The words you are searching are inside this book. To get more targeted content, please make full-text search by clicking here.
Discover the best professional documents and content resources in AnyFlip Document Base.
Search
Published by IDEFI-CréaTIC, 2018-01-23 10:01:14

Bilan Pedagogique 2015-2016

Bilan Pedagogique 2015-2016

Keywords: Bilan,pédagogique

Innover, créer, former
avec et par le numérique

E n réponse à la mutation des métiers et des modes d’apprentissage et
de transmission dans l’enseignement supérieur, le programme CréaTIC
s’insère dans une dynamique constante de refonte de l’ingénierie de
formation. L’objectif étant de proposer une articulation plus cohérente et
étroite entre les enseignements théoriques et les pratiques créatives afin
de favoriser au mieux l’insertion professionnelle des étudiants.

CréaTIC propose un changement de paradigme pédagogique tout en
relevant le défi de faire émerger un nouveau champ disciplinaire : les
sciences de la création. CréaTIC répond ainsi aux grands enjeux de l’avenir :
penser, inventer, rendre accessible, diffuser des évènements, des objets et
des œuvres.

S’inspirant des pratiques pédagogiques éprouvées dans les disciplines
artistiques, il modélise des apports et les implante dans d’autres disciplines.
Ainsi, par la mise en œuvre d’ateliers-laboratoires, CréaTIC favorise
l’émergence de l’acte créateur pour construire des compétences évolutives.

Sommaire

La scène numérique

Par Sabine Quiriconi, Robert Faguy et Ludovic Fouquet.......................6

L’acteur de l’intérieur

Par Sébastien Lenglet et Virgile Koering................................................30

Pratiques scéniques contemporaines :
expérimentations/création

Par Sabine Quiriconi...............................................................................34

Théâtre et téléprésence

Par Julien Brun........................................................................................44

Musées soniques

Par Linda Duskova et Lucas Lelièvre......................................................50

Art, culture et participation

Par Emanuele Quinz...............................................................................54

Hyperurbain et smartcities

Par Khaldoun Zreik et Samuel Szoniecky...............................................62

Médiation artistique / enjeux numériques

Par Agnès Henry.....................................................................................66

Muséologie numérique

Par Bernadette Dufrêne et Rémi Labrusse............................................72

Médiation culturelle autour du patrimoine de Malte

Par Marc Veyrat......................................................................................76

Politiques culturelles et création à l’ère numérique

Par Martial Poirson.................................................................................82

Stratégie et management de projets internationaux

Par Agnès Henry.....................................................................................88

De la dictature à la démocratie : travail d’archive

Par Stéphane Douailler..........................................................................94

L’ancrage dans le territoire des acteurs institutionnels

Par Martine Bodineau............................................................................104

Les archives du centre universitaire expérimental
de Vincennes

Par Marie-Cécile Bouju..........................................................................116

Les ateliers de la mémoire au Rwanda

Par Olivia Rosenthal...............................................................................120

Territoires en migration(s), histoires de langues
et récits de vies

Par Delphine Leroy.................................................................................122

Comédie-Française 2.0 : le répertoire au prisme du récit

Par Tiphaine Karsenti.............................................................................136

Ecritures et dispositifs littéraires numériques

Par Philippe Bootz..................................................................................142

Odyssée : édition numérique augmentée

Par Arnaud Laborderie...........................................................................146

Rencontres littéraires

Par Vincent Message..............................................................................156

Scénario transmédia : l’écriture multi-écrans

Par Fabien Boully....................................................................................160

Proverbes et e-éducation

Par Samuel Szoniecky et Abendi Lachkar..............................................172

Textualités augmentées

Par Philippe Bootz..................................................................................178

Conception collaborative ergonomique

Par Vivian Folcher et Khaldoun Zreik.....................................................182

Méthodologie de conception d’objets communicants

Par Hakim Hachour et Guillaume Besacier............................................186

Rencontres crossmédia

Par Ghislaine Azémard et Michel Agnola...............................................192

Technologies de créativité et d’innovation au service
de la conception

Par Stéphane Safin.................................................................................204

Webdoc : le développement transmédia d’un
projet documentaire

Par Louis-Michel Désert.........................................................................208

Datavisualisation

Par Hakim Hachour, Everardo Reyes et Jim Caignard............................216

Entreprendre autrement

Par Marcos Giadas Conde .....................................................................222

Gestion de projets et communication

Par Jean Bourbon...................................................................................228

De l’idée à l’objet publié :
communiquer efficacement par écrit

Par Pierre Quettier.................................................................................232

Innovation et design thinking

Par Kamel Ben Youssef...........................................................................238

La scène
numérique

Par
Sabine Quiriconi,
Robert Faguy et
Ludovic Fouquet

« La scène numérique » a été
organisé conjointement par
CréaTIC (Universités Paris Nanterre
et Paris8) et le LANTISS (Université
Laval, Québec) sous la supervision des
professeurs Robert Faguy (Université
Laval), Sabine Quiriconi (Université
Paris-Ouest) et de Ludovic Fouquet
(chargé de cours Paris-3 et Université
Laval). Il s’agissait d’offrir un cadre de
formation et d’expérimentation autour
des technologies numériques utilisées
pour la scène. A travers divers ateliers

La scène numérique 9

et conférences, un tour d’horizon des pratiques scéniques
multidisciplinaires a permis d’initier les participants à un
processus de création particulier, de nouvelles formes,
de nouveaux langages et types de collaborations. Un
deuxième volet devait ensuite permettre aux participants,
regroupés en petites équipes de travail, de penser et créer
une proposition scénique ou installative, exploitant divers
aspects de la scène numérique.

Cet atelier s’est déroulé à Québec du 16 mai au 4 juin 2016 au LANTISS
(Laboratoire des Nouvelles Technologies de l’Image, du Son et de la
Scène, implanté depuis 2004 au cœur de l’Université Laval). Le LANTISS
a comme objectif principal le soutien à la création et aux recherches de
pointe tant sur le développement des technologies de scène, que des
langages et perceptions engendrés par le recours à ces technologies dans
l’espace scénique. Le LANTISS est tout à la fois un espace physique (salle
multifonctionnelle et studios de recherche) et une structure qui gère un
parc d’équipements mobiles hautement spécialisés en rapport avec la
scène technologique. La singularité de cette infrastructure repose sur les
liens étroits existants entre l’Université et le milieu de la création, actif
dans les recherches en nouvelles technologies de scène. Les chercheurs
universitaires directement impliqués dans le LANTISS proviennent de divers
champs disciplinaires qui touchent autant la création artistique (théâtre,
arts visuels et multimédia, musique, communications, etc.) que les

10 Bilan pédagogique 2015-2016

sciences appliquées (génie
physique et optique, génie
électrique et informatique,
génie mécanique, etc).
Le LANTISS offrait divers
espaces de travail
(notamment pour mener
de front des explorations
diverses, mais aussi pour
pouvoir offrir à chaque
équipe un espace de création dédié dans la dernière partie du laboratoire),
mais aussi un soutien technique permanent.

17 étudiants ont pris part à cet atelier-laboratoire, 12 venant de Paris et 5
de Québec, représentant en fait plus de 10 pays différents : cette diversité
d’horizons se retrouvait aussi dans les âges (21 à 57 ans), mais surtout
dans les profils de chacun (créateurs, chercheurs, du champs théâtral,
chorégraphique, d’arts visuels, d’études littéraires, d’art numérique, de
communication/médiation culturelle, etc). Cela était justement dans
le projet même de l’atelier : faire collaborer des individus aux parcours
divers, en cassant quelque peu les implications classiques pour permettre
à chacun de « s’essayer » en tant que concepteur, performeur, idéateur
(comme on dit au Québec), etc. L’atelier se voulait donc une occasion de
découverte, mais aussi d’expérimentation personnelle d’où les multiples
occasions de manipulation technologique, voire les apprentissages de
diverses machines, logicielles, outils.

Quelle pédagogie ?

L’atelier-laboratoire a été pensé en deux temps :

• une partie didactique et exploratoire croisant conférences et petits
ateliers appliqués.

La scène numérique 11

Nous avons également
proposé des ateliers
d’explorations autour
d’outils particuliers
(le mixeur vidéo par
exemple) ou autour
d’une pratique que nous
nommons vidéoscénique

• une partie « création » menant vers la conception d’une forme
installative ou scénique, présentée devant public le dernier jour du
laboratoire.

