LIVRE DES CONVERSATIONS | 251
du Roi David, qui a agi de manière totalement différente.
Lorsqu’il a choisi ses combattants, il ne les a pas considérés
en fonction de leurs vertus. Il ne s’est focalisé que sur
un principe : le fait qu’ils soient juifs et c’est tout. Il n’a
pas examiné leur comportement, ils les a tous considérés
comme des justes. Et la force de cet amour à leur égard a
réveillé en Dieu le souvenir qu’ils avaient été créés à Son
image : de ce fait, plus personne ne pouvait leur faire de
mal!
Le Tsadik possède le pouvoir de révéler chez autrui
tout le bien qui se trouve en lui. C’est comme cela que la
personne est ensuite protégée de l’ennemi. Le mal ne peut
frapper que là où se trouve une faille. Or en révélant le bien
chez autrui, le Roi David crée pour ainsi dire, un bouclier
protecteur.
A notre époque aussi, Dieu portant un bon œil sur
Israël, du fait de l’amour et du chalom qui règnent en son
sein, nous avons été gratifiés d’innombrables miracles et
protégés des missiles pendant la guerre.
Complément à cette conversation :
Concernant le juif décédé au beau milieu de sa prière,
Avraham a précisé encore d’autres points importants, lors
d’une autre conversation :
1. L’apparence des faits n’est pas le seul facteur
252 | LIVRE DES CONVERSATIONS
déterminant. Parfois une personne religieuse est pire
qu’une autre, fait plus de médisance, se dispute plus
souvent etc…, ce qui constitue pour Dieu une raison
de ne pas le protéger.
2. Il arrive aussi qu’une prière mal récitée puisse faire
plus de mal que de bien (voir conversation 56).
3. Aujourd’hui, le monde fonctionne selon trois
vecteurs : la pensée, la parole et l’action. Avraham
enseigne que dans les temps futurs, le regard
deviendra lui-même une parole. Autrement dit, mues
par la force de la pensée, les choses se matérialiseront
directement. Et c’est cela qu’Avraham veut nous faire
comprendre : il y a des juifs qui même s’ils ne prient
pas, leur pensée est éloquente comme une prière et
ils sont plus proches et plus chers à Dieu, même si
l’apparence laisse entendre le contraire.
4. Avraham possède une pensée très profonde et il
existe encore d’autres paramètres cachés qui nous
dépassent concernant les mérites de chaque juif,
et la manière dont Dieu les utilise. Ainsi nous ne
comprenons pas les jugements et l’appréciation des
faits et gestes de chacun. Tout n’est pas explicable,
loin de là. C’est pour cela que très souvent on entend
de la bouche d’Avraham les propos suivants :
« C’est comme ça, il n’y a rien à comprendre ! ».
LIVRE DES CONVERSATIONS | 253
100
Ne pas trop gagner
Il n’est pas bon pour l’homme de vouloir être victorieux
à tout prix.
Par exemple, lorsqu’elle était encore petite, la fille
d’Avraham, se déplaçait en chaise roulante et voulant jouer
avec son père, elle cherchait à s’enfuir, afin qu’il se mette à
sa poursuite. Avraham courrait derrière elle, faisant mine
de déployer de gros efforts, afin de la rattraper. Lorsqu’il
était proche de l’atteindre, il la laissait à nouveau s’échapper.
Et c’est ainsi, dit-il, qu’un juif doit se conduire. Il doit
faire comme s’il poursuivait quelque chose qu’il désire de
toutes ses forces et dans le même temps refreiner son élan
alors qu’il pourrait aisément atteindre son but.
Il laisse, par ce moyen, s’exercer le jeu de la providence,
en dépit de sa volonté. Le message étant :
“Tu fais certes la part du travail qui t’incombes, mais tu
veilles aussi à préserver à Dieu un endroit pour qu’Il fasse Le
sien.
254 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Il existe une mitsva dans la Torah, qui ordonne en
temps de guerre, lorsqu’on assiège une ville, de laisser la
possibilité à l’ennemi de s’enfuir. Cela est surprenant, car
l’homme qui part en guerre s’y rend avec l’intention de
vaincre. En laissant à l’ennemi la possibilité de s’échapper,
il va à l’encontre de ses propres principes. Et l’on retrouve
bien là le paradoxe du juif. Il s’engage dans un combat tout
en ménageant une place à la force adverse. Il fait usage de
son pouvoir et permet en même temps l’intervention d’un
contre-pouvoir. Agir ainsi est une preuve de grandeur.
Avraham nous fit remarquer que la guerre des six jours
se solda par une victoire écrasante des juifs sur les arabes,
sans leur laisser l’honneur de pouvoir fuir. Il affirma que
c’était là la raison pour laquelle nous sommes encore et
toujours en guerre avec eux.
Si par contre, nous leur avions laissé une porte ouverte
pour une défaite honorable, ils auraient cessé leurs hostilités
incessantes envers nous.
Toujours selon ce même principe, il faut savoir que la
racine de toute chose dans le monde provient des quatre
éléments que sont la terre, l’eau, l’air et le feu. Or, chaque
élément contient un peu des trois autres. Par exemple,
on trouve dans l’eau un peu de terre, d’air et de feu. Et
lorsqu’un élément en attaque exagérément un autre jusqu’à
vouloir le supprimer, il s’en prend automatiquement à lui-
même jusqu’à causer sa propre perte.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 255
C’est pourquoi il est vivement conseillé de laisser la
possibilité à la force contraire de gagner un peu elle aussi.
Car un peu de toi se trouve aussi dans cette force contraire.
Et le peu que cet élément parviendra aussi à gagner
t’accordera une place et te protègera.
256 | LIVRE DES CONVERSATIONS
101
L’importance de la montre
Avraham insista, à plusieurs reprises, sur l’importance
de toujours porter une montre sur soi. Certains affirmèrent
au contraire qu’il était préférable pour l’homme ne pas se
rendre esclave du temps, mais plutôt de s’élever au-dessus
des contraintes temporelles pour s’inclure dans l’infini.
Avraham les écouta exposer leurs arguments puis les
réfuta ainsi :
«L’homme vient dans ce monde pour y exercer une
influence. De ce fait, il doit vivre à la fois dans le temps et
au-delà du temps. Or, pour parvenir à s’élever au-delà du
temps, il doit posséder une montre. Et bien qu’il vive dans le
temps, c’est précisément de la sorte qu’il peut s’en détacher. Et
c’est cette dualité qui caractérise le juif.»
