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Published by Numérithèque, 2021-05-17 12:57:40

Un million de révolutions tranquilles

Bénédicte Manier

Quand les habitants gèrent eux-mêmes la ville

La route qui mène à Kuthambakkam1 sillonne longuement la campagne
entre des rizières miroitantes, où les couleurs vives des saris des femmes qui
repiquent le riz se détachent sur le vert vif des jeunes pousses. La petite ville
est là, nichée dans ces étendues fertiles du Tamil Nadu, en Inde. C’est là que
je retrouve Elango Rangaswamy, l’ancien maire de cette localité
de 5 000 habitants qu’il a fait connaître au-delà des frontières de l’Inde pour
sa réussite démocratique et les changements radicaux qu’il y a impulsés.

Elango est en train d’assister à une réunion d’habitants, dans une grande
salle située à côté de la mairie. Une centaine de personnes – des hommes en
dhoti2 blanc et des femmes aux longues tresses noires – assis sur de grandes
nattes de palme, écoutent un homme qui parle d’un ton véhément. Dans la
chaleur déjà lourde de la matinée, certains s’éventent avec une feuille de
papier et quelques bébés s’assoupissent dans les bras de leur mère. Elango
m’explique à voix basse que la réunion est consacrée à la mise en valeur des
terres agricoles. Pour que nous puissions parler plus tranquillement, il
m’emmène juste à côté, dans un bureau de la petite mairie de briques, où il
fait plus frais.

« Je suis né dans cette ville en 1960 », raconte-t-il. « Et, pendant des
décennies, j’y ai été témoin de tous les problèmes : la pauvreté, l’alcoolisme,
la violence de caste. Je me suis toujours demandé comment on pouvait les
résoudre. Adolescent, j’ai cherché à me rendre utile. J’ai fait du volontariat
dans une association de lutte contre la violence domestique. Et puis j’ai
entamé mes études d’ingénieur, tout en continuant à m’engager dans la vie de
la communauté », en aidant « des femmes pauvres à obtenir des prêts et en
préparant de jeunes dalits à des concours universitaires ». Car Elango est lui
aussi un dalit, un intouchable, une catégorie hors caste jugée impure, dont
même le contact physique est à éviter. « Enfant, quand je touchais quelqu’un,
j’étais battu. Mon père me disait : c’est comme ça, tu ne dois toucher
personne. Mais moi, je ne comprenais pas », dit-il.

À l’âge adulte, Elango devient chimiste à Chennai. Mais le souvenir de son
village, en plein déclin, le préoccupe. « Je voulais y aller plus souvent et
même retourner y vivre. Pour y changer les choses. » Le coup de pouce
décisif viendra de son épouse, Sumathy : en 1994, elle trouve un travail qui
fait vivre la famille, ce qui permet à Elango de repartir à Kuthambakkam. En
octobre 1996, il se présente aux élections locales et est élu sarpanch (maire).
Dès lors, il va se consacrer entièrement à la renaissance de la localité :
« J’avais décidé de transformer le village. D’en faire un modèle de
gouvernance. »

Son premier acte est d’associer la population à son projet. Il met en place
un gram sabha, une assemblée villageoise où toutes les familles sont
représentées à égalité et peuvent débattre des enjeux publics, au même titre
que le conseil municipal (panchayat)3. En quelques semaines, sur la base des
besoins exprimés par les habitants, Elango élabore un plan d’action qu’il
soumet à l’assemblée du village. « Tout y a été longuement discuté : les
décisions, les priorités dans le budget », explique-t-il. Et, une fois le plan
voté, il demande aux habitants de se mobiliser pour le mettre en œuvre eux-
mêmes. Le premier chantier consiste à nettoyer le bourg et à le doter d’un
système d’assainissement. Tous se mettent au travail. Les rues sont dotées de
poubelles et d’un éclairage public à énergie solaire, et un système de collecte
des pluies est aménagé pour fournir de l’eau potable aux habitants. Puis la
réparation de l’école est lancée, et Elango parvient à convaincre chaque
famille de scolariser tous les enfants, filles et garçons.

Dans la foulée, il lance un autre projet qui va, à son étonnement, susciter
plus d’adhésion que prévu : la réhabilitation des quartiers de taudis où vivent
les dalits, qui représentent la moitié de la population et à qui il veut donner
des habitations décentes. « Tout le monde, même les hautes castes », a
participé à ce chantier collectif, qui a consisté à remplacer les abris de tôle et
les huttes de palme par des logements en dur. En quelques mois, 150 maisons
sont construites en matériaux écologiques (des briques d’argile compressée
produites sur place). Reconnaissants, les dalits creuseront eux-mêmes les
égouts, faisant économiser 2 millions de roupies (27 300 euros) à la
commune. Ils répareront aussi les routes et nettoieront les puits de la ville.

Elango va faire mieux. Maintenant que hautes et basses castes ont
collaboré aux mêmes chantiers, il va tenter de les faire vivre ensemble. Il
imagine un programme appelé samathuvapuram (« habitat égal » en tamoul)
et, en octobre 2000, lance la construction d’un lotissement de cinquante
maisons mitoyennes doté d’une crèche collective. Dans chacune d’entre elles,
il fait cohabiter une famille d’intouchables et une famille d’une autre caste –
une démarche « révolutionnaire pour le pays », sourit-il. Et ça marche. Ça
marche même si bien que les autorités du Tamil Nadu, étonnées du résultat,
reprennent ce projet à leur compte. Ce type d’habitat partagé et complété de
services sociaux (dispensaires, écoles), dont la conception associe architectes
et résidents, constitue désormais un programme financé par le gouvernement
qui fait vivre ensemble des castes et des confessions différentes (hindous,
musulmans, chrétiens) dans un esprit de paix et d’égalité.

Une économie relocalisée

« En 2001, tout était achevé », dit Elango. Et la localité de Kuthambakkam
était métamorphosée. Chaque famille y dispose aujourd’hui d’un habitat
digne. Les maisons individuelles, tout comme l’espace public, ont une
apparence soignée, et l’économie locale a profité de cette transformation : si
elle reste à 70 % agricole, les métiers liés au bâtiment ont été dopés par les
chantiers. Les matériaux de construction – briques d’argile et tuiles
résistantes aux cyclones – ont été fabriqués par les femmes du village, qui
poursuivent cette activité aujourd’hui, tout en construisant des poêles
domestiques économes en énergie et écologiques capables de brûler des
déchets4.

Mais la prospérité actuelle provient aussi d’une politique volontairement
mise en place par le maire. Lors de son premier mandat, il se rend compte
que la plupart des productions locales sont des matières premières agricoles
qui partent à l’extérieur pour y être transformées, et reviennent à
Kuthambakkam pour y être revendues emballées et étiquetées. Il se demande
alors si cette transformation ne pourrait pas avoir lieu sur place. Il fait réaliser
une enquête qui évalue à six millions de roupies la valeur des marchandises
usuelles (aliments, vêtements, savon…) consommées chaque mois par les

habitants. Sur ce total, l’équivalent de cinq millions de roupies pourrait être
fabriqué dans la ville même. Il soumet alors au gram sabha un plan de
développement de micro-entreprises locales.

Aujourd’hui, « tout est produit et transformé sur place. Les récoltes servent
à fabriquer ce dont nous avons besoin : le riz est décortiqué ici, l’huile nous
sert à fabriquer du savon, le coton à faire des vêtements et de la corde, la
corde à faire des hamacs, etc. ». Avec ces activités, la localité de
5 300 habitants est devenue autosuffisante en biens et en services, et elle ne
compte plus aucun chômeur. Ce qui, dans une Inde rurale soumise au
chômage endémique, constitue une petite révolution.

Ce principe d’économie « en réseau », Elango l’a étendu à six localités
voisines : il a aidé les autres maires à identifier les besoins des habitants et les
matières premières disponibles sur place. Puis tous ont recensé les
qualifications locales et demandé à des ONG de former la main-d’œuvre qui
en avait besoin. De petites entreprises ont ensuite été créées, avec l’aide de
groupes autogérés de micro-crédit. Aujourd’hui, ce qu’elles produisent
subvient intégralement aux besoins des habitants, qui, de leur côté,
privilégient cette consommation locale, qui leur garantit des emplois. Entre
elles, les sept localités échangent leurs surplus – lait, riz, vêtements – et, pour
éviter de trop monétiser l’économie locale et la garder conviviale, un système
de troc a aussi été instauré : à Kuthambakkam, « les habitants échangent des
tomates contre des cours d’informatique », sourit Elango.

Après seulement deux mandats, Elango affiche un bilan que bien des
maires peuvent lui envier : plein emploi, éradication de la pauvreté et de
l’habitat insalubre, scolarisation universelle, assainissement et eau potable
pour tous, quasi-autonomie en énergie solaire. Pour obtenir ces résultats, il a
mis en œuvre des principes gandhiens qu’il revendique5 : autodétermination
villageoise, coopération citoyenne, égalité de tous, respect de
l’environnement et autosuffisance économique. Même s’il lui a fallu
surmonter bien des obstacles : il a notamment été poursuivi en justice par des
entreprises de BTP que les travaux autogérés par les villageois avaient
privées de chantiers rémunérateurs.

Il est presque 19 heures. Le soir s’étire sur Kuthambakkam et, pendant
qu’Elango et moi parlons, nous entendons les échos d’une musique rock
jouée à l’extérieur : c’est un groupe d’adolescents qui écoute des CD dans
une cour proche de la mairie. Au-dehors, voitures et motos circulent, et des
habitants passent, le téléphone portable collé à l’oreille. La vie quotidienne
ici démontre que les principes d’autosuffisance villageoise n’ont rien
d’incompatible avec la modernité : ils organisent simplement cette modernité
sur une base différente, en inventant un modèle économique viable qui
garantit la prospérité locale et l’emploi pour tous.

