101
Je crains la perte de ceux et celles que j’aime pour
l’espace d’amour et de bienveillance que nous
avons créé ensemble, qu’il ne serait plus possible
de partager. J’ai aussi peur de me retrouver en plus
grande perte d’autonomie, de me sentir dépendante
sans une présence bienveillante à donner comme à
recevoir.
Suzanne, Montréal
102
Le regard de l’autre. Le mépris dans le regard.
Le sentiment d’être inutile parce que mon corps
ne c orrespond plus à l’objet devant séduire.
Ne plus séduire signifie ne plus servir.
Je deviens donc jetable.
Ninon, Montréal
103
La vieillesse me fait un peu peur. Elle porte des
prophéties de malheurs : maladies, deuils, morts.
Et j’ai peur de manquer de temps. Je sais bien que
mes plus grandes épreuves sont encore à venir.
Il faudra beaucoup perdre, pour devenir prête à
partir. Cela m’inquiète souvent. Où trouverai-je la
confiance, l’espoir, si je n’ai plus la possibilité de
me dire que le temps arrange tout?
Danielle, 54 ans, Bic
104
Est-ce le côté sombre du vieillissement ou celui
de la vie ? Perdre des gens qu’on aime, devoir leur
dire au revoir. Parfois dans l’acceptation. Parfois
dans la révolte. Devoir continuer sans… Construire
sans… Voir grandir sans… Devenir sans… Tout en
tentant de faire avec !
Julie, Montréal
105
Vieillir, c’est voir sa pensée se solidifier
et son corps se fragiliser.
Mélanie, Rivière-du-Loup
106
Ombre parce que les gens qui nous entourent
prennent des décisions à notre place. Décidant
de nos actions, on nous prive de notre dignité et
de notre capacité d’action. Ce qui revient à dire
qu’on perd le sens de notre existence.
Anonyme, Rouyn
107
Pour moi, la part d’ombre du vieillissement
joue pleinement lorsqu’avancer en âge
physique se produit sans que l’esprit n’ait pu
évoluer. Lorsque la vie a étriqué un individu
à force de répétitions, sans surprises, sans
expériences nouvelles, sans rencontres qui
l’amèneraient à grandir, à se renouveler, à
évoluer. Dans le fond, la peur de la mort
pourrait être cela : le refus de disparaître
avant d’avoir pu exprimer ses potentialités,
d’avoir pu porter ses fruits à maturité. Pour
ma part, j’ai bien plus peur de la rigidité et
de l’étouffement que de la mort.
Marie-Iris, Montréal
108
J’allais avec ma mère prendre soin de ma grand-
mère Alzheimer. Mais aujourd’hui, je prends soin de
ma mère Alzheimer. Qui donc va s’occuper de moi ?
Louise, Chambly
109
Pour moi, l’ombre du vieillissement, ce sont toutes les
maladies, les p’tits bobos et limitations que la vie nous
apporte. Mais surtout son acceptation. La colère que
ça m’apporte parce que je suis limitée sur certaines
choses. Le combat continuel que ça m’apporte pour
combattre ces limitations et injustices qui sont mises
sur ma route pour me permettre d’évoluer.
Pascale, Montréal
110
Le vieillissement, ça commence par la vie et ça
finit par la mort. Il faut faire des deuils. En étant
plus jeune, on a l’énergie pour élever nos enfants,
il faut faire le deuil quand ils partent de la maison.
Rendue à un certain âge, que ce soit un des deux
conjoints qui parte, qui décède, ça c’est un autre
deuil. On a à faire face à des deuils, que ce soit dans
n’importe quel sens. Et c’est ça qui est difficile dans
le vieillissement.
Claudine Chabot, Chambly
111
Bordel que c’est l’fun d’être vivante ! Peu importe le
temps qui passe, c’est quelque chose qui est vraiment
précieux. Par rapport au vieillissement, c’est une des
peurs que je rencontre chez les femmes, chez les gens,
c’est la peur de s’éteindre. La peur de perdre l’étincelle
en dedans, l’étincelle de vie, de spontanéité, d’éclat que
t’as à découvrir les choses. On dirait que ça devient
comme enseveli derrière la peur de perdre.
Nathalie Bédard, Bécancour
112
113
Je trouve que vieillir, c’est naître et mourir, naître
mourir, en continu… Je me rends compte que l’âme,
elle n’a pas d’âge.
Vicky Pelletier, Rimouski
114
je me suis mise au monde
J’ai l’impression qu’on ne vient pas au monde
juste une fois.
On vient au monde physiquement une fois,
puis on revient au monde
plusieurs fois pendant notre vie.
C’est bizarre à dire,
mais on dirait que
je me suis mise au monde.
