The words you are searching are inside this book. To get more targeted content, please make full-text search by clicking here.

Même si on a fait de belles découvertes, assisté à de bons concerts et écouté de bons albums, l'année 2015 aura été bien merdique. On pense à ceux dont on aimait la musique mais qu'on ne connaissait pas personnellement mais aussi à ceux qui aimaient la musique...
On souhaite une bonne et meilleure année pour 2016 et on te présente le nouveau mag (rédigé fin 2015) avec un bel espoir en une : Zone Libre ! En plus de l'interview de Sergio (aussi ex-Noir Désir ...) , tu pourras lire celles de General Lee, Vesperine, Boneyard Moan, The Prestige, The Arrs, de Patrick Giordano (Manu) et de Julien (chargé de promo)... Des articles sur Chelsea Wolfe, Saint Asonia, The View Electrical, The Sword, Jeanne Added, Arman Méliès, Livhzuena, Clutch, Mass Hysteria, Ghost, Shiko Shiko... et bien d'autres. Et pourquoi pas gagner des cadeaux Young Cardinals ou Undergang ?

Discover the best professional documents and content resources in AnyFlip Document Base.
Search
Published by team W-Fenec, 2016-01-11 15:06:08

W-Fenec Mag #21

Même si on a fait de belles découvertes, assisté à de bons concerts et écouté de bons albums, l'année 2015 aura été bien merdique. On pense à ceux dont on aimait la musique mais qu'on ne connaissait pas personnellement mais aussi à ceux qui aimaient la musique...
On souhaite une bonne et meilleure année pour 2016 et on te présente le nouveau mag (rédigé fin 2015) avec un bel espoir en une : Zone Libre ! En plus de l'interview de Sergio (aussi ex-Noir Désir ...) , tu pourras lire celles de General Lee, Vesperine, Boneyard Moan, The Prestige, The Arrs, de Patrick Giordano (Manu) et de Julien (chargé de promo)... Des articles sur Chelsea Wolfe, Saint Asonia, The View Electrical, The Sword, Jeanne Added, Arman Méliès, Livhzuena, Clutch, Mass Hysteria, Ghost, Shiko Shiko... et bien d'autres. Et pourquoi pas gagner des cadeaux Young Cardinals ou Undergang ?

Keywords: rock metal indus,metal,indus,pop,music,zone libre,noir désir,the arrs,general lee,the prestige,vesperine,clutch,mass hysteria,ghost

TEXTE

TEEDIXTOE Le dernier édito de l’année ressemble au premier. Année de merde.

Ce vendredi soir-là, je suis claqué, la semaine de boulot est terminée, il va falloir se repo-
ser un peu. Je mate une série, il est un peu plus de 22h, il reste une petite demie heure
du match de foot, ça devrait être pas mal pour m’endormir, la France est en train de
tranquillement battre l’Allemagne, ça fait du bien. Les commentateurs ne s’enflamment
pas de trop, étrange, ils vont rendre l’antenne directement pour une émission spéciale,
il se passe quoi ? Putain, encore le terrorisme, des gars se sont fait sauter aux abords du
stade, d’autres ont mitraillé des terrasses, il y aurait une vingtaine de morts. Les infos
sont un peu brouillonnes, quelques uns de ces dingues seraient encore dans Paris. Im-
possible de s’endormir maintenant.

Et une autre info tombe, le Bataclan serait attaqué. Le Bataclan ? Sérieusement ? Je
sais que ce week-end y joueront les Deftones, d’ailleurs Chino est déjà à Paris, un ami l’a
croisé et a posté un selfie sur Facebook. Y’avait qui ce soir au Bataclan ? Ah ouais, Eagles
of Death Metal. Merde, Chris y est, il a posté un clip avec une vanne «Ce soir on danse
comme à LA». Chris est un de mes rares «amis Facebook» que je n’ai jamais rencontré
en vrai. Un de mes filtres pour ne pas être submergé par les contacts sur ma page perso,
c’est de n’accepter que des gens que je connais «en vrai», quand par d’autres biais le
courant passe vraiment, il m’arrive de faire des exceptions. Chris en est une, il faut dire
qu’il joue dans un groupe excellent (Oliver) et qu’il fait la promo d’autres groupes excel-
lents (comme Stevans ou les Dysby). Zapping sur les chaînes infos. Surf sur le net.

C’est l’enfer. Le Bataclan est sous les balles, les tireurs y sont retranchés avec des
otages. C’était sold out ce soir, 1500 personnes. «Je vais bien, je bosse à la maison»,
Ted n’est pas allé au concert, ouf. Plein d’autres potes non plus, l’application «sécurité»
de facebook tourne à plein régime, les «V» verts se succèdent. Le cerveau bouillonne,
les informations ne sont pas assez précises, pas assez rapides et la TV qui annonce ne
plus retransmettre d’images du quartier du Bataclan. Soit c’est parce que c’est trop dan-
gereux, soit c’est parce que la BRI, le GIGN, le RAID ou je ne sais qui va intervenir, soit les
deux. A droite ou à gauche, des mots reviennent «massacre», «bain de sang», dans les
rues de Paris, le décompte des tués augmente, au Bataclan, c’est silence radio.

Et c’était peut-être mieux, on craignait le pire, c’est arrivé. Des dizaines de morts, des
centaines de blessés. Pas de nouvelles de Chris. 3h du mat’, les forces de l’ordre ont ter-
miné l’opération, les réseaux sociaux veulent des nouvelles de tout le monde, la plupart
sont bonnes. 5h du matin, Kass change sa photo de profil pour y mettre le bras étoilé de
Nath’, lighteuse de la salle, elle était là hier soir pour le plaisir, nordiste, elle a bossé avec

2

plein de groupes dont Carving et Marcel et son Orchestre, là aussi, on n’a pas de nou- TEEDXITOE
velles, ou en tout cas pas de nouvelles «sûres». Des amis cherchent à avoir des news
d’amis à eux, il y en a plein sur mon fil, Guillaume, journaliste rock/métal passionné,
encore un gars comme «nous», ne donne lui non plus pas de signes de vie. La nuit est
courte et en même temps trop longue. Le matin, j’essaye de préserver ma petite fille des
images à la TV alors je me remets à surfer tous azimuts. Chris est mort.

Je ne l’ai jamais rencontré, on a juste échangé des mails, des messages privés, des
«j’aime» mais depuis plus d’un an, c’était des contacts assez réguliers et c’était évident
que si on se croisait en vrai, on aurait l’impression d’avoir été pote depuis 10 ans, on a
grandi avec les mêmes groupes, on a une vision très similaire du monde du rock, de la
fête, de la déconne. C’est un ami virtuel plus réel que des gens que je côtoie tous les
jours. Et il a été tué par des dingues au service d’une secte dont le gourou ne veut que
du fric et le pouvoir sur un territoire comme au Moyen Age ? Dans quel monde on vit ?
Une poignée de manipulés peuvent détruire notre insouciance aussi facilement ? Quelle
merde. Guillaume est mort.

Aux avis de recherches succèdent les hommages et toutes ces personnes nous res-
semblent. Fans de rock, fans de bières, fans de nems, fans de foot, fans de pizza, fans
de fête, tous comme nous, tous innocents, ils avaient encore tant à offrir... La nuit a été
pourrie, la journée aussi. Les drapeaux «bleu blanc rouge» ont fleuri sur les filtres de
profil. Ça fait au moins un truc qu’on a récupéré temporairement au FN avant qu’ils nous
parasitent nos régions. Envie de rien à part pleurer et en même temps, si c’est en écou-
tant de la musique et buvant des coups qu’on est si dangereux, il va falloir s’y remettre.
Nath est morte.

Et un prof d’anglais, le mec du merch’ des Eagles, ce jeune couple, ce père qui ne
connaîtra jamais son enfant, un prof de géo, Pierre-Yves qui a bossé sur les premiers
enregistrements de Dead Pop Club, ils sont 130 à avoir été privés de tout. Et si on va
remplacer notre chagrin par de bons souvenirs avec le temps, plusieurs centaines
de survivants ne reviendront que difficilement à leur vie d’avant, certains sont en-
core à l’hôpital. Putain mais de quelle force va-t-il falloir être pour surmonter l’insup-
portable ? Par respect pour toutes les victimes et leurs familles, continuons à vivre,
ne nous privons pas, profitons, ne leur lâchons rien, à part des bombes peut-être...

Oli

3

SOTMEXMTAIERE SOMMAIRE
05 ZONE LIBRE
09 CHELSEA WOLFE
10 CLUTCH
11 JEANNE ADDED
12 MASS HYSTERIA
13 GHOST
14 GENERAL LEE
18 ARMAN MELIES
22 THE ARRS
24 MANU
28 VESPERINE
35 BONEYARD MOAN
41 KURT COBAIN
48 THE PRESTIGE
52 EN BREF
62 ARCHIVE AU CARGÖ
64 SALE ET SAUVAGE #4
66 CANAL HYSTÉRIQUE
68 INTERVI OU
70 CONCOURS
71 NEXT
72 IL Y A 25 ANS
4 74 DANS L’OMBRE

ZONE LIBRE LES DISQUES DU MOMENT

PolyUrbaine (Intervalle Triton)

Pour illustrer la mixité présente dans les milieux urbains
la section guitare-batterie sort des grands sentiers bat-
tus par un rock classique pour intégrer des rythmes
venus d’Orient et d’Afrique. Fuyant les normes occiden-
tales du binaire, ils s’aventurent dans des rythmes im-
pairs qui nous invitent au voyage.

En opposition avec le marché des majors, ce quatrième
album est édité par le label indépendant Intervalle Triton
fondé par Sergio himself. Les luttes et les engagements
- qu’ils soient politiques, économiques et culturelles -
sont portés et assumés sur tous les fronts. PolyUrbaine
ressemble à un espace d’expression mixte et utopique,
un endroit où l’énergie est positive et où les peuples
sont égaux en droits.

Julien

Fondé en 2006, Zone Libre est un collectif free-rock
agrémenté d’une bonne dose de rap. Outre les fonda-
teurs Serge Teyssot-Gay (Noir Désir, Interzone) et le bat-
teur Cyril Bilbeaud (Sloy), les acteurs du projet changent
au fil du temps. Dans les premiers albums, il faut noter
la participation du guitariste improvisateur Marc Sens et
des rappeurs Casey, B.James et Hamé (La Rumeur).

Sorti au mois d’octobre, PolyUrbaine s’ouvre à de nou-
veaux horizons. Ce virage se fait avec l’intervention de
Marc Nammour (La Canaille) et de l’Américain Mike
Ladd. S’exprimer en deux langues aurait pu être un frein,
une difficulté. Il n’en est rien car les deux rappeurs se
complètent et s’enrichissent. L’un et l’autre font jaillir
une poésie dans un flow rythmé. Tout est là, des mères -
dans « La montagne » - au monde ouvrier - dans « Ici du
bout de la chaîne »- en passant par une réflexion sur le
temps qui passe lourdement avec « Garde-fou ». Les su-
jets traités sont en adéquation avec la dureté du milieu
urbain périphérique. Pour autant, la noirceur présente
dans Les contes du chaos (2011) est digérée et fait
partie du passé. Ici les textes et la musique mettent en
lumière une peinture abrupte mais juste de la banlieue.

5

INTTEERXVTIEEW

INTERVIEW > ZONE LIBRE

Cofondateur de Noir Désir, Serge Teyssot-Gay a outre deux albums solos, collaboré à un myriade de projets et se
trouve à l’initiative des formations Interzone et Zone Libre. Ce dernier groupe fait l’actualité avec son quatrième
album qui vient de se poser dans les bacs. Entouré de Cyril Bilbeaud (Sloy), Marc Nammour (La Canaille) et Mike
Ladd, le guitariste revient sur le concept du collectif et nous parle dans les détails de «Zone Libre PolyUrbaine».

Le nom de Zone Libre fait-il uniquement référence à la l’âge adulte. C’est le seul moment où tu peux faire un
musique ? C’est un terme qui a une connotation his- groupe. On est tous pareil, on a tous besoin d’être en
torique et fait écho à l’actualité, encore plus ces der- tas quand on est ado ; et du coup on fait tout ensemble.
nières semaines... Plus tard, les choses changent mais je pense que natu-
C’est une référence à la Seconde Guerre Mondiale et à rellement, on fait tous ça. Après, tu n’es plus dans une
la zone de résistance inoccupée. C’est un clin d’œil, une conception de groupe telle qu’on l’entend. Ce que je peux
façon de réfléchir par rapport au monde où l’on est : où te dire, c’est que toutes les formations s’enrichissent les
est-ce qu’on est ? Où est-ce qu’on se situe ? Il faut abso- unes et les autres.
lument se situer, je pense que c’est important. Surtout
quand tu es artiste. C’est fondamental ou alors tu fais du Ce dernier album est publié sous le label Intervalle Tri-
divertissement, mais ce n’est pas mon cas. J’ai besoin ton que tu as créé. Pourquoi avoir quitté les majors ?
de savoir où je suis et pourquoi je fais ça. En grande partie à cause de l’idée d’arrêter d’exploiter
les artistes en les rémunérant par le streaming. C’est
Au départ, c’est une aventure entre Cyril Bilbeaud et déterminant. Le nombre de musiciens que je connais et
toi. Comment s’est faite cette rencontre ? qui ont arrêté de bosser est assez énorme. La musique
Cyril, je le connais depuis Sloy. C’est milieu des années est devenue gratuite pour tout le monde. Pourquoi pas
90. J’étais déjà complètement admiratif de son jeu de faire un accès à la musique très peu payant, je trou-
batterie. Plus tard, on imagine qu’on va travailler en- verais ça génial. De l’argent, il y en a énormément qui
semble. circule. Seulement il est partagé entre les majors et les
fournisseurs qui ont des millions d’artistes dans leur
La formation dans son concept tient plus du collectif catalogue. C’est juste un problème de répartition. Moi
que du groupe. Quelles différences dans le travail cela ça fait 10 ans que je pense au fait de quitter les majors
fait pour toi ? et le faire est dans une suite logique. Au départ, quand
Pour moi, le seul groupe qu’il peut y avoir c’est quand tu on avait signé avec Noir Désir, je n’avais pas toutes ces
es ado ou que tu sors de l’adolescence et que t’attaques considérations en tête.

6

Plus tard, tu t’ouvres au monde et tu réfléchis autre- d’autres courants artistiques comme la littérature ou INTTEERXVTIEEW
ment. la peinture. Est-ce que tu pratiques un art en parallèle
de la musique ?
De quelle idée part le projet Zone Libre PolyUrbaine ? Non, autant je les apprécie, autant la musique me prend
C’est l’envie de faire avec Cyril une musique différente tout mon temps. D’ailleurs, je ne fais que de la guitare
de celle présente sur L’angle mort ou Les contes du électrique : c’est vraiment mon identité. Par contre,
chaos où la musique et les textes partaient de constats j’aime bien être confronté à des artistes qui pratiquent
très sombres. Pour Zone Libre PolyUrbaine, il fallait des arts différents parce que ça m’oblige à envisager
un parti pris différent ; fonctionner par contraste. Je mon travail d’une autre façon.
me suis aidé de mon imaginaire, c’est comme ça que
j’avance. Je me suis dit que c’était une bonne idée que Si je ne me trompe pas, ton dernier album solo date d’il
de partir de l’énergie positive des villes et des gens qui y a 15 ans, est-ce que tu as en tête d’en recomposer
habitent dedans. un autre ? Ou seules les collaborations t’intéressent ?
Dans le futur, il y aura des solos. Je commence à avoir
Sur ce dernier album, on retrouve donc une énergie plu- besoin de faire ça mais c’est encore un peu tôt. Par
tôt positive accompagnée de textes puissants. Quelles contre, il n’y aura pas de voix, juste de la guitare.
ont été vos sources d’inspiration ?
Les gens des villes - qui se déplacent tout le temps et Est-ce que tu es quelqu’un de nostalgique ou, pour toi,
qui viennent de partout dans le monde - nous ont inspiré seul l’avenir importe ?
une musique polyrythmique qui groove tout le temps. La nostalgie, c’est l’horreur, c’est un boulet. Je me suis
Pour créer cette musique, nous avons mélangé des in- demandé pourquoi je ne mets jamais de photo dans les
fluences afro beat, orientales, rock et rap. endroits où je travaille. Et puis, j’ai réalisé qu’elles ne
rappelleraient que des souvenirs. Tout ce qui te rattache
Comment s’est réalisée la composition des morceaux au passé t’empêche de voir devant et du coup de créer.
entre vous, pour lier textes et musique ?
A la base, c’est un projet musical. Avec Cyril, nous avons Et pour le mot de la fin, quel(s) coup(s) de cœur(s) as-
essayé de nous représenter subjectivement l’énergie tu eu dans l’actualité musicale ?
de la ville : cet écosystème tout le temps en ébullition. En ce moment, j’écoute que des vieilleries. Ah non ! Dans
Et puis, nous avons composé pour accueillir des voix en les nouveautés, j’écoute The Afrorockerz, c’est des cou-
les fantasmant. Quand je demande à Marc Nammour et sins de Polyurbaine.
à Mike Ladd de nous rejoindre et de faire leurs textes, je
sais que nous sommes d’accord sur des choses de fond, Merci à Serge Teyssot-Gay et à Selma de VS Com
alors nous ne discutons pas du contenu. Crédits photos : Ced Forban

En parallèle se conduit le projet Debout dans les cor- Julien
dages également avec Marc Nammour de La Canaille.
Y-a-t’il eu des échanges entre les deux projets ?
Non, ce n’est pas du tout la même chose. C’est ni la
même musique, ni la même façon d’approcher la mu-
sique. On est en improvisation totale avec Debout dans
les cordages. Le seul point commun, c’est qu’on connait
Marc Nammour.
En réalité, Debout dans les cordages est un projet qui
précède Zone Libre PolyUrbaine. En travaillant avec
Marc sur le premier projet, je me suis dit qu’il fallait l’invi-
ter à nouveau pour ce dernier projet. Après, j’ai fait le lien
avec Mike Ladd avec qui je bosse depuis 2007. Connais-
sant les deux, je pensais qu’ils s’entendraient bien sur le
fond et ce fût le cas puisqu’ils ont une bonne complicité.