Un modèle reproductible

Elango n’a adhéré à aucun parti et n’a jamais voulu faire une carrière
politique. Au terme de deux mandats, il a quitté son siège de maire pour se
consacrer à la diffusion de son modèle de gouvernance. Il a ouvert une
Panchayat Academy, une structure de formation des maires qui accueille des
élus confrontés aux mêmes défis que Kuthambakkam et les aide à trouver des
solutions locales, basées sur les mêmes principes démocratiques. Cette
structure a déjà formé un millier de maires venus de toute l’Inde et en forme
une vingtaine de plus chaque mois. Elango a ainsi mis sur pied un réseau
de 2 000 élus qui partagent ses convictions. Et, à terme, il se donne pour
objectif de développer « un réseau de 20 000 villages » qui, d’ici à 2020,
reproduiraient ce modèle d’autogouvernance en constituant une fédération de
« petites républiques villageoises » sur le modèle gandhien. « Je veux
montrer que c’est possible. Si le changement a pu se faire ici, pourquoi pas
ailleurs ? Tout cela peut être reproduit à grande échelle. Parce que nous
sommes dans une démocratie qui permet cette co-gouvernance des villages.
Et parce que, socialement, il y a un besoin. »

L’ancien maire, qui a reçu plusieurs récompenses internationales, a été
invité à raconter son expérience en Grande-Bretagne et aux États-Unis. En
Inde même, l’existence de plusieurs autres villages modèles (tels Hiware
Bazar dans le Maharashtra, Kethanur dans le Tamil Nadu…), autogérés et
bénéficiant d’une démocratie directe et d’une autosuffisance économique,

prouve que le processus démocratique qui a transformé la vie de
Kuthambakkam est reproductible ailleurs.

Plus impensable encore, Elango a radicalement transformé le vivre-
ensemble. En misant sur le dialogue, la tolérance et l’entraide, il a permis la
cohabitation paisible de catégories socio-religieuses qui s’ignoraient,
s’évitaient ou se détestaient. Au sein de la localité, les affrontements entre
castes et la délinquance ont disparu. Mettre fin à la violence et aux ghettos,
réussir la mixité sociale et confessionnelle : là encore, bien des élus
occidentaux aimeraient pouvoir se vanter de tels résultats.

L’économie en réseau mise en place à Kuthambakkam et dans les localités
voisines est également porteuse de leçons. Hormis pour les voitures,
l’essence et l’informatique, les habitants y sont autosuffisants, ce qui rend
leur économie imperméable aux aléas des crises et profite à l’emploi local.
Ce type d’économie « dé-mondialisée » est-il transférable à d’autres pays,
dans d’autres contextes et avec d’autres niveaux de vie ? La question mérite
d’être posée. À l’heure où bien des maires ruraux d’Europe se désespèrent de
la dégradation de leur tissu agricole et industriel, Elango a montré qu’une
relocalisation de l’économie est possible, en équilibrant offre et demande
locales et en soutenant le développement de productions autochtones bien
pensées et complémentaires. Ce modeste maire d’une petite localité indienne
a ainsi réalisé le rêve de bien des habitants et élus des pays industrialisés :
une économie locale prospère.

L’essor des expériences participatives

Le processus mis en œuvre à Kuthambakkam plonge ses racines dans la
demokratia grecque, le pouvoir du peuple. « En votant, chacun doit pouvoir
se dire : j’ai un véritable pouvoir », dit Elango. Qui ajoute que la démocratie
n’a rien à craindre de la participation libre et égalitaire de chaque citoyen :
même s’il a fallu, au début, « dépasser les intérêts individuels », les habitants
ont su créer un esprit de responsabilité commune qui a métamorphosé la
petite ville.

Cette réinvention de la démocratie est la clé pour rénover des systèmes
politiques figés, aujourd’hui critiqués un peu partout. Les citoyens reprochent
à leurs dirigeants d’être davantage à l’écoute des lobbies économiques que
des besoins de la société, d’être incompétents face aux crises, obnubilés par
les calculs politiciens et coupés des réalités. Quelque 80 % des Français
jugent ainsi les citoyens plus capables que les élus de trouver des solutions à
leurs problèmes et à ceux du pays, et 74 % pensent que les idées doivent
venir des citoyens6.

Cette crise de la représentativité fait finalement progresser l’idée que les
droits des citoyens vont au-delà du seul bulletin de vote. Certaines
collectivités le comprennent et utilisent déjà des outils de participation
directe. Et, là où ils n’existent pas, la société civile en invente.

Les budgets participatifs

Laisser des groupes de citoyens se prononcer sur les choix budgétaires de leur ville : l’idée est
née à Porto Alegre, au Brésil, où, depuis 1989, les habitants déterminent chaque année
l’affectation des budgets publics. Ces budgets participatifs ont permis de recentrer les dépenses sur
les besoins réels, comme l’eau potable, l’amélioration du logement ou l’éducation. Selon le
maire7, ils ont incontestablement amélioré l’efficacité de la dépense publique et évité les
malversations. Inspirés par Porto Alegre, plus de 1 500 budgets participatifs ont essaimé en
Amérique latine (Brésil, Venezuela, Colombie, Mexique…), aux États-Unis, au Canada, en
Europe (Espagne, Allemagne, Portugal, Suède, Italie, France, Suisse…), en Afrique

(Mozambique, Sénégal, Mali, Burkina Faso…), et même en Chine (Chengdu)8. Le concept a été
décliné à l’échelle d’autres collectivités (régions, conseils de quartier, lycées…).

Aux États-Unis existent par ailleurs des assemblées générales d’habitants comparables aux
gram sabhas indiens. En vertu d’un privilège vieux de trois cents ans, les villes de moins
de 6 000 habitants des six États de Nouvelle-Angleterre (Connecticut, Maine, Massachusetts, New
Hampshire, Rhode Island, Vermont) tiennent chaque année des open town meetings. Les habitants
en âge de voter y débattent des questions locales, votent les budgets, les règlements publics et
parfois le salaire des élus. Ils peuvent librement inscrire des sujets à l’ordre du jour et réclamer
d’autres réunions.

Marinaleda est un village aux maisons blanches, situé au milieu
d’oliveraies plantées dans la sierra rouge et sèche de l’Andalousie. C’est là
qu’en 1976 des journaliers agricoles pauvres se révoltent et lancent un
mouvement d’occupation des terres. Manuel Sánchez Gordillo est leur leader.
En 1979, il se fait élire maire de la localité et y développe un modèle
clairement anticapitaliste et une démocratie directe proche de celle de
Kuthambakkam, aujourd’hui observée dans toute l’Europe. Chaque année,
plusieurs centaines d’assemblées réunissent les habitants pour voter sur les
questions locales (impôts, logements, emploi…). Les familles se sont aussi
entraidées pour construire leurs maisons sur des terrains distribués par la
mairie, et tous effectuent des travaux collectifs d’entretien du village.
L’économie locale tourne autour d’une coopérative agroalimentaire où
presque tout le monde travaille pour un salaire égal. Même après la crise
de 2008, qui a durement frappé l’Espagne, le partage du travail a permis
d’éviter la pauvreté. Dernier effet de cette gestion participative : la localité ne
connaît aucune délinquance. « Qu’on ne vienne pas me dire que notre
expérience n’est pas transposable. N’importe quelle ville peut faire de même
si elle le décide », dit le maire9.

En France, un état d’esprit un peu similaire est en train de faire revivre la
petite commune de Trémargat (Côtes d’Armor). Les habitants contribuent
aux décisions collectives, effectuent en commun des travaux sur l’espace
public et orientent la localité vers l’écologie (l’électricité y est fournie par

Énercoop et l’agriculture y est bio). Ils gèrent aussi ensemble l’épicerie
associative, alimentée en circuit court par les fermes locales10.

À Saillans, dans la Drôme, les habitants ont pris le pouvoir depuis qu’une
liste citoyenne a été élue aux municipales de 2004. La gouvernance de cette
commune de 1 200 habitants y est collégiale et participative. Collégiale,
parce que les élus prennent des décisions à plusieurs, pour éviter
l’« accaparement du pouvoir » par le maire, « enrichir les réflexions et
partager les responsabilités et le travail ». Et participative, parce que les
habitants sont membres de sept commissions thématiques qui définissent les
priorités communales, et de « groupes action-projet » qui les mettent en
œuvre11. Le conseil des adjoints est devenu un « comité de pilotage » ouvert
au public et les comptes rendus des réunions sont systématiquement publiés.

À l’échelle d’un pays, plusieurs expériences citoyennes ont eu lieu, comme
en Irlande, où le mouvement We the Citizens12 a tenu en 2011 une assemblée
de citoyens tirés au sort pour réfléchir aux politiques publiques et « rénover la
République ». De jeunes mouvements citoyens ont aussi vu le jour en Afrique
pour protester contre la confiscation de la démocratie par une caste politique.
Au Sénégal, Y’en a marre, créé en 2011 par le rappeur Keur Gui et les
journalistes Cheikh Fadel Barro et Aliou Sané, aide les habitants à reprendre
en main les affaires locales et à demander des comptes aux élus. Au Burkina
Faso, Le Balai citoyen, fondé en 2013 par le chanteur reggae Sams’K Le Jah
et le rappeur Smockey, a été en tête des manifestations qui ont chassé le
président Compaoré en 2014. Avec plusieurs dizaines de clubs de « cibal »
(citoyens balayeurs) dans le pays, il veut éradiquer la corruption endémique
en politique13. La Lucha (Lutte pour le changement) est un autre mouvement
non violent, créé en 2012 en République démocratique du Congo (RDC) pour
exiger une démocratisation du régime.

