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Pas de gueule de bois au lendemain de notre vingtième anniversaire ! On reprend le cours normal des chroniques avec encore une fois un mag qui dépasse les 100 pages ! A l'honneur, les Lofofora en mode unplugged mais aussi d'autres interviews comme celles que nous ont accordé The Somnambulist, Rescue Rangers, Lysistrata, A Voodoo Experience, Here Lies Man, Coilguns, David Basso et The Very Small Orchesta ! Ca fait du monde mais ils sont encore plus nombreux au rayon chroniques avec entre autres (il y en a plus de 70 !) No One Is Innocent, Dani Llamas, Nebula, Dirty Shirt, Ghost, Hangman's Chair, Not Scientists, Dysfunctional By Choice, Pogo Car Crash Control, Fu Manchu, Alvvays, Stömb, Nick Oliveri, Sheik Anorak, Ropoporose, Black Stone Cherry, Rodrigo y Gabriela, Black Sabbath, Casey, Fishing With Guns, Jean Jean, Mudweiser, Marcellus Rex, Lizzard, Monkypolis, LocoMuerte, Cooper...

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Published by team W-Fenec, 2018-04-02 10:32:01

W-Fenec Mag #32

Pas de gueule de bois au lendemain de notre vingtième anniversaire ! On reprend le cours normal des chroniques avec encore une fois un mag qui dépasse les 100 pages ! A l'honneur, les Lofofora en mode unplugged mais aussi d'autres interviews comme celles que nous ont accordé The Somnambulist, Rescue Rangers, Lysistrata, A Voodoo Experience, Here Lies Man, Coilguns, David Basso et The Very Small Orchesta ! Ca fait du monde mais ils sont encore plus nombreux au rayon chroniques avec entre autres (il y en a plus de 70 !) No One Is Innocent, Dani Llamas, Nebula, Dirty Shirt, Ghost, Hangman's Chair, Not Scientists, Dysfunctional By Choice, Pogo Car Crash Control, Fu Manchu, Alvvays, Stömb, Nick Oliveri, Sheik Anorak, Ropoporose, Black Stone Cherry, Rodrigo y Gabriela, Black Sabbath, Casey, Fishing With Guns, Jean Jean, Mudweiser, Marcellus Rex, Lizzard, Monkypolis, LocoMuerte, Cooper...

Keywords: W-Fenec,Lofofora,Rock,The Somna

HANGMAN’S CHAIR LES DISQUES DU MOMENT

Banlieue triste (Music Fear Satan)

Pas habitué à faire du surplace, Hangman’s Chair conti- d’ailleurs l’univers des Parisiens à deux invités particu-
nue son chemin tout en conservant ce qui fait sa ligne liers, James (connu pour son projet Perturbator) vient
directrice (une forme de détresse absolue) mais allège déposer des nappes synthétiques inquiétantes sur
quelque peu son fardeau en même temps que le poids «Tired eyes» alors que sur «Full ashtray», c’est l’esprit
de sa musique. de Georges Bataille qui est invité puisqu’on nous fait
la lecture d’un extrait de La conjuration sacrée, texte
Alors bien sûr ça reste du stoner/doom formidable- qui traite du sens de la vie et de la mort inéluctable,
ment bien construit et écrit mais le groupe va encore libératrice. C’est le dernier, long, morceau de l’album,
plus loin dans la clarté. Entrevue sur certains passages morceau glacial et glaçant qui meurt peu à peu... et
de This is not supposed to be positive, la quête d’une nous donne envie de relancer la machine pour ne pas
certaine quiétude, ou pourquoi pas une sorte d’état rester sur cette sensation douloureuse. À noter qu’un
se complaisant de la lassitude, la construction d’am- autre invité, en l’occurrence Marc (Mucky Pup, bassiste
biances plus légères et lumineuses que sombres et chez Dog Eat Dog durant un temps, Mongolito, Wolven-
pesantes illumine ce Banlieue triste qui les amène au nest...) fait également une petite apparition sur «Sidi
plus proche des Mars Red Sky. Moins métallique, moins Bel Abbes», un des deux titres instrumentaux, celui-là
poisseux, moins étouffant, l’atmosphère libère de est porté par une guitare déchirante, alors que l’autre,
l’espace pour de l’écho, des notes de guitares claires, «Tara» est dominé par une rythmique étouffée.
un chant plus doux (le somptueux «Negative male
child»), des détails sonores qui accrochent l’oreille et Artwork intriguant imageant cette Banlieue triste qui
rendent l’ensemble plus impressionnant encore tant n’offre que du gris aux hommes qu’elle entasse, décré-
tout est maîtrisé. Et quand le mode «old school» avec pitude et sentiment d’abandon, Hangman’s Chair offre
saturations grasses et riffs lacérant repointe le bout de toute sa noirceur en dix plages, qui, paradoxalement,
son nez («Naïve», «Tired eyes», «Full ashtray»), le sont les moins obscures que le groupe ait produites. Le
contraste est encore plus excitant, donnant la (Hang- groupe accepte cette fatalité, n’essaye plus de com-
man’s) chair de poule. Les deux titres cités ouvrent battre, se laisse juste porter par sa mélancolie, faisant
avec pour essayer de s’y habituer en évitant les heurts.
À décrire, ça fait froid dans le dos, à écouter, c’est gé-
nial.