Tu as pas mal bossé avec divers personnes issues

7

LES DISQUES DU MOMENT ARTWEG

Drunk’n high (Juste Une Trace)

bomb», «Never again» ou «United for the Earth», au-
tant de titre, tu l’avoueras, qui prennent une résonance
différente avec cette pute d’actualité. Alors, je m’excuse
auprès des Artweg, peut-être auriez-vous préféré une
chronique normale à base de «ça tabasse entre punk et
hardcore» ou «t’imagines si Black Bomb A jammait avec
The Arrs ?» mais mon article a déjà une autre tronche.
Désolé que ça tombe sur vous mais, ce n’est pas plus
mal car vous êtes Parisiens, vous avez la rage, vous avez
les idées claires malgré le titre de votre opus (Drunk’n
high) et je pense ne pas être trop loin de votre état d’es-
prit.

On l’a déjà dit mais on ne le dira jamais assez, le moment Véritables citoyens du monde, Artweg s’exprime en an-
où on rédige une chronique est extrêmement important glais comme en français, scande ses textes plus qu’il
parce que notre ressenti, nos émotions, notre percep- ne les chante, va droit au fait et s’il trace quelques para-
tion du message envoyé par un groupe est reçu diffé- boles instrumentales, c’est pour embellir le propos et
remment selon notre humeur. Je rédige cette chronique démontrer qu’on peut avoir une base punk-HxC et des
le 23 novembre 2015 soit 10 jours après l’impensable. idées larges pour construire un morceau. Monde bru-
J’avoue que ces derniers jours, écouter et écrire sur la tal, monde de brutes, mais aussi monde où la retenue
musique m’a semblé totalement inutile, prendre du plai- peut jouxter son auto-promotion («Evolution» / «Ar-
sir en écoutant de la musique m’a semblé presque indé- tweg») parce que faire parler de soi est indispensable
cent vis-à-vis de tous ceux qui sont morts au Bataclan aujourd’hui pour qu’on vous situe sur une carte qu’elle
comme ailleurs. Et on a beau lire, dire, écrire qu’il faut soit musicale ou géo-stratégique. Putain de monde où
résister en ne changeant pas notre mode de vie, pour le la concurrence sévit chez les plus intégristes qui s’ex-
chroniqueur touché par les événements que je suis, ça plosent les coudes au lieu de se les serrer. Bienvenue à
a été difficile. D’autant plus que certains de nos morts Paris, bienvenue chez Artweg, ici, on explose quelques
attendent encore dans un frigo avant de rejoindre leur codes pour desserrer l’étau des étiquettes et on cherche
dernière demeure, bref, le deuil des tout proches et des à partager, à boire des coups, à faire la fête, à ne pas se
familles est très très long... Et même si d’autres s’en prendre la tête, à juste laisser une petite trace, des ins-
sont sortis vivants, nombreux sont encore cloués dans tantanés de bonheur dans un pogo où tout le monde est
des hôpitaux et ne récupéreront jamais une «vie nor- beau (vu que les mosh part), où la connerie fait marrer
male». plutôt que pleurer. Ne lâchez rien. Ne lâchons rien.

Oli

Ce soir on est le 23 novembre et Artweg va envoyer un
gros fuck aux terroristes en explosant la Flèche d’Or
avec The Exploited et peut-être qu’ils joueront (ont joué
vu que tu lis ces lignes quelques temps après) «Human

8

CHELSEA WOLFE LES DISQUES DU MOMENT

Abyss (Sargent House)

«Carrion flowers» où les sons électro saturés se mêlent
à la voix sublime et satinée de Miss Louve. Deux ans
après un Pain is beauty également très réussi, Chelsea
Wolfe accompagnée de sa troupe de mecs (dont Mike
Sullivan de Russian Circles), continue de sublimer la
noirceur en musique, qu’elle soit oppressante («Iron
moon», «Dragged out»), anxiogène («After the fall»,
«The abyss»), salvatrice («Maw», «Crazy love») voire
flippante avec un «Color of blood» dans lequel la chan-
teuse semble s’être prise une mandale tant sa diction
est altérée par moments.

Alors, celui là... comment dire ? Je l’attendais pas for- Ces onze titres d’un peu moins d’une heure au total dé-
cément, il m’est tombé dessus entre deux découvertes montre un état proche de la neurasthénie, sa froideur et
d’albums sympas mais sans plus, et puis BAM ! Claque sa lourdeur assumée magnétise avec facilité et agilité
de cow-boy dans la tronche, high-kick circulaire façon l’auditeur. En effet, et cela peut paraître paradoxal, Abyss
MMA catégorie Super Heavyweight, coup de boule en s’écoute et se digère sans trop de difficulté, Chelsea
loucedé au gré des pistes. Bref, ce nouvel album de Wolfe jouant ainsi la carte du contraste équilibré entre la
Chelsea Wolfe risque de se retrouver dans le top des sensation de claustrophobie et l’espace abyssal. Notons
sorties musicales de l’année tant il semble difficile pour la préciosité des arrangements et le traitement parfait
un artiste aujourd’hui de concevoir un disque aussi aba- sur la voix de Chelsea qui ne tombe pas commodément
sourdissant et touchant au plus haut point, et ce de A à sous l’opulence d’effets. L’album se clôt avec «The
Z, sans fauter ne serait-ce qu’une seule seconde. Voilà abyss» rappelant le Third de Portishead mais aussi que
pour l’extatique enthousiasme expansif, venons-en au l’Américaine est souvent hantée par le fantôme de Beth
fait maintenant. Gibbons. Noir c’est noir, il y a toujours de l’espoir.

Ted

Je tiens à préciser pour celles et ceux qui ne connaissent
pas cette Californienne, que sa musique est loin de res-
pirer la joie de vivre. En même temps, avec un titre d’al-
bum et un artwork aussi explicite, difficile de se planter
sur les intentions de la demoiselle. C’est plutôt d’un ap-
pel à l’aide et plus particulièrement de troubles du som-
meil que la prêtresse du folk-drone témoigne sur Abyss.
Une façon pour elle de ne pas s’oublier dans toute cette
noirceur en amalgamant avec entrain les styles (doom,
electro, post-rock, folk, rock goth, expé) et en contras-
tant les champs d’expressions comme sur l’introductive

9

LES DISQUES DU MOMENT CLUTCH

Psychic warfare (Weathermaker Music)

absolue tout en balançant ses petits breaks jazzy qui
manquaient justement la dernière fois. Pour le reste on
est clairement dans du heavy pur et dur, Neil est au som-
met de sa badassitude et Sult se permet même de la
jouer Angus Young sur le solo de «Noble savage» où les
quatre compères en profitent pour appuyer sur l’accélé-
rateur comme jamais. De quoi faire passer les anciens
morceaux pour des chutes du dernier album de Queens
Of The Stone Age.

On retrouve les copains du Maryland là où ils nous Bref, on se retrouve avec une sorte de synthèse entre
avaient laissé il y a deux ans avec un Earth rocker qui Earth rocker et Strange cousins from the west (même
avait mis une fessée à tous ceux qui pensaient que si ça penche carrément plus du coté d’Earth rocker, le
Clutch avait pris un coup de vieux. Un album qui mar- blues n’étant plus là que sous forme d’accent) : des
quait surtout une volonté pour un groupe marqué par sa brûlots Hard Rock speed et super heavy mais avec une
tournée avec Motörhead de rentrer dans un format un maîtrise totale et un jeu plus audacieux. Bref, comme la
peu plus simple et carrément plus heavy qu’on ne leur dernière fois, mais la classe en plus. On tient d’après moi
connaissait pas jusque-là. Loin de déplaire à votre ser- le meilleur album de Clutch depuis Robot hive / Exodus
viteur, cette nouvelle formule lui avait néanmoins parue avec des titres qui vont tout dévaster en live, d’autant
un peu légère, certes sympa en live mais inégale et que le groupe du Maryland à définitivement prouvé ce
assez peu durable sur album. Pour tout vous dire il man- qu’il valait en face à face sur ses dernières tournées.
quait ces cotés jam et groove du Sud qui permettent au
groupe d’être dans le haut du panier. Du coup, nous voilà face a un mystère : 11 ème album et
25 ans d’une carrière au cours de laquelle Clutch n’a non
Tout est pardonné avec ce Psychic warfare qui n’y va seulement jamais vraiment pêché, mais a en plus sortit
pas par quatre chemin en nous assénant d’entrée de une petite tripotée d’albums cultes et ce dans des styles
jeu deux missiles super efficaces («X-ray visions» et toujours un peu différents mais toujours authentiques.
«Firebirds») qui foncent donc dans la même traînée 11 ème album et visiblement toujours aucune difficulté
que leurs aînés d’il y a deux ans. Sauf qu’il est clair que à pondre des hymnes rock’n’roll qui marche dès la pre-
Clutch a chopé la pleine maîtrise de sa formule, parce mière écoute et qui durent un bon moment. Ils auraient
que cette fois, ça joue sans retenue aucune et on re- donc découvert la recette parfaite de l’album rock’n’roll
trouve ce feeling de tueurs qui caractérise le groupe, ? Faux : Clutch est le rock’n’roll, tout simplement.
notamment avec le jeu de Jean-Paul qu’on sent beau-
coup plus à l’aise dans ce registre qu’il y a deux ans, Elie
puisqu’il réussit le tour de force d’être dans l’efficacité

10

JEANNE ADDED LES DISQUES DU MOMENT

Be sensational (Naïve)

Car elle fait partie de ces chanteuses qu’on écoute
quand elle chante, et qui n’ont même pas besoin de lut-
ter pour cela. Un passage en douceur judicieusement à
l’opposé des métaphores guerrières qui fleurissent çà
et là au détour des titres. Des textes qui touchent ; l’ac-
cent impeccable, les mots simples et la superbe produc-
tion rendant son anglais étrangement compréhensible.
On croit même parfois entendre du français tellement
le message est parfaitement délivré : là encore Jeanne
Added se démarque très clairement des autres chan-
teuses de son rang.

Quelle impressionnante ascension. Quasiment incon- Tout cela aboutit à un disque d’une très grande classe
nue il y a un an, celle qui s’est faite réellement découvrir qui tire sa force d’une quasi-absence de complaisance.
(par les professionnels tout du moins) aux TransMusi- 10 chansons où il n’y a pas grande chose à jeter, à part
cales de Rennes en 2014, remplira bientôt l’Olympia, au peut-être une ou deux pistes sans réel intérêt (« Night
terme d’une gigantesque tournée française de près de shame pride », « Ready »). Le final, en forme d’ascen-
60 dates. seur émotionnel, est impressionnant de maîtrise («
Suddenly »).
Un début de réponse à ce succès pourrait venir du fait
qu’en alternant chansons brutes et menaçantes (« A Jeanne Added se place, avec ce premier album, en future
war is coming », « Lydia »), titres poignants et person- grande du rock français. Plus rebelle qu’une Robi, moins
nels (« Look at them », « Be sensational ») et petites toc qu’une Christine and The Queens, espérons que son
comptines tribales sans prétentions (« It », « Back to ascension annonce un renouveau de la scène française,
summer »), Jeanne Added contente - potentiellement - davantage décomplexée, moderne et excitante.
tout le monde.
Antonin

Electro, post-punk, pop aussi, les compositions
évoquent souvent le meilleur des groupes du genre
des années 80 ou encore, plus récemment, une artiste
comme St-Vincent (en moins technique et foutraque).
« Je n’aime pas les fioritures, je voulais des gestes
simples et compréhensibles » confie d’ailleurs Jeanne
Added, et c’est clairement l’impression qui prédomine
au fil des écoutes. Peu de choses, mais suffisamment
pour mettre en valeur sa voix, toujours juste.

11

LES DISQUES DU MOMENT MASS HYSTERIA

Matière noire (Verycords)

«On n’est pas des rebelles, on est révoltés», le ton est est de métal» sur «Plus que du métal», le «classique»
donné dès le premier titre de cette Matière noire, dans titre dédié à la famille hystérique même si ici «Matière
la droite ligne de L’armée des ombres, Mass Hysteria noire» est assez fédérateur également), avec d’autres
en remet une couche, même si une fois encore son sujets comme un petit tacle aux fanatiques («L’enfer
histoire interne est marquée par un changement avec des Dieux») mais toujours de quoi puiser de l’énergie
l’arrivée de Fred (ex-Watcha et producteur bien installé pour la transmettre ou pour motiver la révolte. Et si ça
désormais) pour remplacer Nico (que ça nous fait très tape fort, les samples (géniaux) restent très présents et
plaisir de voir debout, toutes nos ondes positives sont apportent beaucoup de profondeur aux titres comme à
avec toi !). Rarement dans la discographie du groupe, «Vae soli», une locution latine qui rappelle qu’une partie
deux albums consécutifs ont semblé si liés que Matière de Mass apprécie particulièrement Ghost mais qui est
noire et son prédécesseur. Les thèmes, la tonalité, l’am- justifiée car le message («Malheur à l’homme seul»)
biance générale sont les mêmes, la plus grande diffé- correspond tout à fait à ceux du groupe qui multiplie en-
rence au final, c’est le contraste de l’artwork. Là où tout core les jeux de mots et les pieds de nez à l’histoire («les
était sombre et obscurantiste, quasiment sans espoir, la Français sont des veaux» du grand Charles...). Si les mé-
série de photos apparaît ici plus manichéenne, le bien, lodies ne sont jamais très loin, l’opus est en moyenne
le blanc, la pureté se font certes polluer par cette ma- en mode «bien baston» avec quelques morceaux qui
nière noire, visqueuse et destructrice mais, le fond est risquent de faire suer la fosse dans la lignée de «P4»
encore immaculé et qui sait, si on s’y met tous, qu’on («Chiens de la casse», «Vector equilibrium») et invitent
se remonte les manches, peut-être que tout n’est pas au headbang à s’en décrocher le bulbe («L’espérance et
encore perdu. le refus», «Plus que du metal»). Des plages de calme
Toujours en phase avec l’actualité, les textes jouent apparaissent ça et là, soit en rangeant les instruments
avec la politique («Je ne vois aucun nouveau Jaurès à pour laisser de la place aux samples ou à la voix ou
l’horizon» sur «L’espérance et le refus» par exemple) encore en laissant le champ libre à la musique comme
autant que la musique («Quant au Hellfest la musique sur une grande partie de «Tout est poison» (le livret a
extrême s’installe, si le silence est d’or, alors le bruit beau rajouter des texte de «L’espérance et le refus»,
la superbe fin du titre est instrumentale). La force de
Mass Hysteria, c’est aussi de savoir calmer le jeu «en
apparence» avec un Mouss qui se fait plus doux avec de
jolies harmonies et des textes assez ... «peace» («Une
main armée d’un coeur, nous criions ! Imitant le soleil et
ses rayons.») sur «Mère d’iroise» alors que les riffs et la
rythmique envoyés sont ultra lourds et tendus. Et si ce
dernier titre était le meilleur de l’album ?

Cette question risque de faire débat et quand on n’arrive
pas à extraire un titre aisément de la masse, c’est que
l’ensemble est au top. Encore une fois, Mass Hysteria
arrive à coucher sur disque une folle envie de les recroi-
ser sur scène. Encore et encore.

Oli

12

GHOST LES DISQUES DU MOMENT

Meliora (Loma Vista Recordings)

se veulent plus vindicatives, les mélodies sont une nou-
velle fois imparables, et la justesse de l’exécution frôle le
la perfection (ce pont à partir de la troisième minute est
juste bluffant). Le groupe est mélodieux mais sait durcir
le ton en proposant des riffs heavy rock comme avec le
fabuleux « From the pinnacle to the pit » qui s’impose
pour ma part comme LE morceau de l’album. Le groupe,
tout en restant mélodique, a su durcir son jeu et s’aven-
turer dans les méandres des structures complexes et
envoûtantes. « Cirice » ou « Majesty » sont les parfaits
exemples du mélange des genres entre riffs pachyder-
miques et mélodies imparables.

Le défi était de taille. Après Infestissumam, fabuleux La puissance développé par Ghost ne passe pas que
deuxième album qui a fait passé le groupe de révéla- par les guitares saturées. Preuve en est avec le fabu-
tion au statut de valeur sûre, Ghost n’avait d’autre choix leux « He is », aux accents moyenâgeux et au charme
que de produire un disque qui lui ouvrirait les portes du redoutable (à la limite toutefois du cliché, mais n’est ce
succès planétaire tout en ne froissant pas sa fan base pas une marque de fabrique de ce groupe qui joue avec
pourtant acquise à sa cause. Et c’est chose faite avec le les stéréotypes visuels pour encore mieux marquer les
brillant Meliora, troisième LP paru en cette fin d’été. esprits ?). N’empêche que pour moi, Ghost se révèle le
plus percutant quand il plombe l’ambiance avec des mid
Profitant d’un mini phénomène de mode (nombreux tempo et la voix parfois dérangeante de Papa Emeritus,
sont ceux qui se ruent à leurs concerts alors qu’ils trou- 3ème du nom. (« Mummy dust », l’énormissime « Abso-
vaient il y a encore peu que ce groupe n’était qu’une lution » qui donne également des frissons à en devenir
farce de mauvais goût), Ghost a mis le petits plats un apôtre de Satan). Et quoi de mieux pour clôturer un
dans les grands en proposant un disque quasi parfait, album classieux qu’un titre classieux alliant grâce, vo-
s’imposant ainsi aux yeux de tous comme le seul repré- lupté et refrains percutants (« Deus in absentia »).
sentant actuel de la pop métallique. La recette n’est pas
nouvelle, mais le sextet a su la faire évoluer au fil des Meliora, bourré de riffs lourds et tranchants, de mélodies
disques en créant son propre son désormais recon- puissantes et monstrueuses, et bénéficiant d’une pro-
naissable entre 666. Comme à son habitude, la pre- duction plus couillue que son prédécesseur, marquera
mière plage de l’album pose les bases d’une ambiance un tournant dans la carrière de Ghost, dignement consi-
feutrée et dérangeante. Et dès les premières mesures déré par un public de plus en plus rallié à sa cause et sy-
de batterie et l’arrivée de cette basse rugissante, l’audi- nonyme de l’album de la consécration. Ne boudons pas
teur attentif ne peut que frissonner de plaisir à l’écoute notre plaisir et profitons pleinement d’un des disques de
d’une production puissante et sans faille. « Spirit » se l’année, tout simplement. Victoria, cette chronique, elle
révèle d’ores et déjà un chef d’œuvre de ce disque qui est pour toi.
ne manque décidément pas de qualités. Les guitares
Gui de Champi

13

INTTEERXVTIEEW

INTERVIEW > GENERAL LEE

Interview de masse pour le General Lee et donc toute sa troupe qui disserte à loisir sur leur nouvel excellent album
emballé dans un excellent artwork et qui parachève une excellente évolution depuis quelques années...

