi (la foi est en rapport avec
les mains) qui vient exercer une influence positive sur toute
la famille. C’est précisément là que se trouve l’ingrédient
qui possède cette vertu de calmer.
Les enfants qui consomment des repas préparés par
LIVRE DES CONVERSATIONS | 177
leur mère ne toucheront pas à la drogue et ne sombreront
pas dans la délinquance.
Un jour, on interrogea Avraham sur ces familles
religieuses qui commandent leurs repas de Chabbat chez
le traiteur, pour ne pas perdre de temps dans de longs
préparatifs.
Il expliqua que ceux qui procèdent ainsi, même avec
l’intention de gagner du temps en faveur de l’étude de la
Torah, ne font pas preuve d’un comportement approprié
ni d’une vraie foi en Dieu. Il se pourrait même, Dieu nous
en préserve, que cela puisse influer négativement sur le
caractère de leurs enfants. Car tout provient du manger.
La tâche de cuisiner n’est pas l’apanage exclusif de la
mère. Avraham nous confia que lui-même avait souvent
l’habitude de préparer tous les plats du Chabbat. Il n’y a
aucun inconvénient à ce que ce soit le père qui cuisine.
Selon lui, c’est ainsi qu’il protège sa famille : grâce à la
bonne influence de la nourriture. Car les enfants adorent
sentir les bonnes odeurs qui émanent des casseroles sur le
feu ou du pain dans le four. Cela les calme, et calme Dieu.
Il ajouta encore à ce sujet qu’il y a de la vie dans les
aliments. Il nous invita à faire le test suivant :
Lorsqu’une personne prépare les ‘halot de Chabbat,
même si elle ne connaît pas la recette exacte, mais qu’elle
s’adresse verbalement à la pâte qu’elle pétrit en termes
bienveillants et élogieux, notamment lorsqu’elle est sur
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le point de l’enfourner, elle constatera que son pain sera
meilleur que d’habitude. Et même trop cuite, la ‘halla sera
quand même bonne.
En effet, le pain attend de la cuisinière qu’elle créé avec
lui un lien spirituel pour qu’il puisse donner le meilleur de
lui-même. Il attend de pouvoir matérialiser l’expression de
sa foi.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 179
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Une bonne première pensée
Il est très important que toute première pensée qui
vienne à l’esprit soit bonne. Toute mauvaise pensée, à ce
moment-là est particulièrement à proscrire.
A ce propos, le monde se méprend sur la notion de
«point positif».
Prenons l’exemple d’une personne que l’on voit mal se
comporter. Si l’on est animé par la volonté de rechercher le
bien partout, on s’efforce alors de tempérer notre jugement
et l’on se persuade que cette personne a, par ailleurs,
accompli quelque action méritoire, comme par exemple
avoir aidé une femme âgée etc.
Cette vision des choses est non seulement erronée mais
elle masque, de surcroît, la véritable définition du «point
positif». Pourquoi ?
Parce que cette conception prise la valeur de l’homme
en fonction de ses actions. Or il faut savoir qu’un point
positif se trouve en tout et partout, même là où on l’imagine
le moins.
180 | LIVRE DES CONVERSATIONS
La pensée positive est une pensée « gratuite » et sans
condition, indépendante des actes, des comportements et
des à priori.
C’est exactement ce à quoi fait allusion Rabbi Nachman,
au sujet de la bénédiction de la lune : bien que selon la
majorité des décisionnaires, on s’en acquitte seulement
lorsque la lune est apparente. Rabbi Nachman déclara
cependant une fois à Rabbi Nathan qu’on peut la réciter
même si l’astre est complètement dissimulé derrière des
nuages. Ceci constitue une totale innovation dans la loi
juive !!!
Le message est clair : une chose que l’on ne voit pas
n’est pas pour autant dépourvue d’existence.
Partant de ce principe, quelle que soit la situation à
laquelle on se trouve confronté, il convient de privilégier
d’emblée une pensée positive qui prend sa source dans
l’amour du prochain car elle reflète la perception immédiate
de Dieu au travers de chaque être et de chaque événement.
Ce qui peut nous apparaître comme un mal ne doit
pas nous conduire à oublier qu’en toute circonstance, c’est
encore et toujours Dieu qui se trouve en face de nous.