Oli

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LES DISQUES DU MOMENT INSOLVENCY

Antagonism of the soul (Send The Wood Music)

Fondé en 2012, Insolvency regroupe Pierre (chant, aucun répit, les zicos enchaînent plans techniques et
basse), Valentin (chant et guitare), Bruno (guitare qui breaks carrément efficaces. Là où le côté heavy metal
a remplacé Jules en 2014) et Mickaël (batterie), un old school est très vite lassant, Insolvency répond par
quatuor qui enregistre une première démo éponyme en des changements constants, pas question de faire
2015. Revendiquant l’influence de Trivium, ils évoluent tourner en rond la même idée trop longtemps, il faut
dans un style mêlant un heavy dépoussiéré et débar- embrayer sur un autre passage, tout aussi puissant et
rassé du chant haut perché et des mélodies puissantes accrocheur. On est déjà impressionné et ce n’est que le
issues du métal core. Basé à Troyes, le groupe bouge premier vrai morceau de l’album. La suite est du même
pour croiser la route des No Return, Smash Hit Combo acabit avec en bonus quelques assauts HardCore pour
ou Melted Space puis retourne s’enfermer en studio, le chant, une guitare encore plus excitée, d’autres mé-
chez lui mais aussi au Treehouse avec Jim Pinder et lodies tranchantes et même trois nouvelles versions
Carl Bown (mais sans Colin Richardson), studio anglais pour des titres déjà présents sur leur EP («Violation»
qui a travaillé avec Bullet For My Valentine, While She et ses ambiances ambivalentes, «This war is not for
Sleeps, As I Lay Dying, Machine Head...). Le résultat, you» qui permet au public de hurler le titre et «Your
c’est ce Antagonism of the soul, premier album qui sort lost soul»). Et à part sur l’interlude «Hope» et la fin
en janvier 2018 chez Send The Wood Music. de «Death wish» (qui referme l’album), pas question
de se poser, on comprend pourquoi Bruno a été invité
à participer au Hundred Guitars from Hell Festival par
Alexi Laiho (Children of Bodom).

Technique, puissance, mélodie, Insolvency aime la
variété dans son jeu et réussit à écrire un album très
riche sans être lassant ou «too much» (le gros risque
avec les bons techniciens), un album aussi facilement
plaisant qu’impressionnant (oui, encore).

Oli

Après une piste d’introduction toute en douceur,
«Tears of the world» éclate les tympans, riffs sau-
vages, rythme massif, après à peine 30 secondes,
la guitare s’envole déjà en solo pour mettre les deux
chanteurs sur les rails, l’agression est double, la gratte
continue d’un côté son boulot de sape, de l’autre de dé-
corer l’atmosphère et bing, voilà que le deuxième chant
se mue en lignes harmonieuses et puissantes. Sans

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HERE LIES MAN LES DISQUES DU MOMENT

Here lies man (RidingEasy Records / Rough Trade)

