AE38, cote d'alerte à la BNF
Pendant ce temps :
— Oh, mon beau Victor ! Vous êtes si beau !
— Mona, je rêverais de rester avec toi mais tu as un mari, une vie dans ce
tableau.
— Un tableau ?
— Oui, tu es dans un tableau.
— Mais, comment est-ce possible ? Et comment peux-tu être ici ?
— J'ai un pouvoir qui me permet d’entrer dans les tableaux. Je ne sais même
pas comment en sortir !
— Victor, je sais que mon mari a déjà tué plein d'hommes ! Napoléon doit être
mort depuis bien longtemps.
— Napoléon n'était qu'un fou !
Le mari claqua la porte brusquement.
— Mona ! J'espère que tu n'es pas avec ce morveux !
Victor dit ces derniers mots à Mona :
— Mona, tu seras à jamais dans mon cœur, sache-le et je veux que tu aies
une meilleure vie sans moi plutôt qu'avec moi dans un tableau… Je me
comprends. Adieu.
— VICTOR ?
Victor courut et sauta de l'autre côté du tableau et se retrouva seul dans
le néant !
Cabinet noir
Interrogatoire 03
N désigne l’Aigle, P le personnage interrogé
N : Si tu veux sortir d’ici vivant, réponds à toutes mes questions... Compris ?
P défie N du regard sans répondre.
N : Nom ! Prénom !
P : Qui êtes-vous ?
N : C’est moi qui pose les questions. Et tu ne reconnais pas l'Empereur des
Français ?
P : Excusez-moi mais je n'ai jamais eu l'occasion de vous rencontrer.
N : Bien. Tu as du caractère. Question suivante... Quel est ton plat préféré ?
P : A quoi vous servira-t-il de le savoir ?
N : Réponds simplement à la question. S’il-te-plaît.
P : Les lasagnes...
N : Tu as une vie compliquée, mon Gribouille. D’après toi, es-tu un pantin, une
créature dont on tire les ficelles ? Ou disposes-tu de ton libre arbitre ?
P : Je fais ce que je veux. Personne ne décide de ce que je dois faire.
N : Quel caractère ! Mais nous n’avançons guère... Au hasard, ton œuvre
musicale préférée ?
101
AE38, cote d'alerte à la BNF
P : La Traviata d'Alexandre Dumas.
N : De Verdi mon petit ami. Pas de Dumas ! Une œuvre
élaborée. Et tu n’es qu’un enfant… Comment est-ce
possible? Passons. Nous savons aussi que tu as
consulté un ouvrage particulier à la bibliothèque
impériale. Te rappelles-tu son titre ?
P : Non, je ne me souviens pas avoir consulté de livre.
N : Je vais te donner sa cote. Y2-65094. Cela t’aidera
peut-être.
P : Il est vrai que j'ai consulté La véritable histoire de Gribouille de George
Sand il y a quelques temps...
N : Il n’y a pas de hasard ! Ton nom est dans le titre ! Tu ne trouves pas cela
étrange ?P : Eh bien, c'est peut-être mon nom dans ce livre qui m'a attiré...
N : Je vais t’apprendre quelque chose mon petit
Gribouille. Tu n’es pas libre de tes actes. Tu es un
personnage de fiction, et non un être de chair et de sang
comme moi, ou mes fidèles serviteurs.
P : Je ne vous crois pas.
N : Tu veux une preuve ?
P : Bien sûr.
N : Je vais te poser une question sur mon monde. Et
une question facile, quelque chose que tous les petits Parisiens connaissent.
Voyons… J’ai trouvé ! Comment s’appellent les deux éléphants du Jardin des
Plantes ?
P : Serait-ce Castor et Pollux ?
N : Fichtre ! Bonne réponse. Tu dois être «équipé» d’une sorte d’encyclopédie
portative. Passons. Nous t’avons extrait de ton univers d’origine, cette histoire
rocambolesque. Sais-tu pourquoi nous avons fait cela ?
P : Je n'en ai aucune idée mais je voudrais bien le savoir...
N : Parce que tu as un pouvoir. Lequel d’après toi ?
P : Eh bien, on dit que je suis surdoué mais je ne pense pas que ce soit un
pouvoir.
N : Ton pouvoir ? Tu ouvres des portes entre les mondes. Tu peux m’emmener
ailleurs. Loin de Paris, ce cloaque puant. Loin des Prussiens qui me
provoquent et me harcèlent. Loin de… la Mort !
P : Je pense que vous faites erreur, je ne suis qu'un simple enfant et je n'ai
aucun pouvoir.
N : Cette porte est cachée dans ton crâne. Nous allons donc faire un petit
exercice pour l’en extraire. Compose un petit poème alexandrin à ma gloire.
Quelque chose de très simple. Pas la peine d’en faire des tonnes. Tu as cinq
minutes. Attends ! Nous allons corser l’épreuve… Tes alexandrins devront
102
AE38, cote d'alerte à la BNF
contenir quatre vers en rimes croisées, des rimes riches, une comparaison,
une métaphore ; un oxymore... et un registre de langue soutenu. Vas-y !
P : Euh... L'infante et adorable Marie-Marguerite,
Posée dans ce cadre aux contours ensoleillés,
Aux yeux de notre roi ce fut sa favorite.
Lui qui devant personne ne s'agenouillait,
Lui contant ses guerres tel un conte de fée.
Elle était comme figée devant son pouvoir,
Devant la gloire de Napoléon le parfait.
Il y restait de la matinée jusqu'au soir.
N : Mais c’est bien sûr ! Suis-moi !
Fin de l’interrogatoire 03
Gribouille, serré de près par deux redingotes noires, suivit l’Empereur
dans une succession de couloirs, passant du palais ou musée impérial. Ils
s’arrêtèrent enfin dans une salle, face à une peinture sur toile représentant
une jeune fille5.
— Pour me sauver… Je pensais entrer dans un livre, dit
Napoléon. Mais une peinture, c’est encore mieux…
Il poussa Gribouille à quelques centimètres de
l’Infante. Il ordonna à ses hommes de reculer et chuchota
à l’oreille de son prisonnier :
— Le mot. Dis-le maintenant. Il y a forcément un charme,
un moyen, un passe, une formule magique !
— Gribouillis.
L’air, la lumière, les odeurs, les bruits changèrent. Ils n’étaient plus à Paris,
mais…
— Bonjour. Vous auriez vu mon papa ou ma maman ?
— Bonjour, vous êtes Marguerite Thérèse d’Autriche, c'est bien cela ?
— Oui. Et je m'ennuie. Je veux mon papa et ma maman.
— Il n'y a personne qui s'occupe de vous ici ?
— Non. Ils m'ont abandonnée. Mais...
— Pourquoi vous ont-ils abandonnée ?
— En fait, je ne suis pas toute seule. Carlito !
Un chien énorme sortit de l'ombre. Et il grondait.
Gribouille, pas trop rassuré, recula contre le mur tandis que Napoléon,
qui avait l'habitude de ces chiens qu'il utilisait pour la chasse, resta immobile et
sortit un morceau de viande qui se trouvait dans une sacoche de cuir sous sa
cape. Il le lança au chien qui l’attrapa au vol.
5Sur l'Infante Marie-Marguerite.Ce tableau, le premier de l'école espagnole entré dans les collections royales
françaises, était placé dans le cabinet des Bains au Louvre. Marie Marguerite d'Autriche (1651-1673), fille de
Philippe IV, est le personnage central des Ménines de Velázquez.
103
AE38, cote d'alerte à la BNF
— Bravo ! lança l'Infante en tapant dans ses mains. Papa !
Un homme en armure venait de rentrer dans le tableau. Il foudroya
Gribouille et l'Empereur du regard.
Napoléon se retourna pour voir qui venait d'arriver et vit cet homme en
armure tandis que Gribouille se tassait dans un coin en essayant de rester le
plus discret possible.
— Bonjour, ô grand roi d’Espagne ! Dit l'Empereur.
— Tu parles à ma fille sans ma permission ?
— Eh bien... Aaaaaaïe ! cria l'Empereur à qui le chien venait de mordre le
derrière en voulant attraper les morceaux de viande restant dans la sacoche.
Il recula et percuta Gribouille qui tomba à la renverse et au lieu de sentir
un mur dur et froid derrière lui il atterrit sur son oreiller et se réveilla en sursaut.
Gribouille, désorienté, sortit de son lit et descendit les escaliers, l'esprit encore
embrumé. En arrivant dans la cuisine, il vit sa mère assise à table et se souvint
tout d'un coup de ce rêve étrange qu'il venait de faire. Victor pendu au clocher,
la lettre de menace, sa mère retrouvée morte, le manuscrit volé, Napoléon III,
le tableau, Marguerite-Thérèse d'Autriche... Tout ça n'était qu'un simple rêve !
Rien de tout cela n'était arrivé !
— Bonjour maman ! dit-il de bonne humeur en l'embrassant.
Sa mère l'observa d'un air étonné et se remit à déjeuner en
grommelant. Gribouille attrapa son maigre petit déjeuner sur la table : un
simple quart de pomme et un pichet d'eau.
Gribouille sortit du taudis dans lequel il louait une chambre misérable,
un garni sous les toits. Rue de la Licorne. Elle portait bien mal son nom...
Il se dirigea vers la cathédrale de Notre-Dame et se posa sur les
marches en attendant son ami Victor qui était en retard. Quand la cloche
sonna il leva la tête avec un air de déjà vu....
Cabinet noir
Interrogatoire 04
N désigne l’Aigle, P le personnage interrogé
N : Si vous voulez sortir d’ici vivant, répondez à toutes mes questions...
Compris ?
P : Oui mais qui êtes-vous ?
N : C’est moi qui pose les questions. Et tu ne reconnais pas l'Empereur des
Français ?
P : Louis-Napoléon Bonaparte ?
N : C'est ça... Nom ! Prénom !
P : Hervé Perrier, Monsieur.
N : Racontez-moi un souvenir. D’enfance, d’adolescence, d’âge adulte, peu
importe. Je vous écoute.
104
AE38, cote d'alerte à la BNF
P : Ma femme est morte, ça m'a terriblement touché...
N : Quel est votre plat préféré ?
P : Le filet de bœuf à la financière.
N : Pensez-vous être fou ?
P : Non...
N : Hein, hein. Nous savons tout de vous. Au hasard,
votre œuvre musicale préférée ?P : Faust, de Gounod.
N : Nous savons que vous avez consulté un ouvrage
particulier à la bibliothèque impériale. Vous rappelez-
vous son titre ? Si c’est le cas, vous êtes très fort…
P : Les nouveaux tableaux exposés aux bureaux…
N : …du "Régénérateur", galerie d'Orléans et passage
du Saumon, intitulés "le Chemin du salut à l'extérieur"
et "le Chemin du salut à l'intérieur". Il faut avoir une araignée au plafond pour
lire un tel ouvrage, non ?
P : Non, pas pour les férus de lecture comme moi.N : Je vais vous apprendre
quelque chose. Vous n’êtes pas libre de vos actes. Vous êtes un personnage
de fiction, et non un être de chair et de sang comme moi, ou mes fidèles
serviteurs.
P : Je ne vous crois pas.
N : Vous voulez une preuve ? Je vais vous poser une
question sur moi. Je suis malade. Tous les Français
savent cela. Cela me force à prendre des calmants à
longueur de journée. Quelle est ma maladie ?
P : Un problème de vessie ?
N : La pierre… Passons. Nous vous avons extrait de
votre univers d’origine, cette histoire rocambolesque.
Savez-vous pourquoi nous avons fait cela ?
P : Expliquez-moi.
N : Parce que vous avez un pouvoir. Savez-vous lequel ?
P : Dites-moi...
N : Votre pouvoir ? Vous ouvrez des portes entre les mondes. Vous pouvez
m’emmener ailleurs. Loin de Paris, ce cloaque puant. Loin des Prussiens qui
me provoquent et me harcèlent. Loin de… la Mort et de la maladie qui me tue !
Cette porte est cachée dans votre crâne. Nous allons donc faire un petit
exercice pour l’en extraire.
P:…
N : Composez un petit poème alexandrin à ma gloire. Quelque chose de très
simple. Pas la peine d’en faire des tonnes. Vous avez cinq minutes. Attendez !
Nous allons corser l’épreuve…Vos alexandrins devront contenir quatre vers en
rimes croisées, des rimes riches, une comparaison, une métaphore ; un
105
AE38, cote d'alerte à la BNF
oxymore... et un registre de langue soutenue.
P : Glorieux Empereur, nous te confions notre espoir
Comme votre nouvelle ville qui nous submerge.
Nous voulons fêter absolument cette gloire
Pour le couronnement de la belle vierge.
N : Mais c’est bien sûr ! Suivez-moi !
Fin de l’interrogatoire 04.
Hervé Perrier, serré de près par deux redingotes noires, suivit
l’Empereur dans une succession de couloirs, passant du palais ou musée
impérial. Ils s’arrêtèrent enfin dans une salle, face à une peinture sur bois6.
— Pour me sauver… Je pensais entrer dans un livre, dit Napoléon. Mais une
peinture, c’est encore mieux…
Il poussa Mr Perrier à quelques centimètres de la Joconde. Il ordonna à
ses hommes de reculer et chuchota à l’oreille de son prisonnier :
— Le mot. Dites-le maintenant. Il y a forcément un charme, un moyen, un
passe, une formule magique !
— Euh, composer ?
L’air, la lumière, les odeurs, les bruits changèrent. Ils
n’étaient plus à Paris, mais…
— Mais enfin ! C’est quoi ce remue-ménages ? S'exclama
un ange en se posant devant les intrus.
— Voici votre Empereur Napoléon III, il vient du futur !
L'ange dégaina une épée de feu.
— Nous n'avons d'autre Empereur que Dieu tout puissant
qui est le présent, le passé et le futur !
— Attendez ! On va vous expliquer...
— Pas d'explication. Juste l'expiation.
L'ange leva son arme.
Au même moment Napoléon dégaina son sabre.
Un combat d'épée commença, mais l'ange de petite taille ne supporta pas la
puissance de Napoléon.
Napoléon retira sa lame du corps du petit ange. Glorieux, il se rendit
alors compte de la multitude d'anges armés qui l’encerclaient. Et il décida de
fuir, avec Perrier.
Une course poursuite s’engagea. Mais les anges finirent par les
rattraper. Ils les emmenèrent dans la prison cachée du paradis. Il y a deux
puissances dans le monde, le sabre et l’esprit. A la fin, le sabre est toujours
vaincu par l’esprit (Napoléon Ier), pensa-t-il. A partir de là commença la
torture !
Après un temps infini de souffrances abominables, les anges jetèrent
6Sur le couronnement de la Vierge : agneau dans ses bras. Des musiciens et d'autres saints dont le nom est
inscrit sur l'auréole entourent également la scène.
