(i) =: esi=n interacti Patrice Mugnier Kuei Yu Ho
(/) (!) 0 '--> w N .--t 0 N © ....... .!:: Ol 'i: > o. 0 u interactif Desicn d'espace - Desicn d'objet - Scénocraphie - Brand «)·objectif de cet ouvrage est de permettre aux différents acteurs des métiers de la création de comprendre tout le potentiel du design interactif et de connaître ses pratiques. Après un état de l'art des évolutions artistiques. technologiques et conceptuelles de ces 50 dernières années. les auteurs présentent des projets emblématiques dans leur champ d'application. depuis l'intervention à l'échelle urbaine à la création d'objets connectés. À partir de ces exemples internationaux prestigieux et d'une série d'entretiens de personnalités reconnues dans leur domaine d'activité. ils montrent à quel point le numérique constitue une occasion d'ouverture et de dialogue dans la création contemporaine et dressent une méthodologie de travail pour intégrer le numérique dès les premières phases de la conception. «Le design interactif. dédié il y a 50 ans à la conception des interfaces hommemachine. est aujourd'hui le moteur d'une transformation radicale des métiers de la création : architecture, scénographie, muséographie, design objet, mode et communication ont intégré l'interaction comme une forme esthétique à part entière. Pour le concepteur. cette dimension introduit de nouveaux enjeux. programmation, interaction, simulation et temps réel se confrontant à la dimension physiq ue des projets. Il ne s'agit plus simplement d'établir une forme. ou un usage, mais de définir dans sa dimension temporelle la relation triangulaire s'établissant entre spectateur, dispositif et artiste. » Patrice Mugnier «Décrire les pratiques con temporaines issues de la culture numérique, c'est mettre en évidence l'exceptionnelle richesse créative d'un domaine en perpétuelle évolution. » Kuei Yu Ho Code éditeur : G12972 ISBN: 978-2-212-12972-4 www.editions·eyrolles.com Ciroupe Eyrolles I Diffusion Geodif
Vl (lJ 0 L > w N ...-! 0 N © ...... _c O'l ï:::: > o.. 0 u desicn interactif
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Vl (!) 0 '-> w N .--t 0 N @ ....... .r::. Ol ·;:::: > o.. 0 u ·--n interacti Patrice Mugnier Kuei Yu Ho EYROLLES
Vl (!) 0 '-> w N .--t 0 N @ ....... .r::. Ol ·;:::: > o.. 0 u Nos remerciements à tous les designers qui nous ont aidés à réaliser cet ouvrage, ainsi qu 'à Olivier Gerval. Conception graphique et mise en pages : Kuei Yu HO Éditions Eyrolles 61, bd Saint-Germain 75240 Paris Cedex 05 www.ed itions-eyrolles.com Tous droit réservés. En application de la loi du 11 mars 1957 . il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage. sur quelque support que ce soit. sans l'autorisation de l'auteur . ©Groupe Eyrolles. 2012 ISBN : 978-2-212-12972-4
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Vl (!) 0 ..._ > w N .--t 0 N @ ....... .r::. Ol ·;:::: > o.. 0 u f) ré face par Ben Rubin Aujourd'hui, la composante numérique d'un projet d'art ou de design ne suffit plus à l'éti queter comme« objet numérique » au détriment de toute autre dimension pratique ou artistique. Les bases de données, les capteurs et les capacités de calcul des ordinateurs sont devenus des éléments aussi banals que l'éne rgie électrique qui les anime. Le présent ouvrage prend en considération ce changement d'époque. Plutôt que de mettre en avant le renouveau perpétuel des développements technologiques, il se concentre sur les idées et les struct ures créatives sous-jacentes constituant les centres d'intérêt réels de ces projets novateurs et de leurs créateurs. Lorsque je suis venu au Massachusetts lnstitute of Technology pour poursuivre mes études supérieures en 1987, et alors que l'interactivité apparaissait comme le nouveau domaine privilégié de la recherche avec le Media Lab comme épicentre de cet univers, les résultats m'apparurent à l'époque com me particulièrement décevants. Il semblait que chaque projet combinant la technologie interactive avec une forme artistique existante [film, musique, photographie, graphisme) donnait au final un résultat qui était dépourvu des qualités du support original. Une grande partie de ce qui était proposé dans le domaine de la concept ion interactive s'immisçait comme une série d'obstacles entre le public et le sujet abordé. Ainsi, nombre des premiers CO-ROM ne parvenaient pas à dépasser le rang de systèmes de menus élaborés, et la récompense pour tous les clics nécessaires à la navigation multimedia appara issait comme invariablement pauvre : un court extrait vidéo, du texte ou une image, qui tous justifiaient diffici lement la peine que cela demandait pour y accéder. Ainsi , dans le coura nt des années 1990, le grand compositeur et designer interactif George Lewis a observé avec humour que les systèmes interactifs peuvent être classifiés en deux catégories distinctes : l'interactivité chien et l'interactivité chat. L'interactivité chien définit la manière dont un système donne toujours une réponse simple et prévisible: vous appuyez sur un bouton et une cloche sonne. linteractivité chat désigne le cas où la réponse d'un système à vos gestes devient si complexe et indéchiffrable que vous ne pouvez plus être sûr que le système n'est pas simplement en train de faire sa propre cuisine en vous ignorant totalement. Il aura fallu près d'un quart de siècle pour que la création interactive semble enfin émerger de son enfance puis de la maladresse inhérente à son adolescence pour devenir un
ensemble mature et diversifié de pratiques artistiques. À l'origine de ce changement, des designers tels que Toshio lwai ou John Maeda ont développé le point de vue que l'i nteractivité pouvait être une forme d'art par elle-même. Ces concepteurs ont commencé à créer des interfa ces qui ne se présentent pas comme les moyens d'une finalité, mais constituent la finalité en elle-même. Le contenu de ces interfaces ne permet pas la navigat ion dans un espace, pas plus qu'il ne facilite l'accès à un contenu. Tout au contraire, des projets comme la performance Scribble, de Golan Levin [20001. s'affranchissent de toute justification inutile en offrant une relation imaginative et convaincante entre le geste et la réponse qu'il entraîne, créant par le biais de cette dynamique une sorte de danse cybernétique de l'homme avec la machine. vi Afin de mieux étudier l'impact de l'interactivité sur les dif- (1) 0 ..._ > w N .--t 0 N @ férentes pratiques créatives, Design interactif propose une classification des projets selon leur domaine d'application dans le champ du design: l'espace public , l'architecture, la muséographie, les dispositifs artistiques, les performances scéniques, le design objet et le brand. Il permet ainsi de :C rendre compte de la richesse typologique et de la qualité Ol ·;:::: marquante de ces œuvres. Les auteurs dressent un paysage > o. 0 u qui était inimaginable aux premiers temps de la pratique interactive grâce à une sélection pertinente des projets, qui tous se caractérisent par un ensemble complexe de technologie , de matérialité, de contenus et de comportements. Par cette richesse hybride instaurant une relation entre le monde physique et l'univers numérique, ils suscitent aujourd' hui un ensemble de questions très différentes de celles que nous nous posions 25 années auparavant, et notamment celle de la nat ure de la transformation radicale opérée pa r le numérique sur les métiers de la création. Ce n'est pas le moindre des mérites de cet ouvrage audacieux.
Vl (!) 0 ..._ > w N .--t 0 N @ ....... .r::. Ol ·;:::: > o.. 0 u (!)u'est-ce que le design interactif? La langue française donne une vision particulière de la notion de design, terme importé tardivement du vocabulaire anglo-saxon sans en recouvrir précisément la signification. Le mot y est souvent associé à une discipline particulière de la création , le stylisme d'objets, lorsque le terme anglosaxon en possède une définition plus ouverte. Le design tel que nous l'aborderons ici est un héritier direct du disegno italien. concept majeur dans la théorie de l'art de la Renaissance qui se rapporte à la forme et à l'essence de tous les objets de la nature, et à la manière dont un dessin peut exprimer concrètement la représentation d'un concept. Le design incarne une mise en forme de l'idée, quelle que soit son origine, et son champ s· étend par conséquent à toutes les disciplines des métiers de la création : architecture , urbanisme, dispositifs publics. muséographie, scénographie, mode, graphisme. Traditionnellement, les disciplines artistiques incluses dans le champ du design possèdent un rapport au temps particulier, rapport qui laisse au spectateur une vision statique du concept élaboré par l'artiste. l époque con temporaine a profondément modifié ce rapport en transformant le spectateur en acteur. Initiée par les artistes de l'avant-garde et appuyée par les évolutions technologiques de la société 8 industrielle, cette transformat ion profonde a intronisé l'interaction et la relation comme des formes esthétiques. La première conséquence en a été une perte de signification de l'objet lui-même au profit de son interprétation et de son usage. Le design interactif se situe dans cette perspective. Il ne s'intéresse plus simplement à l" objet en tant que forme autonome mais à l'ensemble des processus d'interaction dynamique s'établissant entre la forme et son environnement, quïl soit humain, naturel ou artificiel. De fait, la notion d'interactivité est fondée sur la notion d'échanges. Elle est apparue dans la période charnière marquant le passage de l'électronique à l'informatique, lorsqu'il est devenu nécessaire de définir la relation nouvelle de l'homme à l'ordinateur. Ce besoin spécifique est entré en résonance avec un certain nombre de pratiques qui lui étaient contemporaines, notam ment en art et en sociologie. linteractivité est ainsi devenue un terme unificateur. une valeur recouvrant un ensemble de réalités comp lexes. En ce sens, le design interactif constitue tout autant la marque d'un changement de regard et de pratiques qu'un concept précis. À la source de cette transformation, les technologies du numérique ont engendré une véritable révolution au sein des différentes disciplines du design. Elles s'y sont impo-
