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Si vous lisez la présentation de ce livre, c’est probablement parce que :
• Vous avez été – ou que vous êtes – victime de manipulateur(s) ou de manipulatrice(s)
• Et que vous voulez trouver les moyens de le(s) vaincre.
De ce fait, vous avez décidé de :
◦ Récupérer votre liberté de décision, de choix, d’autodétermination
◦ Retrouver votre autonomie et votre capacité à décider et à agir par vous-même
◦ Et surtout de vous défaire du manipulateur, voire de le renvoyer « dans les cordes » !
Ce livre a été écrit pour vous montrer comment vous protéger et vous défendre des manipulateurs. C’est à la fois possible et souhaitable : cela « économisera » votre système nerveux, votre énergie et votre temps, préservera souvent votre porte-monnaie et parfois même votre corps – et sauvegardera toujours votre estime de vous-même. Ainsi, dans les pages de ce livre, vous découvrirez :
• Qui sont les manipulateurs
• Comment les reconnaitre
• Comment ils font
• Comment leur résister
• Et comment les vaincre quand vous le décidez...

Alors, lisez ce livre et vous constaterez que cesser d’être victime des manipulateurs est bien plus ) votre portée que vous ne le pensiez...

*****

L’auteur est Docteur en Sciences Humaines, thérapeute, Maitre-Praticien-Formateur en PNL et en Hypnose Ericksonienne, coach et formateur en Communication Interpersonnelle. Elle a écrit (entre autres) :
– Vous n’aimez pas ce que vous vivez ? Alors changez-le !
– Bien vivre, mal vivre – à vous de choisir
– Communiquer avec les autres, c’est facile !

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Published by Michel Nachez, 2020-02-10 08:06:28

Défendez-vous des manipulateurs !

Si vous lisez la présentation de ce livre, c’est probablement parce que :
• Vous avez été – ou que vous êtes – victime de manipulateur(s) ou de manipulatrice(s)
• Et que vous voulez trouver les moyens de le(s) vaincre.
De ce fait, vous avez décidé de :
◦ Récupérer votre liberté de décision, de choix, d’autodétermination
◦ Retrouver votre autonomie et votre capacité à décider et à agir par vous-même
◦ Et surtout de vous défaire du manipulateur, voire de le renvoyer « dans les cordes » !
Ce livre a été écrit pour vous montrer comment vous protéger et vous défendre des manipulateurs. C’est à la fois possible et souhaitable : cela « économisera » votre système nerveux, votre énergie et votre temps, préservera souvent votre porte-monnaie et parfois même votre corps – et sauvegardera toujours votre estime de vous-même. Ainsi, dans les pages de ce livre, vous découvrirez :
• Qui sont les manipulateurs
• Comment les reconnaitre
• Comment ils font
• Comment leur résister
• Et comment les vaincre quand vous le décidez...

Alors, lisez ce livre et vous constaterez que cesser d’être victime des manipulateurs est bien plus ) votre portée que vous ne le pensiez...

*****

L’auteur est Docteur en Sciences Humaines, thérapeute, Maitre-Praticien-Formateur en PNL et en Hypnose Ericksonienne, coach et formateur en Communication Interpersonnelle. Elle a écrit (entre autres) :
– Vous n’aimez pas ce que vous vivez ? Alors changez-le !
– Bien vivre, mal vivre – à vous de choisir
– Communiquer avec les autres, c’est facile !

Keywords: solutions d'auto-défense, contre-attaque, anti-manipulation, manipulation, manipulateurs,développement personnel, psychologie, bien-être, guide pratique, psychothérapie,Erica Guilane-Nachez

– Tais-toi quand un adulte parle !

– Écoute ce que te dit ton professeur !

– Obéissez – ou je vous colle dix jours de
cabane !

– Oui, Docteur.

– Oui, mon colonel.

– Oui, papa.

– Oui Monsieur le juge (le curé, le professeur, le
président, Madame la directrice, ou Hell-Angel-
Number-One...).

Depuis l’aube de notre vie (et même depuis l'aube
de notre espèce humaine), nous avons été
conditionnés à nous soumettre à l’autorité.

Cela ne signifie toutefois pas que nous devons y
rester soumis à tout jamais !

Quoique... On ne peut que constater que chacun
porte en soi la tendance à se soumettre à une ou
des autorités spécifiques :

• Quand ce n’est pas à la science et à ses
représentants, ce peut être au prêtre ou au
gourou

• Quand ce n’est pas à sa femme ou à son
mari, c’est au patron

• Quand ce n’est pas au sergent-chef, ce peut
être au médecin – qui est supposé être si
compétent lorsqu'il est question de notre
santé que l'on n'ose qu'à peine lui demander
des explications sur nos symptômes ou sur
les remèdes qu'il prescrit

• Quand ce n’est pas aux parents, ce peut
être au banquier ou au patron

• Quand ce n’est pas au gendarme, ce peut
être au chef-voleur...

En fait, dans toute culture et société, l’autorité
mise en place dans les différents domaines est bien
utile : elle évite l’anarchie et elle permet de gérer
tous les différents pans et aspects de la société
(ceux de la parenté, de la loi, du savoir, du

commerce, de la religion, de la production, de la
défense, de la consommation, de l’ordre, de la
sexualité, de la morale, des biens divers, du contrôle
social...). Nous voilà à nouveau face à un de ces
mécanismes qui facilitent, avec de moindres maux,
la vie en communauté pour cet être grégaire qu'est
l'homme. On y trouve donc des aspects salutaires en
ce sens que la soumission à l'autorité peut améliorer
l’intégration sociale et diminuer les risques de
tensions, les conflits, l’insécurité, les dangers...

De plus, la soumission à l'autorité est
nécessairement implémentée dans le psychisme
humain dès la naissance : dans l’enfance, l'instinct
de survie impose de se plier à l’autorité (parents,
enseignants, soignants...) car ce sont ceux qui la
détiennent qui dispensent aussi la nourriture et les
soins, la sécurité, le bien-être, l'éducation et les
enseignements utiles, ainsi que les récompenses et
les punitions. Au stade adulte, on trouve encore des
avantages auprès d’autres figures d’autorité :
employeurs, médecins, savants, juges, instances
politiques, financières, policières... Dans tous ces
cas, le pouvoir ou/et le savoir supérieur qu’ont ces

aspects de l’autorité font qu’il est le plus souvent
judicieux de se plier à leurs désirs, à leur volonté.