Il nous a paru important de pouvoir proposer, en ouverture de cet atelier-
laboratoire — avant tout pratique — des rencontres avec divers créateurs,
concepteurs, afin qu’ils nous présentent à la fois leur parcours, leurs
créations, mais aussi les outils qu’ils utilisent. Ces rencontres prenaient
donc la forme d’une présentation-conférence donnée par un invité ou l’un
des pédagogues encadrant et elles étaient suivies d’un temps d’exploration
pratique d’un des dispositifs de l’invité, de certains outils ou d’une mise en
application.

Le modèle choisi est donc celui de la transmission sous forme d’une
conférence d’une à deux heures, agrémentée de visuels ou extraits
d’œuvres, voire de démonstration de manipulation technologique. Cette
présentation était suivie d’un temps de questions. Puis un temps d’atelier
permettait de mettre immédiatement en application l’un des aspects
abordé par le conférencier.

En plus de ces ateliers appliqués, nous avons également proposé des ateliers
d’explorations autour d’outils particuliers (le mixeur vidéo par exemple) ou

12 Bilan pédagogique 2015-2016

autour d’une pratique que nous nommons vidéoscénique : l’atelier a alors
été pensé comme une initiation à la manipulation vidéo dans le cadre d’un
projet vidéoscénique (cf. infra).

Un projet de création 

Pour la partie création, l’enjeu consistait à encadrer un tant soit peu les
propositions des groupes, mais en laissant à chacun la liberté d’explorer,
de penser, de questionner ses intuitions. Il s’en est suivi un temps de travail
encadré mais de manière très ponctuelle : des rendez-vous périodiques
étaient fixés afin que chaque équipe explique l’avancement des travaux et
l’évolution des dispositifs en relation avec les concepts choisis.

Pour la constitution des équipes, nous avons proposé une méthode
participative, ludique, empruntée au monde de l’entreprise (brainstorming),
mais aussi à des processus de création rapide, comme peuvent l’être
les muséomix à travers le monde : une résidence de 3 jours en musée,
regroupant des créateurs, des communicateurs, des programmeurs, etc.,
pour inventer, développer des outils offrant d’autres modes de relations
au musée. Il s’agit là aussi en général d’explorations ayant pour base la
technologie numérique. Les équipes se constituent autour d’intérêts
communs émis d’abord sous forme brève : un mot, une question, une
thématique (le tout écrit sur un post-it accroché au mur). Les participants
ont donc été invités à définir 3 mots pour résumer des pistes qu’ils auraient
envie d’aborder dans la création à venir. Chacun de ces mots a été dit au
groupe, puis chaque participant a choisi un seul mot et l’a fixé sur un des
trois murs servant ce remue-méninges. Quand les 18 mots ont été fixés, des
regroupements ont été esquissés (avec des déplacements de mots d’un mur
à l’autre) devant lesquels des cellules de discussion se sont spontanément
créées. De nouveaux post-its se sont ajoutés pour doucement dialoguer et
avancer vers la définition d’une thématique pour certains, d’une intuition
de dispositif pour d’autres, etc. Les équipes sont constituées vraiment par
les participants, à partir de leurs échanges.

La scène numérique 13

Intéressant pour les participants de découvrir aussi qu’ils peuvent
abandonner une idée, qui peut être reprise par d’autres, si l’un d’eux
décide d’inclure un groupe en laissant à d’autres son idée de départ. Une
matière collective se définit ainsi rapidement, qui efface quelque peu la
« paternité » de l’idée comme le remarquait l’un des groupes.

Emile Beauchemin : En matinée, nous avons fait un premier tour de table
pour exposer ce sur quoi nous avions envie de travailler dans les trois
prochaines semaines. Certaines personnes ont ressorti des thèmes, du
contenu spécifique, d’autres des formes et des outils qu’ils souhaitaient
utiliser.

Dans le local, nous avons
placé les objectifs de
chacun sur les murs, en
prenant bien soin de déjà
essayer de placer les idées
en groupes communs. Il y
avait un groupe analogique,
immersif, mapping et autre.
Nous étions ensuite appelés
à faire le tour du local et à
greffer nos idées, questions,
commentaires, aux endroits
qui nous inspiraient. Au final, ce ne sont pas des formes qui sont ressorties
de ce tour de local, mais plutôt des thèmes. Les trois thèmes prédominants
étaient : le vertige, la difficulté, la mémoire. Ce processus me semble assez
organique puisque ce sont les formes qui ont influencé les contenus et, par
la suite, ce seront les contenus qui influenceront les formes définitives.

Il était important pour nous que cette occasion de création se développe
dans un esprit de liberté, de laboratoire, d’expérimentation tout le long : les

14 Bilan pédagogique 2015-2016

étudiants ne produisaient pas un spectacle, ni une installation d’arts visuels,
dont la forme serait aboutie, mais dans un temps relativement serré,
l’occasion leur était donnée d’expérimenter une intuition de travail, des
dispositifs, des espaces transformés ou rendus possibles par la technologie
numérique.

C’était aussi une occasion pour les équipes de tester davantage (ou
découvrir pour certains) des processus de création multidisciplinaires, qui
ne partent pas forcément d’un texte, d’un socle précis et déjà construit.
Nous avons d’ailleurs partagé une méthode de création en 9 points,
élaborée par Ludovic Fouquet dans le cadre du manuel pratique Face à
l’image, exercices, explorations et expériences vidéoscéniques (L’instant
Même, 2016), co-écrit avec Robert Faguy. Cette méthode a été partagée
avec les participants, afin de les aider à être à l’écoute de leur intuition tout
au long du processus.

La présentation finale avait été pensée comme un moment public, à
la fois pour donner une occasion de rassembler les projets, mais aussi
d’expérimenter ou d’approcher les conditions réelles de spectacle ou de
présentation d’une installation. Cela permettait de rentrer en contact
avec un « vrai public », qui ne connaissait pas forcément
les équipes : la présentation faisait en effet partie des
projets périphériques du festival Carrefour International de
Théâtre de Québec et a permis de faire venir des personnes
extérieures au Campus. Pour certains ce fut une découverte
de ce processus créatif et de l’urgence avant la présentation.

Un temps intensif 

L’emploi du temps fut dense, puisque nous nous retrouvions
6 heures par jour sur 3 semaines et que plusieurs soirées
furent en plus consacrées à assister à des spectacles ou
performances sonores (notamment dans le cadre du festival

La scène numérique 15

Carrefour International de Théâtre de Québec). Les journées étaient
divisées en deux parties : 9h-12h, puis 13h-16h. Le déjeuner était pris en
commun et permettait souvent des échanges stimulants.

Performances et spectacles à Québec 

Nous avons emmené le groupe assister à une représentation de Peepshow
de Marie Brassard (Montréal), performance croisant diverses disciplines
avec un accompagnement sonore en direct, des processeurs de voix
multi effets, des projections vidéo, pour une plongée intérieure dans
les souvenirs d’enfance de la créatrice. Les participants ont retrouvé de
nombreux éléments qu’ils exploraient au LANTISS. De même, le LANTISS a
accueilli une performance sonore du groupe de la chaire de recherche sur
la Dramaturgie sonore au théâtre (UQAC), qui est venu clore une après-
midi de conférence de Jean-Paul Queinnec, professeur qui dirige la chaire
de recherche. Les participants ont été très sensibles à cette réflexion sur la
place du sonore en scène, et cela a été vraiment pertinent de leur permettre
d’assister, dans la foulée, à la performance Mashteuiatsh Liaisons Sonores
qui se déroulait dans le studio principal du LANTISS, l’un des lieux habituels
du laboratoire.

Cahier réflexif et bilan 

Nous avons proposé à chaque
participant de tenir un journal
de bord tout au long de l’atelier-
laboratoire, journal qui allait
permettre de noter les éléments
marquants, les connexions que
pouvait établir un participant,
servirait de terreau à la création
finale, mais aussi offrirait une base
pour les travaux réflexifs que nous
demandions en fin de parcours. Dans

16 Bilan pédagogique 2015-2016

le cadre pédagogique du suivi des étudiants de Québec, nous proposions
également un questionnaire réflexif et une synthèse personnelle pour que
chaque étudiant puisse revenir sur diverses étapes du travail, des processus.
A l’ensemble des étudiants, nous avons demandé de mener une réflexion
sur l’expérience, par équipe, qu’ils ont gérée à distance après le laboratoire,
ce qui a permis un dernier travail commun, entre la France et Québec, de
nouveaux échanges entre eux pour se répartir la rédaction et la mise en
page de ce bilan. Ce fut une occasion de revenir sur les différentes étapes
de leur parcours, mais aussi d’analyser et de critiquer les processus de
création mobilisés, de discuter de la façon dont la création s’était déroulée
et d’exprimer comment l’équipe se situait face au point d’arrivée.