Vl (!) 0 '-> w N .--t 0 N @ sées de deux manières. Tout d"abord en se substituant à des procédés techniques existants. comme dans le cas de la conception assistée par ordinateur [CAO). de l'impression, de la photographie, du cinéma et de la vidéo. Ce phénomène extrêmement rapide a engendré des réactions critiques, notamment parce qu'il a déstabilisé des pans entiers de l'industrie cult urelle. L:arrivée de nouveaux processus de fabrication dématérialisés a souvent été assimilée à un moyen de produire plus rapidement et moins cher. Au contraire . c·est lorsqu'elles ont introduit de nouvelles possibilités d'expression que les technologies du numérique ont su le mieux se faire adopter. Elles disposent de spécificités qui rendent essentielle la qualité de leurs créations : le calcul temps réel, la sim ulation, la modélisation, le comportemental, la mise en réseau nourrissent de leur richesses le design en permettant aux concepteurs d'imaginer des dispositifs traduisant leurs concepts de manière dynamique. Il ouvre la voie à un nouveau travail de la forme, non plus statique et hors du temps mais changeante et inextricablement liée au temps. Peu à peu, le travail des designers numériques a quitté la Limite des interfaces écrans pour s'investir dans une relation plus complexe au monde physique. Ce travail :C s'intéresse désormais tout autant aux objets et à la matière Ol ·;:::: qu'aux espaces et aux lieux. Un changement qui traduit la > o.. 0 u volonté d'une génération bercée par les codes de l'i nformatique de reprendre possession du réel. Ce mouvement n'est pas celui d"un retour en arrière. Il s·agit plutôt, après les découvertes de la période pionnière, de réconcilier ce qui sépare notre réalité en deux espaces distincts, l'un numérique et l"autre physique. Cet ouvrage a pour objectif de proposer quelques repères au lecteur désireux de comprendre les enjeux nouveaux liés à l'émergence de la notion d'interactivité. Après un premier chapitre consacré à une analyse théorique de L'histoire et des spécificités du design interact if, l"ouvrage propose un panorama de projets articulé autour de grandes thématiques l"espace urbain, l"architecture, la muséographie, les dispositifs artistiques, les performances scéniques, le design objet et les marques industrielles. À partir de ce panorama, le dernier chapitre développe une analyse mét hodologique du travail du designer en s'appuyant sur les interviews réalisées avec les différents acteurs de la chaîne de création. 9
(/) Q) 0 L >- w N r-1 0 N @ ...... _c en ï:::: >- 0.. 0 u
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(/) Q) 0 l... >- w N T""i 0 N @ ....., ..c O'I ·;::: >- Q_ 0 u 4)es précurseurs Au début du xx• siècle, Marcel Duchamp propose avec le concept de ready-made une nouvelle définition de la place du spectateur. Utilisant des objets industriels dénués d'intérêt esthétique et sélection nés selon un processus aléatoire, il les détourne de leur usage initial en les exposant tels quels au regard du spectateur : porte-bouteille, roue de vélo et urinoir deviennent ainsi les étendards d'une pratique qui se refuse au critère du beau. Avec ce geste provocateur, Duchamp interroge sur la valeur relative de l'œuvre en fonction du contexte de perception. limportant n· est plus simplemen t la forme mais la relation qu'elle entretient avec un point de vue extérieur, celui du spectateur. Cette mise en perspective deviendra par La suite un fondement de L'art contemporain, définissant une relation triangulaire entre artiste, œuvre et spectateur. lintérêt de Marcel Duchamp pour la science le mène à intégrer la vitesse et le temps dans son travail, aboutissant en 1935 à la création des Rotoreliefs, une série de 12 motifs graphiques imprimés sur des disques destinés à être mis en action sur le plateau d'un phonographe. Sous l'effet du mouvement, les disques génèrent des formes tridimensionnelles basées sur une illusion d'optique. Les Rotoreliefs, Rotoreliefs (Marcel Duchamp, 1935] considérés par leur auteur comme un jouet, amènent pourtant l'idée fondamentale d'une œuvre à manipuler. Le travail de Duchamp trouve un écho en Allemagne avec L'œuvre du plasticien Laszl6 Moholy-Nagy, célèbre enseignant de l'école du Bauhaus. En 1930, il achève un projet de sculpture cinétique basée sur l'utilisation du métal, du verre et de La Lumière, le Modulateur espace lumière. Dotée d'effets lumineux dynamiques, la sculpture se présente comme un instrument par lequel «toutes Les formes soli des se dissolvent en lumière». lartiste l'utilisera beaucoup par la suite comme sujet dans son travail photographique, renforçant l'idée d'une œuvre dispositif qui conserve une capacité à interagir avec son contexte. Modulateur espace lumière (Laszl6 MoholyNagy, 1930] 12
(/) Q) 0 l... >- w N T""i 0 N @ ....., ..c O'I ·;::: >- Q_ 0 u f)rt cinétique & Op Art lart cinétique est dès son origine un art des formes en mouvement. Ses débuts officiels remontent au milieu des années 1950, lorsque Victor Vasarely, un peintre travaillant à partir de formes géométriques simples, publie son manifeste jaune. Pour le peintre d'origine hongroise, «l'avenir nous réserve le bonheur en la nouvelle beauté plastique mouvante et émouvante'" Dès 1955, une exposition à la galerie Denise-René à Paris, Le mouvement, réunit entre autres Vasarely, Marcel Duchamp, Alexander Calder. mais aussi des figures plus discordantes comme celle de Jean Tinguely, dont les machines déglinguées détonnent en regard du rationalisme posit iviste des théoriciens de l'art cinétique. À partir des années 1960, l'art cinétique se développe en parallèle avec l'Op Art, mouvement d'origine américaine qui précise le rôle du spectateur en se consacrant plus spécifiquement aux phénomènes optiques. Les œuvres issues de l'Op Art, toujours abstraites, ne cherchent pas à signifier, mais sont fondées sur une expérimentation purement physique de la vision. lexposition The responsive eye, en 1964 à New York, marque de son succès le début officiel du mouvement. Acteur majeur de cette époque, le collectif d'artistes internationaux GRAV [Groupement de Recherche d'Art Visuel!. fondé en 1961 , propose sous forme de manifeste pour la troisième biennale de Paris, en 1963, un programme qui pourrait aujourd'hui encore définir certains enjeux primordiaux du design interactif : «Nous voulons intéresser le spectateur, le sortir des inhibitions, le décontracter. Nous voulons le faire participer. Nous voulons le placer dans une situation qu'il déclenche et qu'il transforme. Nous voulons qu'il s'oriente vers une interaction avec d'autres spectateurs. Nous voulons développer chez le spectateur une forte capacité de perception et d'action.» Selon François Morelle!, un des fondateurs du GRAV, l'artiste a pour mission d'établir un programme formant une sorte de règle du jeu. Puis« le développement d'une expérience doit se réaliser de lui-même, en dehors du programmateur», ce qui implique la prise en compte du public dans le déroulement du processus. 2 trames de tirets 0°-90° avec participation du spectateur !François Morelle!, 19711 Noir et Blanc !Victor Vasarely, 19641 Movement in Squares !Bridget Riley, 1961 I 13
(/) Q) 0 l... >- w N T"'f 0 N @ ....., ..c O'I ·;::: >- Q_ 0 u 4)e design radical Dans le domaine du design et de l'architecture, les années de l'après Seconde Guerre mondiale ont marqué un essoufflement des théories issues des mouvements utopistes et modernes. Il faudra attendre les années 1960 pour que naissent des formes nouvelles d'utopies urbaines. très différentes des précédentes car dotées d'une dimension critique. Elles concentrent leurs propositions théoriques sur la notion d'environnement urbain, sur la question des modes de vie ainsi que sur l'utilisation de la technologie dans la vie quotidienne. Certains jeunes protagonistes de l'époque, portés par les mouvements sociaux et politiques. vont entreprendre une réflexion encore plus critique de la modernité. Ce mouvement, connu sous le nom d'architecture radicale, propose à sa manière un basculement de la notion d'objet vers celle d'usage. Il ne s'agit plus de changer le monde par le renouvellement permanent des formes matérielles mais d'avantage de s'interroger sur les nouveaux modes de vie et d'interaction associés au développement de la société humaine. En Angleterre, le collectif Archigram invente une architecture médiatique et périssable, présentée à travers des revues plus proches du comic book que de la traditionnelle publication institutionnelle. Établissant une analogie avec l'informatique naissante dans sa classifi cation hardware/ software, le collectif diffuse à partir de 1961 une série de projets théoriques embrassant leur époque pa r le collage d'éléments issus de la technologie, de la pop culture et du design industriel. Living City [1962) propose une ville basée sur les connexions et les réseaux, une ville vivante et en permanente interaction avec ses habitants. En plus de tous les moyens de circulation possibles, la ville devient nodale, chaque nœud possédant ses centres de communication statiques et ses tours de transmission électronique. Walking City [ 1964) imagine de gigantesques str uctures mobiles parco urant la surface de la terre à la recherche d'un espace où s'arrêter pour y proposer aux habitants des équipements culturels. Plug-in City [1964) offre une réflexion sur le rapport entre espace public et espace privé en laissant les habitants connecter leur cellule de vie à l'endroit qui leur convient le mieux au sein d'un vaste réseau physique qui préfigure Internet. Instant City (1968) se présente comme une ville aérienne composée de ballons. Elle surgit de nulle part pour se poser sur une ville existante en y créa nt un événement médiatique. L'objectif est d'y laisser des réseaux amenant à une connexion progressive du territoire. Walking City (Archigram. 1964] Instant City (Archigram, 1968] No -stop City (Archizoom Associati. 1969] 14
(/) Q) Le travail des architectes radicaux, qui s'appu ie souvent sur une fiction programmatique, joue d'un rapport critique à l'utopie, en poussant son application à un niveau suffisamment excessif pour qu'il en suscite la remise en cause. L acte fondateur de l'architecture radicale est l'organisation à Florence en 1966 de l'exposition intitulée Superarchitettura. Elle présente le travail de deux groupes d'architectes : Superstudio et Archizoom. Le collectif Superstudio est fondé par deux jeunes architectes, Adolfo Natalini et Cristiana Toraldo di Fra ncia . Plutôt que de s'inscrire dans la suite du productivisme de la reconstruction, Superstudio propose par le biais d'une pratique à la fois théorique et médiatique une réflexion sur le rôle et les enjeux culturels de l'architectu re. À l'aide d'images, d'articles et de films, ils remettent en cause la société de consommation matérialiste, notamment avec le Monument continu ( 19691, une série de photomontages présentant une forme de grille urbaine hors échelle envahissant le monde. Le studio Archizoom, collectif fondé pa r Andrea Branzi, propose avec Le projet No-stop City une critique encore plus radicale de la modernité : dans un espace urbain sans fin , enterré sous la surface de la te rre , les espaces de vie s'apparentent à des galeries commerciales, sortes de milieux présentant la possibilité illusoire de satisfaire directement toutes les demandes du consommateur. En Autriche, le collectif Haus-Rucker, fondé en 196 7 par de jeunes architectes et art istes, concentre son travail sur l'expérience du corps. Il développe des environnements cognitifs et sensibles , visant à stimuler et libérer la conscience, qu'ils pratiquent dans le cadre de performances. En 1972, ils proposent pour l'exposition Documenta 5 de Kassel Oase nr. 7, une structure gonflable émergeant de la façade existante d'un bât iment dédiée à la relaxation et au jeu. Lapproche critiqu e est aussi reprise par l'architecte hollandais Rem Koolhaas dans son projet Exodus, réalisé en 1972 pour un concours du magazine Casabella sur le thèm e de «La ville comme environnement signifiant». Dans ce projet , la ville de Londres se trouve coupée en deux par une construction monumentale et linéaire. Le public est invité à y vivre une sorte de performance : dévêtu dès son arrivée, il doit se soumettre à neuf programmes architecturaux successifs, aussi aliénateurs les uns que les autres, puis chanter sa joie une fois revêtu le costume d'un bagnard. 0 l... Oase Nr.7 (Haus-Rucker-Co, 1972] Exodus (Rem Koolhaas, 1972] >- w N T"'f 0 N @ ....., ..c O'I ·;::: No-stop City (Archizoom Associati, 1969] >- 0. 0 u 15