Mais l’un des sursauts les plus importants a eu lieu en Islande durant la
crise financière de 2008 : alors que les banques font faillite et que le chômage
explose, les Islandais, excédés, descendent dans la rue durant des mois pour
dénoncer le système politico-économique. Leur colère oblige le
gouvernement conservateur à organiser des élections anticipées en 2009, lors
desquelles il est balayé. Parallèlement, des organisations civiques mettent en

place une assemblée citoyenne de 1 500 personnes pour repenser la
Constitution. Le nouveau gouvernement accepte l’idée et fait élire en 2010 un
conseil de 25 citoyens chargés de réécrire la loi fondamentale, dans un
processus participatif où le texte est consultable sur Internet. Un tiers des
Islandais signent aussi une pétition exigeant un référendum sur le paiement
de la dette laissée par les banques14. Et, lors de deux consultations populaires,
en 2010 et 2011, les Islandais refusent massivement de payer cette facture.
D’un bout à l’autre du processus, les électeurs ont donc imposé leurs
exigences au monde politique. Aujourd’hui, la Constitution finlandaise
permet aussi à chaque citoyen d’inscrire des propositions de loi à l’agenda
parlementaire si elles reçoivent le soutien de 50 000 personnes (1 % de la
population).

Deux Islandais ayant participé à la réforme de la Constitution, Gunnar
Grimsson et Robert Bjarnason, ont ensuite décidé de fournir à la société
civile des outils de démocratie participative. Ils ont créé la Fondation des
Citoyens (Citizens Foundation) et, en 2010, mis en ligne deux plates-formes
permettant aux électeurs de juger les projets débattus au parlement, puis les
programmes des candidats aux municipales de Reykjavík. La participation
populaire a été telle que les nouveaux élus de la capitale ont demandé qu’un
site dédié, Better Reykjavík, permette ensuite aux citoyens de collaborer à la
gouvernance de la ville. Depuis son ouverture, 70 000 habitants (sur les
120 000 de la ville) y ont participé. La fondation a ensuite lancé Your
Priorities15, un programme universel qui permet aux citoyens du monde
entier de créer leur propre espace de débat interactif en ligne pour définir
ensemble les priorités de leur pays et peser sur leurs gouvernements.

Les listes citoyennes

L’Islande a aussi été témoin de l’ascension fulgurante du Parti pirate, le
Piratar, fondé en 2012 par Birgitta Jónsdóttir, une ancienne militante de
WikiLeaks et du Mouvement citoyen, qui revendique une démocratie directe
et une plus grande transparence de la vie politique16. Dans la foulée, plusieurs
Partis pirates ont vu le jour dans une soixantaine de pays du monde, et ont
gagné des élus en Suède et en Allemagne.

Ce qui a été possible dans un petit pays comme l’Islande l’est-il aussi à
plus grande échelle ? Sans doute, si la société civile est assez forte pour se
mobiliser. Et c’est ce qui est arrivé en Inde en 2011. Cette année-là, des
dizaines de milliers de personnes descendent dans les rues durant plusieurs
mois pour protester contre l’accumulation des scandales de corruption. Un
mouvement anticorruption s’organise et, en 2012, un petit parti citoyen,
l’Aam Aadmi Party (AAP, « Parti de l’homme ordinaire »), en émerge, avec
pour logo un balai, symbole de sa volonté de nettoyer la vie publique. À
l’étonnement de tous, ce jeune parti remporte à deux reprises (2013 et 2015)
les élections régionales du territoire de New Delhi, prenant la tête de la
capitale.

En 2015, Barcelone a également vu la victoire d’une liste issue de la
société civile. La maire élue, Ada Colau, est une militante du droit au
logement, altermondialiste et membre de Guanyem (« Gagnons »), un
mouvement proche de Podemos, le parti issu des Indignés espagnols.
En 2014, dans une ville touchée par la crise, les expulsions, le chômage,
Guanyem organise des réunions de quartier pour échanger avec les habitants.
Puis un manifeste est rédigé qui propose une « réappropriation des
institutions pour les mettre au service des personnes et du bien commun ». En
2015, Ada Colau constitue une liste, Barcelona En Comù, avec des militants
associatifs, des écologistes, des syndicalistes, des membres du parti Podemos
et de mouvements sociaux17. Liste qui lui permet de devenir maire en
s’alliant à la gauche municipale.

L’une des innovations d’Ada Colau a été d’inviter les habitants à participer
à la rédaction de la charte éthique de son mouvement Guanyem. Elle a pour
cela utilisé une plate-forme Web interactive, DemocracyOS, créée en 2012 en
Argentine par un groupe de jeunes militants (étudiants, chefs d’entreprise,
développeurs…). Ce logiciel libre et gratuit (OS signifie open source),
utilisable en 18 langues, permet d’associer la population à la prise de décision
publique à tous les niveaux (partis politiques, gouvernements, parlements,
régions, mairies…). Il a déjà été utilisé en Tunisie, au Kenya, à New York, au
Mexique et par Podemos en Espagne. En France, l’équipe de DemocracyOS a
organisé une première consultation citoyenne en 2015 sur la loi sur le
renseignement, puis a passé un partenariat avec Nanterre, « la ville qui a été
la première à créer des conseils de quartier et qui veut aujourd’hui rénover la
participation citoyenne en créant un espace ouvert en ligne, une agora
permanente18 », explique Virgile Deville, président de DemocracyOS en
France.

En Argentine, la jeune co-fondatrice de DemocracyOS, Pia Mancini19, a
convaincu la législature de Buenos Aires de l’utiliser en 2014 pour que les
habitants enrichissent les projets de loi municipaux de leurs réflexions. Elle a
aussi fondé un parti citoyen, le Partido de la Red (Parti du Web), pour
présenter des listes issues de la société civile aux législatives de 2013. L’idée
était de « hacker la démocratie », de pénétrer le système législatif pour y
défendre la voix des citoyens.

C’est ce même pari que fait en France le mouvement Ma Voix : que des
anonymes deviennent députés pour relayer les idées des citoyens à
l’Assemblée nationale. Une manière de lutter contre le désenchantement vis-
à-vis du monde politique, que Ma Voix a su résumer dans sa vidéo de
lancement20 : « Nous nous sentons piégés par un système politique qui ne
nous respecte pas » et « nous dégoûte par ses mensonges, ses promesses non
tenues, son inhumanité », y disent des citoyens anonymes. Et ceux-ci clament
vouloir construire « une offre politique qui ressemble au monde que nous
dessinons jour après jour : libre, coopératif, connecté, interdépendant ».

« Ma Voix, ce sont des citoyens en mouvement », témoigne Quitterie de
Villepin, contributrice de ce processus citoyen qui suscite des candidatures de

volontaires, les forme à la fonction de député et tire au sort des candidats
parmi eux. Une fois élus, les députés issus de ce processus s’engagent à
défendre au Parlement des idées, des « lignes de force » démocratiquement
débattues par les citoyens sur une plate-forme Web interactive. Une façon de
« hacker l’Assemblée nationale, c’est-à-dire d’introduire dans ce système
dépassé un autre logiciel. Changer de paradigmes, réintroduire de la
confiance là où il y a de la défiance », plaide Quitterie.

Dès sa création en 2015, Ma Voix a reçu un accueil « qui nous a
dépassés », dit-elle. « Notre vidéo a été vue plus de 300 000 fois, nos
réunions rassemblent des jeunes, des vieux, des gens qui n’ont jamais voté,
toutes générations confondues. Il y a un frémissement, un enthousiasme ». Et,
à terme, que ces candidats soient élus ou pas, l’idée est de construire une
méthode : la plate-forme est conçue en logiciel libre pour que d’autres
citoyens se servent partout de cette démarche participative, applicable « à
tous les échelons, dans les villes, les régions, à l’Assemblée, au Sénat, au
Parlement européen ». « L’essentiel est que les citoyens entrent au cœur du
réacteur » de la décision publique, rappelle Quitterie. « Parce qu’il est temps
de se demander quel sera notre pouvoir, dans quelques années, face aux
multinationales, aux paradis fiscaux, aux guerres. On gagne en conscience
citoyenne mondiale. Alors, il faut investir pleinement notre rôle d’acteurs.
Parce que l’effondrement du château de cartes est en cours. Et il va falloir se
mettre en marche, construire, créer, proposer, en transformant la colère en
énergie positive. »

L’essor de la Civic Tech

Dans ces tentatives de rénovation de la démocratie, l’outil numérique joue
évidemment un rôle essentiel. La Civic Tech constitue une sphère créative,
très diverse et en constante expansion, qui permet aux citoyens d’intervenir
dans la vie publique de manière informée et participative. Au Brésil, c’est le
cas du mouvement Meu Rio (« Mon Rio »), créé par deux jeunes, Alessandra
Orofino et Miguel Lago, dans la foulée des manifestations de 2013 contre la
hausse des tarifs des transports publics. Il rassemble plus de 200 000 Cariocas
en ligne et dans les quartiers de la ville, qui font pression sur la municipalité
pour obtenir de meilleurs services en matière d’école, de sécurité, de
transport ou de rénovation urbaine. Les habitants dressent d’ailleurs eux-
mêmes la cartographie des égouts et des immeubles vétustes. Uniquement
financé par des micro-dons des habitants, il leur permet aussi de défendre
leurs propres projets. Des réseaux identiques sont ensuite nés dans d’autres
villes brésiliennes, comme Curitiba, Recife ou Porto Alegre21, avec le même
objectif : reprendre en main le quotidien de la cité.

