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Published by pboue, 2019-09-13 05:53:09

AE38, cote d'alerte à la BNF

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AE38, cote d'alerte à la BNF

6 - Camille

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Le passage du Saumon
Hugo Artus Gouttière était assis sur le banc situé à

côté du passage du Saumon. Non loin de là, un couple
s'enlaçait. Les souvenirs de Camille remontèrent à son
esprit. Cette belle jeune femme à la chevelure de feu et
aux yeux verts profonds et perçants... Comment avait-elle
pu le laisser tomber pour un autre homme ? Lui qui l'aimait
tant...

Les regrets laissaient peu à peu place à la colère.
La vue de tout cet amour le dégoûtait.
Le cœur lourd d'amertume et de tristesse, Hugo passa une dernière fois
devant cette petite boutique de bottines dans le passage du Saumon. Il hésita
à pénétrer dans le magasin, mais par peur, s'enfuit. Sacrilège ! Camille sortit à
cet instant du magasin avec un homme fort, grand et beau qui inspirait la
protection et la sûreté.
Elle l'entrevit, et baissa la tête, sûrement de honte de lui avoir causé
tant de mal. L'homme qui l'accompagnait lui adressa un regard
condescendant, prit Camille par la taille et l'embrassa. Il sortit un cigarillo d'un
étui en argent, se dirigea vers Hugo, goguenard.
— Bonjour l'ami. Auriez-vous une allumette ?
— Non, désolé, répondit Hugo tout tremblant.
— Pas étonnant, se moqua l'autre.
Il prit Camille par le bras.
— Viens, mon amour. Rentrons à la maison.
Il affichait un rictus satisfait.

Un immeuble au coin de la rue Victor Hugo

Hugo rentra chez lui, une petite habitation au coin de la
rue. Il claqua la porte, enleva son manteau et ses
chaussures puis tapa violemment du poing sur la table.
Quelqu'un frappa soudainement à la porte. Il l'ouvrit et fut
très étonné de voir qui était sur le seuil.
C'était CAMILLE ! Elle attendait là, sur le seuil, avec un
semblant de tristesse.

A sa vue, un mélange de dégoût et d'euphorie l'envahit.
— Bonjour...Hugo, bégaya-t-elle, je suis venue pour m'excuser pour la gêne de
tout à l'heure.
— Comment as-tu pu ?
— Pardon ? Que veux-tu di...
— Oh ! Arrête tes sottises, comment peux-tu parader devant moi avec cet
homme, sachant le mal que tu m'as fait subir !

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Camille avait les larmes aux yeux, elles perlaient sur ses joues
écarlates.
— Et maintenant tu oses venir dans ma maison, la bouche en cœur, pour faire
je ne sais quoi !

Elle éclata en sanglots. Elle ne pouvait plus parler.
— Je viens m'excuser et c'est comme ça que tu me remercies !
— Sors de chez moi et que je ne t'y revois plus !
— Mais Hugo...

La fureur s'empara de lui et il lui claqua sauvagement la porte au nez.

La nuit tomba peu de temps après. Il alla se coucher, la boule au ventre,
et se mit à pleurer. Colère, angoisse, haine, tristesse, joie, folie, dégoût, les
sentiments et émotions se bousculaient dans sa tête. Il ne savait plus quoi
faire, et hésitait de plus en plus. Son cœur vacillait et la folie l'emportait. Il
hurla de rage et on l’entendit de l’autre côté du quartier. Un orage puissant
éclata, et une averse s'abattit sur la ville.

Il passa une nuit très agitée... Des images de Camille défilaient dans sa
tête. Il n'en pouvait plus, il devait sérieusement penser à se faire soigner !
A son réveil, les rues étaient inondées. On aurait dit que la Seine était sortie
de son lit. C’était carrément un épisode post diluvien !

Il avait une démarche désespérée. «Que vais-je faire maintenant ? Se
disait-il, Je n'ai plus rien ! N'est-ce pas l'amour qui égaie une vie ? Elle m'a
enlevé mon bonheur ! Et si je la séquestrais ? Non. Ce n'est pas assez cruel !
Je dois la faire souffrir ! »

Un homme vêtu de noir l’arracha à ses pensées macabres...
— Bonjour, mon cher ! dit-il.
— Est-ce que nous nous connaissons ? répondit Hugo.
— Pas pour l'instant, mais nous allons bientôt nous apprécier...faites donc ce
que vous avez en tête, suivez votre cœur !

Il disparut et une éclipse totale voila la lune. C'était un peu
la panique, les gens couraient partout.

Hugo s'enferma chez lui, le cœur lourd, son âme perturbée
par la peur, le chagrin et la colère. Il ne pouvait plus
supporter Camille.
Il devait passer à l'acte.

Pendant la nuit, un bruit strident le réveilla
brutalement. Ce bruit venait de sa porte d'entrée. Hugo
ouvrit la porte et vit l'homme vêtu de noir devant lui. Surpris,
il recula.
— Que me voulez-vous ?
— Bonsoir M.Gouttière...

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— Je vous le demande à nouveau : qui êtes-vous ?
— Nous nous sommes déjà rencontrés. M'as-tu oublié ?
— Pourquoi me suivez-vous partout ?
— Allons, allons… je ne te veux point de mal, je veux juste te proposer un
marché...dit-il d'une voix peu rassurante.
— Comment pourrais-je vous faire confiance ?
— Écoute, je te donnerai l'immortalité, mais il y a toujours un prix à payer...

Hugo fut très troublé, mais cette proposition était néanmoins alléchante.
— Comment peux-tu me donner l'immortalité ?
— Je connais ta situation. Camille, ton amour de toujours t'a laissé tomber...Tu
ne sais pas quoi faire... Mais moi, je suis là pour te libérer de tes soucis !
— Co...comment savez-vous cela ? ! Vous êtes devin ?
— En vérité, je suis omnipotent et omniscient. Je connais toute ta vie du début
jusqu’à la fin. Je connais tes pensées et je savais bien avant ta naissance que
ce jour allait arriver.
— Où voulez-vous en venir ?
— Tu es l'élu, Hugo Artus Gouttière, tu as une auguste destinée. Tu seras le
premier humain immortel ! Tu verras les époques défiler devant tes yeux...
Hugo hésita un instant avant de dire :
— J'accepte. Quel est le prix à payer ?

Violemment, le tonnerre gronda.
— Le prix à payer mon cher ami, c'est… l'âme de Camille.

Avait-il fait le bon choix en acceptant ce marché ? Peu importe. Le
couteau qu'il cachait dans son manteau le dérangeait mais rien ne pouvait le
stopper.

Hugo rentra dans la maison. La porte grinça longuement avant qu'un
froid glacial se répande dans tout son corps. Lentement, suavement, il se
glissa dans la toute petite chambre. Hugo se jeta sur le lit, attacha Camille
avec sa ceinture, il la frappa à mort. La pauvre le supplia d'arrêter, elle
gémissait de douleur. Il la prit par la gorge et l'étrangla. Brutalement, il la jeta
sur le sol. Elle cria :
— Hugo ! Je t'en supplie ! Ne me tue pas !
— Je suis né pour te supprimer....
— Pourquoi veux-tu ma mort ? Parce que je t'ai quitté ?
— Parce que .... parce que... je ne sais pas...
— Hugo...la dernière fois, je suis venue pour m'excuser...Je ne pensais pas
que te quitter te blesserait autant !
— Es-tu en train de dire que je suis FAIBLE ?
— Non mais... s'il te plaît, épargne-moi ! Je... Tout est de ma faute, nous ne
serions pas ici si je ne t'avais pas lâchement laissé tomber...
Hugo luttait contre lui-même, pendant que Camille parlait. Il se rendait compte
que sa réaction était déplacée, très déplacée même horrible ! Lorsqu'il était

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avec Camille, il s'était promis de toujours vouloir son bonheur...Même s'il n'en
faisait pas partie...
— Hugo je t'en supplie, lâche ce couteau !

La main d'Hugo trembla. Il contempla la beauté naturelle de Camille,
elle resplendissait au clair de lune. Lentement, il lâcha le poignard et Camille
se précipita dans ses bras. Subitement, Hugo la repoussa en disant :
— Comment peux-tu me serrer dans tes bras sachant tout ce que je t'ai fait ?
Je t'ai suivie, torturée. J'ai même marchandé avec une… chose macabre pour
ton âme.
— Quoi, mon âme ?

Pendant qu'il disait ces mots, il se rappela son marché... Qu'allait-il se
passer maintenant qu'il ne voulait plus tuer Camille ?

Soudain un tremblement de terre secoua l’immeuble. Camille cria une
nouvelle fois et se jeta dans ses bras. Une voix grave se fit entendre :
— TU AS OSÉ ME DÉSOBÉIR ! JE TE FAISAIS CONFIANCE !

Le sol s'ouvrit et Camille tomba dans les abysses...
— Nooon ! Camille !

Les abysses
Camille se réveilla dans une grotte insalubre. Elle se leva lentement

avec une grande douleur au dos elle regarda autour d'elle. Que s'était-il
passé ?

Elle commença à chercher une sortie mais sans succès. Elle s'enfonça
dans cette grotte et se faufila dans une faille certes étroite mais dans laquelle
elle pouvait passer. En sortant, elle vit un grand couloir avec des cristaux
géants au mur qui éclairaient celui-ci. Elle admira la beauté des lieux...
— Qu'est-ce que c'est beau !
Peu de temps après elle entendit un cri qui l'appelait, c'était une voix familière.
Elle comprit vite que c'était la voix d'Hugo...

Il venait la chercher, elle se sentait rassurée... Elle cria :
— Hugo je suis là, tu m'entends ?

Sa voix changea pendant un court instant et devint grave et effrayante :
— Trouve un moyen de remonter, je t'attends...
— Hugo, que se passe-t-il ?
— Non, rien, ne t’inquiète pas, trouve juste un moyen de remonter.
— D'accord, j'arrive !

Inquiète, elle continua son exploration des abysses
et progressivement une ombre humaine se formait. Elle courut vers l'ombre en
se disant que c'était peut-être Hugo !

Mais alors qu’elle se trouvait à proximité de celle-ci l'ombre disparut
brusquement. Elle tourna la tête et vit un vieux crâne. Elle hurla de peur et
entendit un bruit sourd et sinistre comme si le diable en personne venait la
chercher...

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Elle remonta tranquillement et vit la lumière du soleil. Donc elle se
rapprochait de la surface. Son visage devenait de moins en moins pâle. Au fur
et à mesure qu'elle remontait, elle percevait des bruits. Elle pensait au début
que Hugo cherchait à l'aider mais c'était bien pire...

Arrivée chez elle, une lumière l’aveugla. Hugo cria :
— Camille, non !

Il se jeta sur Camille, elle tomba et s'évanouit à cause du choc.
Lorsqu'elle se réveilla, Hugo n'était plus là.
Où se trouvait-il ?
Que lui était-il arrivé ?
Alarmée, elle chercha dans toute la maison sans relâche mais elle ne le
trouva pas...
Un choc sur le crâne avait envoyé Hugo dans les limbes. Il se réveilla,
la tête couverte d’une cagoule jaune.
— Retirez-lui son capuchon, grinça une voix.
Hugo découvrit une table, une lampe à gaz sur cette table, deux types
en redingotes noires avec des gueules d’assassins assis en face de lui. Et
dans un coin, sur un trône…
— Votre Majesté ?
Napoléon III se leva, s’approcha. Son visage était machiavélique.
— Première question, commença-t-il.
Ce récit était lui aussi interrompu à cet endroit. La suite des pages avait
disparu…
Le manuscrit suivant s’intitulait «Au Bon Marché ».

