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Le livre que vous tenez entre vos mains est le fruit d’un très grand arbre aux multiples branches et aux racines profondes !
Vous y retrouverez un florilège des paroles des centaines de femmes de 17 à 97 ans ayant participé entre 2009 et 2013 à notre projet d’art en communauté intitulé NOUS, les femmes qu’on ne sait pas voir!
Voici la petite histoire d'un grand projet de réflexion par l’art sur le vieillissement.

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Published by La Marie Debout, 2020-06-27 13:58:13

Petit livre d'une grande conversation sur l'âge

Le livre que vous tenez entre vos mains est le fruit d’un très grand arbre aux multiples branches et aux racines profondes !
Vous y retrouverez un florilège des paroles des centaines de femmes de 17 à 97 ans ayant participé entre 2009 et 2013 à notre projet d’art en communauté intitulé NOUS, les femmes qu’on ne sait pas voir!
Voici la petite histoire d'un grand projet de réflexion par l’art sur le vieillissement.

Keywords: Art communautaire,Centres de femmes du Québec,Art en communauté,Mystique de l'âge,Vieillissement,Conversation sur l'âge

La Marie Debout
Centre de femmes Hochelaga-Maisonneuve
4001, rue Sainte-Catherine Est, Montréal H1W 2G7

(514) 597-2311 lamariedebout.org

ISBN 978-2-9814454-0-7
Dépôt légal - Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2014
Dépôt légal - Bibliothèque et Archives Canada, 2014

Le livre que vous tenez entre vos mains est le fruit
d’un très grand arbre aux multiples branches et aux
racines profondes !
Vous y retrouverez un florilège des paroles des cen-
taines de femmes de 17 à 97 ans ayant participé entre
2009 et 2013 à notre projet d’art en communauté
­intitulé NOUS, les femmes qu’on ne sait pas voir!
Voici la petite histoire d'un grand projet de réflexion
par l’art sur le vieillissement.

NOUS, LES FEMMES
QU'ON NE SAIT PAS VOIR !

3

Le projet est né en 2009
à LA MARIE DEBOUT, le
centre de femmes d’Hochelaga-Maisonneuve à
Montréal. Celles qui fréquentaient le centre avaient
exprimé leur besoin de mettre sur pied un groupe de
réflexion et d'actions collectives sur les conditions
de vie des aînées trop souvent occultées et sur les
effets dévastateurs de la mystique de l'âge sur leur
santé physique et mentale. Nous avons amorcé une
recherche sur l’état de la question et organisé deux
rencontres exploratoires avec les femmes afin de
voir ensemble ce qu’il serait possible de faire.

Cachez ce vieillissement que je ne saurais voir !

Nous étions nombreuses à avoir l’impression de
devenir invisibles à partir d’un certain âge : « je ne
me reconnais pas dans les images véhiculées par
les ­médias ».

Les messages que nous recevons via la p­ ublicité
ou les nouvelles nous incitent à craindre le
vieilliss­ement comme la peste. Les femmes sont

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p­ articulièrement affectées par mythe de l’Éternelle
Jeunesse ; elles sont les premières ciblées par la
lucrative industrie des produits raffermissants
et rajeunissants et ce, dès le début de la vingtaine !

Les messages peu subtils concernant le
v­ieillissement suggèrent qu'à partir de 60 ans,
voire 50 ans, une personne est sur son déclin
physiquement et intellectuellement, qu’elle devrait
prendre sa retraite et laisser sa place aux jeunes.
Elle n’apprend plus rien, n’a rien à transmettre. Elle
n'appartient plus au monde du travail, au monde
citoyen. Mise sur la voie de service de la retraite,
deviendrait-elle bientôt un poids pour la société,
comme l'insinuent souvent les gros titres des
journaux ?

Les médias sont souvent sensationnalistes et
surtout alarmistes. Ils nous laissent croire qu’être
vieille veut forcément dire être malade et attendre
la mort dans un CHSLD… et pourtant, la réalité est
tout autre ! Les chiffres montrent que la grande
majorité des personnes âgées vivent chez elles
ou dans leur milieu jusqu’à un très grand âge. Les
chiffres montrent les grandes contributions qu’elles
apportent à la société, en termes d’impôts, de travail

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bénévole, de soutien financier aux proches. Les
chiffres montrent qu’il est faux de croire que ce sont
uniquement les personnes âgées qui font augmenter
les coûts de notre système de santé, loin de là… Bref,
la liste de désinformation est longue1.