Parfois, le hasard fait bien les choses : cliquer sur la de la comparaison. Le quatuor californien reste souvent
page web d’un événement par inadvertance et ainsi trop accroché aux préceptes musicaux de l’art de Fela
découvrir qu’un obscur groupe américain nommé Here Kuti ou de Tony Allen, guidé principalement par son
Lies Man joue dans un petit bar de quartier parisien bien rythme reconnaissable parmi mille autres générant
connu des admirateurs de musique alternative (dont des boucles répétitives qui pourraient devenir intermi-
moi-même) ; tomber sur l’accroche textuelle «Et si nables si les morceaux n’avaient pas de limite de temps
Black Sabbath avait joué de l’afrobeat ?», ce qui amène sur un support. À travers son œuvre, Here Lies Man
automatiquement à se jeter sur le premier site de strea- recherche en quelque sorte la transe, l’envie folle de
ming pour écouter le seul album des Californiens et se trémousser plutôt que d’headbanger, une certaine
se prendre une balafre instantanée. Voilà un peu pour frénésie psychédélique vécue par les anciens dans les
le pitch de ce qui m’a amené à vous parler de ça, et si 70’s. À ce titre, le choix de production rétro de l’album
l’on cherche un peu plus loin, on remarque qu’Here Lies en est la caution. Et ce n’est pas un hasard si Marcos
Man est un projet monté par Marcos Garcia, guitariste ne se lance pas dans des textes à rallonge préférant
et vocaliste d’Antibalas, un groupe-orchestre d’afrobeat utiliser sa voix comme un appel de l’au-delà noyé dans
originaire de Brooklyn bien connu des initiés du genre la réverb’ et la disto, et répétant des phrases (souvent
et des fans de ce que proposent les labels Ninja Tune, le nom des titres d’ailleurs) de façon irrégulière tel un
Anti-, ou Daptone Records (dont moi-même - bis). chaman.

«Et si Black Sabbath avait joué de l’afrobeat ?» donc. Cela étant dit, Here lies man séduit inévitablement par
Comme dirait Marcos dans l’interview qu’il nous a accor- son groove fuzzy et les rythmiques communicatives
dée pour ce numéro : «Personne ne pense qu’Here Lies de Geoff Mann, fils du flûtiste de jazz et précurseur de
Man ressemble à Black Sabbath». Finalement, seul le la world music Herbie Mann. Pour le reste, le clavier et
rendu sonore pesant du riffing saccadé des cordes en les percussions n’ont d’autre rôle à tenir que d’habil-
est l’un des éléments comparables les plus évidents. ler le socle guitare-basse-batterie. Ce groupe de rock
Même dans la façon de les amener, de les faire tourner, (pour ceux qui n’auraient toujours pas saisi jusque-là)
il n’y a pas toujours la présence d’une once de preuve accomplit admirablement l’ouvrage de la fusion artis-
tique entre les continents, comme l’ont fait des forma-
tions plus (Funkadélic, Talking Heads) ou moins vieilles
(Foals, Ukandanz, Goat) et désarçonnera sans doute
les fans des deux «camps». Here Lies Man est à part et
n’est pas prêt d’abandonner puisqu’un deuxième album
est prévu pour mai. Cela vous laisse donc un mois pour
rattraper le retard, bonne écoute !

Ted

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INTERVIEW

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HERE LIES MAN INTERVIEW

C’EST UN SECRET DE POLICHINELLE, LE W-FENEC A TOUJOURS ÉTÉ À L’AFFÛT DE
DÉCOUVERTES CLASSÉES COMME HYBRIDES OU FUSIONNANT LES GENRES SOUVENT
LES PLUS OPPOSÉS. HERE LIES MAN EN FAIT PARTIE EN COMBINANT L’UN DES
MEILLEURS RYTHMES AFRO AVEC DE GROS RIFFS FUZZY DE GUITARES, ET QUAND LA
POSSIBILITÉ D’UNE INTERVIEW (MÊME COMPLIQUÉE À CALER) NOUS EST OFFERTE
AVEC SON GÉNITEUR MARCOS GARCIA, ON NE RÉFLÉCHIT PAS VRAIMENT, ON FONCE
POUR SAVOIR CE QUI SE CACHE DERRIÈRE CETTE ENTITÉ MUSICALE ORIGINALE.