(/) Q) 0 l... >- w N T"""f 0 N @ .._, ..c O'I ï:::: >- Q_ 0 u 9'art cybernétique lart cybernétique apparaît dans les années 1950, par analogie à la science éponyme. Il peut difficilement être qualifié de mouvement artistique. car son contour s·avère suffisamment imprécis pour y intégrer un ensemble disparate d"artistes. Le point commun réside cependant dans une pratique artistique influencée par les avancées scientifiques et technologiques de ["après-guerre. Nicolas Schëffer, un pionnier de cette approche, est sans doute le premier artiste à avoir réalisé une œuvre que l'on peut pleinement qualifier d'interactive. En 1956. il réalise en collaboration avec le musicien Pierre Henri la première sculpture autonome dotée de capteurs. CYSP 1. Elle donne lieu à une performance sur le toit de la Cité Radieuse du Corbusier. à Marseille. Des danseurs font réagir la sculpture sur une chorégraphie de Maurice Béjart. Nicolas Schëffer théorise en 1954 son travail dans un livre. Le spatiodynamisme. manifeste utopiste visant à l'intégration del' espace et du temps dans l' œuvre plastique. Si le travail de Piotr Kowalski repose lui aussi sur l'usage de la technologie. Il s'y intéresse davantage par le biais d'une étude des propriétés plastiques de l'énergie et du traitement temps réel de l'information. En 196 7, son dispositif Cube n ° 8 est le premier à présenter une interaction entre Atomes 1111 \Il UPllJI Hlllllllflll l 'H 111111 Ill le public et une image de synthèse de nature analogique. Il utilise le système de captation du Theremin, instrument de musique électronique du début du siècle. qu'il connecte à un oscilloscope reproduisant en rendu filaire la forme d'un cube dans un espace tridimensionnel. Lorsque le spectateur modifie la position de sa tête. il fait to urner la représentation du cube sur elle-même. Encore rudimentaire, cette dimension technologique n'en constitue pas moins la première simulation numérique offerte au regard du public. À Londres, en 1968, l'exposition Cybernetic Serendipity de lïnstitute of Contemporary Arts permet au public de découvrir une approche pluridisciplinaire articulée autour de l'usage des nouvelles technologies. Les dispositifs cinétiques et interactifs permettent au public de s'impliquer dans des domaines tels que la vidéo, la création sonore, la sculpture, l'écriture ou le jeu. On y retrouve notamment Robot K-456 de l'art iste Nam June Paik ainsi que deux machines à peindre du sculpteur Jean Tinguely. Aux États-Unis. deux expositions vont aussi évei ller l'attention sur le ra pport entre art et technologie. Deux ingénieurs des célèbres Bell Telephone Laboratories s·associent à deux Cube n° 8 (Piotr Kowalski. 19681 CYSP 1 (Nicolas Schoffer. 19561 16 Heart Beats Oust (Jean Dupuy & Ralph Martel, 1968)
(/) Q) 0 l... >- w N T""i 0 N @ ....., ..c O'I ·;::: jeunes artistes, Robert Rauchenberg et Robert Withman, pour fonder en 1966 Experiments in Arts and Technology (EAT). une association dont le but est de promouvoir un climat constructif entre nouvelles technologies et artistes. Le Museum of Modern Art de New York leur confie en 1968 la conception de l. exposition The Machine : As Seen at the End of the Mechanical Age, concours visant à présenter les œuvres issues d'une collaboration entre artistes et ingénieurs. Le premier prix en est attribué à l'ingénieur Ralph Martel, associé au plasticien français Jean Dupuy, pour le projet Heart Beats Oust. Dans un caisson vitré se dévoile une poussière faite de Lit hol Rubine, un pigment sélectionné pour sa capacité à rester en suspension. Situé en dessous, un stéréoscope permet de capter les battements de cœur du publi c en les transmettant à la poussière par le bia is d'une membrane. En 1970, l'exposition Software, organisée au Jewish Museum de New York. intronise l'idée d'une programmation comme forme artistique, ce qui donnera naissance par la suite au « creative coding ». Elle propose à des artistes conceptuels de travailler sur la notion de logiciel comme processus exécutable soit par le biais d'une machine, l'ordinateur. soit par le biais du public. sur la base de« lignes de commandes» formulées par l'artiste. SOFTWARE lnlormlllloni.cllnology: lla1MtWmNninglorlltl >- Q_ O Exposition Software (19701 u 4)'art numérique Les années 1960 marquent l'avènement de l'art numérique, autrement dit l'art généré par des outils informatiques . Il émerge timidement parmi le foisonnement fondateur de l'art contemporain. De nouvelles pratiques voient alors le jour, issues de mouvements plus ou moins éphémères qui se superposent les uns aux autres : action painting. pop art, art brut, body art, art conceptuel, formalisme. minimalisme. Dans ce cadre ouvert où se côtoient expositions, performances, happening et œuvres participatives sont menées les premières expérimentations sur ordinateur. Les protagonistes sont le plus souvent des artistes peu conventionnels. Chercheurs liés à des laboratoires. ils travaillent à l'aide de cartes perforées et de traceu rs. contraintes qui conditionnent de manière radicale l'expressivité du support. Les formes engendrées, le plus souvent de nature mathématique, don nent aux créations une abstraction et une froideur qui resteront pendant longtemps des qualificatifs associés à l'univers du numérique. Très vite. des artistes commencent à utiliser la puissance des calculateurs temps réel pour proposer des formes d'interaction avec le public. En 1969, l'artiste américain Myron Krueger propose avec Videoplace un espace précurseur de Videoplace (Myron Krueger. 19691 17
(/) Q) 0 l... >- w N T"'f 0 N @ ....., ..c Ol ·;::: >- Q_ 0 u la réalité augmentée, composé d'une projection en interaction avec l'ombre du spectateur/manipulateur de l'œuvre. Krueger. de formation scientifique. est influencé par le travail du musicien John Cage concernant l'indétermination et la participation du public. En 1989, l'artiste australien Jeffrey Shaw imagine pour son projet The Legib/e City une promenade à vélo où le spectateur, en actionnant physiquement le pédalier et le guidon, peut se diri ger dans une projection 30 représentant une ville construite à raide de mots. La représentation joue ici sur un double langage, à la fois simulation perceptive reprenant les lois de l'espace tridimensionnel et discours poétique nécessitant une lecture basée su r un langage. En France, Edmond Couchat, Michel Bret et Marie-Hélène Tramus développent en 1990 une forme d'interaction poétique avec le numérique. Je sème à tout vent invite le spectateur à souffler sur la représentation d'une fleur virtuelle, un pissenlit, qui égraine son pollen dans l'espace de la projection. L.:image numérique, une simulation, en constitue moins le sujet que l'interaction entreprise par le spectateur, c'est-à-dire l'acte de souffler. Les États-Unis se distinguent par une présence très forte du creative coding : là où la pratique française privilégie très souvent le concept, dont la fabrication sous forme de logiciel est déléguée à des programmeurs exécutants, de nombreux artistes américains explorent les capacités expressives inhérentes au support, développant une écriture inscrite dans la nature même du logiciel. L.:artiste et développeur John Maeda, par ailleurs enseignant au célèbre MIT et responsable du département Aesthetics and Computing Group, est devenu la figure emblématique de ce mouvement en imbriquant étroitement les qualités d'un design minimaliste avec une réflexion sur la pratique du code. Son logiciel Design by numbers [1999] sera à la base des Logiciels de prog rammation dédiés aux artistes, dont le célèbre Processing, élaboré par deux de ses anciens étudiants . Je sème à tout vent (Edmond Couchot. Michel Bret et Marie-Hélène Tra mus. 1990) The Legible City !Jeffrey Shaw and Dirk Groeneveld. 1989-91) 18 Shishedo !John Maeda. 1997)
4)'exposition comme environnement interactif Les années 1980 sont propices à un approfondissement de la réflexion sur les enjeux du développement technologique. En France, deux expositions marqueront ce débat, l'une de manière positiviste, l'autre en établissant un constat beaucoup plus critique des conséquences sur notre société. Première du genre, l'exposition Elektra l 19831. au musée d'Art moderne de la Ville de Paris, est partie d'une proposition d'Électricité de France de soutenir une exposition sur le thème art et science. Pour Frank Popper, son commissaire, l'exposition «était centrée sur la réaction de lïmaginaire artistique à lïntroduction de l'électricité et de l'électronique dans la vie quotidienne du xx• siècle. Son but était de montrer qu·une technologie à base scient ifique peut contribuer à libérer la créativité des artistes et à accroître la capacité du public à apprécier l'art et à y participer activement.» Deux ans plus tard, a lieu au centre Georges-Pompidou une exposition qui va marquer son époque : Les immatériaux. Confiée au philosophe Jean-François Lyotard, qui a popularisé la notion de postmodernité, elle propose «un questionnement sur l'homme et son environnement auquel ~ Les immatériaux (exposition du centre o Georges-Pompidou, Jean-François Lyotard ;;_ /Thierry Chapus, scénographie Philippe W Delis, 1985] N ,-! 0 N @ ....., ..c Ol ·;::: >- Q_ 0 u l'évolution des technosciences et des modes de vie induits nous confrontent à l'aube du xx1• siècle ». Pour le philosophe, les nouvelles technolog ies sont des substituts d'opérations mentales. À l'ère de lïnformation correspond une mise en matière du langage, ce quïl nomme ainsi les immatériaux. La frontière entre science et technique s'estompe. Pour étayer son propos, le philosophe, assisté du scénographe Philippe Délis, imagine une exposition où chaq ue visiteur, doté d'un casque qui lïsole et diffuse contextuellement des extraits sonores, se promène librement dans un espace comportant 60 sites aux contours incertains. Le passage d'un site à l'autre préfigure la navigation informatique et désoriente les spectateurs de l'époque. 19