Tous ces préjugés nous révoltaient. D’abord parce
que c’est tout à fait erroné ! Mais aussi parce que cette
vision du vieillissement nie notre droit à un plein
­développement, à une pleine contribution à la société
tout au long de notre vie. Ces idées stéréotypées
qui affectent particulièrement les femmes ont pour
effet de rendre invisible la grande diversité des
expériences. L'expression âge d’or s'applique de nos
jours indifféremment aux personnes de 55 ans à 105
ans... On peut imaginer la grande variété de réalités
qui se cache sous cette appellation plutôt floue !

C’est justement cette grande diversité que nous, les
femmes qu'on ne sait pas voir, voulions rendre visible
en créant des images qui nous ressembleraient enfin !

1 Voir la liste bibliographique à la fin ainsi que notre texte
Considérations sur l’âge sur notre site nouslesfemmes.org/,
où vous pouvez retrouver des références qui déboulonnent
plusieurs mythes autour du vieillissement.

6

Autant de femmes
autant de façons de vieillir

L’importance de l’intergénération
et de la parole ancrée dans l’expérience

Nous tenions à ce que le projet soit intergéné-
rationnel et c’est la raison pour laquelle nous
avons abordé le sujet de la vieillesse sous l'angle
du vieillissement. Le vieillissement concerne tout
le monde, peu importe l'âge. Nous voulions parler
de façon inclusive, confronter nos préjugés et
surtout, joindre la parole aux actes : nous faisions
ce que nous préconisions, un vivre-ensemble
qui transcende les différences sans les passer
sous silence. Nous tenions à ce que notre parole
soit ancrée dans l’expérience : parler au « je » et
éviter les « eux autres les vieux ». C’est donc avec
des femmes de différentes générations que nous
voulions découvrir par l’art ce que cela nous fait de
vieillir, peu importe notre âge. Avec tous nos âges.
Et apprendre les unes des autres.

7

Une année d’exploration
et de réflexion par l’art

2009-2010

En passant par des chemins artistiques pour
réfléchir autrement à toutes ces questions, nous
voulions dépasser le débat d’opinion et débusquer
nos idées reçues. Les explorations visaient à ce
que chacune se réapproprie sa propre vision,
tout en partageant avec le groupe ses parcours
de vie. À travers couleurs, mouvements, mots-
images, nous voulions découvrir ensemble des
sens plus profonds à notre avancée en âge et
répondre de façon artistique à des questions qui
nous apparaissaient essentielles. Justement pour
nous rendre visibles. D’abord face à nous-mêmes.
Et, puisque nous avons travaillé en collectif de
création, pour nous rendre visibles l’une à l’autre.

Une œuvre d’âme collective

En collaboration avec les artistes Suzanne Boisvert
et Diane Trépanière, nous avons donc mis sur pied
un groupe de création collective en septembre 2009.

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Celui-ci s’est rencontré toutes les semaines durant
un an. Il était composé d’une vingtaine de femmes
âgées de 23 à 76 ans. Nous avons dansé, écrit,
dessiné, modelé, photographié, improvisé, bref
nous avons utilisé plusieurs médiums artistiques
pour donner forme aux aspects lumineux et aux
aspects sombres de notre vieillissement. Nous
avons également animé une série de rencontres de
récits de vie qui ont inspiré l'œuvre collective se
développant durant l'année.

Ce travail artistique communautaire permettait
de se déprogrammer des images très n­ égatives
que nous avons intériorisées malgré nous. Il fallait
prendre le temps d'examiner plus intimement ce
qui était à l’œuvre au gré des âges. Nos travaux
respectifs trouvaient résonnance en collectif,
nos partages en groupe éclairaient nos passages
sombres. Nos vies étaient notre matière à créer,
comme autant de matériaux artistiques.

Qui suis-je quand j'enlève mon corset, le corset
des images qu'on tente de m'imposer et qui ne me
ressemblent en rien, qui m'empêchent de respirer.
Quelles sont mes peurs, mes joies, mes pertes, mes

9

découvertes ? Et si je me donne le droit d'être, de
vivre pleinement, peu importe mon âge, avec tous
mes âges, en embrassant ce qu'il y a de spécifique
à chaque étape de ma vie, qu'est-ce que je trouve de
l'autre côté du miroir ?

Qu’est-ce que je ne sais pas encore… que je sais ?