Carole, Montréal
115
C’est drôle ce que je ressens, je ne l’avais pas
ressenti jusqu’à présent. C’est en lien avec l’espace-
temps… On a souvenir qu’on a déjà été jeune, mais
j’ai souvenir que j’ai déjà été vieille. On dit qu’il y a
un enfant intérieur, mais excusez, il y a aussi cette
personne-là, cette sagesse-là, ma vieille intérieure.
Vieille dans quelque chose de très beau. Elle existe
et elle aussi, elle peut être bafouée, comme l’enfant
intérieur.
Vicky Hamel, Lac-Mégantic
116 ma vieille intérieure
une adolescence du vieillissement
On peut-tu avoir comme une adolescence du
vieillissement ? À l'adolescence, tout est à notre
portée, sky is the limit, tu fonces. Des fois, je me
sens comme ça. Là j'ai 60 ans, est-ce que je peux
encore me dire sky is the limit ? J'ai pas la même
forme qu'à 20 ans mais j'ai quand même une forme.
C'est la mienne ! Et qu'est-ce que je peux et veux
faire avec cette forme-là ? C'est tout à fait possible
de se projeter dans quelque chose de l'fun. Je ne
repartirai pas «vogue-la-galère» de n'importe
quelle manière. J'ai d'autres façons de rebondir. Il y
a quand même des acquis, tabarnouche, pourquoi
pas en profiter !
Diane Richard, Montréal
117
plus folle
sur
Le vieillissement, ça aide à ouvrir. Chez les Chinois,
ils disent qu’à 60 ans, c’est l’adolescence de la vieil-
lesse. Alors à 60 ans, on commence vraiment à
voir qu’on a du caractère. Avant on ne disait rien
mais là on a du caractère. Si on veut faire quelque
chose, bien on décide qu’on va le faire, puis tant pis
ce que les autres vont en penser ! Moi je m’en vais
sur 65, je rentre un peu plus dans la maturité, mais
pas tellement encore… je suis encore dans l’adoles-
cence ! Des fois, c’est tentant d’y rester !
Claire Maillé, Rimouski
118
les bords
Vieillir, ça me fait bien rire. La peau tombe. Les pas
boitent parfois. Les yeux se perdent derrière les
poches. Le miroir me redonne un visage que je ne
connais pas toujours. Je crème, j’étire et je grimace
jusqu’à en rire… Vieillir me rajeunit. Je suis heu-
reuse et un peu plus folle sur les bords…
Louisette, Beauport
119
La petite fille
est toujours vivante.
Anonyme, Shawinigan
120
Vieillir pour moi, c’est pas toujours facile, même
b e l l eembêtant parfois mais c’est la seule façon de
vivre longtemps. Je me sens aussi belle qu’à ma
n aissance, avec plus de connaissances et plus d’ex-
périences.
Monique, Brossard
121
regard neuf
Salut, vieillissement
J’ose écrire avec mes deux mains handicapées.
Tu ne me fais plus peur. Je t’ai apprivoisé. Tu m’as
appris à me regarder, à bannir le miroir déformant.
À taire le mensonge sur la vie. Je vieillis, je deviens
de plus en plus qui je suis. Je suis née vieille, je
deviens de plus en plus jeune. Je suis belle, j’ai
découvert les perles en moi.
Je t’aime, vieillissement.
Thérèse, Brossard
122
J’ai beaucoup donné :
temps, amour, soin aux enfants…
J’ai beaucoup grandi là-dedans.
Maintenant je reprends du temps pour moi
mais avec un regard neuf
car je n’ai plus rien à prouver.
Il me reste à être.
Lucie, 57 ans, Montréal
123
Vivre
Ne plus être sage. Ne plus tourner de pages.
Vivre intensément ! S’abandonner au temps.
Jouer la mesure des ans.
Rire et pleurer sans être jugée.
Ne pas m’inquiéter de ce que l’on pourrait penser.
C’est ma liberté de vieillir à mon gré !
Marjolaine, 61 ans, Montréal
intens
124
Vieillir est une façon de se rappeler de ne pas perdre
de temps. Profiter de la vie car elle passe très vite.
Vieillir, c’est aussi s’épanouir, apprendre à appré-
cier davantage ce qui nous fait plaisir et grandir,
car maintenant nous savons le reconnaître.
Anonyme, Montréal
ément !
125
Je me donne du temps enfin à ne rien faire, quelque
chose qui me manquait tant avant dans mes autres
vies de mère, de blonde, de travailleuse, de mili-
tante, de folle du dehors. Enfin !
Anonyme, 62 ans, Ste-Agathe
m e126
Le vieillissement est un concept paradoxal. On dit
que le temps fuit, pourtant, depuis ma retraite,
je remplis pleinement mon temps à faire enfin ce
qui me représente vraiment. À nourrir mon intellect
et mon âme et à me découvrir car j’ai apprivoisé la
solitude.