(/) Q) 0 l... >- w N T"""f 0 N @ ....., ..c O'I ·;::: >- Q_ 0 u ()mergence d'une culture digitale L expression «culture digitale», où le terme« numérique» est remplacé par un anglicisme qui lui est pourtant synonyme, ne représente pas simplement la mainmise de l'anglais dans le champ des nouveaux concepts de la création. La culture digitale marque aussi le dépassement de l'ordinateur comme élément central de l'art numérique. À ce dernier succède maintenant un ensemble d'éléments technologiques interconnectés et mobiles. Cette culture puise ses racines dans le développement des musiques électroniques. Depuis lïntroduction des premières boîtes à rythmes au début des années 1980, la musique issue de l'électronique et de la programmation a progressivement quitté les scènes musicales traditionnelles pour investir de nouveaux types d'événements. Initié en Grande-Bretagne, le mouvement des free-parties déferle au cours des années 1990 sur l'Europe, engendrant la création d'événements organisés selon une logique éphémère et mobile liée à la clandestinité. c· est dans ces fêtes pouvant durer plusieurs jours que va se populariser la pratique du V-Jing, c· est-à-dire la manipulation temps réel dïmages sur fond de musique électronique. Cette pratique, dotée de ses propres logiciels de création, donnera lieu par la suite à des collectifs audio-vidéo de plus en plus structurés. Parallèlement. des acteurs de la culture officielle prennent conscience de Lïmportance des pratiques artistiques issues des nouvelles technologies. Plutôt que de tenter de sïnscrire comme des pionniers dans des circuits artistiques qui ne les prennent que peu en considération, ils s· organisent autour de nouveaux lieux de création et de diffusion. En 1979 est créé à Linz en Autriche le festival Ars Electronica, dont l'objectif est d'explorer les conséquences de la révolution numérique. Il deviendra rapidement le point phare d'une culture digitale en devenir, anticipant et intégrant les différentes évolutions liées à l'évolution des technolog ies numériques : musique électronique, animation 30, installations interactives, explosion d'Internet, et plus récemment encore expérimentations biologiques. Ars Electronica s'articule autour de quatre pôles: le festival lui-même. le prix Ars Electronica, devenu une référence intern at ionale, le Futurelab, un laboratoire de recherche, et le Ars Electronica Center, espace d'exposition permanent qui élargit lïmpact du festival originel. Lev-jing, apparu dans les années 1990, repose sur le traitement et le mixage Façade du nouveau centre Ars Electronica , inauguré en 2009 ZKM IZentrum fü r Kunst und Medientechnologiel de différentes sources vidéos en temps réel 20
(/) Q) 0 l... >- w N ,.-! 0 N @ _._, ..c O'I ·;::: >- Q_ 0 u Autre lieu phrare de la culture digitale, le ZKM [Zentrum für Kunst und Medientechnologiel. fondé en 1989 à Karlsruhe en Allemagne. Ce projet novateur, imaginé par un groupe de travail composé d'universitaires et de praticiens, a pour objectif d'élaborer un lieu institutionnel dédié à l'art médiatique. Après un premier festival [Multimedialel et plusieurs expositions dans des lieux divers. dont la crypte de l'église évangélique de Karlsruhe, le ZKM trouve un lieu d'accueil permanent en 1997, qu'il inaugure par l'exposition MediaArt-History. La même année. ouvre à To kyo le NIT Inter Communication Center [ICC). situé à Nishi-Shinjuku. ICC a pour objectif d'encourager le dialogue entre art et technolog ie, avec un accent mis sur la notion de communication. L"autre objectif du centre est de devenir une sorte de réseau qui lie artistes et scientifiques du monde entier. La culture digitale va progressivement s· étendre au delà de ces trois pôles. à travers de nombreux festivals dédiés. En France, le festival Exit d'Evry mise sur la pluridisci plinarité en confrontant théâtre, danse, vidéo et nouvelles technolo- .... ..._ .... _ _ , • •••• _ _, ••• .• , .... , _ _ .. , • • •• , .... . . ..... , &. "f l - .... "",_..,,..~. ._....,,. , ...... -''•• .. -··•1t ...... '~ .. , ... Affiche du festival Open Space [NTT Inter Communication Center. 20091 gies. Le festival des Bains numériques à Enghien vise quant à lui à approfondir le lien entre danse et nouveaux media, tout en valorisant l'installation de dispositifs interactifs au sein de l'espace public. 21
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(/) Q) 0 l... >- w N T"""f 0 N @ ....., ..c O'I ·;::: >- Q_ 0 u @e l'ordinateur à la création , . numerique C'est au milieu du xx• siècle que s'effectue véritablement le passage du calculateur à la machine programmable. L:enjeu réside dans la création de calculateurs susceptibles de s· acquitter de tâches complexes et répétitives calculs scientifiques, simulations, déchiffrement de codes militaires. En 1939, le premier calculateur binaire, ABC, de John Vincent Atanasoff, intègre déjà 4 notions essentielles de l'informatique: usage de l'électricité et de l'électronique comme médium, utilisation du binaire comme base numérique, utilisation de condensateurs pour la mémoire, calculs à base d'opérat ions logiques directes. Bien qu'il puisse nous sembler aujourd'hui limité (il était capable d'effectuer une multiplication à la seconde), il incarne le passage à un outil beaucoup plus ouvert car doté d'une programmation pouvant varier à chaque nouvelle tâche. En 1948, le MIT (Massachusetts lnstitute of Technology) se lance dans le développement, pour la US Navy du Whirlwind , d'un ordinateur capable d'effectuer pour des pilotes de l'air une simulation militaire en temps réel. Achevé trois ans plus tard. il introduit le calcul parallèle et possède un écran graphique de visualisation. Il ouvre le chemin au calcul temps réel, une composante essentielle du design numérique. Après plusieurs décennies d'évolution dans le confinement des laboratoires militaires et industriels. l'informatique devient enfin accessible à la fin des années 1970 aux artistes et aux concepteurs. L:Amiga (Commodore Business Machines lnc. I. offre aux« demo-makers »et aux musiciens un support révolutionnaire en termes de création. De son côté, Atari propose des ordinateurs susceptibles de développer jeux et applications. Après une visite en 1979 de son fondateur Steve Jobs au centre de recherche de Palo Alto (Californie). Apple synthétise le travail du Xerox Park à travers la création du Macintosh. Il s'agit du premier ordinateur commercial qui masque complètement aux yeux des utilisateurs son système d'exploitation au profit d'une interface graphique. Enfin, le fabricant Sil icon graphies développe dès la fin des années 1980 des systèmes haut de gamme sous le système d'exploitation UNIX. qui serviront de support aux premiers logiciels d'infographie 30 (Explore, Alias!. Leurs stations de travail vont bouleverser les moyens de production de l'industrie audiovisuelle et ouvriront la voie aux premiers systèmes d'interaction et de simulation temps réel. Ils disparaîtront progressivement à la fin des années 1990 face à la montée en puissance des ordinateurs personnels, ABC, premier calculateur binaire (1939] Le Whirlwind, premier simulateur temps réel doté d'un écran graphique de visualisation ( 1948] Le Macintosh de la marque Apple. qui popularisera le numérique auprès des graphistes (1984] 24
(/) Q) 0 l... >- w N T"""f 0 N @ ....., ..c O'I ·;::: >- Q_ 0 u dont les capacités de calcul s'approchent de plus en plus rapidement des puissances développées par les supercalculateurs. Enfants hybrides de l'électronique et de l'informatique, les jeux vidéo vont pouvoir s'imposer avec la démocratisatio n du numérique comme supports privilégiés de création. S'ils sont souvent associés à l'ordinateur, dont ils peuvent constituer un programme, ils ont emprunté une gamme de supports physiques bien plus large. Ils apparaissent initialement dans les salles de jeux où dominaient jusqu'alors flippers et autres appareils mécaniques. Dotés d'un système dédié monofonctionnel, par exemple Le célèbre Pong d'Atari, ils connaissent un succès tel qu'ils sont rapidement adaptés sous la forme de consoles vidéo . Davantage polyvalentes, celles-ci peuvent supporter plusieurs jeux simultanément et introduisent un ensemble de périphériques d'entrée de données tels le joystick ou la trackball. Le jeu Pong. da ns sa version in itia le pour salle de jeux ( 1972] 0ciences et théories de l'information Le matériau premier de l'i nformatique , l'information, est un domaine qui repose sur une dimension scientifique et théorique nouvelle. La science classique. héritée de Newton, était fondée sur un modèle déterministe. Avec l'émergence au x1x• siècle de la thermodynamique, apparaît L'idée d'une nature probabiliste. La notion d'échange y devient prépondé rante, ouvrant la voie à de nouveaux domaines scientifiques, dont la théorie de l'i nformation. En 1948, Cla ude Shannon, un ingénieu r et mathématicien américain, pu blie l'article A Mathematical Theory of Communications, un texte fondateur de la théorie de l'information. Délaissant les aspects sémantiques et physiques de l'information, il développe sa théorie dans le cadre des techniques de la télécommunication. avec pour objectif de minimiser les risques d'erreur lors de la transmission. Dans la théorie de Shannon, l'information, de natu re aléatoire, est dotée d'une grandeur inversement proportionnelle à sa probabilité. Linformation se définit donc comme une mesure de lïncertitud e, et dépend de notions telles que la redondance et le bru it. Indifférente à la sig nification du message transmis par l'information , la théorie servira de base Claude Shannon, père de la théorie de l'information [1916-200 1] 25