D’autres plates-formes dressent un crowdmapping de la corruption des
fonctionnaires et des élus, comme Bilkamcha en Tunisie, fondée par
l’association I Watch, ou comme I Paid A Bribe en Inde, une plate-forme
interactive qui aide les citoyens à dresser en temps réel la cartographie de la
corruption dans le pays, mais signale aussi les fonctionnaires honnêtes à ses
plus de 12 millions de visiteurs. I Paid A Bribe marche si bien que des sites
équivalents ont été ouverts dans plusieurs pays : Pakistan, Kenya, Sri Lanka,
Philippines (Bantay.ph) ou Grèce (Edosafakelaki.org). L’application
internationale BribeSpot contribue, elle aussi, à cartographier la corruption.
En Inde, Janaagraha, l’association qui gère I Paid A Bribe, a ensuite lancé
l’application I Change My City22, qui fonctionne comme Meu Rio : les
urbains s’en servent pour signaler les dysfonctionnements des services
publics, faire des propositions et connaître en détail le budget de leur ville.

C’est avec les mêmes objectifs qu’aux États-Unis des Civic Hacknights
réunissent régulièrement des groupes de citoyens dans plusieurs villes,

notamment New York, Oakland, Seattle, Boston, Miami ou Chicago, pour
élaborer des outils numériques destinés à améliorer la vie urbaine. Dans ces
hackathons du soir, habitants des quartiers, chercheurs, data-journalistes,
militants associatifs et programmeurs créent ensemble des applications
pratiques destinées par exemple à aider de nouveaux arrivants à trouver la
bonne école publique, à repérer les logements vides pour les sans-abri, à
recenser les lieux non encore adaptés aux handicapés ou à décrypter le budget
de la ville. Ces Civic Hacknights, qui conjuguent la puissance collective du
Web à la participation des habitants, ont notamment essaimé dans plusieurs
villes canadiennes et britanniques.

L’organisation à but non lucratif Code for America parraine ces
hackathons et développe des outils open source de partenariat entre habitants
et administrations. Créée en 2009 par Jennifer Pahlka, une jeune diplômée de
Yale, Code for America a d’ailleurs convaincu plusieurs municipalités
(Chicago, Portland, Washington, Boston, Seattle…) de jouer ce jeu
participatif. San Francisco, par exemple, a accepté d’ouvrir l’accès à ses
données – réseaux d’énergie, de transport, composition socio-économique
des quartiers –, et cet open data facilite la création d’applications citoyennes
interactives destinées à rendre les services municipaux plus efficaces.

La ville de New York a d’ailleurs ouvert un Civic Hall, un centre
collaboratif qui accueille tous les acteurs de la Civic Tech – citoyens,
hackers, membres d’associations, entrepreneurs sociaux, chercheurs,
représentants des municipalités, journalistes ou artistes – pour partager les
compétences, débattre des enjeux publics et résoudre ensemble les problèmes
de la métropole (pollution, ressources en eau, mobilités, insécurité, vivre-
ensemble, inclusion sociale…). Des labs urbains23 similaires ont aussi vu le
jour à San Francisco (Superpublic), à Los Angeles, à San Diego (Civic
Innovation Labs), à Chicago (UiLabs), à Barcelone et à Paris.

Parallèlement se développent d’innombrables plates-formes numériques
ayant aussi l’ambition d’organiser des débats entre élus, habitants, entreprises
et associations autour d’un projet urbain, comme Civocracy.org – une start-
up née à Berlin et présente dans cinq pays européens – ou Citizers.com, créée
en France. Democracy 2.124 est un outil de votation en ligne développé par

Karel Janeček, mathématicien et militant anti-corruption tchèque. Il a déjà été
utilisé dans plusieurs pays – République tchèque, Tunisie, Portugal, États-
Unis, Chine – ainsi que pour le budget participatif de New York.

Aux États-Unis, des sites comme Pollenize.org ou IsideWith.com aident
aussi les électeurs à comparer les programmes des candidats aux élections
locales ou nationales. Un travail que réalise au Chili la plate-forme Vota
Inteligente, et, en France, Voxe.org, site collaboratif qui s’est étendu à
plusieurs pays d’Europe, d’Asie, des Amériques et d’Afrique. D’autres sites
surveillent le travail législatif, comme la plate-forme Congreso Abierto au
Chili25 ou Democracy Watch, groupe de pression citoyen qui a permis de
faire modifier plus de 110 lois fédérales ou provinciales au Canada. En
France, le site Parlement-et-Citoyens.fr permet, lui, de participer à l’écriture
de propositions de loi d’origine parlementaire.

Les applications mobiles se multiplient elles aussi, avec l’ambition de
renouveler la démocratie locale en ouvrant le dialogue entre citoyens et élus.
En France, elles s’appellent notamment Stig, Vooter, Fluicity, Questionnez
vos élus, City2Gether ou Neocity. Elles permettent de répondre aux
consultations lancées par les pouvoirs publics, de signaler un problème ou
proposer une idée (Tell My City), de débattre de projets locaux (Politizr), de
se mobiliser pour une cause (Fullmobs) ou de présenter des candidats aux
élections (Baztille).

Quel que soit leur champ d’application, les outils de la Civic Tech sont très
diversement utilisés dans le monde : assez peu en France, par exemple, alors
qu’ils se sont fait une place au niveau local aux États-Unis. Mais leur
potentiel est important et ils s’organisent progressivement en réseaux
internationaux : la Red Latinoamericana por la Transparencia Legislativa
regroupe des observatoires de la démocratie dans 11 pays latino-américains,
tandis que Poplus, une communauté internationale de militants et de
développeurs, crée des outils collaboratifs open source pour amplifier la
participation citoyenne partout dans le monde. Leur multiplication témoigne
en tout cas, sur tous les continents, de la volonté d’une jeune génération de
réenchanter la politique en y greffant la participation des citoyens. Elle traduit
sans doute aussi la nécessité d’ajuster les démocraties – dont les structures

n’ont pas changé depuis deux siècles – à une société civile moderne, éduquée
et informée.

Dans leur ensemble, ces laboratoires de nouvelles formes d’expression
citoyenne – assemblées d’habitants, budgets participatifs, listes citoyennes,
plates-formes interactives de la Civic Tech, mouvements civiques de terrain –

ont en commun la mise en œuvre de trois principes : participation,
redevabilité (accountability) des élus et transparence. À terme, ils devraient
contribuer à faire émerger, progressivement, une démocratie collaborative,
tout comme l’économie collaborative a vu le jour. Plusieurs formes de
gouvernance participative pourraient ainsi s’organiser26, notamment avec
l’arrivée de non-professionnels de la politique, élus sur des listes citoyennes,
et la contribution de la société civile aux décisions publiques, sur le modèle
de la « démocratie liquide27 » expérimentée à Reykjavík. Avec, en arrière-
fond, cette idée utopique : rapprocher un peu plus la démocratie de sa forme
idéale, celle d’une communauté de citoyens libres, qui participent ensemble à
la définition et à la mise en œuvre du bien commun.

1 Le film Demain, de Cyril Dion et Mélanie Laurent (2015), a repris cette initiative, à partir de ce livre.
2 Toile de coton nouée autour de la taille.
3 Ces assemblées citoyennes, distinctes des conseils municipaux, sont autorisées par le 73e
amendement à la Constitution indienne, qui encourage l’auto-gouvernance des villages dans l’esprit des
« républiques villageoises » souhaitées par Gandhi. Adopté en 1992, ce texte instaure par ailleurs un
quota de basses castes et de femmes au sein des conseils municipaux.
4 L’indépendance économique des femmes, leur organisation en groupes de micro-finance, le plein
emploi des hommes et les actions de sensibilisation lancées par le maire ont en quelques années permis
d’éliminer la violence domestique qui sévissait dans le village.
5 Sur le site de la municipalité, il a fait figurer cette phrase de Gandhi : Be the change you want to see
in the world (Soyez le changement que vous voulez voir advenir dans le monde).
6 Emmanuel Galiero, « Selon un sondage, 80 % des Français font confiance aux citoyens plutôt qu’aux
politiques », Le Figaro, 8 mars 2016, et « Seuls 24 % pensent que les idées doivent venir des élus »,
sondage OpinionWay pour 20 Minutes et Soon Soon Soon, 15 septembre 2015.
7 Raul Pont, « L’expérience du budget participatif de Porto Alegre », Le Monde diplomatique,
mai 2000.
8 Voir la carte sur https://democracyspot.net/2012/09/10/mapping-participatory-budgeting-and-e-
participatory-budgeting/.

9 Voir sur Youtube le documentaire de Yannick Bovy, « Marinaleda. Les insoumis », et Stefano
Vergine, « Marinaleda, son maire communiste et son taux de chômage à 0 % », L’Espresso-Courrier
international, 24 juin 2010.
10 Marion Guyonvarch, « Trémargat, laboratoire d’alternatives et de démocratie participative à ciel
ouvert », Bastamag.net, 11 décembre 2014, et Raphaël Baldos, « Trémargat, village bio et solidaire »,
La Croix, 4 mars 2016.
11 Voir le site de la mairie de Saillans et Gaspard d’Allens et Lucile Leclair, « À Saillans, les habitants
réinventent la démocratie », Reporterre, 17 octobre 2015.
12 « Nous, les citoyens » (www.wethecitizens.ie).
13 David Commeillas, « Coup de Balai citoyen au Burkina Faso », Le Monde diplomatique, avril 2015.
14 Il s’agissait d’accepter ou non le remboursement par l’Islande des 3,9 milliards d’euros avancés par
Londres et La Haye après la faillite de la banque Icesave en 2008.
15 Voir www.yrpri.org et https://www.youtube.com/watch?feature=playerembedded & v=2oLlzPqtpQ.
16 Ainsi que la réforme du droit d’auteur pour un accès libre aux données et la protection de la vie
privée sur Internet.
17 Liste complétée par des primaires citoyennes ouvertes à tous.
18 https://participez.nanterre.fr/.
19 Voir sa vidéo, devenue virale :
http://www.ted.com/talks/pia_mancini_how_to_upgrade_democracy_for_the_internet_era.
20 www.youtube.com/watch?v=3eQ4XrgBQBE.
21 www.meurio.org.br et www.fundadores.nossas.org .
22 www.Ipaidabribe.com, www.youtube.com/watch?v=3PwxM8CmH0 et www.Ichangemycity.com.
23 En général sponsorisés par de grandes entreprises comme Google ou Microsoft, parfois par des
fondations. Certains sont soutenus par des universités.
24 www.d21.me/. Lire l’interview de son fondateur sur
www.paristechreview.com/2015/09/29/democratie-2-1-mathematiques-politique/.
25 La fondation chilienne Ciudadano Inteligente est à l’origine de cette initiative, tout comme de Vota
Inteligente.
26 Loïc Blondiaux suggère par exemple que la « démocratie contributive » soit une des branches du
gouvernement. Voir son livre Le Nouvel Esprit de la démocratie, Seuil, coll. « La République des
idées », 2008.
27 Concept apparu à la fin des années 2000 pour désigner un modèle mixte mêlant élections classiques
et participation citoyenne. Voir Dominik Shiener, « Démocratie liquide : la vraie démocratie du XXIe
siècle », 3 décembre 2015 (www.abondance.info/democratie-liquide-la-vraie-democratie-du-21e-siecle-
medium/).

