The words you are searching are inside this book. To get more targeted content, please make full-text search by clicking here.

Ce mémoire, après un exposé des principales recherches qui ont porté sur les états modifiés de conscience durant ces quarante dernières années, aussi bien de la part d'ethnologues, de psychologues et de parapsychologues que de médecins ou de physiciens, tente, à la lumière des informations recueillies auprès d'un mage et d'un sorcier, et d'exemples de rituels de magie et de sorcellerie occidentaux, de montrer comment mages et sorciers maîtrisent ces techniques de changement d'états de conscience, aussi appelés ENOCs ou EMC.

Discover the best professional documents and content resources in AnyFlip Document Base.
Search
Published by Michel Nachez, 2020-05-14 19:08:29

Essai sur les changements d'états de conscience dans les pratiques rituelles, magiques et sorcières d'Occident

Ce mémoire, après un exposé des principales recherches qui ont porté sur les états modifiés de conscience durant ces quarante dernières années, aussi bien de la part d'ethnologues, de psychologues et de parapsychologues que de médecins ou de physiciens, tente, à la lumière des informations recueillies auprès d'un mage et d'un sorcier, et d'exemples de rituels de magie et de sorcellerie occidentaux, de montrer comment mages et sorciers maîtrisent ces techniques de changement d'états de conscience, aussi appelés ENOCs ou EMC.

Keywords: État modifiés de conscience,états de conscience non ordinaires,rituels magiques et sorciers,chamanisme,chaman,sorcellerie,magie,magie blanche,rituels magiques,Golden Dawn,ethnologie,Michel Nachez

UNIVERSITE DE STRASBOURG
FACULTE DES SCIENCES SOCIALES

INSTITUT D'ETHNOLOGIE

ESSAI SUR LES CHANGEMENTS
D'ETATS DE CONSCIENCE

DANS LES PRATIQUES RITUELLES
MAGIQUES ET SORCIERES D'OCCIDENT

Michel NACHEZ

Année universitaire 1992-1993
1993

____________________________________________
Mémoire préparé sous la direction de Pierre Erny,
de Eric Navet et de Ming Anthony
En vue de l'obtention du Diplôme d'Études
Approfondies - D.E.A. -mention "Ethnologie"
-1-

SOMMAIRE

SOMMAIRE ............................................................................................................. 2
INTRODUCTION ...................................................................................................... 3
LES ENOCS A LA LUEUR DE LA RECHERCHE ........................................................... 11
ENTRETIENS ET DONNEES ..................................................................................... 62
ANALYSE DES DONNEES...................................................................................... 118
CONCLUSION ...................................................................................................... 138
BIBLIOGRAPHIE................................................................................................... 143
INDEX.................................................................................................................. 155
TABLE DES ABREVIATIONS.................................................................................. 168
TABLE DES MATIERES.......................................................................................... 169
RESUME .............................................................................................................. 171
MOTS-CLES ......................................................................................................... 171

-2-

INTRODUCTION

La question des changements d'états de
conscience lors de rituels magiques, sorciers et
chamaniques a passionné et passionnera encore
nombre d'ethnologues, anthropologues, psychologues,
sociologues, psychothérapeutes, médecins et autres
professionnels de la psyché humaine.

La question est vaste. Elle est, comme la liste —
non exhaustive — des spécialistes énumérés ci-dessus
le montre, d'ordre pluridisciplinaire. Aussi, n'est-il pas
possible, dans le cadre de ce mémoire, d'en aborder
toutes les facettes.

C'est le discours de mages et sorciers "modernes"
— mes informateurs — qui va rythmer ce mémoire.
Aussi, leur laisserai-je largement la parole. Ils vont nous
mener dans un univers entre le rêve, la réalité et le
merveilleux. Un univers qui peut nous sembler
déroutant.

Je les ai questionnés, j'ai écouté leurs réponses,
je les ai laissés s'exprimer librement. Ils m'ont parlé

-3-

avec sincérité, en me permettant de rapporter leurs
paroles : vécu de pratiques magiques et sorcières. De
processus mentaux.

Parallèlement à cela, j'ai complété leur
témoignage par une approche bibliographique en
magie et sorcellerie. Littérature qui passe
généralement sous silence les changements d'états de
conscience. Ce sont en général des manuels pratiques1
livrant des informations concrètes à l'usage des
occultistes avertis.

Je ne pouvais me limiter à cette approche. Aussi
me suis-je parallèlement intéressé aux recherches
récentes concernant le cerveau humain.

Mon intérêt pour ce domaine des états modifiés
de conscience n'est pas nouveau. Mes expériences
personnelles (pratique de psychothérapies ; méditation
zen ; pratique de la hutte de sudation sioux-lakota) et
mes centres d'intérêts et de recherches (psychologie
jungienne, chamanisme, maisons hantées et
phénomènes de poltergeist, transcommunication,

1 - Science Occulte et Magie Pratique ; Formulaire de Haute
Magie ; Traité Pratique de Magie Sexuelle ; Manuel de Magie
Pratique ; Les Rituels Magiques de l'Ordre Hermétique de la
Golden Dawn (voir bibliographie).

-4-

phénomènes parapsychologiques (télépathie,
psychokinèse, précognition...), expériences de mort
rapprochée, alchimie...) m'ont mené, tout
naturellement, à une approche des états de
consciences modifiés. Ce thème constitue en quelque
sorte la trame, le fil conducteur, de mes centres
d'intérêts. Dans ce contexte, magie et sorcellerie
semblaient être un thème que je me devais d'aborder.

C'est un domaine complexe, vaste et délicat. L'on
suspecte généralement les personnes qui s'y
intéressent de trop près d'être un peu déphasées et
hors des réalités de ce monde. J'en prends mon parti. Il
n'est pas dans mon propos, dans ce travail,
d'enflammer les passions, ni de discuter du bien fondé
de l'efficacité symbolique, du "ça marche" ou du "ça ne
marche pas". Mon seul souhait est de montrer que
magie et sorcellerie occidentales manipulent des
"outils" induisant des états de conscience non
ordinaires. Pour ce faire, je me référerai aux
témoignages de mes informateurs, et aux recherches
qui ont été effectuées dans ce domaine des états
modifiés de conscience durant ces quarante dernières
années.

Par ce travail, je tenterai donc de mettre en
évidence certains points qui m'ont paru importants.