L’année d'exploration a été une expérience pro-
fonde, provocante, exaltante à cause de toutes
les découvertes que ce processus artistique nous
amenait à vivre. Nous étions animées par un
désir commun de contempler notre processus de
vieillissement dans toute sa complexité, ses défis et
sa beauté.

Nous nous inspirions les unes les autres, nous
avions le sentiment de faire partie de quelque
chose de plus grand que chacune de nous prise
individuellement. C'était une quête de sens, une
conversation multiforme et multicolore, qui a
résulté en une œuvre collective qui intégrait
les travaux de chacune : une installation conçue
pour être nomade et partir en tournée via le
Regroupement (L'R) des centres de femmes du
Québec.

Nous voulions faire grandir ce NOUS.

10

Trois ans de tournée
2010-2013

Notre installation était ouverte dans le sens qu'elle
se recréait continuellement au gré des lieux que
nous visitions. C'est dans cet espace artistique
éphémère, sans cesse renouvelé, déstabilisant
mais convivial, que nous invitions d'autres femmes
à venir vivre avec nous, le temps d'un atelier d'une
journée, une conversation hors de l'ordinaire.

Chacune des visites, chacune des rencontres
de cœur à cœur, chacune des conversations où
l'âme était conviée s'incorporaient ensuite dans
notre installation d'une façon ou d'une autre :
chaque femme y laissait son empreinte. Et nous
poursuivions notre route…

Nous avons lancé notre tournée en juin 2010 lors du
Congrès de L'R des centres de femmes du Québec
à Chicoutimi. En trois années de tournée, nous
avons animé 57 a­ teliers-événements dans 45 lieux
différents, ­rejoignant 60 centres de femmes.

11

Nous avons v­ oyagé sur plus de 21 000 kilomètres, de
la porte de la Baie James à Natashquan, de Rouyn-
Noranda à Rivière-Rouge et Alma, de la Vallée de
la Matapédia jusqu’à Lac-Mégantic en passant
par la Beauce. Nous sommes allées à Victoriaville,
Louiseville, Magog, nous avons animé des
rencontres en Montérégie, p­ rolongé notre séjour
à Ville-Marie au Témiscamingue… sans oublier les
centres de la grande région montréalaise !

Au total, ce sont plus de 1 000 femmes, de 17 à
97 ans, qui ont participé à cette grande conversation
encore bien vivante grâce à notre site web, notre
blogue et notre page Facebook.

Nous vous invitons à les visiter pour y découvrir les
archives du projet.

nouslesfemmes.org/
blogue.nouslesfemmes.org/

12

Le petit livre
d'une grande conversation
sur l'âge…

La tournée a pris fin au printemps 2013. Depuis
lors, nous travaillons très fort à laisser des traces
de notre grande aventure*. Nous rêvions d’en faire
un livre d’art et c’est en collaboration avec une
autre artiste qu’il voit le jour, Johanne Chagnon.
Notre comité de rédaction était composé de dix
femmes de Montréal, de Brossard, de Boucherville
et d’Alma. Nous nous voyions un peu comme les
gardiennes de la parole des femmes rencontrées
partout au Québec.

Notre livre est composé de deux sources de paroles
de femmes recueillies depuis 2009 : des messages
écrits et des paroles échangées lors des ateliers.

* Voir également notre film documentaire, réalisé par Martine Gignac.

13

Des messages

laissés dans nos petits livres
de conversation

C’est à la suggestion d'une des
cocréatrices, Nicole Desaulniers,
que nous sommes parties durant la première année
du projet avec chacune un petit livre aux pages
blanches. L’idée était d’élargir notre conversation
aux personnes que l’on rencontrait. Nous leur
demandions d'écrire ce qu'elles trouvaient de
lumineux dans le fait de vieillir et au verso du livre,
ce qu'elles trouvaient d'ombrageux. En d’autres
termes, elles déposaient leurs peurs et exposaient
leurs découvertes dans leur avancée en âge.

Ces petits livres nous ont accompagnées tout
au long de la tournée et ils étaient intégrés dans
l’installation. Les femmes que nous visitions y
écrivaient à leur tour des messages et se laissaient
toucher par les mots provenant de toutes les
régions du Québec. Ils ont fait jaillir des perles de
textes au ton intimiste que nous voulions partager
avec un plus grand nombre.

14

Les extraits retenus donnent l’esprit des messages.
La proportion « ombre et lumière » a été respectée.
Vous pouvez retrouver l’intégralité des messages
sur notre site web.