Mais est-ce que l’homme a-t-il vraiment besoin de vivre
dans le temps ?
Et lorsqu’il est dans le temps, doit-il s’élever au-dessus
du temps ?
LIVRE DES CONVERSATIONS | 257
Avraham croisa une fois à un carrefour un ‘hassid
Breslev qui demandait la tsédaka. Ce ‘hassid lui confia
qu’il était parvenu à briser totalement en lui la passion de
l’argent. Il en donnait pour preuve qu’il vivait de l’aumône
et pouvait se passer du revenu fixe que lui aurait procuré
un travail.
Avraham lui répondit qu’il était complètement dans
l’erreur. Car celui qui peut prétendre s’être départi de la
passion de l’argent est celui qui justement possède tout
l’argent du monde et qui, malgré sa fortune, se contient et
ne s’offre pas tout ce qu’il pourrait se permettre. Il est en
paix avec lui-même, son argent ne l’affole pas. Et c’est ainsi
que s’exprime la véritable maîtrise de la passion de l’argent.
Or, ce principe s’applique à l’ensemble des désirs et des
tentations.
258 | LIVRE DES CONVERSATIONS
102
Un deuil léger
Avraham reçut un jour l’appel d’une personne dont
le frère décéda brusquement. Cette personne observa la
période des sept jours de deuil, profondément affligée par
la perte de ce proche parent.
Avraham lui confia qu’en réalité, Dieu n’aimait pas
l’idée de deuil. En vérité, Il aurait préféré qu’aussitôt le
défunt enterré, ses proches reprennent immédiatement leur
vie habituelle, sans marquer d’affliction. Mais conscient
qu’il était naturel pour les êtres humains d’éprouver de la
tristesse, Le Créateur leur concéda, à la base, une période
de trois jours de deuil. Puis, Il l’étendit à sept jours, puis à
trente, jusqu’à la prolonger à une année entière.
Tout cela uniquement pour répondre au besoin pour
l’homme de s’attrister.
Une personne présente lui demanda, alors, pour quelle
raison, il est rapporté dans la Torah, que les Égyptiens ont
marqué un deuil de soixante-dix jours à la mort de Joseph ?
Avraham répondit qu’il est justifié pour un non-juif
d’observer le deuil, à l’occasion de la disparition d’un juif.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 259
Car un juif contient en lui la vitalité de tous les mondes.
C’est pourquoi cela est permis et justifié pour le non-juif
de s’endeuiller.
A l’inverse, nous avons observé à l’occasion de
l’enterrement d’Eliezer Cohen, de mémoire bénie, un élève
qui lui était très cher et proche, au point de partager son
toit, qu’Avraham pleura quelques secondes, c’est tout.
Et plus encore, alors que les personnes en charge de la
cérémonie (‘hévra kadicha) se préparaient à l’inhumation,
Avraham se tenait avec ses amis dans un coin, leur racontait
des évènements et des histoires drôles relatifs à la vie
d’Eliezer et déclenchait l’hilarité générale.
Avraham se comporta de même à l’occasion de
l’enterrement de sa mère : il ne s’endeuilla pas à outrance,
mais avec mesure, puis il reprit sa vie habituelle.
260 | LIVRE DES CONVERSATIONS
103
La joie avant tout
«C’est dans la joie que vous sortirez» (Isaïe 55).
Car seule la joie peut sortir l’homme de l’exil.
Même l’homme simple, dépourvu de connaissances
particulières (notamment dans la Torah) peut, au moyen de
la joie, sortir d’Égypte.
La joie n’est pas une manifestation bruyante, festive et
débridée. La joie dont il est question ici c’est celle que l’on
éprouve à se trouver unis dans l’amitié.
C’est la raison pour laquelle les gens ne nous
comprennent pas à Ouman. Ils vont prier en se concentrant
sur des intentions profondes, ils se lèvent pour aller sur
la tombe de Rabbi Nachman à 4 heures du matin jusqu’à
l’après-midi, alors que de notre côté, nous prions comme
des petits enfants. Mais en fait, Rabbi Nathan ne parle pas
dans le Likouté Téfilot de kavanot et de prières. Il met plutôt
l’accent sur l’importance d’être autour du Tsadik, de se
trouver unis dans l’amour et la fraternité avec d’autres juifs.
De même Rabbi Nachman rêva qu’il se rendait à Ouman
et chercha un endroit où il pouvait entendre les sonneries
LIVRE DES CONVERSATIONS | 261
du chofar. Il aperçut une maison où y régnait une grande
joie dans une ambiance de fête. Il se dit qu’il convenait de
choisir un tel endroit pour y entendre le chofar.2 (‘Hayé Moharan
96)
Car il existe une connaissance qui se fonde sur la Torah
et l’observance du code de la loi juive. Mais il en existe une
seconde qui elle, provient de la joie, d’être en famille, en
compagnie de ses amis, de la joie d’être auprès de sa femme
et de ses enfants. Cette conscience imprégnée de joie inclut
toute la Torah.
Cependant, il n’est pas si simple d’y parvenir. Il
convient ainsi de suivre la voie de la Torah, de ne pas s’en
écarter tout en gardant à l’esprit qu’il existe ce niveau de
conscience supplémentaire.
2. Rabbi Nachman raconta que pendant le mois d’Eloul, il rêva qu’il souhaitait
entrer dans une maison, afin d’y écouter les sonneries du chofar. Il passa devant
une demeure de laquelle il entendit qu’on chantait et tapait dans les mains, que
l’on dansait et l’on se réjouissait beaucoup tel que c’était l’usage à l’époque. Il dit :
«c’est ici que je souhaite assurément entrer pour y écouter les sonneries du cho-
far». (‘Hayé Moharan 96)
262 | LIVRE DES CONVERSATIONS
104
Souple dans les pensées
Il y a un problème avec la pensée qui fait que lorsque
l’homme se concentre sur une réflexion, il a tendance à
l’orienter dans une seule direction. C’est une erreur qui
peut conduire à bien des complications.
Pour connaître Dieu, l’homme doit savoir par exemple
que même s’il se rend à droite, au même moment, il se
dirige aussi vers la gauche.
Il ne devra pas s’imaginer qu’en allant vers la droite,
il se rend réellement là-bas. Mais il annulera toutes ses
pensées. En ce faisant, il lui sera possible de se trouver à
tous les endroits en même temps.