106
AE38, cote d'alerte à la BNF
les corps encore animés dans la bouche de l'Enfer. Napoléon et Mr Perrier
finirent transformés en terribles démons.
Cabinet noir
Interrogatoire 05
N désigne l’Aigle, P le personnage interrogé
N : Si vous voulez sortir d’ici vivant, répondez à toutes mes questions...
Compris ?
P : Compris !
N : Nom ! Prénom !
P : POLTRON, Léo-Paul.
N : Racontez-moi un souvenir. D’enfance, d’adolescence, d’âge adulte, peu
importe. Je vous écoute.
P : Quand j'étais encore tout petit j'ai développé une peur des personnes car
on m'a abandonné dans la rue et tous ceux qui passaient devant moi me
dévisageaient.
N : Vous portez bien votre nom… Quel est votre plat préféré ?
P : Chou-fleur au parmesan.
N : Bien. Pensez-vous être fou ?
P : Absolument pas !
N : Vous voulez parler aux squelettes. Une femme pirate vous emmène dans
une taupe mécanique. Et vous n’êtes pas fou ? Hein, hein. Mais continuons.
Votre œuvre musicale préférée ?
P : Les Brigands d’Offenbach.
N : Vous en faites un beau de
brigand… Nous savons que
vous avez consulté un ouvrage
particulier à la bibliothèque
impériale. Vous rappelez-vous
son titre ?
P : Les Poltrons dramatiques,
il me semble.
N : De Pierre-Louis Belfort-Devaux. Mr Poltron lit un ouvrage sur des poltrons.
Intéressant, non ?
P : C'est bien pour cela que je l'ai pris !
N : Je vais vous apprendre quelque chose. Vous n’êtes pas libre de vos actes.
Vous êtes un personnage de fiction, et non un être de chair et de sang comme
moi, ou mes fidèles serviteurs. Vous voulez une preuve ?
P : Volontiers.
N : Je vais vous poser une question sur Victor Hugo, tiens ! Vous l’auriez
croisé dans un café parisien ? Tiens, tiens. Mais où est notre cher grand
écrivain, en ce moment ?
P : Heu....
107
AE38, cote d'alerte à la BNF
N : Je vous écoute.
P : Oui, je l'ai croisé il n'y a pas si longtemps que ça ! Mais qu'est-il devenu ?
Je ne sais point !
N : Il est en exil ! Donc vous n’avez pu le croiser ! Et vous n’avez pu le croiser
parce que…
P : Parce que ?
N : Parce que nous vous avons extrait de votre univers d’origine, cette histoire
rocambolesque. Savez-vous pourquoi nous avons fait cela ?
P : Heu... Non...
N : Parce que vous avez un pouvoir. Savez-vous lequel ?
P : Un pouvoir ? Comment ça ? Non, je m'en serais aperçu, je ne vous prends
pas au sérieux !
N : Votre pouvoir ? Vous ouvrez des portes entre les mondes. Vous pouvez
m’emmener ailleurs. Loin de Paris, ce cloaque puant. Loin des Prussiens qui
me provoquent et me harcèlent. Loin de… la Mort !
P : Ben, dites-donc !
N : Cette porte est cachée dans votre crâne. Nous allons donc faire un petit
exercice pour l’en extraire.
P : Sérieusement mais.... ça fait mal ? Et qui dit que je peux vous faire
confiance ? Vous m'avez kidnappé tout de même.
N : Composez un petit poème alexandrin à ma gloire. Quelque chose de très
simple. Pas la peine d’en faire des tonnes. Vous avez cinq minutes. Attendez !
Nous allons corser l’épreuve… Vos alexandrins devront contenir quatre vers
en rimes croisées, des rimes riches, une comparaison, une métaphore ; un
oxymore... et un registre de langue soutenue. Allez-y !
P : Heu...
O ! grand Napoléon III !
Vous qui me paraissez aussi grand que la France,
Votre empire est à la hauteur de votre taille,
Vous et votre femme hydropique m'nez la danse.
Votre fierté est plus grande que votre faille.
N : Mais c’est bien sûr ! Suivez-moi !
Fin de l’interrogatoire 05
Mr Poltron, serré de près par deux redingotes noires, suivit l’Empereur
dans une succession de couloirs, passant du palais ou musée impérial. Ils
s’arrêtèrent enfin dans une salle, face à une peinture représentant une scène
d’intérieur.
— Pour me sauver… Je pensais entrer dans un livre, dit l’Empereur. Mais une
peinture, c’est encore mieux…
Il poussa Mr Poltron à quelques centimètres du tableau7. Il ordonna à
7A propos de la femme hydropique.Le terme « hydropique » renvoie à ce que l'on considérait comme une
maladie de l'âme. Celui qui en était atteint était alors trop éloigné de Dieu. Mais ce tableau montrerait en réalité
108
AE38, cote d'alerte à la BNF
ses hommes de reculer et chuchota à l’oreille de son prisonnier :
— Le mot. Dites-le maintenant. Il y a forcément un charme, un moyen, un
passe, une formule magique !
— Heu..... Le seul mot qui me vient à l'esprit est "tracé"...
L’air, la lumière, les odeurs, les bruits changèrent. Ils
n’étaient plus à Paris, mais…
— Aouch ! ça tire ! Je vais avoir besoin d’aide ! Je sens que
le bébé arrive.
Le médecin s’enfuit du tableau en courant.
— Médecin ! Revenez vite ! On a besoin de vous !
Il avait vraiment fui, le lâche.
— Mais....où sommes-nous ? Et qui sont ces personnes ?
— Oh ! Mon Dieu ! Je perds les eaux, s'exclama la femme soi-disant
hydropique.
— Napoléon ! Allez chercher une bougie et une bassine ! Vite ! Au pas de
course ! Allongez-vous, ça ira déjà un peu mieux, et.... le père ? Où est-il ?
— Parti à la guerre. Il m'a abandonnée. Oh, que j'ai mal...
— De l'eau ! Des serviettes ! Et un ciseau ! Vite ! Napoléon, ce n'est point le
moment de vous reposer sur vos lauriers !
— Le bébé ! Je sens que sa tête est en train de sortir !
— Serviette ! Un, deux, trois... POUSSEZ ! Je le vois ! ça y est ! Il est là !
Bravo madame, c'est un joli petit garçon ! Napoléon ? Voulez-vous
couper le cordon ombilical ?
Napoléon refusa. Donc je le fis quitter le tableau de force. Quant à moi,
je choisis de rester dans le tableau pour veiller sur cette merveilleuse femme
et sur son fils.
Quelques années plus tard :
Grâce à ma femme, je n’ai plus cette peur bête des humains. J’ai même
eu l'opportunité de devenir médecin. Et nous avons sept enfants,
merveilleux… et pleins de vie.
Cabinet noir
Interrogatoire 06
N désigne l’Aigle, P le personnage interrogé.
N : Si vous voulez sortir d’ici vivant, répondez à toutes
mes questions... Compris ?
P : Où suis-je ? Qui êtes-vous ?
N : Nom ! Prénom !
P : Paolo Feronez.
N : Comme vous voulez. Racontez-moi un souvenir. D’enfance,
une femme enceinte. Ainsi, le sujet principal du tableau ne serait pas la femme malade mais le médecin réalisant
un mauvais diagnostic et qui est montré comme un charlatan.
109
AE38, cote d'alerte à la BNF
d’adolescence, d’âge adulte, peu importe. Je vous écoute.
P : A l'âge de dix ans, j'ai été harcelé par mes camarades de classes. J'ai
appris, grâce à cette expérience, que les êtres humains étaient perfides et
indignes de ma gentillesse.
N : Quel est votre plat préféré ?
P : Le chili con carne.N : Passons aux choses sérieuses. Nous savons tout de
vous. Au hasard, votre œuvre musicale préférée ?
P : Robert le Diable de Meyerbeer.
N : Nous savons que vous avez consulté un ouvrage particulier à la
bibliothèque impériale. Vous rappelez-vous son titre ?
P : Je ne vois pas où vous voulez en venir...
N : Vous rappelez-vous son titre ?
P : L'immortalité de l'âme... de Henri-Auguste
Gouttière.
N : Un poème dédié à... ?
P : Sa défunte dulcinée, Camille...
N : Camille… Ce prénom me rappelle quelqu’un…
P : Vous la connaissez ?
N : Et l’auteur s’appelle Gouttière. Un parent à vous, je
suppose ?
P : Ce n'est pas un parent, je porte seulement une grande admiration à ses
œuvres.
N : Je vais vous apprendre quelque chose. Vous êtes un personnage de
fiction, et non un être de chair et de sang comme moi, ou mes fidèles
serviteurs.
P : Mais oui, bien sûr... Je vous crois...
N : Vous voulez une preuve ?
P : Allez-y, j'attends.
N : Je vais vous poser une question sur mon monde. Vous allez être incapable
de répondre. J’ai eu un oncle célèbre. Qui, d’après vous ?
P : Euh, désolé, je ne sais pas...
N : Napoléon Ier ! Passons. Nous vous avons extrait de votre univers d’origine,
cette histoire rocambolesque. Savez-vous pourquoi nous avons fait cela ?
P : Abrégez s'il vous plaît.
N : Parce que vous avez un pouvoir. Celui d’ouvrir des portes entre les
mondes. Vous pouvez m’emmener ailleurs. Loin de Paris, ce cloaque puant.
Loin des Prussiens qui me provoquent et me harcèlent. Loin de… la Mort !
P : Comment ça un pouvoir ?
N : Cette porte est cachée dans votre crâne. Nous allons donc faire un petit
exercice pour l’en extraire. Composez un petit poème alexandrin à ma gloire.
Quelque chose de très simple. Pas la peine d’en faire des tonnes. Vous
avez cinq minutes. Attendez ! Nous allons corser l’épreuve… Vos alexandrins
110
AE38, cote d'alerte à la BNF
devront contenir quatre vers en rimes croisées, des rimes riches, une
comparaison, une métaphore ; un oxymore... et un registre de langue
soutenue. Allez-y !
P : Napoléon III, au-dessus de tous les rois,
Dans sa demeure il y a des belles jardinières,
Au fond de son jardin il y a de la joie,
Aussi glorieux et magnifique que ses pères.
N : Mais c’est bien sûr ! s’exclama l’Empereur en entendant les mots « Belle
Jardinière ». Suivez-moi !
Fin de l’interrogatoire 06.
Henri-Auguste, serré de près par deux redingotes noires, suivit
l’Empereur dans une succession de couloirs, passant du palais au musée
impérial. Ils s’arrêtèrent enfin dans une salle, face à une peinture charmante.
— Très jolie peinture, mais pourquoi me montrez-vous
cela?
— Pour me sauver… Je pensais entrer dans un livre,
murmura Napoléon. Mais un tableau, c’est encore
mieux…
Il poussa son prisonnier à quelques centimètres de
la toile. Il ordonna à ses hommes de reculer et chuchota à
l’oreille de son prisonnier :
— Le mot. Dites-le maintenant.
— Cursif ?
L’air, la lumière, les odeurs, les bruits changèrent. Ils n’étaient
plus à Paris, mais…
— Soyez un peu sages les enfants ! Sinon, vous n’aurez pas de… Mais ! Qui
êtes-vous ?
— Je suis Paolo Feronez. Mais vous êtes la Vierge du tableau ?
— Ne vous approchez pas des enfants ! Vous êtes dégoûtants !
— Mais pas du tout ! Je suis parfaitement propre ! répondit Napoléon.
— Attendez...Qu'avez-vous fait ? Nous étions dans le palais devant le
tableau...J'ai prononcé le mot et nous sommes arrivés ici…
La belle jardinière8 se leva. Les enfants se cachèrent derrière elle.
— Partez d'ici, ou bien...
Napoléon intervint :
— Écoutez-moi bien mademoiselle. Savez-vous qui je suis? Si vous le saviez
je pense que vous auriez tourné votre langue sept fois dans votre bouche
8A propos de la belle jardinière : la Vierge est représentée assise sur un rocher, tenant par la main gauche
l'Enfant Jésus debout contre elle tandis que le petit saint Jean, agenouillé sur la droite et tenant son roseau croisé
de sa main droite, le regarde intensément, un genou en terre, près du pied gauche de la Vierge. Dans le fond, un
paysage s'étale, à gauche avec un lac et des montagnes, à droite avec un village dont on aperçoit les toits et le
clocher.
111
AE38, cote d'alerte à la BNF
avant de me menacer.
— Quelle façon de parler !
Paolo était intrigué, il demanda alors :
— Vous savez où nous sommes mademoiselle ?
Le petit Jean-Baptiste, vêtu d'une peau de bête, tendit alors son bâton
vers l'Empereur et lui toucha le front avec. Napoléon s'indigna :
— Surveillez vos enfants !
Il poussa le petit Jean-Baptiste, et celui-ci tomba sur un rocher et se
fracassa l'occiput. Le petit Jésus se mit à pleurer sans pouvoir s'arrêter.
— Qu'avez-vous fait ? Cria Paolo. Vous avez tué Saint Jean-Baptiste !
— Ce petit morveux n'avait pas à me toucher avec sa badine ! fanfaronna
l'Empereur.
La colère de Dieu s'abattit. Napoléon devait payer pour son ignominie.
Une tornade de feu descendit des lieux célestes, et emporta Napoléon III dont
les yeux s’écarquillèrent et sortirent des leurs orbites. On entendait ses cris à
l'autre bout du jardin... Napoléon s'agenouilla et supplia Dieu.
— S'il vous plaît, épargnez-moi, Seigneur !
Il commença à pourrir de l’intérieur et bientôt ses cendres s'envolèrent
doucement dans le firmament.
Paolo était choqué. A ses côtés la Vierge tenait son enfant fermement
contre sa poitrine.
— Vous devez partir, monsieur Feronez... Ce n'est pas un endroit pour vous
ici. Venez, suivez-moi.
Paolo suivit Marie dans sa maison. Elle lui tendit des draps propres :
— Je vous héberge quelques temps.
— Merci beaucoup.
En entrant dans la chambre d'ami de Marie, il découvrit un tableau dont
le décor lui était fort familier.
Il le prit entre ses mains et soudain, le son, les lumières changèrent.
Il était de retour chez lui.
Il se pinça la joue, comme pour vérifier qu'il n'était pas dans un rêve.
— Il n'y a qu'un seul mot pour décrire cette aventure : ROCAMBOLESQUE !
Cabinet noir
Interrogatoire 07
Ndé : N désigne l’Aigle, P le personnage interrogé, E. le Premier Conseiller.
N : Si vous voulez sortir d’ici vivant, répondez à toutes mes questions...
Compris ?
P : Oui, compris.
N : Nom ! Prénom !
P : Jean Alcazar.
112
AE38, cote d'alerte à la BNF
N : Racontez-moi un souvenir. D’enfance, d’adolescence, d’âge adulte, peu
importe. Je vous écoute.