-5-

Il existe sur notre planète une quantité de rituels
magiques différents les uns des autres. Ces rituels
comportent des éléments communs : danses,
psalmodies, musiques, bruits, odeurs, transes,
déprivations sensorielles, stimulations sensorielles... La
liste en est longue. Ces éléments ne sont pas le fruit du
hasard, ils visent tous à obtenir un certain état de
conscience dont le but est d'induire un effet soit sur la
réalité objective matérielle (guérison, par exemple),
soit sur l'évolution spirituelle des praticiens.

Ce sont ces états de conscience modifiés qui me
semblent constituer l'élément important dans l'acte
magique.

Dans le corps de ce mémoire, je me propose de
mettre en évidence deux points.

Tout d'abord, l'agencement et la structure des
rituels paraît n'être qu'un moyen — non sans
importance —, un outil, une technique ; l'acte magique
se plaçant sur un autre plan de référence pour le mage
ou le sorcier, le monde "Invisible".

En conséquence — et ce sera le deuxième point
—, ces rituels viseraient à "endormir", à "fasciner" la
conscience ordinaire de l'individu, de l'officiant. Il
s'agirait de techniques qui occupent, focalisent
l'attention de la conscience du praticien, permettant,

-6-

par là même, de libérer, de dégager une autre fonction
mentale : celle, précisément, qui permettrait l'accès à
cette autre réalité dont les magiciens, chamanes ou
sorciers se servent afin d'entrer en contact avec des
entités, des dieux, ou d'autres plans d'existence (le
monde des morts, entre autres)...

Les moyens apparents pour parvenir à cet état de
réalité non ordinaire divergent d'une culture à l'autre
et les détails des pratiques ne semblent, en fait, n'avoir
d'importance que culturelle. J'illustrerai ceci par deux
exemples de rituels magiques occidentaux2.

Le monde des mages et des sorciers occidentaux
est un monde fermé, difficile à pénétrer, un monde de
personnages, souvent individualistes, qui, du fait de
l'idéologie rationaliste de notre société occidentale,

2 - Il serait intéressant — et sûrement révélateur — de
pousser la comparaison avec des rituels d'autres aires
culturelles. Ce n'est qu'à ce compte-là qu'une
démonstration pertinente pourrait être élaborée. Ceci
entrerait alors dans le cadre d'une recherche plus vaste et
plus extensive.

-7-

préfèrent officier dans l'ombre, la discrétion et le
secret.3

Dans ce contexte, il n'est pas aisé de rassembler
des témoignages, des explications, des descriptions,
des informations. Une longue patience a été nécessaire
— plusieurs années — pour recueillir des détails sur les
états modifiés de conscience en magie et en sorcellerie.
Deux personnes seulement ont accepté de s'ouvrir, et
de parler de leurs expériences et de leurs techniques,
et ceci après une longue période de "gestation", de
confiance mutuelle. Je les nommerai Alex et Maxime.

Il m'a été donné de rencontrer d'autres
personnes pratiquant de ces rituels, elles n'ont pas
désiré se confier. Il est vrai que rapporter ses
expériences, son vécu implique une démythification qui

3 - Marabouts et charlatans courent les rues par contre, et ces
personnes semblent, à priori, plus attirées par l'appat de
l'argent facile. Ils ne concernent pas mon étude et ils ne
pourraient, de plus, certainement, me donner aucune
information fiable concernant les changements d'état de
conscience, si ce n'est quelques lieux communs tels que
ceux publiés dans une certaine presse ésotérique de
grande diffusion. Ce groupe social (l'on ne peut parler
d'ethnos dans ce contexte) semble plutôt remplir une
fonction sociale. Ce domaine a déjà fait l'objet de plusieurs
études en éthnologie et en sociologie.

-8-

soustrait une part du mystère de ces pratiques. Et ce
vécu, qui est considéré par ces personnes comme
intime et sacré, elles n'ont pas voulu le "profaner" — le
rendre profane —, elles ont désiré garder leur jardin
secret et je respecte ceci. Alex a émis un jour cette
remarque : "On ne raconte pas ses rêves à n'importe
qui." Ce qui est très juste.

Il a déjà été écrit de nombreux ouvrages et
articles sur la magie et la sorcellerie, aussi n'ai-je pas
voulu réitérer une histoire de la magie et de la
sorcellerie. Il existe d'excellents ouvrages, mémoires et
thèses sur le sujet et j'ai donc préféré orienter mon
attention sur les recherches récentes concernant les
états modifiés de conscience. Ceci fera l'objet de ma
première partie.

Dans la deuxième partie, je présenterai mes
informateurs et laisserai une large place à leurs paroles.
Puis, je présenterai deux rituels : l'un de magie
cérémonielle, l'autre de magie sexuelle sorcière.

Enfin, en troisième partie, j'analyserai ces
données — entretiens et rituels — dans la perspective
des changements d'états de conscience.

-9-

Abordons maintenant le champs des ENOCs4.

4 - ENOCs : Etats Non Ordinaires de Conscience.

- 10 -

LES ENOCs A LA LUEUR DE
LA RECHERCHE

DEFINITIONS

Dans ce domaine, délicat, des ENOCs, le sens des
mots varie en fonction de celui qui les utilise.

Aussi, me semble-t-il nécessaire de définir
quelques concepts afin de permettre au lecteur de
mieux s'y retrouver.

Les mots magie, sorcellerie, rituel... n'ont pas le
même sens dans l'esprit d'un ethnologue, d'un mage,
d'un psychiatre ou d'un historien des religions...

Voici quelques points de références :

Magie Elle est souvent scindée en deux
groupes : magie blanche et magie
noire.

- 11 -

- Voici la définition du Dictionnaire de
l'Ethnologie5. Magie blanche : magie
qui se donne pour but d'écarter les
mauvais esprits ou de guérir les
personnes qui en ont été les
victimes. Elle n'est donc pas
considérée comme antisociale, au
rebours de la magie noire. Magie
noire : magie qui prétend subjuguer
les mauvais esprits et les forces
surnaturelles maléfiques pour en
faire les instruments d'entreprises
homicides. Toutes les sociétés
distinguent ce type de magie de la
magie blanche et le condamnent.

- Le Dictionnaire Larousse6 : Ensemble
de pratiques fondées sur la croyance
en des forces surnaturelles
immanentes à la nature et visant à
maîtriser, à se concilier ces forces. 
Magie noire, magie blanche :

5 - Dictionnaire de l'Ethnologie, M. Panoff et M. Perrin, Paris,
Petite Bibliothèque Payot, 1973, pages 165-166.

6 - Le Petit Larousse, 1992, page 619.

- 12 -

respectivement mises en oeuvre
pour le mal ou pour le bien.