Des extraits
de conversation

en grand groupe

Lors de nos visites en
tournée, les centres nous
laissaient carte blanche pour transformer leurs
locaux. Nous remontions notre installation de
façon différente à chaque fois, afin de faire corps
avec le lieu. Les centres nous accueillaient et nous
recevions à notre tour les femmes dans cet espace
altéré.

La journée se divisait en plusieurs parties
d’animation : des moments de création en groupe et
en solo, des échanges en petits groupes et en grand
groupe.

Toutes les conversations en grand groupe étaient
enregistrées puis retranscrites et renvoyées aux

15

femmes sous forme de verbatim. L’intention étant
que les mots retournent aux femmes qui les avaient
dits afin qu’elles puissent revisiter les moments
de réflexion et que ces échanges nourrissent
d’éventuelles suites à notre passage. C’était une
façon de semer des graines et de laisser des traces.
Des milliers de pages de verbatim, nous avons rete-
nu des extraits qui nous semblaient représentatifs
de la diversité des propos. Notez bien que ce serait
plutôt dix tomes qu’il faudrait publier pour conte-
nir les passionnants chemins de réflexion tracés
par toutes les femmes que nous avons rencontrées.
À chacune d’elles,
nous exprimons notre profonde gratitude.

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Les photos et les images

que vous retrouvez dans ce livre ont plusieurs
provenances.

Des photos prises durant notre année d’exploration :
comme nous avions à cœur de créer des images où
les femmes pourraient enfin se retrouver, nous
avons exploré le thème du portrait, du rapport à la
nature, du lien entre la peau, les rides, l’écorce des
arbres, les racines enchevêtrées. Nous voulions
remettre en question la façon de regarder nos
corps qui se transforment avec l’âge. Nous voulions
célébrer la vivance, la beauté des corps des femmes
à tous les âges… y compris le nôtre !

Des photos documentent aussi les œuvres de notre
installation et quelques autres réalisées lors des
ateliers en tournée : encres, dessins, peintures,
sculptures, moments d’improvisations dansées et
d’écriture, etc. De plus, nous avons capté plusieurs
moments sur le vif depuis 2009.

Nous vous invitons à visiter nos archives photos
sur notre site web et notre blogue.

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Notes sur certains choix d’édition

Nous avons choisi d’entremêler les messages écrits
et les extraits parlés. Nous avons voulu respecter
le plus possible le ton singulier des réflexions afin
que vous puissiez vous aussi entendre la voix de ces
femmes au gré de la lecture.

Certains extraits sont signés, d’autres anonymes.
Certaines femmes ont mentionné leur âge, d’autres
pas. Là encore, nous avons respecté ce qu’elles
avaient décidé d’inscrire dans les petits livres ou de
livrer au groupe lors des animations.

Les lieux mentionnés sous les extraits sont ceux
où les rencontres se sont déroulées, à quelques
exceptions près.

20

Ce livre est dédié à Françoise Gervais
Françoise a fait partie de notre équipe
depuis sa genèse en 2009 jusqu’à ce
que la mort l’emporte en 2012.
Grande amoureuse des mots,

elle aurait adoré façonner ce livre avec nous.
Son bel esprit continue de nous inspirer.

21

L’art,
c’est une façon de rester jeune. La création, c’est
aussi un art de vivre. C’est intégré au quotidien,
c’est l’environnement. C’est une façon de rendre la
vie poétique, vivante. Et je pense qu’avec l’art, on est
toujours en train de générer des nouvelles cellules.
Parce qu’on invente, on crée, on ne peut pas vieillir
au même rythme. C’est sûr que physiquement on
vieillit toutes, mais il y a quelque chose au niveau
de l’esprit, au niveau de l’âme, au niveau de la
foi, de la confiance en soi et dans les autres. Ça
génère beaucoup de richesse au niveau spirituel,
en prenant la vie peut-être autrement. Être plus
active en faisant partie de l’histoire, l’histoire de la
vie, pas juste consommer la vie ou être en réaction,
mais être en action. Je trouve que nous les femmes,
on a la responsabilité de parler de nous, de laisser
des traces dans l’histoire, parce qu’on n’en a pas
tant que ça. Par rapport au vieillissement, je pense
que la société nous organise toutes sortes d’images
qui ne nous ressemblent pas. On a à travailler pour
que les images nous ressemblent. Et quand on
les fait nous-mêmes, ce sont des images qui nous
ressemblent davantage.

