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Published by Numérithèque, 2021-05-17 12:57:40

Un million de révolutions tranquilles

Bénédicte Manier

semaine », explique Mohamed – et l’eau est recyclée en circuit fermé. De
même, c’est la récupération de la chaleur de l’immeuble, associée au soleil,
qui chauffe la serre. Celle-ci fournit d’ailleurs une parfaite couverture
isolante, qui limite les pertes thermiques de l’immeuble en hiver et rend
inutile la climatisation en été.

À l’avenir, prédit-il, les villes seront « remplies de ces serres sur les toits. Il
ne faut que deux mètres carrés d’hydroponie pour alimenter un habitant toute
l’année, et Montréal, par exemple, a assez de toits pour être totalement
autonome ». Un modèle reproductible autant au Nord qu’au Sud : Mohamed,
qui s’est aussi implanté à Laval et à Boston, est sollicité par des pays comme
le Bangladesh ou l’Arabie Saoudite. Il est persuadé que, sans culture
intensive sur les toits, « on ne pourra pas nourrir neuf milliards d’humains ».

Ces serres hydroponiques sont aujourd’hui en pleine expansion. On en
trouve à Lyon (la Ferme urbaine), Paris (le Toit Tout Vert), Singapour (Sky
Greens), Chicago (Farmed Here, bio et sans but lucratif) et dans bien des
régions au climat difficile, comme les pays du Golfe ou l’Alaska. À terme, les
fermes verticales implantées par des firmes spécialisées, comme Gotham
Greens à New York et Chicago (où une immense serre
de 23 000 m2 produit 450 tonnes par an), fourniront un complément
substantiel aux cultures horizontales. Tokyo, Séoul et Singapour projettent
d’ailleurs de les multiplier. Leurs productions, vendues en circuit court,
réduiront les transports et donc l’impact carbone. Déjà, à Brooklyn, un
magasin bio Whole Foods vend les légumes qu’il cultive lui-même en
hydroponie sur son toit, à côté de ses panneaux solaires.

Ces fermes hydroponiques devront évidemment éviter de reproduire les
erreurs de l’agriculture rurale : le productivisme et l’agrochimie. Elles
n’auront de sens que si, au lieu d’être des fermes-usines, elles sont
écologiques (bio, zéro énergie, zéro déchet, emballages compostables…) et
cultivent aussi du lien social. À Singapour, par exemple, la serre
hydroponique de 550 m2 de l’entreprise sociale ComCrop se partage entre
maraîchage collectif et production de légumes pour le quartier. L’idéal sera

d’ailleurs de multiplier les micro-cultures hydroponiques par quartier ou par
immeuble. À Singapour, plusieurs hôtels, restaurants, universités, ainsi qu’un
hôpital, produisent déjà leurs propres légumes à l’intérieur : ces cultures
intégrées à chaque habitation sont une solution d’avenir.

Une réappropriation de l’espace urbain

De ce tour d’horizon d’un phénomène qui a conquis le monde, une
certitude émerge : l’avenir appartient aux villes qui auront anticipé leur
indépendance alimentaire. Dans quelques années, elles ressembleront sans
doute à celle d’Almere aux Pays-Bas63, autonome en énergies vertes et en
alimentation bio (grâce à des serres) et recyclant entièrement l’eau et les
déchets. À terme, l’habitat, l’écologie et l’agriculture de proximité seront
intimement liés. Aux États-Unis, d’ailleurs, on construit déjà de nouveaux
agro-quartiers (agrohoods) intégrant potagers et vergers, comme Agritopia à
Phoenix, South Village dans le Vermont ou Willowsford en Virginie.
L’autoproduction des habitants n’est en effet pas négligeable : selon la FAO,
un mètre carré produit 50 kg de produits frais par an, soit un tiers de la
consommation de fruits et de légumes recommandée en Europe. Et un jardin
de « 150 m2 nourrit une famille de quatre personnes toute l’année », rappelle
la Fédération nationale des jardins familiaux et collectifs. En complément,
l’hydroponie et ses variantes64 produiront dans de grandes serres, mais aussi
dans chaque habitation, car le partage des savoir-faire65, les kits d’installation
et les tutoriels open source66 facilitent sa mise en œuvre sur un balcon, un toit
ou un mur.

L’agriculture urbaine dépasse toutefois le seul enjeu de
l’approvisionnement. Elle est avant tout un réflexe citoyen qui compense la
pauvreté, rétablit de la convivialité dans les quartiers, entretient la
biodiversité et émancipe les citadins des circuits économiques. Elle remplit
aussi cette fonction essentielle : rétablir des commons, ces terrains
communaux du monde anglo-saxon, autrefois librement utilisés par les
villageois pour assurer leur subsistance. Leur fermeture au XVIe siècle en
Angleterre avait d’ailleurs entraîné un appauvrissement de la population et
des révoltes, comme en 1607 dans les Midlands. Nouveaux communs
modernes, les jardins collectifs réintroduisent dans la cité de l’autonomie, du
bien-être collectif, de la justice sociale et de l’écologie. Ils modifient aussi la
nature de l’échange en remplaçant, selon les termes d’Ivan Illich, l’achat de

« biens de consommation par l’action personnelle, et les outils industriels par
des outils conviviaux ».

Après des décennies d’implantation de zones commerciales et industrielles
dans les périphéries, l’agriculture commence à son tour à s’intégrer aux
écosystèmes urbains. L’enjeu est, à terme, l’émergence d’une nouvelle
économie, indispensable à la survie des villes ; une économie postindustrielle
qui, outre l’autonomie alimentaire, assurera la création d’emplois de
transformation et le recyclage des déchets organiques urbains67. Avec pour
bénéfices une alimentation durable, une réduction de l’impact carbone des
villes et de jeunes générations éduquées à l’écologie et à un nouveau vivre-
ensemble.

1 Navi Radjou et alii, Edition Diateino, 2013
2 L’automobile ne fait plus vivre qu’un million de salariés aux États-Unis, au lieu de 10 millions dans
les années 2000. À Détroit, Chrysler et General Motors n’emploient plus que 10 000 salariés et la
plupart des voitures qui roulent aux États-Unis sont fabriquées au Brésil ou au Mexique.
3 « Ceinture de rouille ».
4 Aucune ville n’a connu une telle chute de population, sauf La Nouvelle-Orléans après l’ouragan
Katrina.
5 Au-delà de Détroit, 13,4 % des habitants du Michigan sont en situation d’insécurité alimentaire, selon
le ministère américain de l’Agriculture, et 50,2 millions d’Américains sont dans ce cas.
6 http://georgiastreetgarden.blogspot.com/. Des dons pour soutenir son travail peuvent être versés sur
ce blog.
7 Keep Growing Detroit, The Greening of Detroit, Food Field, The Michigan Urban Farming Initiative,
etc. Beaucoup se sont regroupées pour peser auprès des autorités (http://detroitagriculture.net).
8 Ces food stamps sont attribués par le gouvernement. En 2016, environ un Américain sur sept (13,4 %
de la population) en recevait, presque deux fois plus qu’avant la crise de 2008.
9 Voir notamment Michelle Elder, « Detroit Doers : How Young Social Entrepreneurs Are Impacting
Detroit », http://blog.michiganadvantage.org/great-companies/detroit-doers-how-young-social-
entrepreneurs-are-impacting-detroit, ainsi que http://detroit.iamyoungamerica.com/ et
http://detroitjetaime.com/fr.
10 Stéphanie Baffico, « De Charm City à Farm City : la reconquête des espaces en déshérence par
l’agriculture urbaine à Baltimore », Géoconfluences, 19 avril 2016.
11 Voir sur : www.greenguerillas.org.
12 Après avoir transformé en jardins des friches appartenant à la ville, beaucoup de maraîchers ont dû
se battre pour les garder, la municipalité voulant vendre leurs terrains à des promoteurs. Après plusieurs
années de résistance, ils ont conclu un accord provisoire avec la ville en 2002, mais un certain nombre
de jardins ont quand même été vendus.

13 Voir sur : www.hattiecarthancommunitymarket.com.
14 Voir les sites : www.pretersonjardin.com ; www.plantezcheznous.com.
15 Parcs publics et jardins privés avaient été transformés en victory gardens qui, durant l’effort de
guerre, assuraient 40 % de l’approvisionnement du pays.
16 En 2013, contre 36 millions en 2008, selon la National Gardening Association (« Food Gardening in
the U.S. at the Highest Levels in More Than a Decade », 2 avril 2014).
17 Voir la carte sur www.farmgarden.org.uk/your-area/london.
18 Jardin nomade, car installé dans des caisses en plastique transportables
(http://prinzessinnengarten.net).
19 Voir la carte sur http://cgireland.org/community-gardens/ (Eire et Irlande du Nord).
20 Voir http://www.phillyorchards.org/orchards/.
21 Cette forêt imite la nature : composée de plusieurs strates d’arbres, d’arbustes et de légumes
complémentaires qui s’entretiennent mutuellement, elle restaure l’écosystème. Voir
www.permaculturedesign.fr/la-foret-comestible/.
22 http://fraternitesouvrieres.over-blog.com/2015/03/presentation-de-l-association.html et Thibaut
Schepman, « Dans cette forêt, tout est comestible », Rue89, 10 juin 2015.
23 Voir la vidéo de l’AFP, « À Séoul, le jardinage atteint des sommets », www.youtube.com/watch?
v=aMwZtIgo5-M.
24 Voir sur : FleetFarming.com.
25 Voir le collectif Fallen Fruit (www.fallenfruit.org).
26 Voir la carte des jardins urbains de Mexico sur www.google.com/maps/d/viewer?
hl=en&t=h&msa=0&z=10&ie=UTF8&mid=11k78jTszCBlMV3ybyagodXaD4Sk.
27 Voir sur : http://urbanedibles.eu.
28 Plutôt cueillies en hauteur et non au ras du sol, pour éviter les pollutions d’origine animale.
29 Voir : https://laopenacres.org/#10/34.0248/-118.3255 ; www.groundedinphilly.org/resources/ ;
http://livinglotsnyc.org/#11/40.7300/-73.9900.
30 Voir : www.landemtl.com/.
31 La carte des jardins de Montréal est sur Agriculturemontreal.com/carte et celle des ruelles vertes sur
Eco-quartiers.org.
32 Voir notamment : « Une ruelle verte comestible pour le jardin communautaire Basile-Patenaude »,
2016, Agriculturemontreal.com.
33 Une part du financement de la cantine vient de fondations et d’aides publiques, le reste de dons
d’habitants de la ville, qui apportent aussi du matériel de cuisine et des aliments.
34 Plus d’un tiers (36 %) des personnes âgées de Montréal vivent sous le seuil de pauvreté et beaucoup
font appel aux banques alimentaires, selon Santropol Roulant.
35 Voir leur association : Jardinot.fr.
36 Cette fédération (www.jardins-familiaux.asso.fr) est l’héritière de l’ancienne Ligue française du coin
de terre, qui, à la fin du XIXe siècle, contribua à la légalisation des terrains urbains que s’appropriaient
les ouvriers arrivés des campagnes.
37 Association des jardins ouverts et néanmoins clôturés : www.ajonc.org.
38 Frédérique Basset, Laurence Baudelet, Pierre-Emmanuel Weck, Alice Le Roy, Jardins partagés :
utopie, écologie, conseils pratiques, Terre vivante, 2008.

39 Voir le réseau international de l’agriculture urbaine : www.inuag.org/.
40 Où le maraîchage fournit 5 à 10 % de la consommation locale de légumes, selon les fermiers de la
cité (www.sfuaa.org).
41 Voir Lara Charmeil, « Il capte l’eau et la chaleur : le premier parc ’résilient’ inauguré à
Copenhague », We Demain, 26 janvier 2016, http://www.wedemain.fr/Il-capte-l-eau-et-la-chaleur-le-
premier-parc-resilient-inaugure-a-Copenhague_a1628.html.
42 La ferme dispose d’une structure de conservation pour fournir des légumes d’été durant l’hiver, en
plus des légumes de saison.
43 Mouans-Sartoux est d’ailleurs très active dans le Club des territoires Un Plus Bio
(www.unplusbio.org), qui sensibilise les villes françaises à la restauration collective bio et locale. Elle
compte plusieurs dizaines de communes en transition écologique, dont Loos-en-Gohelle, Grande-
Synthe et Ungersheim.
44 Le gaspillage dans les cantines a été réduit de 80 % grâce à l’introduction des portions adaptables à
l’appétit des enfants. Au final, la conversion au bio s’est réalisée à coût constant pour les parents.
45 Entre potagers collectifs, potagers individuels et datchas, le pays compte plus de 24 millions de
parcelles urbaines et péri-urbaines. Plus de la moitié des Moscovites en cultivent, ainsi que 80 % des
habitants des villes en région (Louiza Boukharaeva et Marcel Marloie, Family Urban Agriculture in
Russia : Lessons and Prospects, Springer, coll. « Urban Agriculture », 2014).
46 Le peak oil (pic pétrolier) est le début de la raréfaction de cette ressource, étape qui fonde la
démarche des villes en transition (voir le chapitre sur les énergies). Pour Cuba, voir les films The Power
of Community : How Cuba Survives Peak Oil, de Faith Morgan (2006), Cultures en transition, de Nils
Aguilar (2012), ainsi que Frédérique Basset, « Comment les Cubains ont converti leur île au bio »,
Kaizen, 16 juillet 2014.
47 « Agriculture urbaine : Rosario, en Argentine, récolte les fruits de ses efforts », Centre de recherches
sur le développement international, Ottawa, juillet 2010.
48 Selon une étude, la culture de tous les terrains laissés vacants par les fermetures d’usines à
Cleveland rendrait la ville totalement autonome en produits frais (S. S. Grewal et P. S. Grewal, « Can
Cities Become Self-Reliant in Food ? », Center for Urban Environment and Economic Development,
Ohio State University, juillet 2011). Aujourd’hui, la création de filières agro-alimentaires locales dans
ces villes de la Rust Belt est la clé de leur reconversion économique en Green Belt.
49 Près d’un enfant américain sur quatre (23,6 %) vit dans une famille qui n’a pas les moyens d’acheter
assez de nourriture, selon le ministère de l’Agriculture.
50 Ivan du Roy, Nathalie Crubézy, « Quand l’écologie populaire permet de lutter contre la
désespérance sociale et la criminalité », Bastamag.net, 5 septembre 2016.
51 Marie Astier, « À Lisbonne, les parcs deviennent des potagers urbains », Reporterre, 28 mai 2015.
52 Il a préfacé le livre de Pam Warhurst et Joanna Dobson, Incroyables Comestibles, Actes Sud, coll.
« Domaine du possible », 2015.
53 Voir le site Lesincroyablescomestibles.fr.
54 La technique est expliquée sur www.inspirationgreen.com/keyhole-gardens.html.
55 Voir l’encadré qui y est consacré dans le chapitre sur les énergies.
56 www.milanurbanfoodpolicypact.org/text/.
57 San Francisco Urban Agriculture Alliance, Little City Gardens, Backyard Harvest Project, Urban
Sprouts, Community Grows, Bay Localize, etc.