Rappelons-le encore ici : tous les « implants »
psychologiques liés à la biologie ou/et à la culture et
mis en place par l'éducation et la logique des
fonctionnements de la société ont leur utilité et sont
positifs dans beaucoup de contextes, que ce soit
l'impératif de réciprocité, la force de la preuve
sociale aussi bien que l'acceptation de certaines
autorités. C'est lorsqu'ils sont pervertis, détournés au
profit exclusif d'un des pôles, que cela pose
problème et que l'on parlera de manipulation.

Tous cruels ?

Nous avons donc en nous un schéma mental qui
tend à nous amener à nous soumettre à ce qui, pour
nous, représente une autorité et à adhérer plus
facilement aux suggestions, affirmations ou ordres
en provenant. L'Histoire nous prouve que cela peut
aller très loin et jusqu'à des atrocités commises par
des gens normaux, simplement parce qu’une
autorité reconnue en a donné l'ordre : les guerres
sont terriblement parlantes à cet égard...

On a essayé de comprendre comment des
personnes, ni sadiques ni perverses, pouvaient en
venir à torturer leurs semblables, d'autres humains
ne leur ayant rien fait de mal. Rappelons ici le récit
d'une expérience fameuse dont tout le monde a
entendu parler et qui a été conduite dans le
laboratoire de psychologie sociale de l'Université de
Yale.

Des hommes et des femmes d'âges, de
professions et de niveaux d'instruction divers et
sélectionnés selon un échantillon représentatif de la
population ordinaire ont répondu à une annonce
proposant de participer à une recherche scientifique
sur la mémoire. Voici en quoi consiste l'expérience
qui se pratique à deux : une personne a le rôle de
l'« Élève » et l'autre celui du « Professeur ».
L'« Élève » doit apprendre une longue liste de mots
dont le « Professeur » teste ensuite la mémorisation.
À chaque réponse fausse, le Professeur devra
infliger une décharge électrique dont l'intensité croît
avec chaque erreur – et cela jusqu'à des voltages
épouvantables infligeant des douleurs intenses et
réduisant l'Élève à un état proche de la paralysie !

L'Élève supplie :

– Laissez-moi sortir d'ici, je suis cardiaque. Mon
cœur va flancher ! Je refuse d'aller plus loin.
Arrêtez ! Ayez pitié !

Mais le Professeur continue à poser les questions,
note l'absence de réponse comme une réponse
incorrecte et enclenche la manette d'un voltage
encore supérieur. Soixante six pour cent des
Professeurs ont infligé à leur Élève des voltages
maximaux, douloureux et même dangereux !.. Ils
n'étaient cependant ni sadiques ni désaxés, les
Professeurs de cette expérience – c'étaient des gens
comme vous et moi, qui soignaient et aimaient leurs
enfants, bichonnaient leur chien ou leur chat et
frémissaient face aux horreurs des faits divers... Et
pourtant, ils infligeaient des souffrances indicibles à
d'autres personnes !

Rassurez-vous toutefois : dans cette expérience,
l'Élève ne recevait aucune décharge électrique et
c'était un acteur qui jouait à la perfection la
souffrance et la détresse. En réalité, le but de
l'expérience n'était pas de tester la mémoire mais
bien la soumission à l'autorité. Et là, les résultats

furent sidérants : soixante-six pour cent (!) des gens
sont capables de torturer leurs semblables ! Et cela
seulement parce qu'une autorité le leur demande :
en l'occurrence le Directeur de Recherches en
blouse blanche, de toute évidence une sommité
scientifique, qui leur avait donné les instructions
préalables, la règle du jeu. Le vrai sujet de
l’expérience était : jusqu'à quel point des personnes
normales sont-elles prêtes à infliger une souffrance
physique à une victime innocente ? La réponse a
quelque chose de terrifiant, d’autant plus qu’un
groupe de trente neuf psychiatres avait auparavant
prédit qu’il n’y aurait qu’une seule personne sur mille
pour accepter de torturer l’Élève jusqu’au voltage
maximum. Or, il y en eût soixante-six pour cent !!!

La conclusion de cette recherche est la suivante :
la plus grande part des individus est incapable de se
refuser à accomplir ce que lui ordonne une autorité
reconnue comme telle par ses titres, ses diplômes,
sa position. Elle a abouti à la constatation de la
docilité presque sans limites manifestée par les
individus vis-à-vis d’une figure d’autorité.

Oui, Monsieur qui m'êtes si supérieur...

Voilà un extraordinaire levier de manipulation nous
replongeant bien sûr dans le concept d'auto-
manipulation : le manipulateur peut activer cette
manette-là pour vous amener là où vous ne voudriez
pas...

Les publicitaires sont passés maîtres dans
l’utilisation de cette manette. Regardez, ce soir,
votre écran TV à l’heure de la « page pub ». Il y a
fort à parier que vous y verrez, par exemple »:

• Le professeur Moisavoir vous affirmer que la
lessive Whitétincel est la meilleure pour
préserver la pureté des couleurs de vos
draps tout autant que la santé de l’eau de
nos rivières

• Ou bien son frère, le docteur Moisavoir, vous
assurer que le dentifrice Krystall-Deroche
vous donnera le sourire de la star et une
haleine parfumée aux phéromones

• Ce peut aussi être l'Ingénieur Elecktronick
qui vous précisera les caractéristiques
techniques rendant uniques et

incontournable la dernière voiture sortie des
ateliers de Ferraporche

• À moins que le général Konbatan ne vous
raconte les merveilleuses aventureuses
exotiques que vous vivrez après vous être
enrôlé dans l'Armée de l'Espace...

Il n'y a peut-être pas là une franchement
méchante façon de se servir de la manipulation par
le poids de l’autorité. Mais c’est là le pôle faible qui
est la porte d’entrée du pôle fort : celui, par exemple,
qui fait que les autorités Khmères Rouges ont
autrefois pu amener des Cambodgiens moyens à
commettre un génocide d’un million au moins de
leurs frères et sœurs du même pays, du même
peuple...

Moyens de cette manipulation

Voici les moyens utilisés par ceux qui veulent vous
manipuler par l’automatisme du poids de l’autorité :

• Les diplômes – docteur, professeur,
ingénieur, etc.

• Les vêtements – uniformes, costume de ville
de bonne coupe, etc.

• Les accessoires – voitures de prestige,
attaché-case, bijoux et objets de luxe, etc.

• Les titres et la position sociale – président-
directeur-général, président, ministre,
conseiller général, colonel, inspecteur, etc.