Quel est le sens de tout cela ?
Prenons l’exemple d’un homme qui va travailler,
persuadé qu’il ne pourra pas gagner sa vie autrement. Il
s’imagine qu’il n’a pas d’autre choix.
Puisque dans sa tête, il a décidé que le monde devait
fonctionner ainsi, c’est de la sorte que cela se passera pour
lui : il sera dès lors obligé d’aller travailler.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 263
Cependant, s’il pouvait élargir sa conscience, il verrait
qu’il existe d’autres canaux pour recevoir de l’argent, que
par le biais d’une activité rémunérée.
L’argent lui parviendrait tout naturellement.
Vivre selon cette optique requiert une grande sagesse.
Car c’est une chose d’affirmer ce principe, mais c’en est
une autre de le vivre concrètement.
En d’autres termes, le challenge consiste à emprunter
une direction tout en sachant que son contraire est aussi
vrai.
Avraham nous raconta l’histoire d’un chef d’entreprise
qui possédait un magasin qu’il n’ouvrait qu’une demi-
heure par jour. Pendant ce laps de temps, tous ses clients
venaient chez lui faire leurs achats. Ainsi, en dépit de toute
logique, il enregistrait des gains supérieurs à ceux de ses
concurrents qui restaient ouverts toute la journée.
Il nous raconta aussi que, lorsqu’il habitait en France,
dans sa jeunesse, il gagnait de grosses sommes d’argent,
alors qu’il ne travaillait que quelques heures par semaine.
La bénédiction n’est donc liée ni à la quantité ni à la
pénibilité du travail.
Cela n’est ni magique, ni miraculeux. C’est une
question de foi, car tous nos manques proviennent de notre
étroitesse d’esprit et d’une idée reçue qui nous fait croire
que gagner de l’argent et à plus forte raison s’enrichir passe
nécessairement par le besoin de beaucoup travailler.
264 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Or, en élargissant sa conscience, l’homme peut dépasser
cet à priori et sortir de cette forme d’exil de la pensée.
Chacun peut y parvenir s’il est sincère avec Dieu et accepte
de vivre en harmonie dans ce monde des opposés.
Notre patriarche Avraham connaissait cette sagesse
lorsqu’il dit à son neveu Loth «si tu vas à gauche j’irai à
droite et si tu prends à droite j’irai à gauche». Car dans son
esprit, il y avait une coexistence de ces deux options. C’est
pourquoi il ne privilégiait pas l’une au détriment de l’autre.
Il n’hésita donc pas à laisser à son neveu le soin de
choisir celle qu’il préférait, ce dernier se basant lui sur des
motifs d’ordre rationnel.
Cela rejoint en partie ce que nous enseigne Rabbi
Nachman, quand il nous demande de ne pas nous entêter.
L’homme qui souhaite se rendre quelque part doit
garder à l’esprit la possibilité de se trouver ailleurs en
même temps. Il faut toujours garder en tête une place pour
l’option contraire.
Atteindre ce niveau spirituel-là passe en en premier
lieu par le respect de la cacherout. La nourriture cashère
possède la propriété de relier deux forces sans les mélanger.
Pour illustrer son explication, Avraham joignit ses
deux index. Il expliqua que le fait de manger casher est
comparable à cette juxtaposition. Elle lie deux forces
comme les deux doigts collés l’un à l’autre. Ils forment une
entité, mais chacun est indépendant de l’autre. Ils sont à la
LIVRE DES CONVERSATIONS | 265
fois séparés et réunis.
La nourriture du saint Chabbat possède, plus que toute
autre, la faculté de permettre d’accéder à ce niveau.
266 | LIVRE DES CONVERSATIONS
105
Savoir se rapprocher du Juste
Toujours à propos de la conciliation de ces deux forces :
Il est très difficile de s’approcher du Juste. Cela
ressemble un peu à vouloir s’approcher d’un scorpion,
cela est très dangereux. Car le Juste vit dans un processus
permanent de mutation du fait qu’il jongle sans cesse avec
ces deux forces. Vivre à ses côtés requiert une annulation
de ses propres conceptions. Il faut parvenir à neutraliser
une pensée orientée dans une seule et même direction.
Rabbi Nathan, qui fut l’élève le plus proche de Rabénou,
dût ce privilège au fait d’avoir su garder ses distances.
Or les gens, aujourd’hui, attendent du Juste qu’ils leur
transmettent une vérité instantanée, ici et tout de suite.
Cela est irréalisable car le Juste change sans cesse et il est
très difficile de le suivre.
On nous raconta qu’un homme avait décidé de
s’attacher à Avraham au point de ne plus vouloir le quitter
un seul instant.
Cet homme lui dit : «Tu es un Juste, je te considère comme
mon Maître et je crois en toi. Où que tu ailles, je te suivrai!»
LIVRE DES CONVERSATIONS | 267
Il se fit dès lors un devoir d’accompagner Avraham
partout où il se rendait.
Avraham se comporta alors de la façon suivante : il
alla se promener dans le quartier de Guéoula, suivi de
cette personne. Il entrait dans un magasin, puis en sortait
dans un deuxième, puis en sortait, dans un troisième, puis
en sortait et renouvela la même opération quatre heures
d’affilée. Lassée par ce manège, la personne finit par
renoncer à le suivre et ne chercha plus jamais à le revoir.
Autre exemple :
Lors de la fête de Roch Hachana à Ouman, tout
le monde commença la prière selon le rite ashkénaze.
Avraham interrompit l’office et proclama que la majorité
des fidèles étant séfarades, il convenait de prier selon ce
rite-là. Les séfarades se réjouirent de pouvoir prier selon
la coutume de leurs ancêtres. Il commença à prier avec
eux comme convenu, puis s’éclipsa pour aller rejoindre un
minian ashkénaze.
Autre exemple :
Lors de la période des élections, Avraham affirma que
Bibi Netanyahou était un candidat qui se préoccupait
sincèrement du peuple d’Israël, alors que la gauche
électorale n’avait d’autres velléités que de faire du «tapage»,
268 | LIVRE DES CONVERSATIONS
etc. S’ensuivit un débat animé, alimenté par toutes sortes
d’arguments en faveur de la droite. Dès lors que le débat
allait aboutir vers l’unanimité pour la droite, Avraham
changea son fusil d’épaule et émit cette fois, un avis
totalement contraire, prétendant que seule la gauche était
à même de résoudre le délicat problème des territoires
disputés... (Avraham jouait en réalité un jeu parce qu’il n’a
pas pour habitude de s’impliquer en matière de politique).