58 Sur 1 280 parcelles. Voir « Urban and Periurban Agriculture in Latin America and The Caribbean :
A Reality », FAO (http://www.fao.org/3/a-i3696e.pdf).
59 Selon le Resource Centre on Urban Agriculture and Food Security (Ruaf.org).
60 Voir Mairie-Ungersheim.fr et Marie-Monique Robin, « Sacré village ! Ungersheim en transition »,
2016.
61 Voir cette initiative dans le chapitre sur l’énergie.
62 Deux ans de loyer gratuit, puis 80 euros par an et par hectare.
63 Voir ReGenVillages.com et Natacha Delmotte, « Autonome en nourriture et en énergie, ce village
zéro déchet va être bâti aux Pays-Bas », We Demain, 30 mai 2016.
64 L’aquaponie (avec des poissons), l’aéroponie (avec des vaporisations permanentes d’eau) et
l’ultraponie (avec ultrasons).
65 Notamment sur www.urbangardensweb.com/2014/01/14/six-kinds-of-hydroponic-gardening-
systems-and-hydroponic-planters/ et, pour l’aquaponie, sur http://aquaponie.net/,
http://jardincomestible.fr/aquaponie-permaculture/ ou Aquaponie.fr.
66 Voir http://electronicsofthings.com/iot-ideas/Internet-of-farming-arduino-based-backyard-
aquaponics/.
67 Ceux-ci représentent un tiers des poubelles des ménages (et bien plus dans les restaurants collectifs
et les filières agro-alimentaires), mais ils sont recyclables en biogaz et en compost pour l’agriculture.
En Irlande et en Suède, quasiment 100 % de la population trie déjà ces biodéchets pour la collecte –
80 % en Autriche, 75 % en Catalogne et plus de 60 % en Allemagne. De nombreuses villes (Milan,
Parme, San Francisco, Portland, Seattle, Vancouver, etc.) s’y sont aussi mises. En France, leur collecte
ne sera obligatoire qu’en 2025, mais plusieurs villes pionnières se sont équipées de collecteurs et de
composteurs.

De nouveaux modes de vie

Nous devons, en tant que nation, entreprendre une révolution radicale
de nos valeurs. Nous devons rapidement amorcer le passage d’une
société axée sur les objets à une société tournée vers les personnes.

Martin Luther King, 4 avril 1967

D’une manière douce, nous pouvons secouer le monde.
Mahatma Gandhi

Relocaliser la consommation

Consommer local ? Dans une économie globalisée, l’idée n’a
paradoxalement jamais été aussi répandue. Symbole des maux de la
mondialisation – « malbouffe », importations de qualité médiocre et
dépourvues d’éthique sociale, transports énergivores –, la grande distribution
perd aujourd’hui des clients dans tous les pays industrialisés1. Et la tendance
est à la relocalisation des achats.

Le pionnier de ce renversement a sans doute été le mouvement Slow Food,
fondé en 1986 en Italie par le journaliste Carlo Petrini pour défendre le goût,
les terroirs et l’agriculture bio. Il valorise les « communautés nourricières »
dans plus de 110 pays via le réseau Terra Madre2 et a donné naissance à une
philosophie plus large, le slow living. Celui-ci se déploie dans les slow
cities3 – les villes qui s’engagent pour la qualité de vie (journées sans
voitures, marchés fermiers…) – et dans la slow architecture (matériaux
écologiques locaux). Le slow money4 permet d’investir dans des fermes bio
ou des coopératives locales. Le slow travel consiste à voyager autrement, non
en consommateur, mais en explorateur d’autres cultures, en dialoguant avec
les habitants. La slow education privilégie les livres et la sensibilisation à la
nature, et la slow fashion bannit les marques mondialisées au profit de
vêtements personnalisés.

La slow life a ainsi favorisé la redécouverte des terroirs dans les pays
industrialisés, où acheter local est devenu un réflexe, surtout pour
l’alimentation. Aux États-Unis, cette relocalisation permet de soutenir les
emplois, de connaître l’origine des produits et de contribuer à décarboner
l’économie. Une tendance défendue par un nombre croissant de sites Web, de
livres, de magazines (Yes Magazine, New Village, Relocate America) et de
groupes de réflexion (Post Growth Institute, New Economy Network, New
Economics Institute, Demos, Post Carbon Institute, New Economy Working
Group, People-Centered Development Forum…).

Un des fers de lance de ce mouvement est l’Alliance pour des économies
locales vivantes (Business Alliance for Local Living Economies5), un réseau

de 35 000 entreprises nord-américaines qui relie une nouvelle génération
d’entrepreneurs, convaincus qu’une économie socialement et écologiquement
responsable ne peut reposer sur des échanges mondialisés, mais sur la
renaissance d’une prospérité locale6. Investir dans le potentiel économique,
social, culturel et énergétique des territoires, rappellent-ils, génère une
multitude de bénéfices pour les habitants, en termes de revenus, de vie
sociale, de santé publique, de qualité de vie, de créativité et de démocratie.

Les circuits courts, les Amap

Aux États-Unis, cette nouvelle valorisation des territoires se manifeste
dans la croissance des industries vertes (coopératives solaires locales, par
exemple), des entreprises à but social et solidaire7 et des marchés fermiers,
dont le nombre a quintuplé en vingt ans8. Les circuits courts alimentaires y
connaissent un essor similaire : 164 000 fermiers vendent aujourd’hui en
direct aux consommateurs9 et le nombre d’écoles approvisionnées par des
fermes locales est passé en dix ans de 400 à plus 42 500, bénéficiant
à 23 millions d’Américains10. Un mouvement comparable s’esquisse en
France avec l’association Agrilocal, qui met en relation les établissements de
restauration collective (lycées, hôpitaux) avec des fermiers locaux.

Le même mouvement de relocalisation des achats alimentaires (local food
movement) se développe au Canada, en Australie et en Europe, avec partout
la constitution de circuits directs, dans les fermes et sur le web11. En France,
un tiers des consommateurs achète des produits fermiers chaque semaine, à la
campagne, mais aussi en ville, où les fermiers ouvrent maintenant des
magasins collectifs (il y en a plus de 300 en France12). Ils organisent aussi
des filières alimentaires locales qui livrent aux familles urbaines, aux
restaurants et aux épiceries paysannes, comme le font trois agriculteurs
d’Aubagne13 avec les aliments bio cultivés dans les Bouches-du-Rhône. La
vente directe s’est aussi installée sur Internet, avec des regroupements de
fermiers en ligne ou les « ruches » de La Ruche qui dit oui !14. Ce type de
plate-forme a d’ailleurs un équivalent open source : Open Food Network, une
application qui permet de réunir producteurs locaux et consommateurs dans

un réseau de vente directe15. Des centaines de fermiers australiens,
britanniques, canadiens ou sud-africains l’utilisent déjà.

L’idée de créer soi-même une filière d’approvisionnement n’est pas
nouvelle : elle a vu le jour au Japon dès les années 1960, quand des mères de
famille urbaines, inquiètes du taux de pesticides dans le lait, se sont
regroupées pour passer commande à des fermiers bio. Aujourd’hui, un foyer
japonais sur quatre est membre d’un de ces groupes autogérés d’achat appelés
Teikei (« partenariat »). L’idée a ensuite fait le tour du monde. Arrivée en
Allemagne, en Autriche et en Suisse dans les années 1980, elle a franchi
l’Atlantique en 1985 sous le nom de Community Supported Agriculture
(CSA16). Puis elle s’est développée au Royaume-Uni, au Danemark, en
France, en Belgique (Gasap), aux Pays-Bas, en Italie (Gruppi di acquisto
solidale) et au Portugal (Reciproco), avant de gagner la Corée du Sud, la
Malaisie, l’Inde, la Chine, puis plusieurs pays d’Afrique (Maroc, Mali,
Bénin, Togo, Ouganda, Sénégal, etc.).

En France, c’est un couple d’agriculteurs, Denise et Daniel Vuillon, qui a
créé la première Amap (Association pour le maintien d’une agriculture
paysanne17), dans le Var, en 2001. Et, dans un pays où le nombre de fermes a
chuté de moitié en vingt ans, bien des paysans indépendants auraient disparu
sans leur soutien. Une Amap n’est « pas un simple service de paniers. C’est
une structure militante, un engagement réciproque, formalisé par un contrat
individuel entre paysans et habitants », rappelle la Toulousaine Annie
Weidknnet, une des pionnières des Amap dans sa région18. Car « c’est aux
citoyens et aux fermiers de dire ensemble quelle agriculture et quelle
alimentation ils veulent », rappelle-t-elle. « Nous vivons tous sur un même
territoire et nous avons intérêt à ce que l’autre soit là. »

Un des avantages de ces circuits autogérés est de proposer des produits
moins chers que dans les magasins bio et les supermarchés19. Mais cette
relation directe repense surtout l’échange marchand sur une base solidaire.
Au Royaume-Uni, par exemple, les adhérents des CSA vont aider les
fermiers pour les récoltes, et, au Japon, les membres des Teikei fournissent
les fermes en déchets organiques pour le compost.

Certaines Amap choisissent la livraison de paniers Amap à vélo, comme
Cargonomia à Budapest (Hongrie) : fondée par Vincent Liegey, porte-parole
du Parti de la décroissance20, cette start-up est aussi un incubateur
d’initiatives et de micro-entreprises liées au do it yourself, au low-tech et à la
création d’emplois locaux. Les vélos-cargos sont fabriqués par la coopérative
sociale Cyclonomia, qui est aussi un atelier vélo participatif.

Enfin, un circuit court peut aussi être un circuit d’insertion : les 110 jardins
du réseau des Jardins de Cocagne21 alimentent en légumes bio des dizaines
de milliers de familles, avec des tarifs moins élevés pour les plus défavorisés,
mais ils ont surtout réinséré plus de 4 000 chômeurs dans le secteur du
maraîchage.

L’Amap, un principe applicable à d’autres domaines

Le principe des circuits courts a dépassé le seul champ de l’alimentation pour s’appliquer à
d’autres biens et services. Dans la Drôme, l’association Dryade a créé une Amap pour acheter du
bois de chauffage aux forestiers locaux, avec des coupes douces qui préservent la forêt22. Dans le
Var et en Loire-Atlantique, des Amap « poissons » soutiennent le travail des artisans pêcheurs
locaux.

Des Amap culturelles ont aussi vu le jour dans les villes : impulsée à Nantes en 2012 par
l’association AP3C et le collectif Entraide et Artistes, l’idée de s’abonner à des paniers offrant
livres, CD et places de spectacle a essaimé à Lyon, Saint-Étienne (Mais-Pas-Que), Paris
(Cavacommencer.com), Lille (Kilti), Rennes (Le Panier culturel) ou Toulouse (Art’n’Cie et
Comme un poisson dans l’art). Ces épuisettes culturelles soutiennent des productions
indépendantes – théâtre, musique, lectures publiques, photo, édition – dans le cadre d’un lien
direct entre artistes et public. L’Association pour le maintien d’alternatives en matière de culture et
de création artistique (Amacca) y voit le modèle d’une politique culturelle « démocratique et
démarchandisée »23.

Les coopératives de consommateurs

Dans la foulée des Amap, plusieurs autres solutions d’achat direct ont vu le
jour. En Belgique, des citoyens se regroupent pour faire leurs courses
ensemble au sein des Groupes d’achats communs (Gac). C’est aussi ce que

font en France les adhérents des Groupements d’achat service épicerie
(GASE)24 ; ces habitants d’un même village ou d’un même quartier qui
achètent en grosses quantités des produits bio et se les répartissent ensuite. À
Lyon, l’épicerie Les 3 P’tits Pois dessert aussi en produits bio des groupes
d’habitants et des collectivités et a donné naissance à une filière intégrée : le
Groupement régional alimentaire de proximité (Grap), qui associe des
épiceries, des circuits courts, des producteurs, des commerces mobiles, des
boulangeries et des restaurants, tous consommateurs de bio local et de
produits du commerce équitable.

Pour acheter en groupe, difficile toutefois de faire plus organisé que les
coopératives de consommateurs. Au Japon, elles sont 140 et
regroupent 18,9 millions de membres, rappelle Hayuroshi Amano, porte-
parole de leur union nationale (JCCU). La plus importante, Coop Kobe
(1,4 million de familles), a été fondée en 1921, mais beaucoup sont nées
après la Seconde Guerre mondiale, en pleine pénurie alimentaire, puis dans
les années 1960, après des scandales alimentaires comme celui du lait
contaminé à l’arsenic. Et, aujourd’hui, « leur principal objectif reste la
sécurité des consommateurs », assure Hayuroshi. Pour cela, elles passent des
contrats directs avec des fermiers et des pêcheurs, dont elles testent et
conditionnent les produits elles-mêmes. Leurs adhérents, regroupés par cinq à
douze familles d’un même quartier, passent commande une fois par semaine
et sont livrés chez eux. Ils vont voir les producteurs quand ils veulent et les
aident parfois à planter le riz ou à récolter des fruits. Et, « aufinal, ils ont
toujours le dernier mot : si une production ne convient pas, elle est arrêtée »,
rappelle Hayuroshi.