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7 - Au Bon Marché

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Le Palais
Jean Alcazar, un jeune homme de 33 ans, habitait à

Paris à côté du Bon Marché. Il était sculpteur.Un jour, il
reçut une lettre du grand magasin comme quoi il devait
réaliser un buste miniature de Napoléon lll avec une
arabesque collée sur son cœur, en plein milieu de la
galerie. Il devait commencer son travail sur le champ.

Le lendemain matin, Jean se rendit au Palais des
Tuileries pour rencontrer l'Empereur. Jean était tellement
content de voir ces colonnes immenses et dorées, ces gardes avec des
carrures d'athlètes, ces escaliers en spirale et ces majordomes qui lui posaient
des questions sur ses sculptures précédentes.
Mais il avait peur de mal faire. C’était l'Empereur tout de même !
Il se présenta devant Lui en se prosternant, sans un murmure. Ils
commencèrent à discuter.
— Détendez-vous, mon ami. M'immortaliser dans le marbre devrait vous
combler de joie !
— Oui, je sais, mais...J'ai peur de mal faire, votre majesté.
— Pas avec mon visage. N'est-il pas parfait ? Ne respire-t-il pas la force et la
noblesse ?
— Si, mais c'est un rêve d'enfance de vous voir là en chair et en os
— Assez parlé ! Travaillons.
— D'accord, je suis de votre avis.
Alors, il commença par faire l'arrondi du crâne avant et arrière, il
dessinait les orbites, les arcades, puis les creusait, il plaçait l'os nasal,
construisait la mandibule, puis les plans autour des orbites, puis celui du front,
il plaçait les globes oculaires, il creusait l'iris dans le globe oculaire, il plaçait
les paupières, il ouvrait la mandibule, il creusait la bouche puis il fit le nez et
pour finir il fit les muscles et les tissus graisseux avec les traits de la peau de
l'Empereur. Cela étant fini, il cuisit la sculpture. Il demanda à l'Empereur son
avis.
— Alors qu’en pensez-vous ?
— Vous avez fait du bon travail. Vous pouvez être satisfait de vous.
Jean était d’accord. Ses mains n’avaient pas tremblé. Il devait aller fêter
cela avec ses amis.

L’Alcazar

Jean alla à un spectacle de théâtre. Il vit un danseur unijambiste qui
avait un grand succès. Il repéra des amis attablés autour d'une bouteille
d'absinthe.

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— Salut Jean, lui lança Marcel. Paraît que tu travailles pour... qui tu sais ?
— Oui, comment le sais-tu ?

Une femme d'une beauté renversante s'assit alors à leur table. Elle
planta ses yeux dans ceux de Jean.
— Je te présente Rosa.
— Enchanté.
— Enchanté, se moqua-t-elle avec un charmant sourire.
— Pourquoi rigolez-vous ?
— Je suis de nature joyeuse. On danse ?
— Je ne sais pas trop danser.
— Viens, je vais t'apprendre.
— Bon d'accord, si vous insistez.

Finalement, Jean dansait divinement. Il étourdit Rosa, l'emmena chez
lui. La suite leur appartient.

Jean fut réveillé au beau milieu de la nuit... Il était seul dans sa
chambre. Où était-elle ? Le buste de l'Empereur ! Il avait disparu ! Il avait peur
de se faire punir sévèrement par l'Empereur connu pour être très impulsif. Pris
de panique, il alla dans son armoire pour enfiler des habits et il partit à la
recherche du buste.

Il ne retrouva pas Rosa.
Il se rendit au poste de police pour déclarer le vol.

Dans la rue

La fille marchait dans la rue, le
buste de l'Empereur dissimulé sous un
linge. La lune disparut derrière un
voile. Soudain, elle entendit une voix,
masculine, toute proche.
— Eh ! Pst. Mignonne ! Eh, toi, là. C'est
pas bien ce que tu viens de faire.
— Qui es-tu pour me dire ce que je dois
faire ?
— Je suis le maître de tous les
Français, pardi !
— D'accord, mais vous ne m’êtes pas
familier.
— Trêve de bavardage. Maintenant tu
vas rendre ce buste à son créateur.
Elle ôta le linge. Le buste était… vivant ! Elle pouvait voir ses lèvres
bouger, ses yeux étaient grands ouverts et les paupières clignaient.
— Par les moustaches de Gutenberg ! Il parle !

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— Oui, je parle, jeune fille. Tu croyais que j'allais te laisser t'en sortir comme
ça !
— Des menaces ?

Elle leva le buste au-dessus de sa tête.
— Si tu ne m'obéis pas, je te brise sur le pavé !
— Tu ne m’as pas volé pour me briser juste après. Ai-je raison ?
— Tu parles trop ! Tu me fatigues !

Elle le cacha à nouveau.
— Mais je sais qui paiera cher pour t'écouter.

Le Palais Impérial
Jean était paniqué à l'idée d'avoir perdu le buste. Il sortait du

commissariat lorsqu’ un homme assez fort l'interpella.
— Pouvez-vous me suivre s'il vous plaît ?
— Je ne crois pas et puis je ne vous connais pas !

L'homme l'attrapa par la main puis le jeta dans une calèche qui passait
par là. Jean essaya de partir mais sans succès. Le trajet était un des plus
luxueux qu’il ait jamais effectué. Le conducteur, peu vigilant, passait à toute
vitesse sur les pavés de Paris.

Ils arrivèrent près du palais impérial.
Jean était très inquiet de voir ce palais avec ses façades si grandes qui
le faisaient frémir.
Il ouvrit les yeux et vit son buste dans les mains d'une femme qui
ressemblait fortement à Rosa. Il était soulagé de le voir tout en étant anxieux.
Il était entouré par des gardes du corps. De l'ombre sortit un homme assez
vieux. Dès qu'il passa le seuil de la porte tous les gardes se mirent à genoux.
— Tu n'es pas content de me voir mon petit ?
— Mais qui êtes-vous ?
— Je suis ton père biologique, voyons. Tu ne m'as pas reconnu ?
— Non, c'est vraiment toi ? Je te croyais mort depuis bien longtemps, mère
m'avait dit que tu étais décédé.
— J'ai réussi à survivre à ce massacre.
— Je suis content de te voir. Mais, pourquoi m'avoir enlevé alors que je suis
ton fils ?
— Il fallait que je te parle au sujet de tes sculptures, surtout celle de
l'Empereur.
— Continue.
— Tu as un talent particulier.
— Mais encore ?
— La personnalité de tes modèles, leurs souvenirs, leur esprit, tout cela se
transmet à ceux dont tu fais le portrait.
— Tu veux dire que…
— Le buste de l’Empereur est vivant. Et il sait tout ce que sait l’original.

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— Mon Dieu…
— Ta sculpture a été volée par une femme prénommée Rosa. Je peux t'aider à
la retrouver.
— Je suis d'accord. Mais elle me connaît. Elle me l'a volée, chez moi, quand
même !
— Toi, tu restes ici et tu m'attends. D'accord ?
— Oui.

Le Q.G des Prussiens

Le père de Jean partait avec ses amis pour
récupérer le buste de l'Empereur. Arrivé sur les
lieux du Q.G des Prussiens, il vit Rosa avec le
buste dans un linge. Elle essayait de le faire
taire, mais impossible.— Je ne vous laisserai
pas m'enlever, je raconterai tout à Napoléon, je
vous le dis !

Rosa était avec les Prussiens.
— Rosa !
— Oui !
— Viens dans le bureau, il faut que je te parle.
— Très bien.
Ils entrèrent dans le bureau du chef des Prussiens. Celui qui la guidait
était terrifiant.
— Bon alors, il est où ce buste ?
— Il est là, au chaud, dans ce linge.
— Sors-le s'il te plaît.
— Oui.
— Quelle beauté ! N'est-ce pas ? Aïe ! Il m'a mordu !
— Faites attention ! Ce buste est vivant !
— Oui mais je voulais juste le toucher car ceci est de l'art.
— Restez quand même à l'écart.
— Il faut le vendre au prussien !
— Oui, Monsieur.
Ils se mirent en route pour le Bon Marché. Arrivés là-bas, ils ne virent
personne. A ce moment, Jean et la garde royale sortirent de la pénombre et
attaquèrent les Prussiens.
Les Prussiens essayèrent de se sortir de ce traquenard. La garde
royale avait capturé quelques malfaiteurs. Rosa avait réussi à s’enfuir. Mais
elle fut vite rattrapée par quelques gardes.
Un choc sur le crâne envoya Jean dans les limbes. Il se réveilla, la tête
couverte d’une cagoule rose !
— Retirez-lui son capuchon, grinça une voix.

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Jean découvrit une table, une lampe à gaz sur cette table, deux types
en redingotes noires avec des gueules d’assassins assis en face de lui. Et
dans un coin, sur un trône…
— Votre Majesté ?
Napoléon III se leva, s’approcha. Son visage était machiavélique.
— Première question, commença-t-il.
Ce récit était lui aussi interrompu à cet endroit, reprenant les mêmes
propos que les précédents. Étrange... La suite des pages avait disparu…
Le manuscrit suivant s’intitulait La Malédiction .
Toujours intrigué, je poursuivis ma lecture.

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8 - La Malédiction

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Avec Mr Pineau

Mr Pineau rentrait d'une journée de cours très chargée où il avait appris
à ses élèves comment parler avec le langage des signes, à l'institut national
des jeunes sourds.

Il monta les escaliers jusqu'au 2ème étage où se trouvait son
appartement, 3ème porte à droite au n°29. En entrant chez lui, il se rendit
compte que sa fenêtre était ouverte. Il s’assura que personne n’était dissimulé
dans son appartement. En cherchant, il découvrit un message caché sous son
étagère, un message gravé dans une planche disait "Quittez cet appartement,
un malheur inconnu plane sur lui".

Mr Pineau apeuré, pensa avoir affaire à une mauvaise blague de la part
de l'un de ses amis, de ses parents ou de ses voisins qui étaient les seuls à
posséder la clé de son appartement.

Mr Pineau décida de se reposer dans son lit dans l'espoir de se réveiller
d'un vilain cauchemar. Pendant sa sieste, il fut réveillé par un fort tremblement
de terre. Il essaya tant bien que mal de rester sur ses appuis pour ne pas se
blesser. Il fut finalement renversé par son armoire qui ne cessait de se
déplacer depuis le début de cet étrange tremblement.
Il essaya de chercher une explication rationnelle à ce phénomène, mais il
pensait toujours au message découvert sous son étagère.

Deux choses se confrontaient désormais dans sa tête: ou quelqu'un de
son entourage lui faisait une belle farce, ou son appartement était vraiment
maudit.