Il est vrai que cette façon de penser est rarement innée.
Cela nécessite un travail préalable sur soi-même, afin de
se libérer des pensées spontanées qui sont le plus souvent
critiques ou négatives.
Parvenir à un état d’esprit où la pensée positive
LIVRE DES CONVERSATIONS | 181
jaillit spontanément, requiert en permanence un appel
à l’aide du Tout Puissant et un travail sur notre mental.
Côtoyer le Tsadik et observer son comportement en toutes
circonstances permet peu à peu de forger son esprit en vue
d’acquérir ces automatismes.
Très régulièrement, des personnes en difficultés rendent
visite à Avraham pour lui parler de leurs problèmes et lui
demander quelle en sera l’issue. Lorsqu’il leur affirme que
tout s’arrangera, il sait vraiment que tout s’arrangera et
qu’il n’y a aucune inquiétude à avoir.
Car le Juste possède la capacité de laisser s’exprimer
en lui cette pensée première, fondamentalement bonne.
Ce n’est plus un individu qui traduit dans son langage une
pensée humaine, mais c’est, d’une certaine façon, la pensée
émanant de Dieu Lui-même qui s’exprime à travers lui.
Ainsi, ce n’est plus l’homme qui s’exprime, mais le Lui-
même de l’homme. De ce fait, cette pensée formulée prend
alors valeur de décret que la parole vient sceller.
C’est dans cette perspective qu’Avraham recommande
à celui qui fait un mauvais rêve de s’entretenir en premier
lieu avec un Tsadik, pour que le rêve prenne une tournure
favorable. En le confiant à celui chez lequel prévaut la
pensée positive, son interprétation suivra le même chemin.
182 | LIVRE DES CONVERSATIONS
69
Les nouveaux fruits de la Terre d’Israël
La terre d’Israël s’appelait initialement la terre de
Canaan ארץ כנען.
Quelle est la signification du mot Canaan ?
Nos Sages nous en livrent une interprétation en
procédant à une segmentation du mot en deux syllabes.
Chacune de ces syllabes forme un mot doté d’un sens
propre.
La langue hébraïque étant consonantique, Canaan peut
se lire :
«כאן עני- Can Ani», ce qui signifie littéralement «pauvre
ici», ou en d’autres termes un «endroit de misère». Cette
situation est représentée par la lettre ד- daleth, car la lettre
«daleth – »דל"תest de la même étymologie que le mot ""דל,
qui exprime la pauvreté.
Avant que les juifs ne s’y installent, cette terre était
effectivement une terre de misère, désertique et porteuse de
maladies. Une terre marécageuse et infestée de moustiques
où presque rien n’y poussait.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 183
Les premiers juifs - יהודים, les pionniers, qui sont
venus s’y établir, incarnaient précisément ce point positif
représenté par la lettre Youd – ( יודde même racine). C’est
pour cela qu’ils ont su révéler l’aspect positif de la terre
d‘Israël.
À leur arrivée, la terre s’est mise à fleurir, à donner ses
fruits et l’on a pu découvrir l’extraordinaire potentiel et la
grande beauté qu’elle portait en elle.
Pourtant aujourd’hui, parmi les orthodoxes, se trouvent
des personnes qui, au nom de Dieu, pointent du doigt ces
pionniers, les accusant de communiquer de « l’impureté »
à la Terre sainte parce qu’ils ne sont pas religieux.
C’est une grande erreur! En leur temps, ces pionniers
incarnaient le point le plus positif qui soit. Ils représentaient
d’une certaine manière à eux seuls toute la Torah, ce «youd»
capable de faire germer et fructifier cette lumière cachée en
terre.
Même chez le juif le plus éloigné de toute pratique
religieuse, il existe toujours cette étincelle de bien qui inclut
la Torah dans son intégralité.
Mais aujourd’hui, il y a un autre problème, car les juifs
laïques ont aussi leurs propres revendications lorsqu’ils
affirment :
«Cette terre est la nôtre, nous seuls l’avons conquise et
construite !».
184 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Il s’agit là aussi d’une grande erreur. Parce que même si
à leur époque, ils incarnaient ce point positif, ils ne peuvent
pas se contenter de dire : «Nous avons fait notre part, nous
avons apporté notre tribut ; cette terre est la nôtre, elle est
notre œuvre, un point c’est tout !»