À ce rapport de forces, les coopératives ajoutent un large éventail de
services à leurs adhérents. Les Seikatsu Kurabu ont par exemple créé des
échanges mutuels d’aide aux malades et aux jeunes mères, et ont ouvert des
restaurants, des boulangeries et des magasins d’objets d’occasion. D’autres
coopératives proposent des voyages, des mutuelles, des unités de recyclage
d’emballages ou, comme Green Coop, des crèches et des services aux
personnes âgées. Plutôt liées à la gauche japonaise, elles se revendiquent
clairement écologistes : les Seikatsu Kurabu, par exemple, combattent les

pesticides, les OGM et le nucléaire25. Après la catastrophe nucléaire de
Fukushima en mars 2011, elles ont d’ailleurs livré des tonnes de nourriture et
d’abris aux sinistrés, et elles restent « en pointe sur le contrôle du niveau de
radiation des aliments », relève Hayuroshi.

Ces coopératives sont aussi présentes, sous des formats divers, dans de
nombreux pays : Canada, Argentine, Brésil, Inde, Sri Lanka, Russie… Aux
États-Unis, elles sont 165, détenues par plus de 1,3 million de membres26, et
en Europe 4 500, avec 32 millions de consommateurs27. Partout, elles
contribuent à réorienter la consommation vers le bio, le local et l’éthique28.
En Corée du Sud, les achats de leurs 630 000 membres représentent 13 % du
marché du bio et un quart de celui du commerce équitable29. En Finlande
(1,9 million de membres), 85 % des aliments de leurs rayons sont des
produits locaux. En Suède (3,1 millions de membres), elles sont « leaders
dans la distribution de produits bio et issus du commerce équitable », indique
Staffan Eklund, de la Swedish Cooperative Union. Elles ont aussi une agence
d’aide internationale, le Swedish Cooperative Centre, qui soutient la création
de coopératives en Afrique, en Amérique latine et en Europe de l’Est.

Des commerces solidaires et coopératifs

La société civile ne fait pas que créer ex nihilo de nouvelles filières
alimentaires : elle intervient aussi dans le sauvetage des commerces locaux. À
Ithaca, ville universitaire de l’État de New York, une librairie était
en 2011 menacée de fermeture. Mais, dans cette ville où la population
multiplie les initiatives30, une partie des habitants a organisé une levée de
fonds et l’a reprise en coopérative. La librairie Buffalo Street Books est
aujourd’hui un magasin actif qui abrite de nombreuses animations et se dit
« au service de la communauté ». Les États-Unis compteraient ainsi quelque
300 magasins, surtout alimentaires, repris en copropriété citoyenne31 Non
seulement ils jouent un rôle de lien social, mais ils constituent aussi une
ressource essentielle dans les food deserts, ces banlieues défavorisées
désertées par les commerces. Ces épiceries autogérées par les habitants –
comme la Mariposa Food Cooperative à Philadelphie, l’East End Food Co-
op de Pittsburgh, l’Apple Street Market de Cincinnati, Mandela Foods à
Oakland ou la Food Co-op de La Nouvelle-Orléans – aident les plus démunis
à sortir de la junk food et à retrouver le goût des produits frais32. Elles se
doublent souvent d’un café, d’ateliers cuisine et d’animations culturelles.

En France, c’est une librairie que les habitants de Poligny (Jura) ont sauvée
de la faillite en 2009, avec l’aide de clubs d’investisseurs citoyens, les
Cigales33. « Les clients ont fait jouer leurs réseaux, leurs connaissances, et
plusieurs dizaines de personnes ont souscrit des parts de 500 euros »,
explique Mathilde Vergon, présidente de la Nouvelle Librairie polinoise. Une
fois relancée, celle-ci a été rentable dès la deuxième année.

Dans les campagnes anglaises, 330 commerces de proximité ont eux aussi
été rachetés par la population34, dont de nombreux pubs, à l’image du
Pengwern35, un pub vieux de trois siècles situé dans le village gallois de Llan
Ffestiniog et racheté en coopérative locale. À Lodsworth (West Sussex), les
habitants se sont cotisés pour ouvrir un magasin polyvalent (produits frais,
pain, journaux, poste…) sous forme d’association. Ces magasins gérés par les
habitants sont particulièrement utiles dans les régions isolées, comme les îles

de l’Écosse. Souvent, ils contribuent à organiser des réseaux alimentaires
locaux (local food systems), qui articulent épiceries citoyennes, Amap et
marchés de village. En Espagne, des épiceries similaires ont aussi été créées
pour diffuser les produits de l’agroécologie locale, comme Landare à
Pampelune ou La Ortiga à Séville.

Cette nouvelle génération de magasins fonctionne souvent de manière
participative. À Londres, The Peoples’ Supermarket (TPS), vend les produits
bio des fermiers proches de la capitale. Mais il n’a qu’une poignée de
salariés : ceux qui font tourner le magasin sont le millier de bénévoles qui se
relaient à raison de quatre heures de travail par mois, et qui, en retour,
bénéficient d’un rabais. Le concept de TPS s’inspire d’une coopérative
américaine, la Park Slope Food Coop de Brooklyn, qui a inventé cette gestion
participative en 1973 pour permettre à des volontaires à faibles revenus de
faire leurs courses pour 20 à 40 % moins cher. Ce principe collaboratif est
maintenant repris par d’autres épiceries en Europe36, souvent financées par
crowdfunding.

À Paris, des habitants du quartier de la Goutte-d’Or ont créé un concept
proche, la « Coop à Paris », qui vend en direct des produits du terroir et est
animée bénévolement par ses quelque 700 membres37. Tout comme l’épicerie
Le Zeybu solidaire à Eybens (Isère), qui offre des prix plus doux aux familles
défavorisées38. À Paris, l’épicerie coopérative et sociale La Grosse Patate
propose aux habitants du quartier des Buttes-Chaumont des fruits et légumes
à petits prix39, cultivés en Île-de-France. C’est aussi le cas du réseau
britannique des Community shops40, des supérettes sociales à but non lucratif
qui diffusent à bas prix des aliments écartés par la grande distribution, mais
toujours frais. De plus, elles offrent des services à leurs clients – comme
rédiger un CV – et travaillent avec les volontaires de FoodCycle, qui
récupèrent les invendus alimentaires et en font des repas pour les personnes
démunies.

Ces nouveaux commerces s’ouvrent également sur des concepts plus
larges. À Nantes, par exemple, on va chez l’Adda (Association aujourd’hui
restaurons demain) pour acheter des légumes bio locaux, mais aussi pour
prendre un café, emprunter du matériel de bricolage et échanger des

services41. À Noisy-le-Sec, La Popote Coop est une épicerie qui se double
d’un snack et d’un lieu de rencontre pour le quartier. Et, à Roubaix, la coop
Baraka se définit comme « une fabrique de biens communs » : ce restaurant
d’insertion qui cuisine des produits bio locaux est aussi un lieu d’animation
culturelle (ateliers d’écriture, spectacles…) hébergé dans un bâtiment
écologique42.

Réduire le gaspillage

S’il est une démarche cohérente avec cet engagement envers le bio et le
local, c’est bien la lutte contre le gaspillage. Chaque année, un tiers de
l’alimentation produite dans le monde est jetée, selon la FAO. Alors, de
nouveaux circuits tentent de réduire ce gaspillage. Aux États-Unis, où 40 %
de la nourriture produite est jetée, plusieurs centaines de supérettes se sont
spécialisées dans la vente de salvage food, des aliments récupérés. Leurs
clients sont des familles précaires, mais aussi des adeptes de la simplicité
volontaire, qui combattent les excès de la société de consommation. Au
Danemark, un pays qui jette 700 000 tonnes de nourriture chaque année, le
supermarché WeFood, à Copenhague, vend 30 à 50 % moins cher des
aliments à l’emballage abîmé ou à la date de péremption dépassée, mais
encore sains.

En Allemagne, la plate-forme Internet foodsharing. de permet aux familles,
aux commerçants ou aux producteurs de distribuer eux aussi leurs invendus
alimentaires, avec une géolocalisation pour repérer les donneurs près de chez
soi. Créé à Berlin, ce réseau distribue plusieurs tonnes de nourriture chaque
année dans toute l’Allemagne, en Autriche et en Suisse, et a essaimé en
France avec l’application Partagetonfrigo.fr, en Californie avec la plate-forme
Copia et en Angleterre avec Neighbourly Food. L’application Too Good To
Go, présente dans plusieurs pays d’Europe, permet elle aussi de trouver des
invendus alimentaires dans les commerces et les restaurants. On peut même
en récupérer dans des frigos installés dans les rues : ces frigos solidaires,
remplis de denrées récupérées par des milliers de bénévoles, ont vu le jour à
Berlin, mais sont aujourd’hui présents dans plusieurs villes allemandes, ainsi
qu’en Argentine, en Espagne ou en Inde.

Et, parce que ce glanage d’aliments n’est pas une récup’ triste, il sert aussi
à faire la fête. Depuis la première Schnippel Disko organisée à Berlin
en 2012 par le mouvement Slow Food allemand, les Disco Soupes se sont
multipliées partout dans le monde (États-Unis, Royaume-Uni, Espagne, Pays-
Bas, Brésil, Corée du Sud…). Ces fêtes solidaires – dont la joyeuse devise est

« Yes we cut ! » – sont organisées à l’occasion d’événements (défilés,
concerts, fêtes…), mais aussi sur les marchés, dans les espaces associatifs ou
les hôpitaux. Sur fond de musique, des volontaires préparent ensemble
soupes, salades et jus de fruits avec des aliments récupérés sur les marchés ou
dans des magasins, et les distribuent ensuite gratuitement, sous forme de
grand buffet. En France, le mouvement a fait naître les Disco BôCô43, des
préparations alimentaires mises en bocaux au sein d’ateliers participatifs
organisés dans des résidences sociales, des foyers de migrants et de sans-abri.
Dans plusieurs villes (Paris, Marseille, Lyon, Tours…), ces sessions
conviviales développent du lien social, valorisent le do it yourself et les
ressources locales, avec souvent des randonnées de glanage organisées avant
les ateliers cuisine.

Le gaspillage alimentaire ne compte que pour environ un tiers de la masse
de déchets produite chaque jour dans le monde et qui, peu à peu, étouffe la
planète44. Rien qu’en France, nous jetons près de 2 900 emballages ménagers
par seconde, dont seuls 67 % sont recyclés. Les plus toxiques sont
évidemment les plastiques, dont 8 millions de tonnes finissent chaque année
dans les océans, où ils polluent irréversiblement la chaîne alimentaire.
Parabole terrible de l’Anthropocène, au rythme actuel, les mers compteront
en 2050 plus de plastiques que de poissons45.

Alors, acheter sans emballage est devenu un petit geste qui compte. Le
développement rapide des épiceries et rayons en vrac en témoigne, que ce
soit en France (Prairial à Vaulx-en-Velin, La Recharge à Bordeaux, le réseau
Biocoop et Day by Day46…), en Italie (magasins Effecorta), à Londres
(Unpackaged), Berlin (Biosphäre et Original Unverpackt), Vienne (Lunzers),
Montréal (Frenco), Anvers (Robuust), Barcelone (Granel) ou dans les villes
américaines (Austin, San Francisco…). Et de nouveaux projets se mettent en
place chaque jour, sans compter la grande distribution, qui s’y met à son tour.
Une démarche évidemment soutenue par le réseau Zero Waste, des groupes
présents partout dans le monde et dont l’objectif est de repenser le rapport
aux déchets dans le but de les éliminer. Ils sensibilisent le public, les villes et
les industries, et leurs blogs diffusent les bonnes idées pour y contribuer au

quotidien : installer des composteurs chez soi et dans son quartier, fabriquer
soi-même ses produits de base (dentifrice, nettoyant ménager), etc.

L’économie du don

Vous ne voulez plus jeter ? Alors donnez : le don et le partage constituent
aujourd’hui une véritable économie. Les objets encore utiles (électroménager,
jouets, CD…) profitent au réseau des Ressourceries et des communautés
Emmaüs, ou bien, sur le principe des frigos solidaires, peuvent être déposés
dans une Givebox, ces petites cabines faciles à installer dans son quartier,
avec quelques planches de bois et un écriteau indiquant qu’on peut y laisser
des objets ou se servir gratuitement. Là encore, c’est un Berlinois qui a eu
cette idée en 2001, avant qu’elle ne se répande dans toute l’Europe et au
Canada.

Comme elles, les gratiferias ont gagné plusieurs continents : ces vide-
greniers en plein air où tout est gratuit ont été lancés à Buenos Aires par un
jeune Argentin, Ariel Rodríguez Bosio, afin de promouvoir une autre
économie. Ils sont devenus un vrai phénomène de société, faisant retrouver à
chacun le plaisir de donner et de récupérer. Avant les gratiferias, les villes
nord-américaines connaissaient déjà des marchés similaires, les really, really
free markets, organisés dans des squares où livres, vêtements ou ordinateurs
sont donnés par des particuliers. De nombreuses villes ont aussi des give
away shops, où il faut amener un objet pour en emporter un autre, ainsi que
des free stores, des magasins gratuits, notamment installés à Détroit,
Cincinnati ou Baltimore.

En Allemagne, des « magasins pour rien » (Umsonstladen47) ont été lancés
à Hambourg en 1999 et sont désormais présents dans toutes les grandes
villes, ainsi qu’à Vienne (Autriche), Amsterdam, Lausanne, Mulhouse et
Paris (le Siga-Siga). Deux jeunes Sud-Africains, Max Pazak et Kayli Vee
Levitan, ont créé, eux, des magasins éphémères de rue, les Street Stores, où
l’on déploie vêtements et chaussures sur un mur, une palissade ou au coin
d’un carrefour pour les donner à ceux qui en ont besoin48.

En dehors de ces réseaux physiques, l’économie du don s’est évidemment
développée sur Internet : le réseau Freecycle réunit quelque 9 millions de

membres dans 170 pays49, et Freegle compte 1,3 million de membres au
Royaume-Uni. Sans compter Ozrecycle en Australie, les Donneries en
Belgique et les multiples sites de dons en France50, qui, d’ailleurs, ne
collectent pas que des objets. Les-ptits-fruits-solidaires.com ou lepotiron.fr,
par exemple, permettent de donner les surplus de votre jardin aux personnes à
faibles revenus.