A la fin de ce phénomène, il sortit de son appartement et alla se balader
dans un parc par ce beau temps d'été. Il se rendit très vite compte que tout le
monde le regardait, le fixait d'une manière très étrange, comme s’il avait
commis un crime et que sa tête était affichée à tous les coins de rue. Il s'assit
sur un banc. Un vieil homme l'interpella et communiqua avec lui dans un
étrange langage, un langage qui lui était familier… Au bout de quelques
instants, il se rendit compte que c'était la langue des signes ! Comment cet
homme, qui n'était pas un de ses élèves, pouvait-il connaître ce langage ?
Trop de questions tournaient dans sa tête. Le vieil homme lui disait que son
appartement était maudit. Mince ! Ce vieil homme s'était-il introduit chez lui
pour graver le message ? C’était donc sérieux ?

Il rentra chez lui en courant. Cette fois, sa porte était ouverte. Il prit un
couteau dans sa cuisine et fit un rapide tour des lieux pour vérifier. Comme
toujours, il n'y avait personne. Mais il y avait une lettre sur son lit.

Il garda espoir en se disant que cela pouvait être une blague, mais une
blague qui allait beaucoup trop loin.

Il la prit, l'ouvrit et lut le message. Et pour la seconde fois, il était écrit :
"Quittez cet appartement, sinon il vous arrivera malheur.»

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Il prit peur, sortit de son appartement et alla voir la police. Il expliqua sa
situation au sergent de ville qui le prit pour un fou. Il lui conseilla alors de
rentrer chez lui et de s'enfermer à double tour.

Une fois chez lui, il ferma et verrouilla les fenêtres et la porte à clé
comme le lui avait suggéré le sergent. Il essaya de s'endormir. Mais un bruit
mystérieux le dérangeait. Il alla dans son salon et vit un chat griffer sa fenêtre.

Il retourna dans son lit et toute la nuit il entendit le chat griffer. En se
réveillant, il y avait toujours le bruit mais le chat avait disparu. Il interrogea ses
voisins pour savoir s’ils entendaient aussi ce bruit qui résonnait maintenant
dans tout l'immeuble.

Il alla prendre l'air et effectivement ce bruit n'était présent que dans sa
tête.

Il rentra chez lui et invita un ami pour oublier tous ces événements.
Avant de partir, ils entendirent frapper à la porte. Ils allèrent regarder par le
judas mais ne virent personne. Ils pensèrent à une mauvaise blague enfantine,
mais le toc-toc continuait et à chaque fois il n'y avait personne derrière la
porte. Au bout d'un moment, Mr Pineau ouvrit la porte pour demander à la
personne mystérieuse d'arrêter de frapper.

Il y avait bien quelqu'un. C'était un grand homme cagoulé, Mr. Pineau,
inquiet, laissa l'homme s'asseoir sur son sofa et ils commencèrent à
communiquer dans le langage des signes. Il prit peur, raccompagna la
mystérieuse personne à l'extérieur de son appartement et attendit qu'il parte
pour aller dans le parc avec son ami et contempler l'éclipse totale prévue à
23h 42.

Sur le chemin, il croisa un chat mort sur la route mais pas n'importe quel
chat. Il le reconnut, c'était le chat qui griffait à sa fenêtre. Il commença à croire
que son appartement était vraiment maudit…

Il se dépêcha d'aller dans le parc pour voir cette magnifique éclipse. 23
h 42. Il était tout content de pouvoir enfin observer ce rare phénomène. Et là,
l’ombre de la Terre recouvrit la Lune.

Après avoir contemplé ce magnifique événement, il alla se coucher et
après une bonne nuit de sommeil, prit son petit déjeuner dans sa cuisine
comme tous les matins mais, cette fois-ci, la pièce était très sombre, comme si
le soleil ne l'éclairait pas et effectivement le soleil avait disparu. Il n'y avait
aucun nuage mais le ciel était tout noir et pourtant il était 11 h 23 du matin. Il
essaya de comprendre mais il n'y avait rien de compréhensible.

Vers 15 h 30, un homme sonna à la porte. C'était le même homme que
précédemment, l'homme cagoulé. Il entra une nouvelle fois dans son
appartement. Ils engagèrent une longue discussion en langage des signes
mais si l'homme connaissait cette langue, c'était forcément un de ses élèves.
Au bout d'un moment, ils commencèrent à parler gentiment mais peu à peu,
Mr. Pineau comprenait que l'homme savait que son appartement était maudit.

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Soudain, la mystérieuse personne se mit à parler avec une voix très grave et
commença à le menacer. Il le pensait coupable de cet horrible phénomène. Il
lui disait de faire revenir le soleil et l’avertissait que s’il ne revenait pas sous
soixante-douze heures, il tuerait, torturerait toute sa famille.

Le personnage braqua un Smith & Wesson sur le crâne de Mr. Pineau
qui le supplia de ne pas tirer. L'homme lui rappela qu'il ne tirerait pas sauf si le
soleil ne revenait pas sous trois jours. Mr. Pineau essaya de lui dire qu'il n'y
était pour rien mais l'homme ne voulait rien entendre et disparut telle une
apparition funèbre dans l'ombre.

Mr. Pineau retourna voir la police pour leur expliquer sa situation mais le
policier ne voulait rien entendre. Il se rendit ensuite à l'observatoire pour
demander s'il pouvait examiner le ciel. On le laissa regarder dans le télescope
et il remarqua que le soleil était toujours présent mais qu’il s'éloignait.

Il demanda à une personne nommée Camille Flammarion s’il avait déjà
vu, connu ou entendu un phénomène semblable.

Le scientifique regarda alors dans le télescope et effectivement il n'avait
jamais vu un tel événement.

Mr. Pineau sortit de l'observatoire et remarqua que la panique ne s'était
pas installée que dans sa tête. En effet, tout le monde courait dans tous les
sens. Il décida alors de retourner chez lui. Il était excédé, il voulait que toutes
ces choses anormales s'arrêtent. D'abord des gens s'incrustaient chez lui
ensuite le soleil était parti et maintenant un homme mystérieux le menaçait lui
et sa famille. C'était horrible, il avait envie de se jeter par la fenêtre mais une
chose le retenait, la peur pour sa famille, sa mère, son père, ses trois petites
sœurs et tous ses grands-parents. Si le soleil ne revenait pas, c'était la fin,
pour lui et pour tous ses proches.

Les heures passèrent et Mr. Pineau ne cessait de chercher une idée
pour se sortir lui et sa famille de ce sale pétrin. Des idées complètement
stupides comme par exemple une fusée qui irait chercher le soleil par la force
d'un aimant surpuissant mais tout est bon à inventer quand notre vie et celle
de notre famille est en jeu. Il était perdu, ne savait plus quoi faire, il était
désespéré.

Mr. Pineau alla se coucher pour oublier tout ça et pour y repenser le
lendemain. Vingt-trois heures avant la fin de l’ultimatum, quelqu'un tambourina
à la porte. Qui était-ce encore ? Un homme masqué ?

Il ouvrit la porte :
— Votre frère ne va pas bien du tout, il a reçu un coup de couteau dans
l'abdomen, dit l'homme.
— Comment quelqu'un a pu être si cruel ? Pourquoi le monde s'acharne-t-il
sur nous ?
— On a appris que quelqu'un en voulait même à toute votre famille.
— Qui a pu être si méchant avec mon frère ? Si je le retrouve, c'est la fin pour
lui, je me vengerai.

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— C'est moi son agresseur et le prochain sur la liste c'est toi !
— Non, s'il vous plaît, je n'ai jamais rien fait. Tout est contre moi ces derniers
temps."

Mr Pineau se frotta les yeux et remua ses membres ankylosés. Il s’était
endormi sur son sofa et réalisa qu’il avait fait un mauvais rêve.

Tout à coup, une personne sonna à la porte, Mr. Pineau ouvrit vite et là
un homme en robe bleue avec de belles étoiles blanches et une carte sur la
poitrine ou il était inscrit : "Robert HOUDIN".

Mr. Pineau s'exclama :
— Aide-moi Robert, il veut ma mort, il a déjà agressé mon frère.
— Calmez-vous, Pineau, mon ami ! Reprenons les choses à zéro. Que se
passe-t-il exactement ?

Mr Pineau lui fit un résumé de la situation.
— Je vois. Nous allons sortir la grosse artillerie. Suivez-moi.
— D’accord, mais où allons-nous exactement ?
— Je vous emmène dans mon théâtre. On va voir ce qu'il pourra faire contre la
magie.

Ils allèrent au théâtre, regardèrent dans la boule de cristal du magicien
et ils virent l'homme en noir en train de courir vers une trappe où il disparut
mystérieusement.

Le magicien pensa d'abord au cabinet noir qui était le cabinet secret et
personnel de Napoléon III.

Tout à coup, Robert vit la tête de Napoléon dans sa boule de cristal et il
avait l'air de le regarder et lui parler, il lui interdisait d'aider Mr. Pineau.
Et là... quelle horreur ! Un homme arriva dans la salle avec dans sa main
droite un couteau ensanglanté. Il hurlait comme s’il voulait tuer le magicien et
Mr. Pineau, d'une façon horrible. Il commença à courir en direction des deux
personnages tout en continuant à hurler. Il se jeta sur eux et là…

Ce récit était lui aussi interrompu à cet endroit. La suite des pages avait
disparu…

Le manuscrit suivant s’intitulait La Valise secrète .

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9 - La Valise secrète

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La gare

Il y a plusieurs mois, Louis le Noceur se trouvait sur
le quai de la gare de Montparnasse. Avec sa valise il
était discret et se cachait des regards. Il se dirigea vers
le guichet. Il remarqua qu’une personne l'observait et le
fixait mais il n'y prêta pas plus d'attention.

Il prit son billet et alla s'installer sur un banc à côté
du quai.

Soudain, il vit un train entrer dans la gare à toute
vitesse. Le train commença à dérailler, le convoi se disloquait dans tous les
sens. La locomotive percuta le quai.

La panique se répandit. Les gens s'affolaient, pleuraient et criaient.
Louis pensait se trouver dans un cauchemar…

Les enfants furent mis à l'abri. Le train fonça dans la gare et détruisit la
façade. Louis avec beaucoup d'imprudence s'approcha un peu trop près du
train en folie.

Il protégea sa valise. Il la tenait dans sa main droite. Mais le train lui
arracha le bras. Sa valise vola et tomba entre les voies. Louis ne le remarqua
point car il perdit connaissance. A quelques mètres de lui, certains étaient
morts et des membres étaient parsemés tout le long de la gare. Il y avait une
odeur de soufre, de charbon et de sang. Une foule se rassembla autour de lui.

Louis s’éveilla, cria à s'en égosiller : "Ma valise !" et il s'évanouit une
deuxième fois.
— Il faut l’emmener à l'Hôtel Dieu ! dit quelqu’un.

Le laboratoire d’Adolphe Morel
Il se réveilla dans une pièce qu'il ne connaissait pas. Sombre, sale,

avec des traces de sang. Il y avait des membres humains dans des bocaux.
Louis se posait des questions : Que faisait-il ici ? Pourquoi y avait-il du sang,
des membres humains et surtout où était son bras ?
Un homme se tenait à son chevet.
— Bonjour, je suis Adolphe Morel.
— Où suis-je ?
— Dans mon château, qui me sert de laboratoire.