P : C'était dans les années 1870, pendant la guerre Franco-Prussienne, au
Bon Marché. J'avais fait une sculpture de vous. Puis il y eut une nuit arrosée
avec une damoiselle nommée Rosa. Mais, le lendemain, elle m'a dérobé votre
sculpture pour la donner aux
Prussiens. Mon père, que je
n'avais pas revu depuis des
années, m'avait dit qu'il allait
m'aider pour récupérer la
sculpture et vaincre les
Prussiens. Vous arrivez à me
suivre ?N : Pas du tout. Une
guerre franco-prussienne… Et puis quoi encore ? Mais ce n’est pas grave.
Quel est votre plat préféré ?
P : Potage à la Germiny. Et vous ?N : Moi, j'aime tout. Passons aux choses
sérieuses. Nous savons tout de vous. Au hasard, votre œuvre musicale
préférée ?
P : Ernani de Verdi.
N : Nous savons que vous avez consulté un ouvrage particulier à la
bibliothèque impériale. Vous rappelez-vous son titre ?
P : Oui, c'est vrai... l'Alcazar Havrais.
N : Et vous vous appelez Alcazar. Vous aimez les jeux de mots ?
P : Oui, on peut dire ça !
N : Je vais vous apprendre quelque chose. Un, vous êtes un piètre sculpteur.
P : Non, mais c'est une blague ! Je suis le sculpteur le plus renommé de
France.
E : Majesté, il se paye votre tête !
N : Deux, vous êtes un personnage de fiction, et non un être de chair et de
sang comme moi, ou mes fidèles serviteurs.
P : Alors là, c'est bien l'hôpital qui se fiche de la charité !
E : Aux crocodiles de l'Opéra Garnier il doit être livré !
N : Vous voulez une preuve ?
P : Oui.
N : Je vais vous poser une question sur mon monde. Vous allez être incapable
de répondre. Quel est le nom de l’ingénieur qui a transformé Paris et creusé
ces magnifiques boulevards ?
P : Euh.....Posez-moi une autre question ?
E : Majesté, il est bon pour les catacombes, n'est-ce pas ? Le Havrais est
confondu !
N : Haussmann...Passons. Nous vous avons extrait de votre univers d’origine,
cette histoire rocambolesque. Savez-vous pourquoi nous avons fait cela ?
113
AE38, cote d'alerte à la BNF
P : Je vous avoue que pour moi tout est flou.
N : Parce que vous avez un pouvoir. Celui d’ouvrir des portes entre les
mondes. Vous pouvez m’emmener ailleurs. Loin de Paris, ce cloaque puant.
Loin des Prussiens qui me provoquent et me harcèlent. Loin de… la Mort !
P : Ah bon ! Je peux faire tout ça ?
N : Cette porte est cachée dans votre crâne. Nous allons donc faire un petit
exercice pour l’en extraire. Composez un petit poème alexandrin à ma gloire.
Quelque chose de très simple. Pas la peine d’en faire des tonnes. Vous avez
cinq minutes. Attendez ! Nous allons corser l’épreuve… Vos alexandrins
devront contenir quatre vers en rimes croisées, des rimes riches, une
comparaison, une métaphore ; un oxymore... et un registre de langue
soutenue. Allez-y !
P : D'accord. Cela me semble compliqué mais je n'abandonnerai pas.
L'Empereur Napoléon est le plus puissant
En barque toujours meilleur que les dieux armés
Son empire majestueux est le plus grand
Napoléon trois comme Dante un fou allié
N : Mais c’est bien sûr ! s’exclama l’Empereur en entendant les mots « Barque
de Dante ». Suivez-moi !
Fin de l’interrogatoire 07.
Jean, serré de près par deux redingotes noires, suivit
l’Empereur dans une succession de couloirs, passant du
palais ou musée impérial. Ils s’arrêtèrent enfin dans une
salle, face à une peinture angoissante.
— Qu'est-ce que c'est que c'est œuvre ? demanda Jean.
— Pour me sauver… Je pensais entrer dans un livre,
murmura Napoléon. Mais un tableau, c’est encore mieux…
Il poussa son prisonnier à quelques centimètres de la
toile9. Il ordonna à ses hommes de reculer et chuchota à l’oreille de son
prisonnier :
— Le mot. Dites-le maintenant.
— Arabesque !
L’air, la lumière, les odeurs, les bruits changèrent. Ils n’étaient plus à
Paris, mais…
— Mais qu’est-ce que vous faites dans notre barque ? Nous allons chavirer !
Ouste ! Du balai !
— Ce n'est pas de notre faute, s’excusa Jean. Par pitié, ne nous jetez pas par-
9A propos de la barque de Dante.Représentés sur la barque les menant aux enfers, les deux protagonistes
(Dante est reconnaissable à sa coiffe médiévale rouge et Virgile à sa couronne de lauriers) occupent le milieu de
la composition ; Phlégias, vu de dos, à droite, est enveloppé d'une étoffe bleue, maniant le gouvernail. Les eaux
tumultueuses, les corps des damnés accrochés à la barque, le ciel sombre, la ville en feu sur la gauche,
entourent les deux poètes bien éclairés au centre.
114
AE38, cote d'alerte à la BNF
dessus bord !
— Non ! Sortez de là tout de suite sinon vous irez aux enfers avec nous et je
vous le déconseille.
— Vous mentez.
— Assez ! Sautez à la baille !
La barque se retourna. Ils pataugeaient au milieu des morts, mais l'un
des poètes ne savait pas nager. Dante et Virgile coulèrent à pic. Le fleuve était
beaucoup trop fort pour lutter. Ils s'accrochèrent à la barque
Soudain, un tourbillon se créa. Et là, ils n’avaient plus de force pour lutter
contre un tourbillon. Les poètes et Napoléon III sombrèrent dans la pénombre
des vagues. Jean réussit à s'en sortir grâce à son poids de crevette. De plus, il
n'était pas armé comme l'Empereur et les poètes. Lui n'avait qu'un pantalon et
une chemise à carreaux rouges et à pétales de fleurs bleues.
Jean remonta sur la barque puis mis le cap vers la sortie du tableau. Il
cria le mot à pleins poumons.
— ARABESQUE !
A ce moment-là, son univers changea et un portail le saisit. Jean
retrouva son père dans le musée, mort car il avait trahi les Prussiens.
Cabinet noir
Interrogatoire 08
N désigne l’Aigle, P le personnage interrogé
N : Si vous voulez sortir d’ici vivant, répondez à toutes mes questions...
Compris ?
P : Qu'est-ce-que vous me voulez ?
N : C’est moi qui pose les questions.
P : D'accord.
N : Nom ! Prénom !
P : J-M Pineau.
N : J. M. ?
P : Jean-Marie.
N : Racontez-moi un souvenir.
D’enfance, d’adolescence,
d’âge adulte, peu importe. Je
vous écoute.
P : Quand j'étais au collège, des
jeunes me harcelaient, me
prenaient mon argent tous les
jours.
N : Pauvre canard... Quel est votre plat préféré ?
P : Mon plat préféré est la petite truite à la meunière.
N : Passons aux choses sérieuses. Nous savons tout de vous. Au hasard,
115
AE38, cote d'alerte à la BNF
votre œuvre musicale préférée ?
P : La Muette De Portici.
N : Nous savons que vous avez consulté un ouvrage particulier à la
bibliothèque impériale. Vous rappelez-vous son titre ?
P : Non, pas du tout.
N : Vous m’avez l’air un peu perdu. Sa cote vous rafraîchira peut-être la
mémoire ? VP-16
P : Ah oui ! Bien sûr c'est moi qui l'ai écrit.
N : Mais encore ? Son titre ?
P : La Chéirologie, le langage pour sourds et muets.
N : Assommant.. . Passons. Et quel est votre métier ?
P : Je suis professeur à l'institut national pour sourds et muets.
N : Je dois quand même vous confier un secret. Vous êtes un personnage de
fiction, et non un être de chair et de sang comme moi, ou mes fidèles
serviteurs.
P : Comment ça ?
N : Vous voulez une preuve ?
P : Pourquoi pas ? Mais… est-ce dangereux ?
N : Je vais vous poser une question sur mon monde. Vous allez être incapable
de répondre. On compare souvent Paris à un corps. Quel est son ventre ?
P : Je ne sais pas.
N : Les Halles ! Passons. Nous vous avons extrait de votre univers d’origine,
cette histoire rocambolesque. Savez-vous pourquoi nous avons fait cela ?
P : Non, je ne sais.
N : Parce que vous avez un pouvoir. Savez-vous lequel ?
P : Non, point du tout.
N : Votre pouvoir ? Vous ouvrez des portes entre les mondes. Vous pouvez
m’emmener ailleurs. Loin de Paris, ce cloaque puant. Loin des Prussiens qui
me provoquent et me harcèlent. Loin de… la Mort !
P : Mais comment ? Je ne sais comment ouvrir ces "portes"...
N : Cette porte est cachée dans votre crâne. Nous allons donc faire un petit
exercice pour l’en extraire. Composez un petit poème alexandrin à ma gloire.
Quelque chose de très simple. Pas la peine d’en faire des tonnes. Vous avez
cinq minutes. Attendez ! Nous allons corser l’épreuve… Vos alexandrins
devront contenir quatre vers en rimes croisées, des rimes riches, une
comparaison, une métaphore ; un oxymore... et un registre de langue
soutenue. Allez-y !
P : Comment pourrais-je ? Essayons…
Avec une prise de pouvoir majestueuse,
Lors de ce sacre de Napoléon l’incroyable,
Vous le meilleur qui menez une vie heureuse,
Votre majesté vous êtes formidable.
Encore plus puissant que Pharaon lui-même,
116
AE38, cote d'alerte à la BNF
Avec, entre ses mains, tout le peuple français.
Protégez-nous de tous les fléaux, on vous aime.
Vous êtes si fort, nul ne peut vous arrêter.
N : Mais c’est bien sûr ! s’exclama l’Empereur en entendant les mots « Sacre »
et « Napoléon ». Suivez-moi !
Fin de l’interrogatoire 08.
Mr Pineau, serré de près par deux redingotes noires, suivit l’Empereur
dans une succession de couloirs, passant du palais ou musée impérial. Ils
s’arrêtèrent enfin dans une salle, face à une peinture angoissante.
— C'est le sacre de Napoléon Bonaparte10, dit Mr Pineau. Je le reconnais.
— Mon oncle… Pour me sauver… Je pensais entrer dans un livre, murmura
Napoléon. Mais un tableau, c’est encore mieux…
Il poussa son prisonnier à quelques centimètres de la toile.
Il ordonna à ses hommes de reculer et chuchota à l’oreille
de son prisonnier :
— Le mot. Dites-le maintenant.
— Le sacre de Napoléon.
— Il y a forcément un charme, un moyen, un passe, une
formule magique !
— Je suis désolé mais je ne sais pas… Chéirologie ?...
Signe !
L’air, la lumière, les odeurs, les bruits changèrent. Ils n’étaient plus à
Paris, mais…
Murmures dans l’assistance. Un majordome s’approcha des nouveaux
arrivants.
— Vous n’avez pas été invités.
— Je suis Napoléon III en personne, accompagné de mon passe-partout, nous
venons du futur et sommes entrés dans ce tableau.
— Napoléon trois ?
Un tout petit homme descendit de l'estrade.
— Oui, parfaitement. Votre honneur je suis votre neveu venu du futur.
Le petit Empereur jura en corse. U cane abaghja, u porcu manghja.
— Que dit-t-il ?
— Attrapez-les ! traduisit l'Empereur.
Les deux personnages partirent vite en direction de la sortie poursuivis
10A propos du Sacre de Napoléon.La scène se déroule le 2 décembre 1804, dans la cathédrale Notre-Dame de
Paris.On marche dans ce tableau Ce tableau-portrait collectif qui réunit la famille de l’Empereur, sa cour et le
clergé habillés en costume d’apparat, dégage une impression de réalité totale. Pourtant le peintre s’est permis
quelques libertés avec l’Histoire et avec le protocole. Il a réduit l’architecture de Notre-Dame pour donner plus
d’ampleur aux personnages. Laetitia Bonaparte, Madame Mère, absente lors du Sacre qu’elle désapprouvait,
figure dans le tableau sur ordre de son fils. Quant au geste de bénédiction du Pape, qui avait dans un premier
temps les mains posées sur les genoux, c’est encore Napoléon lui-même qui l’a voulu. Les sœurs sont immobiles
alors qu’elles avaient été obligées de soutenir la traîne de l’Impératrice.
117
AE38, cote d'alerte à la BNF
par une horde de gardes prêts à en découdre.
Mr. Pineau se rappela de la formule et cria le mot de toutes ses forces.
Des dragons leur barrèrent l'accès au portail. Ils continuèrent à courir mais
cette fois-ci en direction des escaliers. Ils montèrent tout en haut de la
cathédrale pour essayer de se cacher et de partir un peu plus tard dans la
journée. Ils trouvèrent une salle et y pénétrèrent. Mais, pas de chance, la porte
se claqua derrière eux. Le lieu était rempli de gardes qui déjeunaient. Ils
proposèrent aux deux personnages de partager le repas. Mais les dragons
défoncèrent la porte pour attraper les fuyards. Ils reprirent la fuite vers le haut.
Ils arrivèrent progressivement sur le toit et escaladèrent la flèche de la
cathédrale. Puis Mr. Pineau encore une fois répéta à plusieurs reprises le mot
“Signe” pour espérer quitter ce monde.
Mr. Pineau tomba de la flèche et un portail le rattrapa dans sa chute. Il
resta un long moment entre deux mondes. Napoléon III sauta pour le
rejoindre. Mais, à ce moment-là, le portail disparut et il s'écrasa
lamentablement sur le sol en faisant une chute de plusieurs dizaines de
mètres.
Il mourut et les dragons inhumèrent son corps dans une tombe
impériale, pensant qu'il était finalement la personne qu'il prétendait être, grâce
à ses vêtements inconnus chez eux.
Mr. Pineau, après un long voyage, arriva finalement dans son
appartement et remarqua que la gravure sur son armoire avait disparu. Il sortit
et remarqua que les chats avaient disparu et que l'éclipse était terminée. A
croire que Napoléon III était en fait le mystérieux responsable de tous ces
phénomènes étranges, y compris les voyages dans les mondes. Peut-être que
la rumeur du malheur de l'appartement de Mr. Pineau n'était qu'un argument et
que Mr. Pineau n'avait rien à voir dans cette histoire ?
Alors qu’on l’avait longtemps cru mort en 1873, à Chislehurst, au
Royaume-Uni et inhumé dans l’Abbaye St Michel à Farnborough, tout le
monde se demanda où Napoléon III était vraiment passé. Près de mille ans
plus tard, avec d'étonnantes technologies, les chercheurs parvinrent à retracer
l’étonnante histoire de Mr. Pineau. Ils apprirent que Napoléon III était
responsable de nombreux malheurs et qu'il s'était accidentellement tué,
stupidement, dans le tableau du Sacre de Napoléon Bonaparte, son oncle.