(/) Q) 0 l... >- w N T"""f 0 N @ ....., ..c O'I ·;::: >- Q_ 0 u technique au développement du numérique. pour lequel elle se restreindra à la valeur binaire. La même année . le mathématicien américain Norbert Wiener publie un ouvrage, Cybernetics or Contrai and Communication in the Animal and the Machine. dédié à l'élaboration d'une théorie portant sur les échanges d'informations au sein des systèmes aussi bien naturels qu·artificiels. Héritière du thermodynamisme. la cybernétique devient une science majeure dont les implications se font ressentir dans de nombreux domaines scientifiques . Elle étudie notamment les mécanismes de rég ulation en œuvre aussi bien chez l'être humain que dans les machines ou les systèmes économiques et sociologiques. Dans le domaine de l'informatique. la cybernétique va rapidement devenir un cadre théorique supportant les recherches en Intelligence Artifi cielle [IA). Elle y introduit les notions d'autorégulation et de« feedback », qui auront une importance décisive sur la création des algorithmes comportementaux et la mise au point d'interfaces utilisateur intégrant la notion d'apprentissage. Les sciences de l'information ont aussi des répercussions dans le domaine des sciences sociales. Loin de ne se définir qu'à travers les évolutions techniques CYBERNETI CS OR CONUOL AND COMMU HICAllON IN JHE ANIMAL AND THE MACHINE ..................... --·--•>\ .. ••-"> UtC llCHNOlOGY ,.US JOHN WIUY t SONS, IN(, NCW l'Oll( HUMAtOI " Cil, PAii IS qu'elles permettent. elles génèrent en retour des changements très importants dans le comportement des individus. Marshall Mac Luhan. sociologue canadien, résume en 1964 ces enje ux dans son livre Pour comprendre les media à travers une formule restée célè bre : «Le message. c'est le medium». Cette théorie, qui rompt avec l'habituelle prévalence donnée au fond sur la forme. associe le mode de communication de l'information [livre, téléphone, télévision. Internet) à son impact sur celui qui la reçoit. Ainsi l'émergence des modes de communication électroniques modifie considérablement le rapport au temps et à l'espace, amena nt le monde contemporain à se réduire progressivement à un «village global». À partir de cette ana lyse, qui préfigure les bouleversements sociaux introduits par Internet. Marshall Mac Luhan annonce une économie qui se réorganise totalement autour d'un nouveau secteur. les Technologies de l'information et de la Connaissance [TIC). Première édition en 1954 du livre de Norbert Wiener anticipant les effets possibles de l'avènement de la théorie de l'information Manifeste audio sorti un a n aprés le livre. le disque The Medium is the massage 11 9681 est un collage sonore étonament moderne 26
(/) Q) 0 l... >- w N T"'f 0 N @ ....., ..c O'I ·;::: >- 0. 0 u «)'interface homme-machine (IHM) Le développement du numérique conduit à s'interroger sur les possibilités d'échange temps réel entre l'homme et l'ordinateur: La notion d'interface homme-machine [IHM) définit les moyens mis en œuvre afin qu'un humain puisse communiquer avec un système informatique. Cet aspect fondamental du numérique est à la source de La notion d'interactivité. En dehors des systèmes de cartes perforées et de commutateurs, le clavier sera sans doute le premier périphérique de contrôle à être intégré dans un calculateur. La machine électromécanique Enigma, élaborée dans l'optique du codage des messages militaires dans les années 1920 en Allemagne, a joué un rôle déterminant durant la Seconde Guerre mondiale. Comme une machine à écrire, elle est dotée d'un clavier qui en facilite grandement l'utilisation par un opérateur, y compris pour un néophyte. Le premier périphérique de contrôle bidirect ionnel apparaît lui en 1952. La marine canadienne finance alors le projet DATAR , qui consiste en un système de contrôle du champ de bataille. Une véritable boule de bowling y est alors installée sur un support enregistrant les rotations dans les deux axes, un ancêtre géant du trackball, afin de pouvoir indiquer aux navires la position des mines et des sous-marins. Mais c'est l'invention de la souris par Douglas Engelbart en 1963 au Augmenta tion Research Center at Stanford Research lnstitute in Menlo Park [Californie) qui est communément considéré comme l'événement marquant l'apparition de la not ion moderne d'IHM. Douglas Engelbart est le fondateur du centre, au sein duquel il développe le concept d'interface graphique, de réseau et d'hypertexte. Sa proposition marque le passage d'une saisie par lignes de commandes à un système de fenêtres dotées de menus accessibles à l'aide de la souris, ce qui reste encore aujourd 'hui la référence sur nos ordinateurs. En décembre 1968, assisté des 17 chercheurs de son laboratoire, Douglas Engelbart effectue une démonstration historique filmée devant un public d'un millier d'informa ticiens réunis au Fall joint Computer Conference de San Francisco. Il y introduit pour la première fois en public non seulement la souris, mais aussi les notions d'hypertexte, de programmation objet. et de communication audio vidéo à distance par le biais d'un réseau. Aujourd'hui, la notion d'IHM s'est largement ouverte à de nouveaux protocoles. L'écran est devenu surface tactile, simultanément périphérique de contrôle et de visualisation. Le premier périphérique de pointage bidirectionne l issu du projet canadien DATAR 11952) La souris élaborée par Douglas Engelbart au XeroxPark l 1963] Fall joint Computer Conference, démonstration de communication audiovidéo à distance l 1968] 27
(/) Q) 0 l... >- w N T""i 0 N @ ....., ..c O'I ·;::: >- Q_ 0 u Les recherches entreprises par Jefferson Y. Han au New York University"s Courant lnstitute of Mathematical Sciences ont débouché sur l'élaboration des surfaces multi-points. Ces surfaces permettent l'interaction directe de la main, sans médiation d'un dispositif de pointage. Elles autorisent aussi l'interaction de plusieurs opérateurs directement sur un même support d'image. Cette technologie. d'abord dédiée à des surfaces de grandes dimensions (tables intégrant un système de rétro-projection et de captat ion par caméra infrarouge] a été reprise sur les terminaux mobiles grâce au développement des écrans capacitifs. En 1988, toujours au Xerox Park. le scientifique Mark Weizer a été à l'origine de la notion d'informatique ubiquitaire. introduisant l'idée de dispositifs numériques, peu coûteux et mis en réseaux. Ils se substituent aujourd'hui peu à peu à l'usage de l'interface de l'ordinateur au profit d'objets connectés, anticipa nt ce qui deviendra au début du xx1• siècle les notions d'objets communicants et d'Internet des objets. Des moyens complémentaires de captation sont progressiveme nt venus enrichir la palette des composants électroniques à la disposition des concepteurs. Le développement des gyroscopes et des accéléromètres et l'avènement de la géolocalisation par GPS ont accéléré le basculement du numérique dans l'ère des dispositifs et de La mobilité. Parallèlement. la montée en puissance des calculateurs dans leur capacité de traitement a permis l'émergence d'un nouveau type de captation, la Computer Vision. Elle repose sur l'analyse de l'information enregistrée en temps réel par des caméras. Cette technique permet par exemple d'identifier la présence d'individus dans un flux vidéo temps réel et d'ét udier leurs mouvements afin d'en déduire un comportement : gestes. expressions du visage, etc. La computer vision constitue le premier pas vers une disparit ion de l'interface tangible, à laquelle elle substitue une relation plus directe entre La machine et l'homme. Historiquement. c'est la librairie graphique OpenCV qui a permis au pu blic de disposer des premiers algorithmes dédiés au traitement bas niveau des images : détection de mouvements, détection de visages. détection de points d'intérêt. poursuite d'objets ... La prise en compte de la profondeur de l'image a ensuite permis d'améliorer les capacités de détection et d'analyse. notamment pour les silhouettes humaines. Fondée en 2005. la société PrimeSense est à l'origine d'une technique permettant un su ivi complet de plusieurs individus en 3 dimensions à l'aide d'une unique caméra. color(RGBI Image Depth Image - "' Audio Image Recherche sur les surfaces multi-touch par Jeff Han Le Lemur. de la société JazzMutant. première interface multi-touch La technologie 30 de la société PrimeSense. permettant une détection dans les trois sur support écran dimensions de l'espace 28
(/) Q) 0 l... >- w N T""'f 0 N @ ....., ..c O'I ï:::: >- Q_ 0 u 4)e creative coding l écriture d'une œuvre numérique passe par l'utilisation des langages de programmation. Bien qu'ils aient évolué, il s'agit de langages contraignants de par leur nature mathématique et leur syntaxe extrêmement précise. Les premiers langages de programmation étaient très abstraits car proches de la méthode de calcul du processeur, comme par exemple l'assembleur. Dès Les années 1970, de nouveaux Langages sont apparus, plus proches de la logique humaine et donc plus accessibles aux créatifs. Les deux branches de la programmation On peut distinguer un premier type de programmation, dite procédurale, qui contient un certain nombre de routines, des étapes à réaliser communément nommées fonctions. Chacune d'entre elles peut être appelée à tout moment par le programme [langages C, PHP, BASIC). Cette programmation, très efficace dans les situations qui nécessitent de grandes quantités de calcul, se montre en revanche peu adaptée à des changements de postulats. Plus évoluée que la programmation procédurale, la programmation orientée objet a été élaborée par Alan Kay dans les années 1970. On parle d'objet au sens où l'on organise son programme autour d'entités autonomes, Les classes, qui sont dotées de données [Les attributs] et d'un ensemble de messages qu i leur servent à communiquer entre elles [l'interface!. SmallTalk, Java , C++ ou Objective C sont des exemples parmi les plus célèbres de ce type de programmation. Plus concrètement, l'intérêt d'u n programme orienté objet est qu'il permet d'organiser son écritu re par objet, c'est-à-dire de manière totalement non linéaire , à La façon d'un scénariste qui définirait le profi l de chacun de ses personnages et les laisserait interagir plutôt que d'entreprendre l'écriture de leur histoire commune. Cette évolution des langages a permis l'écriture de programmes basés sur une approche dite comportementale. Chaque objet se voit doté de règles, notamment dans le cadre des relations qu'il entretient avec les autres objets ou avec son environnement extérieur. Le résultat de cette démarche, lorsque le programme est lancé, n'est dès lors plus de nature prédictive [scénario linéaire!, mais obéit à un ensemble de règles qui en assure La cohérence. Un célèbre exemple dans le domaine de l'art numérique, les « boids » de Craig W. Reynolds, est basé sur le concept scientifique d'émergence. Il met en scène une simulation de créatures Terzetto, installation interactive par ActiveCrea tiveDesign [2009] No-men 's land, interface d·animation temps réel pour marionnettes interactives élaborée sous Processing No-men 's land, la vitri ne interactive réalisée par ActiveCreativeDesign pour l'aéroport interna tional de Taïwan [2011] 29
