The words you are searching are inside this book. To get more targeted content, please make full-text search by clicking here.

La maison présumée hantée de la Place des Orphelins à Strasbourg. Cette enquête ethnographique a permis de mener une réflexion sue les phénomènes de hantises. C'est la place de la mort dans notre société post-moderne qui est questionnée ici. Que fait-on des récits et témoignages des gens qui voient et vivent des choses qui ne sont pas censées exister...

Discover the best professional documents and content resources in AnyFlip Document Base.
Search
Published by Michel Nachez, 2020-05-14 12:01:24

La maison hantée - Approche et réflexion

La maison présumée hantée de la Place des Orphelins à Strasbourg. Cette enquête ethnographique a permis de mener une réflexion sue les phénomènes de hantises. C'est la place de la mort dans notre société post-moderne qui est questionnée ici. Que fait-on des récits et témoignages des gens qui voient et vivent des choses qui ne sont pas censées exister...

Keywords: hantise,poltergeist,maison hantée,revenants,ectoplasme,mort,morts,au-delà,ethnologie,Michel Nachez,spectre,fantôme

On voit là les effets du christianisme. Il n'est pas
innocent dans le rôle qu'il a joué pour pervertir l'image
des invisibles. Les elfes étaient, dans les cultures
préchrétiennes, des êtres bienveillants et positifs. Ils se
retrouvent chassés, comme des créatures maléfiques,
accusées plus tard, pendant le moyen-âge, d'apporter
les maladies et toutes sortes de maux à l'homme, en
chevauchant les humains ou en leur décochant des
flèches :

"La mention d'elfes ou d'alfes ne doit
pas induire en erreur : à l'origine propices
et bienveillants, ils ont été victimes du
christianisme qui vit en eux des démons
païens et confondit dans le même
anathème des personnages très divers, les
regroupant sous le nom de nains (...) ; les
nains sont des morts malfaisants, mais on
ne les distingue plus des alfes auxquels on
attribue aussi la cause de certaines
maladies."13

L'Église finit par considérer petit à petit toutes les
manifestations païennes comme œuvre du démon. Et, à

13 Ibid., page 109.

99

partir du XIIe siècle, la montagne devient le lieu des fées
et des démons, plus tard les sorcières y tiendront leur
sabbat. Cette période du XIIe est aussi celle où les
revenants se transforment en fantômes, où ils perdent
donc leur matérialité. Claude Lecouteux, qui a étudié ces
textes du moyen-âge, décrit comment les religieux
manipulaient les textes et les modifiaient pour masquer
la nature des habitants de l'autre monde. Ces
manipulations, jointes au contrôle social exercé à
travers la confession, ont fini par garantir une victoire
idéologique.

Le fait que les trépassés puissent se manifester et
se déplacer a dérangé l'Église. Il a fallu trouver un moyen
d'intégrer la problématique. Une tentative d'explication
est la suivante : ce sont les anges déchus qui animent les
cadavres. (XIIe siècle). "À la fin du XIIe siècle, tout
revenant est un possédé", ajoute Claude Lecouteux14.
D'autres tentatives consistent à les rejeter dans le
monde du rêve, ou bien, beaucoup plus simple, à douter
des perceptions humaines.

"Retenons qu'à partir du XIIe siècle, le
revenant est une sorte de démon, qu'il
perd sa corporéité et devient un fantôme,

14 Claude Lecouteux, Fantômes et Revenants au Moyen-
Âge, Paris, Ed. Imago, 1986, page 59.

100

une image, un simulacre de corps, qu'il se
transforme en âme en peine ou en
damné."15

L'AME

Une autre question est de savoir ce qui anime les
revenants. Il s'agit de l'âme. Voici la conception de l'âme
chez les anciens scandinaves. L'âme est composée de
trois parties :

Fylgja c'est le double de l'individu qui est
comparable au Ka égyptien, "une sorte d'ange gardien
prenant la forme d'une entité féminine ou d'un animal
protégeant la famille ou la personne qu'elle a adoptée".
Il a deux fonctions, la première consiste en la protection,
comme vu précédemment, la deuxième en la prédiction.
Celle-ci se passe généralement pendant le rêve où le
double apparait.

Hugr est une force agissante ayant une vie propre. Il
peut s'évader, prendre forme et réaliser les désirs de son
propriétaire. "Le hugr, cette force qui va et dispose
momentanément d'une personne pendant son
sommeil, peut prendre une forme (hamr), une autre

15 Ibid., page 60.

101

figure, humaine ou animale, et agir à distance, se
montrer à un dormeur ou intervenir corporellement."16
En tant qu'hypothèse, il est possible que ce soit hugr, qui
agisse dans les cas de poltergeist.

Hamr est la forme interne de l'homme, celle qui
détermine l'apparence extérieure. Un homme peut
avoir plusieurs hamr, et, de plus, il n'est pas limité à son
corps. Il peut voyager. Dans ce cas, l'homme se met en
état de léthargie, et son hamr voyage et peut prendre
plusieurs formes, selon son désir. Cela rappelle
évidemment le voyage chamanique, où le chaman quitte
son corps en esprit pour voyager dans le monde des
êtres non-incarnés. Et, d'autre part, cela présente
d'étranges similitudes avec ce que l'on appelle, de nos
jours, le voyage astral, où, le corps étant en état de
repos, un corps subtil se dégage du cocon charnel et se
met à voyager dans l'"éther". Lieu où le corps astral peut
prendre plusieurs formes, selon sa volonté. Je voudrais
aussi faire un rapprochement avec les caractéristiques
de l'âme telle qu'elle était conçue dans la tradition
juive : "En réalité, dans la tradition juive, qui était encore
celle du Christ et de ses apôtres, on n'avait jamais conçu
l'âme comme immatérielle. Bien des nuances avaient pu
jouer, apparaître et disparaitre au cours de tant de

16 Claude Lecouteux, Fantômes et Revenants au Moyen-
Age, Paris, Ed. Imago, 1986, page 177.

102

siècles, mais toujours avec cette constance : l'âme, la
nephesh, était un corps, animé, d'une autre matière,
plus légère, moins dense, plus subtile. On a pensé
pendant bien des siècles que cette conception venait
tout simplement d'une sorte d'infirmité, d'une
incapacité concrète, à s'élever jusqu'au niveau des
abstractions philosophiques. Beaucoup pensent
aujourd'hui que c'était plutôt par fidélité à la réalité que
nous ne savions plus voir." 17 Plus loin : "Ce corps
glorieux, les trépassés peuvent parfois nous le laisser
voir." (...) On "distingue deux types de manifestations
bien différentes. L'une où la forme du défunt nous
apparaît très nettement, mais translucide. (...) Dans
d'autres visions, il y a vraiment matérialisation."18

Cette conception de l'âme en trois éléments est
donc pertinente. Nous avons hamr qui est le corps subtil,
qui pouvant changer de forme et de densité, et voyager
très vite et très loin, puis hugr, la force agissante qui
anime hamr, et enfin fylgja qui, apparemment, dirige
hugr. Il est pensable d'imaginer qu'une analyse attentive
et approfondie des conceptions de l'âme parmi de
nombreux peuples de la terre pourrait recouper ce
modèle norrois. Il semble que ces peuples du nord aient

17 François Brune, Les Morts nous Parlent, Paris, Ed.
du Félin, 1988, page 68.

18 Ibid., page 72.

103

possédé une connaissance approfondie du psychisme
humain.