Comme déjà dit plus haut : la manipulation passe
toujours par la communication. Imaginez que sonne
à votre porte un homme bien mis, chaussures
brillantes, mains soignées, attaché-case :

– Bonjour Madame Dupond. Permettez-moi de me
présenter. Je suis Monsieur de Bigargent, le
Directeur de l’Agence Bancaire dans laquelle vous
avez votre compte. Nous avons un problème
informatiques avec les codes de certaines cartes de
payement de nos clients : il y a eu des fuites et nous
devons faire des vérifications pour assurer votre
sécurité. Mais inutile de vous déranger : confiez-moi
votre carte et votre code, je vais faire faire les tests
nécessaires et je vous ramène le tout dans deux
heures.

Ne souriez pas : les faits divers prouvent
régulièrement que cela marche ! C’est gros, mais il y
a plus fin :

• Faux « employés de la mairie » venus
prendre les extincteurs dans les PME-PMI
pour les « recharger » à grands frais et au
bénéfice d’une entreprise

• Faux « agents de la préfecture » ayant pour
mission de changer les tuyaux de cuisinière
à gaz prétendument trop vieux – vingt cinq
fois le prix du tuyau neuf, bien sûr...

Comment y échapper ?

Alors, y a-t-il un remède à la manipulation par le
poids de l’autorité ? Évidemment, il serait stupide de
vouloir s'amputer du conditionnement de
l’obéissance à l’autorité qui peut parfois nous sauver
la vie : il vaut mieux obtempérer quand l’agent de
police vous arrête pour vous éviter de mêler la tôle
de votre voiture à l'amas du carambolage qui se
trouve un peu plus loin sur l'autoroute... Dans un
autre registre : il vaut mieux obéir au médecin qui
vous dit de prendre tel remède pour extirper de votre

corps le ténia qui s'y est installé... Ou encore : il est
préférable d'accepter quand le contrôleur vous
ordonne de ne pas positionner vos mains de cette
manière en actionnant la machine (sauf si vous
voulez qu'elle vous broie quelques-uns de vos
doigts)...

Le remède, toujours et encore, est dans la
réflexion, la jugeote, l’analyse et la synthèse des
éléments en présence. Posons-nous des questions :

• Quelle est la sincérité, l’honnêteté, la fiabilité
de cette figure d’autorité ?

• Ce qu'elle me propose sert qui – moi ou
elle ?

• Obéir à cette autorité est-il pertinent pour
moi ?

• Quelle sont les compétences/connaissances
réelles de cette figure d’autorité ?

• À quoi suis-je sensible dans cette figure
d’autorité ?

• À ses diplômes – ai-je la preuve de leur
réalité ?

• À sa mise ? – « L’habit ne fait pas le
moine », dit le proverbe...

• À son titre – qu’est-ce qui me le prouve ?

• À des symboles ? – lesquels ? Qu'est-ce
qu'ils prouvent ?

• À ce que j’ai envie de croire ?...

• Est ce que ce qu’elle veut de moi présente
un rapport utile à ce qui se passe, à la
question en suspens ou au problème en
cours ?

En d’autres termes, acceptez le côté positif du
poids de l’autorité quand celle-ci vous sert et est
donc altruiste, mais ne vous auto-manipulez plus à
son avantage – et au bénéfice des manipulateurs
utilisant contre vous le levier du poids de l'autorité..

7) Ciel ! Et je raterais cette magnifique occasion !

Nous sommes tous vraiment attachés à nos
libertés – et la liberté de choisir et de posséder est
l’une d’entre elles. Il est de fait que, lorsqu’un objet
est devenu rare, cette liberté de choix et de
possession se trouve diminuée – et il pourrait même
se faire que, si l’on n’acquiert pas cet objet là,
maintenant, tout de suite, il devienne impossible de
le posséder ? :

• Si je ne me précipite pas à cette exposition
des œuvres tahitiennes de Gauguin – celle
qui, pour une dizaine de semaines
seulement, me permet de contempler, pour
la seule fois réunis, une vingtaine de
tableaux de ce maître –, eh bien, je ne les
verrai plus jamais ensembles (et tant pis
pour les deux kilomètres de file d'attente
devant la caisse de la galerie d'art).

• Ou bien, si je ne me jette pas dans les
enchères sur les meubles (communs et sans
valeur) et les bibelots (peu intéressants) de
la défunte diva, jamais je ne posséderai (en

l’ayant payée fort cher) une de ces babioles-
là.

• Ou encore, si je n’achète pas, maintenant et
tout de suite, cet appareil photo dont il ne
reste plus qu’un seul exemplaire dans le
magasin, je devrais, oh horreur, m’en
passer ! – ma liberté de le posséder en
prend un coup !

Tous, nous détestons voir entravée notre liberté
d'acquérir ou de participer à quelque chose »:
lorsque cela se produit, monte en nous l'angoisse
plus ou moins larvée de la frustration et s'amplifie
parallèlement le désir d’obtenir ce qui risque de nous
devenir inaccessible, que ce soit un objet ou un
événement – rare... Et cet objet ou cette situation
nous apparaissent de ce fait de plus en plus chargés
d’aspects positifs qui nous les rendent encore plus
désirables : alors une tendance à justifier notre
pulsion de les posséder a de grandes chances de se
lever en nous (beau vecteur d'auto-manipulation). Or
si, malgré la file d'attente interminable, l’émotion
esthétique que l'on ressentira devant les chefs-
d’œuvre de Gauguin est inestimable, l’angoisse

éprouvée à l’idée de rater le dernier appareil photo
du stock est sans doute plus discutable...

Être confronté à la rareté et vouloir entrer en
possession de ce qui est rare, voilà encore un des
moteurs inhérents à la psyché humaine. Ce moteur
a une grande utilité : c’est lui qui stimule à évoluer, à
aller de l’avant, à sortir des limites. La théorie du
sociologue James C. Davies sur les révolutions,
affirme ceci :

– Les révolutionnaires ne sont pas issus des
classes opprimées de toute éternité, car celles-ci
considèrent leur misère comme étant dans l’ordre
normal des choses. Non, le révolutionnaire est celui
qui a goûté à une vie meilleure. C’est lorsque ces
meilleures conditions lui sont retirées subitement –
qu’elles sont devenues rares – que se manifeste le
désir renforcé de les retrouver et que s’éveille l’esprit
de révolution pour les reconquérir. C’est le contraste
entre avoir eu / ne plus avoir qui déclenche le réflexe
de se réapproprier l’objet du désir. Ainsi, la réaction
naturelle à la perspective de la rareté est
d’accentuer le désir de posséder et d’enclencher
l’action immédiate pour y parvenir. Voyez par

exemple ce qui se passe lorsqu’un gouvernement
prétend réduire les acquis sociaux, donc les raréfier
– et même si c’est pour améliorer d’autres aspects
des données collectives – : le pays est paralysé par
des grèves pendant des semaines.