Le déroulement de l’atelier 

Semaine 1 : conférences-présentation et ateliers appliqués

16 mai :

Matin : accueil et présentation de l’atelier, puis visite campus.
Chacun se présente et formule en une phrase ses attentes face à
l’atelier (réflexion qui a déjà été développée, dans leur lettre de
motivation, par les participants qui venaient de France).

Après-midi : présentation d’une recherche autour d’une installation
sonore menée au Lantiss par l’une des participantes de l’atelier-
laboratoire (Paula Rojas Amador), puis atelier vidéoscénique donné
par Ludovic Fouquet.

Le laboratoire de Paula Rojas explore la spatialisation sonore dans
un dispositif particulier, constitué de quelques objets et de voiles,
dans lequel prennent place 4 personnes. Des caisses de sons et des
petits hauts parleurs directifs, intervenant dans la quasi pénombre,
permettent d’expérimenter un déplacement du son très précis. 

La scène numérique 17

L’atelier vidéoscénique explore diverses surfaces de projection (petits
cartons, voiles, corps) et l’espace réel pour aborder autrement
la vidéo sur scène, sans utiliser les écrans habituels. C’est aussi
l’occasion de commencer à manipuler la caméra, à intégrer du jeu
pour la caméra et surtout à construire une proposition scénique
incluant une image vidéo tournée en direct : comment équilibrer
la présence du performeur avec l’image projetée ? Comment
construire avec ? Le premier exercice permet d’explorer la possibilité
de fragmentation d’un écran (constitué de nombreux petits cartons
que chacun manipule). Puis l’on projette sur un tissu translucide,
qu’un participant manipule pendant qu’un autre parle de l’absence
à la caméra (son image est projetée vers la personne qui manipule le
tissu). Un autre exercice permet de repérer les différences de rendu
et donc de suggestion, voire de jeu, entre une image diffusée sur
moniteur et une image projetée sur un mur, à partir d’images de
détails de corps emmêlés que filment deux cadreurs en direct.

17 mai :

Matin : présentation de fin de résidence donnée par la chorégraphe
et étudiante du séminaire Karine Ledoyen  et rencontre-
démonstration avec Patrick St Denis, chargé de cours au programme
de musique et conception numérique à l’Université de Montréal. La
chorégraphe et son acolyte créateur reviennent sur leurs créations
passées et les processus de création particuliers qu’ils développent
afin de permettre au danseur d’interagir avec le son, voire de le
générer. Patrick St Denis présente divers dispositifs qu’il a conçus
pour la chorégraphe, dont ce mur de feuilles de papier suspendues
pour Trois paysages (spectacle dans lequel l’air devenait matière
chorégraphique), chacune étant actionnée par un petit ventilateur
propre, piloté par une interface conçue par Patrick : chaque feuille
est comme un pixel de l’image du plateau et de la danseuse que
saisit une kinect en direct. Ils exposent les pistes du prochain

18 Bilan pédagogique 2015-2016

projet, autour de capteurs biométriques Keven Dubois
(battements cardiaques, de puissance et Ludovic Fouquet
musculaire notamment), qui généreront
l’espace sonore. Ils font tester ensuite
plusieurs capteurs. Dans la deuxième partie
de la rencontre, Patrick fait une conférence
sur l’histoire et le développement de lutherie
numérique interactive selon diverses
fonctions liées à la musique ou l’art sonore.

Après-midi : atelier vidéoscénique-2. En petite équipe, réaliser une
séquence vidéo en un temps et sur un sujet donnés, en pensant, avant
même le tournage, à un dispositif scénique de diffusion ultérieure et
à une action à construire avec ce dispositif sur le plateau. Si le temps
de la séquence vidéo est limitée (1mn30), il en va de même pour le
temps global de conception (1h30), qui doit comprendre à la fois
la discussion, l’établissement d’un plan de tournage et d’un projet
d’action et de dispositifs scéniques, le tournage et les essais sur le
plateau.

18 mai 

Matin : Présentation du parcours de Ludovic Fouquet et ses
réalisations avec sa compagnie (www.songesmecaniques.com).
Chaque projet explore la confrontation d’un corps à une image, que
ce soit dans des spectacles (dont 689 pellicules (2008), spectacle
multimédia construit autour d’un deuil photographique ; aide
à l’écriture du CNT, aide à la maquette du Dicréam-CNC, ou La
Scaphandrière de Daniel Danis, pour lequel il a signé la scénographie
d’image et le jeu de l’acteur solo avec les images, dans la mise en
scène d’Olivier Letellier ; aide à la production du Dicream-CNC
pour Songes mécaniques), des performances d’images en musée,
des lectures performances (lectures en contrepoint), un concert

La scène numérique 19

performance vidéo immersif
pour le groupe Zong (2010).

Keven Dubois, collaborateur
technique de l’atelier, parle
de son parcours et comment
il a été amené à évoluer
progressivement d’un travail
sur la lumière vers une
pratique de lumière-vidéo,
objet de son mémoire de maitrise-création, qui lui a permis d’engager
de nombreuses collaborations scéniques. Avec un projecteur vidéo
et un projecteur lumière Fresnel braqués sur un mannequin en bois,
il montre les diverses possibilités d’éclairage offertes par chaque
projecteur (plus grand nombre de couleurs et plus grande mobilité
à l’intérieur du faisceau en mapping pour le projecteur vidéo,
notamment).

Après-midi : atelier appliqué : Lumière vidéo et mapping. Keven
propose plusieurs types de dispositifs sur lesquels chaque équipe
va pouvoir créer du mapping et tester la lumière vidéo. C’est aussi
l’occasion, pour les étudiants, d’une initiation au logiciel Millumin,
utilisé pour de l’intégration en temps réel de vidéos, pour des effets
de mapping et d’interaction.

19 mai : conférence-démonstration de Louis-Robert Bouchard :
Senseurs et MAX-MSP

Matin : à travers une déambulation sur son site internet personnel
(www.elbystudio.ca), Louis-Robert Bouchard parcourt certaines
créations audio et sonore qu’il a conçues pour la scène. Il présente
toutes sortes de capteurs : capteurs de force (sensible à la

20 Bilan pédagogique 2015-2016

pression), potentiomètre,
gyroscope, capteur de
lumière, de flexion,
accéléromètre, capteurs
de distance (qui peut être
à ultra-son ou infrarouge),
capteur de température. Il
évoque le microcontrôleur
ARDUINO, qui fait
office d’interface entre
le capteur et l’ordinateur. Louis-Robert Bouchard présente alors
le système Max-MSP avec lequel il gère tout cela, comme le fait
également Patrick St-Denis. Les participants auront ainsi souvent
l’occasion de recroiser les mêmes outils utilisés par divers créateurs :
Millumin pour le mapping et Max-MSP le plus souvent.

Après-midi : atelier appliqué et essai de capteurs.  
Présentation d’un castelet électronique développé par le Lantiss
et de son intégration dans un projet de création-recherche dont
l’objet porte sur la fabrication d’un logiciel permettant la conception
d’œuvres scéniques complexes (dramaturgie plurielle). Illustration
d’une mini-séquence tirée du téléthéâtre cosmique de Claude
Gauvreau, Le Rose enfer des animaux (1958). Le projet AREA
présentera à terme (2018) des expérimentations installatives et
performatives où chaque spectateur deviendra acteur malgré lui.

20 mai : constitution des équipes,
à partir de la tempête de cerveaux sur petits papiers fixés au mur !

3 groupes émergent autour de 3 thématiques :

La mémoire Le vertige La difficulté

La scène numérique 21

Dans l’après midi, ils travaillent en équipe sur leurs
premières envies.

La première semaine se clôt donc sur des équipes
constituées et des pistes de travail qui commencent
à s’élaborer.