- Ethnologie Générale7 :

"L'anthropologie récente a renoncé à
peu près complètement aux
recherches relatives à l'origine de la
magie, qui avaient tant préoccupé
certains précurseurs. Les uns
voyaient dans la magie une forme de
dégénérescence de la religion.
D'autres, notamment J. Frazer,
pensaient que la magie avait
précédé la religion ; mettant en jeu
la relation de cause à effet, elle
aurait été une sorte de «science
primitive». [...] La magie et la religion
ne sont pas «deux domaines
exclusifs l'un de l'autre»." [...] La
discussion sur la signification de la
magie demeure largement ouverte.
Les travaux récents ont insisté sur la
diversité des faits magiques, et sur la

7 - Ethnologie Générale : Paul Mercier, "La Religion et la Magie",
Paris, Ed. Gallimard, 1968, pages 984 à 987.

- 13 -

variété des fonctions qu'ils peuvent
remplir dans la société. Il existe en
effet une gamme très étendue
d'actes qui visent à influer
directement sur le monde extérieur
et sur les autres hommes, à
permettre l'accomplissement des
désirs de ceux qui les entreprennent,
dans tous les domaines où les
connaissances scientifiques ou
empiriques font défaut ; ils
s'appuient toujours sur des
ensembles de croyances, sur des
théories relatives au contrôle de
l'homme sur la nature et les autres
hommes, mais on décèle entre ces
théories de grandes différences,
selon le type de société dans lequel
elles ont été élaborées. [...] Les
tentatives de classification des faits
magiques ont été nombreuses. Les
unes prenaient pour base les
techniques, les mécanismes de
l'action magique, conduisant aux
distinctions classiques entre magie
imitative, magie contagieuse, etc.,
ou à l'opposition entre les magies
qui utilisent des instruments

- 14 -

matériels et celles qui n'emploient

que la parole. Sans être

complètement abandonnées, elles

ont peu à peu cédé la place à des

classifications établies en fonction

du but poursuivi par l'acte magique

— mais dépassant la très ancienne

distinction posée entre «magie

blanche» et «magie noire». La

terminologie n'est pas encore

parfaitement assurée. De toute

manière, les études récentes ont

montré que les classifications

formelles avaient moins

d'importance que l'analyse des

contextes dans lesquels la magie est

utilisée, c'est à dire en définitive des

anxiétés et des tensions intérieures à

la société auxquelles elle contribue à

apporter une solution. [...]."

- Et encore8 : "Il faut le reconnaître, le
terme de «magie» n'est guère
satisfaisant, car il recouvre trop de

8 - Magie - Aspects de la Tradition Occidentale, Francis King,
Paris, Seuil, 1975, page 8.

- 15 -

significations différentes. [...] Il y a la
magie au sens de anthropologues —
mélange de superstitions naïves, de
rites primitifs de fertilité et de
survivances folkloriques. Il y a aussi
la magie noire, dans laquelle on
commet le mal (un meurtre rituel,
par exemple) afin d'obtenir les
bonnes grâces des démons. Enfin, il
y a la magie des occultistes
occidentaux9, qui est un système très
complexe dont les origines sont à
rechercher, non pas dans la légende
ou le folklore, mais dans les
Hermetica et la littérature gnostique
de l'Empire romain."

Sorcellerie Voici quelques définitions :

- Le Dictionnaire Larousse10 : "Capacité
de guérir ou de nuire, propre à un
individu au sein d'une société, d'un

9 - La magie qui nous intéresse ici.
10 - Le Petit Larousse, 1992, page 949

- 16 -

groupe donné, par des procédés et
des rituels magiques."

- Jean Markale11 : "[...] On a d'abord
tendance, dans tous les milieux
sociaux et culturels, à utiliser
indifféremment les termes
«Sorciers» et «Magiciens». Or, il ne
s'agit nullement de la même
discipline : la magie est un
authentique système philosophique
concernant la causalité et la finalité
de l'univers, tandis que la Sorcellerie
n'est qu'un ensemble de pratiques
soi-disant efficaces, mais limitées à
des buts immédiats, sans aucune
référence à un ordre cosmique. Si le
Magicien s'efforce de comprendre et
d'expliquer l'univers pour influer sur
lui, le Sorcier se borne à utiliser des
forces invisibles, en lui ou en dehors
de lui, afin d'aboutir à un résultat
précis, généralement très matériel.
Certes, la Sorcellerie, comme la

11 - Les Mystères de la Sorcellerie, Jean Markale, Paris,
Ed.Pygmalion, 1992, page 10.

- 17 -

Magie comporte des rituels, mais en
l'occurrence, ces rituels, qui
apparaissent souvent comme des
caricatures, sont surtout des
formules répétées systéma-
tiquement, voire des breuvages ou
pommades relevant davantage de la
médecine populaire que du
«supranormal». Mais, comme la
Magie se décompose en «magie
blanche», bénéfique, et en «magie
noire» ou goétie, de tendance
maléfique, la frontière entre les deux
disciplines est souvent imprécise. Les
Sorciers ne seraient-ils pas des
Magiciens dégénérés ou n'ayant
point franchi toutes les étapes d'une
initiation intégrale nécessaire ?"

- Maxime12 : "La sorcellerie est divisée
en deux courants. La haute
sorcellerie, d'abord, ou sorcellerie
traditionnelle (c'est à dire qu'on y
pratique des initiations) ; et puis la
basse sorcellerie, la magie des

12 - Mon informateur sorcier.

- 18 -

campagnes. Elle est surtout
composée de recettes et de
pratiques déviées et le plus souvent
déformées. La sorcellerie est une
démarche magique axée sur l'action,
la force. Elle manipule les forces
naturelles : le tellurisme,
l'inconscient collectif, la magie verte.
Elle effectue des opérations comme
l'envoûtement, le désenvoûtement,
l'évocation, l'invocation, la
manipulation des sorts, etc... Elle est
ritualisée tout en intégrant la
pratique chamanique. Mais moins
rigide que la magie cérémonielle. En
fait, pour résumer, on peut dire que
la sorcellerie, c'est mon point de vue
à moi, est un mélange de magie
cérémonielle et de pratiques
chamaniques. En plus, à l'intérieur
de la haute sorcellerie existe une
voie brève qui est uniquement à
base de techniques utilisant la voie
du dragon (c'est à dire le

- 19 -

Rituel tellurisme13), la magie sexuelle, et les
égrégores.14"

Quelques définitions du terme rituel
:

- Dictionnaire de l'Ethnologie15 :
"Ensemble strictement codifié de
paroles proférées, de gestes
accomplis, et d'objets manipulés et
correspondant à la croyance en une
présence agissante d'êtres ou de
forces surnaturels. C'est ainsi, par

13 - La compréhension, l'utilisation et le contrôle des forces
chtoniennes et telluriques de la Terre.