Le post-hardcore, c’est du passé ou on peut espérer en Le groupe essaye toujours d’avoir des idées directrices
retrouver un de ces jours ? dans ses albums, elles touchent un peu à tous les do-
Il ne faut jamais dire «jamais» par principe, même si le maines, comment vous faites le choix ?
post-hardcore semble bien loin maintenant, en tous cas Ça arrive au début des compositions et ça s’affine avec
au niveau de notre vision de comment on voit évoluer le le temps, on est tous ensemble en répète, on joue et on
groupe. parle beaucoup sur des choses qui nous plaisent, c’est
Ça ne veut pas dire qu’on va laisser tomber la mélodie, plus un délire car on fait de la musique pour s’amuser,
mais on va essayer de l’exprimer d’une façon peut être entre potes, pas pour avoir des bonnes chroniques ou
moins évidente. Par contre, pour le live, on bosse en ce faire le même album que le précédent parce que ça
moment sur un set plus varié avec des titres de toutes marche.... ou pas d’ailleurs (rires). Là, dès le début, on
les périodes afin d’ajouter davantage de diversité et de voulait quelque chose de plus brut, rapide et noisy. On
respiration, et nous éviter aussi de mourir car jouer les est allé au bout de notre démarche.
titres de Knives out, everybody ! sur scène est un sacré
challenge. L’artwork est comme toujours superbe, et c’est encore
une autre direction qui est essayée avec ce dessin de
Ce sont les différentes modifications du line-up qui ont Matt Ryan, comment s’est-il construit ?
fait évoluer le groupe ou c’était irrémédiable ? On voulait s’orienter vers un artwork type illustration,
Je pense effectivement que le changement de line-up on avait déjà beaucoup parlé de la direction artistique et
a grandement influencé ce changement d’orientation musicale de l’album, Florian était en contact avec Matt,
musicale, et il faut dire aussi qu’en 15 ans tu as force- le chanteur du groupe canadien Ritual et ex-Dead and
ment des envies différentes. C’est sûr qu’entre Hannibal Divine, son boulot collait bien avec nos envies.
ad portas et Knives out, everybody ! il y a un fossé et
je peux comprendre que certains restent sur le carreau, Vous aviez des directives très précises ou il a tout com-
mais on a toujours évolué d’album en album et ça ne pris de qui vous étiez ?
changera pas. C’est à dire qu’il avait un peu carte blanche, on lui a juste

14

donné nos idées de films et de références et les élé- grain de l’ivraie ? S’il y a des chutes inexploitables, on INTTEERXVTIEEW
ments divers et variés à intégrer : femme à poil, voiture, les veut bien !
zombies, alien, un black samurai... et lorsqu’on a vu les Il y a eu un brainstorming pour le nom des chansons, où
ébauches, on a tout de suite su qu’on avait fait le bon en gros on lançait tout ce qui pouvait nous passer par la
choix. tête. Après Arnaud s’est débrouillé pour faire coller tout
ça à ses textes, et vu la dose de WTF qu’on a envoyé, il
Cet artwork colle tout à fait à General Lee et ce que a du mérite. Les autres idées qu’on a eu, on les collait
vous faites sur ce disque, vous pensiez avoir un dessin sur des versions de travail pour se repérer dans les mor-
aussi incroyable ? ceaux, comme «Matriochka & jetski» pour un des mor-
C’est toujours une grosse surprise lorsqu’on laisse carte ceaux qu’on a expérimenté en Russie, ou «Nunchagod».
blanche à un artiste. Matt a quand même une sacrée De la belle poésie donc.
expérience et ses travaux étaient vraiment très bons,
on se doutait que ça allait être mortel ! On est vite tombé Parmi les références, il y en a une à un vieux tube de
amoureux du mec. Ministry, musicalement, on est assez loin de votre uni-
vers, pourquoi ce choix ?
Qu’est-ce qui vous plaît dans les séries B et Z ? Je suis un très grand fan de Ministry jusqu’au départ du
Tout le coté improbable et inattendu. Les mecs se per- bassiste Paul Barker après The dark side of the spoon.
mettent tellement tout et n’importe quoi. Coincés dans Depuis Al Jourgensen a plus de piercing qu’une meute
une cave ? Pas grave, il y a une caisse avec un jetpack de punks à chiens et il a perdu l’essence du groupe au
fonctionnel justement laissé par un gang indonésien passage. Filth pig est surement dans le top 5 de mes
après la seconde guerre. Et puis il y a aussi le côté «petit albums préférés. Musicalement ça n’a pas grand-chose
budget» et DIY, qui correspond bien à ce qu’on vit en tant à voir avec General Lee mais je tenais à faire ce petit clin
que musiciens de notre niveau. d’œil avec «Sergio Leone built my hotrod».

Quel est votre acteur préféré ? Il y a quelques beaux invités sur l’album, il y avait de la
On part plus dans le cinéma Z là mais il y a «une per- place prévue pour eux lors de l’écriture des titres ou ça
sonne de petite taille» et accessoirement agent secret c’est fait «comme ça» ?
et coureur de jupons qui se prénomme Weng Weng. C’est un album où on voulait se faire plaisir, et ça pas-
Il est particulièrement efficace dans les déboulés sait par inviter des amis à s’amuser avec nous. A part
d’escaliers à grande vitesse et autres glissades impro- «Nightchaser» qu’on a vraiment composé autour du
bables, et le tout avec la fleur à la boutonnière On l’aime chant de Manon, c’était assez spontané pour Alex de The
bien ici. Prestige et Vincent de The Butcher’s Rodeo, genre «Vous
voulez venir chanter les gars, on a de la bière au frais ?
La musique est souvent aussi assez catastrophique On a de la place là et là si vous êtes chauds». Ils ont été
pourtant, même avec peu de moyens on doit pouvoir chaud et on a enregistré à la cool entre deux américains
trouver de bons musiciens, non ? fricadelle.
Tu ne peux décemment pas demander à des réalisa-
teurs qui piquent des images des «Dents de la Mer» ou Vous avez encore bossé au Boss Hog, c’est plus simple,
d’»Alien» pour leurs films ou qui collent à un ancien Bé- c’est moins cher, c’est mieux, c’est moins loin ? Quelle
ret vert le doux sobriquet de «Philippe» d’investir dans est la principale raison de ce choix ?
une bonne musique de film. Le BossHog c’est tout un état d’esprit, c’est notre maison
les factures en moins, Clément Decrock qui est d’ailleurs
Sergio Leone ou From Hell, ce n’est pas de la série B, un des pionniers de General Lee connaît bien nos fonda-
à choisir entre revoir un Sergio Leone et découvrir une mentaux, il est le plus à même de nous comprendre. Le
série B, tu fais quoi ? son y est bon, le travail de production excellent, les lieux
Difficile de surpasser un combo Sergio Leone/Ennio sont plus que bien pour des mecs de notre rang social
Morricone à mes yeux. Avec Sam Peckinpah on touche (rires) et les prix très sympas, à l’image du patron. Et
à la sainte trinité. quel plaisir de le voir plisser les yeux à l’écoute des nou-
veaux morceaux.
Vous trouvez facilement ces jeux de mots et de réfé-
rences ou vous cherchez beaucoup et devez trier le bon

15

INTTEERXVTIEEW C’était donc une évidence d’y
retourner, c’est important de
se sentir bien en studio, c’est
comme mater une bonne
série un dimanche soir en
pantoufle avec sa meuf plutôt
qu’un lundi, en botte de chan-
tier avec sa belle-sœur.

L’actualité, c’est des titre chacun son tour. Alex a un micro HF et a une capaci-
concerts avec Devil Sold His té de déplacement en crabe assez rapide et fascinante,
Soul, allez jouer chez eux, je suis sûr que ça peut marcher !
c’est difficile ?
On jouera chez eux en Angle- Merci !
terre quand on nous invitera Un grand merci pour l’interview et le soutien et longue
mais il faut croire que les vie à W-Fenec !
organisateurs et le public
anglais ne s’intéressent pas à Merci Elodie, merci General Lee.
nous car on n’y a jamais mis Photos : Guigui Toffs
les pieds en 15 ans. En atten-
dant, le 19 décembre on sera Oli
à l’affiche du Pandafest à Ede-
gem en Belgique avec Devil
Sold His Soul et il y aura aussi
Aborted au menu. Ça va faire
très mal et on est ravis de faire partie de la fête. Avant
ça, le 5 décembre on sera aux Cuizines de Chelles avec
les copains de The Prestige et Sofy Major pour la soirée
label de Basement Apes, ça promet ! On compte sur nos
copains parisiens pour prendre le RER...

Vous êtes passés par le crowdfunding, ça a plutôt bien
marché...
Oui, à partir du moment où les gens qui nous supportent
ont répondu présent et qu’on a pu faire cet album, on
est très contents et reconnaissants. On n’a pas vrai-
ment conçu ça comme du crowdfunding au final, mais
plutôt comme un pre-order lointain. On a fait attention
aux prix, etc... pour que tout le monde s’y retrouve, que
ça soit un poil plus cher pour qu’on puisse enregistrer,
mais que les gens lâchent pas un bras pour une version
vinyle à 300€.

Il y a eu un don à 400 euros ?
Non, pas de don à 400 € par contre, on ne forcera per-
sonne à déménager pour tapage nocturne après notre
passage dans son salon.

Alex a rejoint Unswabbed, si les deux groupes peuvent
jouer le même soir, qui a la priorité ?
Et pourquoi pas jouer en même temps, faire une battle, 1

16

SHIKO SHIKO LES DISQUES DU MOMENT

Maké Maké (Platinum Records)

cette propension à emmener l’auditeur dans une transe
loufoque et une richesse dans les instrumentations
qu’ils doivent à ces influences éclatées mais aussi à
leur propre talent et ingéniosité... Bref, tu ajoutes à ça un
songwriting qui ne faiblit pas et tu obtiens Maké maké,
de l’endorphine et du swag sonore par palettes de 12.

David

Dire que l’on est fan de Shiko Shiko à la rédac’ (enfin, sur-
tout Ted et votre serviteur, les autres n’ont pas encore
cédé à notre prosélytisme mais ça ne va pas tarder...)
est un euphémisme tant ces mecs-là ont su développer
un univers qui leur est propre. Une conception de la pop
bandante, jouissive, une volonté de choper l’auditeur
sans pour autant faire les égouts du mainstream, tout
en restant exigeant et singulier. Puis en plus, ils sont
particulièrement excellents en live. Enfin bref, ce groupe
a bien des atouts dans son caleçon.

Avec Maké maké, le groupe ne fait que renforcer notre
attachement avec une série de titres tout bonnement
excellents. Au milieu de pistes très immédiates, des
morceaux plus longtermistes dans la digestion font leur
apparition. Et c’est un peu ça Shiko Shiko, des éléments
qui te catchent les neurones de suite («Normcore»,
«Scalpelogique», «Gloomy part I»...) et d’autres dont
les qualités n’apparaissent pas instantanément. Parmi
ces morceaux qui se laissent mériter, on pourrait citer
l’excellent «Akira & Virgile», l’un des premiers titres
dévoilés lors de la promo de l’album, une sorte d’opéra-
fourre-tout-rock ou «Weimar 1900» qui cumule un peu
tout ce que l’on aime chez Shiko² : ces vocalises habi-
tées, ces ambiances volatiles, les phases percussives,

17

LES DISQUES DU MOMENT ARMAN MELIES

Vertigone (At(h)ome)

à travers tout.

Arman Méliès est vraiment un artiste insaisissable. Alors Vertigone est peut-être moins marqué que les premiers
qu’il nous était revenu avec un album marqué par l’élec- opus par un champ lexical sorti d’un autre siècle, les
tronique, il enchaîne avec un opus où il semble se cacher mots sont davantage usités par tous, on trouve quand
derrière sa guitare et ses tatouages dans un cadre très même quelques pépites poétiques, et si certaines
«rock retro». Impressions vérifiées après de multiples exigent une petite recherche («caresses éolites»), la
écoutes, quand les notes se sont tues, les vapeurs qui plupart s’impose purement et simplement : «Une langue
restent sont celles de la voix si particulière de Jan et sans âge et indomptée / Dans nos corps, nous dira où
quelques douces mélodies pop, construites au synthé creuser» ou «Et nos âmes mêlées / Pour une heure /
(le superbe «Tessa», l’éponyme «Vertigone») ou à la 6 Incendiées.». Arman Méliès reste un formidable auteur,
cordes («Constamment je brûle», «Mercure»...). capable de jouer avec les mots avant même de les faire
Et il a beau varier les rythmes, en donner parfois beau- sonner, se rencontrer, les mettre en harmonie avec gui-
coup, apporter des sonorités différentes (saxophone, tare ou piano, leur donner des formes, une vitesse, un
banjo, claviers...), tenter quelques folies, on en revient impact, les transformer en nuage sonore qui vient nous
toujours à l’essentiel : une voix et des textes qui enivrent percuter ou dorloter les oreilles. Le bonhomme n’est pas
et qui font voyager sans effort. du genre à faire des faux-pas, cette nouvelle pièce ajou-
tée à sa discographie continue de prouver son génie.

Oli

Arman Méliès peut ainsi proposer ce qu’il veut, donner
dans le binaire («Fort Everest») ou le plaintif électroni-
sant dépouillé («Olympe (à la mort)»), surfer sur une
musicalité moderne (les touches électroniques que
ne renient pas en ce moment Aaron, «A deux pas du
barrage») ou rester simple dans la construction d’une
chanson rock («Les chevaux du vent fou»), peu importe
les inspirations, les influences, les volontés, c’est son
chant qui sert de fil d’Ariane, de point de repère brillant

18

THE VIEW ELECTRICAL LES DISQUES DU MOMENT

Roseland (Hummus Records)

procurer de fortes émotions, qu’elles soient fragiles ou
mouvementées, salvatrices ou tristes. Il faut dire que
The View Electrical ne lésine pas sur la cargaison de mu-
siciens (une douzaine si j’ai bien compté, de Suisse et
d’ailleurs) et d’instruments (pas mal de guitares, mais
on trouve également la présence de notes de harpe, de
clavier, de piano, de violon ou de violoncelle).

Le prolifique label rock suisse Hummus Records (Coil- Un projet ambitieux donc, très orchestral par moments
guns, Impure Wilhelmina, Kunz...) n’en finit donc plus avec ce souci constant d’équilibrer au mieux les pistes
de nous surprendre avec la mise en lumière d’une autre afin d’éviter les artifices inutiles et la grandiloquence
formation de leur coin (enfin, à plus d’une heure en fastidieuse. Et cet exercice, fréquemment périlleux, est
bagnole de la Chaux-de-Fonds quand même), à savoir dans ce cas présent plutôt bien réussi dans l’ensemble.
les Lausannois de The View Electrical. Officiellement Idem pour le travail des voix et des chœurs avec notam-
duo, initié à l’automne 2012 par la rencontre entre le ment la participation de la gent féminine qui fait un
chanteur-guitariste Frédéric Aellen de Sonograph et le bien fou sur quelques titres («It was time», «A voice
guitariste-claviériste Raul Bortolotti de Kruger et No of my own», «We won’t stay»). Seul bémol à ce sujet
Sun In San Francisco, le groupe se considère davantage : la voix souvent suave de Frédéric n’est pas toujours
comme un collectif de musiciens libres et volontaires à l’aise avec l’accent anglais, la fluidité en pâti surtout
qui se veut aux antipodes de la formation rock lambda, lorsqu’elle est mise en avant sur des couplets... si tant
selon leurs dires. Ils ont sorti en mars 2015, Roseland, est que l’on ne lui trouve pas à la longue une certaine
un premier LP avoisinant le style indie-pop abouti en uniformité gênante.
deux ans à partir de sélections de démos que Frédéric
avait enregistré plusieurs années en amont de la créa- La densité sonore de Roseland est traduite par ce désir
tion du projet. d’amalgamer les influences des deux membres qui sont
assez nombreuses (folk, hip hop, ambiant, métal, new
Mis entre les mains de Magnus Lindberg pour le mixage wave, électronique, bandes originales et rock 90’s) et
et le mastering, mais produit par le groupe, Roseland sont disséminés ci et là selon les envies. Cela rend le
est un long périple de plus d’une heure à travers douze contenu passionnant tant dans la maîtrise parfaite des
titres décomplexés qui, faute d’un peu de patience et de instruments que dans la direction que prennent les com-
réécoutes, peut s’avérer lourd à digérer. Et ce, même si positions. The View Electrical vous a préparé un beau
le style musical est, disons, facilement accessible par voyage et saura vous guider, il vous suffira juste de tenir
ses multiples tentatives (souvent fructueuses) pour sur la longueur sans s’arrêter sur des détails.

