The words you are searching are inside this book. To get more targeted content, please make full-text search by clicking here.

ספר השיחות בצרפתית

Discover the best professional documents and content resources in AnyFlip Document Base.
Search
Published by niritmorad, 2020-11-25 17:57:44

Le Livre des Conversations

ספר השיחות בצרפתית

LIVRE DES CONVERSATIONS | 101

et rejeté la position mensongère de leurs parents et ont
voulu s’approcher du Dieu de vérité selon leur propre
compréhension. C’est pourquoi ils se sont éloignés de la
religion. Dans leur for intérieur, ils se sont mis à la recherche
du vrai Dieu.

Cela nous enseigne un point très important en matière
d’éducation : il convient de se comporter avec eux de façon
naturelle, avec amour et de ne pas s’imposer en faisant
le Tsadik, afin de ne pas en venir à les détourner du but
recherché. Il faut être droit et honnête avec le Saint Béni
Soit-Il! Ce qui nous mènerait presque à dire avec une
pointe d’humour :

«Même si tu es voleur, sois-le de manière consciencieuse
et intègre ! »

102 | LIVRE DES CONVERSATIONS

35

Qui est pécheur et qui ne l’est pas ?

Toute personne qui aurait été présente dans ce voyage
aurait été stupéfaite par les révélations d’Avraham. Car
ses paroles ont, d’une certaine façon, inversé notre vision
du monde. Les prétendus «fauteurs» nous apparaissaient
soudain comme des êtres aux prises avec des forces les
dépassant et les hommes pieux en apparence (considérés
aux yeux de tous comme irréprochables ou dignes d’éloges)
comme des personnes parfois malhonnêtes ou animées par
un sentiment d’orgueil.

Nous assistions à un bouleversement de l’ordre du
monde auquel nous étions habitués. Pour une personne
familiarisée avec le monde actuel de la Torah et des mitsvot,
il est difficile d’envisager les choses de cette façon.

Comment comprendre un tel « désordre » ?
En acceptant cette idée d’une Torah nouvelle qui ne
nous a pas encore été dévoilée dans son intégralité et que
nous ne comprenons pas encore.
Cela nous ramène à l’épisode qui suivit l’entretien

LIVRE DES CONVERSATIONS | 103

entre Rabbi Nathan et Rabbi Nachman au sujet du livre
rédigé par le Tsadik, livre infiniment profond, contenant
des révélations inouïes et connu sous le nom du «Livre
Brulé». Il a été détruit sur injonction de Rabbi Nachman
lui-même et n’est donc pas passé à la postérité. Au sortir
de cet entretien Rabbi Nathan, après avoir passé la journée
entière avec Rabénou, rapporta qu’il ne savait plus «faire la
distinction entre le jour et la nuit».

104 | LIVRE DES CONVERSATIONS

36

Etre en contact avec autrui

Avraham s’exprima aussi sur le concept de
«négociations» (‫ )משא ומתן‬qui ont lieu dans le monde. Il
ne s’agit pas de tractations qui concernent le domaine
des affaires, mais plutôt de la sagesse de savoir toujours
maintenir le contact avec un autre juif, quoi qu’il arrive.

Car Dieu est insondable, mystérieux. Il est d’ailleurs
comparé de façon allégorique à un rocher, désigné par les
mots «Tsour» ou «Sélah», selon la terminologie hébraïque.

Pourtant chaque parole nouvelle possède le pouvoir
de faire voler en éclats ce rocher et d’en faire jaillir une
manifestation divine. Car chaque être qui vient au monde
est une expression de la parole divine. Et par les relations
qui s’instaurent entre les hommes, chacun exprimant
sa volonté, il se crée une forme d’harmonie, de paix. Les
échanges de paroles entre les êtres sont des expressions de
la parole de Dieu, l’apparition dans le monde de nouvelles
couleurs divines.

A l’inverse, l’homme seul ou rivé à son écran se
prive de la possibilité de générer de nouvelles paroles, de

LIVRE DES CONVERSATIONS | 105

nouvelles couleurs. Il s’enferme dans une solitude muette
qui s’apparente à celle de Dieu avant la création. Et, dans
cette solitude absolue, le Tout Puissant ne pouvait, pour ainsi
dire, pas avoir accès à une prise de conscience de Lui-Même.

C’est pour cette raison que Dieu fragmenta une partie
de Lui-même en une multitude de particules qu’Il dispersa
à l’infini au travers des lieux, des personnes et des paroles
prononcées. Par un effet de miroir, Dieu Se reconnait dans
ce jeu d’échanges entre les différents protagonistes.

En y prêtant attention, on s’aperçoit que beaucoup
de plaisirs malsains vont à l’encontre de ces échanges,
notamment l’émission en vain de matière séminale.

En effet, le gaspillage de semence est un interdit rigoureux,
car il est synonyme de destruction du potentiel d’échange,
et d’un rapport créatif avec l’autre. C’est l’acte d’un homme
isolé qui ne cherche pas à créer de lien avec l’autre, mais
qui demeure confiné dans un plaisir qu’il ne partage avec
personne.

L’échange véritable existe quand deux personnes
communiquent. Il suffit que l’une s’adresse à l’autre et que
l’autre l’écoute. Bien que cette communion entre deux
personnes passe par la parole, il se peut même qu’elle s’opère
sans proférer un mot, par une simple entente, une complicité
mutuelle.

Et c’est toujours de cette façon que se conduit Avraham
dans sa vie quotidienne. Dans chaque affaire, dans chaque

106 | LIVRE DES CONVERSATIONS

rencontre, il discute avec tout le monde ; employés, caissières
de supermarché, ouvriers. Quel que soit l’endroit où il les
rencontre il leur parle, leur pose des questions, engage la
conversation avec eux, se préoccupe de savoir comment ils
vont. Quels que soient leur âge, leur condition, leur origine,
il crée toujours un lien avec eux, en toute circonstance.

Et c’est ainsi que l’homme doit se comporter. Là où Dieu
le conduit, il doit comprendre qu’au-delà de son but initial,
d’autres raisons l’on mené là où il se trouve. Il se déplace
pour faire réparer son téléphone ? Sur place, il rencontre un
employé et patiente pour que son tour arrive. Il devra sans
cesse garder à l’esprit que c’est à l’initiative de Dieu seul qu’il
est venu précisément à cet endroit et à ce moment, et cela
dans le but de créer un contact avec chaque juif qu’il croisera.
Car Le Tout-Puissant ne nous a pas envoyé dans ce monde-
ci pour passer notre vie à régler nos problèmes, à gérer nos
petites affaires… Notre histoire personnelle de la vie et tous
les événements qui la ponctuent sont autant d’occasions
d’entrer en relation et de communiquer avec autrui, afin de
révéler de nouvelles nuances de l’infinie palette de couleurs
du Saint-béni-soit-Il.