14 - Egrégore : "C'est l'entité psychique et astrale d'un groupe.
Tous les membres d'un groupe, qu'il s'agisse d'une famille,
d'un club, d'un parti politique, d'une religion voire d'un
pays, tous ces membres sont psychiquement inclus dans
l'égrégore de l'organisation à laquelle ils appartiennent.
[...] Donc, toute personne incluse dans un groupe reçoit,
dans son psychisme, les influences de l'égrégore, c'est-à-
dire de la contrepartie astrale du groupe et ceci
inconsciemment. [...]" Extrait du Cours d'Esotérisme Général
des Philosophes de la Nature, Association qui enseigne
l'Alchimie opérative et la Kabbale.

15 - op. cit., page 233.

- 20 -

exemple, que la religion peut être
définie comme reposant sur une
croyance en des êtres surnaturels,
sur certaines attitudes affectives et
émotionnelles vis-à-vis de ces êtres
et sur un moyen déterminé d'entrer
en contact avec eux, moyen qui est
le rituel."

- Le Dictionnaire Larousse16 : "Ensemble
de comportements codifiés, fondés
sur la croyance en l'efficacité
constamment accrue de leurs effets,
grâce à leur répétition. Rite : Dans
certaines sociétés, acte, cérémonie
magique à caractère répétitif,
destiné à orienter une force occulte
vers une action déterminée."

Ces quelques définitions montrent la difficulté à
cerner ces domaines.

Je proposerai, dans le cadre de ce mémoire, la
définition suivante des termes magie et sorcellerie :

16 - op. cit., page 894.

- 21 -

systèmes de pratiques et de représentations
impliquant le contrôle des états non ordinaires de
conscience en vue d'une action sur le monde matériel
objectif ou/et le monde humain — physique,
psychique, spirituel —.

En ce qui concerne le concept d'état de
conscience modifié, la problématique est encore plus
délicate. Nous n'avons pas de grille de lecture pour le
psychisme altéré. Les classifications de la psychologie
clinique ou de la psychiatrie ne peuvent s'appliquer ici.
Il faut donc en chercher d'autres.

L'ETAT DE CONSCIENCE ORDINAIRE (ECO)

Peut-être faut-il avant tout définir l'état de
conscience ordinaire (ECO) ? Où est la frontière entre
un état de conscience ordinaire et un état de
conscience modifié ? Ces questions sont, elles aussi,
délicates. Car la notion de conscience semble varier
d'une culture à une autre, d'un individu à un autre et
même pour un individu, d'un moment à un autre.

Pour poser quelques jalons, considérons, dans le
cadre de ce travail, que l'état de conscience habituel,
normal, de l'occidental moyen est celui de l'état de
veille ordinaire, des occupations journalières : exécuter

- 22 -

son travail, conduire sa voiture ou lire un bon livre. En
ce sens, un bon sommeil entrecoupé de rêves est un
état de conscience ordinaire également. Une bonne
définition pourrait être la suivante : un état de
conscience ordinaire est un état qui résulte de
l'adaptation d'un individu à l'environnement physique
et psychosocial de sa culture. Voici la définition de
Charles Tart : "Notre état de conscience ordinaire ou
normal est un outil, une structure, un mécanisme
d'intégration qui nous permet d'interagir avec une
certaine réalité sociale acceptée — un consensus de
réalité".17

Un état de conscience non ordinaire se
caractériserait alors par des phénomènes psychiques
inhabituels. En général, en Occident, un état de
conscience inhabituel est classé dans la pathologie18.

17 - Charles Tart, States of Consciousness, Dutton, New york,
1975. Voir Christine Hardy, La Science et les Etats Frontières,
Monaco, 1988, page 237.

18 - Pour l'état de transe, par exemple, voici les termes que la
psychiatrie et la psychanalyse emploient pour la qualifier :
oscillation entre excitation et inhibition, entre contention
et déchaînement, entre identification et amour d'objet,
entre les deux pôles de la bisexualité ; bouffée délirante ;

Voir page suivante
- 23 -

Or, en magie et en sorcellerie, les états de
conscience non ordinaires sont provoqués par
l'officiant.

Il est donc utile d'introduire le concept de
contrôle des états non ordinaire de conscience19. La
pratique magique, le rituel, est l'instrument, l'outil
provoquant ce glissement vers une autre réalité. Une
caractéristique fondamentale de ces états non
ordinaires en magie et en sorcellerie est que l'officiant
reste conscient du processus, qu'il garde le contrôle sur
lui-même et est à même d'interrompre le rituel si un
danger se présente. Il dispose d'une panoplie d'outils
"rituéliques" lui permettant de contenir les effets
indésirables : rituel de consécration, rituel d'exécration,
rituel de purification, rituel de dégagement... pour n'en
citer que quelques-uns.

Dans notre culture occidentale, nous avons de
nombreux termes pour qualifier ces états de
conscience non ordinaires : transe, hypnose, rêve,
extase, par exemple. Aucun d'eux n'a pu être

phénomènes hallucinatoires ; confusion et désorganisation
des repères temporo-spatiaux...
19 - Dans la suite de ce travail, j'utiliserai l'abréviation ENOC
pour Etat Non Ordinaire de Conscience.

- 24 -

clairement défini, sinon avec les termes issus de la
psychologie clinique, de la psychiatrie et de la
psychanalyse.. Les définitions médicales et
psychiatriques ne peuvent être appliquées dans le
cadre de cette étude : ils ne correspondent pas à la
réalité des mages et sorciers.