Le don de livres, lui, est organisé par le réseau Circul-livre à Paris et la
Nuit mondiale des livres (World Book Night) au Royaume-Uni, aux États-
Unis et en Allemagne. Plus poétique est la pratique internationale du
bookcrossing51 : on laisse un livre dans un endroit public, avec un mot disant
qu’il est là pour être lu par d’autres, et une étiquette qui le suit dans tous ses
voyages.

Les bibliothèques de rue ont un peu le même esprit nomade : il suffit d’y
déposer un livre pour en prendre un autre. On les trouve dans
quelque 70 pays, notamment aux États-Unis (little free libraries52 ou
bookboxes), au Canada, au Mexique, au Japon, en Inde (bibliothèques
ambulantes), en Ukraine et un peu partout en Europe (Allemagne, Espagne,
Royaume-Uni, Pays-Bas, France53). L’essentiel, c’est d’être imaginatif : ces
micro-bibliothèques sont installées dans des palettes récupérées, des frigos
repeints ou sur des vélos (les Bibliorodas54 du Brésil), dans des cabines
téléphoniques (New York, Londres), des caisses déposées sur les trottoirs (les
Occupy Libraries américaines55), des troncs d’arbre évidés (Berlin), de vrais
rayonnages (Cologne), ou sont portées à dos de chameaux (Kenya).

Livres, vêtements, objets usuels… Dans ces circuits économiques
parallèles, les gratuivores peuvent trouver tout ce qu’ils veulent. Ils peuvent
aussi glaner ce que la nature leur offre : le foraging (glanage) se pratique
désormais librement dans les grandes villes du monde (San Francisco,
Melbourne, Montréal, Buenos Aires, Nairobi, New Delhi, Paris…). Cette
biodiversité des villes – fruits, herbes aromatiques, salades sauvages… – est
recensée quartier par quartier, partout dans le monde, sur le site participatif
Fallingfruit.org. Mais il suffit souvent de regarder autour de soi : chaque

année, les noisetiers de ma rue parisienne m’offrent leurs fruits, et il m’est
arrivé de trouver du tilleul à Manhattan et des mandarines à Rome.

Réparer, recycler, upcycler

Cette économie du recyclage a largement été adoptée par les classes
moyennes, qui adhèrent de moins en moins au cycle aberrant acheter-utiliser-
jeter et préfèrent recycler. Voire réparer, ce qui n’est pas toujours facile.
C’est pourquoi la Néerlandaise Martine Postma a eu l’idée géniale d’ouvrir
en 2009 à Amsterdam un café-atelier convivial pour s’entraider à réparer des
objets dont l’obsolescence a été programmée dès leur conception. Ce premier
Repair Café a eu un succès phénoménal et l’on en compte maintenant
plusieurs centaines dans le monde : on y remet en état électroménager,
meubles ou jouets, avec l’aide de spécialistes bénévoles ou de bricoleurs
passionnés, ce qui contribue à réduire les achats et le volume des déchets56.

De semblables ateliers participatifs de réparation pour les vélos se sont
aussi multipliés en Europe, en Australie, aux États-Unis ou au Canada57. En
France, ces ateliers – comme Un p’tit vélo dans la tête à Grenoble, La Bécane
à Jules à Dijon, Le Dérailleur à Saint-Étienne, Vélocip’aide ou les
Cyclofficines en Île-de-France – sont regroupés dans le réseau L’Heureux
Cyclage.

Les garages associatifs et les self-garages58 relèvent du même principe : ce
sont des ateliers où, en plus de faire réparer sa voiture pour moins cher, on
apprend à la réparer soi-même avec l’aide d’un professionnel. Pour le
matériel agricole, la coopérative Atelier paysan a créé une plate-forme un peu
identique : elle anime un réseau d’ateliers d’autoconstruction d’outils et de
machines pour aider les agriculteurs à s’équiper eux-mêmes, et offre des
tutoriels techniques open source59.

Les bonnes idées de l’upcycling

Quitte à sauver des objets de la décharge, autant leur offrir une seconde vie ludique, créative et
utile. Partout dans le monde, l’upcycling – qui transforme des palettes de bois60 en mobilier, des

bidons de plastique en jardinières, des canettes de soda en lampes ou de vieux tissus en vêtements
vintage – a le vent en poupe.

L’une des initiatives d’upcycling les plus innovantes concerne l’informatique : c’est le Jerry Do
It Together61, lancé par cinq jeunes Français en 2011 et qui consiste à trier des pièces d’ordinateur
encore utilisables pour en fabriquer un nouveau, inséré dans un bidon de plastique (jerrican)
récupéré et équipé d’un logiciel libre. La communauté internationale des JerryClans, qui s’étend
de l’Afrique (Bénin, Togo, Côte d’Ivoire, Mali, Cameroun, Algérie…) aux États-Unis, permet
aujourd’hui à des jeunes sans moyens d’accéder à l’informatique, dans une démarche qui associe
la conscience écologique, la démocratisation des technologies et l’esprit fab-lab. Les Jerry Do It
Together bénéficient du logiciel libre élaboré en France par le collectif Emmabüntus62 à partir
d’Ubuntu. Il facilite la remise en état des vieux ordinateurs donnés aux associations humanitaires,
surtout à Emmaüs, qui les revend à un prix bas pour lutter contre la fracture numérique63.
Emmabüntus organise aussi des Install-party qui connaissent aussi un grand succès.

Mais le plus grand nombre de pionniers de l’upcycling se trouve dans les pays du Sud : ce sont
les 15 millions de récupérateurs du secteur informel qui recyclent les déchets d’une manière de
plus en plus organisée. Dans toute l’Afrique, d’innombrables artisans et micro-coopératives vivent
ainsi d’un upcycling ingénieux qui transforme métaux, tissus, bois, pneus ou plastiques en objets
du quotidien ou en créations artistiques. Même système au Brésil, où les catadores (récupérateurs)
ont créé quelque 500 coopératives64 qui revendent lampes, meubles ou vêtements à base
d’éléments récupérés. En Inde, cet upcycling créatif et social bénéficie de l’apport d’une jeune
vague de créateurs. L’ONG Swechha, par exemple, fabrique des sandales, des sacs et de la
vaisselle trendy, ainsi que de beaux objets de décoration. L’association Aarambh transforme, elle,
des cartons en astucieux mini-bureaux pliants pour les écoles rurales65.

Enfin, de nouvelles idées viennent doper la récupération elle-même : à Lagos (Nigeria),
l’entreprise sociale Wecyclers66 envoie des récupérateurs à domicile sur des vélos équipés d’une
remorque. En échange de déchets recyclables, les habitants reçoivent des points pour des
communications gratuites sur leur mobile.

La société collaborative

Partager, troquer, louer…

Recyclage et do it together ne forment qu’une petite partie d’une plus vaste
économie d’échange de pair à pair, que la population des pays industrialisés
et émergents a rapidement adoptée67. Cette économie de plates-formes, où
l’on peut troquer, se prêter, louer ou partager biens et services à l’infini, est
un domaine très composite68 où se côtoient groupes de citoyens, associations,
entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), mais aussi start-up et
multinationales cotées en Bourse. Cet ouvrage étant consacré aux initiatives
citoyennes, nous n’évoquerons pas ici les plates-formes commerciales qui
captent le concept de collaboratif pour en tirer profit69, mais nous nous
limiterons aux véritables échanges de biens et de services entre citoyens,
destinés à vendre sans intermédiaire, à échanger des biens (voitures, outils,
électroménager70, appartements, bureaux, jardins…) ou à mutualiser leur
usage. En bref, aux échanges horizontaux, où l’objectif principal n’est pas le
profit, mais plutôt la contribution à des communs (lien social, recyclage,
partage…).

Les réseaux les plus utilisés dans le monde sont ceux qui permettent
d’acheter des biens d’occasion, de trouver un job ou de dénicher des services,
comme Craigslist, Gumtree ou Krrb, l’équivalent américain du Bon Coin.
Certains sites d’achat-vente sont spécialisés, comme Cavientdujardin.com,
qui permet de trouver un particulier qui vend les surplus de son potager (en
France, un tiers des habitants auto-produisent leurs fruits et légumes), ou son
équivalent australien Ripenear.me. Le prêt mutuel d’objets (outils,
voitures…) se pratique, lui, via des plates-formes comme Sharevoisins, ou
Mutum en France, Neighborgoods aux États-Unis et Streetbank, ou Streetlife
dans d’autres pays. En Suisse, le site Pumpipumpe fournit des autocollants
pour afficher publiquement sur sa boîte aux lettres les objets que l’on prête.

Le troc sans argent constitue un pan non négligeable de cette économie
collaborative. Aux Pays-Bas, le site Noppes permet d’échanger entre soi

toutes sortes de biens, tout comme les sites britanniques Swapcycle ou
Swapz, les américains Rehash ou Swap, les espagnols Truequeweb ou
Creciclando, les français Comptoir du troc71 ou Nonmarchand.org (qui
propose aussi un répertoire international des espaces de gratuité), ainsi que
l’international U-exchange.com. Et, pour échanger des livres, on peut aller
sur PaperBackSwap (États-Unis) ou Readitswapit (Royaume-Uni).

En France, Trocalimentaire.com invite à échanger des produits de son
jardin, Troczone se spécialise dans les DVD et jeux vidéo, et Graines de troc
dans les semences de jardin, tout comme le britannique Gardenswapshop.
Plusieurs sites dans le monde, comme Shared Earth aux États-Unis ou
Plantez chez nous en France, proposent aussi le prêt de jardins et l’échange
de plants.

Aux États-Unis, il est même possible de partager de l’électricité : le réseau
américain Gridmates permet de faire un don d’électricité à une personne en
situation difficile ou à une association. Il suffit de déterminer le nombre de
kilowattheures à offrir et ceux-ci sont crédités sur le compte du bénéficiaire.

Quant au covoiturage, plusieurs plates-formes persistent à le maintenir
gratuit, comme sur Freecovoiturage, OpenCar (à Grenoble) et Covoiturage-
libre.fr, qui considère même le partage de voiture comme un bien commun.
En Belgique, le service Cambio de l’association Taxistop.be propose en plus
le transport bénévole d’enfants ou de personnes âgées. Et, aux États-Unis, des
services de covoiturage moins chers et à but non lucratif ont vu le jour pour
les plus démunis dans des villes comme Buffalo, New York, Chicago ou
Denver.

Sur la plate-forme américaine Arcade City, les trajets partagés sont
payants, mais autogérés par les passagers et les conducteurs selon le principe
de la blockchain72. Et la blockchain, c’est l’avenir de l’économie
collaborative : cette technologie de gestion sécurisée des échanges entre
pairs73 éliminera sans doute un jour les intermédiaires centralisés (comme
eBay ou Uber) au profit d’écosystèmes d’échanges autogérés par les
contributeurs74.

D’autres plates-formes vont au-delà de l’échange de biens, en recréant des
relations de voisinage. C’est le cas de SocialStreet en Italie, créée par un

jeune Bolognais, Federico Bastiani, qui cherchait des camarades de jeu pour
son fils. Il a d’abord ouvert un groupe Facebook, puis posé des affiches dans
sa rue, et les voisins ont si bien répondu qu’il a fallu mettre en place un site
pour organiser les échanges. SocialStreet s’est ensuite étendue à toute l’Italie,
à l’Espagne, à la France, à la Croatie, à la Nouvelle-Zélande et au Brésil, avec
l’idée de tisser des liens de quartier et de permettre des projets collectifs.

Vivre mieux avec moins

Cette galaxie d’échanges ne permet pas seulement de repenser ses choix de consommation : elle
suggère aussi que nos sociétés saturées de biens n’ont plus besoin d’en acheter pour satisfaire leurs
besoins, mais qu’il suffit de les partager et de les troquer. Ce qui ouvre peut-être la voie à une
réduction de la consommation, même si d’autres estiment que cela constitue, au contraire, une
forme d’extension du champ consumériste75.

Quoi qu’il en soit, on assiste bel et bien à un déplacement des valeurs. Dans les pays
industrialisés, la conjonction historique de trois crises mondiales – sociale, économique et
climatique76 – a éveillé les critiques à l’égard du système consumériste, et une partie des classes
moyennes a adopté l’idée d’une vie plus simple, basée sur moins de possessions et plus de bio et
de local. Dès les années 2000, les premiers groupes sociaux à entamer cette transition ont été les
créatifs culturels77 Ils étaient alors estimés à 12 à 25 % de la population des pays industrialisés
(environ 50 millions d’Américains et de 80 à 90 millions d’Européens), mais ils sont sans doute
bien plus nombreux aujourd’hui, et la révolution post-matérialiste qu’ils ont amorcée s’est
confirmée.

Aux États-Unis, 80 % des ménages déplorent désormais la vacuité de la société de
consommation et 70 % valorisent une vie simple78. Avec une consommation réduite, un retour
aux marchés locaux, au do it yourself et à l’entraide, une sorte de « démondialisation » s’est
silencieusement mise en place dans la société américaine, constatent ainsi John Gerzema et
Michael D’Antonio79. La sociologue Juliet Schor80 observe elle aussi que de nombreux
Américains ont choisi une vie plus sobre et plus écologique, qui combine habitat en éco-
matériaux, énergies alternatives, auto-production alimentaire et usage des technologies open
source. Cette « économie de la plénitude » est un changement profond, durable, initié par des
groupes sociaux éduqués, que l’accumulation de biens n’a pas rendus plus heureux et qui ont
adopté les mots en « R » : refuse, reduce, re-use, recycle, repair, rot81. Cette évolution
s’accompagne d’une profusion de blogs, de forums, de sites Web et de magazines, tandis que le
declutterring (désencombrement) et le minimalisme deviennent des sujets de best-sellers82.