Et c’est dans ce même esprit qu’il existe une mitsva de
prier en minian. Ce qui fait la valeur d’une prière collective,
ce n’est pas, comme on pourrait le penser, la prière en elle-
même, mais bien les échanges qui se créent lors de cette
occasion. Les fidèles prennent des nouvelles l’un de l’autre,
plaisantent et se réjouissent d’être ensemble.

Et c’est cela qui constitue le but de la Création.

LIVRE DES CONVERSATIONS | 107

37

Le mal réclame son dû

Une fois, alors que nous déjeunions au restaurant
avec Avraham, je l’ai interrogé à propos du travail et de
la subsistance. Comment l’homme doit-il se comporter à
ce propos ? Est-il oui ou non préférable pour l’homme de
travailler ?

Or, au moment où je lui posais ma question, le serveur
nous apporta des verres en plastique et non en verre comme
on aurait pu s’y attendre. L’un des amis qui était présent
avec nous refusa de boire dans du plastique et exigea qu’on
lui amène un verre en verre. Le serveur s’exécuta. Quand
cet ami reçu son plat, il était beaucoup trop cuit, voire
franchement brûlé.

Avraham lui fit remarquer qu’en fait, les deux incidents
étaient liés. Car le mal précède nécessairement le bien.
Ainsi, lorsque l’homme consent à le supporter, il se place
en situation de recevoir du bien par la suite. A défaut, le
mal revient sous une autre forme car il réclame lui aussi sa
place, son droit de cité.

Les verres en plastique incarnaient ce «petit mal»,

108 | LIVRE DES CONVERSATIONS

étape par laquelle notre ami devait passer avant de pouvoir
bénéficier d’un bon repas. Car le repas brûlé était lui-
même ce verre en plastique, mais sous un autre visage et à
un autre moment.

Il faut retenir de cette anecdote qu’il est nécessaire
d’apprendre à accepter le mal et les désagréments de
l’existence.

Nous avons tous été surpris par cette leçon de vie qui
s’est invitée «comme par hasard» au cours de ce repas. Une
réponse à la question sur la subsistance …

LIVRE DES CONVERSATIONS | 109

38

Une ségoula pour la paix au foyer

Voici une ségoula (vertu miraculeuse) : lorsqu’un
homme est en conflit avec sa femme, notamment si elle
se met en colère contre lui, qu’il étudie alors une loi
du choul’han arou’h (code de la loi). S’il n’en n’a pas la
possibilité, le simple fait de prononcer les mots «choul’han
arou’h» constituera en soi une ségoula.

Car la colère d’une femme envers son mari est comparé
à un «vent de tempête».

La femme est par nature animée par l’inspiration
sainte. Elle capte intuitivement tout ce qui se passe. Sa
colère à l’égard de son mari a pour origine la perception
d’un déphasage entre son comportement et le fond de
sa personnalité. Même si elle n’en n’est pas clairement
consciente, c’est contre ce mensonge qu’elle proteste.

Et quelques fois l’homme a l’impression que sa femme
s’emporte contre lui sans raison ou de façon injustifiée.
En réalité, la femme a la capacité d’identifier « le vrai ». Le
mensonge de son mari va provoquer chez elle une colère
dont le motif apparent peut sembler sans rapport avec la

110 | LIVRE DES CONVERSATIONS

situation.

L’esprit de Dieu vient reposer sur la femme et sanctionne
«le mensonge» du mari. Aussi, c’est par l’étude de la hala’ha
(du code de la loi juive) qu’il sera possible à l’homme de
calmer son épouse. Car la loi juive est porteuse de l’ordre
et de la Loi qui ont la vertu d’apaiser la colère.

LIVRE DES CONVERSATIONS | 111

39

Croire à moitié

La plupart des gens sont croyants, mais ne le sont qu’à
moitié. Peut-on croire à moitié ? Et si oui, sur quoi repose
cette demi-croyance ?

Prenons l’exemple du miracle : les gens croient qu’un
miracle peut se produire, mais ils veulent mêler à leur
croyance, leurs idées personnelles, comme s’ils étaient pour
ainsi dire, leur propre messie. Car le Messie peut accomplir
de grands prodiges, mais eux dans leur tête ne sont prêts à
accepter que des demi-miracles.

Avraham nous a rapporté l’épisode suivant : au cours
d’une fête, le petit fils d’un Admour célèbre est venu lui
demander de bien vouloir le bénir, lui et sa femme afin
qu’ils puissent être exaucés d’un enfant.

Avraham lui répondit que ce lendemain, avec l’aide de
Dieu, sa femme enfanterait. Le mari ne put se retenir de
rire : comment sa femme qui n’était pas encore enceinte
pouvait-elle accoucher ce lendemain ?

Et quand il le quitta, Avraham dit du mari qu’il voulait

112 | LIVRE DES CONVERSATIONS

être son propre messie et que c’était une erreur. En effet, il
croyait à la bienfaisance qu’un Tsadik puisse apporter, mais
en même temps, il y mêlait ses propres considérations, à
savoir qu’en l’occurrence, le miracle était trop grand pour
qu’il puisse se réaliser. Cette conception dénote bien sûr
une croyance aux miracles limitée et parasitée par des
pensées étrangères, loin d’une foi sans compromis.

De même, lorsqu’un homme priera Dieu et Lui
demandera de lui accorder sa subsistance, ou de quoi régler
une dette, il sera certes animé par la croyance que Dieu
puisse l’exaucer et faire un miracle pour lui. Cependant,
il aura tendance à introduire dans sa prière ses propres
calculs et réflexions. Il ne croira pas, par exemple, que ce
miracle puisse s’accomplir immédiatement. Il s’imaginera
qu’il lui faille patienter un certain temps. Et le voilà déjà à
l’œuvre pour donner au miracle auquel il croit, une forme
rationnelle. Comme si le «naturel» avait la préséance sur le
«surnaturel».

Il commet là une grande erreur.

Avraham nous conta l’histoire d’une femme qui
souhaitait se marier et qui vint le rencontrer. Il lui demanda
de changer de chaussures, sans autre forme d’explication. Il
lui posa ensuite la question si elle croyait que cela suffisait ?
Elle lui répondit par l’affirmative, puis partit sur le champ
acheter de nouvelles chaussures qu’elle chaussa aussitôt.
Elle exécuta le tout sans tarder et dans la plus grande
simplicité. Elle rencontra le jour même celui qui allait

LIVRE DES CONVERSATIONS | 113

devenir son mari.