Au fil des siècles, surtout grâce à l'opiniâtreté de
l'Église, la perception des revenants et des êtres
surnaturels se modifie. La coupure effectuée au XIIe
siècle se confirme plus tard avec l'émergence du
rationalisme. Si les revenants n'étaient plus que des
fantômes, ils deviennent bien vite des hallucinations.

Si l'on se penche, avec un peu d'attention, sur les
rapports des membres des sociétés traditionnelles avec
les morts, on constatera leur importance. Il ne semble
pas s'agir de croyances superstitieuses. Pour ces
hommes et ces femmes, il n'y a aucun doute quant à la
réalité de l'au-delà et des contacts inter-mondes.

NEAR DEATH EXPERIENCE

Les indices de l'existence d'une autre réalité ne se
trouvent pas seulement chez les peuples traditionnels.
Ceux qui se sont penchés sur l'étude des phénomènes
accompagnant la mort ont ouvert une brèche. Mais cela
ne signifie pas pour autant qu'ils intègrent la portée de
leurs observations. Raymond Moody a décrit de
nombreux cas de Near Death Experience (NDE),

104

d'expériences de mort rapprochée. C'est à dire
d'expériences vécues par des personnes ayant été en
état de mort clinique pendant un certain temps, dont les
fonctions vitales se sont éteintes pour se réactiver un
peu plus tard, soit naturellement, soit artificiellement.

En général, le vécu est souvent similaire d'une
personne à l'autre. Le mort sort de son corps, voit son
corps physique étendu sur son lit, mais continue à
penser, à entendre ce qui se passe. Au bout d'un
moment, arrive la sensation de passer à travers une
sorte de tunnel, puis il baigne dans une lumière très
intense. Sentiments de paix et de bien-être, sentiments
de fusion avec le monde, rencontre d'êtres chers ou
d'entités supranaturelles, parfois.

Cette expérience a été analysée dans le détail.
Voici les différents stades de NDE :

1. L'expérience est essentiellement
ineffable.

2. L'individu se croit mort.
3. Un immense sentiment de paix l'envahit.
4. Des bruits étranges lui parviennent, il ne

sait d'où.
5. Il a l'impression de sortir de son corps ;

flottant en l'air, il se voit de l'extérieur
dans le décor où il a perdu conscience.

105

6. Soudain il se sent attiré par un vide
sombre.

7. Des figures d'amis ou de parents décédés
lui apparaissent.

8. Il aperçoit au bout du tunnel une lumière
blanche et dorée ï dégageant une
formidable radiation d'amour î.

9. Ses souvenirs les plus anciens remontent
à sa conscience qui n'a jamais été aussi
limpide ; il revoit toute sa vie défiler dans
son esprit.

10. Mais quelque chose l'arrête ; il
comprend qu'il va falloir rebrousser
chemin.

11. En un éclair il se retrouve dans son
corps.

12. Il veut raconter son aventure, mais
personne ne le croit.

13. Il se rend compte que son échelle de
valeur a changé. (...) En un mot,
l'experiencer devient un être plus
spirituel.

14. IL n'a plus peur de la mort, persuadé
dorénavant de posséder une âme
immortelle.

15. Chaque fois qu'une vérification a été
possible, en particulier sur la cinquième
étape, MOODY assure que les récits se

106

sont avérés exacts. De toute façon,
précise le psychiatre, quiconque a
personnellement rencontré deux ou trois
experiencer (surtout s'ils sont allés
jusqu'au bout de l'expérience) en sort
définitivement convaincu.19

Le BARDO THÖDOL donne cette description du
passage vie-mort :

"Même si la Claire Lumière
primordiale n'a pas été reconnue, la Claire
Lumière du second Bardo étant reconnue,
la Libération sera atteinte. Si, par contre,
la libération n'a pas eu lieu, alors ce qui est
appelé le troisième Bardo ou le Chönyid
Bardo commence.

Dans ce troisième stage du Bardo se
lèvent les illusions karmiques. (...)

Vers ce moment, le défunt voit que la
part de son repas est mise de côté, que son
corps est dépouillé de ses vêtements, que
la place de sa couverture de repos est

19 La Science et ses Doubles, Paris, Revue Autrement,
1986, p178.

107

balayée. Il peut entendre les pleurs et
gémissements de ses amis, de ses parents,
surtout il peut les voir, entendre leur
appel, mais comme ils ne peuvent savoir
qu'il leur répond, il s'en va mécontent.

À ce moment des sons, des lumières,
des rayons se manifestent à lui,
occasionnant crainte, peur et terreur et lui
causant beaucoup de fatigue. Alors cette
confrontation avec le Bardo de la réalité
doit être appliqué.

Appelez le mort par son nom et
correctement, distinctement, donnez-lui
les explications suivantes :

(...)

O fils noble, au moment où ton corps
et ton esprit se sont séparés, tu as connu
la lueur de la Vérité Pure, subtile,
étincelante, brillante, éblouissante,
glorieuse et radieusement
impressionnante, ayant l'apparence d'un
mirage passant sur un paysage au
printemps en un continuel ruissellement
de vibrations. Ne sois pas subjugué, ni

108

terrifié, ni craintif. Ceci est l'irradiation de
ta propre et véritable nature. Sache le
reconnaitre.

Du centre de cette radiation sortira le
son naturel de la Réalité se répercutant
simultanément comme des milliers de
tonnerres. Ceci est le son de ton véritable
être. Ne sois pas subjugué, ni terrifié, ni
craintif. Le corps que tu as maintenant est
appelé le corps-pensée des inclinations.
Depuis que tu n'as plus un corps matériel
de chair et sang, quelque chose qu'il
advienne : sons, lumières ou rayons,
aucune de ces choses ne peut te faire de
mal. Tu n'es plus capable de mourir. Il est
bien suffisant pour toi de savoir que ces
apparitions sont tes propres formes-
pensées."20

Cela se passe de commentaires. Je voudrais
toutefois attirer l'attention sur la mention du corps-
pensée des inclinations. C'est un corps qui a comme
caractéristique d'être immortel. Il correspond sans

20 Bardo Thödol - Livre des Morts Tibétain, Paris,
Librairie d'Amérique et d'Orient, 1977, page 74.

109

doute au double des anciens scandinaves, Fulgja,
capable, grâce à Hugr de matérialiser ses pensées, et,
grâce à Hamr, de se déplacer, de changer de forme ou
de consistance.