Au Japon aussi, les livres sur le danshari83 se vendent par millions. Cette philosophie de vie
minimaliste, adoptée par une jeune génération, s’inspire du dépouillement zen et vise à se libérer
du matérialisme. Idem au Québec : « Il n’y a plus grand monde qui ne sache pas ce qu’est la
simplicité volontaire », y constate Serge Mongeau, auteur du livre best-seller La Simplicité
volontaire84. Assis près de la cheminée de sa maison de Montréal, il observe que « de plus en plus
de gens se disent : je ne veux pas faire comme mes parents, embarquer dans ce système compétitif
et travailler dans une société juste pour faire gagner de l’argent à des millionnaires. Beaucoup vont
travailler dans le communautaire ou pour un écoquartier. Et ils simplifient leur vie. Ils vivent avec
moins, mais ils ont une vie qui a un sens ». En d’autres termes, ils privilégient l’être par rapport à
l’avoir.

Ce que Patrick Viveret appelle la « sobriété choisie » ne concerne sans doute qu’une minorité,
mais montre, estime Serge Mongeau, que « la société bouge par en bas. Tout ce monde-là
commence à se parler. Et le changement de société va se faire comme ça, par différentes zones qui
vont se connecter. Rien ne changera d’en haut. Mais de la base émerge maintenant une conscience
collective ».

Bricoler, voyager, apprendre : les échanges de services

L’objectif de l’économie collaborative, c’est d’élargir le champ des
interactions entre citoyens. Mais c’est aussi de réduire les dépenses. D’où le
succès des banques de temps85, qui permettent de s’offrir des services –
réparation, trajets en voiture ou petits plaisirs comme des cours de danse ou
des massages – qu’un pouvoir d’achat réduit ne permet pas de payer. C’est
pourquoi « elles se sont multipliées depuis 2008 » dans une Espagne
fortement frappée par la crise, témoigne Mariona Salleras, coordinatrice du
banco de tiempo de Sant Marti, à Barcelone, ville qui, avec Madrid, en
concentre le plus grand nombre.

Mais, dit-elle, au-delà de la gratuité, « les gens sont aussi attirés par leur
philosophie, leurs valeurs de solidarité, et le fait qu’elles sont l’occasion de
rompre avec les logiques d’argent. Nous ne sommes pas que des
consommateurs, nous sommes avant tout des citoyens. Et les banques de
temps nous font sortir de la société de consommation. » Elles ont aussi un
rôle social, en procurant aux personnes âgées des soins non couverts par la
sécurité sociale, en permettant aux immigrés « de se mélanger aux autres
habitants » et en renforçant les liens entre les Barcelonais, car, « quand on ne

trouve pas le service demandé dans notre réseau, on le trouve dans celui d’un
autre quartier », ajoute Mariona.

Les Systèmes d’échanges locaux (Sel) jouent un rôle similaire. Les
échanges y sont comptabilisés en « monnaies-temps », qui entrent dans la
catégorie des monnaies sociales et dont le nom varie selon les territoires : à
Paris, ce sont les piafs ; aux États-Unis, les time dollars. Et, au-delà des
services échangés, les Sels renforcent le lien social. Ceux d’Île-de-
France86 organisent des bourses locales d’échanges (Blé) de meubles, de
livres ou de plantes, et, à Paris, le Sel de Paname a monté une chorale.
L’association nationale La Route des Sel87 permet aussi d’échanger
appartements ou maisons en France et à l’étranger. De quoi susciter des
rencontres entre milieux très différents : personnes aisées et chômeurs,
familles nombreuses et personnes seules… « Plus les gens sont différents,
plus un Sel est riche », observe d’ailleurs Dominique Doré, du réseau
Sel’idaire88.

Les Sels sont présents dans une quarantaine de pays d’Europe, d’Afrique,
d’Amérique du Nord et du Sud et d’Asie89. Au Japon, ils s’appellent Fureai
Kippu et sont des outils irremplaçables de prise en charge du vieillissement.
Les heures d’aide apportées aux personnes âgées ou malades sont
comptabilisées en crédits-temps électroniques, dont chacun peut bénéficier –

ou faire bénéficier un parent âgé – en cas de besoin90. Dans ce pays
vieillissant, ils offrent des services non couverts par les secteurs public et
privé. Sur le même modèle, L’Échange Heure, une association d’échange de
services entre particuliers, professionnels, collectivités locales ou institutions,
a lancé en Île-de-France l’expérimentation d’une première banque de temps
destinée aux aidants familiaux, afin de partager la prise en charge de
personnes âgées ou malades.

L’un des secteurs ayant le plus développé ces réseaux d’échanges est sans
conteste le tourisme, avec l’objectif de sortir le voyage de la consommation
de masse et de permettre de vraies rencontres. C’est le cas du réseau
Couchsurfing.org91, créé en 2003 par un jeune de Boston, Casey Fenton, et
qui permet à plusieurs millions de personnes de s’héberger gratuitement
partout dans le monde. Des circuits comme HospitalityClub, Nightswapping,

Globalfreeloaders Trustroots ou Trampolinn.com fonctionnent sur le même
principe collaboratif. Plus spécialisés, Gamping ou Campinmygarden
permettent aux campeurs de planter leur tente dans le jardin de particuliers.
De son côté, Warmshowers.org offre aux cyclotouristes un hébergement chez
d’autres amateurs de vélo.

Pour échanger gratuitement sa maison avec une autre famille, il suffit de se
brancher sur des sites comme Trocmaison.com, Guesttoguest.com,
Homeforhome.com, Switchhomes.net, Sepermuta.es ou Bewelcome.org.
Quant au wwoofing92, il permet de séjourner dans les fermes bio d’une
centaine de pays en échange de quelques heures de travail chaque jour. Sur le
même principe, des sites comme Workaway, Worldpackers ou HelpX
donnent l’occasion de voyager à l’étranger en échange d’heures de bénévolat,
tandis que la communauté Friendshipforce.org invite à voyager ou à monter
un projet (comme un jardin partagé) avec des personnes d’autres pays.

Le tourisme autrement, c’est aussi ce que pratiquent les Greeters, ces
habitants qui emmènent bénévolement les touristes visiter leur ville à pied ou
à vélo. C’est une Américaine, Lynn Brooks, qui, en 1992, a invité les New-
Yorkais à faire découvrir leur ville de cette façon via l’association Big Apple
Greeter (Bag)93. Désormais structurés en réseau international, les Greeters
pratiquent ces visites gratuites dans plusieurs pays du monde94. À Paris, ils
sont environ 300 à offrir des balades au gré des rues, des quartiers historiques
ou des endroits insolites, accueillant aussi les personnes en situation de
handicap. C’est « un engagement citoyen, mais surtout un plaisir partagé, car
beaucoup de belles histoires d’amitié sont nées au fil de ces promenades »,
relève Claude d’Aura, l’une de ces bénévoles.

Partager les savoirs

Les plus anciens de ces réseaux collaboratifs d’échange datent de 1971. Ce
sont les Réseaux d’échanges réciproques de savoirs (Rers)95, fondés par une
enseignante, Claire Héber-Suffrin, et son mari Marc, avec cet objectif
solidaire : s’entraider à apprendre. Ce système d’apprentissage mutuel postule
que chacun a quelque chose à apprendre et à enseigner – bricolage,

langues… –, ce qui valorise les savoirs de tous, y compris des moins
diplômés. Ces groupes citoyens, basés sur la réciprocité, montrent que, « dans
une société, tout n’est pas marchand », souligne leur coordinateur Pascal
Chatagnon. En mutualisant les connaissances, ils construisent ce qui est
l’essence d’une société : du capital humain, des relations conviviales, de la
solidarité. On compte plusieurs centaines de Rers en France, dans les villes,
les villages, les écoles – où ils impliquent les parents – et les entreprises
(comme à La Poste). Ils ont essaimé en Europe, en Afrique et en Nouvelle-
Zélande. Au Brésil, Stella et Chico Whitaker96 ont, dans le même esprit, créé
une université mutuelle à São Paulo. D’autres échanges de savoirs existent
aussi en ligne, via le site Loquo.com en Espagne ou la plate-forme
internationale Community-exchange.org.

Apprendre les uns des autres, c’est aussi ce qu’avaient envie de faire un
groupe de jeunes New-Yorkais97 quand ils ont créé en 2010 la première
Trade School. Il s’agit d’une école éphémère, participative et autogérée,
organisée dans un lieu associatif ou public et où l’on troque avec d’autres ses
connaissances et ses passions – jouer de la guitare, monter un site Web ou
peindre – dans un esprit de partage et de mixité sociale. Les Trade Schools se
sont rapidement répandues à travers le monde, de Londres à Hô Chi Minh
Ville, de Los Angeles à Manille, de Mexico à Dublin, d’Athènes à
Pietermaritzburg.

Avec les Moocs (Massive Open Online Courses), l’apprentissage n’est pas
réciproque, mais ces millions de cours en ligne ouverts à tous permettent
d’acquérir à peu près tout : langues, techniques photo, cursus universitaires…
L’arrivée de ces ressources éducatives en accès libre, d’une importance
historique sans doute comparable à celle de la diffusion des livres par
l’imprimerie, démocratise l’accès au savoir et réduit les inégalités face à
l’éducation. Les Moocs universitaires recueillent une audience très large – ils
sont suivis simultanément par plusieurs dizaines de milliers de personnes de
tous horizons –, mais leur foisonnement oblige à faire des choix98, car, si
l’adhésion est massive, le taux d’abandon est encore élevé. Ce secteur en
pleine évolution, qui préfigure sans doute l’avènement d’un campus

planétaire, pourrait aussi offrir un jour de nouveaux outils aux écoles rurales
des pays en développement.

À côté des Moocs proprement dits, une grande variété d’enseignements et
d’apprentissages spécialisés, par vidéos et tutoriels, est disponible en ligne.
Là encore, l’offre est si abondante que l’on ne peut donner que des exemples.
À commencer par la Khan Academy99, plate-forme gratuite en plus
de 36 langues, fondée par un ancien financier de Wall Street, Salman Khan,
et qui enseigne en majorité des disciplines scientifiques. Ou le site Duolingo,
qui permet d’apprendre une langue et compte plus de 120 millions
d’utilisateurs. L’ONG américaine Solar Energy International100, elle,
enseigne gratuitement le mode d’emploi de l’indépendance énergétique, en
anglais et en espagnol.

Côté écologie, l’organisation indienne Digital Green diffuse des solutions
écologiques à destination des populations des pays émergents et en
développement. Son équipe filme sur le terrain des pratiques qui ont fait leurs
preuves en matière d’agroécologie, de santé, de nutrition ou de micro-finance
citoyenne101, et les poste sur Youtube. Plus de 4 000 vidéos en 28 langues ont
déjà été vues par plus de 660 000 personnes, en Inde, en Afghanistan, en
Éthiopie, au Ghana, au Niger et en Tanzanie, et « 40 % des fermiers qui
voient ces solutions les adoptent dans les deux mois », dit le fondateur, Rikin
Gandhi, un jeune ingénieur qui espère ainsi « améliorer la vie de plusieurs
millions d’agriculteurs d’ici à 2020, dont un million en Éthiopie ».

Dans le même esprit, Sikana.tv, une université libre des savoir-faire,
diffuse en vidéo des savoirs universels et utiles : alimentation, permaculture,
agriculture urbaine, musique, habitat, sport, santé… Ses fondateurs, Grégory
Flipo et Simon Fauquet, estiment que, à l’ère d’Internet et de l’intelligence
collaborative, chacun peut, partout dans le monde, acquérir une connaissance
qui lui donnera un empowerment, changera sa vie, le fera vivre décemment et
générera du bien commun (habitat autogéré, alimentation saine, etc.).

L’âge de la société civile experte : les sciences collaboratives

Au contraire de ces mouvements de distribution horizontale des savoirs, les
sciences participatives, elles, centralisent les contributions individuelles pour
améliorer les connaissances dans un champ donné. Il existe désormais une
galaxie de programmes collaboratifs dans les sciences physiques, humaines et
de la terre, qui se déclinent sous plusieurs formes : délégation de tâches à des
citoyens (saisie et analyse de données pour la recherche médicale, par
exemple), amplification de la puissance de calcul (avec le logiciel de calcul
distribué Boinc102), mise en réseau d’informations et recherche commune de
solutions dans des domaines spécifiques. Les réseaux de sciences citoyennes
se sont d’emblée constitués au plan international, à l’image des groupes
d’audit de la biodiversité (plantes, arbres, espèces animales)103, de
surveillance du milieu (comme Mangrove Watch, FreshWater Watch ou les
Observateurs de la mer en Méditerranée104) ou d’observation de l’activité
sismique (Citizenseismology.eu).

La science participative sort d’ailleurs des laboratoires pour se déplacer sur
le terrain, comme le montrent les opérations d’aquahacking destinées à la
protection des fleuves du Québec105 ou les expéditions organisées par le
réseau Objectif Sciences International (OSI)106 dans plusieurs domaines :
astronomie, archéologie, géologie, environnement, informatique, énergie
solaire, drones, etc. Ces groupes, composés de scientifiques, d’adultes ou
d’adolescents, « partent faire de la recherche sur la géothermie en Islande et
au Japon, sur les oasis au Maroc, la biologie marine en Bretagne, les baleines
et le loup au Canada, ou encore la panthère des neiges au Kirghizistan »,
explique Thomas Egli, le président d’OSI.

Et cette collaboration scientifiques-citoyens fait incontestablement entrer la
science dans une nouvelle époque. « Elle a convaincu les principaux instituts
de recherche, comme le Cern, la Nasa, le CNRS, que c’est un moyen
d’aboutir à des résultats, notamment en recherche appliquée », note Thomas
Egli. Celui-ci voit désormais « les groupes de recherche se fédérer en
associations internationales et continentales » et « un nouveau métier naître :
celui de coordinateur de sciences citoyennes, de coach pour les groupes de
recherche ». Et non seulement cette collaboration entre différents acteurs « ne

coûte pas plus cher, mais elle permet au contraire d’arriver à des
financements collectifs ».

Une intelligence collective

L’ère du collaboratif a finalement mis en lumière deux réalités : les
compétences croissantes de la société civile et la puissance de l’action
collective. C’est à elles que l’on doit la réussite de communs de la
connaissance comme Wikipédia et ses diverses déclinaisons : Citizendium,
Wiktionary (dictionnaire), Wikivoyage (guide de tourisme), Wikiversity
(communauté pédagogique), Scholarpedia (articles scientifiques), Vikidia ou
Wikimini (pour les enfants) ou OpenStreetMap (l’équivalent participatif et
open source de Google Maps).