Dites-moi, ne vous êtes-vous jamais auto-
manipulé face à ce type d'événement ?:

• Une affiche déclarant quelque chose
comme : « Dernier jour de soldes » – en
achetant des choses dont vous n’aviez pas
vraiment besoin ?

• Avez-vous déjà assisté à une vente aux
enchères (en salle de ventes ou sur
Ebay...) ? Si oui, vous savez quelles sont les
sensations que l’on y ressent : excitation,
désir, cœur battant, jubilation lorsqu’on a
vaincu un adversaire pour s’approprier
l’objet – unique, bien sûr, donc rare – pour
lequel on a (sur)enchéri et parfois bien au-
dessus de ce que l’on aurait accepté de
payer le dit objet si on avait gardé la tête
froide !...

Voulez-vous « jouir » ou « posséder » ?

La rareté enclenche donc un réflexe de
compétition pour une ressource limitée que l’on veut
posséder. Ce réflexe s’alimente par des bouffées
émotionnelles désagréables : entre autres la peur de
ne pas avoir, d’être privé, frustré. C’est donc bien
plus la possession qui est la réelle finalité dans ce
cas de figure, et non la jouissance de l’objet.

Bien entendu, il y a là, dans cet aspect de la
psychologie humaine, un merveilleux levier que
savent actionner bien des manipulateurs. Regardez
autour de vous, souvenez-vous...

• Par exemple, de la fois où, chez cet
antiquaire, vous vous êtes laissé convaincre
que ce vieux livre du 19ème siècle était une
pièce unique, une affaire rare. Vous l’avez
acheté (cher) pour vous rendre compte
quelque temps plus tard qu'il y a pléthore de
ces livres et qu'ils ne valent presque rien sur
le marché des livres anciens.

• Au restaurant, le garçon vous dit : « Il ne
nous reste plus qu’une ou deux portions de

tête de veau en gelée. » Vous ne raffolez
peut-être pas de ce plat, mais il est
certainement très bon dans ce restaurant
puisque la plupart des clients l’ont choisi.
Alors, si vous tardez à prendre la décision de
le commander, un autre client va avoir
l’ultime part – et pas vous ! Mais quelle
affreuse perspective ! Comment rater
l’occasion de le goûter ici, n'est-ce pas ?

• N’avez-vous jamais demandé le prix d’un
objet à un stand d'un vide-grenier, juste
avant qu’un autre passant n’en fasse
autant ? Et ressenti comme une angoisse à
l’idée qu’il puisse vous souffler l’affaire (si
affaire il y a) sous le nez ?

• Le vendeur du magasin d’informatique :
« Cette imprimante, tout le monde la veut
parce qu'elle est exceptionnelle : c'est pour
cela qu'elle est en rupture de stock chez le
fournisseur. Elle ne pourra être à nouveau
disponible que dans quelques mois. Ah, mais
je crois bien me souvenir qu'il nous en reste
encore une dans la réserve, la toute

dernière. » Ciel ! Et vous rateriez cette
opportunité !?..

Émotivité = signal d'alarme

Obtenir ce qui est rare implique qu’on doit le
conquérir à tous prix et ainsi le retirer à tout autre
possesseur potentiel, nécessairement interprété
comme un rival. Cela active le réflexe de conquête
et de surpassement d’autrui.

C'est donc en vous-même que se trouve le moteur
de la manipulation basé sur le « C’est rare – donc
c’est précieux » : il est alimenté par un carburant qui
est votre propre émotivité. Celle-ci vous brouille le
jugement, vous faisant fonctionner en mode
automatique, pulsionnel, compulsif : elle se fait donc
l’alliée du manipulateur pour le servir dans ses buts
et à votre détriment.

Or, c’est précisément dans ce « carburant » que
se trouve la parade à la manipulation par le « C’est
rare – donc c’est précieux ». En effet :

Cette montée d’émotivité doit vous devenir le
signal d’alarme, une sorte de commande

enclenchant un processus d’auto-protection !

Lorsque survient cette émotivité, demandez-vous :

• Est-ce que cet objet/événement que je
convoite est réellement rare ? – quelle

certitude en ai-je ?

• Y a-t-il d’autres objets/événements similaires
qui me donneraient les mêmes avantages ou
rempliraient le même office pour moi ? Si oui,
lesquels et où ?

• Si j'acquiers l'objet/événement, quels
bienfaits réels (autres que d’avoir
simplement remporté le morceau) retirerai-je,
en termes de :

◦ Utilité

◦ Valeur intrinsèque

◦ Valorisation personnelle

◦ Avantages économiques ou

psychologiques ?

◦ Autres ?

• En fonction de ces bienfaits attendus :
combien suis-je disposé à les payer ?

• Est-il urgent que j'obtienne ces avantages ?

• Est-il nécessaire que j'obtienne ces
avantages ?

Alors, en fonction de votre réponse à ces
questions, achetez ou n’achetez pas et, dans ce
dernier cas, regardez le manipulateur de haut :

Ce manipulateur qui a cherché à se servir de vos
émotions pour vous amener là où lui voulait...

8) On n'attrape pas les mouches avec du
vinaigre !..

Si l’amour est aveugle il arrive souvent aussi, dans
les situations où il y a une offre à laquelle on
souhaite que vous souscriviez, que la sympathie que
vous ressentez pour votre interlocuteur obscurcisse
votre saine et claire vision des choses !..

Ce qui suit ne va certainement pas vous étonner :

• Vous savez bien que lorsqu’on trouve
quelqu’un sympathique, on a plaisir à être en
sa compagnie et on devient plus réceptif à
ce qu’il dit

• De même, quelqu’un qui frappe à votre
porte, muni de la recommandation d’un de
vos amis, se verra bien mieux accueilli qu’en
dehors de cette circonstance...

N'est-ce pas ?

Les manuels pour former les vendeurs
mentionnent ceci :

– Dites à votre prospect que Monsieur Untel, son
ami, pense qu’il aurait intérêt à écouter ce que vous
avez à lui dire. Ce procédé a une valeur
inestimable : dans beaucoup de cas, la vente est
déjà à moitié réussie avant même que vous
n’entriez.

Vous vous demandez peut-être maintenant
comment l’entreprise qui vous sollicité sait que
Monsieur Untel est votre ami ? : n’avez-vous jamais
reçu, avec votre commande, la proposition d’un
cadeau si vous communiquez l’adresse d’une de vos
connaissances à l’entreprise de vente par
correspondance ? La sympathie ou l'affection que
vous éprouvez pour vos familiers, connaissances et
amis peut donc également être utilisée contre vous
par des manipulateurs.