Louis-Robert Bouchard
Senseurs et MAX-MSP

Semaine 2 : dernières conférences-présentations et début
du travail en équipes

23 mai :

Matin : temps en équipes, pour avancer sur des pistes, présentation
des projets en « idéation ». Soutien technique de Louis-Robert
Bouchard et Keven Dubois, ainsi que d’Harold Boivin (technicien de
l’université Laval) auprès desquels les équipes peuvent valider tout
de suite des pistes liées à des dispositifs techniques et ainsi orienter
leurs réflexions sur les concepts induits par ces dispositifs.

Après-midi : Atelier d’exploration sur le feedback vidéo. En trois
équipes, les participants testent trois postes de travail différents
permettant d’explorer des effets de feedbacks analogiques ou
numériques (avec le logiciel Millumin). Pour le mapping analogique,
une caméra en plongée filme un carton noir. Elle est reliée à un
projecteur vidéo. À l’aide de cartons de couleur et d’objets aux
textures diverses, on va éclairer différents objets dans l’espace
scénique (mannequin de bois, cube recouvert d’un voile, cartons
au sol, etc.). Avec un mixeur, on peut créer des transitions et des
effets.

22 Bilan pédagogique 2015-2016

24 mai :

Matin : présentation du parcours de création de Robert Faguy et des
multiples explorations vidéoscéniques opérées avant l’heure avec la
compagnie ARBO CYBER, théâtre  à Québec.

Présentation de Félix Fradet-Faguy autour de l’intégration vidéo à
la scène. Il parle de son parcours, des collaborations qu’il a menées
avec, notamment, Robert Lepage (Le moulin à image, 887), le cirque
du soleil (Toruk) et 4D art-Pilon et Lemieux (Icare, Montréal en
histoires).

Surtout, il explique de manière concrète sa démarche de travail
et les contraintes liées à tel système de projection, tel logiciel,
voire au processus de création si l’on part d’une modélisation ou
d’une véritable maquette 3D du dispositif pour la conception des
mapping vidéo. Cette présentation a particulièrement intéressé les
participants.

Après-midi : conférence-démonstration de Davio-Robitaille sur la
lutherie numérique. Davio est étudiant en Lutherie audionumérique
et informatique musicale à l’Université de Montréal. Il a mis au point
un thérémine numérique en détournant un capteur optique, le LEAP
Motion, interface utilisée pour des jeux électroniques, puisqu’il
reconnaît les mains et les positionnements de chaque phalange d’un
utilisateur au-dessus de lui. Cette interface a été couplée à Max-MSP
(poursuite des utilisations possibles de ce logiciel). Les participants
s’essaient ensuite au maniement de l’objet.

Conférence de Jean-Paul Queinnec et de deux étudiants, Andrée-
Anne Giguère et Pierre Tremblay-Thériault sur les projets de la chaire
de recherche du Canada sur la dramaturgie sonore qu’il dirige à
Chicoutimi (UQAC), www.dramaturgiesonore.com

La scène numérique 23

La performance Mashteuiatsh Liaisons Sonores, présentée par la
chaire sur la dramaturgie sonore, est l’un des moments forts de la
semaine. Tous assis autour d’un cercle, nous suivons une proposition
dans laquelle le son devient vision, récit, partage, communion.
On y rencontre un musicien breton, une musicienne autochtone,
une danseuse, un auteur français dispersant des pages écrites à la
main, divers créateurs sonores qui mêlent allègrement instruments
acoustiques et numériques, une artiste de vidéoscénique composant
l’image en direct.

25 mai - 27 mai :

Élaboration de chaque proposition dans 3 espaces distincts du
Lantiss. Nous proposons des temps de rendez-vous une fois par jour,
pour faire le point sur l’avancée des projets.

Semaine 3 : vers la création finale, travail en équipes

30 mai - 31 mai :

Travail de chaque équipe sur leur projet. Le projet s’affine pour
certains, se cherche encore pour d’autres. Tous commencent à
occuper l’espace, à tester des propositions. On apprend à maîtriser
certains outils ; on tourne des séquences ; on monte des fichiers
sonores… L’activité est intense ; chaque équipe est très concentrée,
repliée parfois dans son espace de travail. Les moments de
présentation quotidiens sont des temps de recul salvateurs et
essentiels !

Voici la présentation des projets telle qu’elle a été rédigée par chaque
équipe :

24 Bilan pédagogique 2015-2016

Projet équipe 1 autour de la
difficulté :
Sisyphe déchainé ou les
éjaculations numériques
contrariées.

Claudia Blouin, Mercedes
Chanqui-Aguire, Rocio
Duran, Karine Ledoyen,
Ege olgaç, Nicolas Tejera.

Expérience sensorielle où le spectateur fait un parcours intérieur à travers
cinq tableaux créés sur scène à partir du mythe de Sisyphe et qui évoquent
la difficulté et la frustration.

Dans cette courte mise en scène, l’esprit de Sisyphe essaie de se libérer, de
briser les chaînes de la fatigue du quotidien, avec désespoir, avec furie, en
exposant ses viscères, ses désirs, avec les jambes, avec les mains, avec sa
voix, avec son sexe, mais toujours la frustration persiste.

Projet équipe 2 autour de la
mémoire :
Au fil de la mémoire

Arianna Carrer, Carolina
Rebolledo Vera, Alice
Rougelet, Paula Rojas-
Rocha, Eric Veschi.

La mémoire est fragmentaire ;
l’oubli creuse des interstices
mémoriels. Mémoire
et oubli sont deux
dimensions inséparables et

La scène numérique 25

complémentaires, comme le ying et le yang, et structurent notre rapport
au temps. Elles aident à construire le temps présent mais le dissolvent tout
à la fois, afin de nous protéger d’un trop plein de souvenirs qui empêcherait
la création de l’avenir par la trop grande présence du passé.
Le présent ne
dure qu’un instant. Le passé est toujours changeant et toujours présent.
Les souvenirs ont des trous. De notre passé, nous ne possédons que des
traces. Des traces qui se reconfigurent au fil du temps qui passe et dont la
précision se dilue ou se reconstruit en écho de ce que nous vivons.

L’oubli assure notre sauvegarde individuelle et, parfois, la cohésion d’un
groupe quand la mémoire commune se fonde sur une certaine amnésie, le
déni d’un passé collectif gênant.


Cette installation propose, au sein d’un espace dynamique jouant sur la
fragmentation de nos propres souvenirs, de questionner le processus de
recréation d’instants révolus, qui nous constituent mais ne cessent de
se transformer à peine sont-ils évoqués. La mémoire du spectateur est
sollicitée par divers moyens, agissant telles des madeleines de Proust.

Projet équipe 3 autour du
vertige :
Dans les yeux d’Alphonse

Pierre Andrau, Marie
Beckrich, Emile
Beauchemin, Silvia Circu,
Fanny Duchene, Marc
Fafard.

Le vertige, selon l’acception
courante, serait une sensation
de paralysie face au vide, mais plus encore il éveillerait la conscience de
notre capacité de contrôle au passage d’un seuil : à l’instant où nous faisons

26 Bilan pédagogique 2015-2016

un pas qui nous lance dans l’inconnu, où nous prenons cette responsabilité
face à nous-mêmes, naît la sensation de vertige.

Physiologiquement, le vertige correspond à un décalage des perceptions
entre la vue et l’ouïe. Ce trouble des sens nous est apparu comme une
entrée pertinente pour proposer une installation numérique où le
spectateur serait le centre de l’expérience, à la fois spectateur et sujet,
paralysé et actif, hypnotisé et fasciné.

Nous tentons de lui donner à éprouver un vertige à travers un parcours qui
le confronte à lui-même et à l’espace.

La scène numérique 27

1er juin :

Dernière journée de travail en équipe. L’objectif est d’arriver
pour le lendemain midi à une forme « présentable ». Un projet
est une installation (celui autour du vertige), deux autres mêlent
performeurs, son, vidéo, dispositifs d’images, avec utilisation,
dans l’un, des moniteurs analogiques et des projections vidéo (la
difficulté) et, dans l’autre, des projecteurs de lumières mobiles,
des projecteurs vidéo sur lyre (donc aussi mobiles) dans un espace
écranique morcelé (plexiglass suspendus, murs écrans), en lien avec
la thématique sur la mémoire.