Mr. Pineau continua sa vie normale en tant que simple professeur à
L'institut National des Jeunes Sourds.
Cabinet noir
Interrogatoire 09
N désigne l’Aigle, P le personnage interrogé,, E. le Premier Conseiller.
N : Si vous voulez sortir d’ici vivant, répondez à toutes mes questions...
Compris ?
118
AE38, cote d'alerte à la BNF
P : Oui, oui, oui mon Président
N : Président ? Empereur, oui ! Nom ! Prénom !
P : Louis Le Noceur.
N : Racontez-moi un souvenir. D’enfance, d’adolescence, d’âge adulte, peu
importe. Je vous écoute.
P : Je me souviens de la gare Montparnasse et d'un train arrivant à toute
vitesse qui m'arracha le bras.
N : Quel est votre plat préféré ?
P : Chapons du Maine.
N : Passons aux choses sérieuses. Nous savons tout de vous. Au hasard,
votre œuvre musicale préférée ?
P : Tristan et Isolde de
Wagner.
N : Nous savons que vous avez
consulté un ouvrage particulier
à la bibliothèque impériale.
Vous rappelez-vous son titre ?
P : Le Noceur.
Il se lève, boit, mange et fume;
Mais du travail, il n'en veut pas :
Quoi ! Aller frapper sur l'enclume,
Vendre des clous ou bien des bas !
Il aime mieux la flânerie,
N : Rappelez-moi votre nom ?
P : Le Noceur.
N : Étonnant, non ?
P : Non, non, non pas du tout.
E : Votre Majesté. Je crois qu'il se moque de nous...
N : Je vais vous dire un secret. Vous êtes un personnage de fiction, et non un
être de chair et de sang comme moi, ou mes fidèles serviteurs.
P : Quoi ! Mais je suis comme vous, fait de chair et de sang !
N : Vous voulez une preuve ?
P : Oui, mais pour mon bras ?
E : Encore une esquive...Majesté, je pense que vous perdez votre temps...
N : Je vais vous poser une question sur mon monde. Vous allez être incapable
de répondre. Quel souverain dirige l’Angleterre ?
P : C'est George Ier.
N : Victoria ! La reine Victoria ! Passons. Nous vous avons extrait de votre
univers d’origine, cette histoire rocambolesque. Savez-vous pourquoi nous
avons fait cela ?
P : Non pourquoi ?
N : Parce que vous avez un pouvoir. Savez-vous lequel ?
P : Non lequel ?
119
AE38, cote d'alerte à la BNF
N : Votre pouvoir ? Vous ouvrez des portes entre les mondes. Vous pouvez
m’emmener ailleurs. Loin de Paris, ce cloaque puant. Loin des Prussiens qui
me provoquent et me harcèlent. Loin de… la Mort !
P : Ah bon ! Je ne m'en suis jamais rendu compte. Mais d'où est-ce que cela
vient ?
N : Cette porte est cachée dans votre crâne. Nous allons donc faire un petit
exercice pour l’en extraire. Composez un petit poème alexandrin à ma gloire.
Quelque chose de très simple. Pas la peine d’en faire des tonnes. Vous avez
cinq minutes. Attendez ! Nous allons corser l’épreuve… Vos alexandrins
devront contenir quatre vers en rimes croisées, des rimes riches, une
comparaison, une métaphore ; un oxymore... et un registre de langue
soutenue. Allez-y !
P : Je relève le défi. Hum.
Napoléon, fils de Junon, beau comme paon.
Dieu des Lapithes courroucé par Ixion,
Votre grâce est comparable à celle d'un cygne…
Vous êtes le meilleur, le plus beau qu’on désigne;
Vous nous illuminez comme la voie lactée;
Oui, Vous, Napoléon III, fils de Galactée;
Oui, avec vous la France n'a jamais eu peur;
Vous aidez les pauvres toujours de bonne humeur;
Comme vos ancêtres vous nous dirigez bien;
Vous faites appliquer à la France la loi d’airain;
Oui, vous touchez le ciel avec votre grandeur;
Nous nous émerveillons devant Sa Majesté;
Vous nous aidez et gouvernez bien à jamais.
N : Mais c’est bien sûr ! s’exclama l’Empereur en entendant les mots Ixion et
Lapithes. Suivez-moi !
Fin de l’interrogatoire 09.
Louis le Noceur, serré de près par deux redingotes noires,
suivit l’Empereur dans une succession de couloirs, passant
du palais ou musée impérial. Ils s’arrêtèrent enfin dans une
salle, face à une peinture mythologique.
— Mais cette peinture est de toute beauté ! s’exclama
Louis.
— Pour me sauver… Je pensais entrer dans un livre,
murmura Napoléon. Mais un tableau, c’est encore mieux…
Il poussa son prisonnier à quelques centimètres de la toile. Il ordonna à
ses hommes de reculer et chuchota à l’oreille de son prisonnier : — Le mot.
Dites-le maintenant.
120
AE38, cote d'alerte à la BNF
— Ixion, roi des Lapithes.11
— Il y a forcément un charme, un moyen, un passe, une formule magique !
— Oui mais cela est trop dangereux. Je vais réessayer
— COQUILLE !
L’air, la lumière, les odeurs, les bruits changèrent. Ils n’étaient plus à Paris,
mais…
— Junon, tu me tapes sur le système ! dit Ixion.
— Et toi, Ixion, tu me fatigues ! Et qui sont ces deux énergumènes. Deux de
tes amis, je suppose ?
— Non, je ne les connais pas, je ne sais pas d'où ils sortent.
— Vous ne me reconnaissez pas ? Je suis l’Empereur de France !
— Le quoi ? réagit Junon.
— Je suis un gouverneur.
— De la quoi ? reprit Ixion.
— D'un pays lointain dans un autre monde.
Ixion bomba le torse.
— Je vous conseille de retourner d'où vous venez.
— Pourquoi ? Nous vous dérangeons ? J'aimerais rester dans ce tableau pour
y finir ma vie tranquillement sans me soucier de mon pays et de ma famille,
sans guerre et sans travail.
— Un tableau ?
— Oh et puis, vous me fatiguez !, s’emporta Napoléon. Seul, je suis, seul, je
reste. Et c'est mon tableau ! Je peux le détruire si vous ne m'obéissez pas
comme souverain légitime. J'imposerai la loi et moi seul déciderai qui ira et qui
restera car je suis l’Empereur ! Maintenant, laissez-moi passer ou je reviendrai
avec une armée de soldats contre vous ! Vous serez mes serviteurs et vous le
resterez !
— Il est toqué, constata Junon. Attendez. J'appelle mon mari.
— Quoi ? Vous n'avez pas le droit de me parler sur ce ton !
Aussitôt dit. Jupiter arriva sur un majestueux char volant qui brillait de mille
feux!
— Que se passe-t-il dans mon domaine ? Seul moi ai le pouvoir de le diriger !
La terre commença à trembler. Il y eut du tonnerre, des flashs et des éclairs
ainsi que du feu. On ressentait la grande puissance de Jupiter, le grand dieu
vivant de ce royaume, ou de ce grand tableau.
Louis savait que pour sortir du tableau un des deux devait y rester.
Commença un combat au couteau entre lui et Napoléon. Il n'avait pas le droit
au coup à la tête. Ce fut un combat long et acharné. Louis sachant mieux se
battre au couteau que Napoléon III, il gagna le combat sans trop de blessures.
11A propos de Ixion...Ixion, roi des Lapithes, trompé par Junon qu'il voulait séduire, peint par Pierre Paul Rubens,
représente sur sa partie gauche, Ixion avec la fausse Junon envoyée par Jupiter pour se venger du séducteur. Sur
la partie droite, la vraie Junon, accompagnée de son animal emblématique, le paon, se dirige vers son époux
Jupiter.
121
AE38, cote d'alerte à la BNF
Il réussit à sortir du tableau.
A sa sortie précipitée, le tableau tomba et la toile se déchira sur une
pointe qu'il y avait par terre. Napoléon III resta dans le tableau mort, allongé
par terre.
Ainsi disparut véritablement Napoléon III, ne laissant aucune trace de
sa fuite ou de ses crimes.
Cabinet noir
Interrogatoire 10
N désigne l’Aigle, P le personnage interrogé, E. le Premier Conseiller.
N : Si vous voulez sortir d’ici vivant, répondez à toutes mes questions...
Compris ?
P : D'accord .... compris
N : Nom ! Prénom !
P : Christian Dôtremont.
N : Racontez-moi un souvenir. d'enfance, d’adolescence, d’âge adulte, peu
importe. Je vous écoute.
P : Un jour, j'étais chez un ami d'enfance, Hervé, quand tout à coup j'ai vu tout
noir et je me suis réveillé dans son jardin avec des traces de sang et son corps
à côté de moi. C'est le souvenir le plus proche que j'ai.
N : Quel est votre plat préféré ?
P : Les Crépinettes de gibier.
N : Passons aux choses sérieuses. Nous savons tout de vous. Au hasard,
votre œuvre musicale préférée ?
P : Mon œuvre musicale
préférée est Geneviève de
Brabant, le philtre,
d'Offenbach.
N : Nous savons que vous
avez consulté un ouvrage
particulier à la bibliothèque
impériale. Vous rappelez-
vous son titre ?
P : L'œuvre porte sur un sculpteur et des peintres ….
N : Je vais vous dire un secret. Vous êtes un personnage de fiction, et non un
être de chair et de sang comme moi, ou mes fidèles serviteurs.
P : ...
N : Vous voulez une preuve ?
P : Oui ....mais je ne crois pas une seconde à votre histoire de personnage de
fiction ....
122
AE38, cote d'alerte à la BNF
N : Je vais vous poser une question sur mon monde. Vous allez être incapable
de répondre. Vous dites connaître le photographe Nadar, n’est-ce-pas ? Quel
est son vrai nom ?
P : Euh..... Je ne sais pas.
(Et vous, lecteur, le savez-vous ?)
N : Félix Tournachon... Passons. Nous vous avons extrait de votre univers
d’origine, cette histoire rocambolesque. Savez-vous pourquoi nous avons fait
cela ?
P : Fait quoi ? Un autre univers ? Je ne vous suis plus, là…
N : Parce que vous avez un pouvoir. Savez-vous lequel ?
P : Non, je n'en ai aucune idée.
N : Votre pouvoir ? Vous ouvrez des portes entre les mondes. Vous pouvez
m’emmener ailleurs. Loin de Paris, ce cloaque puant. Loin des Prussiens qui
me provoquent et me harcèlent. Loin de… la Mort !
P : Qu'est-ce que vous racontez ? Ouvrir des portes entre les mondes ?
Prouvez-le moi car, là, ça devient difficile à croire.
N : Cette porte est cachée dans votre crâne. Nous allons donc faire un petit
exercice pour l’en extraire. Composez un petit poème alexandrin à ma gloire.
Quelque chose de très simple. Pas la peine d’en faire des tonnes. Vous avez
cinq minutes. Attendez ! Nous allons corser l’épreuve… Vos alexandrins
devront contenir quatre vers en rimes croisées, des rimes riches, une
comparaison, une métaphore ; un oxymore... et un registre de langue
soutenue. Allez-y !
E : Je crains qu'il n'ait point d'esprit ni de lettres, Majesté...
P:…
E : Alea jacta est…
P : Votre Majesté, vous êtes splendide et digne !
Votre splendeur est comparable à celle d'un cygne
Avec vous, les poètes chantent à l’unisson.
Vous leur avez donné de l’inspiration !
N : Mais c’est bien sûr ! s’exclama l’Empereur en entendant les mots
“inspiration” et “poète”. Suivez-moi !
Fin de l’interrogatoire 10.
Christian, serré de près par deux redingotes noires, suivit l’Empereur
dans une succession de couloirs, passant du palais ou musée impérial. Ils
s’arrêtèrent enfin dans une salle, face à une peinture charmante,
« L'Inspiration du poète »12..
12A propos de l »'Inspiration du poète » : Un cadrage serré met en valeur trois personnages avec la présence de
deux putti, l'un s’apprête à couronner le poète de lauriers, et l'autre porte un livre et une seconde couronne de
laurier. Au centre du tableau est assis Apollon, divinité grecque de la Beauté, du Soleil, et des Arts. Il s'appuie sur
une lyre sans corde, en allusion à la musique. Il désigne de sa main droite les écrits du poète qui se tient debout
devant lui.
123
AE38, cote d'alerte à la BNF
— Cette peinture est vraiment belle, apprécia Christian.
— Pour me sauver… Je pensais entrer dans un livre, murmura Napoléon.
Mais un tableau, c’est encore mieux…
Il poussa son prisonnier à quelques centimètres de la toile. Il ordonna à
ses hommes de reculer et chuchota à l’oreille de son prisonnier :
— Le mot. Dites-le maintenant.
— Logogramme...
L’air, la lumière, les odeurs, les bruits changèrent. Ils
n’étaient plus à Paris, mais…
— Ah… Vais-je enfin trouver ce vers parfait ? Oui ! Je le
tiens !
Un grand bruit déconcentra le poète.
— Euh....bonjour.....Où sommes-nous ?
— Bonne question, répondit le poète.
— Qui êtes-vous et que faites-vous ici ?
— Il semblerait que les intrus, ce soit vous.
— Comment ça, intrus ?
Le poète brandit sa lyre et la leva au-dessus de sa tête.
— Que faites-vous ? J'étais chez Napoléon III quand je suis arrivé ici .... Je ne
comprends plus rien...
Le poète donna un bon coup de lyre sur la tête de l'Empereur.
— Mais qu'est-ce que vous venez de faire à l'Empereur ? Vous allez vous faire
tuer !
— Comment osez-vous me frapper ! Rugit Napoléon III. Vous allez le
regretter !
Napoléon III brandit alors son sabre vers le poète et le posa sous son
menton. D'un coup, les Muses fondirent alors sur Napoléon III et le tuèrent à
coups de poings. Elles lui arrachèrent les yeux et des lambeaux de chair.
Christian sentit alors un souffle sur son corps et il se réveilla devant le
tableau avec des gardes qui ne comprenaient rien à ce qui venait de se
passer. Ils l’emprisonnèrent pour le relâcher plus tard.
124
AE38, cote d'alerte à la BNF
Épilogue
Je me souviens… AE38…Cela me paraît si loin ! Une éternité…Car des
années ont passé… Dire que tout a commencé par cette cote et un carton
consulté à la Bibliothèque Nationale.
La réalité me rappelle à l’ordre…
— Charles ! N’oublie pas de conduire Margot à son cours de dessin, lance
Eugénie à la volée avant de disparaître à toute allure dans sa Vespa
connectée, en route vers la Comédie Française.