A présent, il faut se renouveler, apporter autre chose,
redonner à la Torah un nouveau souffle pour extraire de
cette Terre de nouveaux joyaux. Et si nous parvenons à
évoluer dans ce sens, à produire d’autres nouveautés, à
dévoiler de nouveaux concepts dans la Torah, alors de son
côté, la Terre d’Israël aussi produira de nouveaux trésors,
elle ne sera plus jamais terre de misère et de désolation.
Telle est notre vocation, notre mission et notre destinée.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 185
70
Béni par la vérité
Avraham parla avec nous des gens obnubilés par le
souci de leur subsistance. Si l’homme veut gagner sa vie,
qu’il se lance à la poursuite de la vérité. Et s’il la recherche
sincèrement, c’est elle qui lui amènera son “gagne-pain”.
186 | LIVRE DES CONVERSATIONS
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Ecouter sa femme
Avraham affirme qu’en général, l’homme qui réussit
dans la vie est celui qui écoute sa femme. Car Dieu a octroyé
à la femme deux forces : celle d’engendrer et celle d’attirer
l’abondance matérielle.
La première qualité va de soi et nul n’est besoin de
s’étendre d’avantage à ce sujet.
Mais la deuxième force est aussi une qualité inhérente
à la femme que l’on a tendance à sous-estimer, car elle
n’est pas aussi manifeste. Ainsi, lorsqu’un homme offre à
sa femme un cadeau, même modeste, comme par exemple
des fleurs en plastique, il vient révéler ce potentiel qui se
trouve en elle.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 187
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Pas trop d’amour
Le véritable amour va de pair avec la crainte. C’est un
amour où l’on sait garder ses distances.
Si dans un couple l’homme et la femme s’aiment trop,
ils peuvent rencontrer des difficultés pour avoir des enfants.
Et il existe de nombreux cas qui viennent confirmer ce
principe.
Pourtant l’amour entre un homme et sa femme est
fondamental. Mais, trop d’amour peut porter préjudice
à la conception d’un enfant. Il faut savoir préserver une
certaine distance, afin que la mère puisse tomber enceinte.
Car pour qu’un enfant puisse venir au monde, il a besoin
que s’aménage un espace entre l’homme et la femme, afin
d’être conçu.
D’ailleurs, à plus grande échelle, même Dieu a eu besoin
de s’éloigner de Lui-même pour pouvoir créer le monde.
Ainsi, le meilleur conseil que l’on puisse donner à un
couple est de s’aimer, tout en sachant préserver une certaine
distance.
188 | LIVRE DES CONVERSATIONS
73
Tourner la page rapidement
Avraham raconta qu’une fois, il alla au restaurent avec
un ami et en oublia d’aider sa femme, demeurée seule, à
devoir s’occuper des enfants. Après l’avoir attendu trop
longtemps, cette dernière vint le rejoindre, au comble de
l’énervement. Au moment où elle l’aperçut, elle lui jeta un
verre d’eau en pleine tête, tant elle lui en voulait.
A ce moment précis, il se passa quelque chose de tout à
fait surprenant : Avraham lui prit la main. Ils se levèrent et
quittèrent tranquillement les lieux, comme si rien ne s’était
passé. Toute personne qui aurait été témoin de cette scène,
aurait vu un couple parfaitement normal marcher main
dans la main. Ce qui venait de se produire était vraiment
saisissant, sachant que dix secondes auparavant, la femme
d’Avraham venait de lui lancer un verre d’eau au visage, au
comble de sa colère.
On venait d’assister à une sorte de saut dans temps.
Pourquoi ?
Parce ce que, lorsqu’un couple se dispute, il a besoin
LIVRE DES CONVERSATIONS | 189
d’un certain temps pour se calmer, puis même parfois
de plusieurs jours pour se réconcilier. Mais ici, tout s’est
déroulé en à peine quelques secondes.
En extrapolant sur ce principe, Avraham expliqua que
l’essentiel d’une faute n’était pas la faute elle-même, mais
consistait à rester figé dans l’état d’esprit de cette faute.