Ted

19

LES DISQUES DU MOMENT THE SWORD

High country (Razor & Tie)

Oui, tu n’es pas le seul à découvrir des groupes qui sont désertique. Si en quelques secondes le ton est donné,
excellents et viennent de sortir leur cinquième album là où on chercherait des influences et des points de
en presque 10 ans... Ca arrive à tout le monde, et c’est comparaison (oui, The Sword n’est pas franchement un
pas parce qu’on donne l’impression de connaître plein précurseur dans ce genre), ici on se laisse gagner par
de trucs qu’on connaît tout, loin de là. La preuve avec la chaleur du combo et on apprécie purement et sim-
cette pépite qu’est The Sword. Les Texans font parler plement ses compositions. Avec l’insouciance que les
leurs instruments depuis 2003 sous la direction John Américains nous transmettent (le côté pop de «High
D. Cronise, principal compositeur des textes et chanteur country» ou de «The bees of spring»), on est à la cool
qui emmène dans son sillage Kyle Shutt (guitariste), (vas-y tapisse le sol des notes de «Silver petals»), au
Bryan Richie (bassiste) et depuis 2011 Jimmy Vela soleil avec eux (même quand on se les gèle comme en
(batterie) arrivé juste après Warp riders. J’avais du lire ce moment), on oublie les soucis (et on en a bien be-
l’article d’Aurelio en 2010 mais je n’avais pas retenu le soin en ce moment) et avec un peu d’aide on pourrait
nom du groupe qui a fait continué son petit bonhomme facilement décoller pour rejoindre les gars en mode «je
de chemin, élargissant sa fan base peu à peu (ils ont plane» («Mist & shadow»). Parfois, ils vont un peu trop
ouvert pour MetallicA, Nebula, Clutch, Lamb of God, Ma- loin dans le délire et reviennent avec des titres complè-
chine Head, Kyuss...) et se faisant un nom en Europe au tement dépouillés («Seriously mysterious» ou «Turned
gré des tournées et du bouche à oreille. Les voilà dans to dust») qui leur assurent une part d’originalité bienve-
les miennes avec ce que certains qui les suivent depuis nue. Parce que jouer des titres instrumentaux, là encore,
longtemps considèrent comme leur meilleur album : ils ne sont pas les seuls à le faire, par contre, leur donner
High country. une couleur assez inquiétante comme sur ce «Agar-
tha», rares sont les combos «stoner» à s’y risquer. The
Sword transforme donc tout ce qu’il touche du fil de son
arme en or quand il sort des clichés, et même quand il
fonce droit dans le tas, c’est encore excellent («Ghost
eye» par exemple).

15 titres, 50 minutes de rock stonerisant à la fois ouvert
et homogène, un son aux petits oignons, un artwork qui
cadre avec le genre, High country est la très bonne sor-
tie de ce registre pour la fin de l’année 2015 car quoi
qu’il tente, The Sword le fait avec goût et nous amène
toujours à trancher en son sens. Et non, il n’est pas trop
tard pour les découvrir.

Oli

Après une intro instrumentale assez courte plutôt psy-
chédélique, le grand huit des riffs incandescents se
met en marche avec un chant assez typé seventies et
une rythmique qui joue avec les codes du genre stoner

20

BACKYARD BABIES LES DISQUES DU MOMENT

Four by four (Gain Music Entertainment)

Putain mec, si tu m’avais dit que j’écouterais du nouveau Car si tu enfournes dans ta hi-fi Four by four, tu vas ar-
son de Backyard Babies en 2015, je me serais bien foutu rêter de te prendre la tête et tu vas profiter. Oui, tu vas
de ta gueule. Sans déconner, les gars ont lâché l’affaire, profiter de la puissance du single « Thirt3en or nothing
non ? Dregen balançait des guitares il n’y a encore pas », morceau hyper rock ‘n’ roll (c’est à dire, rock ‘n’ roll,
si longtemps pour Michael Monroe (ex-chanteur d’Hanoï mais encore plus que ça, ok ?). Profiter des riffs punk
Rocks), Nicke Borg avait l’air d’être plus attentif à ses de « I’m on my way to save your rock ‘n’ roll » (un peu
bourrins sur les champs de course qu’à ses gammes prétentieux mais tellement vrai !). Profiter des guitares
de pentatonique, et les deux autres zicos auraient pu rock, de la basse omniprésente et de la batterie impo-
postuler dans un remake de Perdu de vue d’un Jacques sante de « White light district », « Piracy » ou « Wasted
Pradel suédois. Bref, ça sentait grave le roussi. Sauf que years ». Profiter (mais à petite dose, hein) de « Bloody
là, ça blagotte pas, les gaziers sont de retour, et pas pour tears » balade toutefois dispensable, j’en conviens. Pro-
de la triche. En atteste l’excellent Four by four. fiter également des morceaux mélodiques et puissants
(tous, et plus particulièrement « Never finish anythi »
Pour les ignares et autres incultes qui prendraient le et le presque parfait « Mirrors » et sa surprenante gui-
train en marche, Backyard Babies est juste un groupe qui tare steel). Et enfin, tu va profiter de sortir des sentiers
a la classe. Balançant sans complexe un mix de punk, de battus avec le démoniaque « Walls », pièce unique de
glam et de rock ‘n’ roll, le quatuor suédois a connu des plus de 7 minutes aux guitares acoustiques, à la contre-
hauts et des bas, et reste notoirement connu pour être basse magique, évoluant vers des riffs percutants et
un groupe de scène (le fabuleux live live in Paris édité en une fin apocalyptique lourde et pesante à la limite d’une
2005 en est le parfait exemple). Actif par intermittence démence Black Sabbathienne. En clair, tu profites !!!
depuis 1987, tu peux légitimement te demander ce que
ce band peut apporter de plus en 2015. Oui, tu peux, A défaut d’être surprenant, Four by fourest captivant.
mais si tu continues à te poser trop de questions, tu vas Essentiellement accès rock ‘n’ roll, Backyard Babies exé-
en prendre une dans la gueule, capice ? cute ce qu’il sait faire de mieux : mélanger les mélodies,
les riffs percutants et les refrains qui te trottent dans
le ciboulot pendant un bon moment. Le groupe n’a rien
perdu de sa superbe, en témoigne sa prestation rageuse
(mais sous mixé) lors du dernier Hellfest. Et ouais mec,
les vieux schnocks sont de retour, et ils vont te botter
le cul. Car Backyard Babies, c’est juste du rock ‘n’ roll.
Avec des mauvais looks et des tatouages dégueulasses,
certes, mais avec une énergie qui ne pourra pas te lais-
ser indifférent. Allez, maintenant, dégage et va prendre
une bonne leçon avec ce putain de disque qui ne fera
pas avance le schmilblick qui aura le mérite de te faire
bouger le popotin.

Gui de Champi

21

INTTEERXVTIEEW

INTERVIEW > THE ARRS

C’est à Nico, à la fois frontman et auteur des textes de The Arrs qu’on a posé des questions sur ce nouvel album,
depuis son écriture jusqu’à son enregistrement avec également un peu de live et de clip au menu d’une discussion
à la fois grave et légère. Rock on !

Les mélodies dans The Arrs, c’est désormais juste la gueule et le thème qui s’y rattache devient la ligne
pour décorer un peu ou on pourra un jour de nouveau directrice. Dès lors, je rassemble toutes les pensées et
entendre un titre dominé par un chant mélodique ? je construis les textes autour.
Sur Khronos, on a substitué les mélodies à la voix par les
refrains appuyés par des chœurs, et des arrangements Il y a une sorte de «comité de relecture» où le reste du
plus subtiles. On a eu la volonté de donner une couleur groupe peut modifier ou valider tes textes ?
humaine et fraternelle à cet album, ce qui le rend plus J’ai le privilège d’avoir une totale liberté sur l’écriture. On
digeste. Pour ce qui est de replaquer des mélodies à la discute ensemble des différents thèmes de base, mais
voix, on ne se ferme aucune porte, on se laisse porter je jouis d’une liberté totale d’expression.
par nos envies du moment.
Même question alors pour les thèmes abordés, il y une
Que les textes soient sur des sujets universels ou plus sorte de brainstorming ?
personnels, je les trouve toujours justes, comment se Il y a des propositions qui transpirent de temps à autres.
déroule leur écriture ? Mais dans l’ensemble, je fais les propositions.
J’ai pour habitude de griffonner des phrases, sur un
papier qui traîne, sur mon smartphone. J’attends tou- «Prophétie» est le résultat d’un travail fantastique ou
jours d’avoir quasi toutes les instrus de l’album pour me comment réutiliser des discours historiques dans une
plonger dans l’écriture des titres. Chaque composition chanson sans simplement balancer un sample, com-
apporte une atmosphère particulière, le premier travail ment est venue l’idée ?
passe par l’improvisation émotionnelle, une phase de J’ai découvert ce discours il y a quelques années. J’ai un
yaourt. Ça consiste à brailler sans texte dans un fran- profond respect pour les convictions et les valeurs que
glais qui pose les bases de la dynamique inspirée par défend Robert Badinter. C’est un discours historique,
la musique. Ensuite , il y a une étape de relecture des pas assez connu et qui devrait être commenté à l’école.
bribes écrites sur plusieurs mois auparavant. Alors que Les mots, le sens de ses propos sont forts. Son texte a à
j’ai une idée des flows, certaines phrases me pètent à peine été revu, il s’agit ni plus ni moins que d’une inter-

22

prétation de son discours. Malgré la puissance qui se Vous avez clipé «Hors-norme», il y a un gros et beau INTTEERXVTIEEW
dégage de ce morceau, je continue de trouver son inter- travail de post-prod et à la fin, on retrouve le groupe en
vention bien plus enragée. «faux-live», pourquoi ne pas avoir terminé avec l’idée
principale ?
Comment se compose un tel assemblage ? Ca ne doit Le clip a été réalisé par un pote d’enfance, Davide et
pas être simple de «jammer» autour d’une telle idée... son binôme, Guilian. Ce sont des bêtes de technicien de
Le titre était composé, en écoutant l’intro au propre, l’image, FX et tout le bordel. Davide vient du hip hop, on
le discours m’est revenu en flash. Et la magie a fait le s’est inspiré des clips du Wu Tang Clan ou de Jedi Mind
reste.... Il colle dessus au rythme et à la seconde prêt. Tricks pour les plans face caméra. On a toujours eu cette
Donc la simplicité même. Le feeling... aspect hardcore street sur scène. C’est comme ça que
lui nous voyait. Guilian, lui, c’est un metalleux, il connaît
C’est un texte qui honore la Résistance tout en revenant nos codes, on trouve que le rendu colle parfaitement à
sur des heures très sombres de l’histoire de France, le The Arrs. Les deux univers du clip sont complémentaires,
titre de l’album fait référence à la mythologie, tout le au même titre que leur collaboration est un mix hip hop
groupe est fan d’histoire ou ils subissent ? et metal, d’où l’envie de nous voir en live sur la fin.
On ne subit rien ni personne, on ressent l’’histoire
comme une réponse à nos questions et une référence En studio, vous avez encore fait confiance à Francis
pour notre avenir. Je suis fils de résistant, j’ai grandi Caste, pourquoi être retournés vers lui ?
dans le respect et la hargne de vivre. Des valeurs qui, Naturellement, notre premier choix c’était tourné vers
hélas, aujourd’hui ont une résonance qui fait froid dans Fred Duquesne avec qui on avait enregistré notre album
le dos au vue de l’actualité en France et des attaques ter- précédent. Mais ça ne collait pas niveau planning. On a
roristes. Si tu reprends tous les textes depuis le début , direct switché sur Francis Caste, on a toujours été très
depuis CxH sur notre première démo, tu pourras faire le satisfait de ses prods. Pour mémoire, il a officié sur nos
constat, que tout est tourné vers la recherche de belles trois premiers albums. On avait eu besoin d’un nouveau
valeurs et sur un travail de mémoire pour ne pas oublier regard, d’une nouvelle oreille, d’où notre collab’ avec
que l’on doit garder le contrôle et résister aux agressions Fred. On a donc décidé de revenir vers Francis, et ça a
extérieures. fait des étincelles, des flammes même, le son est dan-
tesque !
Avec les élections de début décembre, la Résistance
est encore d’actualité, à part la musique, vous pourriez En novembre, vous avez fait pas mal de concerts mais
utiliser d’autres armes ? dans des salles que vous écumez depuis presque tou-
On a chacun un rôle citoyen à jouer dans une société, jours, qu’est-ce qui vous manque pour passer au cran
à ce jour, on étale nos opinions sur la place publique à du dessus ?
travers nos albums et nos lives. Il y a autant d’armes Tu sais The Arrs, c’est des clubs de 200 à 500 personnes
que d’opinions, espérons que l’extrémisme ne l’emporte selon les shows. Un public putain de fidèle, le cran au-
pas, pour nous désunir, ce serait un échec que de reve- dessus serait de monter des plateaux avec d’autres
nir en arrière, dans un climat de haine et de peur. groupes de notoriété équivalente et des plus gros pour
mixer les différents publics.
Il y a de nombreux guests sur l’album, c’était portes
ouvertes en studio ou les titres étaient vraiment écrits Quand tu veux sortir de la musique, avec quoi tu
pour que d’autres interviennent ? t’évades ?
Enfin des questions plus légères ! (rires) Pour l’inter- Dans mes projets perso avec ma femme et mes enfants.
vention de Kubi de Hangman’s Chair et de Poun de Black Et en soirées arrosées...
Bomb A c’était de l’impro totale lors de notre session de
chœurs. On s’entend très bien, la voix de Kubi était par- Merci Nico, merci The Arrs et merci Karen chez
faite pour l’additionner à la mienne sur le refrain, pour Verycords.
lui donner plus d’ampleur. Et pour le titre «Prophétie» Photo : DR.
où Poun mute à la fin du morceau, c’est un concours de
circonstance, je n’avais pas encore posé ma voix sur la Oli
fin de l’instru. Il a donc comblé le vide en one shot, après
avoir chanté sur tous les chœurs de l’opus.

23

LES DISQUES DU MOMENT MANU

La vérité (Tekini Records)

La vérité ? Manu n’a jamais été aussi proche de Dolly. reprises (parmi les groupes qui se sont amusés avec
Les concerts, le travail «en groupe», l’anglais, le moyen le riff entêtant on peut citer les Buzzcocks, Ash, Skunk
de sortir une certaine énergie ? Peu importe les raisons Anansie, Therapy?, Green Day, Supergrass, Rasputina et
de ce retour aux sources plus rock car même si on adore même les One Direction), ici, à part la voix, moins che-
la douce Manu en version pop, on l’apprécie encore da- vrotante, on reste très proche de l’idée d’origine avec un
vantage dans un nuage distorsion survolée par sa voix fond sonore un peu brouillon d’où ressortent les notes
cajoleuse. qui, avec la dynamique, font le sel du tube. Et si là, l’an-
glais s’impose, on le retrouve aussi par ailleurs («Toi et
Si la guitare n’avait jamais vraiment quitté les bras de moi», «Bollywood»), par bribes comme si la langue du
Manu, la saturation n’avait jamais été aussi présente rock venait s’incruster naturellement dans le français
que cet opus, elle est omniprésente, seul un titre y maternel de Manu («Happy end nous restons dans le
échappe, c’est «Je pense à toi» et son dépouillement mood / Take my hand et serrons-nous les coudes ...»),
musical d’où émergent essentiellement les sons graves comme une évidence. L’anglais n’est pas nécessaire
du violoncelle qui rappellent fatalement Apocalyptica. pour donner du rythme et du punch, notre idiome peut
L’autre plage de calme, c’est «A quelqu’un», qui com- aussi sonner et faire claquer les mots («Un baiser dans
mence comme une complainte un peu résignée avant de le cou», «Comme un gant») comme leur donner une
peu à peu se transformer en fougueux élan électrique. harmonie qui nous emporte avec force (et rappelle un
Pour le reste de l’album, l’électricité est déjà à tous les peu plus Dolly, «La vérité», «Encore de moi»).
étages avec l’envie d’en découdre plus frontalement et
carrément de faire honneur à une vieille gloire du punk La vérité ? Peut-être que la vraie nature de Manu refait
rock. Manu reprend en effet «Teenage kicks», le titre de surface, qu’il lui est impossible de calmer ses démons
The Undertones qui s’il est écrit à l’été 77, sort en 78 «de jeunesse», que le Rock est plus fort que tout et
alors que les Sex Pistols ont braqué tous les regards sur comme, finalement, il s’adapte parfaitement à ses volon-
un nouveau genre musical. Ce morceau est devenu un tés de douceur et de mélodie, le mélange détonne plus
standard du punk grâce entre autres à ses nombreuses qu’il n’étonne. De toute façon, avec Manu, le charme agit
toujours, quelque soit son arme.

Oli

24

ZEUS! LES DISQUES DU MOMENT

Motonotono (Three One G Rec., Tannen Records, Sangue Dischi)

orchestré. D’autant plus que les hostilités et les équa-
tions rythmiques reprennent de plus belles avec «All
your grind is love» qui comme son nom l’indique épan-
che leur soif d’une virulence primaire et régressive avec
un titre qui passe comme une lettre à la poste.