La mise en commun de ces compétences a, en quelques années, construit
une intelligence collective au-delà des frontières et, souvent, des contre-
pouvoirs citoyens. Plusieurs observatoires collaboratifs surveillent par
exemple les multinationales (Corpwatch), la fabrication des vêtements en
Asie (Sourcemap) ou l’état des forêts dans le monde (Global Forest Watch).
Avec ses 800 ONG et universitaires répartis dans 68 pays, le réseau
indépendant Carbon Market Watch surveille, lui, le marché mondial du
carbone. De son côté, l’association française Sciences citoyennes veille à la
déontologie de la recherche (conflits d’intérêts, lobbying) et lance des alertes
sur les risques liés aux OGM ou aux antennes-relais.

Et ces initiatives ne sont réservées ni aux plus éduqués ni aux pays
développés. Au Kenya, l’aventure collective de MapKibera a ainsi montré
l’impact d’une cartographie participative sur la vie d’un bidonville. En 2009,
deux jeunes Américains, Erica Hagen et Mikel Maron, collaborateur
d’OpenStreetMap, constatent que le plus vaste bidonville urbain d’Afrique,
Kibera, au sud de Nairobi, ne figure sur aucune carte. Ils suggèrent alors aux
habitants de le cartographier eux-mêmes107. Les cartes participatives des 13
villages du bidonville, qu’ils ont mises en ligne, localisent aujourd’hui les
points d’eau, les écoles, les centres d’urgence et les lieux de mobilisation
(manifestations, réunions de quartiers, etc.)108. Après avoir appris
l’informatique pour les réaliser, les jeunes de Kibera se sont mis à la vidéo et

ont créé leurs médias citoyens. Peu à peu, le bidonville s’est ainsi repris en
main. Erica Hagen et Mikel Maron ont ensuite lancé l’initiative GroundTruth,
qui aide les communautés, partout dans le monde, à impulser la même
dynamique : cartographier leurs quartiers et s’organiser collectivement pour
améliorer leur quotidien.

D’autres réalisations sont tout aussi exemplaires. La petite tribu sud-
américaine Matsé, qui vit dans la forêt amazonienne, a cartographié ses terres
pour en revendiquer la propriété et lutter contre l’exploitation de ses
ressources forestières et pétrolières. Elle a également rédigé la première
encyclopédie collaborative de médecine indigène, qui répertorie les remèdes
traditionnels pour les transmettre aux générations futures et les protéger
contre le biopiratage : elle prouve en effet que ces savoirs appartenaient aux
habitants avant que les firmes pharmaceutiques ne tentent de les breveter109.
En Inde, 3 500 citoyens (étudiants, enseignants, linguistes, travailleurs
sociaux…) ont de leur côté réalisé une première mondiale : le recensement
linguistique complet de ce pays de 1,3 milliard d’habitants. Élaborée en deux
ans et publiée en open source, cette encyclopédie vivante
dénombre 780 langues et dialectes tribaux, et montre que 20 langues ont
disparu en à peine un demi-siècle110.

Enfin, l’interaction des compétences démontre son utilité en cas d’urgence.
La communauté OpenStreetMap a cartographié les zones touchées par
l’épidémie d’Ebola en Afrique en 2014, pour aider les équipes médicales. Au
Népal, après le tremblement de terre d’avril 2015, plus de 2 200 volontaires
mobilisés par le Katmandou Living Labs ont cartographié les dommages en
OpenStreetMap pour guider les sauveteurs. La plate-forme Ushahidi permet
elle aussi de cartographier les crises grâce aux données envoyées en temps
réel par les citoyens. Et les volontaires des Virtual Operations Support Teams
(Vost), présents dans plusieurs pays (Australie, États-Unis, Canada, Équateur,
etc.), ainsi que leurs homologues en France (Visov)111, appuient efficacement
les secours lors de catastrophes naturelles ou d’attaques terroristes.

La communauté du libre, l’open source

En deux décennies, cette mutualisation des compétences citoyennes a
même permis de bâtir une économie parallèle. La communauté mondiale du
libre a ainsi créé une vraie rupture dans l’économie numérique en mettant sur
le marché des alternatives gratuites à quasiment tous les services
commerciaux : systèmes d’exploitation (Linux), suites bureautiques
(LibreOffice, OpenOffice), navigateurs, moteurs de recherche, messageries,
stockage de documents, hébergements de sites ou systèmes de paiement en
ligne112. Ces outils ont dopé l’innovation, en offrant des outils numériques
performants aux start-up, aux ONG et à tous les citoyens actifs.

Après le software, le libre a d’ailleurs investi le hardware : ordinateurs et
imprimantes 3D, éoliennes, panneaux solaires, meubles (Opendesk),
maisons113 (Wikihouse), voitures (Tabby, Wikispeed), et même drones,
satellites et robots (le robot chirurgical Raven). L’open source se décline
aussi dans les contenus – savoirs, textes, photos, films ou musiques –
disponibles en Creative Commons. Côté accès à Internet, plusieurs centaines
de fournisseurs (FAI) autogérés et sans but lucratif permettent de contourner
les grands opérateurs en Europe114 et aux États-Unis115, tout en couvrant les
régions blanches.

Aujourd’hui, le monde de l’open source permet d’accéder à tout, de tout
apprendre et de tout faire. Il constitue une forme de projet politique qui vise à
s’affranchir du monde marchand, à reprendre le contrôle des mécanismes
ultra-présents dans nos vies (comme les logiciels) et à renouveler la façon de
travailler, de créer, dans une coopération ouverte, horizontale et
décentralisée116. Ce projet s’est d’ailleurs offert une belle réussite : il a mis
sur pied un patrimoine mondial de biens communs numériques dont les
performances ont séduit des milliards d’utilisateurs, y compris le monde
industriel117 et les pouvoirs publics118. Un patrimoine qui ne cesse de
s’étendre et d’évoluer, car l’open source reste, dans tous les domaines, à la
pointe de l’innovation.

La génération makers

Cette réappropriation collective de la technologie pour la mettre au service
de nouveaux modèles est également au cœur de l’esprit fab-lab. Dans ces
espaces de do it together, logiciels, machines-outils et imprimantes 3D
permettent de concevoir tous types d’objets, de tout réparer en produisant des
pièces détachées (pour combattre l’obsolescence programmée) et d’imaginer
tous les prototypes de matériel open source. Partis d’un premier local
expérimental dans le Bronx, les fab-labs sont aujourd’hui présents dans le
monde entier119 et ont donné naissance à un univers en constante expansion :
makerspaces, hackerspaces, living labs, open bidouille camps120 et autres
ateliers de bidouille collective, ainsi que les hackathons, hackdays et
hackfests, ces temps d’élaboration de solutions technologiques qui accélèrent
les innovations. Le « make » s’est imposé partout comme un processus
collectif d’une créativité sans limite, qui ouvre la possibilité de tout concevoir
et de tout fabriquer, dans des ateliers autonomes et décentralisés, aux
antipodes du modèle actuel de production standardisée.

À lui seul, le monde des makers rassemble toutes les caractéristiques des
innovations citoyennes. Il se situe en effet au carrefour de plusieurs cultures
d’opposition aux logiques économiques dominantes : l’esprit collaboratif,
l’ethos hacker (créativité, open data, solutions pour améliorer un
environnement social) et l’envie de construire une alternative basée sur le
DIY, le non-consumérisme et les coopérations horizontales. De même, il
mise sur l’intelligence collective en associant plusieurs acteurs (geeks,
bricoleurs, ingénieurs, artistes), mêle le high-tech au low-tech, et donne
autant d’importance à l’innovation pure qu’à l’utilité sociale.

La Fab Life a déjà fait reculer les frontières du possible dans de nombreux
secteurs, comme le travail, la santé ou l’habitat. Un fab-lab associé à l’Institut
d’architecture avancée de Barcelone, organisme à l’avant-garde des nouvelles
façons de concevoir la ville, a ainsi créé la Fab Lab House, une maison en
bois à énergie solaire devenue une icône de l’éco-construction. De son côté,
le réseau e-Nable, fort de plus de 5 000 bénévoles, conçoit et distribue des
prothèses de mains imprimées en 3D au coût de fabrication mille fois
inférieur à celui des appareillages classiques. L’impression 3D révolutionne
d’ailleurs la réparation des corps en fabriquant des parties organiques

(muscles, cartilage artificiel, os, peau) et des membres articulés contrôlés par
le cerveau.

Dans les pays en développement, les fab-labs sont aussi des espaces
d’empowerment qui réduisent la fracture numérique, dopent l’innovation
collective et servent d’incubateurs aux start-up121. L’Afrique et l’Asie savent
d’ailleurs, comme nul autre continent, constituer des réseaux de makers
alliant les nouvelles technologies aux savoirs de terrain de paysans ou
d’artisans122 pour fabriquer des objets utiles : outils agricoles low-tech,
innovations médicales, ordinateurs et imprimantes 3D en pièces recyclées,
installations solaires nomades, solutions mobiles de paiement ou de vente des
produits fermiers, etc.

En quelques années, l’esprit fab-lab a ainsi fait entrer la société civile dans
un nouvel « Âge du faire », pour reprendre le titre du livre que le sociologue
Michel Lallement a consacré à ces « zones d’autonomie, où se bricole une
autre manière d’innover, de produire, de collaborer, de décider, de façonner
son identité et son destin »123. À terme, fab-labs et autres ateliers
collaboratifs permettront à chacun de fabriquer l’objet dont il a besoin, pour
trois fois rien et en open source, d’autant que des fab-labs itinérants circulent
partout. L’un des analystes de ce secteur, Chris Anderson, y voit le début
d’une nouvelle révolution industrielle qui va rendre obsolètes la production et
la consommation de masse et modifier l’organisation du travail et la vie en
société124.

Pour le moment, hacking et fab-labs n’ont pas encore bouleversé le
système économique, mais ils marquent bien l’entrée dans une nouvelle
ère125, où la réflexion collective en Lab se généralise et où technologies,
objets et services sont désormais améliorés de façon permanente, grâce à une
collaboration décentralisée et sans hiérarchie. Michel Lallement y voit une
importante mutation du travail et estime que les fab-labs auront un impact sur
nos sociétés, car les « communautés utopiques ne sont pas des îlots d’illusion
dans un océan de réalisme. Elles savent secouer les mondes qui les entourent
et les traversent ».

Les fab-labs suscitent d’ailleurs de nouvelles dynamiques, comme les Fab
Cities, des villes où la fabrication digitale sera un jour enseignée dans chaque

collège et où chaque immeuble aura son atelier pour réparer et inventer une
solution à un problème local. Des micro-usines autogérées de quartier
produiront biens et services adaptés aux besoins des urbains, et des
laboratoires reliés en réseau pourront co-améliorer certains aspects de la vie
en ville : pollutions, services publics, espaces verts, mobilités intelligentes,
smart grids énergétiques, approvisionnement alimentaire, etc. Quelle que soit
l’appellation de ces nouvelles façons de co-réinventer la ville (sharing cities,
contributive cities, collaborative ou adaptive cities), l’appropriation
démocratique des technologies s’y fera par le partage des compétences de
pair à pair et l’utilisation de modèles open source126. La ville de Barcelone,
qui se projette en Fab City, a déjà créé des fab-labs de service public
(Ateneus de Fabricació) et en compte plusieurs dizaines d’autres, privés ou
associatifs127.

Partager le travail

Indissociables de l’esprit fab-lab, les espaces de coworking connaissent
eux aussi un développement rapide128, au point d’être regroupés en réseaux
continentaux (comme Coworking Europe) et en chaînes internationales, à
l’image de Copass, un réseau mondial de coworking, de co-living, de
hackerspaces et de fab-labs. Numa, un tiers-lieu né en France129 et dédié à
l’innovation numérique, qui associe coworking et incubation de start-up, a
essaimé à Barcelone, Casablanca, Moscou, Bangalore et Mexico. À côté des
espaces commerciaux, de nombreux autres sont gérés par des associations,
comme Coworkinglille, installée au Mutualab de Lille et qui complète le
coworking d’un fab-lab et d’un makerspace. D’autres ont pris le statut de
coopérative, comme Koala à Québec ou Ecto à Montréal, les coworkers étant
alors des membres associés.

Tous se veulent des hubs d’innovation qui permettent aux membres d’une
communauté – travailleurs nomades, télétravailleurs, auto-entrepreneurs – de
mutualiser leurs outils, de réfléchir ensemble à leurs projets et de développer
des réseaux communs. La plupart accueillent d’ailleurs des professionnels
d’un même secteur (architecture, nouvelles technologies, économie

collaborative) ou dotés d’une vision commune : entreprises de l’économie
sociale et solidaire, associations écologistes, médias engagés, etc. C’est
notamment le cas de La Ruche, qui accueille de jeunes entreprises porteuses
de solutions écologiques ou sociales dans plusieurs villes de France
(Montreuil, Marseille, Paris…). Et c’est vrai ailleurs, comme à Seattle avec
l’Impact Hubest, une B-Corp130 de coworking qui regroupe d’autres B-Corps.
Ou en Afrique francophone, où les espaces créés par l’association Jokkolabs
accompagnent les jeunes entrepreneurs sociaux dans leur recherche de
solutions pour la santé, l’agriculture ou l’éducation.

Dans les années qui viennent, le coworking poursuivra évidemment son
expansion, car il accompagne un phénomène croissant : l’atomisation du
travail. Le statut de travailleur free-lance est en effet celui qui se développe le
plus vite dans les pays industrialisés131, et les espaces de coworking leur
évitent d’être isolés tout en agrégeant leurs compétences et en participant à
ces nouvelles formes de travail collaboratives et non hiérarchisées. Déjà, à
Berlin, Agora Collective attire des artistes de tout le pays, pour ses ateliers
créatifs. Et aux Pays-Bas, Seats2Meet, né à Utrecht en 2005, a essaimé en un
réseau mondial de près de 2 500 lieux de coworking, où échangent des
dizaines de milliers de travailleurs indépendants.