Cela provient du fait que notre mental est trop rigide, il
manque de souplesse. Car lorsqu’une personne possède un
esprit souple, il est capable de s’adapter à des changements
de situation en un moindre temps. Il ne reste pas bloqué
sur un fait. Il se renouvelle tout de suite après.
Il y a des personnes qui se disputent et puisqu’ils ont
commencés, ils se sentent obligés de poursuivre ainsi sur
leur lancée. Alors qu’en fait, il n’y a aucune obligation de
continuer.
S’arrêter rapidement et tourner la page. Hop ! Etre
souple, inverser la situation. Ne pas tomber dans la rigueur
et la rigidité. Ne pas se sentir obligé de poursuivre la
dispute. Arrêter ce péché.
Il y a une histoire, maintenant place à une nouvelle
histoire.
Le principe est que si une personne s’habitue à
fonctionner ainsi, il raccourcira le temps des disputes. Mais
l’essentiel du travail d’un juif consiste à atteindre le niveau
où il arrive à discerner dans un point les deux forces qui le
composent.
190 | LIVRE DES CONVERSATIONS
74
Le monde est parfait
Il n’y a aucun manque dans ce monde, il est parfait. Le
problème est que selon notre conception, nous ne percevons
pas cette perfection. C’est notre vision des choses qui en
est la cause. Notre pensée tend à soustraire des éléments du
tout. Il nous manque toujours quelque chose.
Si l’homme captait la réalité avec une vraie conscience
divine, il verrait que même le plus grand péché possède
un lien étroit avec Dieu. C’est nous qui en avons fait une
transgression.
Quelqu’un posa la question :
«Est-ce qu’une transgression est une séparation ?»
Avraham répondit :
«Selon notre perception des choses, oui. Car nous
nous imaginons que l’homme devient séparé de Dieu. La
transgression nous laisse entendre que d’un côté il y a Dieu
et de l’autre la personne. Mais en vérité, les deux ne sont
qu’un.»
LIVRE DES CONVERSATIONS | 191
Autrement dit, si l’homme comprenait réellement cela,
le péché n’existerait plus pour lui.
Il en va de même avec les commandements. Il n’y aurait
plus de mitsva pour une personne d’un tel niveau.
C’est pour cela, que Rabbi Nachman a enseigné :
«C’est une grande mitsva d’être toujours joyeux.»
Car si tu es joyeux, tu ne peux pas accomplir de mitsva
ou commettre de péché, tu n’en a plus le temps. Tu te
trouves déjà au-dessus du temps, au-dessus du monde de
la division.
Il convient cependant de remarquer que parfois, les
gens font des rondes, des danses de joie où viennent s’y
mêler légèreté et frivolité. Et ils s’imaginent que c’est cela la
joie. Mais ce n’est pas juste. La vraie joie, selon l’intention
profonde de Rabénou, c’est l’union de ces deux forces
contraires.
De même il est écrit :
«Il n’y a pas de joie sans א"ז- AZ». (Chémot Raba 23:4)
Qu’est-ce que א"ז- AZ ? Deux lettres qui n’en font qu’une.
192 | LIVRE DES CONVERSATIONS
75
Pourquoi prier à jeun ?
Avraham s’entretint une fois à propos de la
recommandation de Rabénou de ne rien boire avant la
prière du matin (Si’hot HaRan 277), pas même un verre d’eau
(alors que cela est permis selon le choul’han arou’h).
La plupart s’imaginent que c’est par manque de respect
pour la prière ou parce que l’on pourrait en venir à manger
et à en oublier de prier. Mais ce n’est pas pour cela.
La vraie raison pour laquelle il est interdit de consommer
quoi que ce soit avant la prière, c’est par respect du droit
d’ainesse.
Qu’est-il entendu par-là ?
Quand l’homme consomme quelque chose avant de se
rendre à la prière, ce sont les envies de son corps qui vont
prédominer. Il se place ainsi sous le joug des forces de la
nature.
Tandis que lorsqu’une personne commence par prier
le matin, son âme prend préséance sur son corps. C’est
elle qui prévaudra au cours de sa journée. Dans un sens
LIVRE DES CONVERSATIONS | 193
plus large, puisque la personne a privilégié cette pensée, la
providence primera sur les forces de la nature.
Avraham ramena ce même concept du droit d’ainesse
habillé dans plusieurs autres cas de figure.