Et tout cela parce que les choses se produisent en
fonction de la conviction de la personne. Lorsqu’une
personne est entière dans ses convictions et qu’elle ne se
laisse pas perturber par ses propres pensées ou ses préjugés,
elle aménage un espace qui, transcendant les lois physiques,
ouvre la porte au surnaturel!

114 | LIVRE DES CONVERSATIONS

40

Dieu n’est pas un coffre-fort

Les érudits qui étudient le Zohar sont dans l’erreur
lorsqu’ils pensent que l’on peut s’approcher de Dieu grâce
aux seules kavanot (pensées fondées sur une connaissance
de la combinaison savante des différents noms de Dieu.)

Car ce n’est pas du tout de cette façon que l’on parvient
à une connaissance authentique de Dieu. En effet, le Saint
Béni soit-Il, n’est pas comparable à un coffre-fort scellé
par une combinaison unique qui garantirait à ceux qui la
connaissent, un accès aux trésors qu’il contient.

Dieu dirige Son monde comme bon Lui semble et
indépendamment de ce que l’homme pense pouvoir tirer de
Lui. Ce qui est véritablement le plus cher au Tout-Puissant,
c’est que l’homme vive en paix avec lui-même.

Qu’entend-on par «vivre en paix avec soi-même» ?
C’est tout simplement être en harmonie avec ce qui ne
nous ressemble pas, ce qui nous contredit, ou ne correspond
pas à nos attentes. C’est l’homme qui vit en accord avec sa
femme, ses enfants, ses moyens, ses dettes, les désordres

LIVRE DES CONVERSATIONS | 115

et les difficultés de son quotidien. Une telle personne, par
sa simplicité (bien qu’elle n’ait pas la connaissance des
secrets de la religion) s’élève pour ainsi dire au-dessus des
kabbalistes et des initiés dans ce domaine.

En vivant dans l’harmonie et la sincérité, elle éveille
l’amour de Dieu qui l’accompagne dans tous ses pas.

Avraham ajouta de même qu’aujourd’hui, les plus
grands érudits en Kabbale se trouvent parmi les non-juifs,
sachant qu’ils sont motivés par des intérêts personnels et
non par l’amour du Ciel.

116 | LIVRE DES CONVERSATIONS

41

Tous des acteurs

«Alors notre bouche s’emplit de chants joyeux et notre
langue d’accents d’allégresse.» (Psaume 137)

"‫ ִּפינּו ּו ְלׁשֹו ֵננּו ִרָּנה‬,‫" ָאז ִי ָּמ ֵלא ְׂשחֹוק‬
Aujourd’hui, tout nous apparait comme un scénario
écrit, mis en scène et filmé.
Lorsqu’on visionne un film, le rôle du méchant est
volontairement malintentionné et peut le mener jusqu’à
éliminer le gentil. Engagés dans une lutte sans merci, les
deux antagonistes sont animés par des sentiments de haine.
Une fois, le tournage terminé, les acteurs oublient
leurs rôles et retirent leurs costumes et vont boire un café
ensemble.
Toutes les personnes que nous croisons dans notre vie,
que nous détestons ou avec lesquelles nous sommes en
conflit ne sont qu’un aspect de notre propre film.
Ces pseudo-ennemis ne sont, en réalité, que des acteurs.
Dans les temps futurs, Dieu fera tomber les masques et

LIVRE DES CONVERSATIONS | 117

chacun constatera que celui qui, en apparence, lui portait
préjudice, ne faisait qu’exécuter le rôle que Dieu Lui-même
lui avait assigné pour les besoins de Sa propre histoire.
Sur le plan de la vérité absolue, il n’y a face à nous aucun
méchant.

Aujourd’hui, celui qui est vraiment épris de vérité doit
comprendre que ceux qui paraissent lui vouloir du mal, ne le
détestent pas vraiment. Leur conduite fait partie intégrante
du dessein de Dieu. Lorsqu’une personne comprend et vit
avec cette conscience, il vit sans haine et sans jalousie. Il
mène une vie authentique.

118 | LIVRE DES CONVERSATIONS

42

Le mauvais penchant de Dieu

L’homme se trompe en pensant que le mauvais penchant
ne se trouve que chez lui. En réalité, Dieu possède aussi un
mauvais penchant. Quel est donc le mauvais penchant de
Dieu et sous quelle forme se manifeste-t-il ?

Pour le comprendre, il faut imaginer qu’il y a pour ainsi
dire, un des attributs de Dieu qui siège auprès de Lui et qui
souhaite ramener le monde au chaos d’avant la création. Sa
fonction est de condamner les actes et les comportements
des hommes contraires à la volonté divine, qui s’opposent
ou ne se conforment pas à la lettre aux commandements
édictés par Le Tout Puissant.

C’est de cet attribut qu’émanent tous les décrets
rigoureux. Telle est la source du mauvais penchant de Dieu.

Dans la mesure où Dieu a souhaité nous associer
à l’œuvre de Sa création, Il nous a dotés d’un mauvais
penchant comparable à celui qui siège à Ses côtés.

Lorsque nous parvenons dans ce monde à briser notre
mauvais penchant, nous offrons à Dieu l’occasion de briser

LIVRE DES CONVERSATIONS | 119

aussi le Sien dans les sphères supérieures.

Il est important de souligner que le mauvais penchant
auquel nous nous référons n’utilise pas les passions terrestres
pour entrainer l’homme juif à fauter. Au contraire, il se sert
de la Torah elle-même pour le faire chuter. Car, debout aux
côtés de Dieu, il revêt, d’une certaine façon, l’apparence
d’un Tsadik et parle de manière désobligeante à l’égard
d’Israël. Il Lui dit :

«Regarde, Tes enfants fautent. Valait-il bien la peine que
Tu les sortes d’Egypte ?»

Par cette démarche, il tente d’attiser la haine de Dieu à
l’égard de Ses enfants.

Lorsque l’on profère de mauvaises paroles envers un
autre juif, sous prétexte qu’il n’observe pas la Torah et les
mitsvot, cela provient de ce mauvais penchant céleste.

Car le monde se trompe complètement à ce sujet. Le
vrai mauvais penchant n’est pas celui qu’on imagine. Il n’est
pas ce désir de chair, de soif d’argent ou autre mauvaise
passion. Le véritable mauvais instinct consiste à formuler
des critiques et des accusations à l’encontre de ses frères.

Lorsqu’un homme parvient à briser cette tendance,
Dieu aussi dans le Ciel ignore l’accusateur et délaisse ses
critiques. En conclusion, le véritable respect de l’alliance
consiste à se garder de dire du mal d’un juif, quelques soient
ses actes.

120 | LIVRE DES CONVERSATIONS

43

Plus d’argent dans les poches

La création du monde par le Saint, Béni Soit-il, est
comparable au geste d’un homme qui sort de l’argent de sa
poche.