LE REVE

Il existe toute une échelle d'états de conscience
modifiés. Parmi les plus connus, il y a le rêve, qui peut
être décrit comme un état de conscience modifié
également. Il est utilisé par de nombreuse cultures
("Dream Culture") comme une porte vers un au-delà,
un autre monde de réalité non ordinaire. Par exemple,
pour les Aborigènes d'Australie il existe Jukurrpa :

"Jukurrpa constitue le pivot central de la
culture et de la spiritualité aborigènes. Ce terme
désigne à la fois le récit concernant chacun des
itinéraires suivis par le clan et l'espace-temps
onirique qui contient la mémoire mythique de
l'ensemble de ces récits. Pour les Aborigènes,
Jukurrpa a existé de tous temps et existera
éternellement dans un monde parallèle au nôtre,
accessible uniquement par le rêve. Il est le
domaine des êtres ancestraux et éternels ; ces

- 25 -

fameux êtres éternels sont, en effet, le produit de
Jukurrpa. Eux-mêmes reçoivent toute leur
connaissance par leurs propres rêves, qui leur
indiquent les itinéraires qu'ils doivent suivre. Une
fois sur place, ils sont capables de deviner l'histoire
du site, de connaître toutes les cérémonies qui s'y
sont déroulées ainsi que d'identifier quels êtres
sont passés par là. Ils peuvent aussi savoir tout ce
qui a été dit, mémorisé et même pensé sur chaque
lieu sacré ! Ils sont, de par leurs pouvoirs, les
guides privilégiés des âmes des dormeurs qui
viennent les visiter. Ce sont eux qui donnent à
l'âme de leurs visiteurs terrestres les messages
oniriques qu'ils devront transmettre au clan à leur
réveil."20

Alex reviendra, plus loin, sur le rêve, utilisé en
magie pour recevoir des informations d'"autres
sources".

L'HYPNOSE

20 - Philippe Kerforne, "La vie rêvée des Aborigènes
d'Australie", L'Autre Monde, n°64, avril 1993, pages 64-67.

- 26 -

Voyons l'hypnose à présent. Pour cela, je me
réfère à l'excellent travail de Christine Hardy21 qui a très
bien su synthétiser les données s'y rapportant22 :

"... il me semble que nous sommes
confrontés, avec l'hypnose, à une variété d'états
distincts qu'il serait vain de vouloir cerner par une
seule définition. Cependant, ces états modifiés
distincts se développent à partir d'un état
hypnotique de base — nommons-le à la suite de
Charles Tart un état neutre hypnotique ou ENH —
par l'utilisation d'une induction hypnotique
classique, basée sur la relaxation profonde et
l'attention sélective à la voix de l'hypnotiseur. Cet
ENH, lui, est commun à la plupart des transes
hypnotiques, induites par un hypnotiseur ou auto-
induites. [...]

L'ENH peut être caractérisé par une
relaxation profonde (perte des sensations
intéroceptives), une suggestibilité accrue, une
visualisation spontanée vivide, une pensée
spontanée réduite, une concentration sélective de
l'attention sur ce qui est suggéré (perte des

21 - Ethnologue, auteur d'une thèse d'état — Ethnologie et
Parapsychologie — à l'Université de Paris VII.

22 - Christine Hardy, op. cit., pages 176 et suivantes.

- 27 -

sensations extéroceptives) et une amnésie
partielle ou totale subséquente. Enfin, si l'ENH est
induit par un hypnotiseur, il comporte alors une
relation exclusive à l'hypnotiseur, à caractère
fortement empathique.

Dans cet ENH, la pensée automatique
semble tout à fait suspendue, et la pensée
spontanée est réduite à l'absorption et à
l'amplification (et très rarement au rejet) de ce qui
est suggéré.

Dans l'ENH, le sujet pense en images. Ce qui
lui est suggéré est immédiatement visualisé.

Le fait que le champ de l'attention soit
resserré sur un domaine très limité, et que les
sensations extéroceptives et intéroceptives soient
pratiquement nulles (à l'exclusion de la voix de
l'hypnotiseur), semble augmenter la puissance de
la concentration. Dans l'hypnose, ce resserrement
de l'attention, la quasi-annulation de l'input
sensoriel et l'arrêt de la pensée automatique font
qu'il n'y a pratiquement aucune possibilité de
distraction. Cela suffit à prouver que l'hypnose est
un état distinct et modifié, puisque seuls de très
rares sujets (généralement des méditants) sont
capables d'atteindre un état dans lequel la pensée
automatique et les distractions sont annulés. [...]

L'état neutre hypnotique permet d'accéder,
en mettant en oeuvre les suggestions appropriées

- 28 -

et un approfondissement de la transe, à une
profusion d'états modifiés distincts, allant de la
régression, à des états somnambuliques et à des
états proches des états yogiques transcendants
sans forme.

La transe hypnotique peut ainsi être un
moyen très efficace en vue de sélectionner et
d'induire un état de conscience particulier, quel
qu'il soit, parce qu'il est visualisé avec une telle
intensité que cela équivaut à le «vivre» et à en
produire les effets attendus.

La visualisation, qui est à la base des
techniques de yoga visant le développement de
certains pouvoirs paranormaux, est certainement
un facteur essentiel à la production d'effets non
ordinaires, i.e. des grands phénomènes de
l'hypnose tels que les pseudo-brûlures,
l'anesthésie, etc.

A mon avis, c'est la visualisation,
extrêmement renforcée pendant l'hypnose, qui
permet aux suggestions d'être vécues comme une
réalité par le sujet.

Il semble donc que les éléments de
visualisation et de suggestion se renforcent l'un
l'autre, concourant à la création d'états de plus en
plus «modifiés» et profonds.

Il est donc possible qu'à partir de l'ENH, des
états de plus en plus modifiés puissent être

- 29 -

atteints, dans la mesure où la transe du sujet
s'approfondit en réponse aux suggestions
appropriées de l'hypnotiseur."

On touche ici un aspect crucial des états modifiés
de conscience. En effet, comme on le verra plus loin,
pendant les entretiens, et à l'analyse des données, la
visualisation et l'auto-hypnose sont des éléments
primordiaux mis en oeuvre dans les rituels magiques et
sorciers cérémoniels.

LE REVE LUCIDE

Voyons maintenant d'autres types d'états
modifiés de conscience : le rêve lucide, tout d'abord.

Le rêve lucide est un état dans lequel une
personne rêve tout en prenant la direction, tout a fait
consciemment, de son rêve. Dans certains cas, la
personne serait capable de voir son corps endormi.
D'après les témoignages, les perceptions d'un rêve
lucide auraient plutôt le caractère de la réalité et non
celui d'un rêve. Tous les modes sensoriels de l'état
d'éveil seraient activés et, dans certaines situations,

- 30 -

des modifications somatiques seraient vécues.23 Voici
ce que nous rapporte Christine Hardy24 :

"En 1975, Keith Hearne, psychologue,
entreprit une étude physiologique25 à l'Université
Hull, en Angleterre, avec un sujet qui avait très
souvent des rêves lucides de façon spontanée.
Ayant eu «l'idée qu'il était peut-être possible que
le rêveur puisse, pendant un rêve lucide,
communiquer avec le monde extérieur», Hearne
avait demandé au sujet d'exécuter une série de 7 à
8 signaux oculaires (en tournant ses yeux à gauche,
puis à droite) et d'essayer d'appuyer sur un
bouton, lorsqu'il serait conscient pendant un rêve.
Vers le matin, alors que le sujet était en stage
REM26 du sommeil depuis déjà une demi-heure, les
mouvements codés apparurent soudain sur le

23 - Christian Stephan, "Klartraüme : Bewußtes Traümen als
Weg zur Selbstverwirklichung", Esotera, n°12, décembre
1982, pages 1090 à 1099.