Ce que nous devons retenir, c’est qu’il est impossible de
nous rapprocher de la vérité de façon directe et immédiate.
Pour se rapprocher du Juste, il est nécessaire d’emprunter
un chemin fait de détours et de circonvolutions.
Car à chaque fois qu’une personne recherche la vérité
et pense un instant seulement l’avoir trouvée, il doit savoir
qu’elle a déjà poursuivi sa route dans une autre direction.
Il en est de même avec le Juste.
C’est pourquoi le côtoyer nous donne l’opportunité de
goûter à un reflet du monde futur.
En effet, dans le monde à venir, tout se passera à
l’inverse de ce que nous nous imaginons. Et surtout, les
deux forces contraires cohabiteront en parfaite harmonie.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 269
106
Equilibre entre la foi et la nature
Un jour, une femme désespérée vint trouver Avraham
et lui expliqua que malgré les nombreux traitements qu’elle
avait essayés, elle n’arrivait toujours pas à tomber enceinte.
Avraham lui demanda d’arrêter tout traitement et de venir
le revoir six mois plus tard.
Elle lui fit confiance et cessa tout traitement. A l’issue
de cette période, elle l’appela pour lui annoncer que sa
situation n’avait pas changée. Avraham l’invita alors à
reprendre le traitement précédent. C’est ce qu’elle fit et
cette fois elle mérita de tomber enceinte.
Comment expliquer ce phénomène ? Comment le même
traitement qui n’avait donné aucun résultat la première fois
a-t-il pu cette fois-ci, être couronné de succès ?
Avraham nous expliqua que lorsqu’elle était venue
le trouver la première fois, cette femme accordait une
confiance excessive au pouvoir de la science et au corps
médical. Elle avait, d’une certaine façon, relégué sa foi au
second plan.
L’ange préposé à la foi voyant sa raison d’être devenue
270 | LIVRE DES CONVERSATIONS
obsolète, il éleva une accusation contre la femme et s’opposa
à l’efficacité du traitement.
Après avoir renoncé au traitement la femme n’eut d’autre
choix que de se reposer sur sa foi. C’est à ce moment-là que
l’ange de la nature, revendiquant lui aussi son droit de cité,
usa de son pouvoir pour empêcher la procréation.
En effet, dès que la femme renoua avec sa croyance,
les lois de la nature furent automatiquement reléguées au
second plan. À son tour, l’ange de la nature vint porter une
accusation, s’opposant à un enfantement «surnaturel» et
de fait, elle ne tomba pas enceinte non plus.
Ainsi, ce n’est qu’après avoir pris ses distances avec le
traitement, en passant par une phase de confiance qu’elle
put revenir armée d’une double foi : celle en Dieu conjuguée
avec celle en l’efficacité des techniques médicales.
A ce moment, les décrets des deux anges contre elle
s’annulèrent l’un l’autre.
Cette histoire est un bel exemple de la façon dont Dieu
conduit le monde et du subtil équilibre qu’il faut toujours
s’efforcer de préserver entre les deux forces.
Voici encore une autre histoire venant illustrer ce
principe :
Un ami d’Avraham devait déménager et cherchait un
appartement. Il fit de nombreuses recherches sur Internet,
mais rien ne lui convenait. Il en parla à Avraham qui lui dit
LIVRE DES CONVERSATIONS | 271
qu’il trouverait un appartement correspondant exactement
à ses désirs, mais pas par le biais d’Internet. Mais à une
seule condition : de poursuivre malgré cela ses recherches
sur le Web.
Vois et apprécie la portée de tels enseignements encore
si peu connus, dont le principe consiste à savoir équilibrer
deux forces contraires. Unifiées, mais non confondues, ces
forces ne se mélangent pas mais s’harmonisent...
Heureux celui qui a le privilège d’entendre de tels
enseignements !
272 | LIVRE DES CONVERSATIONS
107
A l’inverse de l’habitude
Un jour Avraham nous dévoila :
« Chuter ? Il n’existe point de telle chose. Il se trouve
seulement un endroit éloigné de toi-même.
Même si tu es tombé, n’oublie jamais que tu te trouves
dans le palais du Roi »
LIVRE DES CONVERSATIONS | 273
108
L’enveloppe corporelle
L’homme par nature redoute la mort. Le simple comme
le Juste l’appréhende, même si l’on prétend le contraire.
En son for intérieur, l’homme sait que son corps n’est
qu’une enveloppe temporaire amenée à disparaître, à
retourner à la poussière. Grande est sa crainte de retourner
à un état informe et de perdre son apparence actuelle.
Or cette peur est analogue à celle d’une goutte d’eau
qui craint de retourner dans la mer. Car tant qu’elle est
hors de l’eau, elle possède une forme, mais elle sait qu’en
retournant à la mer, elle va la perdre pour se fondre dans la
masse de l’océan.
Et c’est cela l’origine profonde de notre peur de la
mort. Elle provient de notre attachement à notre enveloppe
corporelle, à cette apparence qui nous caractérise dans ce
monde-ci, à ce trait de royauté dont le Ciel nous a gratifié.
Mais nous savons que tôt ou tard, cette forme est appelée
à disparaitre. Elle se dissoudra et s’annulera en Dieu.
Avraham nous rassura :
274 | LIVRE DES CONVERSATIONS
« Ne vous inquiétez pas, même après le retour de l’homme
à sa source, il se fond dans l’unité divine tout en conservant
l’apparence qu’il avait connue dans ce monde-ci.»
Ce même principe s’applique pour la goutte d’eau dans
la mer qui conserve sa forme initiale, même si cela est
invisible au regard.
Finalement, dans le monde à venir, même si cela nous
semble difficile à comprendre, nous serons à la fois avec et
sans corps.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 275
109
Le bon œil
Un jour, un ami raconta comment il fit la connaissance
d’Avraham. Il étudiait dans une Yéshiva Breslev et avait le
sentiment d’être toujours mal jugé par ses compagnons.
Il avait l’impression que tous les gens autour de lui
s’épiaient et se critiquaient l’un l’autre.