Louis le Noceur leva le bras droit, avec bien du mal. Effaré, il se rendit
compte que son bras était un bras mécanique ! Il poussa un hurlement de
douleur.
— En quoi est fait ce bras ?
— En titane.
— Qu'est-ce ?
— C'est un matériau léger qui résiste à la corrosion. Et nous avons rajouté du
fer.

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Le bras était blanc, gris et très léger. Pour l'accrocher, il y avait un
système d'écharpe qui se nouait à l'autre bras.
— Il a été arraché par le train. Donc je n'ai pu que le remplacer.
— Pourquoi… m’avez-vous soigné ?
— Je vous ai soigné parce que je veux ce que vous avez dans votre valise !
— Comment le savez-vous ? Seulement quelques personnes ont
connaissance de cette pierre précieuse !
— Ce n'est pas qu'un minéral. A l'intérieur de ce diamant, il y a comme un
cerveau artificiel et robotique à la fois, et encore dedans une boule d'énergie si
puissante que si ce cerveau minéral ne la refroidissait pas et ne la stabilisait
pas, elle exploserait sur des kilomètres à la ronde dans Paris. Seulement, ce
cerveau est le plus intelligent et le plus puissant sur la terre. Il a formé sa
boule d'énergie dans un diamant, la pierre la plus dure qui existe. Je veux
récupérer ce diamant avant qu'il tombe entre de mauvaises mains.

Louis avait trouvé cette pierre… enfin, l’avait volée dans un temple très
ancien, venant d'un peuple oublié, qui était doté d'une intelligence surhumaine.
Ces hommes avaient sûrement disparu car leur pouvoir était trop grand. Ou ils
s’étaient entre tués. Mais une petite partie de cette énergie avait survécu : ce
diamant rouge !
— Ce diamant de 60 carats a une valeur exorbitante, reprit Morel. Mais aussi
scientifiquement. Car avec une telle énergie, nous pourrions faire exploser une
bonne partie de Paris. Aux mains des puissants, ils se feraient la guerre et ce
serait de la pure folie ! C'est pour ça qu'il faut récupérer le diamant même s'il
faut sacrifier nos vies.
— Mais c'est impossible, la valise m’a été arrachée. Je l'ai perdue à la gare,
pendant l'accident.
— C'est donc à nous de la retrouver, et j'ai une machine pour ça.

Quelques mètres vers la gauche, il retira un drap. Une boussole géante
était posée sur une table de bois. Faite de métaux et de bois lisse, elle brillait
de mille feux.
— Il nous faut une carte de la ville quadrillée et aussi enclencher son
mécanisme en montant une petite aiguille pour montrer la puissance de
l'énergie à l'objet que l'on veut chercher pour que la boussole nous donne la
position du diamant et son déplacement.

Louis n’avait pas tout compris. Cela n’empêcha pas Morel de se lancer
dans sa manipulation. L'aiguille de la boussole tourna à toute vitesse,
devenant brillante comme le soleil, émettant un sifflement strident et
diabolique. Soudain, elle s'arrêta net indiquant cet endroit précis sur la carte,
avec un point rouge qui par moment, bougeait !
— La position de la valise est 48°50'17''N 2°19'34.
— Mais c'est dans le cimetière Montparnasse ?
— Oui et en plus le point rouge s'est arrêté.

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— Han ! Mais en plus ce soir c'est l'éclipse totale de lune, c'est là que le
diamant sera le plus puissant. Je ne sais pas ce qui se passera, mais le
diamant réagit et s'illumine dans ces cas-là. Il faut donc le récupérer avant.

Louis et le scientifique partirent d’un bon pas vers le cimetière. Il faisait
noir. Ils croisèrent quelques gens ivres qui n'inspiraient pas confiance.

D'un coup la lune disparut. La valise était cachée sous une dalle au
milieu de la place du cimetière. Quand Louis voulut l'attraper avec son bras
robotisé, le bras se retira brusquement et Louis tomba. Le bras devint très
lourd et Louis ne put pas se relever. Le scientifique fit retentir un rire maléfique
et moqueur.
— Ha ha ha ha ! Tu m'as fait confiance mais tu n'aurais pas dû. Maintenant, tu
feras ce que je te dis sinon, tu peux dire adieu à ton bras mécanique et au
diamant rouge !

Louis tenta d'arracher son bras en vain. Sa main s’avançait vers sa
gorge pour la serrer. Il tenta de la stopper mais elle était trop forte.
— Je ferai ce que vous voulez. Mais rendez-moi ma valise et le contrôle de
mon bras.
— Je te rendrai le contrôle de ton bras si tu vas me chercher la canne et la
couronne de Napoléon III dans son cabinet noir.
— Mais où est son cabinet et pourquoi sa canne et sa couronne ? A quoi cela
vous servirait ?
— Son cabinet est dans une calèche assez discrète mais très bien protégée
qui se balade dans Paris.

Louis chercha donc dans tous Paris, la certaine "calèche" de Napoléon
III. Au bout de deux jours de recherches sans relâche, Louis décida d’arpenter
les rues les moins fréquentées. Après deux heures il trouva une calèche avec
cinq gardes dans les parages. Cela lui parut bizarre il décida donc d'aller voir
dans la calèche. Discrètement, il attendit que la calèche s'arrête à une petite
auberge, pour ramper jusqu'à un buisson à quelques mètres de la calèche. La
nuit tomba. Louis le Noceur ouvrit la porte de la calèche, s'y dissimula en
refermant soigneusement la porte sur lui.
Dedans il, vit la canne et la couronne en or de Napoléon III. Un garde le
surprit. Louis se débattit et mit le soldat à terre. Entre temps, les autres gardes
arrivèrent à son secours et Louis succomba sous le nombre. Ils le capturèrent
et l'emmenèrent devant Napoléon III qui lui dit :
— Pourquoi as-tu essayé de voler ma couronne et ma canne dans ma
calèche?
Louis admirait les beaux murs bordés d'arabesque et de feuilles dorées. Il ne
répondit pas. Napoléon III commença à s'énerver.

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— Je vais t'enfermer dans une prison éloignée de toute civilisation ! Personne
n'en connaît l'existence et tu y pourriras dedans comme tous mes ennemis
jurés !

Les gardes le jetèrent dans une calèche avec des grands barreaux. Ils
lui avaient détaché les mains. La calèche s’élança.

Louis remarqua que les barreaux étaient très écartés. Il passa son bras,
sa tête, son buste puis ses jambes. Il tomba à la renverse Il était libre ! Il
courut le plus vite possible.

Il alla voir le scientifique qui lui dit de repartir voler à nouveau la
couronne et la canne de Napoléon III. Dépité, Louis partit se cacha dans une
rue de Paris où les policiers ne se risquaient pas. Au bout d'un certain temps, il
se réfugia dans un café louche pour reprendre des forces. Il y avait une odeur
nauséabonde, c'était sale et immonde, comme la clientèle. Le café n'avait
même pas de goût, mais il était chaud et Louis le noceur le but tout entier.
Il sortit du café. Il se baladait près du palais quand les gardes le reconnurent et
le poursuivirent. Un choc sur le crâne envoya Louis dans les limbes. Il se
réveilla, la tête couverte d’une cagoule blanche.
— Retirez-lui son capuchon, grinça une voix.
Louis le Noceur découvrit une table, une lampe à gaz sur cette table, deux
types en redingotes noires avec des gueules d’assassins assis en face de lui.
Et dans un coin, sur un trône…
— Votre Majesté ?
Napoléon III se leva, s’approcha. Son visage était machiavélique.
— Première question, commença-t-il.

Ce récit était lui aussi interrompu à cet endroit. La suite des pages avait
disparu…

Le livre suivant s’intitulait Le Sculpteur fou.

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10 - Le Sculpteur fou

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L’atelier de Nadar

— Tu ne bouges plus, mon petit Christian. Pas un cil. Pas
un muscle. Rien, dit Nadar.
— D'accord, j'ai compris mais combien de temps cela
prendra-t-il ?
— Je t'ai dit de ne pas parler. A partir de... maintenant !

Nadar retira le cache de l'objectif, s'assit et s'alluma
un cigare.

Christian ne bougeait plus et le fixait.
— Il ne peut pas arrêter de fumer, celui-là ? Je ne suis pas venu pour me
prendre des bouffées de fumée dans la figure, je suis juste venu pour obtenir
une photo de moi qui me permettra de sculpter mon portrait.
— Tu m'as l'air drôlement énervé, mon petit Christian.
— Non ne t'inquiète pas, c'est juste la fumée qui me monte à la tête.
— Malédiction !

Nadar écrasa son cigare sous sa botte.
— TU... AS... bougé ! ! !
— Je suis vraiment désolé, excuse-moi ! Peut-on la refaire ?
« Il m'agace à crier comme un fou ! »
— Non ! J'ai d'autres chats à fouetter ! Ouste ! Dehors, les sujets épileptiques !
— Puisque c'est comme ça je le ferai moi-même mon portrait.

Christian s'en alla et claqua la porte d'un coup si fort qu'il fit tomber
l'énorme appareil de Nadar.

Christian alla dans son atelier, chez lui, acheta quelques provisions et
se posa sur une chaise pour faire son autoportrait.
— Et si je prenais un miroir ?
Trois heures après avoir commencé son portrait il perdit patience. Il déchira
son brouillon, cassa son crayon et dit :
— J'en ai marre ! Puisque c'est comme ça, je vais demander à Hervé de me
décrire !

L’atelier de l’ami peintre
Il partit alors voir son ami d'enfance, Hervé, pour lui demander des

détails sur son apparence.
Hervé était en train d'arroser ses plantes quand il fut surpris par l'arrivée

de Christian.
— Peux-tu me décrire physiquement ? Tu me trouves comment ? Dépêche-toi,
s'il te plaît.
— Tu es indescriptible, mon vieux. Mais pourquoi es-tu si pressé ?
— Je vais t'expliquer...

Christian avala une gorgée d'eau :

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— En fait, je veux prouver à Nadar que la peinture peut être parfois meilleure
que la photographie.
— Et tu voudrais que je fasse ton portrait ?
— Oui, tu as tout compris !
— Pourquoi pas, mon grand ! Mais, tu es un artiste. Tu es fauché. Comment
vais-je manger ?
— ...
— Je vois. T'as rien à répondre. T'es vraiment désespéré. Je vais te le faire
ton portrait. A charge de revanche. Quand tu seras connu, tu me devras un
service.
— D'accord, si tu veux.

Christian et Hervé passèrent toute l'après-midi à réaliser le portrait.
La nuit tomba. Une éclipse totale était attendue.

Vers 17 heures, Hervé et Christian allèrent au jardin des plantes pour
contempler les animaux.
— Ah, Quel beau paysage !
Hervé alla acheter une bouteille d'eau et Christian resta à côté de l'enclos des
loups.

Mais d'un coup il fit tomber sa montre dans l'enclos.
— Mince!

Christian tendit son bras pour rattraper sa montre.
Mais un loup courut alors vers lui et lui mordit la main.
— Ah ! Juste ciel !
Hervé courut alors vers Christian avec de l'eau.
— Qu'est-ce qu'il y a Christian ?
— Non, rien ne t'inquiète pas, c'est juste une égratignure, tout va bien.

Christian et Hervé retournèrent donc dans la maison d’Hervé pour
peaufiner et finir le portrait. Puis ils se reposèrent.