On décrit votre groupe comme du Black Sabbath se sont connus par le biais d’Antibalas) mais nous vi-
jouant de l’Afro-Beat. Est-ce que vous êtes d’accord vions loin l’un de l’autre, on a réellement commencé le
avec cette description ? projet quand il a compris ces deux vocabulaires musi-
Non, non, tu as dû voir cette description dans la presse caux et fait le lien entre.
peut-être. En réalité, personne ne pense qu’on res-
semble à Black Sabbath, c’est juste les attachés de Quelle signification peux-tu donner au nom de ton
presse qui lancent ça pour attirer l’attention sur notre groupe ?
projet. Pour moi, ça représente ce qui se passe et ce qui s’est
passé dans le monde. Je vois tous les problèmes ex-
Alors, quel est selon toi le point commun entre Black ternes de ce monde qui ont été expérimentés. Je ne
Sabbath et Fela Kuti ? veux pas commencer à donner une période spécifique,
La connexion entre les deux c’est que Black Sabbath mais disons juste que je crois que tous les soucis de ce
joue du rock n’ roll qui base ses chansons sur des monde sont des manifestations de problèmes internes
riffs lourds, et Fela Kuti dans l’afro-beat utilisait aussi qu’ont les êtres humains psychologiquement et spiri-
des riffs avec ce qu’on appelle des guitares ténor qui tuellement. Donc, Here Lies Man fait uniquement réfé-
viennent en contrepoint sur la ligne de basse. Ces rence à cela, c’est «Regarde à l’extérieur, mais égale-
notes qui constituent le riff sont ce qui rapproche ces ment à l’intérieur de toi-même».
deux artistes. Je pourrais continuer à développer le
sujet et te révéler plein de secrets (rires). L’année dernière, vous avez sorti un premier album
puis Animal noise, un EP en édition limitée compre-
Peux-tu revenir sur la naissance de Here Lies Man ? nant une reprise de Fela Kuti. Pourquoi ces sorties
Est-ce que c’était dans un coin de ta tête de monter un sont si rapprochées dans le temps ?
groupe de rock ? Ouais, c’est parce que le label Rough Trade voulait faire
J’ai grandi en jouant dans un groupe de rock. Quand une sortie spéciale en collaboration avec notre label
j’étais gosse, je suis tombé amoureux de l’afro-beat RidingEasy Records pour les vacances ou un truc du
tout en découvrant plein de musiques différentes. J’ai genre.
choisi l’afro-beat comme ma voie musicale principale,
mais en 2005 j’ai eu l’idée de monter ce projet rock qui Votre album s’écoute comme un tout, aucune chan-
allait devenir bien plus tard Here Lies Man parce que son ne se démarque vraiment. Est-ce que vous l’avez
j’avais déjà réalisé que le riff était la connexion entre pensé comme ça ?
ces deux styles. Dans l’afro-beat, le riff est toujours En effet, je ne vois pas l’album comme une compilation
basé sur le clave (NDR : instrument de percussion), ce de chansons individuelles. Tout est composé pour faire
qui n’est pas le cas de Black Sabbath et du rock n’ roll en un tout unique, et tu verras que le prochain album est
général, parce qu’il vient des racines africaines. C’était la continuité du premier, tout comme le troisième sera
quoi la question déjà ? Ah oui, j’ai eu l’idée en 2005 et la suite du deuxième. Un disque entier constitue une
je suis parti de New York pour aller à Los Angeles re- partie. Ce n’est pas parce qu’un album est divisé en dif-
joindre Geoff, le batteur, afin de monter ce groupe. Je le férentes plages qu’elles ne sont pas liées entre elles.
connais depuis longtemps maintenant (NDR : les deux Pour être honnête avec toi, peu importe ce que les

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INTERVIEW

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INTERVIEW

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INTERVIEW

gens disent de notre musique, que ça sonne comme Oui, le deuxième album est prêt, il sort en mai. Je ne
tel ou untel, ce disque de rock est un concept, tout le dirais pas que c’est le petit frère du premier car il dé-
projet est de l’art rock d’ailleurs. Même les paroles sont veloppe davantage et de manière sonique le paysage
souvent juste le titre de la chanson. Quand tu addition- sonore d’un monde parallèle. (gros silence) Ouais, je
neras le tout ensemble, le premier, le deuxième et le crois dur comme fer au monde parallèle, je pense par
troisième disque, tu vas commencer à voir apparaître exemple que, d’une certaine manière, ce qui existe
l’image entière d’Here Lies Man. Mais ce n’est pas une dans ce monde existe aussi ailleurs, dans un autre
histoire, ce sera une image. Je te le dis, tu verras tout le univers. (S’adressant à Guillaume, notre photographe)
concept, tous mes secrets (rires). Par exemple, tu ressembles exactement à l’un de mes
amis qui est photographe, et tu es photographe. OK,
Votre album semble bien se vendre, est-ce que la ce n’est pas exactement un monde parallèle, mais on
notoriété d’Antibalas, a permis à Here Lies Man de se en a clairement le sentiment. Tu sais, je n’ai pas dormi
faire connaître plus rapidement ? depuis plusieurs jours avec mes insomnies et le jetlag,
Je n’en sais rien, peut-être ! Je pense qu’une large j’ai des visions bizarres (rires).
partie de notre notoriété vient de notre label et de ses
réseaux de diffusion, de publicité, de ses relations avec Quels sont les groupes ou les albums que tu as décou-
la presse en Europe, à Londres notamment. Ils nous verts récemment et que tu pourrais nous recomman-
aident beaucoup à diffuser notre musique, mais ce der ?
que j’ai appris quand un album sort c’est que les gens Oh boy ! Tu sais, quand j’écoute de la musique, ça pro-
découvrent souvent le disque chez les disquaires et vient souvent d’avant 1990 maximum, c’est surtout des
grâce au bouche à oreille. Et je sais que le label com- vieux trucs. Comme je te disais, j’ai des insomnies sur
munique beaucoup et est très actif sur les réseaux cette tournée, si j’arrive à dormir ce n’est que pendant
sociaux, et c’est la même chose pour Antibalas, ce qui quelques heures et quand je me réveille j’ai constam-
est vraiment cool. ment de la musique qui tourne dans ma tête donc je
préfère éviter d’en écouter trop car de toute façon je ne
Il paraît qu’un deuxième album a été enregistré, est-ce pourrai pas l’apprécier à sa juste valeur. Et puis, dans
que c’est une sorte de petit frère du premier ? Peux-tu le même temps, ça ne m’aide pas trop à dormir. Ce qui
nous dire à quoi il va ressembler ? pourrait peut-être me faciliter un petit peu le sommeil