Le principe étant qu’à chaque fois, tout gravite autour
de la première pensée.
Si par exemple une personne possède du maasser
(dîme) à donner, qu’elle le fasse de bon matin, car cela
constitue un acte de foi. Ainsi sa journée sera dictée par ce
même bon auspice.
Avraham recommanda aussi de toujours tendre le
premier la main à son prochain lorsqu’il le rencontre.
Tous ces exemples s’articulent autour de ce principe.
Car de même qu’une personne se comporte et veille à la
qualité de ses pensées, de même Dieu l’abritera sous les
ailes de la Providence.
194 | LIVRE DES CONVERSATIONS
76
Comment Dieu considère l’homme
Avraham nous révéla que Dieu ne juge pas du tout
l’homme selon ses actions, mais selon ses traits de caractère.
Et je n’ai pas compris.
Car à priori, il semblerait que les traits de caractère
d’une personne se sont forgés suite à ses actions.
Par exemple si une personne a tendance à s’emporter
facilement, alors concrètement, on le verra souvent le faire.
Mais Avraham nous expliqua que ce sont deux choses
complètement différentes qui n’ont aucun lien l’une avec
l’autre. Nos actions sont comme une parure venant habiller
nos traits de caractère. Tandis que ces derniers, pour la
plupart, font partie des attributs avec lesquels l’homme est
né. Les traits de caractère constituent la vérité intime que
l’homme porte en lui.
Avraham rapporta une histoire (Talmud de Jérusalem, Taanit)
à propos d’un juif du nom de Pentacaca, qui commettait
chaque jour cinq péchés relatifs à l’immoralité. Ce
dernier était très persistant dans ce comportement. Un
LIVRE DES CONVERSATIONS | 195
jour cependant, une prostituée se présenta à lui qui se
mit à fondre en larmes. Elle sombra dans cette activité
dégradante dans le seul but de récolter assez d’argent afin
payer la caution de son mari qui fut fait prisonnier.
Lorsqu’il entendit l’histoire, Pentacaca vendit sa maison
et donna l’argent afin de racheter la liberté du mari de la
malheureuse.
Rabbi Abahou ramène cette histoire en exemple de seul
Tsadik capable par son mérite d’opérer des miracles tel que
faire tomber la pluie.
Ainsi, si l’on analyse les faits, on constatera que d’un
côté, il y a les apparences extérieures, le comportement
quotidien de Pentacaca qui est certes réprouvable.
Mais en vérité, une autre personne à sa place n’aurait
certainement pas su faire preuve d’un comportement aussi
stoïque. Elle aurait sans doute donné un peu d’argent pour
venir en aide à la femme. Mais Pentacaca a brisé toutes les
limites, afin de permettre à cette femme de délivrer son
mari. Il a accompli la mitsva de tsédaka au-delà de toute
mesure. Et c’est au travers de cette action qu’il révèle sa
véritable personnalité. Il dévoile par-là la vraie nature de
ses traits de caractère.
De même, un homme qui bien, qu’errant dans la
débauche, verse des larmes pour en sortir, révèle ainsi sa
véritable valeur.
196 | LIVRE DES CONVERSATIONS
C’est cela que Dieu considère. Selon ce critère Il juge
la personne, comme l’enseigne Rabbi Nachman : «Dieu a
pour principe de ne voir que le bien». (L.M. II :17)
Car ce bien qui se trouve en la personne, c’est une partie
intégrante de Dieu Lui-même. De cela, nous apprenons
qu’il faut se concentrer sur les traits de caractère d’une
personne et non sur ses actions, car la véritable personne,
ce sont ses traits de caractère.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 197
77
Craindre Dieu par amour
A la suite de la conversation précédente, la question
suivante a été posée à Avraham :
«Si Dieu nous juge sur nos traits de caractère et non
sur nos actions, alors pourquoi s’évertuer à accomplir les
commandements ? Ne pourrions-nous pas vivre dans la
transgression tout en espérant (nous reposant sur le principe)
que Dieu nous juge du côté du mérite et ne considère que les
bons côtés de notre personnalité intime ?»
Avraham répondit étonné :
«Cela vous semble-t-il honnête de vous comporter ainsi ?»