Mais la sympathie peut également être activée de
manière plus directe : n’avez-vous jamais trouvé un
vendeur tellement plaisant que vous avez, un peu
précipitamment, sorti votre chéquier ? Moi, en tous
cas, je me souviens d’un jour lointain où ma mère
voulait m’offrir un pull-over pour mon anniversaire.
Voici l’histoire :

Ma mère et moi faisions donc les magasins et j’ai
finalement opté pour un pull dans l’un de ceux-là.
Que croyez-vous qui m’ait décidée ? Le fait que la
patronne, ayant entendu que c’était mon
anniversaire, a saisi la balle au bond pour me
féliciter et m’offrir ses meilleurs vœux. C’est bien cet

assaut de sympathie qui m’a fait choisir d’acheter
chez elle plutôt qu’ailleurs. Je ne crois pas me
souvenir d’avoir regretté cet achat mais, et c’est
significatif, je me rappelle encore aujourd’hui cet
épisode de mon adolescence.

Ainsi, la sympathie, le fait d’être reconnu,
apprécié, considéré (même si c’est faussement par
le manipulateur) fait abaisser certaines défenses,
ouvre à l’acceptation. Bien évidemment, il est hors
de question de réveiller une méfiance systématique
à chaque fois que quelqu’un se révèle agréable
envers vous ! Pour valoir d’être vécue, la vie doit
être faite de rencontres et de contacts gratifiants,
d’échanges sympathiques et de dialogues plaisants.
Toutefois la mauvaise manipulation qui utilise le
pouvoir de la sympathie doit être contrée. Et cela
d'ailleurs d’autant plus que le plaisir que l’on éprouve
face à l’affection et à la considération qu’autrui nous
porte est une des plus puissantes sources de plaisir
qui soit – et donc un levier considérable pour nous
faire agir et réagir même contre nos propres intérêts.

En chaque être humain sont profondément ancrés
le désir d’échange amical et sympathique tout autant

que le besoin d’amour. C’est dire à quel point la
manipulation par la sympathie est quelque chose
d’abject puisqu’elle s'alimente de cette aspiration si
fondamentale, si essentielle.

Intox

Quelles sont les différentes armes du
manipulateur par la sympathie ? Les voici :

• L’apparence extérieure – sourires et regards
chaleureux, mais aussi vêtements et
comportement engageants

• La mise en avant de points communs. Par
exemple, si vous portez un signe
d’appartenance à un club de football, le
vendeur pourra vous parler de buts et de
ballon ; ou, s’il parvient à découvrir que vous
êtes originaire de Bretagne, il pourra vous
déclarer son intérêt pour cette belle région –
ses crêpes, ses mégalithes, son folklore et
ses rivages...

• L’utilisation de votre nom ou/et prénom – ce
qui peut créer une proximité voire une sorte

de familiarité ou d’intimité. « Monsieur Paul –
puis-je vous appeler Monsieur Paul ? – vous
allez constater à quel point ce modèle de
voiture... » Et qui voudrait paraître ours ou
prétentieux au point de refuser qu’on
l’appelle par son prénom alors que le
demandeur est si sympathique ?!

• Les compliments – comme la patronne du
magasin de pulls ci-dessus, ou bien comme
l’homme abordant une jolie jeune fille dans la
rue en ces termes : « Mademoiselle, vous
avez une réelle élégance ! Vous êtes
certainement mannequin ? »

• La coopération contre un « ennemi » –
comme dans le cas de l’employé qui vise un
poste se libérant et qui s'étonne de recevoir
subitement l’aide sympathique d’un collègue
contre le deuxième candidat au poste ? Bien
sûr, s’il y a là de la manipulation par la
sympathie – et seulement dans ce cas –
c’est peut-être parce que le collègue en
question a des raisons de redouter
l’avènement de l’autre candidat ? Ou encore

qu'il attend un « renvoi d'ascenseur » plus
tard (principe de réciprocité)...

• La coopération tout court – « Je t’aide à faire
ton devoir de sciences » – et je pense par-
devers moi que cela me rendra les choses
plus faciles lorsque je voudrai t’emprunter les
clés de ta voiture pour sortir avec ma petite
amie (voilà comment on peut encore ajouter
le principe de réciprocité à cette
manipulation)

• La « contagion », c’est-à-dire le fait de créer
une assimilation entre ce que représente ou
fait le manipulateur (et qui est estimé) et soi-
même et ses propres convictions, idées,
valeurs... Par exemple :

◦ Le faux prêtre qui vient quêter pour de
prétendues bonnes œuvres – alors que
l'on vous sait être d'une nature
compatissante

◦ Ou la multinationale de produits
chimiques qui affirme que son but majeur
est de dépolluer l’environnement –

« raison » que (puisque vous avez l'âme
écolo) vous devriez juger évidente pour
préférer ses produits à ceux des autres
marques

◦ Ou le politicien – à l'affût des voix qui le
rééliront – qui offre (aux frais du
contribuable) une belle salle des fêtes au
village, ce qui améliorera la convivialité
entre les habitants...

• L’imitation – c’est-à-dire le fait de copier
délibérément certaines de vos attitudes,
façons de parler, choix de mots et
d’expressions : ce qui vous est familier
génère en vous moins de résistances et ce
qui est personnel est inconsciemment
accepté et apprécié (et vous pourriez avoir
du mal à repérer ce genre de manœuvre car
l'imitation est généralement finement faite
quand on a affaire à un maître-manipulateur)

• Les cadeaux et nourritures offertes – comme
par exemple :

◦ Le marchand de tapis qui vous entraîne
au fond de son magasin pour vous offrir le
thé à la menthe – mais comment pourrait-
on refuser cela, c’est le signe que l’on est
un hôte privilégié, n’est-ce pas ? – mais
c'est ensuite bien plus difficile de repartir
de l'échoppe sans avoir acheté quelque
chose !

◦ Ou bien le déjeuner d’affaires offert dans
le Quatre Étoiles du coin, éventuellement
embelli par la présence de quelque jolie
fille, voilà qui pourrait bien faciliter la
signature du contrat ; n'est-ce pas ?

◦ Ou encore quelques graphismes
hypnotiques offerts tout à fait gratuitement
– pour vous parler ensuite abondamment
d’une série de livres sur l’hypnose qui
vient juste – et peut-être pour la dernière
fois ! – d’être rééditée...

Désintox

Alors, que faire ? Faut-il devenir « parano » ? Bien
sûr que non !