Louise, Louiseville
donner le temps 127
Tous les petits moments où j’accueille
dans l’instant ce qui est :
la brise du vent qui me caresse la joue, le sourire
d’un enfant, la présence dans le regard de l’un, la
tristesse chez l’autre ou en moi…
sans jugement.
Suzanne, 57 ans, Montréal
128
Ce qui m’a permis,
me permet encore à chaque instant,
d’intégrer toutes les apparences de la vie
(nos rôles, nos combats, nos loisirs, nos désirs),
c’est de m’asseoir en silence
et d’intégrer dans mon expérience, profonde,
tout ce qui y habite.
C’est la méditation et cela me permet de traverser
tous les âges de la vie.
De les voir tels quels, avec leur beauté,
leur douceur, leur souffrance
et de les lâcher… à l’infini.
Nicole, 51 ans, Victoriaville
129
le moment présent
Malgré mes 61 ans, je remercie la vie de tous ses
bienfaits. Des petits bobos viennent parfois me
gêner, mais je goûte la joie de contempler un cou-
cher de soleil, un enfant jouer et la nature déployer
à chaque saison toutes ses beautés et splendeurs.
J’apprécie le moment présent avec tous mes amis.
Francine, Ste-Julie
130
Vieillir, c’est accepter de changer, c’est accepter
ses rides, ses faiblesses. C’est prendre le temps
de regarder autour de soi, de voir la belle fleur, la
douceur de la pluie. Vieillir, c’est prendre le temps…
Rose-Hélène, Alma
131
Ma vie jusqu’à ce jour fut un tourbillon d’événe-
ments qui laisse sa trace sur ma vie présente, telle
une marque laissée par une tornade. Aujourd’hui,
je prends la vie un jour à la fois, appréciant et
savourant chaque moment présent, ce qui donne
plein de sens à la vie.
Anonyme, Villebois
132
S’entendre penser !
Être maîtresse de mon emploi du temps, des films,
des lectures, de l’engagement politique. Plus de
comptes à rendre ! Plus à ménager les susceptibi-
lités ! La liberté !
Anonyme, Sept-Îles
133
Ce qui amène de la lumière dans ma vie, c’est de
constater que je me rapproche de celle que je suis.
Et celle que je suis ressemble étrangement à celle
que j’étais dans la petite enfance.
Marie-Andrée, Richmond
Amies,
134 mon orange
Je me détache, je me « détâche » pour ne garder
que le meilleur de moi. Amies, aidez-moi souvent
à me rappeler que le temps fuit et ne se rattrape
point. Mon orange sent bon, ça c’est précieux.
Lorraine, Ville-Marie
sent bon 135
Le côté lumineux du vieillissement, c’est d’être
r endue dans ma plus belle période de vie. Ré colter
ce que j’ai semé. Profiter d’une nouvelle liberté.
Pourquoi nouvelle ? Comme j’ai toujours pu
faire des choix, c’est tout simplement qu’elle est
différente.
Suzanne, Sept-Îles
136
Merci la vie ! Merci à ma vie que j’aime ! Je me
choisis en sagesse dans ma liberté de cœur. Je vis
mon moment présent, mon aujourd’hui dans la
gratitude. Merci à la création, merci au Créateur,
merci pour la joie du cœur, merci pour ces moments
d’éternité.
Carmen, 59 ans, Ste-Agathe
MeMrcei rlacivliaev! ie !
Yo quiero ser una « viejecita » amable, contenta,
pero tomando mi lugar. Haciendome respectar.
Eso deseo para todas las mujeres : envejecer feliz !
Je souhaite être une « petite vieille » aimable, heureuse,
mais qui prend sa place. En me faisant respecter.
Je souhaite à toutes les femmes une vieillesse heureuse !
Anonyme, Montréal
137
Nous sommes
intemporelles
dans notre unicité.
Julie, sans âge, Chambly
138
Vieillir, Monique, Magog
c’est le temps
qui passe vite.
139
Savoir que tout passe…
140
ce n’est pas si dramatique…
Anonyme, Montréal
141
Je rêve
d’être agile physiquement et
intellectuellement jusqu’à 90 ans,
comme la merveilleuse Léa Roback
que j’avais interviewée à 90 ans et tout alerte !
Francine, Montréal
142
Moi, j’ai 85 ans et puis je fonctionne comme
une jeune de 40 ans ! Parce que je me dis que
j’ai pas de temps à perdre !