2 juin :

Présentation publique en après-midi. Nous avons un premier public
nombreux en la présence d’une classe de secondaire V (22 élèves
et leurs accompagnants), dès 14h. Dans l’après-midi, plus d’une
cinquantaine de personnes viendront tester ces propositions et
prendront souvent le temps de réagir et de dialoguer avec les
équipes de création.

3 juin :

La matinée est consacrée au rangement des espaces de création et
du matériel utilisé. Puis un temps de bilan collectif commence, qui se
poursuivra lors d’un repas pris en commun dans l’un des restaurants
du campus.

En après-midi, chaque équipe commence à élaborer les pistes
possibles de leur bilan à rédiger à distance (l’équipe française quitte
Québec dès le 4 juin).

Le soir, tous les participants sont conviés au lancement du manuel

28 Bilan pédagogique 2015-2016

Face à l’image, exercices, explorations et expériences vidéoscéniques
dans le cadre du Carrefour International de Théâtre de Québec.

Bilan pédagogique 

Points positifs :
• Collégialité très efficace, efficiente.
• Confirmation de l’intérêt de proposer deux modalités, deux temps

de travail conjoints : conférences et ateliers appliqués.
• Confirmation aussi de l’intérêt à faire travailler les participants en

petites équipes sur des temps courts dès les premiers jours, dès les
premiers petits ateliers, pour qu’ils découvrent comment s’entendre,
comment créer à plusieurs.
• Curiosité et échanges interculturels entre étudiants québécois
et français qui ont eu le sentiment de participer à une formation
réellement innovante sur le plan pédagogique (rythme et
organisation de l’atelier laboratoire, outils à disposition, localisation)
et de découvrir des pratiques et des esthétiques étrangères.
• Intérêt de proposer ce type d’atelier-laboratoire dans un lieu comme
le LANTISS, pour son matériel, mais aussi pour les techniciens
et collaborateurs invités à encadrer les équipes de travail. Cela a
vraiment permis de transmettre des savoir-faire, de partager des
outils, de stimuler des impulsions créatrices et de les accompagner
jusqu’à leur réalisation ou, tout au moins, jusqu’à une première
réalisation, car nous sommes bien conscients que le processus
d’élaboration des projets restait concentré sur un temps trop
court. Mais il nous semble que cela permet néanmoins de bien
tester les processus inhérents à ce genre de pratiques numériques
et multidisciplinaires et d’apprendre à expérimenter la création en
temps rapide (qui caractérise la plupart des processus d’élaboration
de spectacles vivants et les arts visuels). Ce dernier point (travailler en
un temps réduit) n’était pas forcément acquis pour des étudiants de
disciplines comme la philosophie, le journalisme culturel, la création
et l’édition numérique ; ces étudiants avaient pris le risque de se

La scène numérique 29

confronter à des pratiques éloignées des leurs mais, du même coup,
ils devaient intégrer des rythmes de travail, des processus d’idéation
et de création inédits pour eux, alors qu’ils constituent le quotidien
des autres étudiants de cet atelier-laboratoire. Cependant, même
pour eux, nous constatons qu’il a été très formateur d’être plongés
ainsi dans une machine à exploration et incubation numérique !

Emile Beauchemin : J’ai été surpris par la diversité
artistique ainsi que l’âge de plusieurs des participants.
J’adore cette idée que des danseurs, des comédiens,
des metteurs en scène, des écrivains se sentent tous
interpellés par une nouvelle pratique, une nouvelle
façon d’exprimer leurs pulsions créatives.

Karine Ledoyen : Ma plus grande révélation à travers
cet atelier laboratoire est en fait toute simple, c’est de
questionner si je vais montrer ou cacher le dispositif ?
Je n’avais jamais réalisé l’impact sensible que ça
créait sur les spectateurs de cacher ou de montrer
comment fonctionnait le système. (…) Je sais que
quelque chose s’est transformé en moi pendant cet
atelier laboratoire, je ne sais encore le nommer avec
précision mais je pense que ça touche au lâcher prise
dans ma manière de créer que ça soit avec ou sans
dispositifs numériques.

Claudia Blouin : une autre manière de fonctionner.
Ce que Queinnec propose, et j’ai pu le constater de
visu en assistant à Liaisons sonores, c’est de prendre
chaque individualité pour elle-même, dans ce qu’elle
a de complet, avec sa culture, son background

30 Bilan pédagogique 2015-2016

disciplinaire, sa personnalité. Il propose une
juxtaposition plutôt qu’une fusion. Et au spectateur
de construire les liens entre les choses et avec lui-
même comme autre individualité participant à
l’œuvre.

Marc Fafard : Tous les conférenciers étaient des
artistes, et tous exerçaient un art dont les contours
étaient indiscernables - il y a une génération. Au-delà
des innovations elles-mêmes, c’est l’avènement de
l’artiste numérique ou plus simplement d’un artiste
tout court dont on ne doute pas de la réelle nature en
regardant ses outils.

Points négatifs :

• Pas assez de temps consacré aux retours personnels sur l’atelier :
l’exercice de rédaction d’un bilan collectif et personnel doit être
affiné, affirmé et mieux intégré au calendrier universitaire des
étudiants français.

• Question de temps, mais les objectifs d’initiation sont atteints.

Les productions

Présentation finale dans le cadre du Festival Carrefour International de
théâtre, dans les projets périphériques : belle occasion de visibilité et test
en grandeur réelle. Bonne réponse du public. L’annonce avait été faite dans
le programme officiel et relayée par des organes de presse universitaire, ou
une radio communautaire locale, CKRL.

La scène numérique 31

Le LANTISS accueille souvent des représentations, c’est donc un lieu
habituel de propositions culturelles, sur lequel a pu s’adosser l’atelier-
laboratoire. Les 3 projets ont pu s’implanter dans un lieu propre, avec le
matériel nécessaire et même en s’appuyant sur l’architecture du lieu (les
rideaux, parois vitrées qui bordent le studio 1, le caisson de prise de son
dans un des couloirs).

Une grande partie de l’atelier-laboratoire a été suivie et filmée par un
réalisateur de Québec, Alexandre Berthier, qui prépare un montage vidéo
présentant une synthèse du parcours, tant des ateliers que du travail de
chaque équipe.

Une page dédiée a été créée sur Facebook et alimentée pendant les trois
semaines de l’atelier, par les étudiants eux-mêmes (visuels, commentaires,
analyse). https://www.facebook.com/lascenenumerique/

Un travail collectif écrit a permis de revenir sur l’ensemble du parcours
et le processus de chaque équipe. Un questionnaire et une synthèse
des étudiants de Québec offrent aussi l’occasion d’un retour précis et
constituent des archives pour l’atelier même.

L’acteur de
l’intérieur

Par
Sébastien Lenglet et
Virgile Koering

R éalisé dans trois lieux distincts,
l’atelier laboratoire « L’acteur de
l’intérieur », a confronté la pratique
du théâtre à l’utilisation d’un outil
technologique innovant : le casque
Emotiv Epoc+, un matériel de type
« EEG » disposant d’une interface.
Ainsi, au Conservatoire de Lille (janvier
2016), à la Maison des Sciences de
l’Homme de Paris-Nord (février 2016)
et au Conservatoire national supérieur
d’Art dramatique (mars 2016), cette
expérimentation a été menée en

Photo : www.flickr.com/photos/smieyetracking L’acteur de l’intérieur 33

présence d’étudiants du Conservatoire de Lille, du CNSAD
ainsi que des universités de Paris 8 et Paris Nanterre.
L’atelier laboratoire a été porté par le Conservatoire
national supérieur d’Art dramatique et avait pour double
objectif de mener une étude pratique sur l’art de l’acteur et
d’aborder, par ailleurs, les possibilités artistiques, visuelles
et sonores de l’EEG dans un contexte de création.

Sur Lille, 25 élèves ont été mobilisés pendant une semaine.
Sur Paris, 14 étudiants ont été concernés (6 au CNSAD, 6
pour Paris 8 et 2 pour Paris 10) sur une à deux semaines
d’atelier.

Quelle pédagogie ?