Des centres de santé citoyens

Bénéficier d’un niveau de santé optimal est un des droits fondamentaux
de chaque être humain, sans distinction de race, de religion, de
conviction politique, de condition économique ou sociale.

Constitution de l’Organisation mondiale de la santé, Genève, 1946

Les gens sont des miracles qui s’ignorent.

Albert Camus

Les cliniques gratuites américaines

Le bâtiment est moderne, de plain-pied, situé dans une rue calme du centre
d’Ithaca, dans l’État de New York. Dans la salle d’attente aux murs pastel, un
jeune couple patiente, accompagné d’une petite fille. À côté d’eux est assis
un homme aux cheveux bruns très courts, le teint blafard, les joues un peu
creuses. « Il y a ici beaucoup de gens sans emploi. Certains vont d’une région
à l’autre ; ce sont des individus ou des groupes qui errent, sans ressources, et
qui ont besoin de soins de santé primaires », explique Bethany Shroeder, la
directrice de la clinique, en me faisant visiter les locaux.

Cette clinique n’est pas ordinaire : sans but lucratif, elle fournit des
consultations gratuites et des médicaments à tous, surtout aux plus pauvres.
« Les médecins les aident aussi à trouver des aides sociales », explique
Bethany. « Et le besoin est énorme. Nous accueillons aujourd’hui trois fois
plus de patients qu’au début. La majorité a entre vingt-cinq et cinquante ans,
ils sont sans revenus, peu couverts par l’assurance maladie ou pas couverts du
tout. »

Ce centre de soins est né de la mobilisation des habitants de la ville.
En 1997, dans la foulée de la création d’une monnaie locale, ils se disent
qu’il faudrait aussi agir pour ceux qui ne bénéficient ni de Medicare ni de
Medicaid, les deux volets de la protection sociale publique américaine. Ils
décident de créer une mutuelle citoyenne, Ithaca Health Alliance1, qui
comprend un fonds spécial destiné à financer certains soins ciblés, dentaires
par exemple. Le fonds est monté grâce à une souscription volontaire des
habitants, qui apportent 100 000 dollars. Puis la clinique est inaugurée en
2006 et installée en 2010 dans des locaux plus modernes.

Là aussi, toute la ville a contribué : meubles et équipements ont été fournis
par des habitants et, en dehors de l’aide d’une fondation, son budget n’est
alimenté que par les dons des citoyens2. Les soignants – médecins, infirmiers,
acupuncteurs… – sont tous bénévoles et se relaient pour assurer des
consultations plusieurs jours par semaine. « Nous avons un engagement
envers ces patients : ils n’ont pas d’argent, ils n’ont pas d’autre choix »,

plaide Bethany. Elle-même a donné une conférence à l’université Cornell,
dans la ville, ce qui a amené des étudiants bénévoles. Et elle a aussi mis sur
pied un système d’échanges mutuels de services avec l’hôpital local qui lui
permet de faire pratiquer des examens de laboratoire sans transaction
d’argent.

Cette activité n’est d’ailleurs pas son seul engagement : Bethany travaille
aussi « avec un groupe d’écrivains et de chercheurs de l’université sur les
moyens de relocaliser l’économie » de la région. Elle habite une maison
partiellement autonome en énergie grâce au solaire et cultive un potager dont
elle distribue les surplus autour d’elle. « Il vaut mieux contribuer aux
solutions que contribuer aux problèmes », dit-elle en riant.

Comme à Ithaca, plus de 1 200 cliniques de soins gratuits fonctionnent aux
États-Unis grâce aux dons d’argent et de temps de citoyens ordinaires, pour
soigner les oubliés du système de santé3. L’une d’elles, créée en 1969 à
Berkeley (Californie) comme un établissement de « médecine de rue », avec
des médecins volontaires, professe que la santé est « un droit humain de base,
qui ne doit pas être lié aux profits4». Une autre, fondée en 1994 à San
Francisco par deux médecins de famille, Patricia et Richard Gis, a depuis son
ouverture soigné gratuitement plusieurs dizaines de milliers de patients privés
de couverture santé5.

En Europe, dans une Grèce durement frappée par la crise, où de nombreux
centres publics de santé ont dû fermer et où près d’un million de personnes
ont perdu leur assurance-maladie, une cinquantaine de dispensaires autogérés
et de pharmacies solidaires ont aussi fait leur apparition depuis 2009 : animés
par des citoyens bénévoles, ils soignent gratuitement les plus démunis6.

Les maisons médicales autogérées de Belgique

Les cliniques citoyennes américaines, dont certaines ont déjà plus de
quarante ans d’existence, ont aussi inspiré les fondateurs des maisons
médicales de Belgique. Celles-ci ont vu le jour juste après 1968, explique le
Dr Pierre Drielsma, médecin généraliste à la maison médicale Bautista Van
Schauwen à Seraing. « À l’époque, il y avait en Belgique des comités
d’action d’étudiants dans les universités, notamment dans les facultés de
médecine, qui voulaient prolonger leur action politique dans la vie
professionnelle. C’est ainsi que sont nées ces maisons médicales, sans but
lucratif, avec une idéologie forte qui met en œuvre une égalité entre
travailleurs aussi bien qu’une égalité médecins-patients, ce qui implique que
les décisions sur les traitements sont prises en commun. »

Ces centres proposent une offre groupée de soins qui associe plusieurs
professionnels – généralistes, infirmiers, dentistes, kinésithérapeutes,
psychologues… – afin de permettre un suivi médico-social global, tenant
compte de la situation familiale, sociale et économique des patients. « C’est
un système médical citoyen », résume Pierre Drielsma, qui « défend chaque
jour des valeurs » de solidarité et de justice sociale « dans un monde
ultralibéral » où la santé est devenue une source de profits.

Ces centres, autogérés par les personnels, associent des représentants des
patients et, pour certains, des mutuelles. Ils sont financés depuis 1979 par le
forfait à la capitation, somme versée chaque mois par l’assurance maladie
pour chaque patient et qui couvre 80 % des dépenses des centres (le reste
étant financé par les subventions). Les soins sont donc gratuits, et, sans eux,
une partie de la population aurait renoncé à se soigner.

Aujourd’hui, la Belgique compte environ cent trente maisons de santé7et
« elles ont le vent en poupe : quatre ou cinq nouvelles s’ouvrent chaque
année, ajoute Pierre. En réalité, notre modèle séduit parce que le principe
d’équipes pluridisciplinaires propose une meilleure organisation des soins. Il
permet aussi aux femmes, de plus en plus nombreuses dans les professions
médicales, de mieux s’organiser, par exemple pour les remplacements de

maternité ». Ces maisons médicales assurent désormais 5 à 8 % de l’offre de
soins selon les régions, voire « 10 % à Bruxelles. Et il y a encore un vrai
potentiel de croissance, avec un objectif à terme de 25 à 30 % de l’offre de
soins du pays », estime Pierre.

Un autre réseau de soins gratuits a été créé, lui, dans l’orbite du
mouvement marxiste Tout le pouvoir aux ouvriers, devenu ensuite le Parti du
travail de Belgique (PTB). Ce réseau a commencé en 1971 avec l’ouverture
d’un cabinet médical dans la ville ouvrière de Hoboken, près d’Anvers, par
deux généralistes, Kris Merckx et Michel Leyers. Pendant des années, ils ont
défendu une médecine sociale proche des familles, soignant notamment
l’empoisonnement au plomb des enfants des ouvriers métallurgistes. Leur
travail a servi de point de départ à la mise en place d’un réseau de onze
maisons médicales dans tout le pays, appelé Médecine pour le peuple8 et qui
soigne gratuitement plusieurs dizaines de milliers de patients.

Des modèles assez proches des maisons médicales existent en Australie et
en Nouvelle-Zélande, mais surtout dans l’Ontario (Canada)9, où une centaine
de centres offrent une médecine préventive et curative. Les soignants y
travaillent en lien avec des équipes de soutien social pour prendre en charge
des situations parfois difficiles (violence familiale, toxicomanie, pauvreté,
errance…). Ils proposent aussi des haltes-garderies, des haltes pour jeunes
sans abri, des coopératives d’achat d’aliments ou un suivi des mères
adolescentes.