Plus tard, Christian perdit la raison. Il déchira le portrait, cria et réveilla
tout le quartier et surtout Hervé.

Sa peau commença à s'étirer et il cria encore une fois avec une voix
plus grave que d'habitude.
— Mais... Tu es fou ?

Christian cria encore une fois et se dirigea vers la cuisine. Il fixa Hervé
d'un air froid.
— Calme-toi mon vieux. Et pose ce couteau.
Christian se jeta sur Hervé et cria :
— Tu es foutu, mon gars !
— Tu vas mourir, mon grand !

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La peau de Christian commença à devenir grise et il criait de plus en
plus fort. Une queue prolongea sa colonne vertébrale et elle grandissait petit à
petit. Il se transformait en bête immonde.

Hervé alla donc se réfugier dans la chambre au premier étage. Il
entendit alors:
— J'arrive !

Il avait mis des meubles pour barrer le passage et essayer de résister.
Mais Christian parvint à forcer les meubles et la porte.

Il griffa sauvagement la jambe de Hervé puis le bras, Hervé avait beau
se débattre cela ne servait à rien !

Hervé était au sol et Christian en profita pour l'éventrer et commencer à
le dévorer.

L'éclipse se finit et Christian redevint un humain.
Il se réveilla en plein milieu d’une pièce… d’un carnage !
— Aie.... qu'est-ce qu'il vient de se passer ?
Christian vit le corps d’Hervé décapité.
Il se rendit au commissariat pour signaler le meurtre.

— Bonjour.
— Bonjour, quel bon vent vous amène ?
— Je me suis réveillé dans la chambre de mon ami d'enfance, Hervé. Et j'ai
trouvé son corps décapité et des traces de griffes.
— Quelle horreur ! Et vous m'annoncez cela avec un tel calme...
— Non, mais je suis sous le choc monsieur !
— Mais... c'est quoi cette trace sur votre poignet ? On dirait... du sang ?
— Euh .... je ne sais pas monsieur, peut-être ai-je fait de la cuisine ?
— Ça me paraît louche. Brigadier !
— Oui, commissaire.

Hervé se releva d'un coup sec de sa chaise et cria alors :
— Vous ne m'aurez jamais !

Il ouvrit la porte se faufila dans la foule et alla se cacher dans le parc. Il
était 20 h 30.

Le commissaire et le brigadier coururent à sa poursuite.
Après s'être caché deux heures dans le parc, Christian en sortit pour se
rendre chez lui.
— Allez chercher des renforts, brigadier, il s’est dirigé vers le parc.
— Très bien, chef.
Le brigadier alla chercher d'autres policiers et la poursuite commença.
Christian avait beau courir de toutes ses forces mais cela ne servait à
rien.
Il se réfugia alors dans une maison dont il cassa une fenêtre à l'aide
d'un marteau qu'il avait trouvé à l’extérieur.

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La police fît sortir l'occupant et lança l'assaut. Il était 23 h 50.
Les policiers firent une entrée et ils entendirent Christian hurler.
— C'est quoi ça ? Vociféra le brigadier.
Christian hurlait de plus en plus fort et commençait à avoir une queue et
des griffes.
— Juste ciel ! Que se passe-t-il ? Cria le commissaire.
Christian saisit le commissaire et le jeta du haut de l'escalier sur les
autres policiers. Puis il se jeta sur eux.
Les autres prirent la fuite et Christian sortit de la maison en proférant
des sons terrifiants.

Le commissaire de la brigade, rétabli, organisa une chasse au monstre
dans Paris. Dans la journée toutes les équipes se préparèrent pour pouvoir
capturer la bête. Après trois heures de recherche, on découvrit enfin une
empreinte de la créature inconnue.
— La bête a été vue dans le parc des Buttes-Chaumont ! Suivez-moi !

Les équipes partirent à la recherche de la bête qui avait été aperçue
vers le parc. Ils virent sur le toit d'une maison dans Paris une silhouette
énorme.

Les alertes tombaient.
— Les gars, il faut vous mettre en garde : la bête a mangé un ramoneur sur
les toits de Paris. Prenez garde ! avertit le commissaire.
— Et il a recraché son hérisson ? demanda un boute-en-train.
— Vous en êtes sûr ?
— Poisson d'avril ! Ah ah ah ah ah ah !

Alors un brigadier monta sur les toits de Paris à la recherche du
hérisson.

Christian courait sur les toits, un goût de sang dans la bouche, quand
un choc sur son crâne l’envoya dans les limbes. Il se réveilla, la tête couverte
d’une cagoule verte.
— Retirez-lui son capuchon, grinça une voix.

Christian, qui avait repris forme humaine, découvrit une table, une
lampe à gaz sur cette table, deux types en redingotes noires avec des gueules
d’assassins assis en face de lui. Et dans un coin, sur un trône…
— Votre Majesté ?

Napoléon III se leva, s’approcha. Son visage était machiavélique.
— Première question, commença-t-il...

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Enquête intermédiaire

Livre 1

Je ne savais pas quoi penser des textes que je
venais de lire. Dix feuilletons inédits et totalement
rocambolesques, rappelant ou annonçant Jules Verne,
Alexandre Dumas, Maurice Renard, Mary Shelley, etc.

Qui les avait écrits ? Avaient-ils été publiés ? Et qui
étaient ces hommes en noir, ces redingotes, qui
apparaissaient tout à coup ? De plus, les histoires
s’arrêtaient d’une manière abrupte.
Mais s’arrêtaient-elles vraiment ? Car un marque-page était glissé dans
chaque production, une langue de papier jaunie sur laquelle était écrit un mot
suivi de l’invitation suivante : « Si tu veux poursuivre, trouve-moi là-bas. »
Là-bas…
Et s’il s’agissait de l’endroit où se situait le cœur de l’action ?
Le premier mot ?
Phylactère.
Le lieu ?
L’Opéra.
Je décidais de m’y rendre.
— Mais poursuivre ... poursuivre quoi ? L'enquête ? Qu’allais-je donc trouver…
là-bas ?
En arrivant je découvris que l'Opéra était fermé. Je revins le lendemain,
un billet d'opéra à la main. Je pus donc entrer au sein du bâtiment pour aller
voir la Flûte enchantée. Au lieu de pénétrer dans la salle, je me rendis au
sous-sol. Il y avait une trappe protégée par une grande grille en acier avec un
vieux cadenas rouillé par l'âge. En dessous, un lac souterrain par lequel, dans
le récit, le fantôme aurait fui.
Il me fallait trouver un moyen d'accéder au lac artificiel. Pendant un long
quart d'heure je cherchais dans la pénombre avant de trouver un petit marteau
qui me servit à casser le cadenas.
C'est alors que j'entendis un technicien descendre les escaliers. Je me
jetai dans la trappe et refermai la grille. J'avais pensé à prendre une lampe
torche. Mais en la sortant de ma poche ...
— Flûte !
Je la fis tomber dans l'eau. Le faisceau lumineux s'éteignit en un flash.
Cela m'avait quand même laissé le temps d'apercevoir une grande masse
noire flottant non loin d'ici. J'avais repéré son emplacement. A tâtons, je me
rendis jusqu'à elle. C’était creux et je me rendis compte que c'était une barque.

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Celle du prétendu fantôme ? Je montai dedans car je ne voyais plus où aller.
Je saisis les rames et avançai sur les flots, guidé par mon instinct. Au bout
d'un moment, je sentis quelque chose heurter ma barque. Je n'avançais plus.
C'était une plate-forme Je trouvai une échelle que je gravis. Arrivé en haut, je
découvris qu'elle menait au Louvre. Le phylactère était-il caché dans un
tableau depuis tout ce temps ?

Bien plus tard, je me retrouvais sous la Pyramide en verre inspirée de
Louis Ernest Lheureux. Je pensais avoir trouvé ce que je cherchais : une
sculpture allemande du XVème siècle montrant un ange tenant un phylactère.
Elle venait de Nuremberg. Et juste derrière, dans une cachette, la suite des
aventures D’Eugène Hugle ! Hourra !

Livre 2

Je décidais de m’attaquer à la deuxième énigme.
Elle associait le mot rébus et la Bibliothèque Nationale.
Mais avant, je baguenaudai.

Je suis allé dans la forêt linéaire à Paris chercher
des roses bleues qui servent à concocter des remèdes
contre la grippe. Je marchais tranquillement lorsque je vis
des inscriptions gravées sur des chênes. Je me dis, à cet
instant, que c'étaient probablement des indications pour
les marcheurs, alors, je suivis les marques étranges. Mais il était impossible de
trouver ces fameuses roses bleues.
Après quelques heures de marche, je tombai sur une boîte, une boîte
en pierre toute grise et vieille où il était marqué "10". Je la pris et me dis que
j'allais l'ouvrir plus tard.
Après avoir trouvé mes roses, je retournai à mon laboratoire et je
ressortis cette mystérieuse boîte. Je me demandais pourquoi personne ne
l'avait trouvée auparavant. Il n'y avait aucune ouverture, c'était juste une pierre
avec gravé dessus : "10". Mais je savais qu'elle était creuse et qu'elle
contenait quelque chose. Je pris donc ma masse et je la frappai.
La boîte se fractura en petits morceaux. A l’intérieur il y avait un tout
petit papier contenant un seul mot : "Rébus".
Je me posais des questions, les heures passaient mais aucune idée ne
me vint en tête. Alors je me dit que le papier correspondait peut-être à un livre,
un musée voire une musique. Je me rappelais qu’il y avait une exposition au
musée du Louvre, consacrée au rébus qui ouvrait le jour-même. Était-ce une
coïncidence ?
Je me rendis directement au Louvre. Je réfléchis au mot rébus et je me
rendis compte que les tableaux étaient tous alignés à la même hauteur :
« Rébus, mais oui, je sais, les tableaux vont former une phrase ou quelque
chose comme ça. Va, halle, anse, hyène, bee, b'lit, eau, thé k', na, scie, eau,

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na, l ! Va à l'ancienne bibliothèque nationale… mais oui ! C'était bien une
phrase ! »

Je courus pour regagner directement l'ancienne bibliothèque. Je me dis
que des livres, au moins vingt, correspondaient au mot rébus. J’observais tout
avec attention. Les peintures au-dessus des énormes étagères m'intriguaient.
Des arbres, pourquoi des arbres dans une bibliothèque ? Je décidai de les
observer de plus près.

Des ginkgos bilobas...
Et là… je découvris un manuscrit entre deux livres sur les ginkgos ... Je
tenais la suite de la deuxième histoire.

Livre 3

Je marchais désormais devant la cathédrale Notre-
Dame et l'observai un moment2. Quelque chose me
perturbait. Mais quoi ? Une fois dans ce monument, je
décidai d'entrer dans le confessionnal. Là, je m'assis et
interrogeai mon interlocuteur :
— Bonsoir, mon père.
— Bonsoir, mon fils.
— Un message caché dans un livre m'a mené jusqu'à
cette cathédrale.
— Quel mystère !
— Connaissiez-vous un certain Gribouille qui devait sûrement vivre ici dans
les années 1870 ?
— Gribouille... Gribouille...Cela me revient... Gribouille... Vous devriez
demander à notre bedeau ou à notre sonneur de cloches.
— Eh bien, merci mon père, j'y vais de ce pas.
Je sortis du confessionnal et me dirigeai vers les escaliers qui menaient
au clocher. Je croisai le bedeau qui m’orienta. Là-haut je trouvai un homme
très âgé, assis sur une chaise, qui somnolait.
— Bonsoir, pouvez-vous m'aider ?
— Que... Quoi ! Qui est là ? sursauta-t-il
— Excusez-moi, je pensais que vous m'aviez entendu arriver. Je cherche des
informations sur un certain Gribouille. Le prêtre m'a dit que vous pouviez
m'aider.
— Gribouille ! Ce sacré Gribouille !
— Qu'a-t-il fait ?
— Des dessins. Des gribouillis. Dans la forêt ! Oui ! Dans la forêt ! Juste au-
dessus !