Revenons à Raymond Moody. Bernard Martino lui
pose cette question en 1986 :

– "Et avez-vous le sentiment qu'on tient
enfin la preuve de l'existence de Dieu ou
de l'au-delà ?

– Eh bien peut-être qu'avant de vous
répondre, je devrais vous parler un peu de
ma formation. Avant de faire médecine,
j'ai obtenu un doctorat de philosophie et
puis j'ai enseigné la philosophie pendant
trois ans à l'université. Puis, j'ai repris mes
études médicales, que j'ai terminées, et
puis j'ai pris psychiatrie comme spécialité.
J'ai donc une variété de points de vue, en
plus de ma propre subjectivité. Je pense
que la première chose très importante à
laquelle je crois, c'est qu'il faut être
extrêmement prudent en formulant des
remarques tendant à dire que ces

110

expériences constituent une preuve
scientifique de la vie après la mort.
Personnellement, je ne le pense pas. En
même temps, je pense que ces
expériences sont très importantes.
Premièrement dans le domaine médical,
car indépendamment de l'opinion
personnelle que l'on peut en avoir, ou de
l'explication que l'on peut en donner, elles
se produisent chez énormément de
personnes qui côtoient la mort.

C'est quelque chose que le médecin
doit savoir. Deuxièmement, je pense que
ces faits sont importants du point de vue
de la compréhension de la vie humaine et
de son développement."21

Dans la conclusion de son dernier ouvrage, La
Lumière de l'Au-Delà22, il écrit en 1988 :

21 Bernard Martino, Voyage au Bout de la Vie, Paris,
Ed. Ballands, 1987, page 265.
22 Raymond Moody, La Lumière de l'Au-Delà, Paris, Ed.
Robert Laffont, 1988, page 194.

111

"En l'absence d'une preuve
scientifique bien nette, on me demande
souvent ce que je crois : les NDEs sont-elles
un témoignage sur la vie après la vie ? Ma
réponse est oui. (...)

Bien que ces expériences hors du
corps puissent être scientifiquement le
meilleur motif de croire en la vie après la
mort, personnellement, ce qui
m'impressionne le plus dans les NDEs sont
les incroyables transformations de la
personnalité des sujets à la suite d'une
pareille expérience. Que les NDEs
changent complètement les gens à qui
elles arrivent montre bien leur réalité et
leur puissance.

Après vingt-deux années de
recherche sur la NDE, je pense qu'il
n'existe pas de preuve scientifiquement
assez forte pour affirmer définitivement la
réalité d'une vie après la mort. Mais cette
position concerne la science, les questions
de la raison.

112

Ce qui relève du cœur est différent.
Ces questions sont alors sujettes à des
jugements qui ne réclament pas une vision
du monde strictement scientifique. Mais
pour des chercheurs comme moi-même,
elles demandent néanmoins une analyse
poussée.

C'est sur la base d'un tel examen que
j'ai acquis la conviction que la NDE offre
réellement un aperçu de l'au-delà, une
brève incursion dans une réalité tout à fait
autre.

Mon sentiment se trouve exprimé
dans une lettre écrite par C.G. Jung en
1944. C'est un texte particulièrement
significatif car Jung avait eu lui-même une
NDE lors d'une crise cardiaque, quelque
mois avant d'écrire cette lettre :

Ce qui arrive après la mort est
d'une gloire si indicible que notre
imagination et nos sentiments ne
peuvent suffire à le concevoir, même
de façon très approximative...

113

Tôt ou tard, les morts
deviennent tous ce que nous sommes
aussi. Mais dans cette réalité, nous ne
savons que peu, ou rien, de ce mode
d'être. Et que saurons-nous encore de
cette terre après la mort ? La
dissolution dans l'éternité de notre
forme temporaire n'entraîne aucune
perte de signification. Au contraire, le
petit doigt lui-même se sait faire
partie de la main."

Devant des témoignages de ce genre, on pourrait
croire qu'il n'y a plus rien à ajouter. Et pourtant, il est des
personnes qui affirment que ces expériences sont dues
à un mécanisme psychophysiologique peu compris qui,
par la chimie du cerveau, provoquerait visions et extase.
Mécanisme annihilant le blocage de la peur en cas de
situation extrême, provoquant une déconnection totale
du centre de la douleur, et permettant une activité
mentale accélérée et hyper-lucide. Mais cela n'explique
pas que le patient en état de mort clinique se voit lui-
même du plafond de la salle d'opération, ou perçoit des
parents dans la salle d'attente adjacente, ni qu'il peut
raconter avec précisions leurs faits et gestes réels.

114

Je vous propose maintenant d'écouter Elisabeth
Kübler-Ross répondant à Bernard Martino23 :

- "Pensez-vous qu'il soit juste d'établir
un parallèle entre la naissance et la mort
et, si c'est le cas, pouvez-vous nous
expliquer votre façon de voir ?

- "Quand vous avez fait, ce qui est mon
cas, votre propre expérience de la mort
imminente et nous avons recueilli des
informations concernant plus de 20000
expériences de ce type partout dans le
monde... c'est presque la même
expérience de naître et d'effectuer cette
transition que nous appelons la mort.
Vous vivez une expérience qui aura une
fin, mais toute fin est aussi le début de
quelque chose d'autre.

Au moment de mourir, donc lorsque
votre enveloppe charnelle, que nous
appelons un cocon, n'est plus viable, est
détruite pour quelque cause que ce soit, il

23 Bernard Martino, Voyage au Bout de la Vie, Paris,
Ed. Ballands, 1987, page 279.

115

se passe quelque chose de très simple ;
cela libère le papillon. Et ce papillon
perçoit absolument tout, mais pas
consciemment. La conscience est
l'apanage d'un cerveau en état de
marche. Or, votre cerveau ne fonctionne
plus, en clair, votre électro-
encéphalogramme est plat. Si vos
fonctions vitales ont cessé, alors le
papillon s'extrait du cocon. Ce papillon
que certains appellent l'╚me (...) Vous
êtes alors en état de complète perception
et vous percevez tout ce que font ceux qui
sont autour de votre lit de mort."

MORT = RITE DE PASSAGE

La mort en tant que renaissance à une autre vie est
un concept connu depuis longtemps dans les sociétés
traditionnelles. Les rites de passage sont courants. Le
dernier étant la mort elle-même et aucun membre de la
communauté ne meurt sans avoir été initié à cette vérité
ultime : la mort est une nouvelle naissance. Car tout rite
de passage est mort à un état antérieur pour renaître à
un nouvel état, qualitativement supérieur. Quelque
chose qui change le statut de la personne. La

116

préparation au passage, l'intégration de la cosmogonie,
de la mythologie, sont des choses importantes dans les
sociétés traditionnelles. Elles facilitent la
compréhension des phénomènes de transition. Lors du
dernier, il est important que le sujet soit bien préparé,
afin qu'il aborde le nouveau monde sans surprise, qu'il
puisse s'y retrouver.