Vers de nouveaux écosystèmes

Difficile de conclure définitivement sur ce que sera, demain, l’ensemble de
ces nouveaux modes de vie, qu’une société civile qualifiée et innovante fait
évoluer chaque jour. À l’évidence, ils traduisent un certain déclin de
l’individualisme et la montée d’un sentiment d’appartenance à une vaste
communauté informelle, dont les membres habitent à la fois la même ville et
un pays lointain, et se retrouvent dans les nouvelles tribus que sont ces
réseaux de consommation (coopératives ou Amap), d’échanges de savoirs et
de biens, de production (fab-labs, hackathons) et de mutualisation des
connaissances (sciences citoyennes, Wiki…). La vie s’articule désormais
entre plusieurs sphères collaboratives : on est à la fois membre d’une Amap,
d’un fab-lab et d’un site de covoiturage, tout en échangeant des biens sur
Internet et en passant ses vacances en slow travel dans une maison prêtée.

Ces nouveaux usages se jouent des paradoxes, puisqu’ils promeuvent à la
fois le ralentissement (l’esprit slow, les Amap, la décroissance) et
l’accélération (innovations open source, hackathons, fab-labs). Mais ils ont
en commun de penser « glocal », puisqu’ils valorisent autant l’économie
locale que l’appartenance à une communauté mondiale de citoyens en
réseaux. Ils contribuent enfin au déclin du modèle pyramidal et à l’émergence
d’une société qui remplace la concurrence par le « faire ensemble ».

Le spécialiste Michel Bauwens estime que cette reprise en main des
technologies et des circuits de production, ainsi que leur usage collaboratif,
font émerger une « économie post-capitaliste » qui redistribue « le travail, la
connaissance, le soutien financier ». Elle constitue même une nouvelle forme
d’organisation politique, une « démocratie non représentative » où les
citoyens « gèrent eux-mêmes leur vie sociale et productive au travers de
réseaux autonomes et interdépendants »132. Un modèle qui favorise la
production de communs : lien social, temps partagé, technologies open
source, communs de connaissances et actions utiles à la collectivité
(recyclage, agriculture bio… )133.

Par petites touches, ces nouveaux usages font ainsi émerger une société
fonctionnant en écosystèmes citoyens, horizontaux et cogérés. Ces reprises en
main polymorphes, dispersées, amorceront peut-être un jour une transition
plus globale, avec la connexion progressive de millions d’écosystèmes
intelligents et de réseaux économiques coopératifs à l’échelle mondiale.

1 En France, le chiffre d’affaires des hypermarchés baisse régulièrement et, aux États-Unis, les
shopping malls (centres commerciaux) connaissent un réel déclin, plusieurs ayant dû fermer. Voir Lisa
Millar, « Dead malls : Half of America’s shopping centres predicted to close by 2030 », ABC,
28 janvier 2015, et Maxime Robin, « Pourquoi les jeunes Américains désertent-ils les malls ? », Les
Inrockuptibles, 2 novembre 2014.
2 Voir www.slowfood.com, www.slowmovement.com et www.terramadre.org. Ce mouvement présent
dans 153 pays organise un sommet mondial annuel aux États-Unis (www.slowlivingsummit.org).
3 Cittaslow.net.
4 Pour les États-Unis, voir par exemple www.slowmoney.org/local-groups.
5 Livingeconomies.org.
6 Une étude effectuée à Portland (Maine) a montré que 100 dollars dépensés dans les commerces
locaux génèrent 58 dollars de plus dans l’économie locale, mais que l’impact n’est que de 33 dollars si
cette somme est dépensée au sein d’une chaîne nationale ou multinationale
(www.portlandbuylocal.org/news-events/study-buying-locally-pays-big-dividends/).
7 Elles sont déjà plus de 1,6 million aux États-Unis (Gar Alperovitz, « The New-Economy
Movement », The Nation, 25 mai 2011, www.thenation.com/article/160949/new-economy-movement).
8 Passant de 1 755 en 1994 à 8 268 en 2014 (US Department of Agriculture).
9 Source : Trends in U.S. Local and Regional Food Systems
(http://www.ers.usda.gov/webdocs/publications/ap068/51174_ap068_report-summary.pdf).
10 De 2004 à 2014 (source : National Farm to School Network, www.farmtoschool.org).
11 Avec des sites comme BigBarn.co.uk, http://www.farmtoschool.org, EatWild.com, etc.
12 Le site magasin-de-producteurs.fr en donne la liste. Certains fermiers y mettent en place un troc
interne de services : l’un transforme les fruits d’un autre en confiture et celui-ci, en retour, lui fabrique
ses yaourts. Quant aux sites Web, ils peuvent être locaux (Fermiers-Fermières près de Pau, les Paniers
de Thau dans l’Hérault, De la ferme au quartier à Saint-Étienne, etiktable.fr dans l’Ain, etc.) ou
nationaux (drive-fermiers.fr, chezvosproducteurs.fr, etc.).
13 Bruno Knipping, Francois Plesnar et Sébastien Pioli. Voir http://filiere-paysanne.blogspot.fr.
14 Cette plate-forme, présente dans plusieurs pays d’Europe, prélève une commission sur les ventes.
Elle est souvent critiquée par les concepteurs des Amap pour son caractère commercial et son
actionnariat, dans lequel figure Xavier Niel, fondateur de Free.
15 openfoodnetwork.org et openfoodfrance.fr.
16 Voir la carte sur www.localharvest.org/csa/.
17 www.reseau-amap.org/.

18 Annie Weidknnet a d’ailleurs écrit un livre : Amap, histoire et expériences, Nouvelles Éditions
Loubatières, 2011.
19 Voir l’étude comparative menée par les Paniers marseillais : http://lespaniersmarseillais.org/Etude-
de-prix-La-Bio-moins-cher.
20 Et auteur du livre Un projet de décroissance, Éd. Utopia, 2013.
21 www.reseaucocagne.asso.fr.
22 Voir Gaspard d’Allens et Lucile Leclaire, « Avec les Amap Bois, une autre forêt est possible »,
Reporterre, www.reporterre.net/Avec-les-Amap-Bois-une-autre-foret-est-possible.
23 Agnès Maillard, « Les épuisettes culturelles : un nouveau modèle économique au service des artistes
et des citoyens curieux », Bastamag.net, 2 avril 2015. Voir les initiatives de l’Amacca sur
http://amacca.org/category/repertoire-des-amacca/.
24 Plusieurs GASE existent en Bretagne, en Lozère, en Ardèche, à Paris, à Marseille… Voir
http://gase.parlenet.org/.
25 Les clubs Seikatsu ont reçu en 1989 le Right Livelihood Award, le « prix Nobel alternatif ».
26 Voir l’annuaire de ces coopératives locales sur www.ncga.coop/member-stores.
27 Source : European Community of Consumer Co-operatives (www.eurocoop.org).
28 Signe d’un changement de valeurs, les États-Unis, pays phare de l’agriculture industrielle, sont
devenus le premier consommateur mondial de bio, suivis par l’Europe. En France – troisième marché
national derrière les États-Unis et l’Allemagne –, le marché a doublé de 2007 à 2012 et progresse
d’environ 10 % par an. En Chine, la consommation a triplé de 2007 à 2012. En Inde, elle croît de 25
à 30 % par an, au Brésil de 20 %.
29 Kim Hyungmi, « Flux on Korean Consumer Cooperative Activities », iCOOP Co-operative
Institute, 2013.
30 Voir les chapitres sur l’habitat, l’usage de l’argent et la santé.
31 Heide B. Malhotra, « Community-Owned Stores on the Rise », The Epoch Times, 21 juillet 2009.
32 Sur ces épiceries coopératives nord-américaines, voir www.coopdirectory.org/,
www.foodcoopinitiative.coop/ et www.grocer.coop/coops (la cartographie donne une idée de leur
densité).
33 Voir les chapitres sur l’usage de l’argent et la santé.
34 Voir www.communityretailing.co.uk/shops.html.
35 www.pengwerncymunedol.btck.co.uk. De nombreuses reprises bénéficient de l’aide de la Fondation
Plunkett.
36 La Louve à Paris, Super Quinquin à Lille, La Cagette à Montpellier, la Chouette Coop à Toulouse,
Supercoop à Bordeaux, Bees Coop à Schaerbeek (Belgique), etc.
37 Voir https://coopaparis.wordpress.com/ et Nadia Djabali, « Une alternative à la grande distribution
en plein cœur de Paris », Bastamag.net, 29 mai 2014, www.bastamag.net/Une-alternative-a-la-grande.
38 Voir « Le Zeybu solidaire, l’équité alimentaire des producteurs aux consommateurs »
(www.alpesolidaires.org/le-zeybu-solidaire-l-equite-alimentaire-des-producteurs-aux-consommateurs).
39 Il existe plusieurs centaines d’épiceries sociales de ce type, en moyenne 20 % moins chères (voir la
liste sur epiceries-solidaires.org), dont certaines destinées aux étudiants, comme celles du réseau
Agoraé.
40 http://community-shop.co.uk/.

41 Voir « Un lieu participatif, à la fois épicerie bio et atelier de recyclage, pour restaurer, le monde de
demain », Bastamag.net, 30 janvier 2015.
42 www.cooperativebaraka.fr.
43 http://discosoupe.org/disco-boco/.
44 Parmi les nombreux documentaires sur ce sujet, on peut notamment voir sur Youtube « Prêt à jeter :
l’obsolescence programmée » ou « La mort programmée de nos appareils » du magazine Cash
Investigation.
45 Estimation de la Fondation Ellen MacArthur. Le plastique met jusqu’à quatre cents ans à se
dégrader, et il se désintègre en micro-particules, ingérées par le plancton et qui se retrouvent dans la
chair des poissons.
46 Voir la liste sur le site du Réseau Vrac, http://reseauvrac.fr/.
47 www.umsonstladen.de/.
48 Voir cette vidéo www.capetownetc.com/blog/culture/5-minutes-with-kayli-vee-levitan-from-the-
street-store/.
49 www.freecycle.org/about/background.
50 www.donnons.org ; http://donne.consoglobe.com ; http://jedonnetout.com ; www.partages.com ;
www.recupe.net ; www.lecomptoirdudon.com ; www.co-recyclage.com ; etc.
51 www.bookcrossing.com.
52 www.littlefreelibrary.org/.
53 La Bibliambule itinérante, la Boîte à lire à Bordeaux, etc. Voir
https://leslivresdesrues.wordpress.com/.
54 Voir Bibliorodas.wordpress.com.
55 https://occupypghlibrary.wordpress.com/.
56 En 2015, plus de 200 000 objets y avaient trouvé une seconde vie, ce qui avait évité l’émission
de 200 tonnes de CO (source : Repair-cafe.org). La mise à la décharge et le traitement des déchets sont
en effet d’importantes sources d’émission de carbone.
57 www.heureux-cyclage.org/Les-ateliers-velo-dans-le-monde.html. Cette communauté milite pour la
« vélorution » (réappropriation des villes par le vélo).
58 La liste est sur www.selfgarage.org.
59 www.latelierpaysan.org.
60 De nombreux sites offrent des idées et des tutoriels pour transformer les palettes en meubles ou en
maisons : 101palletideas.com, 1001pallets.com etc.
61 http://youandjerrycan.org/.
62 Voir http://emmabuntus.sourceforge.net/mediawiki/index.php/Emmabuntus:Communityportal/fr.
63 Voir Émilie Massemin, « Halte à l’obsolescence ! Les vieux ordinateurs reprennent vie avec le
système Emmabuntüs », Reporterre, 28 mai 2016.
64 De nombreuses vidéos sur ces coopératives et leur réseau national, le MNCR (Mncr.org.br), sont
disponible sur Youtube.
65 La vidéo est sur www.youtube.com/watch?v=ZPUFpEbkOoc. Sur cette vague créative dans
l’upcycling, voir Bénédicte Manier, Made in India. Le laboratoire écologique de la planète, Premier
Parallèle, 2015.
66 http://wecyclers.com/.

67 Le pourcentage d’utilisateurs est par exemple de 72 % des habitants aux États-Unis et de 50 % en
France.
68 Voir Consocollaborative.com, ou Ouishare.net/fr en France, Collaborative consumption.com aux
États-Unis, Consumocolaborativo.com en Espagne, Descolaai.com au Brésil, etc. Pour plus de détails,
nous renvoyons à l’importante bibliographie dans ce domaine, notamment Anne-Sophie Novel et
Stéphane Riot, Vive la co-révolution, Alternatives, 2012 ; Anne-Sophie Novel, La Vie Share,
Alternatives, 2013 ; Michel Bauwens, Jean Lievens, Sauver le monde, LLL, 2015 ; OuiShare et Diana
Filippova (dir.), Société collaborative. La fin des hiérarchies, L’Échiquier, 2015 ; R. Botsman, R.
Rogers, What’s Mine Is Yours. The Rise of Collaborative Consumption, Collins, 2011 ; Matthieu
Lietaert, Homo Coopérans 2.0. Changeons de cap vers l’économie collaborative (www.homo-
cooperans.net/).
69 Quelque 10 000 start-up et multinationales (eBay…) sont présentes sur ce marché mondial et leur
chiffre d’affaires devrait atteindre 335 milliards de dollars en 2025. Elles réorientent le collaboratif vers
le commercial en réintroduisant une forte médiation entre particuliers, en collectant les données
personnelles et en délocalisant leurs profits vers des paradis fiscaux. Leur présence déstabilise certains
secteurs : en utilisant d’innombrables actifs free-lance, Uber favorise l’émergence d’un post-salariat
précaire dans la gig economy (économie à la tâche). AirBnB, lui, fige dans la location permanente une
partie du parc immobilier des grandes villes.
70 Comme des machines à laver, avec www.lamachineduvoisin.fr.
71 Une liste de sites est visible sur : http://socialcompare.com/fr/comparison/comparatif-de-sites-de-
trocs-d-echanges.
72 Voir « Arcade City, le Uber-killer de la blockchain ? », blockchainfrance.net/2016/03/19/arcade-
city-le-uber-killer-de-la-blockchain/.
73 Voir notamment Laurent Lequien, « La blockchain libère les entraves de l’économie collaborative »,
La Tribune, 18 mai 2016 ; « La révolution blockchain en marche », Le Monde Éco & Entreprise,
19 avril 2016, et Michel Bauwens, « Conversation sur la blockchain »,
http://blogfr.p2pfoundation.net/index.php/2016/06/30/conversation-sur-la-blockchain/.
74 Michel Bauwens émet cependant de nombreuses réserves à l’égard des blockchains, notamment le
risque d’une « technocratie totalitaire » pouvant régir notre quotidien, avec des règles échappant au
débat démocratique. Voir Zeliha Chaffin et Jade Grandin de l’Epervier, « Espoirs et vertiges de la
révolution blockchain », Le Monde Éco & Entreprise, 19 avril 2016.
75 Voir Côme Bastin, « Consommation collaborative : le nouvel âge du consumérisme ? », Socialter,
septembre 2016, et Philippe Moati, La Société malade de l’hyperconsommation, Odile Jacob, 2016.
76 Chaque année, l’humanité consomme moitié plus de ressources que la Terre n’en fournit. Si rien ne
change, il nous faudra deux planètes en 2030 pour répondre à nos besoins (WWF, rapport Planète
vivante, 2012).
77 Voir Paul H. Ray et Sherry Ruth Anderson, L’Émergence des créatifs culturels. Enquête sur les
acteurs d’un changement de société, Yves Michel, 2001, et Ariane Vitalis, Les Créatifs culturels.
L’émergence d’une nouvelle conscience, Yves Michel, 2016.
78 Andrew Benett et Ann O’Reilly, Consumed : Rethinking Business in the Era of Mindful Spending,
Palgrave Macmillan, 2010 (livre basé sur l’étude de sept pays : Brésil, Chine, France, Royaume-Uni,
Japon, Pays-Bas, États-Unis), www.thenewconsumer.com/study-highlights.