Au Sud, les médecins aux pieds nus

L’Inde est un autre pays pragmatique et innovant dans ce domaine, qui a
vu les structures de santé citoyenne se multiplier. À l’image de l’initiative
d’Ashish Das, un résident de Calcutta, qui avait l’habitude, quand il était
étudiant, de collecter des médicaments inutilisés dans son quartier pour les
donner aux pauvres. Il a ensuite créé une banque nationale de médicaments
gratuits, la Hatkhola Medical Bank. Et celle-ci est devenue un vaste réseau de
centres de consultations et de cliniques itinérantes, où des médecins
bénévoles traitent des milliers de patients chaque année10. Le réseau
Opération Asha, créé en 2006, est, lui, une structure de médecins aux pieds
nus : ses deux fondateurs, Shelly Batra et Sandeep Ahuja, ont formé des
milliers de citoyens à la lutte contre la tuberculose. Équipés d’une tablette
connectée, ils visitent les villages et les bidonvilles et dispensent un
traitement en 48 heures. Plus de 6,5 millions de patients ont ainsi été traités
en Inde, et plus de 68 000 autres au Cambodge.

Au sud, dans le Kerala, 100 000 citoyens volontaires, formés en soins
infirmiers, assistent également 70 000 patients en fin de vie, à leur domicile.
Ce réseau citoyen de soins palliatifs, le Neighborhood Network in Palliative
Care, produit des résultats si probants que son fondateur, Suresh Kumar, est
maintenant sollicité par les gouvernements de nombreux pays (Thaïlande, Sri
Lanka, Jordanie, Indonésie, Espagne…) pour le reproduire.

Enfin, l’Inde a inventé le concept d’hôpital solidaire. Deux groupes
hospitaliers high-tech, l’Aravind Eye Hospital, fondé en 1976 par le Dr
Venkataswamy, et le Narayana Health, fondé en 2001 par le chirurgien
cardiaque Devi Shetty, soignent gratuitement des millions de patients pauvres
chaque année, grâce à une gestion innovante, qui associe tarifs solidaires,
micro-assurances de santé et fondations11. Un fonctionnement aujourd’hui
étudié à Harvard.

Micro-assurances et mutuelles communales

Les carences dans la couverture santé ont également dopé l’innovation
dans d’autres pays. Aux États-Unis, des groupes d’habitants ou de
professionnels d’un même secteur (fermiers, salariés) ont créé leurs propres
mutuelles sans but lucratif, pour concurrencer les mutuelles commerciales.
Certaines ont atteint des tailles respectables, comme Health Partners à
Minneapolis (1,4 million de membres), la Group Health Cooperative à Seattle
(600 000 membres).

En France où, faute de moyens, près de trois millions de personnes restent
privées de mutuelles, des habitants d’une même ville se sont eux aussi
regroupés, cette fois pour négocier une couverture santé collective à un prix
accessible. L’idée a été lancée par Véronique Debue, l’adjointe aux affaires
sociales de Caumon-sur-Durance (Vaucluse), qui a permis à plusieurs
centaines d’habitants de sa commune d’obtenir ensemble une cotisation à un
prix unique, quels que soient l’âge ou la situation de famille, ce qui crée une
solidarité entre les générations. Et en peu de temps, le concept a essaimé,
sous des formes variables, dans plusieurs dizaines d’autres villes, comme
Mormant (Rhône), Etel (Morbihan), Coutras (Gironde), La Bastide-des-
Jourdans (Vaucluse), Drancy (Seine-Saint-Denis), Hendaye et Bayonne
(Pyrénées Atlantiques), Grande-Synthe et Hazebrouck (Nord), etc. Une idée à
développer dans chaque ville, puisque plus le nombre d’adhérents est élevé,
plus les tarifs sont intéressants.

Dans les pays du Sud, où la protection sociale est souvent inexistante,
plusieurs mutuelles ont aussi vu le jour à l’initiative de groupes citoyens
d’épargne ou de micro-crédit : c’est notamment le cas des micro-mutuelles
Wer Werlé de Dakar et de Thiès, au Sénégal, organisées par un groupe de
femmes12, de Grameen Kalyan, une assurance solidaire issue de la Grameen
Bank au Bangladesh, ou des micro-coopératives de santé gérées par des
femmes des bidonvilles en Inde et soutenues par l’ONG Sewa.

De telles initiatives, il en existe des milliers d’autres dans le monde. Elles
ne relèvent pas de la charité, mais d’un sentiment de justice sociale, et si elles

ne remplacent pas un système public de santé et protection sociale, elles
constituent des pistes à explorer quand celui-ci n’existe pas, ou qu’il est mis à
mal par les restrictions budgétaires. Elles montrent surtout que la santé est un
bien commun, qui peut être géré par tous, avec simplement un peu
d’engagement.

1 www.ithacahealth.org.
2 Déductibles des impôts.
3 Ces cliniques, dont certaines ont des aides fédérales, sont regroupées depuis 2001 dans la National
Association of Free and Charitable Clinics (www.nafcclinics.org).
4 www.berkeleyfreeclinic.org.
5 www.sffc.org.
6 Source : https://solidaritefrancogrecque.wordpress.com/liste-des-dispensaires-sociaux-2/. Source :
https://solidaritefrancogrecque.wordpress.com/liste-des-dispensaires-sociaux-2/.
7 Voir leurs fédérations : www.maisonmedicale.org ; www.vwgc.be.
8 http://gvhv-mplp.be.
9 http://www.health.gov.on.ca/fr/public/programs/ohip/.
10 Ruchi Choudhary, « All Power is Within You », India Together, 7 juin 2011,
www.indiatogether.org/2011/jun/hlt-medbank.htm.
11 Le fonctionnement de ces hôpitaux et de ces réseaux innovants est détaillé dans : Bénédicte Manier,
Made in India, op.cit.
12 L’Union des réseaux du progrès des femmes en milieu urbain (Ur-Profemu). Voir « Micro-assurance
santé. Guide d’introduction aux mutuelles de santé en Afrique », Bureau international du travail, 2000.

Conclusion

Une réappropriation du monde

En notre temps, la seule querelle qui vaille est celle de l’homme. C’est
l’homme qu’il s’agit de sauver, de faire vivre et de développer.

Charles de Gaulle,
conférence de presse, 25 mars 1959
Rien n’est plus puissant qu’une idée dont l’heure est venue.

Victor Hugo

La génération du passage à l’acte

Que conclure de ce foisonnement planétaire d’actions citoyennes ?
D’abord que la reprise en main par la société civile des enjeux qui la
concernent ne cesse de s’amplifier. Elle constitue aujourd’hui un phénomène
polymorphe, silencieux, mais qui se développe partout autour du globe. Nous
sommes entrés dans l’âge de la société civile agissante, dont les initiatives ne
cessent de s’étendre : villes en transition, coopératives, groupes de
permaculture, fab-labs, communauté du libre, systèmes collaboratifs forment
maintenant des réseaux mondiaux qui s’organisent, se rencontrent. La
cartographie mondiale de ces initiatives s’enrichit, les rendant plus visibles et
montrant qu’elles constituent une réaction collective à une crise mondiale
inédite, dont les quatre facettes – économique, sociale, démocratique et
écologique – sont indissociables.

La planète a en effet basculé dans une époque critique. Le dérèglement du
climat, le pillage illimité des ressources, l’épuisement des terres arables, la
dégradation des écosystèmes, la déforestation et le manque d’eau menacent
sa survie. La faune terrestre est entrée dans une nouvelle phase d’extinction
de masse et à terme, les humains pourraient faire partie des espèces qui
disparaîtront1. Enfin, le mode de développement actuel continue d’accroître
les inégalités2 et maintient des milliards de personnes dans la pauvreté.

Pourtant, d’autres signes émergent. Jamais le monde n’a eu une population
aussi informée, aussi qualifiée, aussi mobile, aussi connectée, aussi
consciente des enjeux planétaires. Elle est aussi la plus active et la plus
inventive de l’Histoire. C’est particulièrement vrai de la génération des
Millennials, ces jeunes devenus adultes avec le nouveau siècle : nés dans la
culture numérique, ils constituent à eux seuls un groupe mondial
multiculturel, connecté et engagé dans une logique de changement. Rien
qu’aux États-Unis, cette génération fait preuve du niveau d’engagement
civique le plus élevé depuis les années 1930, et exprime à une forte majorité
(84 %) son ambition de « faire quelque chose de positif pour changer le
monde »3.

Le phénomène est sans aucun doute typique des périodes de crise
planétaire. Déjà, en 1929, Freud expliquait dans son livre Malaise dans la
civilisation que lors des crises collectives, les hommes cherchent des
solutions à leur souffrance en adoptant deux comportements opposés : soit le
rejet de l’autre et le repli sur soi, soit l’ouverture et la coopération. C’est ce
que nous sommes en train de vivre. En l’espace de deux décennies, le repli
identitaire et la montée des périls géopolitiques se sont confirmés. Mais,
parallèlement, a émergé une société d’« activistes agissants » (activist
doers)4, une génération positive qui pense au futur. Partout dans le monde,
elle tente de réduire son impact sur la biosphère et de modifier les paradigmes
de l’économie. Et dans un monde saturé d’incertitudes, ses réussites – la
régénération d’écosystèmes, l’émergence de biens communs, le
développement d’une agriculture écologique, des modes de vie et de
production coopératifs, la réduction des énergies fossiles – sont les signes
tangibles que d’autres voies sont possibles.

Du Nord au Sud, ces citoyens montrent que des solutions existent. Des
solutions simples, facilement reproductibles sur tous les continents. Des
solutions qui déjouent le sentiment d’impuissance. Car, chaque fois qu’ils
reprennent le contrôle sur leur environnement, leur travail, leur monnaie, leur
consommation, ces citoyens déconstruisent une mondialisation qui ne leur
convient pas et façonnent autour d’eux le monde idéal qui leur échappe à
l’échelle globale. Ils donnent ainsi un visage concret au changement et
prennent conscience de leur pouvoir d’action.