Au départ, il était question de solliciter une pédagogie de
projet en fixant des objectifs variés à des petits groupes
de travail sur la base d’une autonomie en matière d’expérimentation
(notamment par la maitrise technique de l’outil et la mise à disposition
du matériel). Les retards de livraison en provenance de la société Emotiv
ont rendu difficile cette expérimentation dès lors que nous n’avons, au
final, disposé que d’un casque sur l’ensemble des 3 sessions d’une semaine
(contre 5 attendus). Du coup, nous avons privilégié une dynamique de
réflexion et d’expérimentation collective avec l’ensemble des étudiants.
Cette issue a eu des conséquences positives, notamment du fait de la mise
en place d’un débat extrêmement riche alliant la pratique du jeu, la théorie
et la création.

Le déroulement de l’atelier 

La première session

Organisée au Conservatoire de Lille a permis d’approcher pour la

34 Bilan pédagogique 2015-2016

première fois le matériel sur l’acteur et au plateau. A cette occasion,
les élèves artistes ont largement été inclus dans la réflexion autour
du dispositif, notamment pour la lecture des données observées.

La seconde session

Vécue en présence d’étudiants des universités de Paris 8 et Paris
Nanterre. Là, les étudiants ont pris en main eux-mêmes le matériel
en proposant toute une série d’expérimentations et en s’appropriant
l’outil. Lors de cette seconde session, les étudiants étaient tour
à tour en situation de jeu, de direction de jeu, de réflexion etc.
Ponctuellement, des personnes extérieures (acteurs ou danseurs)
venaient se prêter au jeu de l’interprétation pour nourrir le travail.

L’ultime session

organisée cette fois-ci au CNSAD et lors de la semaine inter-école,
a intégré les élèves acteurs et metteurs en scène au groupe de la
précédente session. Là, le travail s’est trouvé enrichi par le niveau
artistique des élèves acteurs présents au nombre de 6.

Bilan pédagogique 

Nous avons rencontré des problèmes techniques non négligeables.
L’absence des casques en nombre suffisant a été lourde de conséquence.
Cela a eu une incidence réelle sur la méthodologie de travail et sur les
champs d’exploration. Par ailleurs, l’accueil technique à la MSH Paris Nord
a été désastreux et nous avons dû faire avec nos petits moyens malgré
l’existence d’un lieu suréquipé. Malgré ces difficultés, une effervescence
collective a été palpable et il paraît évident que le dispositif technique a un
bel avenir devant lui si l’on s’en donne les moyens.

Le mélange des publics s’est bien passé et s’est avéré être une force

L’acteur de l’intérieur 35

pour le projet. Néanmoins, nous voyons combien il faut lui apporter une
attention particulière afin de veiller au bon équilibre des compétences et
de l’implication de chacun.

Pour la partie qui touche à la création d’images (et/ou de sons) à partir
de l’activité cérébrale d’un acteur, nous avons manqué de temps et de
moyens- cet enjeu répondant d’abord au principe de création en matière
de spectacle vivant qui, en lui-même, a ses exigences : existence d’un lieu
dédié, objectif de la rencontre avec le public, moyens techniques etc.

En ce qui concerne la recherche sur la question de l’art de l’acteur, il nous
a manqué la présence de spécialistes en sciences cognitives afin de mener
une lecture plus fine des données et d’asseoir notre interprétation des
données.

Les productions de l’atelier et leur valorisation

L’atelier laboratoire a donné lieu à une présentation publique au théâtre du
Conservatoire le 26 mars en présence de l’ensemble des élèves du CNSAD
et de la Fémis.

Pratiques scéniques
contemporaines :
expérimentations/création

Par
Sabine Quiriconi

L ’atelier-laboratoire  « Pratiques
scéniques contemporaines :
expérimentation /création » est adossé
au Master « Théâtre : Mise en scène et
dramaturgie », master professionnel
qui forme des metteurs en scène et
des dramaturges et dispense une
formation polyvalente, ouverte sur la
recherche, en partenariat étroit avec
des structures professionnelles de
création.

Pratiques scéniques contemporaines : expérimentations/création 37

L’objectif artistique et pédagogique de cet atelier
laboratoire est de remettre en question les processus de
création propres aux arts vivants en confrontant la scène
et ses conventions à des méthodes et techniques nouvelles
dans les domaines de la dramaturgie, du son, de la lumière,
du numérique.

Le travail s’est établi sur une durée de 6 semaines, au
premier semestre de l’année universitaire 2015-2016, et a
été encadré par une équipe artistique professionnelle qui
avait déjà animé un atelier laboratoire de même nature
en 2013-2014 : Judith Depaule, metteure en scène et
directrice de la compagnie Mabeloctobre, Julien Fezans,
créateur son, Benjamin Crugneau, concepteur vidéo, ont
invité les étudiants à imaginer les enjeux, les formes et
les moyens d’un projet de création autour du thème de
l’enfermement, et à partir de recherches dramaturgiques
(suivi assuré par S. Quiriconi, responsable de la formation).

Incarcération, isolement, claustration physique ou mentale… : comment/
pourquoi en parler avec des moyens scéniques et techniques ? Les
nouvelles technologies ont-elles transformé la notion d’enfermement
et notre perception de la solitude et de la clôture des espaces – voire
de l’emprisonnement subi ou volontaire ? Quelles nouvelles modalités
d’écriture de plateau peut-on envisager pour rendre compte des
perceptions de celui qui est enfermé ou de celui qui le retient ? A quelles
place et distance tenir le spectateur ? Pour quel(s) discours ? Et quelles
émotions ?

Plusieurs dispositifs scéniques hybrides ont été expérimentés et
développés à partir des propositions des étudiants, répartis en 5 groupes :
performance, parcours déambulatoire, installation sensorielle et immersive

38 Bilan pédagogique 2015-2016

devaient interroger la
nature et les formes d’un
espace de claustration, y
confronter le spectateur et
être conçus à partir d’un
travail de documentation
et d’investigation du
réel. La notion de
théâtre documenté ou
documentaire était en effet
centrale.

Outre les locaux de l’Université de Paris Nanterre, deux lieux partenaires ont
ouvert leurs portes aux étudiants : le Théâtre des Amandiers de Nanterre et
Confluences où se sont répétés et ont été présentés les travaux.

Le déroulement de l’atelier 

Les deux premières semaines ont été consacrées à un travail de recherche
dramaturgique que nous avons voulu aussi diversifié que possible. Nous
avons opté pour une démarche qui allie tout à la fois :
• une enquête de terrain,
• des rencontres avec des artistes de diverses disciplines ayant travaillé

sur les questions d’emprisonnement,
• une investigation théorique, philosophique et sociologique personnelle

à chaque groupe et approfondie.

L’enquête de terrain

L’enquête a mis au centre de l’investigation la ville de Nanterre et les
zones qui la scindent, comme autant d’espaces cloisonnés : ainsi nous
sommes allés du campus universitaire à la prison, en passant par « la

Pratiques scéniques contemporaines : expérimentations/création 39

Quelles nouvelles
modalités d’écriture
de plateau peut-on
envisager pour rendre
compte des perceptions
de celui qui est enfermé
ou de celui qui le
retient ?

ferme du bonheur » de Roger Desprès, de la prison à l’hôpital, lui-
même ancienne prison, du Théâtre des Amandiers au parc, et vers
les cités, puis au cœur du vieux Nanterre… Ces visites ont été guidées
et éclairées par l’écrivain Lancelot Hamelin, en résidence au Théâtre
des Amandiers de Nanterre et menant un projet d’écriture avec des
détenus, et par l’historien Alain Bocquet, membre de la Société
d’Histoire de la ville de Nanterre.

Artistes invités

Plusieurs artistes ont présenté, au cours de conférences-débats
avec les étudiants, le résultat de leurs travaux sur les prisons et,
plus précisément, le processus d’enquête et de travail qu’ils ont dû
imaginer pour rendre compte de l’impact et de la singularité des
lieux d’incarcération :

- Franck Smith, auteur de Guantanamo, écrit à partir des
interrogatoires de détenus, rendus publics en 2006 par le Pentagone,
sous la pression des journalistes américains. Ce texte a fait l’objet
d’une mise en scène par Eric Vigner en 2013, dont les enjeux ont été
évoqués : comment un auteur et un acteur peuvent-il témoigner de
l’inexprimable et de l‘incompréhensible ?