Un jour qu’il visitait la Yéshiva d’Avraham, il mit ses
téfilines très tardivement dans la journée, presque au
coucher du soleil (alors que l’usage est de les mettre à la
prière du matin). Il récita la prière de l’après-midi seul,
à l’abri des regards, animé par un profond sentiment de
culpabilité. Il se sentait honteux, en proie au jugement du
Ciel.
Soudain Avraham entra dans la Yéshiva accompagné
par des amis. Il passa près de lui, et dit aux autres sur un
ton admiratif :
«Regardez, un juif qui met les téfilines !»
Le jeune homme resta pantois. Il s’attendait à être
critiqué et au lieu de cela, il fut complimenté.
276 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Il pensa :
«Quoi ? Comme est-il possible de juger positivement un
juif qui se trouve dans la situation comme la mienne, de ne
voir que son mérite et d’ignorer ses imperfections ?»
LIVRE DES CONVERSATIONS | 277
110
La Torah : un concentré délayé
En vérité, chaque parole et chaque conversation possède
sa royauté. Et bien que toutes les paroles et les idées émises
gravitent autour d’une idée centrale, chacune est originale
dans le temps et l’espace dans lesquels elle s’inscrit.
En réalité, la Torah aurait pu être concentrée en un
seul mot, voire en une seule syllabe. Elle n’aurait pas,
pour autant différée de la Torah que nous connaissons
aujourd’hui. Cependant, Dieu est conscient du besoin de
l’homme d’intellectualiser tout ce qui l’entoure. Il connait
son goût et son attrait pour ce qui est nouveau.
Dieu sait également que l’homme aurait été rebuté si
toute la Torah s’était résumée à un seul mot. Il sait que
l’homme n’aurait pas été en mesure de se contenter d’une
Torah à ce point condensée.
C’est pourquoi, Il nous a donné la Torah, composée
d’une quantité fabuleuse de mots, de versets, de livres, de
termes, de notions et de concepts.
Il est important cependant de garder à l’esprit que
ce développement tire son origine d’un mot unique que
278 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Dieu a volontairement fractionné en une sorte de grande
explosion, en une multitude de sens et de significations,
susceptibles d’initier un renouvellement dans le monde.
Ceci permet à l’homme de dévoiler Dieu sous une
infinité de visages et d’idées différentes.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 279
111
Le vrai tikoun habrit
Le «Tikoun habrit» se traduit communément par
«réparation de l’alliance» sous-entendant par-là l’idée de
préservation de la pureté sexuelle. Cependant il cache une
autre signification que le sens classique qu’on lui prête.
Le vrai «Tikoun habrit» consiste à prendre garde à ne
pas proférer de paroles désobligeantes.
Le mot «brit» nous rappelle tout de suite la «brit-mila»,
c’est-à-dire la circoncision. Or «mila» en hébreu signifie
également «mot», en rapport avec les mots que la bouche
prononce.
Ce rapprochement n’est pas fortuit. Il atteste bien du
lien qui existe entre le fait de veiller à la pureté des mœurs
et celui de faire attention à sa parole, garante de l’alliance
véritable.
La vraie réparation de l’alliance consiste à ce que la
bouche ne parle pas sur la capacité de Dieu de dispenser
gratuitement.
Comment est-ce possible ? Qu’est-ce que ce «don
gratuit» que Dieu octroie à chaque juif ?
280 | LIVRE DES CONVERSATIONS
C’est cette propriété inhérente à chacun qui le protège,
même s’il n’a pas accompli les commandements et même
s’il est tombé.
Cet aspect est le «gratuit de Dieu».
Lorsque l’homme émet des paroles désobligeantes sur
autrui ou sur lui-même, il endommage cette propriété
«gratuite» de l’homme.
C’est-à-dire que la bouche qui a émise gratuitement
des mauvaises paroles endommage la propriété que Dieu
possède de dispenser gratuitement Sa grâce à chacun.
Si tu as émis de mauvaises paroles, tu as retiré cette
faculté gratuite de Dieu. Car cette dernière a le pouvoir
de pardonner toutes les mauvaises actions commises mais
du fait que tu as proféré des mauvaises paroles, ce trésor
gratuit de Dieu ne peut plus réparer.
Ainsi s’explique maintenant en quoi consiste le vrai
maintien de l’alliance : que la bouche n’exprime aucune
parole malveillante.
Le fait de ne pas parler en vain découle du respect
naturel de la divinité ancré en chaque juif. Du fait de
cette étincelle qu’il porte en lui, Dieu marche à ses côtés.
Et ceci est valable même s’il n’était pas scrupuleux dans
l’observance des mitsvot ou même s’il fautait.
Comme il n’a pas parlé «gratuitement» sur son prochain,
Dieu, dans la même mesure, lui octroie Ses bienfaits en don
gratuit.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 281
C’est pour cela que Rabbi Nachman affirmait pouvoir
tout réparer sauf la médisance et la calomnie. Car lorsqu’une
personne médit sur son prochain, elle le prive de ce don
gratuit. Sa bouche qui a colporté gratuitement, altère la
compassion gratuite de Dieu à son égard, et, l’exclut du
pardon des fautes qu’il a pu commettre par ailleurs.
Pour cette même raison, si quelqu’un nous confie avoir
commis un péché, gardons-nous de l’écouter et à plus forte
raison, de le croire. Car agir ainsi équivaut à le tuer.
Quelqu’un posa alors la question suivante :
« Quelle est alors la conduite à adopter dans un tel cas ?
Doit-on en venir à mentir et à prétendre qu’il s’est conduit
comme il se doit, alors que cela est faux ? »
Avraham lui répondit :
« Il convient simplement de lui rappeler le juste
comportement que nous dicte la Torah, afin que lui-même
choisisse la bonne voie. Mais tout en tenant ce discours, il ne
faudra pas en venir, en son for intérieur, à croire au mal qu’il
prétend avoir commis. Et cela n’est pas un exercice facile ! »
Celui qui est mis dans la confidence doit savoir
surmonter son jugement instinctif basé sur Torah, dans
son interprétation la plus stricte et s’efforcer à ne penser
que positivement. Car la Torah nous donne tous les outils
pour juger sévèrement, mais elle nous octroie en même
temps la force de surmonter cette tendance.
282 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Avraham nous révéla encore que si l’homme se
concentre que sur les méfaits que son prochain commet,
il peut ainsi réveiller un jugement mortel sur lui, que Dieu
nous en préserve.