Ainsi, le simple fait de posséder encore de l’argent en
poche témoigne que nous sommes encore en exil.

Et c’est cela qui est sous-entendu lorsque nos Sages
nous enseignent :

«Le Messie ne viendra que lorsque qu’il ne nous restera
plus le moindre sou en poche !» (Talmud Sanhédrin 97)

Ainsi il est bon pour l’homme ne disposant plus que
d’une petite somme, de ne pas hésiter à s’en démunir en la
dépensant.

Avraham nous rapporta à ce sujet l’histoire d’un ami
qui était dans une grande détresse financière à la veille de
Rosh Hashana. Ne pouvant malheureusement pas financer
son voyage à Ouman, il resta en Israël. (Les proches de
Rabbi Nachman ayant coutume de voyager chaque Rosh
Hashana à Ouman en Ukraine).

LIVRE DES CONVERSATIONS | 121

Il lui restait en poche à peine 5 shekels Au début, il
projeta d’acheter du pain avec à ses enfants, puis il se ravisa
et pensa au conseil d’Avraham : 

« S’il ne te reste que quelques sous, ne les garde pas sur
toi. Donne-les ! ».

C’est ce qu’il fit, en offrant sa dernière pièce à un pauvre
qui mendiait dans la rue. Le même jour, avant l’entrée de
la fête, il reçut une coquette somme d’argent qu’il n’aurait
jamais imaginé empocher.

C’est pour cette raison que la venue du Messie est liée
au fait de se démunir du peu d’argent qu’il nous reste. Tant
que nous sommes encore en possession de nos quelques
pièces, il y a là place pour élaborer des plans : comment
vais-je les dépenser ? Comment les utiliser au mieux ? Ce
faisant, c’est un peu comme si nous omettions d’associer
Dieu à notre projet.

Ce peu d’argent est semblable à un petit bouchon
placé sur une bouteille qui ne permet pas à l’eau qu’elle
contient de s’écouler. En le retirant, on permet au flux de
se répandre…

Car le Messie ne viendra qu’après désagrégation
de toutes les formes de calculs et de mensonges.
L’homme matériellement démuni, se trouvera à nouveau
pourvu de sa seule foi en Dieu.

C’est pour cette raison que la situation avec les arabes

122 | LIVRE DES CONVERSATIONS

et la guerre en Terre sainte nous obligera à passer par une
phase éprouvante pour que Dieu puisse Se dévoiler. Tant
que nous ne compterons que sur notre armement, nos tanks,
nos avions et notre « dôme d’acier », tant que le Peuple
d’Israël placera sa confiance dans des artifices techniques,
Dieu ne pourra pas venir nous sauver. Ces moyens sont
comparables à la dernière petite pièce de monnaie avec
laquelle l’homme pense pouvoir se tirer d’affaire, oubliant
que son secours ne lui vient, en réalité, que de Dieu.

Finalement, nous risquons, à Dieu ne plaise, d’être
confrontés à une situation sécuritaire extrêmement
périlleuse. En grand danger et le dos au mur, il ne nous
restera pas d’autre choix que de nous tourner vers Dieu qui
est Le seul à pouvoir nous délivrer.

C’est à ce moment précis que le Messie pourra se
dévoiler.

LIVRE DES CONVERSATIONS | 123

44

Divorcer pour reprendre sa femme

Voici d’autres exemples basés sur ce même principe :
Considérons le cas d’un homme qui n’arrive pas à avoir
d’enfants avec sa femme : qu’il lui donne le guet (acte de
divorce).
Mais tout en agissant ainsi, il devra garder à l’esprit
qu’il n’est pas dans son intention de divorcer, mais qu’il
s’y résigne, parce qu’il y est contraint. Affligée par l’idée de
se séparer de son mari, cette femme aura le cœur brisé. Sa
tristesse et ses larmes s’élèveront jusqu’au Ciel, comme si,
pour ainsi dire, qu’elle venait de perdre la vie.
Or dans le Ciel peut se produire une permutation : l’âme
de la femme stérile sera remplacée par une âme nouvelle.
Ainsi, cette femme, bien que dotée de la même apparence,
sera devenue intérieurement une autre personne, avec cette
fois, la capacité d’enfanter.
Cet exemple est une autre facette de l’application de ce
principe du « dernier sou en poche ». Après que son mari
lui ait fait part de son intention de divorcer, elle tombe dans

124 | LIVRE DES CONVERSATIONS

l’affliction et le désespoir. Sa vie s’effondre sous ses pieds.

Mais par la même, une porte s’ouvre, afin que Dieu lui
vienne en aide.

C’est aussi pour cette raison, qu’une personne qui
monte une affaire et qui enregistre des pertes au début de
son activité, doit voir en cela un bon signe. Car pour qu’une
entreprise réussisse et se développe, il est propice de passer
tout d’abord par une phase déficitaire. Cette personne
pourra s’en réjouir ; cela signifie que sa délivrance est
proche. Elle verra bientôt son affaire rebondir et prospérer.

L’homme doit savoir que ce principe s’applique à tous
les domaines de sa vie. Pour que Dieu lui vienne en aide,
il faut d’abord qu’il fasse abstraction de lui-même et qu’il
accepte de renoncer à sa logique.

C’est ce que la Torah nous rappelle au sujet des enfants
d’Israël qui ont d’abord dû passer par le désert pour être
vraiment capable de recevoir la Torah. Ils n’étaient pas
prêts à la recevoir en Egypte.

Le désert, lieu de dénuement total par définition, les
dépouilla de toutes leurs connaissances et leurs certitudes.
C’est seulement à ce moment qu’ils furent vraiment aptes à
recevoir la Torah.

LIVRE DES CONVERSATIONS | 125

45

Quand je m’éloigne, je me rapproche

Chaque geste que l’homme effectue le rapproche de
Son Créateur.

Lorsqu’il effectue une action en faveur du Ciel, cela est
compréhensible. Mais même s’il se conduit à l’inverse, il
continue malgré tout à s’approcher de Lui.

Comment expliquer cela ?

Tout simplement parce que Dieu est partout. Dans ce
contexte, que le mouvement vers Lui s’effectue dans un sens
ou dans un autre n’a aucune importance puisqu’il aboutit,
dans tous les cas, à un rapprochement.

Quoi qu’il fasse, l’homme se rapproche de Dieu, qu’il
accomplisse une mitsva ou qu’il faute, qu’il s’investisse
dans une bonne ou une mauvaise action.

Le risque est que, s’il le réalisait vraiment, l’homme
perdrait la motivation de continuer à accomplir les mitsvot.
Aussi, Le Créateur, par Sa Volonté, a choisi d’effacer cette
évidence de notre conscience, afin que l’homme ne renonce
jamais à poursuivre son travail de dévoilement de Dieu
dans ce monde.