— Oui, ne t’inquiète pas. A ce soir, ma chérie.
Je me fais un thé. Pendant qu’il infuse, je ne sais pourquoi mais je
repense à ces histoires, à l’Empereur qui aurait arraché ces personnages à
leurs fictions pour mieux plonger dans une peinture.
Insensé.
Et si ces récits possédaient une part de vérité ? Et si…
I
Et si ces personnages existaient dans un autre monde?
Un monde inconnu de tous…
A l’instant où cette pensée traverse mon esprit, un petit bruit retentit.
Derrière moi, un stylo à la forme élégante et aux reflets polychromes
attire mon regard.
16h00. Mon téléphone se met à sonner.
En lettres capitales, il est écrit :
"ALLER CHERCHER MARGOT A SON COURS DE DESSIN"
— Oh zut ! J’avais complètement oublié !
Vite, je ramasse le stylo et cours jusqu’à la voiture.
En route pour aller chercher ma fille !
Lorsque j’arrive, ma fille de onze ans m’attend, les bras croisés.
Lorsqu’elle m’aperçoit, elle marche vers moi et me dit d’un air fâché :
— Tu es en retard Papa.
125
AE38, cote d'alerte à la BNF
— Oui, désolée, ma chérie.
— Pourquoi es-tu en retard, dit-elle en dégageant sa brune et longue frange
de ses yeux.
— J’avais oublié…Bref, rentrons à la maison.
Nous nous dirigeons vers la voiture. En ouvrant la portière, le stylo tombe de
ma poche.
Margot le ramasse, puis me jette un regard interrogatif.
— Où as-tu trouvé ce stylo ? Me lance-t-elle.
— Je l’ai trouvé sur le sol dans le salon.
Elle écarquille ses grands yeux de couleur opale.
— Papa, est-ce que tu te rends compte de l’importance de ce stylo ?
Je fronce les sourcils.
— Ses pouvoirs sont extraordinaires, ils vont au-delà des limites de
l’imagination. Viens, suis-moi.
J’éclate de rire. Quelles inepties me raconte-t-elle ?
Nous nous rendons dans la petite cabane que j’avais moi-même construit
pour le cinquième anniversaire de Margot.
Elle sort une feuille de l’un de ses tiroirs et brandit le stylo. De sa plus belle
écriture, elle rédige quatre simples caractères : AE38.
Soudain, je me souviens… Je demande à Margot :
— Où as-tu entendu parler de ça ?
— Je t’expliquerai plus tard, Papa, l’heure est grave, nous devons partir…
Elle s’approche de moi et me prend la main.
— Tu es prêt ?
Je n’ai pas le temps de répondre. Margot se met à crier des suites de
syllabes incompréhensibles.
Elle tient ma main si fort que j’ai l’impression qu’elle me la broie. Elle ferme
les yeux et tout à coup, l’environnement change.
Le décor de la petite cabane laisse place à une pièce peu éclairée.
Devant nous des personnes inconnues nous regardent.
J’en compte dix en tout.
L’un d’eux s’approche de moi.
— Je suis Hugo Artus Gouttière, nous sommes les membres d’AE38.
(I, épilogue de Robine A.)
126
AE38, cote d'alerte à la BNF
Inventaire archives fonds anciens AE38 – A-02S/03S/04S/05S -
Dossier s complémentaires.
Origine inconnue.
Avril 2219 : le dossier AE38 contient aussi ces articles de presse et les
textes qui suivent.
Article paru en avril 2119 : texte original en anglais (pas de mention
d’auteur). Traduction du texte en français (auteur anonyme).
*****
AE38 –A-02S
17 texts hidden behind the epilogue of AE38 re-launch the mystery of
this book
While studying the file of the book AE38 Pascal Berger, French engineer
and founder of the company Transcode Litteratury Technology, discovered
texts hidden behind the end of AE38.
A century after its conception, the book AE38 does not stop fascinating.
Many have tried to uncover their secrets, to no avail. Pascal Berger, a French
engineer and founder of Transcode Litteratury Technology, could, however, be
on the verge of elucidating the mystery, or at least part of it.
His discovery was revealed in the documentary "The Secrets of AE38"
broadcast on Wednesday, December 9, on the LIV3, and through the show,
the specialist explains that he has identified 17 different versions of the book
epilogue, hidden in an enigmatic image of the book. .
Multilectural analysis
The incredible conclusion stems from ten years of research. During all
this time, Pascal Berger has studied the book in every nook and cranny using
a technique known as the Lector Amplificator Method (LAM), or "augmented
palimpsest method".
The technique involves projecting into a digital file intense beams of
light in 13 different wavelengths in order to measure the amounts of light
returned. Measurements, made using a light meter, revealed the
logogrammatic layers used by the author of AE38.
"We can now analyze exactly what is going on inside the scriptural
layers of the text file and we can peel them like an onion," explains Pascal
Berger in the LIV3 documentary. "We can reconstruct the whole synchrony of
the creation of the end of the book," he adds.
Very different purposes
The results indicate the presence of 17 different phases below the
surface of the image.
127
AE38, cote d'alerte à la BNF
"I was faced with a text totally different from today's AE38, it's not the
same text," he continues. According to him, it could be the work of an unknown
collective. An hypothesis that challenges the identity of the author of this book.
"These results explode many myths and change our vision of the AE38
masterpiece", explains the engineer who admits that he is not able to
determine the time interval between the different ends of the work. .
Results debated
For other specialists, however, these conclusions are to be tempered.
Some have already strongly criticized the work of Pascal Cotte whose results
have not yet been subject to peer review, a standard process to verify their
veracity.
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In the same way the interpretation made by the specialist is not
unanimous. "A different version does not necessarily imply the hypothesis that
it is about two different authors" suggests Edgar Leon, Dutch researcher and
author of a stereographic study of the book. "I'm pretty skeptical, because the
simplest assumption is always the best, I think the text has just changed a bit."
Other researchers have also supported the theory that the seventeen texts
actually trace the evolution of AE38. It is indeed common for a writer to write in
the margins of a text to make changes until the final result desired by him or by
the book's sponsor.
AE38 –A-03S - Traduction :
17 textes cachés derrière l'épilogue de AE38 relancent la polémique
autour de ce livre.
En étudiant le dossier du livre AE38, Pascal Berger, ingénieur français et
fondateur de la société Transcode Litteratury Technology, a découvert
des textes cachés derrière la fin de AE38.
Un siècle après sa conception, le livre AE38 ne cesse de fasciner.
Beaucoup ont essayé d’en révéler les secrets, en vain. Pascal Berger,
ingénieur français et fondateur de Transcode Litteratury Technology, pourrait
toutefois être sur le point d'élucider son mystère, ou du moins en partie.
Sa découverte a été révélée dans le documentaire "The Secrets of
AE38" diffusé le mercredi 12 décembre sur LIV3, et à travers l'émission, le
spécialiste explique qu'il a identifié 17 versions différentes de l'épilogue du
récit, cachées dans une image énigmatique du livre.
Analyse multilecturale
La conclusion incroyable découle de dix années de recherche. Pendant
tout ce temps, Pascal Berger a étudié le livre dans tous les coins et recoins en
utilisant une technique connue sous le nom de méthode du Lector Amplificator
Method (LAM), ou "méthode du palimpseste augmenté".
128
AE38, cote d'alerte à la BNF
La technique consiste à projeter dans un fichier numérique des faisceaux de
lumière intenses dans des longueurs d'onde différentes afin de mesurer les
quantités de lumière renvoyées. Les mesures, effectuées à l'aide d'un
photomètre, ont révélé les couches logogrammatiques utilisées par l'auteur de
AE38.
"Nous pouvons maintenant analyser exactement ce qui se passe à
l'intérieur des couches scripturales du texte et les éplucher comme un oignon",
explique Pascal Berger dans le documentaire LIV3. "Nous pouvons
reconstruire toute la synchronie de la création de la fin du livre", ajoute-t-il.
Des fins très différentes
Les résultats indiquent la présence de 17 textes différents sous la
surface de l'image.
"J'ai été confronté à un texte totalement différent de l'AE38
d'aujourd'hui, ce n'est pas le même texte", poursuit-il. Selon lui, cela pourrait
être le travail d'un collectif inconnu. Une hypothèse qui remet en question
l'identité de l'auteur de ce livre.
"Ces résultats font exploser de nombreux mythes et changent notre
vision du chef-d'œuvre AE38", explique l'ingénieur qui admet qu'il n'est pas en
mesure de déterminer avec précision l'intervalle de temps entre les différentes
versions du travail.
Résultats débattus
Pour d'autres spécialistes, toutefois, ces conclusions doivent être
tempérées. Certains ont déjà vivement critiqué le travail de Pascal Berger dont
les résultats n’ont pas encore fait l’objet d’une évaluation par les pairs,
processus standard permettant de vérifier leur véracité.
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De même, l'interprétation faite par le spécialiste n'est pas unanime.
"Une version différente n'implique pas nécessairement l'hypothèse qu'il s'agit
de deux auteurs différents", suggère Edgar Leon, chercheur néerlandais et
auteur d'une étude stéréographique du livre. "Je suis assez sceptique, parce
que l'hypothèse la plus simple est toujours la meilleure, je pense que le texte a
juste changé un peu."
D'autres chercheurs ont également soutenu la théorie selon laquelle les
dix sept textes retracent en réalité l'évolution de AE38. Il est en effet courant
qu'un écrivain écrive dans les marges d'un texte pour apporter des
modifications jusqu'au résultat final souhaité par lui ou par le commanditaire du
livre.
129
AE38, cote d'alerte à la BNF
AE38 –A-04S - Le Livre caché des Épilogues
AE38 –A-04S - Le Livre caché des Épilogues
I. Robine A.
II. Adrien
III. Justine R.
IV. Marie E.
V. Nathanaël
VI. A.S.
VII. Mathieu J
VIII. Arthur B
IX. E.P.
XI. Fanny B.
XII. Maddly
XIII. Joana
XIV. Lucie M
XV. Maxime L.
XVI. Hugo
XVII. M.P
130
AE38, cote d'alerte à la BNF
II
Et si, et si toutes ces personnes innocentes, emmenées de force par
l’empereur, étaient restées coincées dans leur tableau respectif ? Peut-être
certains ont -ils réussi à s’échapper de leur prison aux bordures dorées? Les
visiteurs admirant ces chefs-d’œuvre ne s’en sont sûrement pas aperçus...Je
ne peux plus rester dans le doute .Oui ,je dois en avoir le cœur net . Je me
rends donc au Louvre, mais, en période de vacances, la file d’attente pour
l’entrée est infernale .Déterminé, je suis donc contraint de patienter au moins
deux heures entières avant de pouvoir entrer … Me fondant dans la masse
avec les groupes de touristes de nationalités différentes .Ne sachant pas par
où commencer , je me rends, comme la plupart des visiteurs, vers la galerie où
se trouve la pièce la plus connue et la plus réputée au monde, La Joconde de
Léonardo da Vinci, pour, peut-être, trouver des réponses à mes interrogations .
Tout un monde est attroupé devant la célèbre peinture . Une chaîne de
télévision réalise un reportage . Je ne peux pas m’avancer mais j’ai soudain
une idée.
Les Noces de Cana , le magnifique tableau de
Véronèse , se trouve juste en face de la Joconde .On
ne peut pas le manquer avec ses 64 mètres carrés.
Pourtant, le monde n’y prête guère attention mais c’est
là que l’un de mes personnages est resté enfermé . Il
est sensé y avoir 132 personnages mais je n’ai pas de
mal à reconnaître le 133ème car ses habits ne datent
pas de l’époque du tableau .Il a un air triste et se tient
à la gauche de la scène, une main sur son thorax,
comme blessé par je ne sais quoi . L’histoire se vérifie mais comment puis-je
entrer dans le tableau ? Voyons voir... le mot utilisé pour entrer dans les
Noces de Cana. Je me souviens... « phylactère »… le mot est
« phylactère » .Je m’avance discrètement devant la toile. Les vigiles, trop
occupés à surveiller la pièce maîtresse du musée, ne se sont pas aperçu que
je suis passé devant les barrières de sécurité et, rapidement, je souffle les
quelques mots me permettant de découvrir un nouveau monde.
.
Tout semble réel autour de moi , je n’arrive pas à croire que cette œuvre ait
été imaginée de toutes pièces. Un bruit énorme retentit dans la salle. Une
personne s’écrie :
— Encore un... mais... d’où viennent-ils ?
Deux gardes se précipitent alors dans ma direction .
— Arrêtez-vous ,dis-je avec une poussée d’adrénaline .
131
AE38, cote d'alerte à la BNF
— Pour qui vous prenez-vous ?
— Je suis un envoyé des dieux.
— Comment pouvons-nous être sûrs de tes dires ?
— Hmm, j’ai avec moi une preuve , un artefact magique qu’un simple
quidam ne peut pas posséder sur cette terre . Les dieux vous le donnent en
échange de ce jeune homme .
Je désigne de ma main gauche Eugène et je sors, avec l’autre main , le
portable qui se trouvait dans ma poche .
— Montre-nous , ô messager des dieux !
Alors que j’appuie sur le bouton d’allumage, des cris d’exclamation
résonnent dans la salle. .
Pendant ce temps, Eugène s’avance dans ma direction, boitant , le visage
contracté par la douleur. Profitant de l’instant d’émerveillement et de
discussion à propos de l’objet , je lui tends ma main et, sans qu’il ait le temps
de dire un mot, je prononce, dans un souffle, « Rébus ». Nous sommes alors
comme déplacés dans un autre tableau, un autre paysage , celui de La
Joconde! Je tiens toujours Eugène par le bras. A quelques mètres de moi se
tient Victor du Pont. Je m’avance vers lui et lui dis de me suivre de tableau en
tableau. Je décide de récupérer à chacun de mes passages dans les
peintures, les personnages restés prisonniers . À chaque œuvre il me faut
prononcer les mots du livre :« gribouillis, composé, arabesque, signe, cursif,
tracé, coquille et logogramme ».
Je me retrouve dans la dernière peinture l’Inspiration du poète . Nous
sommes onze maintenant, une petite compagnie, se baladant de toile en toile,
mais il me faut revenir à la réalité. Comment Napoléon III a-t-il fait? Eugène se
met alors à pousser un cri d’agonie car, blessé par Judas dans Les Noces
de Cana , son état ne fait qu’empirer. Il s’écroule sur le sol mais son corps se
disperse en petites particules de peinture.
— Écoutez moi tous, je crois avoir compris comment sortir de la peinture. Il
nous faut mourir dans cette dimension pour revenir dans notre monde!
— Mais comment pouvons-nous être sûrs que nous n’allons pas mourir
dans le monde réel aussi?