Diane Trépanière, Montréal

22

Pour moi, la vieillesse,
et je le formule pour une première fois,

c’est comme une rencontre.

J’ai 53 ans. Je n’ai pas nécessairement peur de
vieillir parce que c’est l’inconnu ça aussi. Je suis
une créatrice, l’inconnu m’attire. Le fait de vieillir
c’est un peu ça aussi. C’est une rencontre à chaque
jour, des prises de conscience d’une différence
avec hier ou avant-hier. C’est très stimulant parce
que ça me pousse à regarder ce que je veux de
mieux pour moi. Aller chercher le meilleur de moi,
essayer de découvrir. C’est une rencontre avec moi,
avec la vie.
Andrée Forget, Kamouraska

23

i d e n t i t éJe m’aperçois qu’à tous les âges, on a passé

par la même chose. Tout le monde est passé
par le questionnement que j’ai présentement.
Au fait de c­hercher une identité, puis peut-
être de la trouver ! À n’importe quel âge. Ce
n’est même pas une question d’âge, c’est
une question de développement personnel,
de vouloir avoir l’esprit ouvert et de vouloir
chercher. Je me suis aperçue que mes dessins
étaient révélateurs de quelque chose. Et je ne
regarderai plus l’art, en tout cas mon art à
moi, de la même façon. Ça peut m’apprendre
quelque chose si je laisse le crayon barbouiller.
Je suis étonnée ! Et en même temps rassurée
parce que je ne suis pas la seule. Toutes les
femmes passent par la même chose. Ça diminue
ma peur de vieillir parce que ça va se concrétiser
dans un mot que j’aime, le mot « apprentissage ».

Jocelyne Lapointe, Rivière-du-Loup

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Moi, je n’ai pas peur de vieillir. Je le dis sincèrement
parce que j’aime trop la vie. Je fais de la peinture,
de la musique, je fais de la poésie… de la poésie !
Il y a des choses qui me sont dites sur mes peintures,
je mets des couleurs que je ne porte jamais. Alors
voilà, c’est l’âme, c’est l’intérieur qui parle, c’est la
vivacité, c’est la joie de vivre, c’est le rouge, c’est
l’orange, c’est le beau vert, c’est le jaune dans mes
peintures.

Ida Fanzollato, Montréal

c’est l’intérieur
qui parle

25

Je sens l’urgence de vivre.
Je suis portée à chercher, une recherche person-
nelle ou à travers un groupe, quels sont les outils
qui pourraient m’aider à me sentir vivante. J’ai une
ouverture à aller chercher du neuf. Je pense que bien
vieillir c’est de ne pas rester avec des idées rigides.
C’est de toujours questionner nos idées. Pas pour se
regarder le nombril, mais pour avancer. Il faut que
je bouge, ça me prend le mouvement, comme quand
on a dansé tantôt… Vivre, c’est le mouvement. Soit
par l’expression verbale ou l’expression écrite.
Pour moi actuellement, la vie passe par l’aspect
artistique, ce que je n’avais pas à 20 ans. Je réalise
qu’en vieillissant, des fois, la spiritualité prend
beaucoup de place. Peut-être parce qu’il y a la mort
qui se profile, il y a des dimensions qui deviennent
plus importantes. Il y a aussi la vulnérabilité. Je
ne sais pas si la vulnérabilité, c’est relié à plus de
profondeur, où on se questionne plus. Quand tu
te questionnes, tu peux devenir très sensible au
malheur du monde. La sensibilité, c’est bon, ça
permet d’avoir une vie plus riche. Je trouve que des
groupes de partage, ça enrichit la vie. Et j’en sors
enrichie…

Mireille Bernard, Rivière-du-Loup

26

Le vieillissement, c’est la sérénité,
la joie des rencontres,
les travaux que j’aime,

les rêves pendant que je tricote.

Anonyme, Côte-Nord

27

Je vois notre groupe ici un peu comme une belle biblio-
thèque, avec plein de belles histoires qui demandent juste à
être lues, à être découvertes. Tout humain a son histoire de
vie puis chaque journée, c’est une belle page. Y’a des pépins,
y’a toutes sortes de choses, mais on avance toujours, d’une
page à l’autre. Puis on découvre qu’il y a toujours plus à voir.
On ne peut pas s’arrêter à regarder les nuages de livres,
il faut aller voir ce qu’il y a dedans. C’est l’intérieur qui est
important. C’est là qu’on s’enrichit de toutes ces histoires de
vies. C’est ça que je vois aujourd’hui. C’est une belle richesse
qui est rassemblée ici. On a juste envie d’en lire un peu plus !