Les géographies funéraires ne sont pas vécues
comme de simples labyrinthes décoratifs pour amuser
les vivants ou pour leur inspirer de la crainte. Il s'agit de
guides, d'aides au nouvel arrivant en terre inconnue.
Cartes qui ont été communiquées et décrites par des
personnes qui ont fait la traversée et sont revenus, tels
les chamans.

"Le visiteur distrait des musées
d'ethnographie accorde rarement son
attention à ces tambours grossiers dont la
peau porte des dessins pâlis qui semblent
tracés au hasard. Pourtant, il s'agit là
d'une carte topographique de l'Invisible, le
tambour est le véhicule de l'initié. (...) Les
Noirs, en Afrique du Nord, disent que le
tambour est une barque pour traverser le
Grand Fleuve, ce courant mentionné par

117

toutes les traditions, qui sépare le monde
visible et le monde invisible."24

Dans notre civilisation occidentale, nous n'avons
plus de rites de passage, nous tenons pour superstitions
les récits des peuples traditionnels et ceux de nos
ancêtres. Nous croyons tout savoir, mais nous fuyons
devant la réalité, nous refusons l'idée même de vieillir.
Nous avons instauré le culte du corps, le dépassement
de soi, l’exaltation sportive. Mais le fait d'avoir oublié
que la vie sur terre n'est qu'un épisode, de ne plus
pratiquer de rites de passage, crée un déséquilibre
psychique. Qui, sans doute, n'est pas étranger aux
problèmes sociaux, au développement de l'insécurité,
liés à une agressivité mal contrôlée. La perte de
connaissance de notre nature véritable, provoque le
non-respect de ce qui nous entoure, que ce soient des
plantes, des animaux, des minéraux, des invisibles, ou
des humains.

Le fait d'être persuadé de ne plus exister après la
mort entraîne des comportements suicidaires, égoïstes,
agressifs. Ceux qui, théoriquement, sont dépositaires
des preuves de l'existence d'un au-delà, les
ecclésiastiques, ceux-là même doutent ; et préfèrent

24 Jean Servier, L'Homme et l'Invisible, Paris, Ed.
Robert Laffont, 1964, page 149.

118

jouer les défenseurs de l'ordre social et moral plutôt que
de restituer de vrais enseignements spirituels.

LA PRESSE

Il n'est donc pas étonnant, dans un contexte de ce
genre, que le statut du revenant soit devenu une farce.
Que celui qui soit témoin d'une matérialisation d'un être
de l'au-delà soit tourné en ridicule, et que ceux qui sont
victimes des dérangements causés par une hantise
préfèrent se taire, et souffrir en silence.

Il n'est donc pas étonnant, non plus, qu'il y ait une
telle difficulté à étudier ces phénomènes, puisque les
personnes se méfient. D'autant plus que, si jamais une
telle affaire s'ébruite, la presse locale s'empresse de
ridiculiser l'affaire, de la même manière qu'elle traite les
membres d’une ethnie encore préservée comme des
petits sauvages "sortis tout droit de l'âge de pierre", le
zoo, quoi.

Je ne peux m'empêcher de citer quelques
articulets concernant les hantises :

" Du 18 au 25 mai 1981. - Fantôme
(France).

119

Décidément les fantômes font recette
en France à l'approche de l'été, et ce avec
des affaires pour le moins bizarres.

Cette fois-ci, il s'agit de la mise en
vente de l'abbaye cistercienne de Notre-
Dame de Mortemer, construite au XIIe
siècle dans l'Eure.

500 millions, six hectares, les plus
beaux hêtres du pays, plusieurs
bâtiments, ruisseau, marais, pièce d'eau
et autres détails propres à faire rêver.

Mais ce dont on ne parle qu'à voix
basse, avec un respect mêlé de crainte - et
c'est bien naturel ! -, c'est des processions
de moines massacrés à la Révolution dont
chacun a au moins entendu le traditionnel
bruit de chaînes et de lamentations, ou
des apparitions de la reine Mathilde. Et
tous ceux qui ont dit l'avoir rencontrée
sont morts dans l'année...

De quoi réfléchir, et se poser des
questions, en commençant par une

120

enquête sérieuse. Mais j'oubliais, il parait
que cela n'existe pas...

Quoique...

(Le Méridional, 19/05/81, repris par
VSD n° 196)25."

Ou alors :

"Du 19 au 26 octobre 1981. Hantise
(France).

Une curieuse respiration provoque
bien des attroupements à Plumeliau, près
de Pontivy, et l'on parle beaucoup d'au-
delà et de fantômes d'autant plus que le
bruit étrange ne vient pas d'ailleurs, mais
du clocher du village.

Rappelons toutefois que le même
phénomène s'est produit cet été à Malijaï,
près de Sisteron dans les Alpes de Haute-

25 Jean-Yves Casgha, Les Annales de l'Étrange 1982,
Paris, Ed. du Rocher, 1982, page 135.

121

Provence, et qu'après moult hypothèses et
bruits divers on a pu, paraît-il, établir qu'il
s'agissait d'une chouette fort
intelligemment dissimulée.

Ce qui n'empêche pas que, peut-
être...

(Le Matin, repris par l'Inconnu, n°
69)26"

DEFINITIONS

Je pense qu'il est temps, maintenant, d'aborder la
définition de ces termes qui désignent les morts qui
reviennent. C'est là que l'on voit que les termes ne sont
pas sans signification et qu'ils désignent exactement les
phénomènes observés.

Claude Lecouteux a entrepris une étude lexicale
du nom des trépassés et pour ce faire utilise deux
sources : les gloses qui sont des "commentaires
marginaux ou interlinéaires d'ouvrages latins, antiques
ou médiévaux", et les écrits des peuples nordiques qui

26 Ibid., page 143.

122

sont riches en renseignements. De cette étude, il en
déduit que les "revenants prennent corps. (...) ils
habitent les tertres et les tumuli, n'y trouvent pas la paix
et reviennent. (...) Peu à peu ils deviendront des
fantasmes, des illusions, des démons, côtoyant pêle-
mêle tous les êtres issus des croyances réputées
païennes"27.