Pour agir, cette société civile n’a jamais disposé d’autant d’outils : réseaux
sociaux, informations planétaires en temps réel, technologies open source,
financements participatifs ou mutualisation des compétences ont changé la
donne. Ces outils d’empowerment ont modifié les modes d’action, accéléré
les échanges intellectuels et matériels, renforcé l’expression démocratique.
Une sorte de contrepouvoir qualifié, horizontal et sans leader, s’est ramifié
autour du globe, qui partage et reproduit les solutions de terrain. Peu à peu se
construit une intelligence collective qui commence à intéresser les pouvoirs
publics et inspire les entreprises innovantes5. Mais surtout, cet élan de
transformation bottom up fait aujourd’hui de la société civile une actrice

essentielle du changement social, face à des pouvoirs publics qui semblent de
moins en moins capables de penser le bien commun.

Vers de nouveaux communs

La multiplication planétaire de ces initiatives, en un temps historique très
court, laisse penser que leur essor va continuer. Tout d’abord parce que leur
base sociale n’est pas constituée de groupes marginaux, mais de classes
moyennes bien intégrées, ayant les moyens matériels et intellectuels d’agir et
porteuses d’un fort désir de transformer la société, en créant de nouvelles
façons de travailler, d’habiter les villes, de consommer et de vivre ensemble.
Or, de tout temps, les classes moyennes ont été les trendsetters, les groupes
sociaux qui ont déterminé les tendances à venir. Il est d’ailleurs intéressant de
voir que les plus à l’avant-garde de ce mouvement sont les classes moyennes
d’Amérique du Nord et d’Europe, celles qui ont, par le passé, été les
précurseurs d’autres grands changements de société : la première et la
deuxième révolution industrielle, et l’adhésion au capitalisme industriel et au
modèle consumériste. Leur changement actuel de valeurs suggère donc que
nous sommes au début d’un changement profond et durable.

Autres éléments qui plaident en faveur d’une poursuite de leur
développement : ces initiatives répondent à des besoins réels – elles ont
d’ailleurs changé la vie de dizaines de millions de personnes – et elles
résolvent en grande partie la crise du sens. Enfin, l’expansion mondiale des
comportements collaboratifs laisse penser que les nouveaux réseaux
d’individus et de ressources – des « réseaux pensants », comme dit Patrick
Viveret – vont continuer à se multiplier. D’abord au niveau des territoires, là
où le changement est le plus à portée de main. C’est d’ailleurs là que se pense
déjà une économie à l’échelle humaine (concept appelé community-scaled
economy aux États-Unis) et que se mettent en place de nouveaux communs
interdépendants : agriculture et environnement sains, réseaux d’énergies
renouvelables, habitats écologiques et conviviaux, circuits financiers
éthiques, biens et services issus de formes de travail collaboratives, plus
grande démocratie locale, etc.

La prochaine frontière est sans doute d’articuler les initiatives entre elles,
en réunissant leurs acteurs, afin de constituer des leviers puissants pour la

transition des territoires. Un par un, de nombreux territoires, dans plusieurs
pays, pourraient ainsi montrer des changements visibles.

La crise polymorphe que vit la planète est de toute façon une transition en
elle-même, qui nous obligera à mettre en place de nouveaux modèles. De gré
ou de force, l’homme devra s’inscrire dans une interaction intelligente,
résiliente, avec la biosphère. Ce changement radical de vision passera,
résume Serge Latouche, par au moins huit actions interdépendantes :
« réévaluer, reconceptualiser, restructurer, relocaliser, redistribuer, réduire,
réutiliser, recycler6 ». L’épuisement prévisible des ressources et les
conséquences dramatiques du réchauffement climatique, notamment,
devraient ainsi nous faire passer d’une logique de flux mondiaux d’échanges
à une logique de territoires autonomes en travail, en alimentation et en
énergie. De manière pragmatique, il faudra aussi mêler les solutions du Nord
et du Sud et recourir autant au high-tech qu’au low-tech7.

Cette transition, dont la société civile a été la première à se saisir, nul n’en
connaît encore l’issue. La remise en cause des logiques actuelles se heurte à
d’importants groupes d’intérêts (pétroliers, financiers...) et les convulsions du
monde rendent l’avenir imprévisible. Mais la société civile a
incontestablement découvert sa force de transformation et elle esquisse déjà,
en de multiples endroits de la planète, les contours d’une société plus
écologique, plus participative, plus solidaire. Ce sont peut-être les prémices
du futur, qui émergent et s’organisent.

1 Selon une étude publiée par des experts de Stanford, Princeton et Berkeley : Gerardo Ceballos et alii,
« Accelerated modern human-induced species losses : Entering the sixth mass extinction », Science
Advances, 19 juin 2015.
2 Un groupe de 67 milliardaires détient autant de richesses que la moitié de la population du globe.
3 Dan Schawbel, « 74 of the Most Interesting Facts About the Millennial Generation », 25 juin 2013,
http://danschawbel.com/blog/74-of-the-most-interesting-facts-about-the-millennial-generation/.
4 Andrea Stone, « Civic generation rolls up sleeves in record numbers », USA Today, 19 avril 2009, et
Pew Research Center, « Portrait of the Millennials », www.pewresearch.org/2010/03/11/portrait-of-the-
millennials/.
5 Elles remplacent en effet, avec succès, le modèle pyramidal par une gestion participative qui valorise
les compétences, comme l’entreprise Buurtzorg à Rotterdam (10 000 employés). Sur ce nouveau mode

de gestion, voir Frédéric Laloux, Reinventing Organizations. Vers des communautés de travail
inspirées, Éd. Diateino, 2015.
6 Serge Latouche, « La voie de la décroissance. Vers une société d’abondance frugale », in Alain
Caillé, Marc Humbert, Serge Latouche, Patrick Viveret, De la convivialité. Dialogues sur la société
conviviale à venir, La Découverte, 2011.
7 Voir Philippe Bihouix, L’Âge des low tech. Vers une civilisation techniquement soutenable,
Seuil 2014.

Postface

Le monde nouveau est en train d’émerger, à l’échelle
du micro

(entretien avec le philosophe Patrick Viveret)

Le modèle actuel de développement démontre ses échecs. Le politique montre
aussi son incapacité, son absence de volonté à répondre par le haut aux
grands enjeux de la planète. Est-il possible d’y répondre par le bas, par le
terrain, en agissant à l’échelle locale ?

Nous sommes à la fin de trois cycles. Le premier est trentenaire, c’est
l’échec du modèle « DCD », c’est-à-dire : dérégulation, compétition à
outrance, délocalisation ; ce que l’universitaire américain Robert Reich
appelle l’hypercapitalisme. Il arrive à un point d’insoutenabilité tel qu’il va
s’écrouler, ce qui ne veut pas dire qu’il va le faire pacifiquement. Antonio
Gramsci disait : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à
apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » Les fermetures
politiques, les crispations sont quelques-unes des facettes de ce monde qui
meurt.

La deuxième fin de cycle est plus profonde. C’est la fin du grand cycle
historique de domination du modèle de modernité occidentale. Max Weber
avait caractérisé l’entrée dans la modernité par le passage de l’« économie du
salut » au « salut par l’économie ». Ce cycle arrive à sa fin, parce que ses

promesses n’ont pas été tenues. On voit les dégâts de ce modèle, qui n’a
produit ni progrès social ni progrès moral. Et la question du salut fait
maintenant son retour, pas forcément par le biais du religieux, mais sous
forme globale, notamment par des appels réguliers à sauver la planète.

Or sauver la planète revient en réalité à sauver l’humanité elle-même. Et
cela pose la question fondamentale : comment sortir par le haut de ce cycle ?
La réponse est d’entamer un dialogue de civilisations exigeant et ouvert –

dialogue que les forums sociaux mondiaux ont d’ailleurs commencé à
engager – qui permette de faire un « tri sélectif » dans la modernité
occidentale et dans les civilisations de tradition, et ce, afin d’en tirer le
meilleur des deux.

Côté occidental, on peut garder l’émancipation, la liberté de conscience, le
droit au doute, l’individualité et les droits de l’homme, et parmi eux les droits
des femmes. Mais il faut en dissocier le pire, comme la chosification du
vivant – des hommes et de la nature –, le fondamentalisme de marché et la
volonté de domination, qui s’est notamment manifestée par le colonialisme.

Côté traditions, il faut équilibrer les trois points forts du rapport à la nature,
au lien social et au sens par la nécessité émancipatrice, pour éviter que cette
reliance se transforme en dépendance. Le point commun dynamique de ce
dialogue peut être la notion de bien-vivre (buen vivir1), qui est au cœur
aujourd’hui du débat des sociétés latino-américaines.

Ce « tri sélectif » dans les civilisations peut permettre la co-construction
d’un nouvel universel à partir du meilleur d’entre elles.

La troisième fin de cycle historique est ce que j’appelle la sortie du
néolithique, qui est encore un âge de pierre (lithos, en grec, c’est la pierre).
L’humanité ne peut avancer dans son processus d’humanisation qu’en sortant
de la dureté. Elle a besoin de franchir un saut qualitatif dans sa propre
humanisation, de mettre sa sagesse au même niveau que son savoir.

La question la plus difficile pour l’humanité, c’est l’humanité elle-même,
car elle est confrontée à sa barbarie intérieure. L’enjeu est : comment
l’humanité peut-elle passer du réseau pensant au réseau aimant ? Gandhi
avait pointé cette question cruciale de l’amour. Mais c’est un terrain qui est
resté en friche.

Ces trois fins de cycle, qui convergent au point de vue historique, exigent
des mutations colossales, qui prennent du temps. C’est ce qui se passe dans
l’émergence de ces actions parallèles. Elles sont des germes, des prototypes,
qui manifestent une créativité dans ce temps long. Le monde nouveau est en
train d’émerger, à l’échelle du micro.

Mais les enjeux mondiaux créent un haut niveau d’exigence : il s’agit de
préparer des réponses aux échecs des trois cycles.