Les gens qui l’écoutaient ne comprirent pas ce qu’il
entendait par là. En effet, il se trouve tous les jours des
personnes qui voient le mal chez leur prochain. Malgré
tout, ces derniers continuent à vivre !
Avraham désigna, alors, quelqu’un parmi les
participants au cours et dit :
« Vous voyez cette personne ? Chacun d’entre nous ici
représente l’un de ses membres.»
Car chacun d’entre nous possède en lui-même une
partie de celui que je désigne, il est comme l’un de ses
membres…
Et lorsque l’un des membres d’un corps est atteint, il
peut avoir un impact sur l’ensemble du corps, au point
de le détruire (Tout dépendra de l’importance et de
l’emplacement du membre atteint.)
Il y aurait, certes, encore matière à développer ce thème
mais ce n’est pas le lieu de le faire ici.
Avraham finit cet enseignement sur cette remarque :
« Je ne crains rien sinon le jugement rigoureux d’un érudit
dans la Torah qui s’en prend à un autre juif ! »
LIVRE DES CONVERSATIONS | 283
Quelques conversations à propos des deux forces actives et passives.
112
La mézouza, un passif actif
Lorsqu’une personne se tient en face d’une porte, que
voit-elle ?
La porte elle-même.
Elle ne remarque pas que la partie essentielle de la
porte, c’est son encadrement.
Car ce dernier constitue la partie passive de la porte, il
s’annule devant elle, tout en lui en assurant le soutient.
Dans toute chose en ce monde se retrouvent
deux principes : l’actif et le passif, c’est-à-dire une force
agissante et une force inerte.
Or, la plupart des gens se focalisent et privilégient
uniquement la partie active. Dans notre exemple : la porte.
Pourtant, à bien y regarder, la mézouza que l’on a
l’obligation de fixer à l’entrée de chacune des pièces de la
maison, se trouve précisément clouée sur le chambranle de
la porte, c’est-à-dire sur sa partie passive.
284 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Ainsi, c’est le passif qui confère une force vitale à l’actif.
Il lui concède une place. Sans le passif, il n’y aurait pas de
monde, il n’y aurait rien. Tout serait confondu.
La Torah mentionne ce concept à travers l’histoire du
soleil et de la lune (Talmud ‘Houlin 60) :
Au début de la création, les deux luminaires étaient de
taille identique. Rien ne les distinguait. Ils n’avaient pas
d’existence propre. C’est comme s’ils étaient encore absents
de la scène.
La lune se présenta alors devant Dieu avec la question
suivante :
«Est-il logique que deux rois se partagent la même
couronne ?»
Dieu approuva son argument et lui demanda alors de se
réduire. Ainsi, la lune devenue passive vis-à-vis du soleil,
reçut pour consolation immédiate un cortège d’étoiles,
ainsi qu’une récompense dans le futur.
Si l’on y prête attention, on pourra retrouver en tout
lieu et en toute chose, le jeu de ces deux forces.
Dans le même ordre d’idées, lorsque l’homme parle,
seule sa lèvre inférieure est en mouvement (partie active). Sa
lèvre supérieure (partie passive) reste immobile. La parole
ne peut donc être produite qu’au moyen de la conjugaison
de ces deux forces active et passive.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 285
113
Le démarrage magique de la voiture
Voici une histoire qui se passa rue Yafo à Jérusalem.
Avraham se trouvait avec un ami qui tentait de faire
démarrer sa voiture. Il tourna la clé de contact à plusieurs
reprises, mais sans succès, car le starter était défectueux. Ils
firent appel à une dépanneuse. En l’attendant sur le bord de
la route, ils constatèrent que de l’autre côté, une personne
entrait dans sa voiture et se trouva confronté au même
problème : son moteur ne démarrait pas non plus.
Lorsqu’Avraham s’en aperçut, ils entrèrent aussitôt
dans leur voiture, essayèrent à nouveau de la faire démarrer
et y parvinrent.
Comment est-ce possible ? Quel est le secret de cette
histoire ?
Voici le principe : deux personnes ne peuvent se tenir
en même temps au même endroit.
Ainsi, le dernier arrivé endosse automatiquement l’état
«passif» vis-à-vis de l’autre qui devient l’actif.
C’est pour cela que lorsqu’Avraham aperçut la deuxième
286 | LIVRE DES CONVERSATIONS
voiture qui ne parvenait pas non plus à démarrer, il comprit
que, par effet de rééquilibrage des forces, leur voiture avait
échangé d’état. Elle était passée en mode «actif» et put dès
lors se mettre en marche.
On retrouve aussi ce concept, physiquement cette fois-
ci, dans le principe du fonctionnement de l’ascenseur.
Pour qu’il puisse monter, il a besoin d’un contrepoids qui
effectue le trajet en sens inverse. Sans lui, l’ascenseur ne
pourrait fonctionner.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 287
114
Accorder de l’importance au passif
Une personne doit s’investir pour rechercher la partie
passive dans chaque chose et la privilégier. Car s’il en
connaissait sa véritable valeur, il la poursuivrait de toutes
ses forces.
Or par nature, nous avons tendance à exalter l’action et
à prêter moindre valeur à la partie passive.
Par exemple, l’homme ne sait pas pourquoi il va dormir
la nuit. Il ne sait pas non plus pourquoi il attend un ami à
un rendez-vous, ni pourquoi il doit patienter jusqu’à qu’il
reçoive sa subsistance à un temps déterminé.
Cependant tout ce passif ressemble à un ressort qui se
comprime et qui a le pouvoir de libérer une force précise
au moment voulu.
Ce temps d’attente, d’inaction, n’a d’autre objet que
de permettre au côté actif de venir se dévoiler par la suite.
Aussi, il convient de respecter ce côté passif, car il est
porteur de ce que nous recherchons.
288 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Avraham explique qu’il existe un usage chez les
personnes très riches qui consiste à investir leur argent
dans avoirs qui incarnent cet état passif. Il y a par exemple
des milliardaires qui acquièrent un yacht de plusieurs
millions de dollars qui ne navigue pourtant qu’à de très
rares occasions. Ils possèdent également des voitures
extrêmement luxueuses qu’ils n’utilisent presque jamais.
Et toutes leurs bénédictions proviennent de l’achat de ces
biens, dont ils ne font quasiment pas usage.
C’est pourquoi, il nous conseille souvent d’acheter
d’une part les choses dont on a besoin, et d’autre part, des
objets dont on n’a pas l’utilité et que l’on mettra de côté.