40 Bilan pédagogique 2015-2016

- Jean-Michel Pancin, plasticien, pour son travail sur la prison
Sainte-Anne, aujourd’hui désaffectée, en Avignon, et le film qu’il a
consacré à un de ses anciens détenus ;

- Maria Loura Estevão, plasticienne, qui conçoit des installations
à partir de boîtes et a proposé aux étudiants un panorama historique
sur l’utilisation des boîtes dans les arts plastiques ;

- Barbara Polla, commissaire de l’exposition « Le sens de la
peine », organisée en janvier 2016 au centre d’art contemporain La
Terrasse, à Nanterre, et que les étudiants ont pu visiter en avant-
première ; 

- Abdul Rahman Katanani, plasticien, invité à l’exposition « Le
Sens de la peine ».

Parallèlement à ces rencontres, visites et débats, 5 séances ont
été consacrées à la théorie de la vidéoscénique (Judith Depaule,
Benjamin Crugneau) et aux techniques sonores de pointe (Julien
Fezans). Chaque séance théorique a été suivie d’une série de courts
exercices pratiques, en lien avec la thématique et visant à familiariser
les étudiants avec les diverses possibilités techniques et à les rendre
aussi autonomes que possible.

Des séances à la table ont ensuite permis aux étudiants d’exprimer
leurs envies et de définir leurs propres pistes de recherche. Le thème
de l’emprisonnement, jusque-là très concentré sur la question
carcérale, s’est ouvert : enfermement psychologique, processus
d’aliénation, extension de la dimension sécuritaire de nos sociétés,
effets sensori-moteurs de la claustration sur le corps, etc.

Pratiques scéniques contemporaines : expérimentations/création 41

5 groupes de 4 à 5 étudiants se sont constitués à partir de ces centres
d’intérêt et des contraintes techniques précises qui ont alors été donnés à
chacun par les intervenants.

Un groupe a travaillé à une performance enserrant un petit groupe de
spectateurs au centre d’un dispositif vidéos qui multipliait images et
discours sur l’état d’urgence et se révélait progressivement un système de
télésurveillance, renvoyant aux présents leur propre reflet.

Un groupe s’est intéressé à la question des prisonniers politiques et a
construit une installation verticale, animée de projections qui masquaient
ou révélaient les corps des
acteurs, étagés à l’intérieur,
et interrogeaient le regard
de spectateurs-voyeurs.
Fragments de discours
politiques, de manifestes
et de textes théâtraux,
bruits divers empruntés
au monde carcéral
composaient la trame
sonore.

42 Bilan pédagogique 2015-2016

Un groupe a proposé un parcours
virtuel, dessiné par Ipad et diffusant
des enregistrements de témoignages
sur les chambres d’adolescents,
espaces d’isolement initiatiques.
A l’issue de cette déambulation,
les spectateurs débouchaient dans
une pièce où une chambre était
reconstituée en taille réelle.

Un groupe a imaginé construire une boîte sensorielle enfermant un
unique spectateur au terme d’un parcours où il devenait de plus en plus
seul. A l’intérieur de la boîte close, un ipad lui promettait de lui indiquer
la sortie (masquée) s’il répondait à diverses questions. Il s’agissait d’un
leurre organisé de façon à ce qu’immanquablement le participant
échoue et soit invité à diverses manipulations et expérimentations : la
boîte s’animait de sons métalliques, de vibrations ; une trappe donnait à
caresser des matières visqueuses et noires… Le participant n’était délivré
qu’au bout de 3 minutes. La conception de cette boîte a exigé un travail
préparatoire conséquent et sa construction n’a pu se faire que grâce au
Théâtre des Amandiers de Nanterre qui a ouvert les portes de son atelier
de construction. Les étudiants ont été aidés et encadrés par Yvan Clédat,
constructeur scénique du metteur en scène Philippe Quesne.

Les rencontres avec les plasticiens ont permis de centrer l’atelier-laboratoire
sur la nécessité de traiter de l’espace carcéral en tant que tel et d’inviter
explicitement les étudiants à questionner, dans leur propre production,
la scénographie (forme architecturale, volume, rapport scène/salle, etc).
L’intervention de Yann Rocher, architecte et maître de conférence à L’Ecole
Nationale Supérieure d’Architecture de Quai Malaquais, a notamment
permis de faire le lien, à partir de sa réflexion sur le panoptique foucaldien,
entre espace carcéral et espace théâtral.

Pratiques scéniques contemporaines : expérimentations/création 43

Cette sensibilisation aux questions de scénographie a pu se développer
concrètement à Confluences, lieu d’accueil qui a mis 4 salles (et son équipe
technique) à la disposition des étudiants, afin qu’ils puissent s’installer
dans les lieux, y répéter, tester les potentialités de chaque espace,
travailler à penser la place du spectateur (frontale, centrale, en immersion,
déambulatoire, pour un seul spectateur… ?)

Bilan pédagogique 

Cet atelier-laboratoire a été conçu et réalisé à partir des réflexions que
nous avait inspirées l’atelier-laboratoire de 2013-2014.

Nous avons veillé, forts de la première expérience, à améliorer le processus
de travail, son rythme, le système de notation et le blog collaboratif :
• La partie pédagogique consacrée aux technologies sonores et à la

vidéoscénique a été résolument et très étroitement reliée aux enjeux
artistiques et dramaturgiques des différents projets. Les étudiants
ont ainsi dû penser leurs outils techniques et leurs potentialités en
dialoguant, tout au long du travail, et très régulièrement, avec les
intervenants qui leur offraient, plus qu’un soutien logistique, une
véritable expertise en les aidant à réaliser progressivement, à mesure
de l’avancée des expérimentations artistiques, le dispositif technique
nécessaire.
• Nous avons très rigoureusement opté pour 6 semaines où ont alterné
rencontres, séances encadrées par les intervenants avec exercices
dirigés et « temps » libres où les étudiants travaillaient en groupe.
• Les critères de notation ont été précisés et expliqués aux étudiants. Deux
notes ont été attribuées : l’une concernant l’intégration, avec plus ou
moins de pertinence, des nouvelles technologies (la « dramatoolgie »,
pourrait-on dire) ; l’autre prenait en compte la progression de la mise en
scène d’ensemble. (cf grille de notation détaillée à la fin du document).
• Le blog collaboratif a été développé : chaque groupe devait non
seulement y ajouter des documents dramaturgiques propres à son
projet mais aussi une note d’intention expliquant ses enjeux esthétiques

44 Bilan pédagogique 2015-2016

et une fiche technique aussi détaillée que possible – autant d’éléments
indispensables, dans le monde professionnel, à la constitution des
dossiers de demande de programmation et de subventions.

La circulation du matériel pose toujours un problème : nous avons, cette
année, amélioré ce point en faisant livrer le matériel par un des chauffeurs
de Paris 8 et en louant une camionnette, conduite par un étudiant, pour
le restituer. Mais le système est encore à affiner et à sécuriser. De plus,
certains outils sont trop peu nombreux : des caméras supplémentaires, en
particulier, seraient nécessaires.

A notre grand étonnement, certains étudiants n’ont pas compris la
nécessité des visites et d’un travail dramaturgique in situ. Ils ont eu du mal
à abandonner des habitudes de travail traditionnelles et individualistes.
Il ne s’agit sans doute pas seulement d’un manque de curiosité ou d’une
tendance au repli protectionniste et narcissique. Peut-être manquait-il une
étape à notre démarche pédagogique qui s’inscrivait à contre-courant des
modèles d’enseignement qu’ils avaient connu jusque-là ? Comment leur
faire comprendre, dans une université qui ne cesse de leur imposer des
échéances et un rythme… qu’une des lois du marcheur, pour laquelle nous
avions opté, consiste à prendre le temps de se laisser faire, happer, fasciner
et bouleverser par l’observation contemplative du monde extérieur, avant
de pouvoir imaginer concevoir un objet singulier et personnel ?

Les productions

Les travaux ont été présentés les 14 et 15 janvier 2016, à 20h, à Confluences.
Les spectateurs étaient orientés et guidés en groupes ou seuls vers les
diverses salles. Le parcours déambulatoire permettait d’expérimenter tous
les dispositifs en 1h15.

Certaines séances de l’atelier et les productions finales ont été filmées par
les documentaristes Pukyo Ruiz de Somocurcio, Daniel Touati et Maxime

Pratiques scéniques contemporaines : expérimentations/création 45

Berland. Le montage filmique, par Judith Depaule, qui incluera aussi des
extraits des blogs collaboratifs, sera achevé en septembre 2016.