(/) Q) 0 l... >- w N T"'f 0 N @ ....., ..c O'I ï:::: >- 0. 0 u dotées de lois comportementales très simples : cohésion, alignement et séparation, mais dont le comportement social d'ensemble devient complexe. Les logiciels dédiés à la création interactive La programmation en tant que langage a rapidement été perçue comme un medium susceptible de délivrer directement des formes de création a rtistique. pour peu qu'en soient exploitées les spécificités. Si les premiers langages informatiques étaient d'une technicité et d'un niveau d'abstraction qui en réservaient l'usage à des programmeurs chevronnés. certains d'entre eux ont depuis été spécifiquement dédiés à des utilisateurs issus du monde de la création. En 1986, apparaît le logiciel VideoWork, qui prend par la suite le nom de Director et se dote d'un langage de script nommé Linga. Director permet de manipuler des media [son . image. vidéo, texte, 3Dl. de créer des interfaces et d'organiser des arborescences de navigation. Il est à la source du développement des CD-ROM culturels et interactifs des années 1980. Peu utilisé dans le jeu vidéo. il est par contre aaaa • vv99t t t t 09U~O •t••t t 9 t Vl très employé dans le secteur de la muséographie [bornes interactives] et adopté avec enthousiasme par les premiers artistes numériques. Aujourd'hui en déclin. il a laissé place au logiciel Flash. d'abord dédié aux applications Web, mais qui a élargi sa sphère d'influence au jeu en ligne et à la création d'applications muséographiques. Flash doit son succès au support de multiples plateformes [Windows. PC, Linux] et à l'utilisation d'un langage de programmation simplifié. ActionScript. Dans les années 1990, un chercheur américain, Miller Puckette, développe au sein de l'IRCAM à Paris le logiciel Patcher, que l'on connaît aujourd'hui sous le nom commercial de Max/MS P. Ce log iciel révolutionnaire, principalement dédié à la musique. permet une écriture graphique de la programmation. Les fonctions s'affichent et se manipulent sous la forme de nœuds, des «patchs», que l' on connecte les uns aux autres par leurs différents canaux d'entrée / sortie. Extrêmement performant dans les domaines du temps réel et de l'interactivité, le logiciel ouvre rapidement ses fonctionnalités vers le domaine de l'image e t de la 3D. Miller Puckette, devenu directeur-associé du CRCA [Center for Research in Computing and the Arts] en Californie. Artefacts. une programmation temps réel inspirée des boids de Craig W. Reynolds Méandres. logiciel de création sonore temps réel réa lisé sous Pure Da ta par Raphaël lsdant Artefacts (programme de recherche ITR / Ensadlab, 2007). Recherches graphiques prépara toires sous Processing par Camille Baudelaire 30
(/) Q) 0 l... >- w N ,-! 0 N @ .._, ..c O'I ï:::: >- Q_ 0 u entreprend une réécriture de son travail sur le mode du logiciel libre. Cette démarche donne naissance au logiciel PureData. qui repose sur les mêmes principes graphiques dïnterface. Max/MSP et PureData sont tous deux des logiciels qui exploitent un langage de programmation orienté objet et permettent des modifications du programme à la volée. Ils sont de plus fortement orientés vers l'interactivité, en gérant particulièrement bien les différents protocoles de communication type midi ou ose. Le modèle du logiciel libre basé sur la recherche universitaire va prendre par la s uite une importance cruciale, qui dépasse le simple cadre de l'attrait de la gratuité . L.: idée n'est pas seulement de rend re accessibles à un plus large public des outils autrefois extrêmement onéreux mais aussi et surtout de fédérer une communauté la plus large possible. communauté susceptible de faire évoluer e t d'élargir les fonctionnalités du logiciel initial. Le plus célèbre représentant de cette démarche , Processing, a été développé au sein du MIT par deux anciens élèves de John Maeda, Ben Fry et Casey Reas. Il s·agit d'un environnement basé sur le langage Java, dont il constitue une version simplifiée spécialement dédiée aux artistes et doté de sa propre interface d'écritu re. Processing repose sur la notion de li brairies, développées par l'ensemble de la communauté et qui élargissent les fonctionnalités de base de manière infinie . Il devient possible de développer en quelques minutes des «sketchs», c'est-à -dire des programmes intégrant le texte, lïmage, le son, lïnteractivité et la 30. Sur le même modèle communautaire. l'environnement de travail OpenFramework est une librairie du langage C++, qui permet de travailler à l'aide de fonctions simplifiées et dédiées à la création multimedia. Plus complexe que Processing, il bénéficie de la vitesse d'exécution du langage C. Mais dans le domaine du code a rtistique, les évolutions restent très rapides et souvent imprévisibles. Certains nouveaux langages. tels le HTML5, le GLSL ou l'OPENCL, sont d'ores et déjà intégrés par de nombreux artistes dans leur création. Corpus A. projet utilisant la programmation GLSL !programme de recherche ITR / Ensadlab, 20081 Corpus /motion !programme de recherche ITR / Ensadlab, 20091 31
(/) Q) 0 L >- w N r-1 0 N @ ...... _c en ï:::: >- 0.. 0 u
Vl Q) 0 L >- w N .-t 0 N @ ....... ~ Ol ·;:: >- a. 0 u diss>ositifs s>Lus coms>Lexes de
Vl (!) 0 '-> w N .--t 0 N @ ....... .r::. Ol ·;:::: > o.. 0 u 9'interactivité Trop flou pour représenter de manière scientifique un concept précis, critiqué pour les valeurs sous-jacentes qu'il introduit, le terme « interactivité » a pourtant envahi le champ lexical du numérique, en dépit de tentatives récurrentes d. élimination . Dans son sens le plus proche de l'interaction du point de vue des sciences physiques, l'interactivité se définit comme une forme d"action réciproque s"établissant entre des agents distincts au sein d"un même système. Elle a pour effet un échange d'informations modifiant en permanence le comportement de ces agents par la mise en œuvre d"un aju stement. Si l'interaction semble inhérente à la description des rapports humains ou des phénomènes naturels. elle prend une sig nification particulière lorsqu'elle caractérise une entité artificielle, que ce soit un objet ou un environ nement , susceptible d"entrer dans une forme de communication avec les utilisateurs qui la pratiquent. Ainsi, dans le domaine du numérique, l'interactivité est profondément liée au développement durant les années 1980 des technolog ies issues du temps réel. Elle est l'héritière d"un mode de programmation intitulé «conversationnel», auquel elle s· est progressivement substituée dans le la ngage courant. La finalité du mode conversationnel réside dans la capacité de la machine à dialoguer avec ses utilisateurs, quelles que soient la du rée et la complexité de ce dia logue. La programmation y est basée sur l'utilisation de systè mes experts, ainsi nommés pour leur capacité à reproduire les mécanismes cognitifs de la pensée dans un domaine scientifique particulier. Associé à l"essor de la cybernétique, le mode conver sationnel constitue un élément majeur dans la voie tentant d"établir les bases d'une intelligence artificielle. Cette vision met en scène un dialog ue entre un être doté de pensée et un agent de nature artificielle, le plus souvent un ordinateur. Pour certains, l'interactivité supposerait donc une sorte d"équivalence entre les deux entités, tendant à faire de la machine un égal de l'homme. Il ne s·agirait plus alors d"une simple notion technique ou scientifique, mais d"un concept de nature idéologique, établissant la possibilité pour la machine d'égaler l'homme. de devenir pour lui une forme d'interlocuteu r. Cette crit ique repose néanmoins sur un raisonnement partiel, qui exclut de la machine le rôle essentiel joué par son concepteur. L' intelligence artificielle, qui reste liée aux modèles algorithmiques élaborés par l'intelligence Interaction: Action réciproque s"établissant entre plusieurs objets issus d'un même système. Linteraction se caractérise Interaction sociale : Edgard Morin. sociologue français, définit en 1977 Test de Turing : Dans son ouvrage Computing Machinery and Intelligence, Alan Turing imagine en 1950 un test confrontant selon le domaine scientifique envisagé par un être humain avec deux interlocuteurs, un échange d'informations. d'affects ou d'énergie. Elle produit une modification de rétat des objets soumis à cette interaction. 34 dans son ouvrage La nature de la nature les interactions comme« des actions réciproques modifiant le comportement ou la nature des éléments, corps. objets. phénomènes, en présence ou en influence». un autre humain et un ordinateur, par le biais d'un échange textuel. Le sujet du test doit au bout d'un temps donné identifier qui de ses deux interlocuteurs est un ordinateur. Aucun logiciel n'a encore aujourd"hui passé ce test avec succès.
Vl (!) 0 ..__ > w N .-t 0 N @ ....... .r::. Ol ·;:::: > o.. 0 u humaine, est une forme indirecte de la pensée humaine, et non pas un processus autonome se substituant au vivant. Dans ce sens, il serait plus juste de voir dans l'interactivité un processus d'échanges déporté, à travers lequel un concepteur élabore une forme dynamique de sa pensée en prenant pour support le dispositif d'échanges. Cette définition présent e l'intérêt de rompre avec les tentatives récurrentes de cerner l'interactivité comme une inter-relation abstraite et de nature protéiforme. ce qui conduit immanquablement à la caractériser par des critères inopérants, Au contraire, en identifiant la présence du concepteur dans le processus. en mettant l'accent en amont sur les problématiques de conception , l'interactivité se présente comme un mode d'écriture caractéristique des dispositifs informationnels et s'inscrivant dans la relation triangulaire aute ur / oe uvre/ spectateur. la source de la dimension artistique de ['oeuvre, définissant la spécificité majeure du design interactif, design de la relat ion et des échanges plutôt que design de l'objet physique. Cette approche nous semble la plus pertinente pour définir les modalités d'existence d'un design interactif. Un design qui ne se définit pas tant dans le rapport qu'il entretient avec une technologie en particulier, en l'occurrence le numérique, que dans les modali tés d'expression et d'écriture qu'il introduit pour le concepteur. Il s'établit alors un enjeu à Eliza : Joe Weizenbaum, chercheur au MIT. est l'auteur en 1966 de Eliza, le premier agent conversationnel, c'est-à-dire un logiciel susceptible de dialoguer avec un interlocuteur. Écrit en langage SNOBOL. un langage dédié au traitement des chaînes de caractères, il reposait sur le principe de l'écholalie, un symptôme de troubles psychiatriques consistant à répéter les phrases de son interlocuteur. Complexité : Dans la t héorie algorithmique de l'information, la complexité est une mesure de la quantité d'informations contenues par une chose. Un système est dit complexe si sa modélisation à l'aide d'un certain nombre de règles d'évolution ne permet pas d'en prédire l'évolution. En informatique, un exemple classique est celui de l'automate cellulaire, une simulation simplifiée des mécanismes génétiques de l'évolution. Émergence : L.:émergence décrit au sein d'un système des modèles comportementaux relatifs aux échelles d'observation. Il y a émergence s'il n'est pas possible de déduire le comportement d'un tout d'après la simple observation de ses parties. Dans le domaine de l'intelligence artificielle, des robots programmés avec des lois simples peuvent acquérir des comportements émergents. 35