Il n’est pas rare qu’Avraham lui-même achète un livre
en plusieurs exemplaires. Il n’y a aucune logique apparente
dans ce comportement, car c’est le même livre… Mais selon
sa vision des choses, un exemplaire du livre demeure passif
dans un rayon de sa bibliothèque, afin que l’autre puisse
jouer un rôle actif, être lu et exercer toute son influence.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 289
115
L’associé paresseux
Avraham nous rapporta l’histoire de deux associés
d’une affaire florissante. L’un était plutôt paresseux,
travaillait peu, alors que l’autre s’investissait beaucoup
dans leur activité.
Ce dernier se dit qu’il n’avait rien à gagner à demeurer
associé dans la mesure où l’essentiel de la réussite était le
fruit de son travail. Il préféra poursuivre son chemin tout
seul. Pourquoi partager des bénéfices avec un associé qui
ne s’investissait pas mais qui, au contraire, se reposait
entièrement sur lui ?
Il se sépara donc de son ami. C’est alors que son affaire
commença à péricliter jusqu’à faire faillite. Il se retrouva à
la rue.
C’est pourquoi Avraham insista, à plusieurs reprises
sur l’importance dans une affaire entre associés que l’un
travaille tandis que l’autre demeure inactif, bien que ceci
aille à l’encontre de toute logique.
Car en général, un associé n’apprécie guère de travailler
plus que son collaborateur. Il souhaite plutôt une répartition
290 | LIVRE DES CONVERSATIONS
équitable des tâches.
De même, Avraham nous donne un autre conseil :
Lorsqu’une personne rencontre un ami, qu’il soit le
premier à lui tendre la main. Qu’il n’attende pas que l’autre
fasse le premier pas.
De cette façon, Dieu s’associera à lui pour le faire
réussir.
LIVRE DES CONVERSATIONS | 291
116
Soyons actifs
Aujourd’hui, notre réticence à vouloir assumer un rôle
actif à tous les échelons du pays est susceptible d’entraîner le
déclenchement de conflits armés.
Chacun, sur un plan individuel, a tendance à l’inaction et
à la passivité.
Aujourd’hui plus que jamais, il est possible de travailler,
régler ses factures, passer ses commandes, réaliser ses
démarches, se faire livrer ses repas, se divertir ou même étudier
au moyen de l’ordinateur ou du téléphone. De ce fait, l’homme
n’a plus besoin de sortir. Et il s’agit là d’un réel problème.
Tant que l’homme sort de chez lui, que ce soit dans un
cadre professionnel, social ou autre, il renforce le principe de
l’actif (d’où l’origine du mot «activité»).
Mais si ce dernier vient à manquer, Dieu est obligé
d’intervenir de manière brutale pour contrecarrer à cela. Si le
passif prime sur l’actif, on aboutit à un état de paralysie, car
l’équilibre entre les deux forces est compromis.
A grande échelle, ce déséquilibre peut se traduire, à Dieu
ne plaise, par l’éclatement d’un conflit armé.
Pourquoi cela ?
292 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Car à défaut de trouver moyen de s’exprimer par des voies
ordinaires, la force active négligée peut resurgir sous une
forme violente.
En effet, en temps de guerre, le conflit armé ne laisse pas
le choix à la passivité. Il appelle impérativement à un passage
à l’action.
On comprendra, à l’échelle individuelle, à quel point
l’homme devra veiller à ne pas se confiner dans un
environnement qui l’entraine à la passivité.
Une personne vint une fois solliciter le conseil d’Avraham.
Elle réalisait des travaux de rédaction, exerçant son activité
dans un bureau au cœur de la ville. Or, elle projetait de
poursuivre son travail sans frais de location, dans un endroit
calme et excentré, dans un hôtel loin de la ville. Ce lieu lui
semblait idéal.
Avraham lui affirma au contraire, qu’elle s’assurerait la
bénédiction dans son travail en s’établissant dans un endroit
où régnait une réelle activité. Il lui suggéra de louer un bureau
à Talpiot (quartier industriel de Jérusalem), au beau milieu
du bruit et de l’effervescence. Car malgré le brouhaha des
garages, des constructeurs et de la circulation incessante, c’est
précisément là-bas que se trouve la bénédiction.
Il est impératif en affaires, de se conformer aux principes
régissant le monde actif.
Fin des conversations à propos de l’actif et du passif
LIVRE DES CONVERSATIONS | 293
117
Respecter le cours des choses
« Pour celui qui est méritant, la Torah est un élixir de vie.
Pour celui qui ne l’est pas, la Torah devient un poison ». (Pirké
Avot, chapitre 6)
De là, on constate que dans la Torah elle-même se trouve
un pouvoir de destruction.
Si une personne est sincère avec Dieu, elle peut recevoir
la vie de la Torah. Elle peut tout recevoir de Son Créateur.
L’homme croyant trouve tout. Tout ce dont il a besoin,
tout ce qu’il souhaite. Il peut mettre la main dans sa poche
et en ressortir de l’or, des diamants, tout ce qu’il désire.
Mais nous ne croyons pas en cela. Nous nous obstinons
à penser que notre subsistance est liée à l’accomplissement
de travaux difficiles. Nous refusons de croire qu’elle puisse
parvenir avec facilité.
Par excès de conformisme dans l’approche de la Torah
et de l’illusion que nous nous faisons de la connaître, nous
ignorons les forces qu’elle contient vraiment.
Pourtant, si une personne parvenait à une vraie
connaissance d’elle-même et de Dieu, elle pourrait par sa
294 | LIVRE DES CONVERSATIONS
simple pensée attirer à elle tout ce qu’elle désire dans le
monde. A l’instant même.
Une personne présente au cours s’enthousiasma de ce
discours et de ses perspectives. Avraham lui précisa :
« Ce que j’ai dit ne va pas sans problème, car si tu sais
qu’en mettant ta main dans ta poche tu en sortiras tout
l’argent que tu souhaites, tu ne feras plus rien pour rechercher
Dieu. »
Si une personne recevait ce pouvoir-là, elle pourrait
en devenir folle. C’est ce qui nous impose de continuer à
fonctionner selon les lois de la nature. Il est très important
de les respecter.
Toujours à ce propos, quelqu’un demanda à Avraham,
alors que sa mère vivait ses dernières heures, pourquoi il
n’essayait pas de la sauver ?