Avec Motomonotono, les excellents Zeus! reviennent se Après quelques écoutes, on s’aperçoit également que
rappeler à notre bon souvenir avec un album 10 titres le groupe a disséminé des accroches, des samples qui
qui jusqu’au boutise encore un peu plus la démarche du facilitent la compréhension de leur musique. Reste que
groupe et leur math-grind-noise expérimental. Autant Motomonotono est un objet difficile à apprivoiser, le tout
le dire tout de suite, si c’est ton premier contact avec le semble de prime abord aride comme le désert de Gobi,
duo d’Imola (vroom, vroom...), on te conseillera de jeter mais passé la maîtrise dudit objet, c’est un régal pour les
tout d’abord une oreille sur leur précédent méfait, Opera, oreilles et l’envie de se prendre cette oasis rythmique en
qui jouissait d’une concision le rendant nettement plus live grandit exponentiellement. Excellente sortie. Et s’il
abordable et immédiatement jouissif. Sur Motomono- fallait encore un argument massue pour te convaincre,
tono, les Zeus! appuient sur l’accélérateur expérimen- Zeus! bénéficie du parrainage de Justin Pearson (The
tation et démontrent, s’ils avaient encore besoin de le Locust, Retox...) et de son label Three One G, un gage de
démontrer, qu’ils sont bien le haut du panier quand il qualité et la promesse d’une baffe sonore.
s’agit de musique IN YOUR FACE exigeante.
David

Dès le premier titre, «Enemy e core», on retrouve cette
force de frappe qui allie une puissance et une science
du rythme qui marquent instantanément les esprits.
En quasi 5 minutes d’un groove indus cinglant qui n’est
pas sans rappeler leurs collèges de Morkobot, Zeus!
offre une entame d’album abrupte et sèche, une ode à la
répétition rythmique et au caractère nettement hypno-
tique qui en découle. Volontairement oppressant durant
les pistes suivantes, le duo permet une respiration avec
«Panta reich», une bizarrerie ambiante qui fait figure
de salon zen au milieu de tout ce vacarme savamment

25

LES DISQUES DU MOMENT SAINT ASONIA

Saint Asonia (RCA Records)

Encore un supergroupe... En tout cas, un groupe formé ces couplets dominés par la rythmique avec le chant
de zicos qui ont une histoire assez conséquente. Notam- où la guitare vient faire un petit tour (oui, quand même
ment sur le sol nord-américain parce que Adam Gontier dans Staind la guitare avait aussi son importance)
et Three Days Grace n’ont jamais vraiment percé chez avant de reprendre la direction des opérations pour un
nous (comme bon nombre d’autres groupes genre 3 gros refrain et le pont en mode guitar heros (mais pas
Doors Down). Le chanteur guitariste s’est acoquiné de trop) pour remettre une couche, histoire que tout le
Rich Beddoe (ex-batteur de Finger Eleven et lui aussi ori- monde puisse chantonner encore une fois. C’est un peu
ginaire de l’Ontario) mais aussi de deux autres lascars caricatural mais pour «Better place» (un single tout en
au pédigree plus imposant encore. A la basse de Saint puissance avec ce petit arrière-goût de très bon Filter),
Asonia qui débarque en force en 2015, on trouve donc «Fairy tale» ou «Dying slowly», ça fonctionne tout à
Corey Lowery actif par le passé au sein de Still Rain, fait. Parfois, le groupe met plus de poids ou d’accroche
Stuck Mojo ou Stereomud ! Du lourd mais pas autant que dans la disto («Blow me wide open», «Happy tragedy»)
la patte de l’autre guitariste qu’est Mike Mushok, un des pour rappeler qu’ils sont forts et que les demoiselles
piliers de Staind. C’est assez secrètement qu’ils ont bos- seront en sécurité dans leurs bras. Car oui, la demoi-
sé tous les quatre pour confirmer leur existence en mai, selle risque d’être charmée par des titres plus faciles
quelques mois donc avant la mise en bac de leur premier d’accès, des titres peu intéressants (comme «Live my
album éponyme (fin juillet). Un opus produit par Johnny life» ou «Leaving Minnesota»), des balades indispen-
K (Machine Head, Disturbed, Soil, Megadeth mais aussi, sables dans un album du style, plutôt sympatoches car
tiens donc Finger Eleven ou Staind). pas trop larmoyantes ici («Waste my time» et «Trying
to catch up with the world») ou alors par des composi-
tions très arrangées, ultra produites, plus travaillées,
peut-être plus douces mais avec un réel intérêt dans
leur construction comme «Even though I say» et dans
une moindre mesure «King of nothing».

Saint Asonia est un super groupe ultra typé, entre post-
grunge, voix charmeuse et power rock velu, c’est ce dont
raffole les rednecks mais là où certains faisaient de la
soupe boueuse (Puddle of Mudd) avec 3 accords et deux
mélodies, ici, les lascars expérimentés mettent leur art
au service de la cause, peut-être pas très noble pour cer-
tains, mais voilà, ça fait partie du paysage Nord-Améri-
cain et pour les quelques-uns qui y sont sensibles de ce
côté-ci, c’est du très très bon.

Oli

Pour ce qui est de sa musique, Saint Asonia ne cache
pas son amour pour le power rock qu’on qualifie par ici
de «rock US» tant ce style à la fois musclé et produit
correspond à ce que font mieux que personne les Ri-
cains. Si tu aimes le style précité, tu vas te régaler avec

26

SAF LES DISQUES DU MOMENT

Hell hath no fury like me (Sober & Gentle)

souviens-tu du Bleu noir de Mylène Farmer ?). Sans
savoir concrètement ce qu’il a apporté sur ce disque,
on peut éventuellement lui reconnaître ses program-
mations électroniques minutieusement mises en place
sur des titres comme l’intimiste «Don’t fucking touch
me» ou le sublime morceau éponyme captivant par son
aspect itératif. SAF développe donc un certain goût pour
la recherche de sonorités et de mélodies captivantes,
qu’elles soient rock, pop ou électro, ainsi que dans les
vocalises qui siéent à la situation, qu’elles soient vo-
luptueuses («Clouds», «Leaving you»), convulsives
(«Bam!») ou revendicatrices («Face»).

C’est sous le patronyme de Suck As Fuck que SAF dé- Le groupe s’est fait connaître par des singles, dont l’in-
bute son aventure en 2012. Ce projet lie la chanteuse troductive «Nailstorm» (dont la longueur est paradoxa-
Marianne Elise Simonot (ex-Nouvelle Vague, Yuksek, lement de 8 minutes) qui a été reprise sur ce premier
Klanguage) et le guitariste Eat Gas (ex-Hey Hey My My), disque dont le titre fait référence à un album des Clipse,
le tout chapeauté par le co-fondateur d’Archive, Darius excellent duo de rappeurs de Virginia Beach, sorti en
Keeler. Produits par ce dernier qui compose aussi avec 2006. Hell hath no fury like me ne déroge pas à la règle
le duo, un premier single Fast puis un EP intitulé Nails- tant ses titres sont immédiats et efficaces sans pour
torm voient le jour et permettent au groupe de tourner autant se confronter à des formats extra-courts. Équi-
avec Archive afin que le bouche à oreille prépare la sortie librées, les compositions du duo peaufinées entre Paris
d’un premier album. Ce dernier nommé Hell hath no fury et Londres sont influencées par Sonic Youth, Can mais
like me débarque un an plus tard, en juin 2015, sur le surtout PJ Harvey et Archive (forcément), et montrent
label Sober & Gentle (Cocoon, Hey Hey My My, Mother un état des lieux plus que satisfaisant du projet, à savoir
Of Two), et allie une pop sensualisée domptée par l’in- un groupe qui a parfaitement su préparer son petit bébé
fluence d’un post-punk salvateur mâtiné de plages élec- à l’avenir.
troniques.
Et ce, aussi grâce à vous, car la diffusion et les frais de
Enregistré au RAK Studios à Londres, le premier LP de communication du disque ont été co-financés par une
SAF suggère par son artwork que son origine tient de la plateforme de crowdfunding. Elle est pas belle la vie ?
confrontation de deux cerveaux, d’un homme et d’une
femme. Évidemment, cela peut rappeler furtivement à Ted
certains des duos rock qui ont bien marché (The Kills
ou The White Stripes pour ne citer qu’eux), sauf que
ces deux-là sont surveillés de près par Darius Keeler
d’Archive, qui concédons-le, trouve un malin plaisir ces
dernières temps à aller exercer ses talents ailleurs (te

27

INTTEERXVTIEEW

INTERVIEW > VESPERINE

C’est Rémi, chanteur des Vesperine qui répond, Parmi les autres, sans détour à nos questions sur ce «nouveau»
groupe très prometteur qu’on voulait connaître davantage. Embarquement immédiat.

Vesperine, c’est un joli nom, ça vient d’où ? le truc c’est que entre 2005 et 2011, date de création
Au départ, on aimait bien l’adjectif «vesperal» dont effective du projet Vesperine, il s’est passé plein de
le sens convenait bien à l’ambiance générale de notre choses ! Après cette première période «Rap-Metal» et
musique. On se retrouvait sur le fond mais pas tout à ce premier EP, on a affiné, on ne s’est jamais arrêté de
fait sur la forme et en creusant un peu, on a découvert composer malgré les gros soucis de line-up, on s’est
ce vieux prénom féminin «Vesperine» qui nous a tout retrouvé à trois pendant 3 ans notamment, on s’est
de suite plus en terme de sonorité. Ça raccrochait avec largement dégagé de nos premières influences et on a
notre idée de base. C’était nickel. joué plein de trucs différents. Malheureusement, ce trait
d’union entre les deux références que tu cites, c’est à
Vous êtes passé d’un néo-métal très tendance dans les dire les deux EPs, n’a jamais été diffusé... Personne n’a
années 2000 à un post-hardcore très tendance dans posé d’oreille sur ce que l’on a fait durant ces quelques
les années 2010, Vesperine est un groupe de suiveurs années et c’a été pourtant une période très importante
? pour nous car elle nous a permis de dévier lentement sur
Si on présente les choses comme ça, c’est sur que ça ce que l’on joue maintenant... On a écouté et joué beau-
donne cet effet, de surfer sur une vague ou d’être un peu coup de trucs. Puis comme tout nouveau projet, on s’est
arriviste. Mais en réalité, les choses sont différentes et inspiré des groupes qui jouent ce que l’on aime le plus,
largement nuancées. Tu fais référence à notre premier dans lesquels on se reconnait à fond.
projet «sérieux» qui s’appelait Capsule ODC. Quand on C’est finalement le même système que pour notre pre-
a sorti notre démo, en 2005 je crois, ce groupe avait mier projet et que pour tous les groupes du monde. Ves-
assez peu de maturité. Nous avons tous besoin de réfé- perine n’est plus tout à fait récent mais le line-up, lui,
rences à nos débuts... Et c’est toujours difficile dans les l’est. Parmi les autres est constitué de morceaux qui
premières compositions de se détacher des véritables font parti de la vague de création du début d’un projet.
influences majeures du noyau dur d’une formation. Nos influences sont certainement un peu trop «mar-
Les nôtres, celles qui nous parlaient le plus à l’époque, quées»... Aujourd’hui, nous composons des choses bien
étaient cette espèce de fusion entre Rap et Metal...Mais plus personnelles car le line-up s’est stabilisé.

28

Comment composez-vous justement ? Vous arrivez à doué. Pour la conception de la pochette, on avait de va- INTTEERXVTIEEW
assembler différentes idées pour faire un titre ou alors gues idées, les bases, mais plusieurs rendez-vous avec
tout part d’une séquence et vous construisez autour ? Corto nous ont permis d’affiner et de réaliser ensemble
On part généralement d’un texte. Le sens de celui-ci cette belle illustration. De longues discussions ici aus-
nous est très utile pour avancer dans un morceau. Une si... L’idée vient de nous tous au final. On a tous rebondi
fois qu’un texte nous plaît, on se met d’accord sur une à un moment donné...
structure de morceau, on fait des ébauches, on fait le
tour des envies de chacun. On regarde aussi derrière C’est du photoshop ?
nous pour éviter de refaire les mêmes plans. On aime Non, Corto a pris ses pinceaux et là... On était ravi. Il a fait
bien se mettre un peu à l’épreuve, genre «tiens je ne sais une vraie peinture traditionnelle que l’on a du prendre en
pas faire ça» ou «on a pas de plan comme ça encore» photo pour pouvoir matérialiser et rajouter les éléments
et on y va. On passe parfois par de longues discussions de la pochette sur photoshop. Aujourd’hui la peinture ori-
avant de prendre les instruments. Quand le processus ginelle trône dans notre local. On l’a encadrée et on l’a
est lancé, on va surtout partir d’un riff qui nous plaît et garde précieusement.
voir comment l’exploiter et le faire évoluer sur la durée.
Votre musique doit aussi plaire aux Scandinaves, aux
Je préfère votre chant clair que votre chant lourd, Belges, aux Allemands... Vous pensez à vous exporter
le mode «véner» me semble moins naturel, me trompe- ou la Suisse, c’est suffisant ?
je ? On veut être écouté par le plus de monde possible et
Pour le coup, on ressent tous l’inverse. Mais c’est super dans le plus grand nombre de pays possible. C’est une
car ça veut dire que tu trouves les «clairs» réussis !!! On évidence. On va tout faire pour que là où l’on est suscep-
fait quand même, 80%, à la louche, de chant crié et on se tible d’être écouté, on puisse le faire. On y bosse.
sent bien avec ça. Mais on veut surtout pas éliminé les
20% de chant clair car on aime la mélodie. Qu’est-ce qui est le plus difficile pour faire vivre un
jeune groupe ?
Vous avez enregistré chez Fabrice Boy, il est très en Trouver des financements ? Avoir le temps ? Concilier
vue ces derniers mois, pourquoi l’avoir choisi lui ? la musique avec la «vie privée» ? Que les membres
Parce qu’on se connaît, lui et nous, depuis un petit mo- restent sur la même longueur d’ondes ?
ment... Sur Lyon, on avait beaucoup d’amis en commun Sincèrement, tous les problèmes que tu cites dans ta
avant de se rencontrer. C’était inévitable que l’on arrive question sont rencontrés par des groupes comme le
à se voir et à discuter son. On s’est entendu tout de suite nôtre. On est passionné, tous, mais à côté de ça, la réali-
et il a bossé pour nous avant l’EP en masterisant des té de la vie, c’est qu’il faut taffer pour gagner sa croûte...
démos. La suite logique était qu’il nous produise Parmi Donc on manque de temps, clairement, certains d’entre
les autres, connaissant la personne et la qualité de son nous ont des enfants, des tafs prenants, etc etc... mais
travail. aussi, bien sûr, de moyens financiers. Gérer la vie privée,
c’est chaud aussi... Faut toujours être dans la négocia-
Parmi les autres est sorti chez Send The Wood Music, tion (rires). C’est aussi devenu très difficile d’exister en
c’est là encore un label en vue ces derniers temps, com- tant que groupe amateur, de trouver des dates et de se
ment s’est passé le deal ? faire connaître. Heureusement, le label nous a filé un
Via Fabrice Boy ! C’est un ami du dirigeant de Send The coup de boost. Mais ça reste une jungle incroyable ! Si tu
Wood Music. A la sortie du studio en avril, il a envoyé les te bouges pas, t’as rien du tout.
pistes au label. Qui a kiffé. Simplement. Alors quand on se retrouve en répét’, on sait ce que l’on
doit faire, on doit nécessairement être très organisé.
La pochette est sublime, elle est signée Corto Rudant. La musique, c’est super chronophage en plus... C’est
Comment vous le connaissez ? L’idée vient de vous ? Il comme un deuxième taf. Mais celui-là te fait perdre du
a eu carte blanche ? fric !
Jérémy, notre bassiste, l’a accosté dans le train... Corto
griffonnait et ils ont commencé à discuter. Quand on a
eu besoin d’un illustrateur, Jérémy nous l’a suggéré na-
turellement. Cette première rencontre hasardeuse s’est
avéré super enrichissante car Corto est vraiment très

29

INTTEERXVTIEEW

L’avenir proche, ce sont de nouveaux concerts ?
On va défendre notre EP Parmi les autres sur scène pen-
dant un bout de temps encore. On a pas mal de concerts
prévus pour ça. On continue de composer entre les
dates.
Si on veut faire jouer Vesperine, qu’est-ce que vous
demandez ?
Pour faire jouer Vesperine, on demande beaucoup de
bières. Un simple défraiement aussi. On peut nous
contacter via notre page facebook/VesperineMusique
directement : c’est nous qui gérons notre calendrier,
comme des grands !
Merci Rémi et Vesperine, merci Hadrien et Send The
Wood Music.
Photos : DR

Oli

30

NOTHING BUT THIEVES LES DISQUES DU MOMENT

Nothing but thieves (RCA Records)

petits effets, il est vrai, fort bien servis par la puissance
des harmonies, simples et accrocheuses en diable.
Parmi les 16 morceaux qui nous sont offerts, un beau
petit paquet mérite l’adjectif «tubesque» et parmi eux,
«Wake up call», «Neon brother» ou le doucement tapa-
geur «Trip switch» dont la dynamique peut faire fléchir
n’importe qui.

Le Royaume-Uni est un pays expert en création de co- Si la facilité, le côté ultra efficace d’une musique cise-
mètes, les Nothing But Thieves seront-ils celle de 2015 lée te rebute quelque peu, Nothing but thieves apporte
? Moins de 3 ans après sa création, le quatuor venu d’un également des plages plus intimistes et moins radio-
bled au Nord de l’estuaire de la Tamise a conquis le pu- phoniquement correctes comme l’ensemble «If I get
blic anglais propulsant son premier album éponyme en high»/»Graveyard whistling» où plane une mélanco-
haut des charts et participant aux plus grands festivals lie certaine (version plus éthérée du Radiohead de The
(Reading, Ile de Wight, Dour...). Signé chez RCA (et donc bends pour le premier, promenade où le chant prédo-
Sony) après un seul EP (If you don’t believe, it can’t hurt mine pour le second). Les instruments disparaissent
you en 2013). Leur premier opus sort en en octobre quasiment pour laisser le chant libre sans pour autant
2015, il est produit en grande partie par Julian Emery que le chanteur n’en fasse des tonnes («Tempt you
(Simple Plan, Alex Hepburn...) et mixé par Cenzo Towns- (evocatio)»). A l’inverse, si tu veux du brut, du rock, de la
hend (Kaiser Chiefs, Snow Patrol, The Horrors, Editors...) vitesse, essaye «Painkiller», sa basse ronflante et ses
et pourrait séduire le monde entier en 2016. guitares débraillées.

Nothing But Thieves a les moyens de rameuter un large
public autour de ses compositions, les Anglais ont su
créer de véritables atmosphères sur des bases mélo-
diques évidentes et touchent ainsi ceux qui apprécient
ce qui sonne immédiatement à l’oreille comme ceux qui
voient l’énorme boulot derrière chaque morceau. Même
si, à la base, je ne suis pas forcément un bon client de ce
genre, là, je m’incline. Bravo.