24 - Christine Hardy, op. cit., page 37 et suivantes.
25 - Keith Hearne (1982) : "Signals from another world", dans le

Dream Network Bulletin, vol. 1, no. 5. ibid.
26 - Rapid Eye Movement : c'est dans cette phase de

mouvements oculaires rapides que le sujet rêve. Note de
l'auteur.

- 31 -

graphe (Hearne enregistrait l'EEG, l'EOG [électro-
oculogramme] et l'EMG [électromyogramme]). [...]
Puis il eut un autre rêve et fit de nouvelles
séquences de signaux, certaines lentes et d'autres
rapides. Hearne remarqua que les séquences de
signaux que le rêveur dit avoir fait correspondaient
«presque exactement» à celles qu'il avait
observées sur le graphe, ce qui prouvait un réel
passage d'information entre l'état de rêve et le
conscient du sujet qui se rappelle son rêve. [...] Un
jeune psychologue très brillant de l'Université de
Stanford, Stephen La Berge, a fait faire un nouveau
bond à l'étude du rêve lucide. [...] «...les rêveurs
peuvent envoyer intentionnellement des signaux
au monde extérieur tout en continuant à rêver».
Enfin, il apparaissait aussi de façon éclatante que
«la connaissance présente dans le rêve pendant la
phase REM peut être beaucoup plus rationnelle et
réfléchie que ce qui a été assumé
communément». Cette possibilité de marquer le
moment exact d'événements se passant dans le
rêve provoqua un grand enthousiasme pour les
diverses avenues de recherche que cela ouvrait."

- 32 -

Tracé d'un sujet signalant qu'il
sait qu'il rêve. Le sujet se réveilla 20 sec.
à peu près après le signal et rapporta
qu'il avait eu un rêve lucide et qu'il avait
exécuté le signal convenu, c'est-à-dire en
levant les yeux (U sur l'EOG), puis en
faisant une séquence de serrements du
poing gauche (L) et du poing droit (R),
donnant le code en morse des initiales du
sujet : SL. Les 3 critères de la phase REM
du sommeil sont présents : basse
amplitude sur l'EMG du menton, des REM
épisodiques, et un EEG de basse
amplitude et de fréquences mélangées.
Les initiales SL donnent donc, en morse :

- 33 -

LLL LRLL, ce qui est reconnaissable sur la
figure. (La Berge, 1980)27

On peut rapprocher les rêves lucides de la
projection hors du corps, nommée aussi dans les
milieux ésotériques "voyage astral". Le terme américain
employé par les scientifiques est OBE (Out of Body
Experience). A ce jour, il n'a pas été possible de mettre
en évidence l'existence d'un déplacement hors du
corps. Plusieurs théories coexistent :

- "Certains chercheurs se posent la question d'un
«quelque chose» qui s'extérioriserait du corps
physique, et qu'ils nomment «Aspect Thêta», pour
ne pas en présumer la nature."28

- ..."l'OBE n'est fondamentalement qu'une
expérience de nature psychologique qui est
caractérisée par l'impression qu'a le sujet de se
trouver hors de son corps..."29

- "Enfin, certains parapsychologues ont cherché à
détecter un pattern d'ondes cérébrales qui

27 - Stephen La Berge (1980) : "Lucid dreaming as a learnable
skill : a case study." Perceptual and Motor skills, Vol. 51 (p.
1039-1042). Christine Hardy, op. cit., page 41.

28 - Christine Hardy, ibid., page 80
29 - ibid.

- 34 -

pourrait rendre compte de «l'état» OB, de la
même manière que l'on a réussi à prouver que le
rêve est un état de conscience particulier, distinct
du sommeil."30 Les recherches effectuées jusqu'à
aujourd'hui n'ont pas encore permis de mettre cet
"état OB" en évidence.

LA CLASSIFICATION DE ARNOLD LUDWIG

Pour essayer de délimiter le champ des ENOC,
voici la classification de Arnold M. Ludwig31 en 1966 :

Production des ENOCs

- réduction de la stimulation externe et/ou de
l'activité motrice :
dans cette catégorie se classent les stades
mentaux résultant de la réduction de la
stimulation sensorielle, ou résultant d'une
stimulation constante, répétitive et monotone

30 - ibid.
31 - Arnold M. Ludwig, "Altered States of Consciousness, dans

Altered States of Consciousness", Charles T. Tart, New York,
HarperCollins Publishers, 1990, pages 19 à 28.

- 35 -

(déprivation sensorielle {expérimentale ou non} ;
ennui extrême, états hypnagogiques, rêve et
somnambulisme ; en ésotérisme, elle se manifeste
dans les rites d'incubations pratiqués par les Grecs
et les Egyptiens de l'Antiquité)

- augmentation de la stimulation externe et/ou de
l'activité motrice et/ou de l'émotion :
ici sont classés les ENOCs provoqués par
l'excès de stimulation sensorielle — activité
physique intense, surexcitation émotionnelle et
fatigue mentale extrême (lavages de cerveau,
transe de groupe dans les foules, conversions
religieuses et guérisons en transe, aberrations
mentales associées à certains rites de passage32,
possession par des esprits, transes chamaniques
durant des cérémonies tribales, transes
orgiastiques expérimentées par des groupes
satanistes pendant leurs cérémonies, marches sur
le feu, transes extatiques des derviches tourneurs,
transes provoquées par la masturbation prolongée
; également : amnésies, névroses traumatiques,
dépersonnalisation, panique, hystérie, berserk,
possession démoniaque et états psychotiques... )
—.

32 - En français dans le texte.

- 36 -

- augmentation de la vigilance ou de l'implication
mentale :
cette catégorie comprend les altérations dues
à une activité mentale accrue pendant un certain
laps de temps (vigilance prolongée ; observation
d'un écran radar pendant une période trop longue
; prière soutenue ; concentration mentale extrême
sur une tâche spécifique comme la lecture,
l'écriture, ou la résolution d'un problème... ou
l'écoute prolongée d'un tambour, d'un
métronome, l'observation prolongée d'un
stroboscope... ).