Il rapporta l’histoire de sa nièce qui est une femme
physiquement très forte, à tel point qu’une fois, elle a
rudement molesté en France un voyou qui calomniait les
juifs. Elle l’a presque tué, tant elle est forte. Son mari, par
contre, est physiquement tout le contraire de sa femme :
il est chétif de constitution. Et malgré cela, lorsque qu’il
rentre à la maison, et que le repas n’est pas prêt, sa femme
éprouve une vraie crainte envers lui.
198 | LIVRE DES CONVERSATIONS
C’est cela la vraie crainte, commenta Avraham. Une
crainte qui puise sa source dans l’amour (qu’elle éprouve
pour son mari). Car elle ne se permet pas de faire usage de
sa supériorité physique pour s’imposer. Au contraire, elle
continue de craindre son mari par amour pour lui.
Avraham ramena ce cas en exemple, pour répondre à
la question ci-dessus. Bien que l’on sache que Dieu nous
juge seulement selon nos traits de caractère et pas selon
nos actes, malgré tout, nous devons nous conduire selon le
choul’han arou’h (code de la loi juive). On ne sera pas mû
par crainte ou par contrainte, mais par amour pour Lui.
Cela constitue un grand principe sur lequel Avraham
revint à de nombreuses reprises : lorsque nous étions en
Egypte, nous avions déjà accompli tous les commandements
et étudié la Torah. Seulement tout cela avait été accompli
dans un esprit d’esclavage, poussés par la peur. Ce n’est
qu’à la sortie d’Egypte qu’il nous a été donné l’opportunité
de servir Dieu par amour.
C’est la même chose dans notre cas : bien que l’on sache
que Dieu ne regarde que le bien qui se trouve en nous, ce
qui pourrait nous dispenser de notre devoir de juif, malgré
tout, nous l’accomplissons par amour, sans faire intervenir
la notion de crainte de la punition.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 199
78
Le Messie va tous nous surprendre
Le Messie sera totalement différent de ce que l’on peut
s’imaginer. De ce fait, il ne bénéficiera d’aucune approbation
ou de recommandation de qui que ce soit.
Car le Messie amènera avec lui une sagesse inconnue.
Le problème étant que pour accéder à ce niveau de
sagesse, cela exigera de notre part de renoncer préalablement
à notre forme traditionnelle de réflexion. Et c’est alors
seulement que notre esprit pourra s’ouvrir à cette sagesse
et s’en imprégner.
Avraham nous raconta qu’un jour, un de ses
enseignements fut retranscrit par l’un de ses amis dans un
groupe WhatsApp.
Ces quelques propos suscitèrent un véritable tollé.
Certains soutinrent que cela allait à l’encontre des
décisions de nos Sages et qu’affirmer pareille chose relevait
à l’évidence d’un interdit, etc.
Cela engendra immédiatement de vives réactions et
créa une sorte de dissension au sein du groupe. Chacun se
200 | LIVRE DES CONVERSATIONS
mit à exposer et à défendre son opinion, s’érigeant pour
l’occasion en Rav, s’évertuant à démontrer à quel point son
avis se rapprochait le plus de la vérité.
Cette histoire se produisit au sein d’un petit nombre
de personnes. De plus, tous étaient des amis d’Avraham, le
connaissant personnellement et lui portant de l’estime et
de l’affection. Cela est révélateur à quel point la divulgation
d’un simple concept apparemment non conforme aux
normes peut susciter comme opposition.
A combien plus forte raison en sera-t-il pour le message
radicalement novateur, dont le Messie sera porteur. Et il est
difficile d’imaginer combien d’efforts devront déployer les
enfants d’Israël pour annuler leurs schémas de pensée, afin
d’assimiler son enseignement.
Car le Mashia’h ne va pas venir pour nous répéter ce
que nous savons déjà !
Il viendra nous révéler des concepts qui nous serons
difficiles à comprendre, non pas parce qu’ils requièrent de
très grandes facultés intellectuelles, mais précisément, et au
contraire, parce qu’ils nous dérouteront par leur simplicité.
Aussi, tout notre effort devra porter sur l’annulation de
notre intellect, sur le délaissement de notre mode habituel
de compréhension.
En d’autres termes, plus nous nous serons figurés
posséder une extraordinaire compréhension de la Torah,