Énormes arrangements qui donnent dans le lyrique sur Oli
une rythmique sourde et pesante, petites phrases mé-
lodiques, guitares qui se font discrètes et qui hachent
lourdement, dès l’ouverture de l’album, les Nothing But
Thieves vont faire le tri entre ceux qui vont adhérer à leur
musique ultra travaillée et ceux qui ne supporteront pas
certaines boursouflures pop trop marquées. Et alors que
je ne défends pas franchement la pop surproduite qui
fleure bon les semaines enfermées en studio (celle de
Muse bien sûr mais aussi celle du Radiohead de Kid A/
Amnesiac), ici, je suis complètement hypnotisé par les

31

LES DISQUES DU MOMENT KLOGR

Make your stand (Zeta Factory)

pas passionnant et j’avoue que j’ai pas mal zappé même
si l’ensemble rend bien compte du boulot de dingue
qu’exige un groupe qui veut tenir la baraque sur CD
comme sur scène.

Klogr (à prononcer «Kilo Gare» ou un truc comme ça Le point de départ du DVD, c’est tout de même la cap-
avec l’accent américain d’un italien) existe depuis 2011 tation du concert donné à Trezzo sull’Adda, une ville où
mais a pour habitude de tout recommencer à zéro après Klogr a posé ses amplis et ses caméras en novembre
la sortie d’un album. Comprend par là qu’après leur pre- 2014 pour jouer des titres issus de ses premiers al-
mier opus (Till You decay), Gabriele «Rusty» Rustichelli, bums. Le «Live club» a l’habitude de recevoir de gros
chanteur et guitariste, s’est retrouvé tout seul devant concerts (Nada Surf, Me First and The Gimme Gimmes,
changer les 3 autres membres du groupe ! Il récupère Millencollin bientôt, Godspeed You! Black Emperor, Sick
alors les zicos de Timecut pour préparer Black snow Of It All, Mudhoney, Bad Religion ... en 2015), le groupe a
qui sortira en 2014... une année qui verra de nouveau de la place pour jouer, les caméras sont fixes et proches
partir une grande partie du groupe (la moitié !). Bref, en des musiciens, le public est ultra sage (il se réserve
2015, le EP 3 titres Make your stand est une nouvelle certainement pour Guano Apes qui jouera ensuite), les
carte d’identité pour le quatuor, un EP qui nous est livré couleurs sont assez belles (le grain de l’image est im-
avec en bonus le Live in Trezzo et le DVD dudit concert de peccable) et le son tellement propre qu’on croirait du
Trezzo (près de Milan, en novembre 2014, pour les tout studio... Pour être tout à fait honnête, il ne se passe pas
débuts de ce line-up). grand chose durant ce concert, l’intérêt est ailleurs, à la
fois dans la démonstration du savoir-faire technique en
La remuante biographie de Klogr n’est pas occultée live du groupe et dans la présentation de titres que l’on
dans la partie «bonus» du DVD qui présente chacun peut découvrir si on a raté les premiers épisodes...
des chapitres de la vie du groupe au travers d’images
studio, live et en répèt’, avec des commentaires et des Terminons par le début, la sortie de l’EP, Make your
échanges entre les différents membres sous-titrés en stand, trois titres, une dizaine de minutes qui paraissent
anglais parce que ça parle surtout italien. On a ainsi 4 au final bien peu à côté de tout le reste (plus de 2h de
parties distinctes avec des line-up qui évoluent et entre musique). Trois morceaux qui semblent élargir encore le
15 et 50 minutes d’immersion avec le combo, pour le spectre des envies et des capacités du groupe de Rusty
fan, c’est forcément un régal, pour le profane, tout n’est qui touche autant à un métal classique (un peu de Me-
tallicA pour le chant clair rageux), à un autre plus ouvert
(des parties éclairées avec des sonorités proches de A
Porcupine Tree ou A Perfect Circle) et un autre plus brut
de décoffrage (le son de la disto, l’enchaînement des
riffs et des rythmes). L’ensemble sonne assez moderne
tout de même et se laisse écouter grâce à un chant très
accessible et des parties prog’ qui ne s’éternisent pas.

Oli

32

GRAVE PLEASURES LES DISQUES DU MOMENT

Dreamcrash (Metal Blade Records / Sony Music)

«Grave Pleasures ou la renaissance d’un groupe», voilà guitare, la formation nous entraîne dans un titre rapide,
qui sonne juste puisque la formation finlandaise a fait court, efficace. Grave Pleasures confirme ici son inscrip-
ses débuts sous d’autres formes. Ses premiers bal- tion dans un rock influencé par le psychédélique. La for-
butiements se retrouvent sous le nom de Beastmilk. mation classique rentre pourtant difficilement dans une
L’histoire ne dure pas. L’album Climax sort en 2013 et le case. Sa toute nouvelle création vient également puiser
chanteur Johan Snell met la clé sous la porte. Les autres dans le hard rock avec une pincée de métal. Le tout joué
membres relèvent le défi de continuer sous un autre de façon extrêmement théâtrale. Les solos de guitare
nom : Grave Pleasures. Retour en studio avec Kvohst à sont absents mais c’est pour mieux retrouver un coté
la place du lead-vocal. lancinant voir dissonant dans les séquences instrumen-
tales. La section rythmique semble vouloir nous faire
sauter le cœur. Le chant oscille entre une voix grave,
gutturale et cadencée et des montées en voix de tête
plus pop-rock. La pochette de Dreamcrash nous l’avait
pourtant annoncé : l’atmosphère est étrange, parfois
planante, et les cieux sont à la tempête, sans doute pour
illustrer des morceaux comme «Futurshock». Grave
Pleasures veut nous faire voyager au fil d’un son bien
à eux, qui mêle des influences multiples : survolté et
planant, énervé et psyché, dramatique et inquiétant.
La qualité de l’opus l’affirme : le phœnix renaît de ses
cendres.

Julien

Première mise en bouche proposée avec le clip «Crying
wolves». Une malle se pose étrangement sur fond rouge
et noir suivie de près par une tête de mort entourée de
bougies qui tournent sans cesse. Couleurs vives sur
couleurs vives, des images s’enchaînent rapidement et
se superposent sans suite logique. La voix de Kvohst
fait son entrée, en décalage sur le rythme soutenu,
dans le style d’un Robert Smith (The Cure). A peine la
minute passée, le chanteur nous fait la démonstration
de quelques envolées. Avec ce son mêlé aux images, le
groupe nous emmène loin.

«New hip moon» fait l’objet du second clip. Les couleurs
laissent place cette fois-ci à des images en noir et blanc
d’une beauté pure. Après une sobre introduction à la

33

LES DISQUES DU MOMENT FIVE FINGER DEATH PUNCH

Got your six (Eleven Seven Music)

aucun risque. Il faut être efficace avant tout. Ca passe
par une production millimétrée, une voix juste assez
méchante par moments pour ne pas faire fillette et un
ensemble de riffs et de rythmiques métal sacrément
calibrées. Et oui, si le titre peut se traduire (au vu de
cette énième pochette dans le même goût) par «Je te
couvre», on devrait plutôt le prendre comme «j’assure
mes arrières» parce que si la grosse brutasse (oh une
sorte de footballeur américain, comme c’est original !)
du digipak dégomme tout ce qui passe (oh, des zom-
bies, comme c’est original !), c’est bien pour remplir le
compte en banque des zicos qui valent forcément bien
mieux que ce qu’ils font.

Dans le monde de la musique, si on veut gagner gros, Alors pourquoi en faire autant sur ce groupe ?
mieux vaut ne pas jouer... Zoltan Bathory le com- Raclement de gorge.
prend très bien, ses premières expériences étant peu Coup d’oeil aux orteils.
concluantes... Mais le gars vit à Las Vegas, il comprend Petite voix.
qu’il faut mettre toutes les chances de son côté pour C’est quand même bien fait.
rafler la mise. Avec Jeremy Spencer (batteur), il cherche Ouais, faut bien l’avouer, les mecs sont super forts dans
le bon cheval et convainc Ivan Moody de quitter son ce registre ! Là où Stone Sour a réussi à s’enfermer dans
Colorado natal pour rejoindre ce nouveau groupe qui une niche dans le jardin Slipknot, avec les mêmes ingré-
bégaye encore en 2006 : Five Finger Death Punch. Leur dients, les Five Finger Death Punch ratissent bien plus
premier opus est autoproduit mais attire des labels qui, large et charment tous azimuts, même un vieux fan de
eux aussi, fleurent le bon filon. Le jackpot est atteint dès Tool, Pink Floyd ou Gojira comme moi. Inventivité, folie
2009 avec leur deuxième disque : War is the answer et et technicité sont mises au placard mais écouter ce Got
ses presque 1 million d’albums rien qu’aux Etats-Unis, your six fait du bien, autant de facilité doit demander
les pièces remplissent les gobelets, la cash machine un gros boulot et un certain talent. Il faut bien le recon-
est en marche et si le personnel gravitant autour de naître. Alors si toi aussi, de temps à autre, tu kiffes te
ces trois membres évolue quelque peu, il se stabilise en mater un énorme blockbuster avec un scénario écrit par
2011, permettant au combo de s’enflammer davantage un collégien et des énormes effets spéciaux, laisse toi
en sortant un double LP (les deux volumes de The wrong porter par ce nouveau chapitre des Las Vegans.
side of heaven and the righteous side of hell en 2013).
Fin 2015, les Ricains en sont donc à leur sixième album Oli
en 10 ans et continuent d’en vendre des palettes...

Tu l’auras compris, Got your six n’est pas le disque de
l’année et en terme de créativité, on peut repasser, Five
Finger Death Punch veut assurer et pour ça ne prend

34

BONEYARD MOAN LES DISQUES DU MOMENT

Lies & moonshine (Autoproduction)

de coton) ou gavés de spleen et de classe («Time» et
ses solos langoureux). En faisant preuve à la fois d’au-
dace et de concision, Boneyard Moan tient son auditeur
jusqu’au bout.

Tu l’as compris cher lecteur, il se passe un vrai truc avec Sans omettre le fait qu’il peut également se targuer
le blues à Nancy, et si tu aimes ça, alors tu pourra pas d’avoir un son génial. Et ça, à l’instar de leurs compa-
consommer plus pur qu’avec ce Lies & moonshine qui triotes nancéien de Blondstone, c’est grâce à un enre-
viendra à coup sûr réchauffer ton salon pour cet hiver. gistrement live et à des musiciens qui assurent pour de
Boneyard œuvre toujours dans un delta blues porté vrai, pas seulement en studio. Quand on vous dit live,
par John et sa voix houblonnée d’écossais et mené à la c’est live de chez live, puisque le groupe s’est même
baguette par Fred et son groove à la Seasick Steve (Fred passé de métronome. Les relous sortant de musicolo-
dont on t’a déjà vanté les talents il y a quelques numé- gie trouveront peut être une variation de tempo ici ou
ros dans la chronique du premier album des Dirty Work là, mais les vrais amateurs de rock’n’roll apprécieront
Of Soul Brothers chez qui il tabasse également à ses la dynamique super vivante et fraîche d’un album qui
heures perdues.). rend de la manière la plus honnête qui soit la qualité des
prestations réelles du groupe en concert. Une prod live,
Sauf que cette fois, et la basse de Max est loin d’être mais loin d’être crade, Romain (Dirty Work Of Soul Bro-
innocente, ça pulse un max avec une énergie rock’n’roll thers) ayant encore fait une petite merveille de mixage
ultra efficace. L’alliance du classicisme de John et de la avec une spatialisation du son absolument magnifique
touche un peu folle de ses deux compagnons fonctionne - que seul un lieu comme le TOTEM (R.I.P) était à même
à merveille, proposant un hillbilly blues carrément old d’offrir - et des arrangements et overdubs (solos de gui-
school mais qui ne pue pas le vieux retraité et encore tare, nappes de claviers) qui viennent assaisonner tout
moins la démonstration de technique barbante. ça de manière plus que pertinente.

Lies & moonshine est un album de hard blues bourré
d’authenticité et de feeling, aussi bon dans l’exécution
que dans la composition, tout en conservant ce côté
blues old school de derrière les fagots comme on dit
chez nous.

Elie

D’autant que le trio a su varier les plaisirs, balançant
tour à tour de quoi enflammer n’importe quelle salle de
concert («The devil in my soul», «Blackout blues» et sa
batterie qui se prend pour une gatling) et des morceaux
plus ambiancés («Holly molly» et son design champ

35

INTTEERXVTIEEW

INTERVIEW > BONEYARD MOAN

Le W-Fenec a rencontré Boneyard Moan à l’occasion de la release party de leur premier album, Lies and
moonshine, qui se déroulait le 11 décembre au 915 kaffe à Nancy. C’est après leur balance et pendant leur
pause pizza que Fred (Batterie), John (guitare/chant) et Max (basse) nous parlent de blues, des difficul-
tés de faire du rock en ville, et de religion. Une interview courte réalisée juste avant un concert puissant
comme on en n’avait pas vu dans le coin depuis un bail.

Vous présentez votre premier album ce soir, vous le guitare acoustique et c’est là que j’ai commencé à jouer
sentez comment ? un peu de blues. J’en ai fait un peu avec Fred et puis au
Fred : Ben ça va, on a bien répété ! [rires] (Ndlr : le final on s’est lancé sur la formule batterie / guitare élec-
groupe a fait trois bonnes heures de balance). Non c’est trique. Je reviens toujours à la guitare électrique.
cool on est content de rejouer à Nancy et de présenter Max : Donc ils ont voulu une basse, c’est là que je suis
l’album. (Le portable de Fred sonne) Merde ! Ma Maman intervenu.
! Pas grave, je ne réponds pas.
John : On a déjà joué ici pour l’ouverture du 915. On était Comment vous vous êtes rencontrés toi (John) et Fred
juste en acoustique, Fred et moi. avant que Max n’arrive ?
Fred : Donc ça fait plaisir de revenir au 915 aussi. Max : Au Medieval Pub à Nancy. Moi je jouais souvent là-
bas avec Fred justement pour Raymond (Ndlr : Raymond
Pourquoi vous faites du blues ? Court Toujours, le groupe de chansons paillardes de Max
Fred : Oh ben parce que... (Son portable sonne à nou- et Fred) et puis c’est là qu’on a croisé John.
veau). Fais chier ! [rires] Bon attends, je réponds. John : Ouais, en gros on a bu dans le même bar... [rires]
John : Why le blues ? Good question ! J’ai commencé
à écouter le blues quand j’avais 16 ans. Pour moi, c’est John, toi qui viens d’Écosse, qu’est-ce que tu penses de
la musique qui est à la racine de toutes les formes de la scène ici à Nancy ?
musique. J’ai joué avec un autre groupe dans lequel Fred John : Ici ? Yes ! It’s Okay ! Il y a pas mal de bons musi-
jouait aussi. Je l’ai quitté il y a cinq ans. Après j’ai repris la ciens ici. C’est un peu différent, chez nous il y a plus de

36

répétitions, des fois en Écosse il y a des groupes qui a quand même ajouté des petits solos, etc... On voulait INTTEERXVTIEEW
jouent au même endroit toutes les semaines ou tous les enregistrer live parce que John est issu de ça, un clic ça
mois. Mais ici en France les traditions sont différentes, si le fait chier.
tu joues dans un bar tu n’y rejoueras pas avant six mois. Max : C’est parce qu’il ne sait pas jouer avec un métro-
Et ça c’est un peu chiant. Pour moi ça empêche un peu nome. [rires]
le développement de la musique en ville, à Nancy. La Fred : L’EP on l’avait déjà enregistré dans un garage à
plupart des concerts que les gens font ce n’est pas en Jarville. Et là vu que Romain avait la possibilité d’avoir le
centre-ville c’est dans les villages. TOTEM, on a choisi ça comme ça, on pouvait se voir dans
une grande pièce avec une superbe reverb. Voilà on s’est
Tu trouves que ça bouge plus en campagne qu’en ville ? dit « pas de clic, comme en live, rock’n’roll, 3-4 »
Fred (qui vient de revenir) : Ben je pense qu’il y a des Max : C’est ça, c’est surtout l’idée de l’espace, l’idée de
salles où tu te fais moins emmerder par les voisins. pouvoir être dans une salle où on est tous les trois en
Max : Dans l’absolu, ça joue sûrement plus en ville. Sauf visu à l’inverse d’un studio avec des petites salles confi-
qu’en ville il y a des contraintes qu’on n’a pas à la cam- nées où tu es au casque et où tu ne te vois pas. Et l’idée
pagne. La contrainte de l’espace déjà, du genre « vous de la salle, c’était aussi de pouvoir laisser les amplis,
venez mais sans votre batterie parce que ça fait trop de dans le micro de la caisse claire par exemple tu entends
bruit ! ». Moi quand ils font un plan comme ça je ne me la guitare et la basse en fond. Du coup, ça donne un ren-
déplace pas avec la basse parce que ça sert à que dalle, du différent d’un truc capitonné.
c’est plus acoustique. Bref, des questions de dimension Fred : Et du coup il y a vraiment pas de tricheries par rap-
de scène, de bruit et de cachet tout simplement ! Les port à ce qu’on fait en live, même si il y a des imperfec-
mecs dans les bistros en ville pour eux un cachet stan- tions, c’est vraiment ce que l’on vaut repris sur le disque.
dard genre 100€ c’est le bout du monde quoi ! Alors qu’à Max : Sinon on aurait fait de la techno ! [rires]
la campagne quand tu te pointes à un festival tu arrives Fred : C’est cette énergie-là qui nous plaisait, pas de
à avoir un cachet correct. C’est notre boulot la musique. chichi. Après c’est un choix, moi je sais que sur certains
Donc aller jouer pour un connard qui va se faire du blé morceaux je me dis que j’aurais mieux fait de prendre le
sur la soirée et sur ton dos alors que lui il va te payer à clic. Mais bon après ça bouge, c’est vivant, il n’y a pas de
coup de pompe dans le cul, c’est non ! Nous on trouve gros pains. C’est un peu comme un live quoi.
de meilleures conditions surtout dans les milieux ruraux
où sur des scènes comme ici au 915 où c’est plus inté- Et le TOTEM a fermé depuis...
ressant. Fred : Ah ben ça, ça fait chier à mort. Dès qu’il y a moyen
de fermer un établissement, ils ferment, on le voit bien,
Comment vous avez réalisé la pochette de l’album ? il y a eu le TOTEM et plein d’autres établissements avant.
Fred : C’est John qui l’a dessinée et Romain (Ndlr : ingé
son et claviériste du groupe, également membre des Il y a pas besoin de Phillipot pour ça quoi...
Dirty Work Of Soul Brothers avec Fred) a fait les couleurs Max : C’est ça. Déjà la culture est pas forcément dans
sur Photoshop, etc... Je crois que ça le représente un son meilleur jour, elle est globalement malmenée. D’au-
peu, enfin il en parlera plus que moi. tant plus, et on en revient à ce qu’on disait tout à l’heure,
John : Je l’ai juste fait avec des stylos. C’est à l’image dans les milieux urbains que dans les milieux ruraux, ça
du blues vraiment. Apparemment les mecs jouaient sou- c’est certain ! En milieu rural, il y a cette volonté d’arri-
vent dans les cimetières parce que tu pouvais y faire du ver à sauver la vie locale et du coup quand on lance des
bruit toute la nuit sans emmerder personne. Et des fois il initiatives. Je le vois avec mon école (Ndlr : Max inter-
y avait le diable qui arrivait. Voilà c’est la légende un peu. vient en milieu scolaire pour faire de la musique avec
Donc c’est venu comme ça. Just my imagination quoi. des enfants) quand tu lances un truc, tout le monde te
Fred : Et c’est là qu’on s’est rendu compte des talents de pousse au cul parce que du coup tu crées quelque chose
dessinateur de John. Moi je ne savais pas du tout. [rires] en pleine cambrousse. En ville tout le monde gueule
Il m’a montré le truc je lui ait dit que c’était génial. On parce qu’il se passe rien mais dès que tu mets un coup
a demandé l’avis un peu autour et tout le monde nous de caisse claire dans la rue, tout le monde gueule parce
disait que c’était cool. que ça fait du bruit, et pis que ça fume et pis gnagnagna.
Les gens sont des cons !
Vous avez enregistré au TOTEM, et en live... Fred : Ouais. Et puis il y a des endroits qui sont sensés
Fred : Ouais juste le guitare / basse / batterie, après on accueillir la scène actuelle Lorraine et qui ne le font pas.