La découverte des travaux de certains artistes a indéniablement marqué
durablement les étudiants. Un exemple : une étudiante de M2, dans le
cadre de son projet personnel de fin d’année, a écrit un opéra en langue
arabe sur l’histoire du plasticien Abdul Rahman Katanani qu’elle a rencontré
lors de sa visite de l’exposition « Le Sens de la peine » et dont le témoignage
l’avait bouleversée.

Annexe : criteres d’evaluation

Mise en scène Technique
Contenu Rapport aux technologies
dramatoolgie
Capacité à s’emparer du sujet Gestion matériel
Travail dramaturgique, recherche Investissement/participation
Capacité à approfondit et à Autonomie
questionner sa propre démarche
Capacité à comprendre, accepter et Gestion du temps
intégrer les contraintes
Documentation : archives et Esprit et travail de groupe
communication sur son propre travail
Prise en compte de la place du Capacité à intégrer et s’approprier les
spectateur conseils
Esprit et travail de groupe Capacité à prendre en compte le
projet dans son ensemble (planning,
Capacité à intégrer et s’approprier les organisation)
conseils Prise de risque

Théâtre et
téléprésence

Par
Julien Brun

L ’atelier-laboratoire « Théâtre et
téléprésence » s’est déroulé du
24 novembre au 1 décembre 2015 à
Paris, École des Mines, et Montréal,
Monument-National, en simultané.
Grâce à un dispositif de téléprésence,
quinze étudiants du CNSAD ont
rencontré et échangé avec six
étudiants en master des universités
Paris 8 et Paris Nanterre ainsi qu’avec
onze étudiants de l’École nationale
de théâtre du Canada. Répartis entre
Montréal et Paris, les étudiants

Théâtre et téléprésence 47

avaient pour objectif d’expérimenter une création de
théâtre en téléprésence et par conséquence d’explorer les
questionnements qui y sont reliés. Le texte de théâtre «
2h14 » de David Paquet a servi de base à cette exploration
des outils de création en téléprésence, qui relient
territoires, cultures et modes d’expression, ainsi que des
problématiques qui en découlent intrinsèquement.

Quelle pédagogie ?

L’atelier-laboratoire « Théâtre et téléprésence » a regroupé
des étudiants et des intervenants d’horizons géographiques
et culturels différents. De concert avec l’objectif fixé en
amont, il a été décidé de proposer aux étudiants une
exploration des tenants et aboutissants d’une création
théâtrale en téléprésence, plutôt que de les guider vers un
résultat théâtral abouti et donc, au vu du laps de temps
disponible pour l’atelier, obligatoirement très dirigé par les intervenants.

Les étudiants se sont donc vus confiés la responsabilité artistique et
dramaturgique des extraits de la pièce « 2h14 », montée en téléprésence.
Ils se sont également vus confiés la responsabilité de créer et de nourrir une
communication avec la seconde moitié de leur équipe, qui ne se trouvait
pas dans le même continent qu’eux.

Les intervenants ont eux-mêmes pris la responsabilité de présenter le
travail de création en téléprésence et ses problématiques, de conseiller
et d’orienter le travail des étudiants, de créer un contexte de travail en
téléprésence qui répondait aux besoins d’une telle exploration ainsi que
d’accompagner les étudiants dans un équilibre entre exploration d’un
nouveau mode d’expression scénique et utilisation renforcement des
acquis théâtraux et dramaturgiques de leur pratique artistique assimilée.

48 Bilan pédagogique 2015-2016

Le déroulement
de l’atelier

L’atelier-laboratoire s’est
intégré dans un contexte
plus large d’échanges
artistiques et pédagogiques
entre Paris et Montréal.
Une classe d’étudiants du
CNSAD ainsi qu’une classe
d’étudiants de l’ENTC
ont en effet eu l’occasion de participer à un échange géographique et
culturel entre les deux institutions. En amont de l’atelier-laboratoire,
ces étudiants ont ainsi eu l’opportunité de travailler le texte « 2h14 »
avec des professeurs d’interprétation de l’institution qui les accueillait
(Sandy Ouvrier et Alice Ronfard à Paris). Forts de cette expérience, les
étudiants en interprétation ont eu ensuite l’occasion de rencontrer et
de dialoguer, au sujet de ce texte théâtral, avec leur six collègues de
master des universités Paris 8 et Nanterre (trois d’entre eux à Paris et
trois à Montréal). Cette rencontre s’est déroulée au début de l’atelier-
laboratoire pour créer un lien entre les différentes institutions et leurs
étudiants séparés géographiquement.

Après une introduction théorique de la téléprésence et de ses problématiques
techniques et artistiques, conduite par Julien Brun, responsable de l’atelier,
les étudiants ont profité de deux jours d’exploration dirigée du théâtre en
téléprésence. Julien Brun et Vincent de Repentigny (alter ego pédagogique
à Montréal) ont alors tenté de transmettre les clés du travail en téléprésence
et de son impact sur la mise en scène théâtrale. Ils ont également tâché de
présenter et de discuter les possibilités multiples de ce type de discours,
en préparation à la seconde phase de l’atelier. Dans cette seconde phase, il
a été demandé aux étudiants, séparés en quatre groupes, de travailler à la
mise en scène d’un extrait de « 2h14 », en téléprésence.

Théâtre et téléprésence 49

Répartis entre Montréal
et Paris, les étudiants
avaient pour objectif
d’expérimenter une
création de théâtre en
téléprésence et par
conséquence d’explorer
les questionnements qui
y sont reliés.

Dirigées par les étudiants en master, les répétitions ont alors commencé et
le travail d’exploration s’est transformé en travail de création et de réflexion
autour du texte et de sa dramaturgie. Déchargés d’une quelconque
responsabilité technique et technologique par les équipes du CNSAD et
de l’ENTC, les étudiants ont cependant eu l’occasion de se confronter à
un dispositif technique important qui à la fois unit et relie deux lieux
géographiquement séparés et agit comme canal de transmission unique,
comme outil dramaturgique essentiel.

Après cinq jours de travail, accompagnés par les intervenants à Paris
comme à Montréal, les étudiants ont présenté le résultat technique et
artistique à leurs pairs, en simultané sur les deux continents. Les étudiants
en master des universités de Paris 8 et Paris Nanterre ont également eu
l’occasion de développer et d’étayer une réflexion théorique sur le travail
en téléprésence par l’écriture régulière de billets sur le blog du projet, ainsi
que par la remise d’un petit mémoire de conclusion au travail pratique,
corrigé et critiqué par Julien Brun.

Bilan pédagogique

Le principal point positif de l’atelier-laboratoire « Théâtre et Téléprésence »
est la rencontre et l’échange très riches entre des étudiants d’une même

50 Bilan pédagogique 2015-2016

génération mais avec une identité géographique et culturelle multiple.
Au-delà de la simple rencontre, l’atelier a été pour eux l’occasion de
questionner un rapport au théâtre et aux outils actuels. La multiplicité des
points de vue et la nécessité de mettre ceux-ci en commun dans un travail
de création scénique en simultané a demandé à chacun de développer
une écoute et une ouverture d’esprit envers ses collègues. Dans un monde
qui est aujourd’hui interconnecté et interdépendant, ces étudiants ont
maintenant une meilleure connaissance des possibilités multiples de
collaboration artistique mais également une pensée critique quant aux
questionnements sociétaux, théâtraux et techniques qui y sont reliés.

L’atelier-laboratoire « Théâtre et téléprésence » sous cette forme était une
première expérience pour les différentes institutions partenaires. Son visage
a ainsi été le reflet des possibilités et contraintes de chacune d’entre elles. Si
la force de l’atelier a été de réunir autant d’étudiants différents, cela a aussi
été son point le plus important à développer. Dans un laps de temps malgré
tout restreint, la réunion de plus de trente étudiants dans un atelier aussi
exigeant que celui-ci demande une mise en place logistique extrêmement
concertée. De plus, les objectifs parfois différents des institutions et de
leurs étudiants, doivent continuer à être discutés et précisés et les moyens
techniques développés à leur hauteur. Si l’atelier a bien rempli son mandat
et a permis à chacun de s’y impliquer complètement et d’en ressortir mieux
outillé, il est important de continuer son développement en intégrant les
éléments issu du bilan qui a été fait avec les étudiants et leurs institutions.


Click to View FlipBook Version