Diane Barbe, Rivière-Rouge

toujours

28

Le livre de la vie ne se lit qu’une fois. Le feuillet se tourne
de lui-même et le passage adoré ne s’y lit qu’une fois, hélas.
On voudrait revenir à la page où l’on aime, mais la page où
l’on meurt est déjà sous nos doigts ! Pour tout ce parcours de
80 ans, je dis merci mon Dieu !

Anonyme, 80 ans, Montréal

plus à voir 29

Vieillesse, qui es-tu ? Que veux-tu ? Comment te définis-tu ?
Existes-tu ? Moi, j’ai 72 ans et je ne me sens pas vieille. Je n’ai
pas d’âge. Je rêve, je m’émerveille, je déguste, je savoure,
je découvre, j’explore, je profite d'ici et maintenant puisque
c’est le seul qui existe vraiment. Merci pour aujourd’hui.
Gabrielle, St-Jérôme

30

Je m'émerveille
Quand on naît fille puis qu’on devient femme, on vit une
vie souterraine. Il n’y a pas longtemps, je me suis ­retrouvée
au Mont Orford une journée où le Mont était envahi ­d’ado-
les­cents et d’adolescentes. Et j’étais s­ urprise d­ ’entendre les
gars se promener, on les entendait p­ artout dans la m­ ontagne
PEU-PEU-PEU-PEU-PEU… puis ­j’entendais en arrière
­pfiipfiiipfiii. C’était les voix de filles ! Je me disais : « bon, c’est
ça ! Les gars font les coqs devant les filles, puis les filles
font le bruit de fond ! » Quand on naît femme, quand on naît
fille, on est comme dans une rivière souterraine. Puis la
job à faire, c’est d'émerger comme être. Ce qu’on a à faire,
c’est de se rencontrer. On devrait initier des rituels de fin
de menstruation où on ferait passer les femmes en dessous
d’une arche avec autant de prestige que quand on devient
menstruée. C’est comme ça que ça devient un corps. Tu
peux donner la vie, oui, mais tu donnes tout ! Tu ne gardes
rien ! On devrait au contraire aborder ce pan-là de la vie en
se d­ isant : « je me donne à moi-même ». Et passer en ­dessous
de cette arche-là avec tellement de oufff ! Enfin , je peux
l­aisser sortir mon ruisseau ! Je n’ai plus à le laisser sourdre
en moi. Je peux le laisser accéder à la lumière. Je pense que
c’est ça vieillir.

Marie-Andrée Dupont, Richmond

31

soif

Plus je vieillis, plus le temps file vite et je ressens cette
urgence d’accomplir des choses, cette soif de découvrir,
cette ouverture que ça m’apporte que je n’avais pas dans
mon tout jeune « vieillissement ». Et ça me rend encore plus
vivante.
Linda, 54 ans, Louiseville

32

Ce que je trouve de lumineux dans mes 50 ans, c’est le côté
de moi qui veut mordre dans la vie. Voir la beauté dans les
yeux et les sourires des gens autour de moi. Être là. Respirer.
Écouter les petits oiseaux chanter. Aller au parc voir toutes
les belles fleurs. Regarder le ciel, le soleil, la lune et les
étoiles. Vivre la vie même si les os et la peau se ­flétrissent !

Carole-Joane, 50 ans, Montréal

33

L’élan de la vie m’habite, telle une liqueur sucrée, salée…
amère aussi. J’ai soif d’apprendre à vieillir. Apprendre cet
art abstrait, cet art naïf, cet art nouveau. Laissez-moi vieillir,
laissez mon corps, laissez mon esprit exprimer la vie qui
me traverse dans toute sa rondeur, son essence d’arbre, sa
quintessence de pluie.

Vicky, Lac-Mégantic

34

élan

Le geste d’aimer… Donner un son, un mot, un geste, un
regard, une parole. Oser prendre, se laisser recevoir,
­accueillir, cueillir, le cœur qui bat, qui pleure, qui rit,
qui  dit, le cœur qui vit ! Danser la vie telle qu’elle est !

Suzanne, Montréal

35

J’ai la lumière en moi.