- attention diminuée et relaxation exagérée :
cette catégorie regroupe les ENOCs en

relation avec un mental passif, une activité
mentale minimale (états mystiques,
transcendantaux atteints par méditation passive et
se présentant spontanément dans la phase de
relaxation maximale ; rêve éveillé ; somnolence ;
médiumnité ; transes auto-hypnotiques ;
associations libres pendant les cures
psychanalytiques ; nostalgie profonde ; transes
provoquées par la musique ; relaxations profondes
comme celles obtenues dans des caissons
d'isolation sensorielle...).

- présence de facteurs psychosomatiques :

- 37 -

dus aux altérations de la chimie du corps et de
la neurophysiologie (hypoglycémie ; jeûne ;
hyperglycé- mie ; déshydratation ; dysfonctions de
la thyroïde ; privation de sommeil ;
hyperventilation ; narcose ; délire provoqué par la
fièvre, les drogues...) .

Caractéristiques générales des ENOCs

- altérations de la pensée : troubles de la
concentration, de l'attention, de la mémoire, du
jugement...

- altération de la perception du temps : sens du
temps et chronologie sont altérés : accélérations
et ralentissements, arrêt de l'écoulement du
temps...

- perte de contrôle : de la réalité, self-control (cette
perte de contrôle peut être passagère et amener
le sujet à une "reprise en main des commandes"
qui le mènent à une expérience de grande
amplitude et d'enrichissement)...

- changements émotionnels : détachement, peurs et
angoisses, perte d'humour, dépersonnalisation...

- modifications de l'image du corps :
dépersonnalisation, coupure corps/esprit ,
dissolution du corps dans l'espace ou l'univers,

- 38 -

rapetissements, agrandissements, distorsions,
lourdeurs, légèreté, étrangeté, déformations...

- distorsions de la perception : hallucinations,
imagerie visuelle modifiées, couleurs, géométrie,
sons, odeurs, sens, lumières sonores, et sons
colorés...

- modifications de la perception des concepts et des
idées : expérience de "eurêka", illumination,
fausses logiques et raisonnements...

- sens de l'ineffable : états mystiques et
transcendantaux

- sensations de rajeunissement : en relation avec des
drogues comme les amphétamines ; ou avec des
expériences de conversions religieuses de
groupe...

- extrême suggestibilité : provoquée par un chaman
ou un leader religieux sur un groupe de personnes
ou tendance d'une personne à mal interpréter ou
mal percevoir les stimuli variés qu'elle perçoit dans
son environnement ou à être trompée par elle-
même...

La réalité subjective peut être déterminée par
nombre de ces influences agissant de concert on non.
Ces différents items peuvent se combiner entre eux

- 39 -

Christine Hardy critique cette classification33 :

"... il ne nous semble pas que les
classifications de Ludwig puissent être d'une
grande utilité dans la reconnaissance ou la
compréhension des EMC34, car des états trop
distincts sont mélangés au sein d'une même
catégorie, trop vaste ou trop floue.

C'est le reproche que lui ont fait certains
auteurs (Bourguignon, Lapassade), et il est tout a
fait justifié.

Sa classification par facteurs inductifs ne
semble pas être pertinente, puisqu'elle lui permet
de mettre dans une même catégorie des épisodes
psychotiques avec des expériences extatiques (par
exemple la névrose traumatique et la transe
extatique) ou encore des cultes rituels et des états
émotionnels tout à fait personnels (par exemple la
transe possessionnelle et la panique). A l'opposé,
sa classification des caractéristiques générales des
EMC a la qualité d'être claire et de rendre compte
d'un grand nombre de modifications vécues
pendant ces états modifiés. Elle est d'ailleurs très
proche de celle que Tart proposera plus tard."

33 - Christine Hardy, op. cit., page 236.

34 - EMC = Etats Modifiés de Conscience. Note de l'auteur.

- 40 -

L'ETAT DE CONSCIENCE CHAMANIQUE (ECC)

Michael Harner35, anthropologue, spécialiste du
chamanisme, nous propose, lui, une définition de ce
qu'il appelle l'Etat de Conscience Chamanique ou ECC :

"[...] La principale caractéristique
définissant un chaman est qu'il (ou elle) est
quelqu'un qui entre dans un état altéré de
conscience (que j'appelle l'Etat de Conscience
Chamanique, ou ECC), en général déclenché par le
son monotone du tambour ou d'une autre
percussion, afin d'effectuer des voyages dans ce
qu'on pourrait appeler du point de vue technique
les mondes inférieur et supérieur. Ces autres
mondes accessibles au chaman en ECC sont
considérés comme une réalité alternée, et
l'objectif du chaman lorsqu'il voyage dans cet état
est d'interagir consciemment36 sur certains
pouvoirs ou esprits gardiens se trouvant là... [...].
Les conceptions de la nature de la réalité diffèrent
d'une culture à l'autre. Par exemple, les Jivaros

35 - Interview de Michael Harner par Gary Doore, "La Sagesse
Ancienne dans les Cultures Chamaniques", Anthologie du
Chamanisme, Aix en Provence, Ed. Le Mail, 1991, page 31.

36 - Je reviendrai sur ce point dans l'analyse des données.

- 41 -

d'Amérique du Sud défendent une position
extrême en disant que la seule réalité est celle
accessible en état ECC, et que notre état ordinaire
de conscience n'est qu'une illusion, un
«mensonge»37 .[...]"

Il y a donc différentes formes de réalités non
ordinaires. La plus extrême serait une réalité où le
chaman — ou le sorcier — irait dans le monde des
morts. Voici ce que dit Michael Harner38 :

"[...]... le voyage chamanique commence
avec la sensation de traverser un long tunnel qui
se termine par une lumière à l'autre extrémité, et
ceci est assez proche des descriptions dites de
l'après-vie39. Mais le chaman, lui, effectue tout le
trajet à travers le tunnel et explore le monde sur

37 - Cf. la Maya de l'Hindouisme. Note de l'auteur.
38 - Michael Harner, op. cit., page 34.
39 - Voir Raymond Moody : La Vie après la Vie, Lumières

Nouvelles sur la Vie après la Vie, La Lumière de l'Au-delà,
Paris, Ed. Robert Laffont, 1977, 1978, 1988. Les expériences
de mort rapprochée — Near Death Experience (NDE) —
ont des analogies avec le voyage chamanique et les
voyages hors du corps (OBE).

- 42 -

lequel il débouche, le monde vers lequel les gens
se sentent happés au moment de la mort.
Lorsqu'on se sent prêt, ou que l'on se prépare à
mourir, c'est donc une bonne chose d'avoir déjà
exploré cette région auparavant par
l'intermédiaire de la méthode chamanique, parce
qu'il n'est pas surpris de ce qui arrive à l'état post-
mortem. D'une certaine manière, on en connaît la
géographie."