37

INTTEERXVTIEEW Enfin je parle de... eux-mêmes, c’est juste des gros blaireaux. Que ce soit
Max : L’Autre Canal (Ndlr : La SMAC de Nancy) vas-y, des musulmans, des catholiques. parce qu’on en a eu
balance ! la preuve avec cet espèce de connard de curé de Lyon
Fred : Bref, il n’y a plus trop d’endroits où jouer par ici. qui a dit « toute façon ils méritaient que ça les fans de
C’est pour ça qu’on est content que le 915 nous ac- death metal c’est des satanistes ! ». C’est bien ! La reli-
cueille, c’est cool. Mais bon à part ça, y a plus grand- gion c’est de la merde, point final.
chose. Enfin si y a le Quai’ Son mais le son est pourri, le John : Justement on a fait une chanson, «21st century
Réseau c’est pareil les conditions ne sont pas tops. C’est blues» et c’est ça le sujet de la chanson. Dans le premier
pas facile, quoi. Faire un vrai concert de Rock à Nancy, à couplet je parle des cons qui font du terrorisme et dans
part ici, je ne vois pas. le deuxième je parle des cons qui, au fond, ont tout com-
John : Mais il y a le Red Corner près de la Cathédrale qui mencé. Ils commencent des guerres partout, ils font des
vient d’ouvrir, je sais pas si tu connais ? Je suis passé à conneries partout, les Américains et même le Royaume-
St-Nicolas il y avait un groupe de blues c’était pas mal. Uni et la France font des conneries partout ! Et des fois,
Romain (qui vient de débarquer avec un masque co- il y a des conséquences. Il y a des connards des deux
quin) : Je peux jouer comme ça ce soir ? [rires] cotés en fait, pour moi. Parce qu’il y a beaucoup beau-
John : Oh, ma biche ! coup de monde mort là-bas sans raison.
Max : Pas de problème ! [rires] Fred : Ouais, c’est un débat qui est trop long. Moi je pense
que ce qui s’est passé ça fait chier, et ouais les extré-
Votre album est un peu plus rock, plus puissant, que mistes c’est des gros cons... on peut rien dire de plus.
l’EP. C’est voulu ? Ils ont juste pris une cible où c’était facile de rentrer. Moi
Fred : Ouais, on voulait une basse depuis quelques je pense que toute la culture, même extrême, a le droit
temps. Et le fait qu’il y ait la basse ça ouvre d’autres pos- d’exister et puis que ça ne reste que de la culture et du
sibilités, des morceaux comme «Golden calf» ou «Six divertissement et les gens qui prennent ça au sérieux et
white horses» ne sont pas jouables à deux, ou en tout qui font chier... c’est des cons.
cas c’est moyen. Et le clavier, c’était pour rajouter de la
couleur. Je vous laisse le mot de la fin, les gars !
John : Enfin sur l’album il n’y a qu’une chanson avec du John : Je voudrais juste ajouter que je suis fier de faire
clavier. Max a joué un peu de guitare et un peu de banjo. du blues, et de jouer de la musique Old School aussi.
Fred : Mais c’est vrai que c’est un peu plus puissant.
John : Oui, oui ! Mais en même temps il y a des morceaux Merci à Boneyard Moan de m’avoir accordé du temps
qui datent de la même époque que l’EP. Donc ce ne sont pendant sa pause repas, merci au boss du 915 Kaffe de
pas les chansons qui ont changé, mais peut être un peu m’avoir laissé m’infiltrer pendant les balances et merci
le traitement des chansons. Et puis avec la basse, c’est enfin à Fred de m’avoir dégoté une pizza en urgence.
un peu plus lourd.
Photo : Elie
Vous avez fait un truc un peu spécial avec Holly Molly,
qui fait très chant d’esclaves, on entend même des Elie
chaînes...
John : Ouais, c’est un morceau très très traditionnel. On
a décidé ça au TOTEM aussi.
Fred : On a cherché des sons, on a trouvé une grosse
plaque en tôle que je frappais à la main, j’ai chopé une
chaîne, tapé dans les mains. On voulait un délire un peu
Gospel. Ouais, c’est un hommage aux racines du blues.

Il y en a qui disent que vous faites de la musique de
dépravés, vous leur répondez quoi à ceux-là ?
Fred : Ah bon ? Je savais pas qu’on disait ça de nous !
Max : Non, il fait référence aux attentats du Bataclan !
[rires] Moi je pense que les religieux sont des cons. Les
gens qui ne sont pas capables d’avoir une opinion par

38

PUB YOUNG CARDINALS INTTEERXVTIEEW

39

LES DISQUES DU MOMENT MONOLOG

Merge (Ad Noiseam)

berlinois Species, des MCs new-yorkais répondant au
nom de Flux et Joey Juggaknots et le side-project A
Dying User que Monolog forme avec un certain Karsten
Pflum. Une expérience musicale pas évidente à décoder
(sauf si on est familier au genre) car soumise à des fluc-
tuations dont le désordre en est le leitmotiv.

Monolog sortait il y a deux ans le troublant mais non Tantôt abyssal (avec «Tandfoi» dans lequel le chant
moins intéressant 2 dots left. Un magma sonore sauce de Tone est complètement dérangé), tantôt tapageur
breakcore qu’on n’était pas près d’oublier surtout que («In return») mais aussi d’une lourdeur impression-
l’année suivante, le Danois en remettait une couche nante (dont l’excellente «AEAEGF») et jouant même
avec Merge. Le temps passant très vite, les promos sur l’effet de surprise (comme ce remix d’un titre hip-
nous parvenant parfois par intermédiaire, voilà qu’on se hop qui prend cher), Merge dévoile au fil du temps toute
prend encore plus d’un an de retard sur la chronique du son artillerie électronique mais également ses petits
disque précité. Ça fout vraiment les boules parce qu’il détails de fabrication. Et quels sont-ils ? L’intéressé
m’a encore bien retourné le cerveau et j’aurais aimé en a dévoilé une partie dans une interview donné à un
vous présenter cet album plus tôt. Qu’importe, après confrère l’année dernière en mettant en avant les plan-
tout, la musique intemporelle du gaillard nous offre un tages de machines, les accidents de home-studio, mais
avantage dans cet inconvénient. également le field-recording, qui n’est autre que (gros-
so-merdo) raconter le monde qui nous entoure en l’enre-
gistrant. De quoi vous donner l’envie de découvrir cette
galette pleine de surprises...

Ted

Merge porte bien son nom, tant la fusion des sons, des
atmosphères et des genres (drum & bass, dubstep,
ambiant, breakcore, drone) sont monnaie courante sur
cet album. Monolog a bien bossé et plutôt rapidement,
comme si le Danois avait bien ourdi ses machines élec-
troniques dégoulinantes de basses avant même de
composer ses 11 titres. Il faut préciser que ces derniers
font l’objet d’une compilation de titres originaux mais
surtout de collaborations et de remixes, ceci expliquant
donc cela. Parmi ses invités, on compte des proches
et habitués comme Swarm Intelligence, Balkansky ou
Tone et puis des moins connus tels que le producteur

40

KURT COBAIN LES DISQUES DU MOMENT

Montage of Heck (The End of Music)

et quelques bribes de titres qui deviendront des hymnes
pour toute une génération. Les fans hardcore de Nirvana
ont donc un nouveau disque (enfin deux puisque le fan
hardcore achètera les deux versions) à ajouter dans leur
collection... Mais pas de son vraiment nouveau puisque
beaucoup de ces titres sont déjà parus sur différents
bootlegs (les fameux Outcesticide) ou dans le coffret
With the lights out. La très vieille démo de «Been a son»
ou la reprise de «And I love her» des Beatles peuvent
avoir un embryon d’intérêt mais ça ne fait pas un album.

Plus de 20 ans après sa mort, certains arrivent encore à Et c’est là qu’est le principal souci avec cette bande-son
faire de l’argent avec Kurt Cobain... Même si au départ, de Montage of heck, pourquoi pas sortir une version col-
l’idée de Brett Morgen était de réaliser un documentaire lector assez limitée mais classieuse pour accompagner
«assez vrai» pour nous dépeindre la jeunesse et les le DVD, on peut imaginer aisément un joli packaging
tourments du leader de Nirvana au travers des témoi- avec le DVD, le CD, un livret, des photos... De ce côté-là,
gnages de ses amis, sa famille, de scènes tournées sur l’inspiration ne manque jamais et certains «coffrets» de
des lieux emblématiques et la mise en action de travaux ce genre sortis ces dernières années sont sacrément
artistiques pas uniquement musicaux, ce superbe do- bien foutus. Mais pourquoi ne sortir que ce CD avec 13
cumentaire accouche aujourd’hui d’un «album» voire pistes ? Une sorte d’album bâtard mis en avant comme
même d’un «album collector». Universal n’a même pas si on allait découvrir Kurt Cobain sans faire d’efforts ?
eu à faire les fonds de tiroir puisque les «sons» étaient Soit on est fan de Nirvana et on veut un truc en béton,
utilisés dans le documentaire. Utiles à la narration et à soit on n’est pas méga fan et on n’a pas besoin de cette
créer une ambiance sonore, ces premiers bouts de Nir- galette (sauf si on collectionne tout). Bref, garde tes
vana n’ont pourtant, une fois sortis de leur contexte, que sous pour le DVD si tu veux que le blondinet grunge te
peu d’intérêt. procure encore des émotions...

Oli

Ici, on se contente de la version «normale», deux fois
moins longue (une grosse demie heure) que la version
deluxe, boîtier cristal, une page pliée en deux, il ne faut
pas chercher une plus-value dans le packaging et se fo-
caliser sur la musique. Enfin, sur des pistes récupérées
au fin fond des archives de Kurt Cobain et suffisam-
ment bien retravaillées au mixage pour qu’elles soient
audibles du plus grand nombre. On a donc 13 plages
avec des idées farfelues, des pains, des bruits de fond

41

LES DISQUES DU MOMENT ARCHI DEEP AND THE MONKEYSHAKERS

#3 (Autoproduction)

base de gros riffs appuyés par une session rythmique
bien marquée. « High minds » met en avant la capacité
de groupe à se produire sur un terrain acoustique. Forcé
de constater que même à nu et loin de tout champ élec-
trique, la qualité est largement au rendez-vous.

« I was sunny » vient clôturer un EP qu’on aurait bien
voulu plus long quitte à se faire saigner un peu les
oreilles. En live, lorsque le rideau tombe, la fosse s’égo-
sille à dire « une autre » pour obtenir le retour des
artistes. Chose qui est de fait impossible sur un objet
défini. Alors, on relance la galette en savourant, déjà
impatient d’une prochaine sortie.

Julien

Archi Deep and The Monkeyshakers est un trio rock
fondé en 2013 autour de l’Ile d’Oléron. Si la bande est
de chez nous, n’ayons pas l’impertinence de rattacher
sa musique à un quelconque rock français. Preuve à
l’appui, la formation a récemment mis dans les bacs un
troisème EP sobrement appelé #3 encore empreint des
effluves du Mississipi.

En effet, le tout nouveau son d’Archi et ses compères a
été enregistré aux Ardent Studios, à Memphis. Beaucoup
d’artistes de renommée internationale sont passés là.
On peut citer de façon non exhaustive : The White Stripes,
Soundgarden, ZZ Top, BB King ou encore Led Zeppelin.
L’aventure consiste donc à marcher dans les pas de
géants sans rougir. 6 titres pour se faire une place.

Pas de place pour le doute - Arthur Archibald Di Piazza
(chant et guitare) soutenu par Martin Leroy (Basse) et
Camille Sullet (batterie) - arrachent le sol dès les pre-
miers instants. Le son est brut, saturé et électrique. Seul
clip de l’album, « Nowhere man » nous met rapidement
dans le bain. La course se calme au début du deuxième
titre. Au bord de la valse, le chanteur apaise l’ambiance
en perchant sa voix dans les aigus. Mais ce n’est que
pour éclater plus fort quarante secondes plus tard à

42

HA DET BRA LES DISQUES DU MOMENT

Societea for Two (Geenger Records, PDV Records)

Convoquant les fantômes d’un Shellac venu frayer avec
The Jesus Lizard (soit en fait les incontournables réfé-
rences citées par 99/100 de la population ferraillant
dans ce registre musical), avec une petite louche d’Ox-
bow bien sentie et toujours cradingue ne serait-ce que
pour valider la ‘street credibility’ de l’album, Hat Det Bra
fait clairement ce qu’il faut pour accrocher son auditeur.
Puis faut admettre que niveau marketing, c’est déjà plus
vendeur que le coup de l’obscur groupe de noise-rock
croate qui refait des siennes vingt piges plus tard.

On ne va pas se mentir : la scène noise-rock croate est Résultat ? Et bien ça fonctionne et plutôt deux fois
relativement méconnue de nos services. Et Ha Det Bra qu’une, distillant à l’envie 2/3 hectolitres de disto sur
bah encore plus. Qui ? Hat Det Bra, oui c’est le nom du des instru bien rugueuses, roots et salvatrices comme
groupe, formé en. euh 1991 (on est allé vérifier) et rela- on les aime. Vocalement, le résultat est braillard à sou-
tivement inconnu depuis un bon quart de siècle. Enfin, hait, expédiant une véritable énergie (assez contamina-
ça c’était avant et ce ‘Societea for two’ qui débarque en trice) sur la platine, sans pour autant révolutionner un
provenance de la maison de disques Geenger Records, genre dont les contours ont été longuement ciselés par
label du cru, volontaire et assez couillu - faut leur recon- les maîtres du genre une petite paire d’années avant
naître ce mérite - mais pas plus connu au sein de la eux. Ou pas en fait mais peu importe.
rédaction que le groupe en question. Ce qui soit dit en
passant n’entravera en rien pas la qualité de ce premier Quoi qu’il en soit : ‘Societea for two’ est un disque effi-
méfait à parvenir jusqu’à nos platines. cace, rudement contagieux dans ce qu’il évoque, jouant
la sécurité quand il faut tout en osant assez pour exis-
Lesquelles peuvent se sentir légitimement bien sur- ter par lui-même sans être une pâle copie de l’œuvre de
prises de se retrouver face à un noise-rock turbulent, ra- ses maîtres. Bref un album qui fait plutôt la part belle
geur et outrageusement typé 90’s. Ce qui s’explique par au talent d’un élève plutôt doué à défaut d’être vraiment
le fait que le groupe (roublard ou drôlement chanceux) génial.
avait prévu le revival du genre il y a quelques temps déjà
pour exhumer des enregistrements datant de la période Aurelio
93/94 et les réenregistrer avec les moyens d’une pro-
duction un peu plus moderne. On trouve aussi trois com-
positions plus récentes sur les quatorze que compte la
bestiole, mais l’ensemble reste donc fort logiquement
old-school, voire vintage. Mais pas du tout dénué d’inté-
rêt pour autant.