2 Le fait que le narrateur explore la forêt de Notre-Dame nous permet de dater son enquête.
Elle s’est forcément déroulée avant l’incendie de 2019. Ouf ! Il a trouvé l’étui avant la
catastrophe !

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— Mais qui était ce délinquant ?
— On s'en fiche. Faut que je sonne les complies. Bouchez-vous les oreilles.

Je portais les mains à mes oreilles au moment où le bruit de la cloche
retentit. Je me retournai pour escalader la charpente jusqu'en haut. Je faillis
tomber mais me rattrapai de justesse à une poutre érodée. En me tractant
pour remonter, j'aperçus un gribouillis à ma gauche. Je rampai jusqu'à ce
dessin et l'examinai un moment sans en comprendre le sens. Un mélange de
lettres, de chiffres et de symboles incompréhensibles. Je voulus descendre un
peu plus bas pour l'observer quand je trébuchai sur un bout de bois arraché à
la poutre. Je me rattrapai in extremis, cette fois-ci la tête en bas, quand je vis
le gribouillis sous un autre angle : « Trouve la gargouille sans tête et tu
trouveras... »

Une gargouille sans tête ? J’interrogeai le bedeau. Il y avait bien une
gargouille sans tête en haut de la tour nord, près de la terrasse panoramique.

Je me mêlai aux touristes, identifiai la gargouille, glissai la main dedans,
tirai un étui en plomb. Et dans l’étui, je vous le donne en mille !...

Livre 4

Galvanisé, je me lançai à la recherche du quatrième
manuscrit.Le mot ? Composer.

Le lieu ? La morgue.
J’étais bien avancé…
Je partis chercher la suite de ma fabuleuse découverte
vers 18h en passant par l’avenue de France.
— La morgue est fermée, m'annonça le gardien d'une voix
d'outre-tombe.
— Vous ne pouvez pas comprendre !
— Comment ça, je ne peux pas comprendre ?
— C'est une très longue histoire mais j'ai vraiment besoin d'entrer !
— Malheureusement, si je ne connais pas la raison de votre venue je ne peux
point vous laisser l'accès. Alors bonne soirée à vous.
Et la porte se referma.
Sans dire un mot, je partis au café d'à côté pour commencer à
composer une symphonie.
J'eus même le temps de lui trouver un titre. "Faust".

Je revins devant la porte. Personne aux alentours… J’entrai dans la
morgue.

La salle était vide et silencieuse. Elle me donnait la chair de poule. Une
odeur désagréable commença à se faire sentir.

Je fouillai sans réfléchir. Après avoir mis le désordre dans tous les

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AE38, cote d'alerte à la BNF

recoins de la salle, je me rendis compte de la présence d'une caméra.
Le souffle coupé, j'avais du mal à respirer.
Grand comme j'étais, j'eus la possibilité de l'atteindre et de retirer la

petite carte mémoire.
Je remis le matériel en place et rentrai chez moi. Malgré ma fatigue

mais avec ma détermination, je pris mon ordinateur et j'y insérai la carte
mémoire.

Une tête de mort s'afficha sur mon écran d'accueil. Puis, un texte illustré
de gravures fantastiques. La suite des aventures de Mr Perrier ! J’avais le
quatrième texte. Il n’était pas encore l’heure de se coucher. Je partis à la
recherche du cinquième.

Livre 5

Le mot ? Tracé. Le lieu ? Les catacombes… Brrr.
J’en avais froid dans le dos !

J'arrivai à une dizaine de mètres des catacombes,
et sur le sol, je vis une ligne tracée en pointillé : la file
d'attente. Une heure plus tard, je n'étais toujours pas
entré.

Deux heures plus tard, je commençais à
m'impatienter.
J’entrai enfin dans les catacombes.
Ce lieu me semblait sordide mais finalement me parut plutôt agréable. Il
faisait un peu frais à mon goût. J'en avais presque la chair de poule.
Au niveau d'un embranchement, je vis une sorte de tracé rouge sur le
sol mais le tracé n'allait pas dans la direction habituelle pour la visite. Je le
suivis.
Au bout du chemin j'aperçus une porte fermée avec une énigme à
résoudre. « Qu'est-ce qui a quatre pattes le matin, deux pattes le midi et trois
pattes le soir ? ». Donc je cherchais partout entre les squelettes et les os. Mais
cette énigme était très simple. Je retournais à la porte et criais : " L'HOMME !".
Je retins ma respiration quatre petites minutes et là... La porte s'ouvrit et une

9

nouvelle porte se trouvait devant moi avec une équation ! " (8x 3 -7)
x65=ae38 ".

C'était la même équation que j'avais dû résoudre le jour de l'épreuve du
BAC. Il me suffit de souffler la solution...La dernière porte s’ouvrit. Ouf !
Le cinquième manuscrit m’attendait, posé sur un lutrin. Je rentrai chez moi.

J’en avais assez fait pour aujourd’hui.

Livre 6
Le lendemain. Encore un pied dans un rêve étrange dans lequel se

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AE38, cote d'alerte à la BNF

mêlaient des personnages de fiction en pagaille et la réalité, terne, de mon
quotidien.
Une menace planait, aussi. Étrange et inquiétante.

Au dos du sixième mot (Cursif) était inscrite une
adresse : « Passage des Panoramas, 75002 Paris » et
« Musée Grévin ».

J'étais interloqué mais mon instinct m'ordonnait de
m'y rendre. Je gagnais promptement le lieu indiqué.

Le grand édifice m'intimidait mais je me rendis à
l'entrée. Celle-ci était parée d'une imposante plaque en or
et en dessous était joliment écrit : « Cabinet fantastique.
Palais des mirages » Cette drôle d'entrée ressemblait à un chapiteau bien
animé !
Une foule incommensurable attendait pour pouvoir pénétrer à l’intérieur.
Tous avaient l'air excité de pouvoir accéder à ce lieu magique. Soudainement,
un homme m’interpella.
— Bonjour monsieur, puis-je vous aider ?
— Oui, j'ai reçu une lettre où était indiquée votre adresse...
— Une lettre ? Je vais voir mon patron...
Pendant que j'attendais, je pus admirer le magnifique décor si spécial…
Toutes ces statues qui ressemblaient tellement à de vraies personnalités me
troublaient et me fascinaient. Je ne savais pas trop quoi en penser.
Une jeune femme arriva sur ses talons hauts. Elle me regarda de ses
yeux perçants.
— Que voulez-vous ? dit-elle en m'examinant de la tête aux pieds.
— Bonjour, je suis venu ici car j'ai trouvé cette étrange lettre....
— Oh ! Et quel en était le sujet ? dit-elle sur un ton mi-agacé mi-narquois.
— Une histoire mentionnant Hugo et sa petite amie Camille.
— Camille...
La femme réfléchit un instant avant de me dire sur un ton solennel :
— Suivez-moi.
Sur le chemin, un nombre incalculable de personnes se retournait vers
moi.
Plus on avançait, plus le chemin était étrange. Nous arrivâmes dans
une sombre pièce où était simplement posée une boîte, une toute petite boîte.
— Tenez, c'est pour vous. Vous êtes l'élu. Prenez en soin, je vous fais
confiance.
Sa voix était soudainement plus mielleuse qu'à l'entrée. Je me
demandais si cette boîte n'avait pas une importance au-delà de ce que je
pensais...
Cette jolie boîte était ornée d’abeilles argentées. Et, à l'intérieur se
trouvait la suite de cette fabuleuse histoire entre Camille et Hugo.

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AE38, cote d'alerte à la BNF

Quelle chance ! Je la fourrais au fonds de ma besace et sortis le
sixième papier : Arabesque et Bon Marché. Et allez hop ! J’étais bon pour
retraverser la Seine…

Livre 7

Une fois arrivé sur la place du Bon Marché, cette
cathédrale du commerce moderne, je remarquais que le
buste décrit dans la fiction était toujours à sa place avec
cette belle arabesque sur le cœur. Je décidai de l'inspecter.
— Monsieur ! Vous faites quoi, là ?

Un vigile venait de m'aborder.
— Euh...Rien !
— Prenez-moi pour une dinde aussi !
— Bon ! Je suis là car je viens de découvrir une histoire, dont je ne connais
pas la fin, qui se serait déroulée au 19ème siècle quand Napoléon III était
Empereur. Donc, en examinant son portrait, je voulais trouver des indices sur
cette histoire.
— Bon d'accord, mais faites attention aux autres qui ne seront pas aussi
gentils que moi. D'ailleurs, il faut que je vous dise un truc.
— Quel truc ?
— Ce buste, c'est une copie. L'original est dans le bureau du directeur.
— Merci de cette information. Serait-il possible de voir l’original ?
— Vous rêvez, mon vieux !
— Mais pourquoi ?
— J'ai autre chose à faire. Ne vous avisez pas d'essayer d’entrer dans le
bureau du chef. Sinon, j'appelle la police.
Sur ce, le vigile s'éloigna.
Comment allais-je parvenir à voir ce buste ? Je décidai de me déguiser
en vigile. Je pris une massue et assommai le vigile pour lui prendre ses
affaires. Mais je n’étais pas musclé comme lui. J’étais un grand gringalet qui
craquait de partout. En plus, j’avais oublié les clés sur le vigile.
— Saperlipopette ! Comment ai-je pu les oublier ?
Je retournai les prendre et gagnai le bureau du chef. Coup de chance, il
n'y avait personne. J’inspectai le buste. En le regardant de plus près, je vis
une trappe. Je l'ouvris. A l’intérieur... le manuscrit!
Je sortis du Bon Marché en jurant sur la tête de mon chien que je ne
frapperais plus personne. Il était sympa, ce vigile, en plus !

Livre 8

Chez moi, je me demandais comment trouver une nouvelle suite à cette
histoire, s'il y en avait une. Curieusement, mon chien Rex, depuis que j’avais

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AE38, cote d'alerte à la BNF

emménagé dans cet appartement, ne cessait de renifler dans un coin de la
cuisine. J'eus l’idée insensée de défoncer le carrelage. Rex ne reniflait pas
n'importe quoi. En effet, il y avait, sous ce carrelage, une carte et plus
précisément un plan de Paris. Au-dessus du plan était écrite une phrase
comme codée avec des signes étranges.

Je me rappelai un récit qui était dans les derniers textes
d’AE-38 que j'avais lus. Je reconnus vite le langage des
signes pour les sourds et muets mais ne savais pas le
déchiffrer. Je courus chez le concierge de mon immeuble
car je savais qu'il avait appris le langage des signes bien
qu'il ne soit ni sourd, ni muet. Je lui présentai le texte
présent sur la carte et le concierge me le traduisit.