126 | LIVRE DES CONVERSATIONS

46

Dieu défenseur et accusateur en même temps

Il est rapporté dans le Midrash que lorsque Dieu voulut
donner la Torah à Moché pour qu’il la transmette au Peuple
d’Israël, les anges s’y opposèrent avec véhémence.

Ils affirmèrent que l’homme est un criminel, un adultère
et un pécheur. « Est-ce là l’honneur de la Sainte Torah
de se voir confiée à pareille créature empreint d’une telle
bassesse » ?

Non seulement ils s’opposèrent à donner la Torah à
Moché, mais en plus ils menacèrent de le consumer de leur
feu dévorant.

Mais en vérité, qui sont ces anges si ce n’est une facette
de Dieu Lui-même ?

Du fait qu’Il ne peut être à la fois l’avocat de l’accusation
et celui de la défense, Le Tout-Puissant s’est, d’une certaine
façon, divisé. Une partie de Lui-même s’est maintenue aux
côtés de Moché alors que l’autre s’est exprimée à travers les
anges, opposés à faire don de la Torah au peuple d’Israël.

LIVRE DES CONVERSATIONS | 127

Et bien que Dieu ait consenti à faire descendre la Torah
sur terre en la confiant à Moché Rabénou, Il a parallèlement
endossé le rôle de l’opposition des anges, pour inciter
Moshe à engager un dialogue avec eux.

Moché leur a demandé :

« Avez-vous donc un mauvais penchant ? Votre instinct
vous pousse-t-il au vol ? Etes-vous soumis à la tentation de
commettre un adultère ? »

Et ce, car seul un juif soumis à l’épreuve du mauvais
penchant est en mesure d’accomplir un acte de repentir.

L’ange lui, en est totalement dépourvu. Il ne peut
accomplir ni commandement ni commettre de péché. La
notion de «repentir» lui est étrangère, son niveau demeure
immuable, statique. Ni il chute, ni il s’élève.

Sache qu’en fait, la réponse de Moché ne s’adresse pas
aux anges, mais bien à Dieu Lui-même. Un peu comme s’il
répondait aux «doutes» éprouvés par le Tout Puissant sur
le bien-fondé du don la Torah aux enfants d’Israël. Moché
argumente en faveur des enfants d’Israël.

Voici, décryptée entre les lignes, la plaidoirie qu’il
adressa indirectement à l’Eternel :

«Bien que Toi, Eternel Tu sois Un, d’une unicité parfaite,
nous, Peuple d’Israël, avons un rôle encore plus important
à jouer. Car nous, Peuple d’Israël, nous pouvons abimer,
détruire mais aussi réparer. C’est là l’essentiel de notre

128 | LIVRE DES CONVERSATIONS

spécificité et de notre force en tant que juifs : nous croyons
pouvoir détruire et nous croyons pouvoir réparer. Et c’est
précisément par ce fait-même que nous T’accordons la
possibilité de Te découvrir et de Te connaître réellement.»

Il est là le message contenu dans la réponse de Moché à
Dieu : sans les juifs, même les plus abjects, Dieu ne peut Se
connaitre Lui-même, et reconnaitre qu’Il est le Roi. Existe-
t-il un Roi sans sujet ?

C’est cela le sens : «Je suis un être de chair et tu es de feu,
mais je te suis supérieur». (Kedouchine 81.)

Car le feu saint et dévorant des anges ne vient pas du
libre arbitre. Les anges n’ont pas de liberté de choix. Ils ne
peuvent ni dévier du droit chemin ni se repentir. Ils sont,
par nature, prédéterminés et statiques dans leur mission.
C’est pourquoi le juif qui faute et qui tombe, même à de
nombreuses reprises, leur est supérieur. Car c’est par un
choix volontaire qu’il révèle et consacre Dieu comme Roi !

LIVRE DES CONVERSATIONS | 129

47

Les végétariens

Une fois Avraham fut interrogé à propos des
végétariens qui invoquaient comme raison la souffrance
endurée par l’animal lors de l’abattage, pour s’opposer à la
consommation de viande. Sachant cela, il serait préférable
selon eux de se nourrir que de fruits et de légumes.

Mais Avraham nous répondit que le végétarisme repose
sur un raisonnement infondé.

Si ces personnes étaient en mesure de percevoir la
douleur qu’un arbre ressent lorsque l’on cueille ses fruits,
ils comprendraient qu’elle surpasse de loin celle que les
animaux éprouvent lors de l’abattage. Limité par ses sens,
l’homme ne croit que ce qu’il voit, et ne s’imagine pas le
degré de souffrance ressenti par l’espèce végétale.

Que l’homme se garde d’oublier que sommeille en
chaque chose une particule de vitalité !

Toujours à ce propos, Avraham surpris un jour à la
Yéshiva des amis qui s’amusaient à se jeter des rouleaux
de papier toilette. Il les réprimanda, non pas à cause du

130 | LIVRE DES CONVERSATIONS

gaspillage que cela causait, mais du fait qu’il se trouve
une particule de vitalité dans chaque élément, y compris
même dans un simple rouleau de papier toilette. Et par leur
comportement, ils dénigraient cette étincelle divine, qui
risquait de leur rendre la pareille.

Et c’est effectivement ce qui se passa. Dans la même
année, l’un des amis se retrouva une fois dans une situation
fort embarrassante : sans lieu d’aisance dans les alentours,
ni même de papier de toilettes et avec…un besoin urgent,
il dut se soulager dans la rue. Il vérifia à ses dépens le
bienfondé de la mise en garde d’Avraham.

L’homme pourra ainsi découvrir que le monde
apparemment inanimé est traversé par des flux incessants
de vitalité.

Avraham expliqua aussi à plusieurs reprises qu’il est
interdit de faire le geste de lever la main sur autrui, même
sans intention de frapper, même pour plaisanter. Car ce
mouvement possède aussi une particule de vitalité, amenée
à réclamer son droit à l’existence sous une autre forme,
dans un autre lieu, à un autre moment.

LIVRE DES CONVERSATIONS | 131

48

La souca du ‘Hafets ‘Haïm

Un jour, Avraham nous raconta l’histoire du ‘Hafets
‘Haïm qui avait l’habitude de construire sa Soucca à un
endroit précis du vivant de sa première femme.

Apres son remariage, alors que la fête de Souccot
approchait, il entreprit d’édifier sa Soucca à l’endroit
habituel. Mais sa nouvelle femme lui demanda de la
démonter pour la remonter ailleurs.

Sans discuter, il accéda à sa demande. Quand elle vint
pour vérifier le résultat, elle lui dit que finalement il avait
eu raison de l’installer à l’endroit où il avait l’habitude de le
faire. Sans un mot, le ‘Hafets ‘Haïm démonta puis remonta
la Soucca à sa place originale.