Y paraît que l’éternité, c’est long, puis je sais pas
pantoute ce qui se passe là-bas ! Fait que je prends
pas de chance ! Je me dis que ça dépend de nous
comment on veut vieillir. Faut s’impliquer, faire
quelque chose. Faut arrêter de penser qu’on est
vieilles et puis dire : « ah, je suis moins capable ! »
Ben oui, ben oui. Quand moi, je me lève le matin, je
suis un peu raide, mais un coup dépliée, je suis ben
correcte puis je continue ma journée, je m’arrête
pas à penser rien qu'à ça. J’aime mieux penser à
des choses positives. C’est sûr que j'ai pus le même
programme de vie, faut ben être réaliste, mais je
me dis qu'il reste encore des choses à faire, là je
m'enligne et puis je les fais. Et tant qu’on est pas
mort, je me dis : « tu choisis l’âge où tu veux vieillir ».
Liliane Lanoue, St-Jean-sur-Richelieu
143
J’ai 84 ans,
en parfaite santé.
Je fais du bénévolat
deux à trois fois par semaine.
Je vais jouer au scrabble
une fois par semaine avec des amies.
Je trouve la vie très belle. J’ai la santé,
c’est ce qu’il y a de plus précieux.
Jeannette, Plessisville
144
Je suis âgée de 82 ans déjà.
Merci à la vie. Je suis heureuse.
Je me fiche de mes rides.
J’ai le goût de vivre
encore quelques années,
si Dieu le veut.
Anonyme,
Rivière-Rouge
145
Je vois ma mère vieillir en beauté, 82 ans, active,
pleine santé, non médicamentée !
Wow !
Marjo, Villebois
146
Je chéris mon vieillissement
depuis que j'ai découvert qui je suis.
Je suis un point de lumière enveloppé d'un corps.
Céline, Shawinigan
147
Je vous dédie mes 81 ans !
On m’appelle Yolande Myriade et je dis toujours :
« quand vous me regardez, c’est une myriade
d’étoiles que vous voyez ! » J’ai pris la vie du bon
côté dans toutes les épreuves. Tout ce qui s’est dit
depuis le début de la rencontre, tant par les textes
que par les gestes que nous avons faits en dansant,
tout a sorti de l’existence d’une femme, d’une mère,
d’une grand-mère, d’une arrière-grand-mère. J’ai
appris avec le temps, parce que je n’étais pas
comme ça avant, qu’il faut vivre la minute où on
est présentement, la vivre intensément, parce que
cette minute-là ne revient pas. C’est important que
chaque journée que le bon Dieu me permet d’avoir
soit fructueuse dans tous les sens. Autant d’amour,
de don de soi, de responsabilité et surtout, surtout,
apprendre à s’affronter soi-même pour vivre
mieux.
Je voudrais souligner l’importance d’être grand-
mère. Donner du courage à celles qui désirent
l’être. J’ai vécu 21 ans à la montagne, dans la forêt,
près d’un lac. Souvent, j’allais me promener dans
la forêt avec mes petits-enfants et je leur faisais
d écouvrir les beautés de la nature et l’exigence que
surtout,apprendre à
148
nous avons à admirer ce qui est autour de nous.
Je leur disais : « regarde cet arbre, il est fragile, il
commence à vivre. C’est un peu comme nous. Nous,
on est un petit arbre qui grossit graduellement et
qui devient important dans la vie. Selon les chemins
qu’on choisit ». Et vu qu’on avançait réellement
dans la forêt, je mettais des rubans rouges à diffé-
rents endroits, pour ne pas se perdre. Parce qu’il
n’y avait plus de sentier, y’avait plus rien. Alors, le
plus petit m’a dit : « mais grand-maman, pourquoi
tu mets des rubans rouges ? Avec toi, on se perd
jamais ! » Et ça m’est resté, cette phrase-là. Alors j’ai
pour optique que mes petits-enfants, vous êtes là,
mes arrières-petits-enfants, vous êtes là, et je suis
contente de les avoir autour de moi. La leçon à re-
tenir dans tout ça, c’est qu’ils nous regardent avec
leurs yeux innocents, puis pour eux autres, on est
un modèle. Que ce soit avec nos faiblesses, avec nos
avoirs, pour eux autres, on est une membre impor-
tante. Je vous lance le message, grands-mamans,
soyez fières de l’être !
Yolande Dubuc, Montréal
s’affronter soi-même pour vivre mieux
149
continuer
d’apprendre
à aimer
Tu dis que tu perds la mémoire. Moi aussi je perds
la mémoire. Ce n’est pas important de se rappeler
tout ce qu’on a appris ! Faut vider le vase ! Puis là,
le remplir avec des choses nouvelles ! Tout le vieux
stock, enwoye ! Ce n’est plus important ! Vide le vase !
C’est ça, on redevient soi-même, on vide le vase.
Anne Boudreau, Chambly
150