Il était écrit : "Dix lieux reliés ramènent à dix suites
cachées".

Je remerciai le concierge et rentrai chez moi pour essayer de trouver la
solution.

J’essayai quelque chose. Je reliai les dix lieux de Paris présentés dans
les dix histoires que j'avais lues. Ces dix lieux ainsi reliés sur la carte
convergeaient vers un endroit précis.

Je me rendis à cet endroit mais ne vis rien. Je regardais autour de moi
et je remarquai une inscription gravée sur un lampadaire. "2°E,45°N". Peut-
être le lieu où se trouvait la suite de la huitième histoire ? Sur mon téléphone
je localisai le lieu inconnu : la ville de Grans, dans le sud de la France..
— Eh bien, y a plus qu’à !

Je pris ma voiture, partis à Grans, exactement à l'emplacement donné
grâce aux coordonnées GPS.

Il n'y avait rien, sauf un cercle de terre. Je me procurai une pelle à la
boutique la plus proche puis je me mis à creuser la terre. Finalement, je
trouvai un vieux manuscrit de plusieurs pages où était inscrit : "Maintenant que
tu m'as trouvé, lis-moi vite avant de te coucher" puis un texte qui semblait être
la suite de l’histoire de Mr Pineau,car sur la première page étaient indiqués le
nom du personnage et le lieu de son histoire.

Je remontai à Paris. J’avais laissé Rex tout seul. Il devait avoir envie de
sortir, le pauvre…

Livre 9

Je dormis comme une souche. A peine réveillé, je partis à la recherche
de la neuvième histoire. Il me tardait d’avoir tout trouvé !

Coquille et la gare Montparnasse…
Cette fois, j’emmenai Rex.
— Allez, le chien !

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AE38, cote d'alerte à la BNF

« Le train à destination de Bordeaux partira de la voie 15.
Je répète, le train à destination de Bordeaux partira de la
voie 15. Que les passagers se préparent à monter dans le
TGV n°58942 à destination de Bordeaux voie 15, départ
dans une minute. »

Je levai la tête. Il était écrit : « Gare Montparnasse » en
grandes lettres, entouré de coquilles de couleur. Des
coquilles…
Une voix énervée me parvint depuis le kiosque à journaux.
- Posez ce magazine !
Un homme, habillé comme au siècle dernier, griffonnait un dessin sur
une page. Il barrait nerveusement les coquilles, les erreurs dans le
journal. L'homme reposa le journal et s'éloigna d'un pas vif. Son comportement
étrange m’alerta.
Je le poursuivis et lui demandai :
— Pourquoi êtes-vous habillé ainsi ? Que faisiez-vous avec ce journal ?
— Laissez-moi tranquille !
— Pourquoi ?
— Je vous dis de me laisser tranquille !
— Répondez-moi !
— Jamais !
Il échappa à ma poigne et se fondit dans la foule. Même s'il avait de
l'avance, j’étais plus agile et plus rapide. Je bousculai les passants.
D'un coup, j’attrapai l'homme et le fit tomber à terre. Les passants me
regardaient, ahuris. Je le menaçai. Il se débattait et ne répondait à aucune de
mes questions. La police arriva et je laissai ma victime à bout de forces. J’eus
quand même le temps de prendre le manuscrit glissé dans sa redingote.
Dire que j’avais décidé de ne plus me battre…

Livre 10

J’arrivai au bout de mon aventure. Logogramme.
Atelier de Nadar. Le dernier indice.

Prenant alors mon mobile, je recherchai sur internet :
"musée d'Orsay, atelier de Nadar ». C’était bien là que
résidait la clé de toute cette histoire...j’en étais persuadé. Je
partis vers le musée d'Orsay en prenant ma voiture
connectée. Je mis la radio pour me détendre. Un petit air de
Rossini emplit l’habitacle. Je songeai au mot logogramme,
me demandant à quoi il pourrait bien me servir.
Arrivé au musée, je franchis l’entrée monumentale, sous la Porte de
l'enfer de Rodin. Sur un des murs de l'exposition, je découvris un étrange

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AE38, cote d'alerte à la BNF

logogramme peint en rouge qui semblait indiquer un autre endroit du musée.
En effet, il comportait des signes très bizarres et on pouvait distinguer une
sorte de poubelle et un tableau tout rouge qui paraissait représenter une salle
du musée.

Cela ne pouvait pas être un hasard… en son temps, au n°35 boulevard
des Capucines, Nadar avait fait en sorte que la façade soit entièrement vitrée
et que les menuiseries soient peintes en rouge, sa couleur fétiche. Il avait fait
installer par Antoine Lumière la première enseigne lumineuse de Paris. Outre
l’enseigne et la charpente métallique rouge, les salons étaient également
décorés en rouge. Nadar lui-même portait une vareuse rouge !

Je parvins à trouver la salle curieusement consacrée au peintre Yves
Klein et à ses peintures monochromes. Je réussis à découvrir au centre d’un
tableau rouge un point blanc que je pressai et qui me permit de déclencher un
ressort caché : une boite surgit de sous la poubelle. Une clé USB s’y trouvait.

Je rentrai chez moi et je consultais le contenu de cette clé. Dans un
fichier crypté, un nouveau logogramme décrivait la porte de ma maison. Je
cliquai sur le logo et...l’écran s’éteignit… Soudain, l’obscurité envahit mon
bureau. Un air glacial me fit frissonner...

On sonna à la porte. Je me cognai aux meubles. J'ouvris. Un rayon de
lumière... Personne. Seul un paquet posé au sol. Un envoi anonyme.
Il contenait la suite du texte !

Je commençai alors ma lecture...intrigué par tout ce mystère...

Je découvris, stupéfait, que les dix suites de textes comportaient des
similitudes incroyables : elles se présentaient sous la forme de dix
interrogatoires numérotés s’étant déroulés dans un effrayant cabinet noir…

Cabinet noir
Interrogatoire 01
N désigne l’Aigle, P le personnage interrogé.

N : Si vous voulez sortir d’ici vivant, répondez à toutes mes questions...
Compris ?
P : Bien je vous écoute. Pourquoi suis-je donc ici ?
N : C’est moi qui pose les questions.
P : Bien, allez y, je suis prêt.
N : Nom ! Prénom !
P : Hugle Eugène, simple chanteur d'opéra.
N : Racontez-moi un souvenir. D’enfance, d’adolescence, d’âge adulte, peu
importe. Je vous écoute.
P : A quoi cela va-t-il servir ? Mais soit. Enfant je...je...je... me souviens que ma
grand-mère me menait au marché chaque dimanche. Plus tard, à 14 ans, je

94

AE38, cote d'alerte à la BNF

me suis cassé la cheville en sautant du haut de ma cabane dans l'arbre... et
adulte, j'ai cru voir un fantôme.
N : Quel est votre plat préféré ?
P : Carpe farcie à la Chambord.
N : Comment êtes-vous devenu chanteur d’opéra ?
P : J'ai toujours été passionné par l'opéra. Les voix, les décors, la finesse des
gestes…N : Votre voix a une bonne tessiture. Vous vous rangeriez dans quelle
catégorie ?

P : Alto.
N : Passons aux choses sérieuses. Nous savons tout
de vous. Au hasard, votre œuvre musicale préférée ?
P : Mignon d...d...de ......
N : Ambroise Thomas. Passons. Nous savons que vous
avez consulté un ouvrage particulier à la bibliothèque
impériale. Vous rappelez-vous son titre ?
P : Le Mutilé. Pourquoi suis-je ici?
N : Et vous vous seriez lancé à la poursuite d’un personnage mutilé, ce
fantôme de l’opéra ? Vous ne trouvez pas cela étrange ?
P : Il a tué un de mes amis. La moindre des choses était de découvrir
l’assassin fantôme !
N : Je vais vous apprendre quelque chose. Vous êtes
un personnage de fiction, et non un être de chair et de
sang comme moi, ou mes fidèles serviteurs.
P : Comment ça ? Je suis bien réel ! Vous voulez
dire… comme un personnage de conte ?
N : Vous avez tout compris. Vous voulez une preuve ?
P : Montrez donc. Je ne sors pas de l'imagination d'un
quidam, j'en suis sûr.
N : Je vais vous poser une question sur mon monde. Vous allez être incapable
de répondre. Quel est le nom du diplomate français qui a permis la percée du
Canal de Suez ?
P : C'est Ferdinand de Lesseps. Le canal a été creusé il y a seulement un an.
Cela a fait polémique et c'est paru dans la presse.
N : Bonne réponse. Vous devez être «équipé» d’une sorte d’encyclopédie
portative. Passons. Nous vous avons extrait de votre univers d’origine, cette
histoire rocambolesque. Savez-vous pourquoi nous avons fait cela ?
P : Non, je ne comprends pas... Dans quel intérêt ?
N : Parce que vous avez un pouvoir. Savez-vous lequel ?
P : L'imagination ? Je suis bon pour écrire, même des histoires
rocambolesques.
N : Que nenni ! Votre pouvoir ? Vous ouvrez des portes entre les mondes.
Vous pouvez m’emmener ailleurs. Loin de Paris, ce cloaque puant. Loin des
Prussiens qui me provoquent et me harcèlent. Loin de… la Mort !

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AE38, cote d'alerte à la BNF

P : Vous fuyez vos devoirs d'Empereur.
N : Taisez-vous ! Cette porte est cachée dans votre crâne. Nous allons donc
faire un petit exercice pour l’en extraire. Composez un petit poème alexandrin
à ma gloire. Quelque chose de très simple. Pas la peine d’en faire des tonnes.
Vous avez cinq minutes. Attendez ! Nous allons corser l’épreuve… Vos
alexandrins devront contenir quatre vers en rimes croisées, des rimes riches,
une comparaison, une métaphore ; un oxymore... et un registre de langue
soutenue. Allez-y !
P : Chantons la gloire de notre grand Empereur !
Telles les Noces de Cana offrant le vin
Nous mènent à travers la misère en éclaireur
Étant le semblant d'un humain aux dons divins !
N : Mais c’est bien sûr ! Suivez-moi !
Fin de l’interrogatoire 01

Eugène, serré de près par deux redingotes noires, suivit l’Empereur
dans une succession de couloirs, passant du palais au musée impérial. Ils
s’arrêtèrent enfin dans une salle, face à une toile immense.
— Les Noces de Cana3 ! S'écria Eugène.
— Pour me sauver… Je pensais entrer dans un livre, murmura Napoléon.
Mais un tableau, c’est encore mieux…

Napoléon III poussa Eugène à quelques centimètres de la toile. Il
ordonna à ses hommes de reculer et chuchota à l’oreille de son prisonnier :

— Le mot. Dites-le maintenant. Il y a forcément un charme,
un moyen, un passe, une formule magique !
— Phylactère ! s’exclama Eugène. C'est phylactère !
L’air, la lumière, les odeurs, les bruits changèrent. Ils
n’étaient plus à Paris, mais…
— Votre attention, s’il vous plaît ! Nunc est bibendum.
J’aimerais porter un toast aux mar… Mais ! Qui êtes-vous ?
— Où sommes-nous? Comment est-ce possible?
Nous...nous sommes dans le tableau, la vraie scène du tableau !
Leur interlocuteur s'avança dans leur direction.
— Parlez ! Qui êtes-vous ?
Napoléon fit un pas en avant et s'écria :

3Sur les Noces de Cana : On y dénombre 123 personnages dont certains portraits de contemporains du peintre,
comme Pierre l'Arétin. Au centre de la tablée, à l'endroit que devraient occuper les mariés se trouvent Jésus et sa
mère Marie. Tous deux sont nimbés d'une auréole, celle du Christ est la plus lumineuse. Les mariés, eux, sont à
l'extrême gauche de la toile, relégués en bout de table.
Le poète Marco Boschini est le premier, au milieu du XVIIe siècle, à interpréter le groupe de musiciens qui se
trouve au centre du tableau comme des portraits de Véronèse, Bassano, le Tintoret, et le Titien8 : Véronèse, une
viole à archet, ancêtre de la viole de gambe, à la main, Bassano, tenant un cornet droit, Tintoret avec une petite
viole soprano et le Titien avec un violone. Cette séduisante interprétation se heurte au peu de ressemblance des
musiciens des Noces de Cana avec les autoportraits de ces peintres

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AE38, cote d'alerte à la BNF

— Je suis Napoléon ! Troisième du nom ! Empereur de France !
— De quelle contrée parlez-vous donc ?
— Mais enfin, de la France, de la Gaule !
— Qui me dit que vous n'êtes pas des espions à la solde des Romains ? On
nous a dit qu'un traître viendrait aux noces.
— Vous devez être Jésus ? Et celui qui va vous livrer aux Romains n'est autre
que votre apôtre J...