La sympathie, l’amour, l’amitié, la tendresse,
l’attention, la considération, les cadeaux, le plaisir
d’être ensemble sont des choses si aimables, si
désirables... Comment s’en priver ? Et bien là aussi
je répondrais : non, il ne s’agit pas du tout de s’en
priver !

Il s’agit seulement de contrecarrer la
manipulation utilisant le pouvoir de la sympathie.

C'est simple et l'antidote tient en trois étapes.

1) Il vous suffit de vous demander :

– Cette sympathie que je ressens en ce moment
pour cette personne, n’est-elle pas un peu rapide, un
peu inattendue ?

Il s’agit donc pour vous de repérer, ou plutôt
d’acquérir le réflexe de repérer ce sentiment de
sympathie lorsqu’il naît en vous d’une situation où il
est sans réel objet :

• Négociation

• Achat
• Vente
• Moment où l’on cherche à vous persuader

de quelque chose, où l’on manœuvre pour
emporter votre adhésion...

Il est de fait que, dans tous ces exemples, les
caractéristiques utiles sont d'abord la lucidité, l'esprit
clair et efficace, le jugement précis impliquant une
capacité à prendre du recul... La sympathie, si elle
n'est évidemment pas interdite, vient loin derrière
celles-ci.

2) Ensuite, demandez-vous :
– Comment cette personne s’y est-elle prise pour
que je ressente une si vive sympathie pour elle ?
Alors, vous verrez les ficelles :

• Elle vous a complimenté

• Ou elle vous a offert quelque chose

• Ou elle s’est montrée en complicité avec
vous

• Ou toute autre technique pour activer le
sentiment de sympathie envers elle...

3) Il vous reste alors à vous poser la seule
question qui a encore de l’importance :

– Est-ce que je veux acheter ce produit ou ce
service ? Est-il judicieux que j’adhère à ce qui m’est
proposé ici ?

Alors, s'il y a lieu vous pourrez déjouer la
manipulation et décider en toute connaissance de
cause et avec un esprit lucide de la suite que vous
acceptez de donner à la proposition qui vous est
faite.

Vous avez maintenant de quoi contrer le
manipulateur

Avoir un cerveau revient à avoir
le choix ! – T. Leary / Docteur en
Psychologie

Voilà. Résumons : dans ce livre je vous ai
expliqué quels sont les huit moteurs de la
manipulation et vous savez à présent qu’elle se sert
de ce que est déjà présent en vous pour vous
amener à mobiliser vos propres forces d’auto-
manipulation.

Vous savez aussi :

• Que la manipulation est partout, dans toute
communication, de façon bénigne ou
maligne, petite, moyenne ou grande,
inconsciente ou délibérément calculée

• Qu’elle peut être mauvaise ou meilleure (la
bonne étant seulement théorique et
n'existant pas) : elle n’est pernicieuse que
quand elle joue contre vous et au bénéfice
du manipulateur, qu’il soit un être humain, de

la publicité ou une instance de quelque
nature

• Que l’on peut – et que vous devez – se
rendre résistant à la mauvaise manipulation,
indésirable par définition.

Ce dernier point est évidemment le plus
important...

Un peu d'entraînement ?

« La bonne pédagogie et la mémorisation sont
liées à la répétition », avait coutume de dire mon
Directeur de Thèse.

Vous pourriez utiliser le chapitre suivant en tant
qu'exercice qui affinera votre compréhension des
ressorts et des fonctionnements de la manipulation.
Vous y découvrirez quelques cas authentiques (on
m'en a parlé ou je les ai rencontrés) de
manipulateurs visant à obtenir de l'argent, du
pouvoir, des avantages, du sexe...

Servez-vous maintenant de ce que avez appris
pour décrypter les ressorts de leurs manipulations
parmi les huit moyens (et leurs « mélanges ») que je

vous ai décris : de quels moyens manipulatoires se
sert Urs, ou Bobby, ou Gérard ?...

Car faire cet exercice vous aidera d'une part à
vous remémorer les concepts que je vous ai décrit et
à mieux intégrer vos nouvelles connaissances
concernant les leviers de la manipulation. Tout ceci
vous permettra aussi de mieux aiguiser votre
vigilance – pour les cas où vous risqueriez d'être
l'objet de manipulateurs dans votre propre vie...

Portraits de quelques manipulateurs

La manipulation reste en effet
l'ultime recours dont disposent
ceux qui sont dépourvus de
pouvoir ou de moyens de
pression. Elle présente en outre
l'avantage de ne pas apparaître
comme telle et de maintenir autrui
dans le sentiment de sa liberté. –
Joule / Beauvois

Nous avons tous des idées sur ce que font les
manipulateurs dans la mauvaise manipulation.
Toutefois, ces idées sont en général vagues et
sommaires. Alors, éclaircissons les choses. En fait,
la manipulation peut s'exercer tous azimuts et nous
allons voir quelques-uns de ces azimuts.

Le manipulateur aime l'argent...

Obtenir de l'argent est certainement un des plus
grands moteurs des manipulateurs.

Urs

Urs est un petit malin. Il a onze ans et il aime bien
« faire la manche » pour se faire de l'argent de
poche. Seulement, il ne chante pas très bien, il ne
joue d'aucun instrument de musique ni ne mémorise
facilement des poèmes et, de plus, vu son jeune
âge, les adultes auraient tôt fait de s'inquiéter de le
voir dans la rue à demander des pièces. Il a donc
mis au point une méthode tout à fait efficace. Voilà
comment il procède :

Il s'est muni d'images pieuses, qu'il paye quelques
cents chacune, et de carrés de caramels achetés au
kilo dans une grande surface. Il a aussi préparé une
sorte de tronc en carton, habillé de papier rouge et
blanc et présentant une fente sur le dessus. Il a pris
soin de s'habiller correctement : polo bleu et blanc,
pantalon bleu et petit foulard (ça fait un peu scout).

Une fois par semaine, en changeant de quartier à
chaque fois, il s'en va quêter en arrêtant uniquement
les passantes de plus de quarante ans :

– S'il vous plaît, Madame, on fait la quête pour la
paroisse Ste XY : c'est pour payer un voyage en

autocar à Lourdes qu'on aimerait organiser pour les
moins de quinze ans des familles défavorisées de
notre quartier. Vous voulez bien m'acheter une
image ? Vous donnez ce que vous voulez – si
possible un ou deux euros ?

En moyenne une fois sur deux, les sollicitées
sortent l'argent demandé de leur porte-monnaie et le
glissent dans la fente de la boîte et certaines même
refusent de prendre l'image : tout bénéfice pour Urs.
Et pour les autres ? Le garçon a mis au point une
parade :

– Si vous ne voulez pas acheter une image, au
moins prenez deux caramels pour cinquante cents ?