79 John Gerzema et Michael D’Antonio, Spend Shift : How the Post-Crisis Values Revolution Is
Changing the Way We Buy, Sell, and Live, Jossey-Bass, 2010.
80 Juliet Schor, La Véritable Richesse. Une économie du temps retrouvé, Éd. Charles-Léopold Mayer,
2013.
81 Refuser, réduire, réutiliser, recycler, réparer, composter.
82 Comme ceux de la Japonaise Marie Kondo, qui évoque la joie du minimalisme et a donné son nom à
la méthode KonMari.
83 De dan (refuser), sha (jeter) et ri (se séparer).
84 Éd. Écosociété, 2005.
85 On peut visualiser leur multiplication sur www.bdtonline.org.
86 www.intersel-idf.org (site des Sel franciliens).
87 Elle édite la revue mensuelle Par Chemins (http://route-des-sel.org).
88 http://selidaire.org.
89 Voir le réseau mondial sur Lets-linkup.com.
90 Fureai : relation cordiale ; Kippu : ticket. La fondation Sawayaka Fukushi Zaidan, qui les a créés,
gère les comptes épargne-temps.
91 Depuis 2011, Couchsurfing n’est plus une ONG, mais une B.Corp, entreprise à responsabilité
sociale et environnementale. Mais les transactions d’argent demeurent proscrites.
92 Voir les deux réseaux internationaux sur www.wwoof.org.
93 www.bigapplegreeter.org.
94 www.globalgreeternetwork.info. On les trouve aussi dans plusieurs villes et régions françaises.
95 www.rers-asso.org.
96 Cofondateur du Forum social mondial.
97 Notamment Caroline Woolard, Or Zubalsky, Rich Watts et Louise Ma, animateurs du site de partage
OurGoods.com. Voir tradeschool.coop.
98 Pour s’y retrouver, on peut consulter les plates-formes mondiales Mooc-list.com, Coursera.org ou
FutureLearn, EdX.org (universités américaines), Udacity.com (ingénierie), Edraak (cours gratuits en
arabe), Ecolearning.eu (portail européen) ou Mooc.es (portail en espagnol). Pour la France : Mooc-
francophone.com, My-mooc.com (qui permet de noter les cours), Openclassrooms.com ou
http://www.sup-numerique.gouv.fr/pid33135/moocs-calendrier-des-cours-en-ligne-ouverts-et-
massifs.html.
99 Khan https://fr.khanacademy.org/. Ses vidéos, déjà vues par plus de 82 millions de personnes, sont
sous Creative Commons.
100 Elle aide en particulier les communautés indiennes d’Amérique à devenir autonomes en énergie
(www.solarenergy.org/native-american-communities).
101 Digitalgreen.org. L’équipe apprend aussi aux fermiers à manier la vidéo pour filmer eux-mêmes
leurs solutions.
102 Berkeley Open Infrastructure for Network Computing, Boinc.berkeley.edu ou Boinc-af.org.
103 Avec WildLab, iNaturalist, Beespotter, Big Butterfly Count, eBird, SeoBirdlife, etc. Les sites
www.scientificamerican.com/citizen-science/ ou, en France, www.naturefrance.fr/sciences-
participatives donnent une idée de la diversité de ces programmes.
104 www.observadoresdelmar.es (Institut des sciences de la mer de Barcelone).

105 Citoyens, biologistes, écologistes et chercheurs identifient ensemble les enjeux (pollutions
localisées, biodiversité en danger) et des informaticiens trouvent des solutions technologiques à ces
problèmes (http://aquahacking.com/).
106 Voir www.vacances-scientifiques.com ou www.conges-science-solidaire.com. L’OSI a un statut
consultatif spécial auprès du Conseil économique et social de l’Onu.
107 Voir Mapkibera.org et Laure Belot, « MapKibera, la carte pour rendre visibles les invisibles », Le
Monde, 2 avril 2015.
108 Publiées sur Voiceofkibera.org et Openschoolskenya.org.
109 Voir l’ONG Acaté : http://acateamazon.org/field-updates/january-2016-field-update-indigenous-
mapping/.
110 http://peopleslinguisticsurvey.org/.
111 Voir http://vosg.us/active-vosts/ et, en France, les Volontaires internationaux en soutien
opérationnel virtuel : Visov.org.
112 On trouve une liste indicative sur https://degooglisons-Internet.org/alternatives.
113 Voir aussi l’Open Building Institute, http://openbuildinginstitute.org/, et le chapitre sur l’habitat.
114 Comme Franciliens.net, http://neutrinet.be ou B4RN, créé par des fermiers britanniques du
Lancashire. Voir la liste sur www.ffdn.org/fr/membres et la carte sur https://db.ffdn.org/.
115 Carte sur https://muninetworks.org/communitymap.
116 Voir les travaux d’Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie 2009, et Benjamin Coriat (dir.), Le
Retour des communs, LLL, 2015.
117 Dans l’industrie, le modèle open source permet de créer de la valeur en répartissant les
compétences et les coûts. Elon Musk, qui dirige la firme automobile Tesla, a ainsi renoncé à ses brevets
pour laisser la concurrence et la société civile améliorer la technologie des voitures électriques –

améliorations dont Tesla profitera elle-même, évidemment. Par ailleurs, de nombreuses grandes
entreprises (Virgin, Amazon, eBay, IBM…) et de nombreux marchés boursiers (Londres, Chicago…)
se sont convertis à Linux.
118 Aux États-Unis, de nombreux secteurs publics, même sensibles (Maison-Blanche, Pentagone,
Agence fédérale de l’aviation civile…), tournent sous Linux, tout comme la Station spatiale
internationale de la Nasa. C’est le cas de nombreuses municipalités dans le monde (Munich, Mexico…)
et, en France, de plusieurs ministères, de l’Assemblée nationale ou de la Gendarmerie. De son côté, le
réseau de Villes en biens communs (Villes.bienscommuns.org) favorise les initiatives open source :
logiciels, ressources éducatives, semences libres, etc.
119 Carte mondiale sur www.fablabs.io/map.
120 En France, voir http://openbidouille.net/.
121 Ihub au Kenya, Ovillage à Abidjan, Mest et HubAccra au Ghana, Nahdet El Mahrousa en Égypte,
etc.
122 Pour l’Afrique, voir le réseau AfriLabs et, pour l’Inde, Bénédicte Manier, Made in India, op. cit.
123 L’Âge du faire, Seuil, 2015. Ce livre étudie le Noisebridge, un hackerspace de San Francisco.
124 Chris Anderson, Makers. La nouvelle révolution industrielle, Pearson, 2012.
125 Même si ses implications font débat, notamment parce que l’impression 3D rendra aussi possible la
fabrication décentralisée d’engins dangereux, dont des armes.
126 Voir Ewen Chardronnet, « En finir avec la Smart City », Makery, 20 septembre 2016.

127 Voir les contributions au Fab10 de 2014 à Barcelone et Raphaël Besson, « La Fab City de
Barcelone ou la réinvention du droit à la ville », Urbanews, 10 mars 2015.
128 En 2015, près de 8 000 espaces hébergeaient un demi-million de professionnels dans le monde, et
ils progressaient au rythme de +36 % par an, selon le Global Coworking Survey 2015-2016.
129 Leur carte est sur coworking-carte.fr. Ils étaient plus de 350 en 2016.
130 Label décerné aux États-Unis par l’ONG B Lab sur des critères sélectifs d’engagement
environnementaux et sociaux.
131 Aux États-Unis, 34 % des actifs sont des travailleurs indépendants. Leur nombre dépassera celui
des salariés d’ici à 2020.
132 Michel Bauwens, Jean Lievens, Sauver le monde, op. cit. Voir aussi les travaux de sa fondation, la
P2P Foundation.
133 Voir le livre de Benjamin Coriat (dir.), Le Retour des communs, op. cit.

Implanter une agriculture durable

Au stade avancé de la production de masse, une société produit sa
propre destruction. La nature est dénaturée.

Ivan Illich, La Convivialité

Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que
suscite son fonctionnement est une civilisation décadente.

Aimé Césaire, « Discours sur le colonialisme », Présence africaine,
1955

Cogérer les terres

Dans les années 1960, deux militants américains des droits civiques,
Robert Swann et Slater King, neveu de Martin Luther King, ont voulu aider
les fermiers afro-américains pauvres à acquérir des terres. Ils se sont
souvenus que plusieurs sociétés traditionnelles – comme les Indiens
d’Amérique du Nord ou les Aztèques du Mexique1 – avaient un système de
copropriété citoyenne des terres, pour partager les ressources agricoles. Ils
s’en sont inspirés pour créer une structure juridique à but non lucratif, le
community land trust (CLT, société foncière communautaire), qui permet à
un groupe d’habitants d’acheter du foncier en copropriété2.

Dans un community land trust, les terres sont gérées comme un bien
commun et les décisions sont prises démocratiquement. Le premier CLT
américain a vu le jour en 1969 à Albany (Géorgie) et, depuis, de nombreuses
fermes se sont installées sur ces terrains en copropriété citoyenne3, à l’image
de la ferme bio Peacework, près de New York. En Grande-Bretagne, la plus
emblématique est la ferme Fordhall, exploitée par Charlotte et Ben Hollins.
En 2004, ces deux jeunes, dont la famille loue la ferme depuis 1929,
apprennent que le terrain va être vendu. Pour sauver leur ferme, ils doivent la
racheter, mais n’en ont pas les moyens. Ils lancent alors un appel, proposant
au public un achat collectif sur la base de parts de 50 livres sterling chacune.
Des milliers de personnes répondent : des voisins, des entreprises locales,
mais aussi des inconnus de tout le pays, enseignants, retraités, citadins de
Londres, écologistes, et même le chanteur Sting, qui achète pour 2 000 livres
sterling d’actions. Au final, la ferme devient la copropriété de plus de
7 500 citoyens. Aujourd’hui prospère, elle abrite un salon de thé, anime des
ateliers pour les enfants et vend directement ses produits bio sur place et sur
Internet4.

Le Royaume-Uni compte déjà plusieurs dizaines de telles copropriétés5.
Elles ont revitalisé une partie du tissu agricole et impliqué directement les
habitants dans la production de leur alimentation. Les co-actionnaires ne

reçoivent pas de bénéfice financier, mais ils font un acte d’investissement
dans des fermes, surtout bio, et ont accès à leurs produits en circuit court.

L’épargne solidaire pour garder l’agriculture vivante

En France, un modèle un peu identique, Terre de Liens6, a été fondé
en 2003 par Jérôme Deconinck, un ingénieur agronome soucieux de soutenir
un paysage agricole sinistré. Quelque 200 fermes cessent en effet leur activité
chaque semaine dans l’Hexagone et une exploitation sur quatre y a disparu
dans la décennie 2000-2010. Bien des fermiers, pris en tenaille entre des prix
de vente trop bas et le coût élevé des intrants, préfèrent baisser les bras.

Terre de Liens soutient les fermes en collectant l’épargne de particuliers.
Concrètement, on peut acheter des actions à partir de 100 euros, investies
dans la ferme de son choix, dans sa région ou ailleurs en France. Terre de
Liens achète des terres et y installe de jeunes agriculteurs auxquels les
banques ont souvent refusé des prêts et qui produisent en biologique ou en
biodynamie. Durant ses deux premières années d’existence, elle a ainsi
collecté plus de 700 000 euros d’épargne de citoyens de tout le pays, avant
que le mouvement ne s’amplifie7. Un succès, explique Véronique Rioufol, sa
coordinatrice, qui repose sur le fait que « l’investissement dans la terre reste
considéré comme un placement stable » et que Terre de Liens soutient « des
projets durables, transmissibles sur plusieurs générations ». Les fermes aidées
se veulent aussi proches du public, avec souvent un système de vente directe.
« On commence ainsi à avoir un effet levier sur les territoires, avec beaucoup
de citoyens qui veulent s’impliquer », observe-t-elle. Des citoyens, mais aussi
des institutions : Terre de Liens voit les agences locales de l’eau la « solliciter
de plus en plus, pour mieux gérer l’eau de l’agriculture », tandis que des
collectivités lui proposent des terres communales pour installer des fermes
afin de maintenir leur tissu rural vivant. Ce qui rencontre l’objectif de Terre
de Liens de « renforcer les ceintures vertes des villes et de maîtriser la
croissance urbaine ».

Une filière agroalimentaire cogérée par les habitants


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