Quelqu'un bouscula l'Empereur, le projetant contre la table. Sa tête
cogna. Il tomba assommé.

Cinq soldats du palais venaient de surgir. Judas se colla dans le dos
d'Eugène qui sentit une lame au niveau de ses reins.
— Un mot et tu es mort.
— Mais...
— Je t'ai dit de te taire ! Je ne sais pas comment vous êtes au courant, toi et
ton compagnon mais tu en sais beaucoup trop à mon goût.

Il lui enfonça la lame dans le dos. Eugène hurla.
Napoléon profita de la confusion pour se jeter du haut du balcon et
réapparaître à l'extérieur du cadre, dans le musée. Et il s’enfuit à toutes
jambes en s’arrachant les cheveux. On aurait dit qu’il venait de perdre la
raison.

Cabinet noir
Interrogatoire 02
N désigne l’Aigle, P le personnage interrogé.
N : Si vous voulez sortir d’ici vivant, répondez à toutes mes questions...
Compris ?
P : D'accord ! Allez-y ! Je vous dirais tout !
N : Nom ! Prénom !
P : Dupont ! Victor !
N : Racontez-moi un souvenir. D’enfance, d’adolescence, d’âge adulte, peu
importe. Je vous écoute.

P : Alors, je crois me souvenir, lors de mon huitième
anniversaire, être allé dans cette fameuse bibliothèque
et je suis tombé sur ce livre !
N : Quel livre ?
P : Le Masque de la Mort rouge et je crois avoir vu
des gouttes de sang couler de ce livre !
N : Intéressant... Quel est votre plat préféré ? Et je ne
veux pas entendre parler de canard !
P : Petite truite à la meunière...
N : Pensez-vous être fou ?

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AE38, cote d'alerte à la BNF

P : Non, pourquoi serais-je fou ?
N : Hein, hein. Nous verrons plus tard. Nous savons tout de vous. Au hasard,
votre œuvre musicale préférée ?
P : Vivaldi, le Printemps .
N : Non. C’est La symphonie fantastique de Berlioz. Ne mentez pas !
P : Comment savez-vous cela ? Je vous ai menti et vous avez deviné !
N : Je sais tout ! Je sais aussi que vous avez consulté un ouvrage particulier à
la bibliothèque impériale. Vous rappelez-vous son titre?
P : Non, pourquoi me souvenir de ça ? Je lis des centaines de livres par an.
N : Allez ! Je vous donne sa cote. YE-41976. Cela vous aidera peut-être…
P : Ce livre est affreux, il me hante la tête ! Les deux fous.
N : Il n’y a pas de hasard. Et vous avez tué cette pauvre Miss Beck après avoir
perdu la boule. Vous ne trouvez pas cela étrange ?
P : Étrange? Pourquoi cela serait-il étrange vu que je n'ai point tué Beck
Cooper!

N : Je vais vous apprendre quelque chose. Vous n’êtes
pas libre de vos actes. Vous êtes un personnage de
fiction, et non un être de chair et de sang comme moi,
ou mes fidèles serviteurs.
P : Mais que dites-vous ? Cela est complètement
insensé !
N : Vous voulez une preuve ?
P : J'aimerais bien savoir ce qui vous fait dire ça !
N : Je vais vous poser une question sur mon monde. Je vous parie ma
première liquette que vous serez incapable de répondre. Voyons… J’ai
trouvé ! Quel est mon dada historique? J’ai même créé un musée à Saint-
Germain en Laye pour cela.
P : Votre Portrait équestre est votre dada.
N : Ah, Ah, Ah ! Passons. Nous vous avons extrait de votre univers d’origine,
cette histoire rocambolesque. Savez-vous pourquoi nous avons fait cela ?
P : Non, aucune idée...
N : Parce que vous avez un pouvoir. Savez-vous lequel ?
P : Arrêtez avec vos sottises !
Napoléon III donne une claque à Victor Dupont.
N : Votre pouvoir? Vous ouvrez des portes entre les mondes. Vous pouvez
m’emmener ailleurs. Loin de Paris, ce cloaque puant. Loin des Prussiens qui
me provoquent et me harcèlent. Loin de… la Mort ! Cette porte est cachée
dans votre crâne. Nous allons donc faire un petit exercice pour l’en extraire.
P : Si ça marche que se passera-t-il ? Vais-je MOURIR ?
N : Mais non. Calmez-vous. Composez juste un petit poème alexandrin à ma
gloire. Quelque chose de très simple. Pas la peine d’en faire des tonnes. Vous
avez cinq minutes. Attendez ! Nous allons corser l’épreuve… Vos alexandrins
devront contenir quatre vers en rimes croisées, des rimes riches, une

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AE38, cote d'alerte à la BNF

comparaison, une métaphore ; un oxymore... et un registre de langue
soutenue. Allez-y !
P : O grand Napoléon III ! Vous êtes mon roi,
Vous vous tenez là devant moi comme un seigneur.
Vos beaux yeux de Joconde me donnent la foi.
Une clarté obscure touche votre cœur.
Napoléon III vous êtes mon plus grand roi.
Votre puissance m'a ébloui la prunelle.
Comme la Joconde vous inspirez mes choix
Malgré l'orgueilleuse faiblesse du ciel.
N : Mais c’est bien sûr ! Suivez-moi !
Fin de l’interrogatoire 02

Victor, serré de près par deux redingotes noires, suivit l’Empereur dans une
succession de couloirs, passant du palais ou musée impérial. Ils s’arrêtèrent
enfin dans une salle, face à une peinture sur bois de taille modeste.
— Pour me sauver… Je pensais entrer dans un livre, murmura Napoléon.
Mais une peinture, c’est encore mieux…

Il poussa Victor à quelques centimètres de la
Joconde4. Il ordonna à ses hommes de reculer et
chuchota à l’oreille de son prisonnier : — Le mot. Dites-
le maintenant. Il y a forcément un charme, un moyen, un
passe, une formule magique !
— Rébus ! s’exclama Victor.

L’air, la lumière, les odeurs, les bruits changèrent.
Ils n’étaient plus à Paris, mais…
— Je m’ennuie. J’en ai assez de sourire. De l’action par pitié… Oh, quelqu’un !
— Mais... où sommes-nous ?
— Salut beau brun, minauda la Joconde en s'approchant de Victor.
— Mais, mais... vous êtes Mona Lisa !
— Un de mes petits noms, oui. Lisa Gherardini, pour vous servir.
Elle se tourna vers l'Empereur.
— Et toi. D'où viens-tu ?
— Je suis Napoléon III, le plus grand monarque de France, je viens de mon
pays que je dirige !
— Hein, hein. Un monarque ? ça me va !

4La Joconde est le portrait d'une jeune femme, sur fond d'un paysage montagneux aux horizons lointains et
brumeux. Elle est disposée de trois quarts et représentée jusqu'à la taille, bras et mains compris, regardant le
spectateur, Un voile noir translucide couvre la chevelure et est bien visible sur le haut du front. Cette sorte de
mantille plaque les cheveux crêpés ou finement bouclés qui tombent sur les épaules.Le visage est totalement
épilé, ne présentant ni cils, ni sourcils. Elle se trouve probablement sur la terrasse d'une loggia à arcades : on
peut voir un parapet juste derrière elle au premier tiers du tableau, ainsi que l'amorce de la base renflée de deux
colonnes

99

AE38, cote d'alerte à la BNF

Elle fit les yeux doux à l'Empereur.
— Vous êtes si belle, dit Napoléon, sous son charme.

Une voix masculine se fit entendre. Forte. Virile.
— Qui sont ces bandits ?
— Ciel, mon mari, Francesco del Giocondo, s'excusa la Joconde. Il est très
jaloux...
— Moi un bandit ah, ah, ah ! Vous me faites bien rire, c'est plutôt vous le
bandit à me traiter de la sorte. Je suis Napoléon III !

Le mari était vraiment très costaud. Poilu comme Vulcain. Et une hache
était glissée à sa ceinture.

Victor s'approcha de Napoléon III et lui dit de se calmer un minimum
face à cet homme bien charpenté.
— Victor, vas-tu te taire à la fin ! Que va-t-il faire ce bandit, hein ?
— Te prendre la vie, voleur d'épouse.

Et l'homme brandit sa hache.
Napoléon dégaina son sabre et pointa son adversaire.
Victor prit le bras de la Joconde et lui dit à voix basse :
— Venez avec moi.
— Mais mon mari ?
— Voulez-vous un homme mort ou vivant ?
— D'accord ! je vous suis. Allons nous en !
La Joconde guida Victor dans les forêts profondes, très noires du
tableau. Victor avait de plus en plus chaud. Il commençait à s’affaiblir.
— Victor, vous allez bien ?
— Mona, je vous… vous....
— Victor !
La Joconde pleurait sur le corps chaud de Victor, elle le prit dans ses
bras et l'emmena chez elle.
— Mona, mais où suis-je !
— Ne vous inquiétez pas Victor, vous êtes à l’abri, dans une baignoire d'eau
froide.
— Mais, je suis nu !
— Oui, vous étiez bouillant et vous êtes tombé, mais je n'ai rien touché, je
vous le jure !
— D'accord, mais je vais mieux, pouvez-vous me passer mes affaires ?
J'arrive.
— Aucun souci. Je vous attends dans la salle à manger.
Durant ce temps-là, le combat entre Napoléon III et le mari de la
Joconde faisait rage! La hache et le sabre de Napoléon s’entrechoquèrent.
Mais le mari de la Joconde prit son élan et trancha de manière horrible le bras
gauche de Napoléon. Le mari de Mona Lisa cria de toutes ses forces et lança
la hache sur la tête de Napoléon dont le crâne se brisa en deux. Son cerveau
sortit de sa tête.

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