Et là, oh surprise, huit fois sur dix son
interlocutrice lui tend, en bougonnant certes un peu,
le demi-euro demandé, prend les deux caramels et
s'en va. C'est encore tout bénéfice pour Urs et c'est
une belle manipulation. Avec l'argent ainsi récolté, il
s'achète des jeux vidéo et des bandes dessinées, ce
en quoi il ne fait guère de mal à la société. Il est tout
de même un habile manipulateur...

Que s'est-il passé au niveau psychologique pour
les passantes récalcitrantes qui ont finalement
accepter de payer ? C'est plus ou moins gênant pour
son ego de refuser une si petite pièce pour un si
méritoire projet. Elles ont été reconnaissantes du fait
d'avoir reçu le moyen de s'en tirer à si bon compte et
de pouvoir se débarrasser ainsi du solliciteur sans
avoir à argumenter ou à se fâcher : elles ont éliminé
en elles ces sentiments de gêne vague et de
reconnaissance en donnant le tribut de
« seulement » cinquante cents... Principe de
réciprocité...

Jolis joujoux...

Deux ou trois fois par an, passent dans les
cabinets libéraux et dans les PME – PMI (ce sont les
petites entreprises qui sont visées parce qu'il y a peu
d'employés et que l'information y circule donc vite de
l'un à l'autre) un charmant jeune homme, différent à
chaque fois, qui annonce qu'il est étudiant et qu'il fait
un petit boulot pour arrondir son porte-monnaie, Il
ajoute :

– Voilà, je travaille pour l'entreprise WX. Je vous
laisse ces objets jusqu'à mardi. Ainsi, tous les

membres de votre entreprise pourront les regarder
et les toucher. C'est absolument sans engagement
et, si personne ne veut en acheter, je les reprendrai
sans problèmes.

Bien sûr, le premier réflexe est de refuser. Mais
enfin, cela n'engage à rien et, de toutes façons, on
se sent assez forts pour résister le moment venu –
après tout, on reste libre de décider, n'est-ce pas ?
Alors, comme pour le cheval à Troie, on laisse entrer
les objets. Ce sont de charmants jouets ayant une
petite originalité tels que nounours ou canards en
peluche débitant de petites phrases (« Allons jouer
! »; « Ah, j'ai sommeiiil »; « Je t'aime »; « Fais-moi
un câlin ! »...). Parfois, ce sont des livres divers,
quand la mode est aux sauriens géants ou sur les
Indiens quand ce sont les Peaux-Rouges qui sont à
l'honneur. Avec la marchandise se trouve
évidemment un bon de commande.

Et le jeune homme s'en va, après avoir assuré
encore une fois que c'est « sans engagement ».

En chacun adulte sommeille une âme d'enfant :
les employés, trop heureux d'une mini-récréation,
viennent contempler les objets, jouent un peu avec,

parlent de leur fils de quatre ans ou de leur nièce de
six ans à qui ceci pourrait plaire... Et puis : Pâques
approche, ou encore l'anniversaire du petit... Et
d'ailleurs, ce serait pratique d'acheter tout de suite
l'un ou l'autre cadeau pour la chère tête blonde, ce
qui évitera les énervements et les files d'attente aux
caisses quand Noël arrivera (dans huit mois !)...

Quand le jeune homme revient quelques jours
plus tard, lui est remis le bon de commande rempli
validé par le cachet de la PME. Une fois les objets
livrés, chacun prendra son joujou et payera son
écot...

Que s'est-il passé ? Le jeune vendeur est
charmant et sympathique, il ne demande rien et il fait
un cadeau : il donne aux employés la possibilité de
« posséder » pendant quelques jours ces jolis et
innocents objets. Il sait bien qu'il y aura des
commandes d'autant plus que la synergie du groupe
va faciliter l'acte d'achat : chacun entraînant l'autre
sur le chemin de « Ce dinosaure tigré plairait à ma
fille Laetitia qui vient tout juste de s'acheter des
livres sur les dinosaures ! » Et puis, n'est-ce pas en
plus une bonne action que d'aider un jeune en

formation (les étudiants manquent notoirement
d'argent) ? Si on ne faisait pas ce genre de bonne
action, quelle médiocre image de soi on donnerait...

Ce procédé appuie sur le principe de réciprocité et
sur la gratitude « obligatoire » en cas de cadeau.

Amway

C'est le principe mis au point par Amway, une
entreprise de produits d'entretien. Là aussi les
vendeurs au porte à porte laissaient les produits
dans les foyers pour essai pendant quarante-huit
heures, gratuitement et sans obligation d'achat. Le
crédo qui s'avéra juste était : « C'est là une offre que
personne ne refusera ». Une fois le délai passé, le
vendeur venait récupérer les emballages entamés
par l'essayeur – et prendre les commandes. Cette
procédure a fait faire un bond surprenant au chiffre
d'affaires de la société16.

16 - Cité par Joule et Beauvois dans Petit traité de
manipulation à l'usage des honnêtes gens, Presses
Universitaires de Grenoble.

L'histoire ne dit pas si les clients ont été floués sur
le plan des prix ou/et de la qualité des produits. Mais
il y a à parier qu'aucun d'entre eux n'a jamais pensé
qu'il avait été manipulé : après tout, il avait été tout à
fait libre d'acheter...

Le manipulateur aime le sexe...

Voici deux récits vécus de manipulations ayant
pour objectif l'obtention de faveurs sexuelles.

Mira et Bobby

Mira est une très jolie jeune fille blonde – vraiment
blonde – au corps souple et élancé : quand elle
marche, on a l'impression qu'elle glisse en effleurant
à peine de sol. Il est vrai qu'elle fait de la danse
classique ce qui lui a donné cette démarche
particulièrement gracieuse. Ses yeux sont parfois
bleus, parfois gris et parfois verts et, quelle qu'en
soit la couler, ils expriment le plus souvent la
tranquillité d'esprit. Elle est issue d'une famille
globalement plutôt équilibrée, aisée et d'un niveau
intellectuel au-dessus de la moyenne : ses parents
sont tous deux professeurs d'université.

Ce soir, son boy-friend Quentin l'a amenée à une
soirée d'étudiants. Mais voilà que le jeune homme,
qui a un peu bu et qui sait bien que Mira n'est pas du
tout prête à aller au lit avec lui, s'intéresse à
Vanessa qui, elle, est beaucoup plus susceptible de
lui céder. Mira n'est pas contente. De plus, elle n'a
pas de voiture et est donc liée au fait que quelqu'un
la ramène chez elle.