Il existe donc plusieurs niveaux d'ENOCs. Entre un
rêve éveillé et l'état décrit précédemment, il y a une
différence d'intensité évidente. Ces états peuvent être
plus ou moins profonds suivant le désir de l'officiant.

Dans la magie cérémonielle occidentale, l'univers
invisible est subdivisé en plans dont chacun est
accessible par une procédure rituelle appropriée, une
sorte de code, de clé, qui en permet l'accès. Chaque
plan a une fonction et représente une étape initiatique.
Dans l'Ordre de la Golden Dawn, ce chemin initiatique
est symbolisé par l'arbre des Séphiroth, comprenant 10
plans et 22 sentiers (voir illustration page suivante).

Le chaman, comme le magicien, qui se déplace
dans une autre réalité, doit garder le contrôle de la

- 43 -

situation, résoudre des problèmes et ramener des
informations dans la réalité ordinaire :

" [...] En effet, le chaman ne se contente pas
de faire l'expérience de la réalité non-ordinaire, il
cherche également à codifier ce qui est
expérimenté de façon à pouvoir rapporter
l'information et la transmettre aux autres. Aussi, le
chaman doit réfléchir à ce qu'il voit, ce qu'il vit,
puis être en mesure de mémoriser en silence ce
qui se passe pendant son voyage, pour qu'ensuite
cette connaissance puisse être remémorée. Entrer
en état de conscience chamanique (ECC) suppose
donc qu'il n'y ait pas paralysie du cerveau gauche,
ni des facultés rationnelles, au contraire. [...]"40

40 - Michael Harner, op. cit., page 42.

- 44 -

L'ARBRE DES SEPHIROTH
(source : Les Philosophes de la Nature)

- 45 -

STIMULATIONS SENSORIELLES ET ETATS DE
CONSCIENCE MODIFIES

Nous avons vu que chamans, mages et sorciers
possédaient une géographie de l'invisible qui leur
permettait d'atteindre et de se diriger dans une autre
réalité. Cette faculté est le fruit d'un entraînement
physique et mental poussé, souvent commencé dans la
prime jeunesse et poursuivi pendant toute la vie.

Cet entraînement comporte de nombreux
éléments, de nombreuses initiations, des rites de
passages...

Certains chercheurs ont essayé d'appréhender les
modifications physiologiques induites par le rituel. Il est
assez facile de mesurer le rythme cardiaque, la
température du corps, la sudation etc.... Ces éléments
ne donnent que des indications parcellaires sur les
processus en cours.

Par contre, on sait déjà depuis de nombreuses
années que des stimulations acoustiques ou visuelles
répétées, monotones provoquent des modifications
dans le tracé des ondes cérébrales. Dans les années

- 46 -

194041, aux USA, le neurologue W. Gray Walter a utilisé
un stroboscope en combinaison avec un
électroencéphalographe. Le sujet a reçu une
stimulation visuelle variant entre 10 et 25 éclairs par
secondes. Cette stimulation visuelle a provoqué une
modification du tracé des ondes cérébrales dans
l'ensemble du cortex, et non pas seulement dans la
zone de la vision. Plusieurs personnes ont été soumises
à ce test. Cet effet a été appelé photic driving. Dans le
courant des années 1970, d'autres expériences ont eu
lieu dans le même domaine. L'effet a été validé : le
cerveau réagit d'une manière quasi automatique à ce
genre de stimulations. Les chercheurs américains ont
également constaté que suivant les fréquences utilisées
les réactions des sujets variaient :

- les peurs pouvaient être minimisées dans les
gammes de fréquence alpha et thêta ;

- la stimulation visuelle provoquait un état de
détente physique et de clarté mentale ;

- il était possible de s'entraîner pour modifier le tracé
des ondes cérébrales ;

41 - Michael Hutchison, "Die Gehirnschrittmacher :
audiovisuelle Synchronisation", Megabrain, Basel, Sphinx
Medien Verlag, 1990, pages 223-224-225.

- 47 -

- cet entraînement semblait aussi induire une
augmentation des facultés intellectuelles ;

- l'hypnose et la suggestion s'en trouvaient facilitées ;
- les hémisphères cérébraux tendaient à se

synchroniser du point de vue des ondes cérébrales
;
- cette synchronisation entraînait de meilleures
capacités intellectuelles42.

D'autres chercheurs se sont penchés sur la
stimulation auditive.

A. Neher43, par exemple, a mis en évidence l'

42 - ibid., pages 225-226 et :
Ciganek, L. - The EEG response (Evoked Potentiel) to Light

Stimulation in Man. - Electroencephalography and Cl.
Neurophysiology 30: 423-436 (1971).
Fukishima T. - Application of EEG Interval-Spectrum Anaysis
(EISA) to the Study of Photic Driving Responses - A
Preliminary Report - Archives of Psychiatry 220 : 99-105
(1075).
Williams P., West M.A. - EEG Responses to Photic Stimulation in
Persons Experienced at Meditation -
Electroencephalography and Clinical Neurophysiology 39 :
519-522 (1975).

- 48 -

"[...] effet direct de la stimulation
acoustique sur le cerveau [...]. Il enregistra
l'électro-encéphalogramme de plusieurs sujets
normaux pendant qu'ils écoutaient les sons à
basse fréquence (et à haute amplitude) d'un
tambour. [...] Dans l'expérience de Neher, les
réponses de «transmission auditive» étaient
sollicités à 3, 4, 6 et 8 battements par seconde, et
les sujets devaient commenter de manières
subjective les impressions à la fois visuelles et
auditives qui leur venaient... Il en conclut que la
sensibilité face au rythme cadencé augmentait en
état de stress et de déséquilibre métabolique
(hypoglycémie, fatigue, surmenage, etc., toute
chose faisant partie du rituel chamanique). Il
montra également que la stimulation sonore à la
fréquence de 4-7 cycles par secondes devait être
plus efficace pendant les cérémonies, parce qu'elle
accroissait les rythmes thêta qui se manifestent
dans les zones corticales du lobe temporal. [...] W.
Jilek44 a effectué des travaux complémentaires sur
la «transmission des ondes thêta» sous l'influence

43 - Neher A. - A Physiological Explanation of Unusual Behavior
in Ceremonies involving Drums - Human Biology 34, 1962.

44 - Jilek W. - Indian Healing - Hancock House, 1982.

- 49 -


Click to View FlipBook Version