Notre langue dispose de plusieurs termes pour
désigner ces morts inquiétants, mais ils sont en général
tenus pour synonymes alors qu'ils recouvrent des
réalités différentes. Tout le monde connait fantôme, qui
évoque l'idée d'illusion et de fantasmagorie, spectre,
auquel s'attache une notion d'effroi ou d'horreur, celle
que provoque le squelette ricanant ou le cadavre en
décomposition, ombre, qui relève surtout du
vocabulaire poétique et rappelle la dissolution du corps
dans le trépas, esprit, qui reste vague et exprime la
perplexité humaine face à des manifestations
inexpliquées, rangées dans le monde de la
parapsychologie - esprit, es-tu là ? Ectoplasme est récent
et sert à désigner une forme immatérielle, celle qui
s'échappe du médium en transe. Larve, vocable hérité
des Romains, n'est plus guère usité dans son sens
premier, celui de défunt privé du repos éternel pour une

27 Claude Lecouteux, Fantômes et Revenants au Moyen-
Age, Paris, Ed. Imago, 1986, pages 135-136.

123

raison ou une autre. Revenant, par contre, suggère
immédiatement le retour d'un mort. Le terme est
l'expression d'un simple constat et ne renvoie à aucune
illusion. Si nous établissons une chronologie de l'emploi
de ces mots, nous constatons un lent passage de la
réalité - le mort qui revient - au fantasme - l'ectoplasme,
la forme immatérielle."28

Les définitions du dictionnaire Quillet
Flammarion29 :

• Fantôme : image fantastique, gén. d'une personne
défunte.

• Revenant : esprit qu'on suppose revenir de l'au-
delà.

• Spectre : fantôme présentant les formes d'un être
mort que l'on croit voir.

• Esprit : Substance incorporelle et consciente
d'elle-même. Être imaginaire.

Poltergeist n'est pas dans le dictionnaire.

Ces définitions, tirées d'un dictionnaire commun,
révèlent toutes le caractère illusoire du revenant. Ce

28 Ibid. Paris, Ed.

29 Dictionnaire Quillet-Flammarion,
Quillet-Flammarion, 1974.

124

n'est plus un être, mais une inexistence, une négation.
En clair, ce genre de manifestations n'existe pas, et celui
qui en voit a eu une hallucination.

MORTS, REVENANTS ET SOCIETE

Tel est le bilan actuel de l'évolution de la
perception du revenant. Notre société a fini par bannir
la mort de la conscience des individus. Les morts n'ont
plus droit de cité parmi les vivants, ils sont chassés, niés.
De ce fait la mort devient une angoisse, pour certains
une obsession. Qui peut prendre différentes formes,
notamment celle de la peur de vieillir, du culte de
l'éternelle jeunesse, culte du corps beau et bien fait,
sans rides. Ce discours médiatique circule sur toute la
planète, dans les sociétés occidentalisées. C'est une
fuite en avant, une fuite de soi-même, une fuite de la
condition humaine. Car, quelle que soit la volonté des
médico-technocrates de vouloir pousser toujours plus
loin l'arrivée de la mort, elle est inévitable. Et ce
message, celui que nous crie la mort, c'est qu'elle sera
toujours là. Et qu'elle n'est pas une horreur : ce sont nos
fantasmes qui en ont fait une horreur. Elle est un
passage, vers un autre stade de vie, elle est un rite de
passage, une initiation vers un état supérieur à celui
d'avant le passage.

125

Si nous acceptons de regarder le phénomène de la
mort en face, nous comprendrons sa valeur. Les
témoignages de milliers de gens ayant vécu une
expérience de mort rapprochée rapportent que c'est
une expérience unique et merveilleuse. Beaucoup
auraient aimé ne pas revenir ici. Car, disent-ils, ici, sur
cette terre, là est le vrai enfer, pas dans l'au-delà.

Il est vrai que de nos jours, les phénomènes de
hantises sont rares. Mais sont-ils aussi rares que cela ?
Peut-être les gens ont-ils peur de parler, de se ridiculiser.
Car, aujourd'hui, parler de revenants, c'est s'attirer des
moqueries, des rires. Et cette attitude est probablement
une attitude de refoulement.

En 1958, Aniela Jaffé, disciple de C.G Jung, a publié
les résultats de son enquête sur les revenants30. Elle a
montré :

- que les morts apparaissent à leurs proches parents
et amis

- que l'apparition signifie le plus souvent le décès
prochain du destinataire

- qu'il n'y a plus que des ectoplasmes

30 Claude Lecouteux, Fantômes et Revenants au Moyen-
Âge, Paris, Ed. Imago, 1986, page 232.

126

- que le fantôme se manifeste au moment du décès.

Hasard, hallucination ou réalité ? Claude
Lecouteux pense que la disparition des revenants est
due au traitement de la mort dans notre société. En
1986, TF1 a diffusé une série d'émissions sur la mort,
avec notamment la participation d'Elisabeth Kübler-
Ross. Bernard Martino, le réalisateur a eu un jour une
surprise :

"Fin octobre 1986, tandis que TF1
diffusait chaque mercredi notre série
d'émissions, une cinquantaine de
manifestants se présentèrent devant la
rue Cognacq-Jay avec des banderoles sur
lesquelles on pouvait lire : On veut des
vivants pas des mourants. Ils hurlaient TF1
nazie, halte à l'euthanasie, et il y avait
même pour faire bon poids, une femme
sandwich avec une pancarte sur laquelle
je lus en me frottant les yeux : Martino au
poteau !."31

31 Bernard Martino, Voyage au Bout de la Vie, Paris,
Ed. Ballands, 1987, page 52.

127

Lui aussi a été choqué par cette attitude envers un
phénomène naturel. Toutes les personnes qui
s'occupent de ces problèmes de l'accompagnement des
mourants sont d'accord pour affirmer que notre
système social présente une anomalie dans ce domaine.
Anomalie qui est nourrie par le corps médical qui, d'une
part, considère avant tout le corps humain comme une
machine, et, d'autre part, qui fuit devant la réalité de la
mort :

"... essayer de réintégrer la mort dans
la vie quotidienne est une démarche
fondamentalement subversive, implique
une modification en profondeur des
mentalités, des comportements et des
mœurs, peut supposer à terme une remise
en cause d'un mode de pensée occidentale
que certains jugeront dangereuse."32

C'est clair, la mort dérange. Surtout dans
l'idéologie de la société de consommation. Car même si,
dans une logique économique, la mort est encore un lieu
de transaction (enterrements...), le mort, lui, n'a plus
aucun intérêt économique :

32 Bernard Martino, Voyage au Bout de la Vie, Paris,
Ed. Ballands, 1987, page 51.

128

"Visiblement, la société occidentale
ne sait que faire de ses morts. Une intime
terreur préside aux rapports qu'elle
entretient avec ces ï étrangers î. Voici des
corps qui, brusquement, cessent de
produire, arrêtent de consommer. Voici
des masques qui ne répondent à aucun
appel, résistent à toutes les séductions,
refusent obstinément et comme en
triomphe de répondre aux ordres, de
donner la moindre prise aux flatteries et
aux corruptions subtiles que, d'ordinaire,
la société marchande utilise pour
gouverner les vivants. Pis que cela : les
morts témoignent entre eux d'une
rigoureuse solidarité. Ils sont en effet
parfaitement égaux les uns par rapport
aux autres. Étranges contemporains, ces
morts ne se laissent classer nulle part, et
leur comportement gêne prodigieusement
la belle machine productrice de biens
inutiles qui est la principale raison d'être
de la société d'exploitation. Évènement
quasi clandestin, la mort de nos
semblables est refoulée par le groupe aux