Vl (!) 0 '-> w N .--t 0 N @ ....... .r::. Ol ·;:::: > o.. 0 u @esign et dispositifs Le design ne se limite pas à une question d'esthétique industrielle de l'objet. Le travail d'un architecte, d'un scénographe ou d'un plasticien entre dans le champ du design à partir du moment où il intègre la question du rapport de l'idée (le dessein, souvent assimilé dans le langage actuel à un concept]. à la forme (le dessin). Avec le design interactif, la notion de forme elle-même s· est élargie. Elle ajoute désormais à la description physique les caractéristiques relat ionnelles et temporelles qu'un sujet entret ient avec son environnement. Cette évolut ion correspond à l'émergence théorique, sous l'influence de la philosophie, de la notion de dispositif. La notion de dispositif est devenue un élément majeur de la contemporanéité, notamment par la définition qu'en a proposé le ph ilosophe Michel Foucault. Le dispositif, qu'il nommait initialement « apparatus », est de nature essentiellement stratégique et politique, et désigne aussi bien les prisons que les écoles, les asiles ou les mesures juri diques. Cette définition, qui se positionne dans le cadre d'une critique des institutions sociales, est reprise en l'élargissant par le philosophe Giorgio Agamben · «J 'appelle dispositif tout ce qui a, d'une manière ou d'une autre, la capacité de capturer, d'orienter, de déterminer, d'intercepter, de modeler, de contrôler et d'assu rer les gestes. les conduites. les opinions et les discours des êtres vivants.» Selon cette définition, les dispositifs sont partout présents où la société humaine étend son emprise, croissant à la vitesse de ses développements technologiques. Il cite ainsi en exemple« le stylo. l'écriture, la littérature. la philosophie, l'agriculture, la cigarette, la navigation, les ordinateurs, les téléphones portables et. pourquoi pas, le langage lui-même». Ces exemples situent le dispositif comme un ensemble profondément hétérogène , à la fois physique et immatériel, mais doté d'une intention, d'une finalité, sans qu'il soit pour autant nécessaire d'en ex poser les raisons. À ce titre, le dispositif est d 'essence humaine, il définit un mode opératoire qui s'inscrit au niveau de la société. Si l'on élargit son cham p d'action à la création artistique, on peut observer qu'il introduit la mise en relation comme moyen d'expression à part entière. Pour le designer. cette évolution se traduit paru ne production qui ne cesse de croître en complexité dans les relations qu 'elle entretient avec son environnement. Il ne s'agit plus simplement de répondre à une fonction ou à un usage Objet : Phi losophiquement. l'objet se définit comme ce qui est pensé. par opposition au sujet, qui constitue l'être pensant. En 1968, le sociologue Jean Baudrillard publ ie Le système des objets. ouvrage initiant une réflexion sur les objets du quotidien. Leur diffusion industrielle entraîne leur constitution en un ensemble systémique et cohérent de signes. préfigurant ainsi Appareil : Assemblage cohéren t d'organes actifs ou structurants destinés à fonctionner ensemble. Lappareil est doté d'une fonctionnalité qui en assure la spécificité. Issu d'une racine étymologique com mune, l'<< apparatus »de Michel Foucault sera traduit en français par le terme «dispositif », aujourd'hui repris et popularisé par le domaine de l'esthétique. Système : Organisation d'éléments réels ou abstraits interagissant entre eux selon certaines règles. Un système dépend de ses éléments constitutifs, des interactions s'établissant entre eux ainsi que de la frontière dé li mitan t de manière ouverte ou fermée leur appartenance au tout. Un système est dit ouvert s'il interagit avec son environnement. la société de consommation. 36
Vl (!) 0 ..._ > w N .--t 0 N @ ....... .r::. Ol ·;:::: > o.. 0 u mais d'établir à travers son travail un faisceau de scénarios ouverts quant à la manière dont il viendra s'insérer dans un contexte de mise en œuvre. Lexemple constitué par l'émergence des terminaux mobiles est à cet égard particulièrement significatif. Le dispositif est ici composé d'un terminal (l'objet communicant). d'un réseau (téléphonie et Internet). de services (des serveurs distants permettant d'accéder à différents services: messagerie, cartographie , consultation de media) et d'un comportem ent (la programmation. qui a nécessité l'intervention de designers numériques dédiés). Ainsi, si le public identifie facilement son téléphone à sa forme extérieure, son enveloppe visible, il constitue en réalité dans sa manière d'exister un dispositif dépassant le cadre du simple objet. Son apparence ne fait qu'incarner dans une seule image l'ensemble de ses composantes physiques et numériques . Giorg io Agamben nous indique le danger d'une telle mainmise des dispositifs dans notre quotidien : l'extension permanente du champ des dispositifs amène à une fragmentation et à une disparition de l'unité individuelle. Leur multiplication dans notre environnement superpose des logiques au tonomes qui nous semblent bénéfiques lorsque nous les considérons individuellement : nous respectons le code la route, répondons à notre téléphone et consultons nos mails. Mais cette forme d'acceptation, de soumission quasi inconsciente aux procédures imposées devient de plus en plus critique lorsque les dispositifs se superposent les uns aux autres. C'est alors à nous, individuellement, d'en supporter les contraintes, d'en gérer les contradictions. En termes de création , un enjeu se dessine ici: il s'agit de ne pas céder à la positivité systématique que le système industriel et social présente comme une forme d'évidence. Le design interactif, lorsqu'il se situe dans l'héritage du design industriel, en reprend la volonté de séduire l'utilisateur aussi bien par la forme physique que par les modalités relationnelles qu'il propose. Le designer ne doit pas se résoudre à une vision simpliste selon laquelle l'accumulation des services constitue une forme de progrès pour l'homme. Il s'agit au contraire d'arriver à élaborer des formes de dispositifs qui s· offrent au public dans la conscience de ce qu'ils lui donnent, mais aussi de ce qu'ils lui retirent. Dispositif : Terme d'origine juridique, qui désigne la dernière partie d'un jugement situé après la locution. Il décrit la solution du litige et les dispositions nécessaires pour la mettre en œuvre. Le dispositif Dispositif relationnel : Le critique d'art Nicolas Bourriaud a analysé dans son ouvrage L'esthétique relationnelle (200 1) ne s'intéresse pas aux raisons. mais aux mécanismes d'application du jugement. C'est cette notion de finalité, indépendante de la cause. qui sera prolongée par les philosophes Michel Foucault et Giorgio Agamben. la pratique artistique contemporaine comme une forme sociale de dispositif. Ainsi.« l'art relationnel prend pour horizon théorique la sphère des interactions humaines et son contexte social !...) ; une œuvre peut fonctionner comme un dispositif relationnel comportant un certain degré d'aléatoire, une machine à provoquer des rencontres individuelles ou collectives». 37
Vl (!) 0 ..._ > w N .--t 0 N @ ....... .r::. Ol ·;:::: > o.. 0 u @esign d'interface et design d'interaction Dans le design, l'interactivité nécessite une mise en forme spécifique. différente des autres composantes du projet. Il s'agit de dessiner la forme de la relation s'instaurant entre un projet et son contexte, qui peut être de nature environnementale ou liée à la présence d'un interacteur. Cette nécessité a été à la source de la création de deux disciplines nouvelles et complémentaires, le design d'interface et le design d'interaction. Le design d'interface est dédié au traitement de l'interactivité proposée par les logiciels comportant une interface numérique type écran : ordinateur, téléphone, tablette, console. Il s'agit d'une discipline qui intègre des dimensions esthétiques, ergonomiques, technologiques et fonctionnelles. La plupart des interfaces numériques sont dédiées à des besoins de nature pratique : traitement de texte, tableur, guichet automatique, communication à distance. Mais certaines sont utilisées à des fins plus créatives : jeu vidéo, exposition interactive. visualisation d'informations. Les designers d'interface font appel parmi leurs compétences au design graphique (graphie design) et au design de mouvement (mot ion design!. Dans de nombreuses créations, le design d'interface reste non visible par le public : il s'agit de l'interface de fabrication du projet lui-même. Avec Les dispositifs artistiques ou le spectacle vivant, elle peut prendre une importance fondamentale. car de son mode d'écriture dépendra la forme finale du projet. Les logiciels dédiés à ce type de création (Max/MSP, PureData, Processing) permettent au concepteur d'élaborer très précisément l'interface de contrôle et de communication. de manière à offrir le plus grand choix possible de modes de scénarisation du projet. Le design d'interaction est un design de la cognition, qu'elle soit humaine ou relative à un système artificiel. Il procède à une analyse des comport ements des humains mis en présence du dispositif interactif, et intervient dans l'ergonomie de ce dernier par amélioration itérative de l'expérience utilisateur. Contrairement au design d'interface, le design d'interaction ne nécessite pas de dispositif numérique pour être mis en oeuvre, même si son existence reste historiquement liée au développement de l'informatique. Il s'intéresse particulièrement aux modèles mentaux, qui constituent une forme de représentation analogique de la connaissance. Cognition : Capacité de l'esprit humain à construire une représentation opératoire de la réalité en utilisant les diffé rents Modèle : Représentation d'un objet, d'une situation ou d'un événement dans un but de connaissance et d'action. Dans Simulation : Acte d'imiter un phénomène réel. La simulation est devenue grâce à la science un outil prospectif destiné à étudier les résultats d'une action sans nécessiter l'usage de l'élément réel. Une simulation doit cependant disposer des con naissances nécessaires obtenues par expérimentation sur des phénomènes similaires. sens liés à la perception. Les sciences cognitives, qui se limitaient initialement à l'étude des mécanismes de la pensée, intègrent aujourd'hui des processus plus élémentaires comme la perception et les émotions. Dans le domaine du numérique. la cognition est associée à l'étude et à la conception des systèmes d'information. 38 le domaine de la psychologie cognitive, le modèle mental se présente comme une représentation permettant à l'individu de simuler le déroulement d'une action et d'anticiper son résultat. Le numérique a rendu autonome cette notion en détachant le modèle de tout contexte réel, comme par exemple dans le secteur du jeu vidéo.