— Je crois que je préfère être libre, soit par la mort, soit dans le monde qui
est le mien, plutôt que de rester enfermé pour l’éternité dans un tableau qui
sera un jour oublié. .
— Moi, je te suis Charles, s’écrie Victor, d’une manière ou d’une autre, je
ne reste pas dans ce maudit tableau!
— Eh bien, moi, je reste, dit Gribouille, d’un air décidé.
— Qui d’autre veut rester enfermé ici?
— N’ayant pas de réponse , j’en déduis que tout le monde me suit, sauf
132
AE38, cote d'alerte à la BNF
Gribouille.
Après m’être jeté dans la Seine, je me retrouve dans le musée . Dehors, le
soleil est encore visible mais il n’y a plus beaucoup de monde dans le Louvre.
Quelques secondes après, mes compagnons me rejoignent.
Leurs vêtements ne sont pas adaptés pour sortir donc il nous faut nous
dépêcher. En courant, nous nous dirigeons vers la Bibliothèque Nationale car
je ne vois pas où les cacher et, si nous pouvons entrer dans les tableaux,
peut-être peuvent-ils entrer dans le livre à leur époque ?
Avant tout, il me faut trouver un moyen de nous faire pénétrer dans la
grande bâtisse. Heureusement, Je possède une carte m’accordant l’accès au
lieu.
Je pense que ma seule option est d’aller chercher le livre et de sortir avec,
incognito. Par contre, si je me fais attraper, l’accès à la bibliothèque me sera
refusé à vie et je ne suis pas sûr que ça puisse marcher.
Me tournant vers eux, je me rends bien compte que ce monde n’est pas le
leur. Tant pis, il me faut tenter .
— Attendez-moi là, il faut que j’aille chercher quelque chose.
— Que vas-tu chercher, Charles ?
— Vous verrez à mon retour. .
Je présente ma carte devant le scanner qui m’autorise l’entrée, il me reste
une demi heure, d’après ma montre . Je me dirige vers la section où se trouve
le livre. Puis, tendant ma carte, je demande au personnel le livre AE38. Deux
minutes plus tard, le livre toujours dans sa boite, se présente devant moi la
femme m’ayant porté le livre, qui me dit :
— Qu’allez-vous lire en vingt minutes ?
— Je veux juste vérifier quelque chose.
— Bien vous viendrez me chercher quand vous aurez fini .
— Entendu.
Dès qu’elle se retourne, je me jette vers la sortie. Mais en m’exécutant,
j’oublie ma carte qui reste sur la table.
Je retrouve les autres et je leur montre le livre.
— Je ne sais pas comment mais quelqu’un a écrit vos histoires, vos
périples, pourtant vous êtes bien là, devant moi!
— Mais qui? S’écria Eugène.
Alors j’ouvre le livre et dis :
— Votre seul moyen de rentrer est ce livre. Peut-être que si vous dites le
mot rattaché à votre histoire vous pourrez entrer à l’intérieur de ce livre…
.
Hélas, après plusieurs essais, rien ne fonctionne. .
— Et si on le disait à l’envers? Pense Victor.
Il essaye et, comme par magie, il se fait aspirer dans le livre.
133
AE38, cote d'alerte à la BNF
C’est donc ça, la solution. Après le départ de tout le monde, je reviens dans
ma voiture, le livre en main.
Mince, Margot !
Après une bonne nuit de sommeil, comme d’habitude, je descends les
escaliers, m’installe à la table et bois mon café en lisant le journal. Un article
est paru sur la BNF. D’un coup, je recrache ma gorgée.
"Charles Ouvier, 36 ans, recherché pour le vol d’un livre à la grande
Bibliothèque Nationale."
Quelqu’un frappe à l’entrée ."Police !Ouvrez la porte !"
III
Et si j’allais au Louvre pour voir ces tableaux qui
apparaissent si subitement dans ces textes, peut-être
des souvenirs me reviendraient-ils en revoyant toutes
ces œuvres?
Je prends ma voiture et je me dirige vers la pyramide
vitrée . J’avance dans des longs couloirs décorés et je
remarque qu’ils sont vides et qu’il y a des traces de
stylo sur les murs. Ça doit être une nouvelle décoration
murale et ça me fait penser à Gribouille mais peu importe. Je continue
d’avancer d’un pas décidé mais angoissé. Quand j’arrive devant l’œuvre
l’infante Marie-Marguerite, je suis stupéfait qu’il n’y ait plus la jeune fille mais à
la place Gribouille (le personnage principal de la troisième histoire ). Je me
frotte les yeux et me pince pour être sûr que ce soit la vérité. Tout cela est bien
réel . Alors, je m’empresse de rejoindre les autres œuvres , et pareil, c’est à
chaque fois le personnage de l’histoire correspondant au tableau. Ce n’est pas
possible, ça doit être mon imagination qui me joue des tours à force de lire
toutes ces histoires fantastiques !
Soudain , je me souviens que j’ai laissé Margot toute seule à la maison
alors je cours à toute allure pour rejoindre la sortie mais je passe devant la
Joconde et je remarque qu’ à la place de Mona lisa , il y a ma fille Margot,
alors je hurle de tristesse et de désespoir . Je m’écroule, en sanglots, mais j’ai
encore espoir que ce soit un rêve, du moins j’espère . Alors je cours le plus
vite que je peux pour quitter cet endroit qui me rend fou . Lorsque j’arrive, la
porte est fermée.Je me déchaîne sur la poignée pour qu’elle s’ouvre mais mes
efforts ne servent à rien. Depuis que des tableaux ont été volés, la sécurité est
renforcée.
134
AE38, cote d'alerte à la BNF
Je m’assois, désespéré, sur les marches , quand je vois furtivement une
ombre. Peut-être s’agit-il du gardien ? …Je me rue sur lui et tends ma main
pour toucher son épaule mais, pendant un court instant, j’ai l’impression de
reconnaître Napoléon III alors j’arrête mon geste .C’est trop tard , il se retourne
… Surpris, je lui dis:
— Quel beau costume vous avez! On dirait vraiment Napoléon III.
— Mais mon cher, je suis Napoléon !
Il s’avance d’un air agacé et me dit très calmement .
— Gare à toi, tu ferais mieux de partir!
— Est-ce qu’il y a une autre sortie?
Mais celui-ci est déjà parti.
C’est étonnant, pourquoi affirme-t-il être Napoléon III ? C’est vraiment
hilarant. A force de voir Napoléon en gravure sur les anciennes bâtisses , il se
prend pour celui-ci.
BREF…peu importe, il faut que je trouve une sortie, l’architecte a bien dû y
penser en cas d’incendie.
Je vois une lueur verte au fond du couloir, je connais cette lumière , elle me
dit quelque chose. Mais.. mais... c’est la lumière de la sortie ! "EXIT" . Je
cours pour la rejoindre. Quand je suis en face d’elle, je lui dis :
— Je te cherche depuis longtemps et enfin je te trouve!
Je vais pouvoir quitter ces lieux où se trouve une personne qui se prend
pour Napoléon et pouvoir retrouver mon état normal, pour examiner ces
tableaux.
J’attrape la poignée quand je sens une présence derrière moi. Je me
retourne, pris d’ un pressentiment et je vois tous les personnages qui se sont
échappé de leurs tableaux.
Je ne me sens pas bien , je tombe au sol et mes paupières deviennent
lourdes…
Mais quelle est cette lumière ? Où sont passés les personnages des
tableaux ?
Je me relève , je regarde autour de moi. Je n’ai rien de cassé et je vois les
personnages qui me regardent en souriant alors je me touche les cheveux et
essaye d’aller vers eux, mais cela m’est impossible. Je n’arrive plus à bouger,
je suis comme figé.
Dix ans plus tard…
Je comprends enfin: je suis coincé dans un tableau qui s’appelle le
Désespéré, peint par Gustave Courbet. Entre temps, tous les personnages
des peintures sont revenus dans leur tableau.
J’essaye, depuis dix ans, de bouger, de faire des signes aux touristes qui
m’observent pour me sortir de là, sans réussite.
Mais un mystère me tourmente encore. Pourquoi suis-je entré dans un
tableau qui a été peint en 1819 et qui me sert de prison, alors que je vis en
2019?
135
AE38, cote d'alerte à la BNF
IV
Et si ces histoires étaient vraies?
Et si…
— Papa ! papa ! C’est l’heure ! On va être en retard !
— Je finis mon thé et j’arrive.
En amenant Margot à son cours de dessin, j’aperçois
une petite pièce avec à l’intérieur dix tableaux qui me
paraissent familiers. Je m’approche et je reconnais l’un
d’entre eux, le Sacre de Napoléon. Je m’apprête à toucher la toile et là…
— Monsieur! Monsieur! il est interdit de toucher les tableaux.
En rentrant à la maison j’aperçois un vieil homme devant chez moi.
— Que faites-vous ici, monsieur?
— J’attends votre femme Eugénie c’est bien elle qui fait de la comédie?
— Oui, elle n’est pas encore rentrée mais venez, entrez.
— Comment vous appelez-vous?
— Jean Marie Pineau. Êtes-vous Charles?
— Oui, c’est ça.
Pendant qu’il me raconte tout ça quelque chose me dit que je le reconnais.
Plus tard, Eugénie arrive et repart avec Mr Pineau.
Le lendemain, Margot est déjà rentrée et elle a ramené ce fameux tableau
du Sacre de Napoléon. C’était ce tableau qui me rappelait tant de souvenirs.
Enfin je le touche mais on dirait que Napoléon me regarde. Je prends un peu
de recul et là Napoléon et toute sa famille se rapprochent de moi comme s’ils
étaient en colère contre moi. Effrayé, je quitte la pièce.
Revenant plus tard dans le salon, je remarque que, dans le tableau,
Napoléon n’est plus là et quand je me retourne, je vois un grand homme
couronné, en colère, qui se tient droit devant moi.
— Napoléon, que faites-vous ici ?
— Tu as touché le tableau alors tu vas le payer.
Il m’attrape avec ses grand bras et me jette à travers la toile.
Pendant quelques secondes je me trouve dans un monde étrange où tout
les objets ainsi que moi volent mais cela ne dure pas longtemps. Bientôt je
reconnais la salle du sacre de Napoléon. En effet je suis désormais de l’autre
côté du tableau.
— Vous ne pouvez pas me laisser comme ça !
— Si je le peux.
136
AE38, cote d'alerte à la BNF
Quelques minutes plus tard Margot arrive dans le salon.
— Papa, que s’est-il passé ?
— Napoléon m’a donné sa place et il est dans la ville maintenant.
— Tu es enfermé dans ce tableau !
— Oui, mais appelle ta mère et dis-lui de revenir parce que c’est urgent.
— D’accord.
Pendant que Margot appelle Eugénie, j’aperçois, de chaque côté de la
pièce, des grande portes.
Alors je vais voir derrière celle qui se trouve à ma gauche et en fait il y a les
autres tableaux des dix autres histoires, derrière chaque porte il y a un tableau
et une histoire différente.
En revenant dans celle de Napoléon, Eugénie est entrée avec Mr Pineau et
elle crie en me voyant.
— Mais que fais-tu là !
— C’est Napoléon qui est sorti du tableau et il m’a donné sa place, il faut
que tu le retrouves. Il est dans la ville.
— Je vais faire de mon mieux.
Pendant que les filles cherchent Napoléon, j’aperçois, dans une des salles,
de l’autre côté du tableau cet homme étrange, habillé en noir, que j’ai vu
l’autre fois mais il n’est pas tout seul , il est accompagné de Mr Pineau. Je
comprends alors que Mr Pineau s’est échappé d’un des tableaux et que
l’homme étrange est Napoléon.
Il faut alors renvoyer Napoléon ainsi que Mr Pineau dans leur tableau au
plus vite car sinon on va tous finir dans ces toiles.
En passant dans un autre décor, j’aperçois quelque chose bouger.
— Qui est-ce ?
— Je suis Simon. Dit-il d’une voix basse.
— Vous aussi vous êtes enfermé ?
— Oui, c’est Napoléon.
— Savez-vous en sortir ?
— Oui, il faut réunir les deux personnes et il faut qu’elles touchent le même
tableau en même temps.
Alors j’entre avec Simon dans mon tableau et je demande aux filles de
ramener Mr Pineau et Napoléon à la maison.
—Allô ? Jean Marie, c’est Eugénie peux-tu venir à la maison pour réviser le
théâtre ?
— Oui, j’arrive mais cela te dérange que je ramène un ami ?
— Non, pas de problème.
Plus tard, Mr Pineau et Napoléon arrivent et commencent à répéter la pièce
de théâtre.
D’un seul coup, Margot surgit et pousse les deux personnages vers le
137
AE38, cote d'alerte à la BNF
tableau et, au lieu qu’ils traversent la toile, ils se cognent et tombent par terre
et moi je me téléporte de l’autre côté du tableau. En quelques secondes Mr
Pineau et Napoléon se transforment en fumée et Napoléon se téléporte dans
le tableau du Sacre de Napoléon.
Alors que je m’apprête à toucher la toile, la peinture est redevenue normale
et plus personne ne peut traverser ce tableau.
V
— Pourquoi est-ce que je repense à tout cela ?
Pourquoi moi ? Pourquoi pas quelqu’un d’autre?
Après ces quelques pensées, je décide de faire un tour
dans le parc juste à coté de chez moi. A mon retour, je me
rends compte que mon thé est un peu comme qui dirait
étrange, il semble un peu plus gélatineux et moins liquide
qu’à la normale… Néanmoins, il semble toujours aussi
bon alors je décide de le boire et, tout d’un coup, je sens
une souffrance colossale au niveau de mon estomac, mes forces
m’abandonnent et je perds peu à peu connaissance.
Quand je me réveille enfin, mon premier réflexe est de regarder autour de
moi : il y a un mur avec de belles couleurs vives comme du rouge, du jaune,
du bleu clair. Je me sens en sécurité. Quelqu’un, avec une blouse noire, arrive
dans ma chambre et me murmure quelque chose. Il me dit que je ne suis pas
dans le monde réel et que je me trouve dans un tableau nommé Les Noces
de Cana enfin, pour l’instant… En écoutant les mots Les Noces de Cana j’ai
comme une vision pendant une demi seconde… D’un coup mes pensées se
bousculent dans ma tête, je commence à avoir ma respiration qui s’accélère,
la machine à coté de moi, qui montre mes battements de cœur, commence à
s’emballer, les fenêtres s’ouvrent d’un coup et une bourrasque de vent envahit
très vite la pièce. Alors cette étrange personne à la veste noire dessine
quelque chose qui semble calmer les éléments. Il écrit "AE38". Ce symbole
étrange m’intrigue d’une part car il est fait en lettres cursives et car il me
rappelle quelque chose mais je ne sais pas encore quoi ensuite l’homme à la
veste noire saute par la fenêtre et je me précipite pour voir ce qu’il est devenu
mais il a disparu.