Avraham nous explique qu’à première vue, la Soucca
finale ressemblait en tous points à la Soucca construite en
premier lieu, mais en réalité, elle était totalement différente.
La première était l’expression de la seule volonté du ‘Hafets
‘Haïm alors que la Soucca finale résultait de l’association
de la volonté des deux conjoints. Le Tsadik, en annulant sa
volonté pour y associer celle de son épouse, avait construit

132 | LIVRE DES CONVERSATIONS

une Soucca tout à fait nouvelle : celle qui intègre l’expression
des deux époux.

Il ajoute qu’à travers cette histoire, nous pouvons
comprendre la façon dont Dieu agit dans ce monde. Au
départ, l’homme élabore chaque chose en fonction de
sa seule volonté, selon l’ordre qu’il a à l’esprit. Lorsque
se produit un fait qui vient contredire cet ordre, cela le
dérange. Toutefois, si l’homme sait prêter attention à ce
«contre-ordre», comme un message émanant du Ciel, il
pourra mériter d’associer sa propre volonté avec celle de
Dieu !

LIVRE DES CONVERSATIONS | 133

49

Vaincre Dieu dans son étude

Il faut savoir que dans le cadre-même de l’étude de la
Torah, on peut raisonner avec une mentalité d’esclave.

Etudier la Torah avec un tel état d’esprit, c’est l’aborder
de façon restreinte. C’est prendre tout ce qui est écrit à la
lettre, sans chercher à voir plus loin. C’est se soumettre les
yeux fermés aux ordres reçus : « c’est ainsi et c’est tout ! »

Or, Dieu nous lance en quelque sorte à un défi dans
notre étude de la Torah. Il cherche et souhaite que nous Le
surpassions.

Nous en voyons une illustration dans le verset :
« Si tu vois l’âne de ton ennemi succomber sous sa charge,
garde-toi de l’abandonner ». (Chemot 23:5)
On comprend de ce verset que nous avons l’obligation
de venir en aide à tout juif, quand bien même serait-il notre
ennemi, se trouvant en difficulté. Dans ce contexte, l’emploi
du terme «ennemi» semble admettre que nous puissions
haïr un autre juif. Or, n’est-ce pas interdit de cultiver un
sentiment de haine à l’égard d’autrui ? N’est-il pas écrit :

134 | LIVRE DES CONVERSATIONS

«Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur !» (Lévitique 19:17)

Pourtant, d’autres endroits dans la Torah rapportent le
devoir d’haïr celui qui a commis une faute (Talmud Pessa’him 113).

On peut en conclure qu’il existe des cas de figure où
cela est permis, voire ordonné par la Torah elle-même.
Cela s’applique envers celui qu’on qualifie de «mécréant».

Mais alors, comment harmoniser ces deux affirmations
contradictoires ?

En vérité, si Dieu semble « légitimer » le sentiment de
haine, c’est uniquement pour nous inviter à le dominer et à
le dépasser, afin de le transformer en un sentiment d’amour.

Autrement dit, Dieu distille lui-même cette haine à
travers la Torah dans le cœur d’un juif à l’égard de son
semblable, pour pouvoir lui offrir l’occasion de combattre
ce sentiment et de le surmonter, afin de se rapprocher à
nouveau de son frère.

Cette démarche porte un nom : elle s’appelle « une
victoire sur Dieu ».

C’est pour cette raison que celui qui apprend dans la
Torah l’injonction de haïr une personne spécifique et qu’il
l’applique machinalement sans s’interroger, sera considéré
comme servant Dieu avec une mentalité d’esclave.

Il aura certes étudié le texte et se sera conformé à son
sens premier. Mais, il n’aura pas essayé de remonter à la

LIVRE DES CONVERSATIONS | 135

source de la volonté de Dieu.

En revanche, celui qui apprend qu’il est parfois permis
de considérer son frère comme un ennemi, mais qui choisit
malgré tout de l’aimer, parvient à donner à son étude une
autre dimension. Il élève le niveau de la Torah qu’il étudie.

C’est ce qui est rapporté dans le Talmud au nom de
Rabbi Ichmaël bar Yossi :

"‫" ַז ְּמרּו ְל ִמי ֶׁשּנֹו ְצ ִחין אֹותֹו ְוָׂש ֵמ ַח‬. (Talmud Pessa’him 119.)

«Entonnons des chants en l’honneur de celui qui est
parvenu à vaincre Dieu. Il L’a réjoui.»

Car Dieu se délecte d’une étude de la Torah renouvelée,
enrichie d’interprétations inattendues, originales et
authentiques. Celui qui donne à son étude ce souffle
nouveau, au-delà de la lettre, est considéré comme ayant
remporté une victoire sur son Créateur, pour le plus grand
bonheur de Celui-ci!

136 | LIVRE DES CONVERSATIONS

50

L’argent est vivant

L’argent est une entité vivante. Il n’est pas bon de vouloir
trop le conserver. Privé de mouvement, l’argent demeure sans
vie. En l’empêchant de circuler, on entrave sa vitalité.

Lorsque l’homme garde exagérément son argent, celui-ci
va réagir. Comment ?
En lançant des messages à ses propriétaires.

Il reviendra par exemple sous les traits d’un pauvre
quémandant l’aumône. Le «propriétaire» sera forcé de se
dessaisir d’une partie de son argent en faveur du quêteur.

Etant donné que le détenteur de l’argent l’a privé de tout
mouvement, c’est le pauvre qui le contraindra à le «libérer»,
afin qu’il poursuive sa vie.

A l’inverse, si l’on donne vie à l’argent, il nous le rend. D’où
l’expression :

«La charité sauve de la mort.»
L’erreur essentielle que les gens commettent consiste à
penser que l’argent doit se trouver dans leur poche et n’en
sortir que pour des achats utiles ou profitables. Notons que la

LIVRE DES CONVERSATIONS | 137

tsédaka elle-même, peut être conçue sous cet angle. Elle donne
bonne conscience, renvoie une image positive de soi-même.

Imaginons une personne qui a envie d’une glace, va
l’acheter puis la mange. Etant donné que son intention
était uniquement sa satisfaction personnelle, il n’aura pas
véritablement insufflé vie à son argent.

Nous avons souvent eu l’occasion de voir Avraham faire
des achats défiant toute logique.

Une fois il entra dans un magasin pour acheter un stylo,
puis y retourna aussitôt pour en acheter cinquante de plus.
Ce comportement surprit tous ceux qui l’accompagnaient.
Il expliqua que notre problème provient de ce que nous
achetons : un nouveau stylo uniquement lorsque l’encre est
épuisée dans le précédent.