Quelles seraient les conditions nécessaires pour que ces initiatives diverses
constituent une réponse globale ?

Il faut penser un système qui remplacerait le système dominant sans
devenir à son tour un modèle dominant. Les actions du passé se sont très vite
centrées autour d’un dogme. La question même de la nature d’un système
autre doit donc être repensée. Il faut définir de grandes alliances qui se
nourrissent des différences, voire des divergences. Pour cela, il faut une
qualité démocratique. Si les forums sociaux mondiaux durent, c’est qu’ils
acceptent de se heurter à cette biodiversité, de travailler ces différences.

L’enjeu n’est-il pas aussi que ces initiatives, qui illustrent ces mutations
naissantes, atteignent une masse critique pour peser sur les choix
politiques ?

Il y a un enjeu de masse critique, mais aussi de dynamique de forces. Les
mutations de conscience se produisent tous azimuts, à la fois dans ces zones
privilégiées, où émergent ces alternatives, et dans le système dominant, où
certains sont amenés à bouger. On le voit par exemple dans l’attitude de
curiosité, de tolérance, voire d’accompagnement, de certains élus locaux face
aux expériences de monnaie sociale. Ce sont des zones de porosité,
d’interaction. Ces éléments d’ouverture peuvent jouer un rôle.

[En ce qui concerne le changement politique], il faut chercher à constituer
des formes d’ingénierie politique qui fassent bouger les lignes de
fonctionnement du monde politique. La grande question est le changement de

posture par rapport au pouvoir. La logique de pouvoir en tant que domination
est contre-productive, car elle est impuissante face aux grands enjeux
économiques et financiers, et ne fait pas avancer les grandes questions de
l’humanité. La démocratie ne peut se limiter à démilitariser la lutte pour le
pouvoir – entendu comme une conquête. Elle doit développer, dans une
mutation démocratique, le rapport au pouvoir dans son sens premier, qui est
un pouvoir de création, démultiplié par la coopération.

Comment rendre le concept de « sobriété heureuse » attractif dans un monde
qui fixe pour norme l’hyperconsumérisme ?

La captation de richesses est une réponse inconsciente à l’angoisse de la
mort. Les créatifs culturels, par exemple, sont moins malades que les autres
de cette captation de sens.

[…] Selon Spinoza, il existe deux émotions fondamentales : la joie et la
peur. La stratégie est d’amener la force d’attraction et de démonstration du
côté de la transformation, et non de la peur. Il faut concevoir le changement
comme un projet d’invitation à la vie, non comme un refus ou un
empêchement. L’innovation peut être festive. Il faut apporter de l’eros pour
faire pendant au thanatos, au caractère pathogène du modèle actuel. Au
couple démesure-mal de vivre, il faut répondre par le couple positif
simplicité-joie de vivre.

L’enjeu est de créer une dynamique de conversion, une énergie attractive,
comme Gandhi a su le faire. La force d’attraction de ce modèle est réelle, et
elle passe les barrières de la mort : Gandhi et Luther King ont été assassinés,
mais leurs paroles portent toujours un projet.

Pour réussir la mutation, il faut associer plusieurs paramètres que j’appelle
Rêve : résistance créatrice ; vision transformatrice ; expérimentation
anticipatrice et évaluation démocratique. Ces conditions ne peuvent être
dissociées l’une de l’autre : la résistance créatrice face au thanatos, à la peur ;
la vision transformatrice pour débloquer l’imaginaire face au « there is no
alternative » et pour sortir de la sidération, qui est l’arme de la domination,

puisque le dominé adopte les arguments du dominateur ; et l’expérimentation
anticipatrice pour se projeter, expérimenter sa vision le plus loin possible.

La condition humaine est aussi un chemin qui a besoin d’entraide, de
coopération (car celle-ci démultiplie la capacité de création), et qui doit être
joyeux. Les créatifs culturels sont ce que j’appelle des coopérateurs ludiques.
Ils sont des forces de transformation.

1 Concept écologique et démocratique développé par les populations indigènes d’Amérique latine
(Pérou, Équateur, Bolivie…) et qui implique à la fois un équilibre avec la nature (production suffisante
pour tous, mais sans accumulation) et un équilibre social reposant sur la participation égale de tous les
citoyens.

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier toutes celles et ceux qui m’ont renseignée, hébergée et
accompagnée durant l’écriture de ce livre : Emmanuelle Gelzer pour sa
générosité aux États-Unis, Anne et André Spears et Jean-Pierre Harpignies
pour leur stimulante amitié à New York, Hanna Gelzer et son mari Mark pour
m’avoir ouvert leur maison à Ithaca, Jean-François Hugues pour sa relecture
et ses conseils, Michel Durand et Clarisse Thomasset pour leur accueil à
Montréal, Jangmu Sherpa et Pasang Norbu Sherpa pour leur aide au Népal,
ainsi que Shane, Dee et Noel Doran en Irlande. Merci également à Heloisa
Primavera à Buenos Aires, Erric Felder à Détroit, Rodrigo Gouveia à
Bruxelles, François Rouillay en France et Amritha Chandramouli à Pastapur.
Merci enfin à Patrick Viveret d’avoir accepté d’écrire la postface et, au-delà,
à lui et à Dominique Picard pour leur constante amitié.

Si vous souhaitez être tenu informé des parutions
et de l’actualité des éditions Les Liens qui Libèrent,

visitez notre site :
http://www.editionslesliensquiliberent.fr

Ouvrage réalisé
par Les Liens qui Libèrent et le Studio Actes Sud

Ce livre numérique a été converti initialement au format EPUB par Isako
www.isako.com

à partir de l'édition papier du même ouvrage.

Sommaire

Couverture
Présentation
Bénédicte Manier
Un million de révolutions tranquilles
Préface
L’eau, un bien commun

La validité des solutions low-tech
Dans le Rajasthan : rendre l’eau à la terre
Une cogestion démocratique
Une voie d’avenir pour la planète

Les agronomes aux pieds nus du Burkina Faso
La réappropriation citoyenne de l’eau

Contrôler soi-même la distribution
Les cours d ’eau communautaires

L’agriculture, nouvelle frontière urbaine

Détroit, prototype des villes post-industrielles
New York, pépinière de la guérilla verte

Quand New York redécouvre les marchés fermiers
Des espaces publics comestibles

Cultiver les toits
Le permablitz, ou création expresse de jardins

Des jardins solidaires
Les municipalités qui s’engagent

Des espaces de résilience
Les Incroyables Comestibles

Demain, nourrir les villes
Des filières urbaines bio
L’apport de l ’hydroponie

Une réappropriation de l’espace urbain

De nouveaux modes de vie

Relocaliser la consommation
Les circuits courts, les Amap
L’Amap, un principe applicable à d’autres domaines
Les coopératives de consommateurs

Des commerces solidaires et coopératifs
Réduire le gaspillage

L’économie du don
Réparer, recycler, upcycler
Les bonnes idées de l’upcycling
La société collaborative
Partager, troquer, louer…
Vivre mieux avec moins
Bricoler, voyager, apprendre : les échanges de services
Partager les savoirs
L’âge de la société civile experte : les sciences collaboratives
Une intelligence collective
La communauté du libre, l’open source
La génération makers

Partager le travail
Vers de nouveaux écosystèmes

Implanter une agriculture durable

Cogérer les terres
L’épargne solidaire pour garder l’agriculture vivante
Une filière agroalimentaire cogérée par les habitants

Éradiquer la faim : l’histoire de Chandramma
Nourrir le monde
Un modèle d ’émancipation
Confronter les modèles

L’expansion de l’agriculture biologique
Les agroécologies : la permaculture et l’agroforesterie

Préserver la biodiversité
Assurer l’alimentation mondiale de demain

Un usage citoyen de l’argent

Investir dans l’économie réelle : les clubs coopératifs d’épargne
Des banques socialement responsables
En Espagne, des communautés de prêt autofinancées

Cofinancer l’écologie et l’économie solidaire : le crowdfunding
Les banques communautaires
L’essor international des monnaies locales
Penser le développement des territoires

Énergies : vers des milliers d’autonomies locales

Quand le Sud invente ses propres solutions
Inde : les ingénieures aux pieds nus
Le Barefoot College : une économie de l’échange

Des solutions autonomes et décentralisées
Le biogaz, une petite révolution villageoise au Népal

En France, l’éolien citoyen
Les coopératives d’énergie

L’exemple nordique
Anticiper l’après-pétrole : les villes en transition
Combiner les nouvelles énergies
Un modèle énergétique décentralisé
L’économie circulaire

Le modèle coopératif

Les empresas recuperadas d’Argentine
Un secteur dynamique
En finir avec la pauvreté
Un outil d’indépendance
L’extension du domaine coopératif
Le levier d’une autre économie

Habiter ensemble, autrement

L’essor des coopératives d’habitants
Le co-habitat en propriété partagée
Vieillir ensemble
Les écovillages
Les éco-hameaux

Construire soi-même, et construire petit
Les sociétés en propriété collective
Des éco-logements de qualité pour les plus démunis

Une démocratie plus citoyenne

Quand les habitants gèrent eux-mêmes la ville
Une économie relocalisée
Un modèle reproductible

L’essor des expériences participatives
Les budgets participatifs

Les listes citoyennes
L’essor de la Civic Tech

Des centres de santé citoyens

Les cliniques gratuites américaines
Les maisons médicales autogérées de Belgique
Au Sud, les médecins aux pieds nus
Micro-assurances et mutuelles communales

Conclusion - Une réappropriation du monde

La génération du passage à l’acte
Vers de nouveaux communs

Postface - Le monde nouveau est en train d’émerger, à l’échelle du
micro. Entretien avec le philosophe Patrick Viveret

Remerciements


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