Après ma sortie de l’hôpital je vois une étrange femme de l’autre coté du
chemin en train de garder un enfant nu et un autre habillé comme un homme
138
AE38, cote d'alerte à la BNF
préhistorique. Je lui demande qui elle est, elle me hurle dessus en me disant
de ne pas toucher à ses enfants, elle me gifle subitement. Je sens ma joue me
brûler pendant un petit instant puis je perds connaissance.
A mon réveil, je sens comme un changement dans l’environnement. En
levant la tête je suis choqué de ce que qu’il se passe devant moi… Je vois un
énorme banquet avec des gens joyeux de partout et ensuite, un peu plus loin,
le Christ change l’eau en vin à foison. Pourtant j’ai beau crier pour demander
ce qu’il se passe, personne ne m’entend. Je prends l’épaule de l’une des
différentes personnes de cet endroit étrange mais curieusement ma main
traverse son épaule. Je commence à devenir totalement chamboulé
mentalement, mes yeux s’écarquillent et sortent de leurs orbites. Je hurle très
très fort et quelqu’un tourne la tête vers moi. Je demande, désespéré, ce qu’il
se passe mais avant que je ne puisse réagir je perds connaissance encore
une fois.
Une fois ces deux choses étranges arrivées, je reprends connaissance sur
le trottoir, devant l’hôpital, et l’homme en veste noire me dit :
— Tu es enfin prêt…
— Que voulez-vous dire ?
L’homme en veste noire disparaît dans un écran de fumée venu d’une balle
fumigène.
Un coup venu de nulle part me frappe et je perds encore connaissance. Ce
coup n’est pas comme les autres. Je vois un certain Hugo, une Camille et
enfin le même homme vêtu de noir devant ces deux personnes étranges dont
je connais seulement le nom…
Enfin est-ce que je sais qui est cette personne et ses intentions ? Qui sont
ces deux personnes, se connaissent-elles ? Sont-elles encore en vie
aujourd’hui ? Je ne sais pas mais je le découvrirai bientôt!
Après avoir réfléchi, je me doute que c’est quelqu’un que je connais vu qu’il
a prononcé mon nom. Soudain, j’entends une grande explosion. Je me
retourne et je ne comprends pas ce qu’il se passe. Mes yeux s’écarquillent à la
vue de l’hôpital en feu, en train de s’écrouler lentement avec les patients et les
visiteurs à l’intérieur.
Après environ une dizaine de minutes, resté bouche bée, je vois que les
restes de l’entrée de l’hôpital sont détruits par la faute d’un centaure géant. Il
plante une lance géante d’au moins deux mètres dans le sol et pousse un
hurlement de rage si fort qu’il crée une onde de choc autour de lui qui
repousse même le vent. Elle est si rapide que je ne peux pas l’esquiver ni
139
AE38, cote d'alerte à la BNF
même la fuir. Elle m’expulse contre un mur du bâtiment d’en face.
Je survis heureusement de justesse, ensuite je vois l’homme vêtu de noir
qui approche et…
VI
Et si j’étais dans un tableau? Et si j’étais une peinture?
Est-ce que je suis un des dix héros des dix histoires ou
suis-je dans un des dix tableaux ? A ce moment-là , on
frappe à la porte. Je vais ouvrir et je découvre au sol une
grande lettre noire avec quelque chose d’écrit en rouge:
"Rendez-vous au Louvre, cherchez une peinture
spéciale avec un titre que vous connaissez. Criez-le et
vous saurez qui je suis.Je ne vous veux aucun mal, mais je veux vous aider et
vous faire comprendre la clé de cette énigme. Signé : un ami ".
Dois-je aller au Louvre ou bien est-ce un piège pour m’enlever, voire me
tuer ? Tant pis, je m’y rendrai demain matin.
Le matin à 11 heures, je suis au Louvre, cherchant une peinture spéciale dont
je connaîtrais le titre. Je cherche des heures et de heures, étudiant
soigneusement tous les tableaux et leurs titres, sans rien trouver. Des
centaines de tableaux, des milliers de titres, des millions de mots et des
milliards de lettres. En vain.
Puis j’examine un tableau noir, totalement monochrome. Soudain,
surgissent les mots: signe, coquille, arabesque et les sept autres, puis les
noms des dix personnages et l’image des dix tableaux.
Puis se forme un grand tourbillon qui m’aspire et me fait tomber dans un
autre monde. Je me retrouve devant le tableau, devenu blanc, et derrière moi
vont et viennent des personnages tous différents ainsi que des vélos, des
vaisseaux: tout un monde, celui de l’ imagination, avec des jouets pour petits
et le jeu Zelda, souffle de la nature.
Un peu plus loin, je retrouve les dix personnages qui m’expliquent leurs
aventures, leurs sentiments, leurs histoires. Ils me disent tous que j’ai rêvé,
que c’est mon imagination qui a tout inventé, puis ils me révèlent les secrets
des dix mots, le grand secret de AE38, ce livre maudit. Ce secret est tellement
protégé que je ne le dirai pas dans ce livre, mais je peux seulement dire une
chose: c’est votre imagination qui vous dira ce que c’est, tout comme mon
imagination me l’a révélé.
140
AE38, cote d'alerte à la BNF
Je suis sur que c’est mon imagination qui agit quand j’entends dehors un
vendeur de journaux qui crie :" Découvertes d’un diamant rouge et du
squelette de Louis le Noceur". Et partout dans le monde, on a retrouvé dix
personnes, ou dix personnages, si je puis dire, qui ont été découverts avec un
papier dans la main ou une écriture rouge fait apparaître AE38, ce livre maudit!
Mais qui a bien pu faire ça ?
Le jour suivant, le livre AE38 a disparu, mais il est remplacé par AE39, avec
dix personnages et dix tableaux totalement nouveaux. Au Louvre les dix
tableaux de AE38 ont été remplacés par les dix grands tableaux de AE39. Est-
ce que je vais résoudre cette nouvelle énigme? A vous de l’imaginer!
VII
Et s’ils n’étaient pas vraiment rentrés en France mais
entrés dans un autre tableau ? Je décide d’aller voir au
Musée du Louvre. Une fois sur place, je regarde dans
toutes les salles quand un tableau me choque. Il y a onze
personnages dont un à terre, affalé, mort. Les dix autres
ressemblent étrangement aux personnages de AE38. Je
décide donc d’aller me renseigner. Je demande à une
personne qui travaille ici :
— Qui a peint ce tableau ?
Elle me répond :
- Mais... quel tableau ?
Je le montre du doigt et je m’aperçois que depuis tout à l’heure je suis le
seul à le regarder.
Je ne lui réponds pas et je repars voir tout seul le tableau.
Il y a une pancarte avec inscrit:
Titre : La mort de Napoléon III.
Dimension : 657 centimètres par 583 centimètres.
Légende : Eugène Hugle, Victor Du Pont, Gribouille, Mr Poltron, Hugo
Gouttière, Jean Alcazar, Mr Pineau, Louis le Noceur et Christian Dotremont
viennent d’un univers parallèle et se sont retrouver dans un seul et même
tableau.
Peintre : …..il n’y a rien d’écrit, je trouve cela très bizarre.
Je réfléchis.
141
AE38, cote d'alerte à la BNF
Sans m’en rendre compte je commence à parler tout seul.
Je me souviens... à la fin de l’histoire ça dit : " Et que l’élu nous sauve ".
Je commence à me poser plein de questions.
Comme :
Et si je suis l’élu que dois-je faire ?
Comment les aider ?
Une voix apparaît brusquement dans ma tête, elle commence à me parler.
Elle me dit :
— Tu es l’élu, il faut nous aider.
— Oui ? mais comment ?
— Tu dois aller dans le tableau, te battre contre…
— Contre qui !
— Contre le défenseur du tableau !
— Mais qui est-ce ?
— Ça, seul toi le sais.
Et la voix disparaît. Je m’approche du tableau quand soudain il m’aspire.
Une fois dans le tableau, je me trouve nez à nez avec le gardien qui est un
géant. Heureusement, les dix personnages de AE38 viennent m’apporter leur
aide. Au bout d’une heure de combat acharné nous avons réussi à le vaincre.
Je sors du tableau et la peinture disparaît. C’est comme si le temps s’était
arrêté. Il n’y a plus les personnages du tableau.
Je retourne, chez moi pour conduire ma fille à son cours de dessin.
VIII
Non. Pourquoi toutes ces questions, alors que je sais
très bien que ces histoires sont purement fantastiques ?
Seuls les fous peuvent croire à tout cela.
La journée passe et plus il fait tard et plus j’ai
l’impression de me trouver dans ces histoires qui,
depuis ce matin, ne cessent de me hanter.
21h05, je regarde ma montre et remarque que la
journée est passée très vite.
Chez moi, la pièce dans laquelle je me trouve devient de plus en plus noire
et surtout il n’y a aucun éclairage. Peu à peu, je vois apparaître autour de moi
dix lumières et dans chacune des lumières, j’aperçois les dix héros des
histoires de AE38 lors des interrogatoires dans le cabinet noir de l’Empire.
D’abord, je prends peur mais après je m’approche doucement des lumières
142
AE38, cote d'alerte à la BNF
et j’ai l’impression de vivre les interrogatoires en direct. Plus je m’approche et
plus je me sens comme dans la peau du personnage mais, bizarrement, des
dix en même temps.
Tout à coup, un individu me met dans un sac puis , quelques minutes après,
m’attache dans une barque. Je le vois, grand, maigre et entièrement habillé en
noir. Il ne bouge pas, il est comme un mort et soudain, la barque se met en
route.
Sens cesse, je me répète que c’est forcément un rêve, cela ne peut pas être
réel. La barque flotte dans le vide. Il y a un homme à moitié mort à côté de moi
et là, je suis en train de faire une sorte de visite guidée des dix tableaux
d’AE38.
L’un après l’autre, je vois les dix tableaux avec les dix scènes présentes
comme dans un film.
Depuis le début de la soirée, je vois les dix histoires de A à Z, y compris la
scène où Napoléon III saute bêtement dans le vide.
Maintenant, petit à petit, tout commence à être flou, je n’y vois presque plus
rien et d’un coup, je me réveille. Tout cela n’était qu’un rêve, ce magnifique film
en réalité virtuelle n’était qu’un rêve. Peut-être seulement un rêve mais alors il
est vraiment unique et merveilleux.
— Voilà, c’est la chose que je me suis dite en m’éveillant de ce beau rêve.
Maintenant vous savez tout.
— Merci Charles, on vous remercie d’avoir parlé dans cette émission mais
cette histoire est-elle vraie ?
— Parfaitement, c’est pour cela que je m’en rappelle plus de vingt ans
après.
— Merci encore d’avoir raconté votre plus beau souvenir, c’était JJP et
Charles pour une nouvelle interview en direct de la chaîne "Nostalgie Reality".
Merci à tous et à bientôt !". (Arthur B)
IX
Et si tout ça était réel ?
Et s’il m’arrivait un malheur parce que j’ai lu ces
textes ?
Un bruit interrompt mes pensées. Quelqu’un frappe à
la porte .
J’arrive devant la porte et là, j’hésite pour ouvrir, je
regarde dans le judas. Je n’aurais pas dû. Maintenant
j’ai peur d’ouvrir, peur qu’il m’arrive quelque chose…un
malheur. Des personnes vêtues de noir qui m’ont rappelé les redingotes dans
les dix livres que j’ai lus il y a quelques années.
143
AE38, cote d'alerte à la BNF
— Allez, allez ! Ça va le faire ! En parlant tout bas.
— Il y a quelqu’un ?
— Oui, oui ! J’arrive !
— Suivez-nous, s’il vous plaît !
— Moi ? Ou ça ? Je n’ai rien fait de mal ?
Les hommes en noir me mettent un sac sur la tête donc je ne peux pas voir
où ils m’emmènent. Au bout de quelques minutes, ou même quelques heures
car pour moi c’est une éternité, ils m’enlèvent le sac de la tête. Là, j’ai
l’impression de reconnaître cet endroit.
— Montrez-nous !
— Montrez quoi ? Et puis où sommes-nous ?
— À la Bibliothèque Nationale de Paris ! Bon, maintenant, assez plaisanté.
Où sont-ils ?
— Mais… je ne vois vraiment pas de quoi vous parlez !
Même si au fond je sais très bien qu’ils parlent des fameux livres.
— Ne faites pas l’ignorant et ne plaisantez pas avec nous ! Sinon… au
revoir, Margot.
— Non ! Ne touchez pas à ma fille ! Je vais vous montrer où ils se trouvent.
— Ah, voila je sais qu’on peut trouver un terrain d’entente tous les deux.
Je suis donc allé dans le jardin.
— Voilà, demandez au monsieur, là-bas. C’est tout ce que je peux vous
dire.
Une seule personne du « gang » si on peut appeler ça comme ça, est allée
voir ce monsieur, qui s’appelait Alain d’après son badge : « Suivez-moi tous »
dit Alain.
En passant, j’ai consulté le carnet de présence du coin de l’œil. Le nom de
cet homme en noir, qui dirige la troupe, est Mathias. Alain attrape la boîte.
Mathias s’en empare et nous fait signe de le suivre. Ils m’ont de nouveau mis
le sac sur la tête et, quelques instants plus tard, lorsqu’ils m’ont retiré le sac, je
me retrouve au Louvre, devant une personne qui me parait assez fortunée.
Ça m'a vraiment fait penser à Napoléon et à ses redingotes ! L’homme
m’adresse enfin la parole :
— Bonsoir, je me nomme Napo et vous ?
— Charles… pourquoi m’avez-vous emmené ici ?
— Pour que tu nous aides à entrer dans le tableau !
— Mais… je ne comprends pas. Il est impossible d’entrer dans un tableau.
— Charles, Charles... on vous étudie depuis longtemps, geste par geste.
Vous êtes le seul à avoir ces manies. Vous êtes un héros, vous allez
révolutionner le monde, vous aller devenir célèbre aux yeux de tous.
— Mais, arrêtez de dire n’importe quoi, cela ne m’intéresse pas!
— Pensez à votre fille, Margot, et à l’avenir qu’elle aura grâce à vous !
144
AE38, cote d'alerte à la BNF
— Vous êtes un génie, elle va adorer !
— Bien, suivez-moi.
Je suis très content et Margot qui sera si heureuse !
— Charles, voici le tableau la Femme hydropique.
— C’est le vrai? Il est si beau!
— Bien sûr que c’est le vrai! Revenons à nos moutons.
– Bon, ben, je rentre, non ?
— Attendez, expliquez-nous comment vous allez faire.
— C’est très simple. J’ai juste à dire le mot « tracé » et le tableau s’ouvrira
de manière à ce que je puisse entrer dedans.
— Merci Charles ! Ah, ah, vous êtes bien trop bête pour comprendre que
c’est une entourloupe !