Cette personne savait qu’il en avait la capacité.
Avraham lui répondit qu’il était important de respecter
le cours de la nature. Même lorsque l’homme possède la
force de changer les décrets, il ne faut pas qu’il en use.
Il n’est pas « le Seigneur des Anneaux ».
Du fait de son âge avancé, le temps pour sa mère de
quitter ce monde était venu. Et il fallait en accepter le
principe.
Nous apprenons de cela qu’une personne doit être
LIVRE DES CONVERSATIONS | 295
authentique avec Dieu, et même lorsqu’elle peut avoir une
influence sur le cours des évènements, elle doit malgré tout
se souvenir de la volonté du Ciel que l’histoire se poursuive
normalement.
C’est cela la vraie grandeur d’une personne : même
quand elle a atteint ce niveau spirituel où elle peut changer
les décrets, elle ne se sert pas de ce «pouvoir» par respect
pour les lois naturelles que Dieu a institué dans ce monde.
Le Midrash illustre ce principe : lorsque Dieu demanda
à la Mer Rouge de s’ouvrir, Il le fit en s’excusant d’avoir
recours à un miracle et non par force d’un décret.
Car Dieu Lui-même se conforme aux lois naturelles
qu’Il a édictées dans Son monde. C‘est pourquoi Il demanda
à la Mer Rouge d’opérer elle-même le changement qu’il
sollicitait.
296 | LIVRE DES CONVERSATIONS
A propos des arabes et de la guerre :
118
La dernière guerre : entre Dieu et Lui-même
Avraham a répété à plusieurs reprises que la dernière
guerre serait une «guerre de conscience» et non une guerre
de mitraillettes et de tanks.
Il nous a dit aussi que la Guerre de Gaza était une guerre
entre Dieu et Dieu Lui-même.
Nous n’avons pas compris ce qu’il entendait par là.
Il nous expliqua alors que Dieu se révèle sous deux
aspects :
Un de l’unité et l’autre de la dualité.
Dieu a confié aux arabes une Torah de l’unité. Au
Peuple d’Israël une Torah de la dualité. C’est un cadeau
particulier qu’Il a fait à Son Peuple, qui seul, est en mesure
de comprendre et de vivre à la fois avec une force et son
contraire.
Car en vérité, en ne faisant usage que d’une seule de
ces forces, par exemple celle du feu, autrement dit de la
LIVRE DES CONVERSATIONS | 297
stricte justice, nous ne sommes pas en capacité de vaincre
le peuple d’Ichmaël.
Nous ne pourrons jamais juguler le problème qu’il nous
pose.
En effet, l’islam, dépositaire d’une Torah de l’unité,
gravite autour d’une absolue soumission à Dieu et à
l’observance de Ses dogmes.
Les musulmans ont tendance à se comporter comme
des «robots de la foi». Ils sont prêts à détruire, à endurer
de grandes souffrances et à mourir au nom de Dieu. Ils
pillent, tuent, incendient, décapitent. Bien que cela nous
soit difficile à comprendre, les arabes se comportent ainsi
au nom de leur foi, une foi monolithique.
Ils aspirent au dévoilement d’un règne parfait de l’islam
et de ses principes. Tout ce qui n’y est pas conforme doit
soumis ou être éradiqué.
A un degré moindre, ce principe se retrouve au sein du
judaïsme, lorsqu’un juif juge son prochain avec rigueur,
dans le cas, par exemple, où son frère n’a pas accompli la
Torah comme lui l’entendait…
Car ce faisant, il oublie la deuxième force avec laquelle il
doit aussi composer, sachant qu’elle fait partie de ce principe
de dualité. La rigueur dans le judaïsme doit coexister avec la
bonté et la mansuétude. S’il condamne (même en pensée)
son frère qui n’accomplit pas la Torah comme il l’entend, il
se prive de la tempérance d’une Torah de dualité.
298 | LIVRE DES CONVERSATIONS
119
Les juifs détenteurs des deux forces
Lutter contre cette force destructive n’est possible qu’au
moyen d’une Torah et d’une conscience qui inclut ces deux
forces.
Car toute guerre germine en premier lieu au sein même
d’un juif. En effet, en chaque juif, un goy sommeille.
Lorsqu’un juif sert Dieu en vertu d’une seule force, celle
du jugement et de l’hostilité à l’égard de celui qui n’agit pas
comme lui, alors il réveille le «goy» qui sommeille en lui.
Parfois en voulant trop bien faire, un juif, peut en
venir à haïr son frère parce qu’il n’accomplit pas la Torah
et les mitsvot comme il le conçoit. Il le juge et serait
tenter de l’éliminer. Le comble étant que la source de son
comportement tire son origine de la Torah. C’est ainsi que
d’élixir de vie, la Torah peut se transformer en poison. Dans
ce cas, il devient tel un arabe qui ne privilège qu’une seule
force.
Au contraire, si un juif sait conjuguer en lui ces deux
forces, sa volonté, comme celle qui s’oppose à lui (rapports
familiaux, professionnels, etc.), et qu’il conserve malgré
tout sa foi intacte, cette Torah s’appelle «élixir de vie».
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120
Le chalom plus élevé que tout
L’issue de la fameuse guerre d’avant le dévoilement du
Messie ne dépendra pas en premier lieu des tanks et des
canons (bien qu’ils aient aussi leur rôle à jouer).
Nous la gagnerons en préservant l’harmonie entre
les deux forces propres à cette sagesse unique du Peuple
d’Israël.
Si l’on révèle cette dualité dans la Torah, sereinement,
en ménageant constamment une place pour chaque force,
sans disqualifier l’autre, sans se crisper sur une approche
exclusive, on donnera à Dieu la force pour que Lui aussi
dévoile cette dualité dans le Ciel, plutôt qu’une Torah
unidimensionnelle.
C’est là la voie à suivre :
S’accorder avec son prochain, même s’il est de mentalité
foncièrement opposée à la nôtre, ne pas mettre en avant
nos différences ou nos divergences comme prétexte pour
s’engager dans des querelles. Décider de s’accepter, afin de
parvenir à vivre ensemble dans la paix et l’harmonie.
Une telle aptitude de notre part ajoute du pouvoir à
300 | LIVRE DES CONVERSATIONS
Dieu, afin qu’Il gagne la guerre, quand bien même nous ne
nous serions pas rendus quitte de tous les commandements.
Et c’est cela l’essentiel de la Torah.