43

LES DISQUES DU MOMENT FRNKIERO AND THE CELLABRATION

Stomachaches (Staple)

A ses débuts, Frank Iero est dans le groupe punk rock allongé dans sa dernière demeure. Il sort et retrouve ses
Pencey Prep en tant que chanteur-guitariste. Après potes : tous possèdent le badge en question. Le mys-
quatre années de vie, la formation se sépare. C’est à térieux objet les amène à se rassembler autour d’une
cette époque qu’un certain Gerard Way - bouleversé carte au trésor qui n’indique rien de moins que l’endroit
d’avoir assisté aux attentats du 11 septembre 2001 où enterrer Franki. Chose faite, le chanteur se réveille
- se chope l’envie de créer un groupe de rock. Peu de d’entre les morts et le carnage commence. Ce qui pou-
temps avant la commercialisation du premier album de vait passer jusqu’ici pour un court métrage gentillet à la
My Chemical Romance, Franck en devient le guitariste. Tim Burton bascule en un seul instant. Les gosses se re-
S’en suivent douze années d’aventures et pas moins trouvent cœurs, têtes et bras arrachés ou leurs intestins
de quatre albums dont le fameux Black parade sorti en servant à faire de la corde à sauter. Oups, ça a dérapé...
2006. Pour «Joyriding», c’est option «blanc pur» pour les
vêtements des musiciens, les instruments et le décor.
Malgré un certain succès, l’histoire de My Chemical Il ne faut pas longtemps pour que cette histoire dérive
Romance s’arrête en 2013. Franck Iero n’en freine pas quelque peu. Chaque musicien perd une quantité de
pour autant sa carrière musicale. Il se lance en solo sous sang à en faire rougir les murs. Une vraie boucherie en
le nom de Frnkiero and the cellabration et enregistre Sto- somme.
machaches (2014). Dans ce nouveau projet, il assume à Pour finir, «She’s the prettiest girl at the party, and she
la fois le rôle de chanteur mais aussi celui de guitariste can prove it» met en scène la malédiction d’un homme
et de bassiste. Pour la partie batterie, il fait appel à un qui se transforme en ours et qui de ce fait a peur de
intérimaire de My Chemical Romance : Jarrod Alexander. perdre sa bien-aimée. La fin est heureuse puisqu’ils
sont tout deux touchés de la même malédiction.
L’album est représenté par trois clips. «Weighted» s’an-
nonce en noir et blanc. Seule note de couleur : un badge Globalement, l’album ne fait pas dans la dentelle. Le son
frappé du fameux symbole du groupe dans la main d’un sort des chemins tracés par My Chemical Romance. Plus
gamin. Le kid pose le badge sur le cadavre de Frank Iero percutant, il traite de thèmes sombres avec des refrains
efficaces et des voies moins commerciales. Dès la pre-
mière piste, Jarrod Alexander cogne comme un sourd
pour donner le ton. Le chant de Frank Iero dépose sa
marque de fabrique en variant entre une voix sourde et
des mélodies entraînantes. S’il est un engagement pris
pour cet opus, c’est bien de fournir un son saturé proche
des sonorités punk rock. Seul point noir, la piste «Smoke
rings» qui frôle l’électro de mauvais goût. «Stage 4 fear
of trying» quant à elle détonne avec l’ensemble en of-
frant un son plus posé. Mais pas d’inquiétude, l’instant
d’après nous revoilà dans l’œil du cyclone...

Julien

44

THRONELESS LES DISQUES DU MOMENT

Throneless (Heavy Psych Sound)

«Reaching for the dead» tente clairement de proposer
autre chose, mais son riff acoustique lisse nous ramène
plus à du doom gothique à la Paradise Lost, et alors ça
c’est vraiment pas ma tasse de thé mais c’est surtout
un peu hors de propos avec le reste de l’album, sans
parler du blast beat qui clôture le schmilblick un peu a
coté de la plaque. Bref, d’un coté ça sonne pas de ma-
nière très originale, de l’autre, le groupe se plante dans
le fossé quand il essaye des sorties de route. Quid du
classicisme et de l’originalité.

Elie

Pas toujours facile de faire des chronique et d’argumen-
ter. Notamment quand on tombe sur des formations qui,
90 % du temps, jouent quelque chose de déjà maintes
fois entendus jusqu’au plus petit détail. Throneless ne
dérogera pas à la règle, cependant ils pourront se tar-
guer d’avoir bien exercé leur mission. Quatre morceaux
pour trente-six minutes de musique : tu l’as compris
mon ami, ces Suédois-là font du Doom. Un bon vieux
doom bien haineux et dégoulinant comme il faut avec
une vieille prod dégueulasse à la Electric Wizard face à
qui Throneless n’a pas à pâlir niveau lourdeur et apport
en calories, un chant lointain et incantatoire et une bat-
terie aussi pachydermique qu’un diplodocus complète-
ment défoncé.

Et ? Et ben c’est a peu près tout, tu peux retourner écou-
ter Electric Wizard quand même, Throneless n’essayant
pas réellement de sortir des sentiers battus (et là quand
on dit battus, c’est à coup de massue) et rebattus du
doom à la sauce stoner 70’s. Encore une fois si c’est in-
déniablement bien exécuté et en accord avec les canons
du genre, il faut avouer que le headbang a rapidement
tendance à céder la place aux ronflements, la faute à un
manque claire de variété.

45

LES DISQUES DU MOMENT LIVHZUENA

Dark mirror neurons (Klonosphere)

n’arrête, un passage beaucoup plus mélodique avec
un chant clair par-dessus. Une atmosphère que l’on re-
trouve sur le dantesque «Quantic quake monster», un
riff à faire décoller les lames du parquet, un pont presque
atmosphérique, enfin presque, il ne faudrait pas relâcher
trop la pression, le baromètre monte soudainement d’un
cran, c’est tout l’art de Livhzuena et l’air devient tout de
suite beaucoup plus étouffant, la batterie continue sans
relâche; le tout explose dans la stratosphère avant de se
désintégrer lors de la rentrée atmosphérique où tout se
consume. Cette pression intense, c’est mise en boîte en
bonne et due forme, on la retrouve sur «Void», qui n’est
pas vide de charme par ailleurs, notamment lorsque
une dynamique pétillante guitare-batterie s’ouvre sur
un chant qui s’en sert comme tremplin.

La première écoute de Dark mirror neurons est plutôt Dark mirror neurons est petit condensé de bonne idées
anthologique, ça joue vite, ça joue fort, ça tabasse sec, à la réalisation plutôt bien réussite, qui ne mérite qu’une
les références s’entrechoquent, les clichés auditifs dé- chose : d’augmenter le son !
filent à grande vitesse. Une avalanche d’idées et de riffs
plus effarants les uns que les autres. «Mars» est une Pooly
excellente entrée en matière, une espèce de déluge non-
stop où il est dur de reprendre son souffle. Quand Livh-
zuena met le couvert, ils ne font pas les choses à moitié.
Un petit coup d’oeil au dos de la pochette; le groupe est
signé sur Klonosphere. Les choses se précisent donc,
peu de labels français sortent ce style de musique, en-
core moins avec cette qualité-là.

Les guitares enchaînent sans répit, c’est une grosse
claque que Livhzuena cherche à nous administrer.
Prends 3 secondes pour bien décomposer le mot, Livh-
zu-é-na. À part être un anagramme de «Inhalez», c’est
une recette certaine pour que Google ne confonde pas le
nom du groupe avec autre chose.
Ça sonne un peu comme Klone, une peu comme Hacride,
mais avec plus de mordant et plus de dynamique, on
peut y voir des influences comme Meshuggah, ou même
Soulfly (oui, oui, écoute bien «Quantic quake monster»).
«Shadows and matter» déballe son lot de cadeaux, un
riff très condensé, un train lancé à vive allure que rien

46

HO99O9 LES DISQUES DU MOMENT

Horrors of 1999 (Family Artists)

malsaine avec une interlude («Gates of torment») puis
termine déjà le disque comme il l’avait commencé, soit
par un titre punk brut de décoffrage, aux antipodes du
hip-hop. La boucle est bouclée...

Trois ans après sa fondation en 2012, le duo originaire Annoncé par le magazine Rolling Stones comme l’un
du New-Jersey Ho99o9 (se prononce «Horror») peut se des 10 nouveaux groupes à connaître en 2014, Ho99o9
targuer d’avoir fait parler la poudre avec une musique, brouille pas mal les étiquettes. Sa musique qu’on pour-
une attitude, et une image bien rodée (regardez donc rait tenter de définir comme un mélange de celle des
leurs clips). En l’espace de deux ans, theOGM et Eaddy Bad Brains, de Death (le groupe de proto-punk), et de
ont sorti 4 disques dont cet EP de 11 minutes qui nous Death Grips, est polluée par l’indicible envie de ses gé-
est tombé dessus cet été : Horrors of 1999. Ca débute niteurs de jouer la carte du tout anti-conformiste et du
avec une torpille punk sonique et crado («No regrets»), j’m’en foutisme, quitte à brouiller la lecture du disque.
sorte de crossover punk-hip-hop doté d’une puissance Résultat des courses : on a l’impression d’avoir à faire à
de feu qui laisse présager du lourd pour la suite. «Day un EP pas tout à fait (voire pas du tout) terminé au sein
of vengeance» capte l’attention par son atmosphère duquel les idées bien présentes manquent de mises en
neurasthénique et intrigante, comme un délire à la Stu- valeur et de cohésion. Quelques chansons de plus ou
peflip où les effets de voix graves et le beat lent hantent des titres plus longs auraient sans doute été une partie
les sillons, un morceau qui malheureusement peine à de la solution pour le rendre moins plat et renforcer le
convaincre. propos dans son ensemble.

Ted

Les «horreurs de 1999» prennent alors une petite
pause avec un dialogue entre un homme et une femme
en guise de «skit» puis enchaînent sur «P.O.W. (Pri-
soners of war)» qui relève légèrement le niveau. Ces
fans de Rob Zombie nous plongent alors dans le dédale
de leur ‘»horror hip-hop» avec un rythme bien gras,
des sons indus-noise et des flows rageurs qui boule-
versent un peu les âmes sensibles. Ho99o9 continue la
démarche jusqu’au-boutiste de dévoiler une ambiance

47

INTTEERXVTIEEW

INTERVIEW > THE PRESTIGE

On est habitué à écouter du très lourd avec The Prestige, on a voulu savoir comment il était possible d’en arriver là...
Et c’est Alex qui s’est chargé de répondre à nos questions sur leurs choix (de producteur, de pochettes, de textes, ...)
mais aussi de l’actualité récente qu’elle soit tragique (les attentats) ou plus heureuse (une tournée en Angleterre).

Avant de parler musique, parlons du choix du produc- donner son avis, de prendre en compte l’avis de l’autre.
teur... Guyom n’était pas dispo ou vous aviez directe- Pour nous, un producteur c’est un cinquième membre.
ment demandé à Amaury de travailler sur l’album ?
Tout d’abord, Amaury avait travaillé avec nous sur Black Vous avez discuté de l’éventualité d’avoir un produc-
mouths. Nous étions dans son studio, et il travaillait donc teur qui ne vous connaissait pas ?
avec Guyom, l’assistait pendant les prises. Puis, à la sor- Non, à aucun moment.
tie de l’album nous sommes partis en tournée avec The
Brutal Deceiver, le groupe défouloir de As We Draw dans Bob Weston pour le mastering, comment ça se passe
lequel Amaury joue de la batterie. On était déjà potes ? C’est juste un colis avec les bandes et un chèque ou
mais passer 15 jours ensemble nous a bien trop appris c’est plus que ça ?
à nous connaître. Nous avions déjà une ou deux compos Après le mixage on s’est dit «A qui donner le bébé main-
de prêtes pour un nouvel album et on a commencé à en tenant ?», parce que c’est un peu ça. Tu dois filer ton
parler avec lui de l’ambiance de l’album et de ce qu’on gosse à quelqu’un pour qui te le rende encore plus beau,
en attendait. Et on était sur la même longueur d’onde. tout en respectant ce qu’il est. Bob Weston, c’était juste
Nous avons toujours été fans du boulot d’Amaury et la le mec parfait. Il a gardé la personnalité de l’album tout
combinaison copain plus gros son a fait le reste. en affinant certaines choses. On pensait que le mec
allait nous envoyer chier mais au contraire, ça s’est très
Entrer en studio avec quelqu’un que vous connaissez bien passé. Il nous envoyait même des messages genre
est important ? «Désolé les gars j’ai pris du retard aujourd’hui, j’ai dû re-
Je ne saurai pas dire si c’est important ou pas. C’est masteriser de bandes de synthés des années 80, vous
rassurant c’est sûr. Ce qui est important c’est plutôt la aurez la chanson un peu plus tard dans la soirée». Le
confiance que tu as dans cette personne. Amaury c’est mec est à la cool.
un ami pour qui on a beaucoup de respect tant pour le
musicien que pour le producteur. Lors de l’enregistre- Les pochettes sont superbes, sortir plusieurs versions
ment c’est surtout important de parler librement, de c’est pour les fans de collection ou parce que vous ne

48

saviez pas trancher pour en choisir une seule ? mes paroles n’ont pas de sens direct, il faut parfois aller INTTEERXVTIEEW
Tu crois qu’on a des fans qui vont faire collection de nos loin pour le chercher. Comme j’écris la nuit, c’est parfois
albums? (rires) une sorte d’écriture «automatique».
C’était juste pour faire des versions différentes et nous
faire plaisir aussi. La séance de photo pour la pochette Côté musique, ça broie et ça broie plutôt du noir, où pui-
a duré une bonne journée avec notre pote Loic Véra. On sez-vous une telle envie de tout détruire ?
a fait celle du vinyle en premier, puis une deuxième en Je crois qu’on est plutôt des gens calmes dans la vie de
bougeant les éléments et on s’est dit «ah bah, on va en tous les jours mais la violence que l’on observe autour
faire une différente pour le CD». Et une troisième qui va de nous est la source d’inspiration de notre musique.
être exclusive à la tape qu’on va sortir dans quelques Et quand je parle de violence je parle surtout de celle
semaines. qu’on ressent plus que la violence physique. La violence
d’Amer n’est pas permanente, elle est sournoise, sourde,
Vous avez dirigé ce travail ou vous l’avez récupéré sale et indirecte. Et ça correspond à l’état d’esprit dans
«tout fait» ? lequel on était.
On l’a dirigé entièrement, avec l’aide de Loic. D’abord, on
avait contacté un graphiste pour faire le boulot mais on Les événements récents, ça peut vous nourrir ou c’est
avait pas la même sensibilité. Et je crois qu’on était très indécent d’utiliser une telle atrocité pour créer ?
protecteurs vis-à-vis de l’album. On a beaucoup parlé On parle des attentats... il me semble important de ne
de ce qu’on voulait représenter, du principe de la nature pas les évoquer par un euphémisme. Pour te répondre,
morte revisitée, etc. Cela a pris quelques semaines. Et à je pense que tout le monde a été touché par cette tra-
force de tourner, on s’est dit «allez on booke un studio gédie, à Paris comme tout autour du monde. On connaît
photo et on le fait». tous quelqu’un qui était là-bas, ou qui aurait pu y être.
Certains de nos amis proches y étaient. Ce qui est sûr
Le français dans les textes, ça a du en surprendre plus c’est que je n’utiliserai, et j’insiste sur ce mot, pas ce
d’un, c’est venu naturellement ou vous vous êtes for- drame car ce n’a jamais été ma démarche, quelque soit
cés ? l’événement. Je n’écrirai pas un texte qui parle de ces
Au contraire, c’est le fait de ne pas se forcer à écrire en attentats ou de tout autre «événement», à moins peut-
anglais. Pour moi, l’anglais est assez naturel mais en être de l’avoir vécu. Mes paroles ne sont jamais directes
vieillissant je me suis rendu compte que cela crée une donc je ne m’appuierai pas là dessus. Mais cette tragé-
distance avec le sens de mes mots. Pendant l’enregis- die nous a affecté et d’une manière, elle nous a changé.
trement j’écris les textes la veille pour le lendemain.
Un jour, les gars étaient partis faire la fête pendant Début décembre, il y a eu une petite fête pour Base-
que j’écrivais. Je voulais tenter le français sur la chan- ment Apes, quel est votre groupe préféré sur le label ?
son «Négligée» dont Paris est le sujet. Je crois que la En gros, c’est comment nous mettre à dos tous les
pudeur me retenait mais j’étais seul alors j’ai enregistré groupes du label sauf un ! On a beaucoup écouté de
les premières phrases de la chanson et j’ai trouvé ça Sofy Major, de Cortez ou Plebeian Grandstand. Mais les
cool. A leur retour je leur ai fait écouter et ils ont aimé. copains du label, c’est surtout General Lee et Plèvre.
D’abord, j’ai pensé que c’était surtout à cause de l’alcool
mais ils n’avaient pas changé d’avis le lendemain matin. Ensuite, il y a une petite tournée en Angleterre, le pu-
Maintenant j’assume beaucoup plus le français dans les blic anglais n’est pas facile, vous attendez quoi de ces
textes, je ressens encore plus le poids de chaque mot et dates ?
je pense que l’auditeur aussi. C’est pas le public qui est difficile, ce sont les conditions.
Le public est difficile partout. Tourner en Angleterre,
J’ai l’impression que le son prime sur le sens pour les c’est un autre univers où il y a beaucoup de groupes et
mots choisis, je dois avoir un peu tort, non ? pas forcément l’attention genre le catering super bon,
Mmmh. Il y a un peu de vérité là-dedans je crois ! La les boissons, le lit... que tu peux avoir ailleurs en Europe.
voix, c’est un instrument et il doit avoir sa propre par- On prendra ce qui a à prendre, on verra pour le reste.
tition. Il faut parfois faire la concession du sens pour
celle du son, sinon, et particulièrement en français, tu te Le disque est aussi sorti aux Etats-Unis, vous avez des
retrouves avec des phrases certes pleines de sens mais retours ?
complètement dépourvue de musicalité. Et en général, On a reçu pas mal de messages par mail ou sur les

49

INTTEERXVTIEEW

réseaux sociaux. On aimerait vraiment pouvoir tourner
là-bas, mais cela reste très dur à organiser. On espère
pouvoir y aller bientôt.
Merci Alex, merci The Prestige et merci Aurélien chez
Domino Media.
Photos : DR

Oli

50


Click to View FlipBook Version