— Mais, mais… Et Margot !
— Que vous êtes têtu ! Margot n’était qu’un appât.
— Mais…
— Tais-toi, sale petit morveux !
Je sens une épée traverser ma gorge et le sang coule à flots ! Mes
dernières forces sont encore là et j’entends Napo parler tout seul : « Je ne
comprends pas… Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à entrer dans le
tableau ? Je fais tout ce qu’il m’a dit mais sans résultat. Peut-être ne m’a-t-il
raconté que des sottises ? Mais qu’est-ce que c’est que c’est que ça? Une…
hein ? Une pastille ? Mais que fait une pastille sur la nuque de Charles ? C’est
pour cela qu’il peut entrer et pas moi ! Je vais arracher cette pastille ! Pourquoi
lui et pas moi ! Je la colle sur ma nuque, voilà, comme ça. Attention, attention !
TRACÉ …! J’ai réussi . Oui, je suis dans le tableau ! Mais qu’est-ce que ça
sent mauvais ! Mais... qui êtes-vous ? Je ne suis pas dans la Femme
hydropique ! Vous, vous êtes des monstres répugnants ! Haaa… »
X
Soudain, une personne sonne à la porte.Je me
demande qui c’est. J’ouvre.
Je vois quelqu’un qui me dit:
— Bonjour, je m’appelle Victor Du Pont. Je suis un
personnages de l’AE38 et voici mes camarades de
l’AE38. Nous vous demandons de venir immédiatement
au musée du Louvre. C’est urgent. Si vous ne venez pas
avant dix-huit heures, nous disparaîtrons à tout jamais.
145
AE38, cote d'alerte à la BNF
— D’accord, je vais voir si je peux venir.
— Papa, c’est qui ?
— Personne, Margot.
Je me retourne mais ils ont disparu. Comme volatilisés. Avant d’aller
déposer Margot à son cours de dessin, je décide d’aller prévenir mon ami
Mathis qui connaît mon histoire depuis le début.
Après avoir déposé Margot à son cour de dessin, je me rends directement
au musée du Louvre. Arrivé à l’entrée, je paie mon billet. C’est cinquante euros
l’entrée. J’en pleure presque.
Quand je suis à l’intérieur je cherche partout dans les coins du musée. Mais
rien.
En circulant dans un couloir, je vois au loin, à ma droite,dans une salle, la
Joconde. Je me dis qu’après tout, voir la Joconde ne me fait rien de mal.
En m’approchant je vois Victor, la personne qui est venue me voir chez moi
une heure auparavant.Je l’entends hurler. Il y a les autres tableaux autour de
lui avec les autres personnages. Soudain j’entends d’autres voix. C’est Victor
et les autres personnes qui disent qu’il faut les livres et les histoires avant dix-
sept heures. Il est seize heure trente.
Je me dépêche donc de rentrer chez moi et de revenir à temps. Je mets
vingt minutes à trouver toutes les histoires et tous les mots. Arrivé au musée je
me dépêche d’aller dans la salle.Mais en arrivant à proximité je vois qu’il y a
dix ombres. C’est Napoléon III. En fait ce sont dix Napoléon III.
— Rends- toi, Charles ! Tu es en état d’arrestation pour trahison envers la
France.Vocifère Napoléon.
— Moi ! En état d’arrestation ! Pour trahison envers la France !
— Tais-toi misérable !
— Espèce d’Anglais ! De Prussien! D’Allemand !
Les Napoléons foncent sur moi en brandissant leurs épées. Je suis
recouvert de tous ces Napoléon qui se prennent pour dieux. Soudain j’entends
une voix que je connais.C’est Mathis !
Il arrive en hurlant et assomme chaque Napoléon un par un, l’un après
l’autre. Une fois qu’il les a tous neutralisés, je le remercie. Je me dépêche de
disposer les dix mots sous chaque tableau ainsi que toutes les histoires.
Ça ne marche pas. J’entends encore les voix des personnages qui me
parlent. Ils me disent qu’il faut que je saute dans tous les tableaux pour
prendre un peu de leur sang sinon cela ne marchera pas. Ainsi je saute dans
le tableau de La Joconde.
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AE38, cote d'alerte à la BNF
J’ai du mal à prendre du sang de Victor. Le mari de la Joconde me poursuit
tout au long de ma quête. Puis je saute dans le tableau des Noces de Cana.
Eugène est prisonnier de Judas . J’ai du mal à passer entre les gardes. Après
je saute dans les autres tableaux.
Quand je sors des tableaux je dépose toutes les gouttes sous chacun
d’entre eux, ainsi que tous les mots et histoires.
Soudain, les dix tableaux s’’illuminent et Victor Du Pont, Eugène ainsi que
tous les autres sortent des tableaux. Ils me remercient pour cela et ils partent
au bout d’un quart d’heure. J’observe encore une fois les tableaux avant de
partir. C’est ici que se termine mon histoire, celle des dix personnages ainsi
que celle de l’AE38.
XI
Et si ces récits possédaient une part de vérité ?
Et si toutes ces histoires étaient vraies, et si tous ces
récits racontaient la véritable histoire.
Je me rends au Louvre afin de percer les mystères que
cachent ces tableaux.
Le musée vient à peine d’ouvrir. Quelques habitués
déambulent pour regarder les œuvres, mais le musée
reste vide et froid à cette heure.
Je me mets à marcher en direction de la salle où tous les tableaux sont
accrochés, je les regarde un par un, observant les détails, leurs secrets, mais
rien ne me paraît étrange.
Je continue de marcher sans prêter d’attention aux autres tableaux. D’un
coup un frisson me parcourt le dos. Je me retourne, je lève la tête et vois le
portrait de la Joconde.
Comment ai-je pu oublier la Joconde, le portrait le plus mystérieux au
monde ?
Je m’approche d’elle pour l’examiner de plus près, quand tout à coup un
homme vêtu de noir m’interpelle.
— Elle est d’une beauté stupéfiante, me dit-il.
— Oui, il est vrai que rarement j’ai pu voir une telle chose en peinture.
— Dites-moi, jeune homme, que venez-vous faire de si bonne heure dans
un musée ?
— Rien de spécial, j’aime contempler les belles œuvres, dis-je avec une
pointe de méfiance.
— Je vais donc vous laissez admirer ces œuvres dans le plus grand des
calmes.
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AE38, cote d'alerte à la BNF
Il part en me jetant un regard étrange suivi d’un au revoir inquiétant.
Il marche et j’entends qu’il chuchote. Cela me paraît étrange mais je laisse
cette histoire de côté. Je dois me concentrer sur le tableau.
Je tourne un peu la tête et je remarque une inscription sur la bordure du
tableau, « Un jour tu seras ».
Que peut-elle signifier? Les histoires sont-elles vraies ? Peut-être mais rien
ne me le prouve.
Je remarque derrière la Joconde un petit pont avec deux taches bleues qui
bougent. Je me dis que ce doit-être mon imagination. Je suis bien trop fatigué
en ce moment.
Je pars en direction de la sortie avec des tas de questions en tête.
Mes pas résonnent sur l’ancien parquet du musée et plus personne ne reste
dans la pièce.
Je lève la tête quand j’entends un craquement et je vois encore dans le
tableau à côté de moi ces deux taches bleues.
Je m’approche et réalise que ce sont en fait deux personnes vivantes.
Je n’en crois pas mes yeux, c’est donc vrai !
J’ai toujours eu le pressentiment que ces histoires cachaient quelque chose,
elles paraissent si réelles, sur ce vieux papier usé par le temps.
Ces personnages sont donc Napoléon et Victor Dupont.
Je les vois passer d’un tableau à l’autre et parfois ils sont accompagnés
d’autres personnages habillés uniquement de noir.
Napoléon parait exercer une certaine pression sur Victor comme ce qui est
écrit dans une histoire.
Je comprends, à force de les regarder, qu’ils sont bloqués dans les tableaux
car Victor ne sait pas utiliser son pouvoir correctement, alors il est impossible
pour eux de ressortir mais les tableaux les rendent immortels.
Cela fait des années qu’ils sont là, à attendre que quelqu’un vienne
désespérément les chercher.
Le temps passe et je ne sais pas ce que je peux bien faire pour eux, ils sont
déjà tous morts et oubliés dans notre monde.
Je reste assis pendant de longues heures sur le banc d’en face, à réfléchir à
ce qui se passe.
Soudain, une lumière aveuglante jaillit du tableau et douze hommes
apparaissent dans la pièce, Napoléon, Victor Dupont et dix autres hommes en
noir.
Cependant, les choses s’enchaînent et Victor attrape l’arme de Napoléon et
se met à tirer sur les hommes en noir. Il finit par achever Napoléon en le
regardant droit dans les yeux.
Je comprends juste en regardant la haine dans le regard de Victor que
Napoléon s’est servi de lui pour arriver à ses fins.
La même lumière blanche que tout à l’heure sort du corps de Victor puis,
d’un coup, plus rien, Victor a disparu.
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AE38, cote d'alerte à la BNF
Je me mets à chercher dans les tableaux mais rien, je ne vois pas Victor.
C’est tout ? Cette histoire se finit-elle comme ça ? Victor disparaît, on ne sait
où ?
Je ne peux pas croire en cette fin horrible, c’est impossible.
Alors je marche dans la rue, quand tout d’un coup je vois un rectangle géant
devant moi, des gens sont derrière, ses côtés sont dorés et avec des gravures
de fleurs.
Je réalise… non c’est impossible, je suis bloqué dans un tableau !
XII
Et si nous étions vraiment tous des pantins comme le
disait Napoléon ? Et si tous nos choix étaient en fait
l’œuvre d’une seule et même personne ?
Je décide de sortir prendre l’air pour m’éclaircir les
idées. J’ attrape mon manteau dans l’entrée et j’ouvre la
porte quand, soudain, le noir complet se fait.
Je me réveille dans une pièce inconnue aux murs
ternes. Accroché à l’un d’entre eux, se trouve une
planche de bois sur laquelle repose un oreiller à moitié éventré, une minuscule
clef posée au milieu des plumes. Je l’attrape, c’est sûrement la clef de la
sortie. Cette pièce est une ancienne cellule mais quelque chose me dérange, il
n’y a aucun barreau et aucune porte de sortie. Je range donc la clef dans ma
poche et me relève pour inspecter plus profondément cette pièce. Des chaînes
usées sont accrochées au mur et de petits ossements de souris jonchent le
sol. Une lumière étrange provenant d’un trou du mur retient mon attention. Je
m’approche de ce trou quand je trébuche sur le sol informe et me raccroche
de justesse à cette planche de bois faisant office de lit qui craque sous mon
poids et se casse en deux. Ma tête frappe le sol et je m’évanouis.
Quand je me réveille, je ne sais pas combien de temps s’est écoulé. Je me
relève péniblement et une douleur me lacère le crâne. Je porte la main à mon
front, là où ma tête a cogné le sol. Je ferme les yeux pour ne pas vomir à l’idée
de ce sang qui coule abondamment et j’inspire profondément pour me donner
du courage. Quand je rouvre les yeux, je remarque ce trou dans le mur. La
planche de bois a arraché une partie du mur en se cassant et laisse
maintenant une ouverture assez grande pour s’y faufiler à quatre pattes. Je
commence donc à avancer le long d’un tunnel étroit, mes genoux raclant le
sol.
Cela fait maintenant une demi heure que je rampe dans ce tunnel de plus en
149
AE38, cote d'alerte à la BNF
plus petit. Je suis dans le noir complet et je ne vois pas de lumière pouvant
indiquer une sortie quand je me cogne contre quelque chose qui intensifie ma
douleur au crâne. Les mains en avant, je décide d’inspecter ce qui me bloque.
C’est du bois, j’en suis certain. Je fais glisser ma main le long de ce mur de
bois et mes doigts heurtent une poignée que je décide d’actionner. Le mur
s’ouvre dans un grincement. Je suis tout d’abord ébloui par cette clarté
soudaine puis, petit à petit, des formes se dessinent. Je me relève doucement
et j’observe avec attention cette nouvelle pièce. Je me trouve dans une salle
très étrange avec dix sortes de socles ronds et des genres d’écrans de
contrôle. Je m’approche de l’un deux pour l’observer avec attention. J’appuie
alors sur l’un des boutons de contrôle. Un hologramme est projeté sur le socle.
C’est un petit garçon roux qui a l’air d’avoir entre 7 et 8 ans. Je reconnais
immédiatement, à la description que je m’étais faite du petit Gribouille, l’un des
personnages des dix histoires. Il est debout devant un tableau représentant
une petite fille blonde que je reconnais en tant que L’infante Marie-Marguerite.
Un à un, j’allume tous les hologrammes et je reconnais tous les personnages
des histoires trouvées grâce aux dix mots et leurs tableaux associés : Eugène
Hugle et les Noces de Cana ; Victor du Pont et la Joconde ; Monsieur Perrier
et le Couronnement de la Vierge ; Monsieur Poltron et la femme
Hydropique ; Hugo Gouttière et la Belle jardinière ; Jean Alcazar et La
Barque de Dante ; Monsieur Pineau et Le Sacre de Napoléon ; Louis le
Noceur et Ixion, roi des Lapithes, trompé par Junon qu’il voulait séduire ;
Christian Dautremont et L’inspiration du poète.
Je ne comprends pas… Si ces personnes ont vraiment existé, alors elles
sont toutes déjà mortes ainsi que Napoléon. Mais alors… Qui peut bien
s’intéresser à ces personnages à ce point?
Mes pensées sont interrompues quand je vois au fond de la salle un
onzième socle d’hologramme. Je m’approche de celui-ci et l’allume. Ce que je
vois me laisse sans voix. C’est ma représentation exacte. Et derrière moi, ou
plutôt derrière mon hologramme, se trouve un tableau que je ne connais pas.
C’est une pièce assez sombre où l’on arrive à discerner les silhouettes de trois
hommes en cercle autour d’un livre ouvert. On dirait un rituel ou quelque
chose dans ce genre. En dessous de ce tableau, il est écrit : S612, E1. Je n’ai
aucune idée de ce que cela veut dire mais je n’ai qu’une envie : sortir d’ici au
plus vite. Dans un coin de la salle, j’aperçois une porte de secours et je me
dirige vers elle au pas de course. La porte donne sur un escalier que je gravis
quatre à quatre. En haut je trouve une grande porte en bois que j’ouvre et je
me retrouve dans une pièce aux murs blancs. Plus loin, dans un couloir,
j’aperçois des tableaux. Je me retourne pour refermer la porte qui est, en fait,
un tableau lui aussi que je reconnais comme La Liberté guidant le peuple. Je
franchis la corde rouge qui se trouve devant le tableau et j’avance dans les
couloirs du Louvre à pas de loup. C’est bizarre, il n’y a aucun vigile… Peut-
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