Le secret de la bénédiction réside dans le fait de ne pas
acheter en vue de satisfaire un besoin personnel, mais pour
permettre à l’argent de circuler. C’est pour cette raison que
dans la Torah, l’argent s’appelle aussi «‫זוזים‬-zouzim» dont la
racine provient du mot «‫– לזוז‬se mouvoir».

On a pu observer à maintes reprises Avraham effectuer des
achats en quantités singulières : quarante déodorants, cent kilos
de farine, quatre-vingt paquets de couscous (qu’il distribua
ensuite) ou encore acquérir une nouvelle paire de chaussures,
alors qu’il venait d’en acheter une le jour précédent.

Le principe essentiel à retenir est le suivant : l’argent est
une entité vivante !

138 | LIVRE DES CONVERSATIONS

51

Le Chabbat du Chabbat

Le Chabbat n’est pas un jour de la semaine. Le Chabbat
est l’expression de la quintessence du point positif qui se
trouve en chaque chose. Chaque élément est doté de son
propre Chabbat. La semaine trouve ce point culminant
dans le jour du Chabbat. Quant au jour du Chabbat lui-
même, sa quintessence se révèle dans la consommation des
trois repas sabbatiques.

Les gens se méprennent et pensent que les prières
constituent l’essentiel du jour du Chabbat. Mais cela est
faux. En réalité, il n’y a rien de plus élevé que les repas de
Chabbat.

Et même au sein de ces repas existe encore un autre
Chabbat : le troisième repas !

L’explication est la suivante : au premier repas tout le
monde a faim et mange avec appétit. Il en est de même
pour le repas du lendemain midi. Mais lorsqu’arrive l’heure
du troisième repas, les gens sont déjà rassasiés. Il leur
est difficile d’ingérer quoi que ce soit. Aussi, le troisième
repas possède une valeur particulière. Il est consommé par

LIVRE DES CONVERSATIONS | 139

amour de Dieu et non dans l’optique d’une satisfaction
personnelle. C’est un repas pris en l’honneur exclusif du
Chabbat.

Or, la majorité des gens lui accorde moins d’importance.
Ils servent des mets moins raffinés, en plus petites quantités,
souvent dans de la vaisselle jetable, histoire de s’acquitter
du commandement.

Aussi, nos Sages nous ont-ils mis en garde et insisté à
maintes reprises sur la nécessité d’accorder une attention
toute particulière à ce troisième repas de Chabbat.

Pour cette occasion, Avraham recommanda de sortir
des couverts en argent et de préparer des plats de qualité
(supérieure même à ceux des deux premiers repas), car ce
troisième repas représente la quintessence du Chabbat.

140 | LIVRE DES CONVERSATIONS

52

Respecter les objets

Une fois j’ai eu l’occasion d’observer Avraham chez
lui. Il tenait un sac rempli de bouteilles vides en plastique.
Avant d’aller les jeter, il se lança à la recherche des bouchons
manquants, ce qui avait de quoi surprendre ! Pourquoi
consacrer autant de temps à rechercher les bouchons qui
manquaient à des bouteilles déjà vides et sur le point d’être
jetées ?

Il nous expliqua que nous avions l’esprit bloqué. En
effet, la majorité des gens ne conserve une bouteille fermée
uniquement si elle contient encore un liquide. Et cela parce
que nous nous fions à la seule perception de nos sens. Alors
qu’en vérité, même lorsqu’une bouteille nous semble vide,
elle possède encore un contenu.

Avraham nous précisa qu’il prenait toujours soin de
fermer chaque bouteille, même vide, par respect pour
l’élément que nous ne voyons pas, dont nous n’avons pas
conscience et qui est tout simplement le «vide» qu’elle
contient.

Il ajouta qu’il convenait d’avoir une forme de respect

LIVRE DES CONVERSATIONS | 141

pour chaque bouteille en veillant à la restituer dans le
même état que le jour où nous l’avions acquis. Ainsi, nous
nous préservons de ce mode de comportement qui consiste
à prendre-et-jeter, lot de nos sociétés de consommation
dans lesquelles tout (ou presque) s’achète, s’utilise et se
jette négligemment après usage.

142 | LIVRE DES CONVERSATIONS

53

La bénédiction issue de la joie

Avraham raconte :
Un jour, je travaillais à Guilo (quartier de Jérusalem)
à l’installation d’une salle de bain. Je posais la céramique,
m’occupais de la peinture en compagnie de D. qui me faisait
beaucoup rire. Je voyais en cela un cadeau de Dieu, car
bien que ce travail fût éprouvant, j’en oubliai ma fatigue.
Lorsque l’on rit, on ne se souvient que des bons moments...
C’est alors que C. me téléphona pour me parler de son
oncle, directeur d’école, dont sa petite fille âgée de 5 ans
n’avait encore pas commencé à parler. Il me fit part de son
inquiétude et me demanda de faire quelque chose pour
elle. Face à D. qui ne cessait de plaisanter, j’écoutais le récit
tout en riant de bon cœur.
Je donnais à C. le conseil suivant : «Dis à ton oncle
qu’il allume une bougie à la mémoire de Rabbi Nachman de
Breslev et qu’il demande pardon !»
C. me demanda si cela était suffisant et s’il ne fallait pas
également porter une bague (il s’agit d’une bague carrée

LIVRE DES CONVERSATIONS | 143

en argent qui est propice à l’adoucissement des décrets) et
lui apporter des amandes (comme avaient coutume de le
faire les amis d’Avraham). Emporté dans mon fou-rire, je
lui répondis : «même la bougie n’est pas nécessaire. Qu’il se
contente simplement de rentrer chez lui ; il verra que sa fille
se remettra à parler.»

Et c’est exactement ce qui arriva.

Par la suite, Avraham nous commenta l’histoire en
nous posant cette question : «qu’est-ce qui possède la force
d’extirper le mal de ce monde ? Il n’y a que le saint Chabbat
ou une grande joie.»

Rabbi Nachman nous enseigne que même l’homme qui
se rend coupable de la plus grande faute peut, la seconde
qui suit, redevenir un juif complètement cacher (Hayé Moharan
153). Il peut sortir du mal où il se trouvait et passer, en un
instant, du côté du mérite.

Le problème vient du fait que la majorité des gens
s’imaginent qu’il est nécessaire de rentrer dans une
surenchère de bonnes actions dans le service divin.
Comme si les changements ne dépendaient que de
dévotions particulières comme porter une bague, apporter
des amandes ou toute autre démarche visant à obtenir une
réparation. Mais il existe une autre voie qui peut amener
un changement immédiat sans nécessairement passer par
tous ces accomplissements.