129

confins extrêmes de l'existence
collective."33

Scientifiquement, donc, il n'est pas possible de
prouver l'existence d'une vie après la mort. Mais en
dehors de la science, se profile tout un champ du vécu à
explorer. Il est clair que s'il est acceptable d'envisager
une vie après la mort, il est beaucoup plus difficile
d'accepter que des trépassés puissent se manifester, se
montrer, déplacer des objets, ou communiquer avec
nous. Pourtant, des choses troublantes existent. C'est de
cela que je vais parler maintenant.

LES HANTISES

Il me semble plus judicieux de présenter les
phénomènes de hantises par des récits frappants qui
montrent bien à quel type de phénomènes on peut être
confronté.

Deux grandes subdivisions sont à envisager :

33 Jean Ziegler, Les Vivants et la Mort, Paris, Ed.
du Seuil, 1975, page 34.

130

- les hantises vraisemblablement provoquées par
une personne vivante, présentant des problèmes
émotifs ou affectifs.

- les hantises semblant dues à la manifestation de
trépassés.

LES HANTISES PROVOQUEES PAR LES
POLTERGEIST.

Dans la première catégorie se trouve le fameux cas
du cabinet d'avocat à Rosenheim en RFA, datant de
1967. Cette affaire a été suivie par le Professeur Bender
de l'Institut de Parapsychologie de Fribourg en Brisgau
(Institut für Grenzgebiete der Psychologie und
Psychohygiene).

Des phénomènes extraordinaires, parfaitement
incroyables et pourtant vérifiés, se sont produits :

- des tubes néons, à 2,50 m du sol, qui s'éteignent
tout seuls,

- ils se libèrent de leurs fixations et pivotent de 90°
- des fusibles automatiques qui se déclenchent tout

seuls
- des bruits d'explosion
- des dérangements dans le circuit téléphonique :

sonneries, interruptions, appels répétés et
automatiques à l'horloge parlante

131

- des ampoules qui éclatent
- des tableaux qui tombent
- une armoire à documents de 175 kg qui se déplace

de 30 cm du mur
- etc...

Ceux-ci ne sont que quelques-uns d'une longue
liste. Mais, chose intéressante, ces phénomènes ne se
sont produits qu'en présence de la jeune Annemarie S.,
jeune employée de 19 ans. Voici ce que dit Hans
Bender34 :

"Avant tout, on constate
généralement que ces phénomènes
dépendent de jeunes gens qui sont à l’âge
de la puberté. Il est cependant évident que
chaque fois qu'il est question de faits de
hantise, il faut se rendre compte en
premier lieu s'ils ne sont pas dus à des
causes normales (...). Il n'en reste pas
moins un solde inexplicable et cela tout
particulièrement dans le cas de
Rosenheim."

34 Hans Bender, L'Univers de la Parapsychologie,
Paris, Ed. Dangles, 1976, page 128.

132

D'autres cas intéressants ont été recueillis par
Emile Tizané, ex-commandant de gendarmerie, durant
sa carrière. Voici un extrait de procès-verbal de 1943 -
cas de A. G. (15ans) à Frontenay-Rohan-Rohan :

"Avant-hier vers 22h, ma femme et
ma petite-fille G..., âgée de quinze ans,
sont venues m'appeler en me disant qu'il
fallait que je vienne immédiatement à la
maison, que tous les objets et meubles
changeaient continuellement de place. À
mon arrivée, je n'ai pu que constater les
effets. Un grand désordre régnait.(...) À un
moment donné, j'ai vu un petit fourneau à
charbon se déplacer vers le centre de la
cuisine où il fut renversé. J'ai entendu des
grattements provenant du buffet. (...) Des
boites se trouvant sur la table se sont
déplacées en tous sens. Le marbre de la
table de nuit que j'avais déposé sur la
table de la cuisine est venu se casser à
terre. Mon manteau s'est mis à se

133

promener dans ma cuisine, puis il est
revenu tomber à proximité du lit. (...)"35

LES HANTISES PROVOQUEES PAR LES ÊTRES DE
L'AU-DELA

Dans la deuxième catégorie, celle des hantises
d'origine post-mortem, voici un cas, cité par Camille
Flammarion, qui est particulièrement représentatif. Cela
se passe en 1919 au Portugal, la victime est un étudiant
en droit s'étant installé dans une villa. En voici un extrait
:

"Le jour suivant, M. Homem Christo,
ne connaissant ni n'admettant les
phénomènes d'ordre psychique, résolut de
quérir un agent de police afin qu'il fût
témoin de ce qui pourrait se passer cette
nuit-là. Il voulait à tout prix prendre le
farceur et craignait de perdre son sang-
froid et de tuer quelqu'un. On mit à sa
disposition un brigadier et deux agents. La
nuit venue, le brigadier se posta dehors,

35 Les Dossiers Noirs des Maisons Hantées, Paris, Ed.
Tchou, 1978, page 25.

134

dans le jardin, de faction devant la porte
d'entrée de la maison, afin de bien voir si
quelqu'un entrait ou sortait. Les deux
agents restèrent à l'intérieur avec M.
Homem Christo, M. Gomes Parades et un
autre ami, M. Henrique Sotto Armas, venu
exprès, cette nuit-là, pour assister à ce qui
pourrait se passer. Après qu'on eut bien
fouillé et regardé partout dans tous les
coins de la maison, on éteignit les
lumières : aussitôt les coups sur la porte se
firent entendre, au rez-de-chaussée.

– Vous entendez ? dit M. Homem Christo
aux deux agents.

– Parfaitement, répondirent-ils.

Les coups continuèrent et M. Homem
Christo ouvrit tout d'un coup la porte,
mais comme la veille, il ne vit personne,
sinon le brigadier se promenant
tranquillement à une petite distance.

–- Qui a donc frappé ? demanda-t-il au
brigadier.

– Mais personne, répliqua celui-ci.

135

– Et les coups, vous les avez bien entendu
?

– Pas le moins du monde, je n'ai rien
entendu du tout, dit-il encore. C'est trop
fort par exemple. Rentrez, dit M. H.
Christo. Et vous les agents, à votre tour de
factionner dehors.

Le même phénomène se produisit. Le
brigadier entendit les coups, mais les
agents ne virent ni n’entendirent rien.