Le feu brûle
et ne s’éteint jamais.

36

Mon âme s’illumine.

Ginette, Ste-Julie

37

Si la vieillesse c’est la sécheresse, alors

arrosons la vie et fêtons !

Anonyme, Victoriaville

38

Je suis touchée par la beauté… l’essentiel est tou-
jours là, disponible. C’est juste d’avoir le regard,
d’avoir les oreilles, d’avoir la peau, d’avoir le cœur
pour capter ce qui est là. C’est tellement simple et
c’est ça que j’ai envie de continuer à cultiver dans
ma vie. En vieillissant, je me rends compte qu’il y
a bien des affaires dont je n’ai pas besoin, dont je
n’ai plus besoin, et je peux choisir ce que je veux
cultiver dans ma vie. L’essentiel dans la simplicité.
Et je trouve ça très beau de nous voir chacune avec
notre bagage, nos différences, notre souffrance
aussi qui est là et tout l’amour qu’on porte. Je me
rends compte que plus je m’ouvre à l’amour, plus
en même temps je vais découvrir ma souffrance en
quelque part, plus je vais être capable de libérer.
Et quand je dis « libérer », c’est pas avec la tête.
C’est le mouvement, c’est l’essence, c’est rentrer
dans notre mouvement, dans notre couleur, dans
notre essence. Des fois ça pue ! Des fois ça sent bon.
Mais c’est avec du compost qu’on fait pousser les
arbres !

Nathalie Auclair, Baie-Comeau

39

Moi, je suis ravie d’être rendue à mon âge ! On m’a
donné des rôles toute ma vie, je les ai contestés.
Je suis arrivée au centre des femmes ça fait quatre
ans. J’ai pleuré, j’ai ri, mais je me suis trouvée !
Je suis très généreuse de nature, j’ai accompagné
des gens, mais j’ai appris à m’accompagner
­maintenant. J’ai appris à ne plus avoir autant
d’exigences. C’est un bel âge. Les gens qui ont peur
d’avoir des rides ! Les rides sont les témoins de la
vie que tu as faite ! Ce n’est pas grave ! Je suis attirée
vers les gens qui ont une profondeur et qui sont
capables de parler avec leur cœur ! Avec la tête ?
Ça m’inspire moins. Quand je parle à quelqu’un,
j’aime sentir une connexion, c’est important pour moi.
Je ne me donne plus autant d’obligations, je lâche
prise sur beaucoup de choses puis je m’aperçois
(je n’aurais jamais dit ça il y a quatre ans) que

c’est vrai qu’on est
responsable de notre vie.

Alors je suis responsable aussi du temps qu’il me
reste à vivre, puis je veux le vivre avec sérénité. Je
suis bien, je suis émotive, mais je sens que je vibre
beaucoup…

Diane, Montréal
40

Toutes les étapes de ma vie m’appartiennent
e­ ncore à 54 ans. Ça fait partie de mon bagage. Puis
ce ­bagage-là, j’ai envie que ce soit moi qui décide
ce que je vais mettre dedans ! En même temps, cette
valise-là m’appartient mais dans une société où
tout le monde en a une aussi. C’est là où je trouve ça
difficile. ­Autant au plan personnel que nous toutes
ensemble. Faire en sorte que notre valise soit com-
mune puis que ce vieillissement soit à l’image de
ce qu’on désire, chacune à notre couleur. Je peux
n­ aviguer dans ce que je suis, mais en même temps,
si je suis toute seule à le faire, je vais trouver ça
­difficile. ­Tandis que si on avance ensemble, ça facilite
le ­chemin. Fait que, si on se façonne, on se façonne
d’hier à demain, on est toujours en devenir. Puis ce
devenir-là, je le souhaite aussi pour ma fille, comme
ma mère m’apprend encore aujourd’hui. Dans
tout le kaléidoscope de ma famille et de la société,

je pense qu’on a
à s’apprendre entre nous.

Suzanne Labrie, Victoriaville

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Moi, ce qui me touche dans le groupe qu’on est,
c’est la force qui se dégage. À un moment donné, j’ai
entendu une grand-mère, dans les 80, elle devait
avoir une couple de mille ans de sagesse ! Elle a
dit : « nous les femmes, chacune dans nos milieux
de vie, si on pouvait se joindre ensemble, dans une
force commune, on pourrait faire la paix sur la
terre ! » Ce que j’ai vécu aujourd’hui, j’appelle ça :
respirer par le cœur. Ça me fait du bien.