Il est difficile à l’homme de croire qu’il puisse bénéficier

144 | LIVRE DES CONVERSATIONS

de tels changements sans contrepartie, tout comme il lui est
difficile de concevoir qu’il est possible de gagner de l’argent
sans travailler. Mais s’il modifie sa vision des choses, il
constatera, et c’est là tout l’enseignement de Rabénou, que
la notion de don gratuit est une réalité.

Cependant, pour y avoir accès, il doit renoncer à la
logique rationnelle que son esprit lui chuchote, afin de
laisser place à la croyance que l’on peut recevoir sans
contrepartie. De la même façon qu’il est possible d’être un
homme casher juste l’instant après avoir commis le pire des
péchés.

Avraham nous dit avoir constaté à de nombreuses
reprises le pouvoir de la joie à déclencher ce principe de
don gratuit ! Et ceci est un d’avant-goût du monde futur!

LIVRE DES CONVERSATIONS | 145

54

Maintenir l’équilibre des forces

Avraham nous enseigne que l’homme qui privilégie
exagérément une force au détriment d’une autre devient
sujet à s’attirer des ennuis. En effet, il arrive que la deuxième
force, délaissée, vienne réclamer son droit à l’existence.

Avraham illustra ses propos par les exemples suivants :

Guillotin, inventeur de la guillotine, fut victime de
sa propre invention. De même, l’inventeur du Segway
(véhicule électrique à deux roues) mourut précisément en
utilisant son appareil.

En se basant sur ce même principe, Avraham expliqua
que Rabbi Nachman, contrairement à d’autres grands Sages
avant lui, réussit à se rendre en Terre Sainte. Il comprit
que pour y parvenir, il ne fallait pas compter uniquement
sur la valeur de sainteté et de la dévotion divine, mais il
devait composer avec les deux principes opposés. Aussi, il
dissimula sa sainteté, s’adonna à des enfantillages, joua les
candides en prenant sciemment le parti de descendre de
son niveau.

146 | LIVRE DES CONVERSATIONS

Il permit, grâce à son comportement, à ce que des
traits de caractère moins nobles, tels que la futilité et la
désinvolture puissent aussi s’intégrer à l’histoire, afin qu’il
atteigne la Terre Sainte.

Avraham affirma à propos de celui qui invente
quelque chose dans ce monde, que c’est précisément cette
nouveauté qui va venir l’emporter. Mais je n’ai pas saisi ce
qu’il entendait par là.

LIVRE DES CONVERSATIONS | 147

55

Pas de compétition chez nous

Une personne relata les circonstances qui l’amenèrent à
faire la connaissance d’Avraham.

Il expliqua que lorsqu’il commença à se rapprocher de
la ‘hassidout Breslev, il décida de faire le grand pas et de se
rendre à Ouman. Il souhaitait, de cette façon, formaliser
son engament dans le service divin, car tout son but était
de témoigner du sérieux dans sa dévotion.

Lorsqu’il arriva à Ouman, les amis supposés lui
garder une place dans leur appartement l’oublièrent
complètement. Il erra d’un endroit à l’autre à la recherche
d’un hébergement sans succès. Il finit par trouver un coin
où on lui permit de dormir à même le sol.

Le jour de Rosh Hachana, il voulut se lever au petit
matin, mais dormit profondément et se réveilla trop tard
pour se joindre à un minian. Il se rendit plus tard, encore au
Tsion (caveau de Rabbi Nachman), mais ne trouva ni place
où s’asseoir ni même un espace pour pouvoir déployer son
talith. Autour de lui, tous les fidèles étaient engagés dans
leur prière, en pleine ferveur.

148 | LIVRE DES CONVERSATIONS

Il eut le sentiment que personne ne lui prêtait attention et
se sentit comme un pauvre homme abandonné qui essayait
de se joindre à une ronde sans qu’on le laissât entrer dans la
danse. Soudain des nuages noircirent le ciel et il commença
à pleuvoir. Il fût pris dans une compétition, une sorte de
jeux olympiques des mitsvot, où chacun souhaitait être le
meilleur et le plus performant. L’un se lève plus tôt que les
autres pour joindre le minian, l’autre prie plus longtemps,
le troisième ferme ses yeux et se détache du monde qui
l’entoure, un autre encore s’abstient de toute parole.

Il se sentit mal à l’aise, très en deçà des normes de ces
«olympiades» et fut saisi à cet instant d’un très grand désir
de reprendre l’avion pour rentrer chez lui en Israël.

Il se souvint alors d’Avraham, qu’il n’avait jamais
rencontré ni même aperçu auparavant. Il avait seulement
entendu parler de lui, et savait qu’il organisait un minian
dans une maison au-delà du fleuve. L’heure étant déjà très
avancée, il se dit :

«Qu’ai-je à perdre ? Peut-être pourrai-je profiter de la fin
de la prière.»

Il parvint à la maison d’Avraham et fut très étonné de
constater qu’il y régnait un très grand calme. Il entra, mais
n’entendit aucun bruit. Pratiquement tout le monde
dormait encore. Seules deux ou trois personnes, se tenaient
ensemble et étudiaient un enseignement du Likouté
Moharan. Il comprit qu’il se trouvait au bon endroit.

LIVRE DES CONVERSATIONS | 149

De la quiétude et du bien-être se dégageait de ce lieu. Il
décida de rester sur place avec Avraham.

Il ne régnait ici aucun esprit de compétition, ni gagnants
ni perdants. On pouvait plutôt ressentir une atmosphère
de fête, de danse où chacun évolue à son propre rythme,
dans une belle harmonie, des gens heureux. Et c’est de cette
façon que l’on se rapproche de Dieu.

150 | LIVRE DES CONVERSATIONS

56

L’état d’esprit de la prière

Lorsqu’on prie, il convient de le faire avec bonne
intention et des pensées positives. Car une prière en faveur
d’un malade qui est mal récitée peut causer de graves
dommages et porter atteinte à sa vie, à Dieu ne plaise.

Il est rapporté dans le Talmud (Chabbat 11) que Rabbi
Chimon bar Yo’haï était dispensé de prière. En effet,
la prière révèle un manque chez l’homme et traduit sa
difficulté à savoir attendre. Car, en vérité, si l’homme était
vraiment croyant, il devrait faire preuve de patience.

Une prière forcée en vue d’une délivrance, c’est-à-dire
qui n’est pas ponctuée d’un moment de patience, offre aux
forces de la nature l’emprise pour se mêler de la situation.
De ce fait, les choses se déroulent selon un processus
rationnel et non plus selon les voies de la providence divine.
Or, la prière devrait être le reflet d’un état d’annulation des
pensées de l’homme. Une vraie prière tend vers la perfection
que dans le silence auquel elle aboutit, lorsqu’elle atteint ce
monde qui se tient au-delà des mots, de la réflexion et de
la logique.


Click to View FlipBook Version