– Ah ! C'est comme ça, dit M. H. Christo,
rentrons tous. C'est dans la maison qu'il
faut continuer nos recherches."36

C'est un phénomène assez étrange d'entendre des
coups frappés d'un côté de la porte et pas de l'autre.
Mais les phénomènes ne s'arrêtent pas à cela. Un agent
mis en faction dans une pièce se trouve dans une
situation dramatique :

36 Camille Flammarion, Les Maisons Hantées, Paris,
Ed. J'ai Lu, 1972 (Edition originale : 1922), page
163.

136

"Tout à coup, dans la chambre de l'ami, un
bruit terrible, comme celui d'une lutte
affreuse, y attira tout le monde
épouvanté, mais persuadé qu'enfin
l'agent avait trouvé le farceur ! Déception
! Il n'y avait que l'agent affolé frappant
avec un sabre à droite et à gauche, se
sauvant devant tout ce monde qui lui
apparaissait et rentrant dans un petit
boudoir où se trouvait une armoire à
glace, que dans sa fureur il cassa. Il a fallu
employer la force pour le tenir : le pauvre
homme devenait fou ! Après cet épisode,
on reprit son sang-froid. On éteignit de
nouveau. M. Homem Christo reprit sa
place sur le palier et reçut en plein sur sa
joue gauche un formidable soufflet qui lui
fit jeter un cri perçant, car, dit-il, il lui
sembla que des doigts s'accrochaient à sa
chair comme pour l'arracher. Vite, on
ralluma et tout le monde put voir quatre
doigts marqués sur la joue gauche de M.
Homem Christo, qui était toute rouge,

137

tandis que la joue droite était comme celle
d'un cadavre."37

Que des personnes soient parfois battues est
chose possible. Dans la plupart des cas, les personnes ne
sont jamais touchées par les projectiles, ou alors, si elles
le sont, le choc est faible. Mais il existe des cas, rares, où
les coups peuvent être violents, et, même, des
personnes molestées par un être invisible. Comme, par
exemple, celui d'un jeune garçon ayant refusé d'assister
à la mort de sa grand-mère et qui reçoit, comme M. H.
Christo, un bon soufflet, au moment même de la mort
de celle-ci.

Il ne semble pas exister de cas où les témoins ou
victimes aient été tuées par les manifestations des
maisons hantées. Les seuls cas, à ma connaissance, où il
y a eu mort sont les cas de combustion spontanée, mais
cela semble plutôt toucher un autre domaine que celui
des hantises. Encore que Rémy Chauvin les classe dans
la catégorie des poltergeist38.

37 Ibid., page 165.
38 Rémy Chauvin, Quand l'Irrationnel rejoint la
Science, Paris, Ed. Hachette, 1980, page 157 : "...
Mais il y a pire encore, le dossier terrifiant des
combustions spontanées qui semble bien se rapporter
à un cas particulier de poltergeist...".

138

J'aimerai porter l'attention sur un phénomène
remarquable, et qui apparait dans un certain nombre de
cas de hantises : il s'agit du fait que les manifestations se
produisent plus facilement et en plus grand nombre
dans l'obscurité. Pour certains, bien sûr, il s'agira là d'un
indice permettant de conclure à la fraude. Mais il est
tout de même utile de rappeler que chez les anciens
scandinaves, les revenants se manifestent de préférence
la nuit et dans l'obscurité.

LA "THEORIE"

Je pourrai multiplier les exemples, mais je préfère
donner la parole au Docteur A. Cuénot, qui présente une
bonne description de la personnalité des personnes à
l'origine des manifestations appelées esprits-frappeurs
ou poltergeist :

"Lorsque les esprits frappeurs se
manifestent on retrouve toujours assez
facilement à l'origine ou au centre des
évènements un sujet mythomane, le plus
souvent hystérique, fréquemment du sexe
féminin, encore jeune ou même enfant,
plus ou moins claustré, avide de se faire
valoir en monopolisant l'attention fût-ce

139

en accomplissant des jongleries. Leur but
est, semble-t-il, de surprendre, d'inquiéter
les autres. Les premiers signes sont
généralement timides, discrets, imprécis,
permettant de tâter les réactions de
l'entourage et si besoin était, d'effectuer à
temps un recul stratégique. Aussi pendant
un certain temps laissent-ils place au
doute. Plus tard les manifestations
deviennent de plus en plus nombreuses,
de plus en plus étranges, de plus en plus
manifestes pour prendre pendant la
période d'état un train difficilement
soutenable. Après un certain délai,
souvent après une intervention
quelconque pouvant agir sur la
psychologie du responsable, tout rentre
dans l'ordre, souvent assez rapidement
avec parfois de brusques retours offensifs,
une disparition définitive ou des
transformations : les coups font place à
des grattements, à des applaudissements,
à des chutes d'objets, à des portes qui
s'ouvrent, à des bruits divers puis tout
cesse enfin sans qu'aucune explication

140

puisse être trouvée à tous ces
désordres."39

Il semble tout de même que les sujets qui
provoqueraient ces phénomènes n'aient plus d'autre
moyen pour se faire comprendre que d'utiliser,
inconsciemment et sans contrôle, des forces de type
psychokinétique40. La tension intérieure, le conflit
interne doit en arriver à un point tel que la
"déflagration" provoque ces manifestations. Il est
regrettable que si peu de chercheurs osent se lancer
dans l'étude de ces forces psychokinétiques. Car,
quoiqu'on en dise, la réalité de ces manifestations ne fait
plus aucun doute. Trop de témoins au-dessus de tout
soupçon les ont observées, tels les gendarmes, par
exemple. Le professeur Rémy Chauvin, qui se penche sur
l'étude de ces phénomènes, pense qu'à l'heure actuelle,
il devient ridicule de se battre pour savoir s'ils existent
ou non. Il serait préférable, à son avis, de les étudier, et,
pour ce faire, de mettre au point une nouvelle
méthodologie. Car il n'est pas possible de les étudier en
laboratoire.

39 A. Cuénot, Les Certitudes Irrationnelles, Paris,
Ed. Planète, 1967, page 123.

40 La psychokinèse ou effet PK est une faculté mentale
permettant à un être humain de déplacer un objet
matériel à distance sans contact physique.

141

En cette fin du XXème siècle pourtant, alors que
l'on observe les premiers pas hésitants en faveur d'une
reconnaissance de phénomènes parapsychologiques,
les parapsychologues et les scientifiques d'autres
disciplines qui s'y intéressent, semblent d'accord pour
reconnaitre les faits produits par des poltergeist mais se
refusent à voir dans certains cas des manifestations de
l'au-delà. Il semble donc, que même pour les hommes
de science les plus ouverts, l'existence d'une vie après la
mort, et d'une action de cette vie après la mort sur notre
monde sensible, soit une hypothèse trop fantastique. À
tel point qu'elle est souvent rejetée.