Vl (!) 0 '-> w N .--t 0 N @ ....... .r::. Ol ·;:::: > o.. 0 u Ces modèles mentaux reposent sur l'existence d'éléments simples, qui se définissent comme des identificateurs. Ils permettent notamment, à travers des mots. de désigner des concepts. Les identificateurs sont dotés de relations définissant un état spécifique les unissant, le modèle mental. Ce fonctionnement très proche du modèle mathématique de l'informatique permet d'établir une corrélation directe entre analyse cognitive humaine et développement cognitif du dispositif interactif. On parle alors de métaphore, au sens d'une analogie entre les concepts issus des com portements humains et leur interprétation au sein du dispositif interactif. Le design d'interaction consiste alors à imaginer la mise en forme (ou mappingl de l'interaction, c'est-à -dire à établir une correspondance directe entre le comportement d'un utilisate ur et son effet sur les différents paramètres du dispositif. Donald Norman, chercheur dans le domaine des sciences cognitives et auteur du livre The Design of Everyday Things [2007). met en avant dans son travail un design centré sur l'utilisateur. Il y valorise en premier lieu la capacité d'u n objet à suggérer sa propre utilisation, l'affo rdance , reléguant la question esthétique au second plan. De fait, le designer ne peut conceptualiser l'interaction afin de la faire correspondre à une signification préétablie, indépendante de la question de l'usage une telle réduction du cham p de l'interaction irait a contrario des modèles mentaux utilisés instinctivement par un utilisateur. Ainsi l'émergence des tables multi-touch nous a montré que leur usage développe un ensemble de codes qu'un designer doit intégrer au sein de toute nouvelle proposition : sélection et déplacement d'objet. zoom, etc. Dan s ce domaine, se ule compte l'interprétation issue de l'expérience utilisateur. le designer ne faisant que proposer un concept ouvert qui sera pris en main hors de sa présence. Affordance : Le psychologue James J. Gibson. auteur en 1977 de l'ouvrage The Theory of Affordances, définit les affordances comme l'ensemble de toutes les possibilités d'interaction entre un animal et son environnement, qu'elles soient ou non perçues par l'animal. Cette approche de nature écologique sera reprise dans le champ du design par Donald Norman, mais en en limitant le périmètre d'action aux affordances conscientes pour un utilisateur humain. Mapping : Le terme mapping. initialement lié au domaine de la cartographie. est aujourd'hui employé dans le domaine des sciences cognitives. Dans un raisonnement par analogie, le mapping est une phase primordiale consistant à décrire de manière précise les relations entre une source et une cible, en décrivant le maximum de correspondances possible. Pour le designer d'interaction. le terme désigne la manière dont il va lier le comportement utilisateur à son effet sur le dispositif interactif. 39
Vl (!) 0 '-> w N .--t 0 N @ ....... .r::. Ol ·;::: > o.. 0 u 4)'interface, de L'écran vers L'environnement lécran constitue aujourd 'hui encore une interface numérique privilégiée. Qu'il soit tactile ou doté d'une souris, il permet de modifier le protocole de communication en fonction du type d'usage auquel il est destiné. Cette uniformisation de la communication a engendré une modification importante au sein de notre environnement direct. Nous travaillons de la même manière que nous nous divertissons ou que nous communiquons à distance. l image elle-même est devenue information. perdant toute valeur intrinsèque : numérisée, modifiée, elle est devenue signe manipulable à volonté. Depuis plusieurs années, une prise de conscience de la saturation de notre espace vital interroge artistes et designers. Comment lutter contre ce nivellement par le bas de l'image. qui fait ressembler une salle d'exposition à une enseigne d'électronique grand public? Comment transposer la notion d'interactivité en dehors des traditionnels périphériques diffusant de l'image? Est-il possible de fusionner les dispositifs numériques avec leur environnement en rendant plus harmonieux leur mode de communication avec le monde physique dans lequel ils interviennent ? C'est d'abord dans les domaines artistiques de la scénographie et de la muséographie que l'interactivité va s' expérimenter le plus singulièrement hors de l'écran. Le développement d'une électronique peu onéreuse et accessible associée à des mécanismes simples de motorisation ainsi que le renouveau de l'intérêt porté à la lumière comme support d'expression vont entraîner une multiplicité de propositions novatrices . À la base de ce renouveau, l"utilisation des cartes électroniques, qui va se populariser à travers des solutions comm e Arduino. Dans le champ du design objet, elles sont particulièrement associées à la not ion de prototypage car elles permettent de tester très rapidement des principes d'interaction physique, sans recours à un processus de fabri cation complexe comme dans le cas du design industriel. Autre source importante pour le design int eractif. la robotique industrielle, qui se définit comme une branche commerciale de la robotique . Elle a pour champ la fabrication de systèmes à la fois physiques et numériques répondant à un contrôle automatique et reprogrammable avec des capacités de manipulation en temps réel dans les trois dimensions de l'espace. Très utilisée dans l'industrie automobile. les chaînes de monta ge et l'exploration d'environnements hostiles ou inaccessibles, la robotique industrielle a généré un important marché de composants, extrêmement fiables et résistants. qui peuvent être détourInterface · Linterface centralise les échanges et les interactions entre les différents acteurs d'un dispositif. qu 'ils soient d'origi ne naturelle ou artificielle. Alan Cooper, auteur du langage Visual Basic, distingue trois grands paradigmes d'interfaces: le paradigme technologique !utilisation de la manière dont le dispositif physique est construit!. le paradigme de Arduino : La société italienne Smart Projects a commercialisé ces cartes dotées d'un circuit imprimé et d'un microcontrôleur programmable sous un mode Noosphère : Développé par Pierre Teilhard de Chardin en 1922 dans le cadre de sa cosmogenèse. le terme de noosphère a été inventé par le géochimiste russe Vladimir Vernadsky. Il désigne la sphère de la pensée humaine, par analogie à la géosphère et la métaphore !analogie du comportement logiciel avec un objet de la vie courante déjà connu de l'util isateur) et le paradigme idiomatique (comportement cohérent et simple à a pp rendre sans analogie avec le monde réel!. 40 de diffusion libre. qui en a assuré le succès dans le domaine de la création multimedia . Elles peuvent être utilisées de manière autonome en utilisant la puissance de calcul limitée du micro-contrôleur. ou être connectées à un ordinateur pour lequel elles fonctionneront comme interface avec le monde physique. la biosphère. Le concept, qui fait appel à une sorte de conscience collective de l"humanité, est parfois cri tiqué pour sa nature non scientifique. mais préfigure de manière étonnante deux phénomènes contemporains : la mondialisation et le développement d'Internet .
Vl (!) nés de leur usage premier au profit d'une utilisation dans le cadre de dispositifs scénographiques. Dans le domaine de l'architecture, l'Institut du monde arabe, construit à Paris en 1986 par Jean Nouvel et Architecture Studio, fut un des premiers bâtiments à proposer une interaction associant électronique et mécanique à grande échelle. La façade sud du bâtiment, composée d'un ensemble de claustras métalliques, était dest inée à filtrer la lumière naturelle grâce à la motorisation de chaque module, l'obturation se faisant selon un procédé de diaphragme proche de celui des appareils photographiques. Le concept , une peau réactive à son environnement na tu rel, rejoignait les projets utopistes des années 1970, mais son application allait rencontrer des problèmes techniques importants, qui entraînèrent l'abandon des capacités mécaniques de la façade. Il faudra attendre le développement fulgurant des nouvelles technologies à la fin du xx• siècle pour que l'idée d'un environnement connecté et intelligent ne fasse plus partie des utopies difficiles à mettre en œuvre. L'ém ergence des nana-technologies a permis d'envisager la construction de systèmes numériques extrêmement fiables, faiblement énergivores et miniaturisés, que ce soit au niveau des calculateurs, des connections réseau ou des capteurs. D'abord concentré sur des objets directement intégrés dans notre vie quotidienne, ce nouveau design va progressivement s· étendre à l'ensemble de notre environnement. À l'Internet que nous connaissons maintenant succède déjà la mise en réseau de l'ensemble des éléments Liés à notre milieu de vie : moyen de transport. domicile. moyen de communication, loisirs, etc. Tout comme le fut en son temps Internet, il sera sans doute le terrain privilég ié d'affrontements entre pouvoir politique, obnubilé par la volonté de contrôler et surveiller les échanges entre citoyens, firmes industrielles faisant planer la menace de systèmes monopolistiques. et mouvements citoyens tentant de profiter des capacités décentralisatrices de la technologie pour établir une nouvelle forme de citoyenneté. Ubiquité : linformatique ubiquitaire désigne un environnement dans lequel le numérique est invisible et omniprésent car totalement intégré au monde réel. On parle aussi d'environnement pervasif. anglicisme indiquant que la communication, en permettant une diffusion libre et non filaire de l'information. permet à des objets de Intelligence ambiante : Concept par lequel un système d'information cesse d'être centré sur son utilisateur en prenant le rôle d'interface entre les entités numériques !principalement les obj ets communicants) et les utilisateurs. l intelligente ambiante repose sur l'utilisation de la nanoinformatique. de l'informatique diffuse se reconnaître entre eux et de se local iser et des réseaux d'objets. 2 instantanément. > w N .--t 0 N @ ....... .r::. Ol ·;:::: > o.. 0 u 41
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(/) (!) 0 '--> w N ri 0 N @ ....... L Ol ·;: > o. 0 u
Vl (!) 0 '-> w N .--t 0 N @ ....... .r::. Ol ·;:::: > o.. 0 u Le projet Blinken lights transforme les fenêtres de l'imme uble Haus des Lehrers e n pixels Le projet Blinkenlights est né en 2001, après la disparition de Wau Holland, membre fondateur du Chaos Computer Club [CCC). Célébrant cette année-là ses 20 années d'existence, la fameuse organisation d'activistes en informatique décida de lui rendre hommage en organisant une manifestation de grande ampleur. Se présentant sous la forme d'une installation visuelle géante, elle a pris pour support l'immeuble Haus des Lehrers sur Alexanderplatz à Berlin, transformé pour l'occasion en un moniteur géant. Le bâtiment, construit dans les années 1960 dans Le style rationaliste, est une silhouette familière de la vie des Berlinois. Pour mener à bien le projet, le Chaos Corn pu ter Club a équipé les 8 étages supérieurs d'un système d'éclairage interactif permettant de contrôler la mise en lumière de chacune des 18 fenêtres. Avec sa grille m inimaliste de 144 pixels, Blinkenlig hts évoque le graphisme en faible résolution des premiers jeux électroniques sur console. Un programme informatique connecté à Internet permet la gestion de cet affichage monumental à distance, notamment en proposant au public d'interagir au moyen de Leurs téléphones portables. Porté par son succès, le dispositif est resté en place durant plus de 23 semaines, permettant à l'équipe du CCC de continuer à développer les technologies d'i nteraction. @Linkenlights project Chaos Computer Club, 2001/2008 Alternant graphismes, messages privés et jeux temps réel, Blinkenlights constitue une proposition innovante d'écriture à l'échelle de l'espace urbain. Le dispositif offre au public Le moyen d'investir ce nouvel espace d'expression de plusieurs manières : en se livrant à des parties du célèbre jeu Pong depuis son téléphone mobile, en envoyant des graphismes qui seront enchaînés par le dispositif de manière aléatoire, ou encore en contrôlant le m oment de diffusion de Loveletters, petits extraits d'intimité rédigés par une personne à destination d'une autre personne et affichés aux yeux de toute la collectivité. Le projet court-circuite ainsi de manière originale les réseaux institutionnels de la communication au profit d'un militant isme social et participatif, à l'image du mouvement activiste allemand. Depuis son inauguration, le projet a été remonté plusieurs fois à Berlin, et a donné lieu à deux déclinaisons internationales: Arcade en 2002 à La Bibliothèque nationale de France [Parisl. en prenant pour cadre l'une des quatre tours de l'édifice, puis Stéréoscope en 2008 au City Hall de Toronto, qui a mis en scène les deux façades intérieures du bâtiment en jouant de leur vis-à-vis. 45
(/) Q) 0 l... >- w N T"""f 0 N @ ....., ..c O'I ·;::: >- Q_ 0 u Espace urbain, espace public • B linkenlights pose un défi technique majeur : investir un lieu, la plupart du temps en activité, afin d'en faire un dispositif de diffusion à grande échelle. Dans la première version, les lampes éta ient dotées de connecteurs physiques, des interrupteurs simples déclenchant l' extinction et l'allumage par le bia is d'un câblage électrique. Avec Stéréoscope, la mise en œuvre de 960 lumières a poussé l'équipe à doter chaque lampe d'un gradateur électronique doté d'un récepteur sans fil. Cette évolution technique a permis une installation plus légère, sans réseau physique, ainsi que la gestion des niveaux de gris. 46 2
o. 0 u - - .... • Espace urbain, espace public Chaos Computer Club est un des plus célèbres groupes d'activistes (hackers) issus de la culture numérique. Fondé dans les années 1980 à Berlin , il œ uvre pour une liberté de l'information totale et étudie l'impact des nouvelles tech - nologies sur notre société. Ses tra - vaux, notamment les logiciels qu'il élabore. sont mis à la disposition du public sur le mode Open Source, c'est-à -dire libres de droits. 1, 2. Le système d'éclairage devant chaque fenêtre. À Berlin. il est encore basé sur un réseau physique de commande 3. Arcade. à la Bibliothèque nationale de France à Pans [20021. reprend le d1spos1t1f Bllnkenl1ghts en ut1l1sant l'espace d1spon1ble entre le vitrage de façade et la parement bois intérieur 3 pour placer chaque lumière 47