Bobby a quarante ans et, s'il est là, c'est parce
qu'il se sent être resté très jeune d'esprit et qu'un de
ses copains, éternel étudiant / éternel adolescent de
vingt-huit ans, l'a entraîné. Bobby repère Mira seule
dans une encoignure. Il est agréable à regarder,
bien mis, a de bonnes manières et il invite Mira à
danser le slow qui commence. Il a, bien sûr, une
idée derrière la tête (mais il sait aussi qu'elle ne doit
en aucune manière transparaître) : cette mignonne
jeune fille est un morceau de roi, excellent à croquer
pour le séducteur qu'il est – et pas plus tard que ce
soir parce que Bobby n'est pas du genre à faire la
cour pendant des semaines pour conclure.

Pour l'instant, il ne serre pas Mira de trop près, il
danse bon chic / bon genre et bavarde

courtoisement. En même temps, il cherche à repérer
les indices utiles pour affiner sa stratégie. Bobby est
un manipulateur tout à fait conscient de l'être et il
connait clairement son but : avoir cette nuit même
une relation sexuelle avec Mira. Il ne se demande
pas un seul instant si ce but pourrait se révéler
nuisible pour la jeune fille car, après tout, le sexe
c'est toujours bon à prendre, n'est ce pas ? Et « les
filles n'attendent que ça, c'est bien connu » !

Au fil de la conversation, Bobby comprend que
Mira est en colère contre son boy-friend, lequel n'est
plus visible et pas davantage Vanessa. L'homme
adopte une attitude compatissante :

– Je comprends ce que tu ressens. Tu sais, moi
aussi je viens d'être largué par ma girl-friend [il
adopte le langage de Mira]. Si je suis venu ici, c'est
parce que mon copain m'y a amené afin que je me
change les idées, sinon je crois bien que je serais
resté à déprimer chez moi. Je suis vraiment heureux
de t'avoir rencontrée : toi et moi, on peut au moins
se comprendre mutuellement puisqu'on est dans la
même situation.

Bobby crée ainsi un rapprochement de situation
entre eux. En même temps, il manipule
l'interprétation de ce qui semble être : Quentin
absent, c'est évidemment parce qu'il a préféré
Vanessa à Mira [en réalité, les deux jeunes gens
sont seulement allés discuter avec des amis de la
jeune femme à l'étage]. Bobby fait ainsi bien
« monter la sauce », c'est-à-dire stimuler le
ressentiment de son interlocutrice envers ce lâcheur
de Quentin. En même temps, il souligne les
ressemblances entre leurs situations respectives et il
se met en position basse, celle d'un homme qui
déprime et aurait besoin de consolation :

– Finalement, à part le plaisir de t'y avoir
rencontrée, cette soirée n'est pas géniale. Je crois
que je vais partir. Si tu veux, je te ramène ?

Aussitôt dit, aussitôt fait. Bobby ne va pas violer
Mira : il est bien trop au fait des risques encourus et,
de toutes façons, il se veut un séducteur – et un
séducteur n'a évidemment pas besoin de violer. Il
propose à la jeune fille une petite promenade le long
des quais pour admirer les lumières de la ville se
refléter dans l'eau, c'est-à-dire exactement le genre

de ballade romantique qu'elle peut apprécier. Elle
trouve d'ailleurs agréable d'être là, avec ce bel
homme qui a de la peine, et elle parle d'elle en toute
naïveté. Puis, parce qu'il :

– Il est encore tôt, seulement onze heures. On
pourrait prendre un verre chez moi ? J'éprouve le
besoin de parler à quelqu'un qui me comprend. Je te
ramène ensuite – vers une heure du matin, c'est
raisonnable ?

L'on devine la suite : de rapprochements en
caresses plus précises. Mira, croyant être le soutien
moral salvateur de l'homme, se retrouve finalement
dans son lit. Elle a bien dit « non » plusieurs fois,
mais pas trop durement pour ne pas blesser
davantage ce pauvre Bobby qui souffrait déjà d'avoir
été abandonné par son amie. Détail intéressant :
quand il a compris que pour Mira c'était la première
fois, il a rejeté le préservatif qu'il s'apprêtait à
utiliser : après tout, il ne risquait rien, lui, n'est ce
pas ?

Il ramène la jeune fille chez elle vers trois heures
du matin, l'embrasse amicalement sur la joue, lui dit
« à bientôt » et repart, satisfait de sa soirée et en

pensant déjà à son entrevue de demain avec un
gros client. Mira, elle, se sent vaguement écœurée
de ce qui vient de se passer. Elle en veut
énormément à Quentin ! Et pas du tout à Bobby :
elle considère qu'il a été gentil, n'a usé d'aucune
violence et elle est même contente d'elle pour avoir
pu lui montrer de la compassion. C'est sûr qu'elle
aurait préféré que sa première fois se passe dans
d'autres conditions, avec quelqu'un qu'elle aime
vraiment – mais enfin, c'est fait et elle ne veut pas
épiloguer des heures là-dessus...

Mira a vraiment l'impression d'avoir eu le choix,
d'avoir accepté librement le désir de Bobby. Ce n'est
pas contre lui qu'elle est en colère, c'est contre ce
lâcheur de Quentin (qui n'eut même pas les
satisfactions escomptées de Vanessa).

Mira a été superbement manipulée... Ce n'est que
des années plus tard, en acquérant de la maturité,
que la jeune femme a pris conscience de ce qui
s'était réellement passé.

Sophie et Gérard

Sophie et Gérard sont mariés, ont deux beaux
enfants, un chien et deux chats et ils ont tous deux
un travail : lui est enseignant dans le primaire et elle
est secrétaire à mi-temps dans un cabinet de
notaire. Tout irait bien dans le meilleur des mondes,
n'étaient quelques soucis financiers liés à l'achat
d'une maison à rénover et surtout à une ambiance
pas toujours agréable entre les conjoints. En effet
Gérard, jaloux au fond de lui de la personnalité
jeune, optimiste et primesautière de Sophie, lui sert
plus souvent qu'à son tour reproches, « vannes » et
jugements dévalorisateurs :

– Décidément, tu oublies toujours tout !

– Quand tu cesseras d'être écervelée, tu me
préviendras.

– Mais quand donc te décideras-tu à... ?

– Je reconnais bien là ta stupidité !...

La jeune femme, d'un naturel gentil, ne riposte
pas, et « encaisse » sans même en vouloir
spécialement à son mari. Il est vrai aussi qu'elle est


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