Carmen Michaud, Ste-Agathe

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43

J’ai le goût de vivre.
J’ai le goût de rire.
Je me sens comme un bel arbre :
chêne, érable, pin, sapin
aux mille branches porteuses de vie, de joie.
Plus je prends de l’âge,
plus mes

racines
terrestres se multiplient
et deviennent ­aériennes dans l’univers.
Je suis tout cela et je le serai encore.
Marie-Anne, Plessisville

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Avec l’addition des expériences et des rencontres,
quand elles sont vécues avec lucidité et présence,

survient un phénomène paradoxal :
on devient de plus en plus

enracinée­

en Soi, de plus en plus ancrée dans ­l’i­dentité.
On peut de plus en plus s’ouvrir à l’Autre,

puisqu’elle nous constitue et que nous la ­constituons.
Au gré des expériences et des r­ encontres,

nous semons un peu de nous dans le monde,
et le monde sème un peu de lui en nous.

Plus on sent ses bases solides,
moins on ­résiste à l’Autre.

On en vient à la désirer pour sa ­différence.
C’est ce qui peut être lumineux dans vieillir.

Je vois la chose comme un arbre.
Au ­départ, ses racines sont si frêles
que toute autre plante concurrente peut le tuer.
Lorsqu’il est bien implanté, les insectes,
écureuils et ­oiseaux ne peuvent plus lui nuire.

Il les accueille dans ses branches.
La sécheresse ne le menace pas,

ses racines puisent le nécessaire plus bas.
Il vit en harmonie avec ses voisins

des autres ­essences qui lui font un paravent.

Marie-Iris , Montréal

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Aujourd’hui, nous sommes un groupe de femmes
qui parlons de l’âge et l’image qui me vient c’est
un arbre. Quand on se promène dans la forêt, un
­arbre qui vieillit, on le trouve-tu beau ? ! Il y en a
des branches puis il y en a de plus en plus et il porte
de plus en plus de feuilles. Je me sens comme ça.
Je sens en vieillissant que j’ai de plus en plus de
plaisir, de rêves, de joie à faire quelque chose et
j’ai le goût d’en faire. Quand on se regroupe entre
femmes, on fait une belle forêt ! On prend l’espace
pour pouvoir continuer à grandir puis partager.
Je me sens comme cet arbre qui a le goût de partager
avec les autres femmes, d’aller les rejoindre dans
ce qu’elles sont. Elles me nourrissent, j’ai le goût
d’en être nourrie.
Marianne, St-Jean-sur-Richelieu

46

Pendant que les femmes parlent,

je caresse ma première tache de vieillesse

sur ma main droite.

Anne-Marie, 31 ans, Montréal

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Regarder mes mains, les caresser, les protéger,
c’est ce qui m’attache à la vie. Je dirais même que
je respire à travers elles, même si elles ont 60 ans.

Francine Thibault, St-Jean-Port-Joli

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je me sens plus sensuelle

Je me sens beaucoup mieux dans mon corps qu’à
20 ans... J’ai appris à vivre avec mon corps et à lui
trouver certains charmes. Bien entendu, ma peau
et mes seins sont moins fermes. Je commence à
avoir des rides et des taches brunes. J’ai l’oreiller
imprégné sur le visage quand je me lève le matin,
sans compter les poches et les cernes sous les yeux
qui s’installent au moindre excès. Mais ­malgré tout,
j’aime mon corps pour tout ce qu’il m’apporte de
plaisir. Je me sens plus sensuelle. Je lui découvre de
la tendresse... Et quand je regarde les femmes qui
m’entourent, je les trouve tellement plus belles que
dans les publicités où tout est stéréotypé. J’aime
la diversité. J’aime la différence. J’aime le vrai. Et
s­ urtout, le charme qui, nous le savons toutes, n’est
pas une question d’âge...

Nathalie, 42 ans , Montréal

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Malgré tout ce que la pub peut montrer, je trouve
encore que les femmes plus âgées sont belles.
J’aime leurs rides, leurs taches, leurs cheveux
gris, le changement qui s’est créé dans leur corps.
J’aime parler avec elles parce qu’elles m’apportent
beaucoup par leur vécu plus grand et différent du
mien. J’apprécie qu’elles se soient battues pour
obtenir les droits auxquels j’ai accès maintenant.

Maryse, Montréal

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