Mais il y a 60 ans de cela, Camille Flammarion, le
célèbre astronome, connu pour ses recherches sur les
manifestations de l'au-delà, nous montre,
premièrement : que les observations sérieuses ne sont
pas récentes ; deuxièmement : que des études ont déjà
été entreprises dans le passé. Ce qui est étrange est que
l'acquis de ces recherches semble avoir été oublié. Les
deux guerres mondiales ont peut-être fait coupure ?
Sans doute. Sinon, comment concevoir que, dans ce
domaine, la science n'ait fait aucun progrès ! Il s'agit
pourtant d'un domaine qui touche aux profondeurs de
la psyché humaine.

142

Camille Flammarion, en 1922, dans son ouvrage
"Les Maisons Hantées", nous dit ceci :

"Les manifestations des maisons hantées
mettent sous nos yeux, d'une part des
phénomènes matériels sans signification
apparente, d'autre part, des
manifestations d'esprits, et ici même
certaines propriétés organiques de jeunes
filles, de jeunes femmes, de jeunes
garçons y sont associées. On voit combien
le problème est complexe. Quoi qu'il en
soit, il y a là en jeu des forces invisibles
inconnues."41

À cette époque, les données du problème étaient
déjà bien cadrées. Les observations étaient précises. Des
hypothèses étaient échafaudées. Par exemple :

"Ne pourrions-nous, sans trop de
hardiesse, supposer que les vivants
laissent après eux certains reliquats de

41 Camille Flammarion, Les Maisons Hantées, Paris,
Ed. J'ai Lu, 1972 (Edition originale : 1922), page
183.

143

force, de fluide vital, imprégnés dans
l'appartement, lesquels, au contact de la
présence effective d'une sensitive peuvent
subir une revification susceptible de
produire ces étranges phénomènes ?"42

Remarquez que cette hypothèse est apparue dans
une des interviews de l'enquête (Interview de Jacques et
Simone, voir plus haut).

Camille Flammarion suppose que ces phénomènes
seraient produits afin de nous rendre attentifs, nous les
vivants, à la survie après la mort :

"Nous pourrions penser, avec le
professeur Perty et avec Bozzano qui le
commente, et répéter ce que nous avons
dit plus haut, que ces manifestations
banales, vulgaires, matérielles, analogues
à tant d'autres que nous avons eu à
constater dans cet ouvrage, sont opérées
par voie de moindre résistance (comme les
phénomènes de la foudre) et peuvent être

42 Camille Flammarion, Les Maisons Hantées, Paris,
Ed. J'ai Lu, 1972 (Edition originale : 1922), page
84.

144

dirigés par des intelligences invisibles,
avec le but d'impressionner les témoins,
en secouant leur indifférence et en les
invitant à méditer sur la possibilité de
l'existence d'une âme survivant à la mort
avec toutes les conséquences morales et
sociales qui en dérivent. Si l'on admet
cette interprétation, on admet par cela
même qu'un but très noble est atteint par
des moyens fort modestes, ce qui s'adapte
à la nature trop souvent vulgaire de
l'homme, car il faut bien avouer que la
plupart des êtres humains ne connaissent
que la vie matérielle, restent sourds
devant les argumentations
philosophiques ou psychologiques,
n'étant frappés par les faits brutaux ? Un
violent coup de poing dans le dos les
touche plus qu'une dissertation de Platon,
de Bouddha, ou de Jésus-Christ. (...)

Qu'il y ait des intelligences invisibles en
action dans les phénomènes de
poltergeist, c'est incontestable. Des
projectiles frappent des cibles choisies, se
ralentissent pour ne pas blesser les

145

spectateurs, décrivent des trajectoires
capricieuses, tombent on ne sait d'où,
passent à travers des fentes étroites
ajustées. Et même pénètrent dans des
pièces hermétiquement fermées : ce sont
là des actes appartenant à un monde
supranormal. Attribuer ces actes
raisonnés à des facultés bizarres du
subconscient me parait une hypothèse
difficilement soutenable.

Nous avons fait remarquer que la banalité
et la vulgarité des manifestations peut
s'expliquer par le simple but d'attirer
l'attention et par la facilité d'agir suivant
la moindre résistance. Il peut aussi exister
là des esprits vulgaires, comme il en existe
dans notre monde vivant, et même selon
toute probabilité un fort grand nombre.
Pourquoi n'y aurait-il pas, de l'autre côté
de la barrière comme de ce côté-ci ; des
mauvais plaisants - et même des imbéciles
et des méchants ?"43

43 Ibid., page 245.

146

Et oui, pourquoi pas ? Après tout, cette hypothèse
n'est pas plus fantastique que celle voulant tout
attribuer à la malignité de l'inconscient. D'autant plus,
que dans les sociétés traditionnelles, l'existence
d'esprits et d'êtres désincarnés est couramment admise.
C'est donc, pour le chercheur, une éventualité à analyser
avec soins.

PSYCHOKINESE ET MECANIQUE QUANTIQUE

Dans le cas où les phénomènes de hantise sont
attribués à des poltergeist, donc à des personnes
psychiquement instables, la parapsychologie a tendance
à évoquer assez souvent la psychokinèse. Or, cette
psychokinèse est objet de recherche dans des
laboratoires, et, bien que les expériences sont loin de
provoquer les effets extraordinaires des poltergeist, elle
incite les chercheurs à s'appuyer sur les découvertes de
la mécanique quantique pour valider leurs observations.

Il existe des physiciens des quanta qui acceptent
tout à fait le parallèle entre leur domaine et celui des
parapsychologues. Tel Brian Josephson, prix Nobel à 33
ans pour ses découvertes dans le domaine de la
supraconductivité, qui n'hésite pas à parler de
télépathie devant un auditoire de confrères.

147

Les parapsychologues sont satisfaits de ce type
d'attitude car elle leur donne une base. En quelque
sorte, les scientifiques leur tendent une perche. Il n'en
est pas de même du côté des scientifiques plus
orthodoxes qui ne voient pas tous d'un bon œil les
tentatives de la parapsychologie. L'argument majeur,
pour réfuter la comparaison, est que le lieu d'étude des
physiciens est le microcosme et que le domaine de la
parapsychologie est le macrocosme. Mais écoutons ce
que dit Mario Varvoglis à ce sujet, dans son article
Quantons sous la Psi ! :

"On peut bien sûr objecter que les
parallèles entre les évènements
quantiques et les phénomènes Psi ne sont
pas valides, parce que les évènements
quantiques appartiennent au monde
subatomique et ne sont pas transposables
sur le plan humain. Mais cet argument a
été réfuté par des physiciens qui pensent
que certains processus subatomiques
peuvent être portés jusqu'au niveau
macroscopique. D'autres encore ont
rétorqué que des évènements quantiques
existent en fait dans le monde

148


Click to View FlipBook Version