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serait certaines tonalités ou fréquences comme les de discuter avec des gens actuellement pour faire un INTERVIEW
solfeggios. Ces dernières aident à interrompre l’acti- clip vidéo aussi, c’est en cours.
vité folle de mon cerveau, je vous les conseille. Ah si,
je pourrais te recommander Combo Chimbita, des New On va terminer par un petit portrait chinois :
Yorkais d’origine colombienne avec qui on a fait de su- Si tu étais une ville ? New-York
per shows à Los Angeles. Si tu étais un animal ? Un ours
Si tu étais un film ou une série ? Je sais pas, je n’ai pas
Comment vous préparez vos concerts ? Est-ce que une grande relation avec ça. Disons «Inception», le
vous avez cette intention de donner une nouvelle vie thème me plait bien (rires)
au morceau en concert ? Si tu étais un objet ? Un marteau
Tout ce que tu entends sur nos enregistrements pro- Si tu étais un bruit ? «Ahou !» (perçu comme un cri de
vient de la distillation de nos idées, c’est donc la ver- loup fatigué)
sion la plus abrégée de nos morceaux, et le live permet Si tu étais une couleur ? Noir ou rouge
de les élargir et de les développer. Je ne dirais pas Si tu étais un moment de la journée ? Le milieu de la
qu’on leur donne une nouvelle vie mais simplement nuit, car c’est le moment où je suis le plus éveillé.
qu’ils sont juste différents.
Merci à Dali de Total Blam Blam PR et à Andy de Palmer
L’avenir pour Here Lies Man, c’est quoi ? Turner Overdrive et bien sûr, merci Marcos.
Eh bien, le deuxième album arrive en mai, en juin on Photos : Guillaume Vincent / Studio Paradise Now
va jouer au Primavera en Espagne. Je ne connais pas
encore de façon précise notre programme, mais on va Ted
revenir assez vite en Europe, c’est sûr. On est en train

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LES DISQUES DU MOMENT MARCELLUS REX

Marcellus rex (Autoproduction)

Quand on écoute et chronique des centaines de Crâne de bovin sur la tête d’un Christ Rédempteur qui
groupes, quand on en rencontre des dizaines, c’est ressemble du coup à Goldorak, couleurs flashy et lu-
pas évident de faire un tri émotionnel, mais certains ar- nettes de soleil, l’ambiance «bordel ensoleillé» est po-
rivent à marquer l’esprit, par leur musique et leur sym- sée dès le digipak mais à l’écoute des titres, l’ensemble
pathie, Zombie Eaters est de ceux-là. Alors, j’ai toujours est plutôt «sage», on est loin des aspirations Faith No
un peu suivi les projets qui sont nés après leur split, More/Mike Patton qui avaient mis sur orbite Zombie
par exemple Rufus Bellefleur pour Laurent (le batteur Eaters, Marcellus Rex est bien plus facile à suivre, plus
qui n’a jamais chômé) ou My Dear Silence pour Chris- «classique», plus rock, davantage inspiré par le stoner
tophe (guitariste et chanteur). Quand trois des lascars désertique (de Kyuss à Queens Of The Stone Age) et
décident de remettre le couvert ensemble pour une un roi lézard que par le roi du bizarre. Basse et batterie
nouvelle aventure, le radar s’est excité et la première sont ainsi très chaleureuses et les distorsions comme
rencontre, visuelle (grâce à Manu, aussi artiste avec le chant savent se faire assez doux («Rollerball» est
une 4 cordes qu’avec des ciseaux et de la colle) n’a assez dans l’esprit de ce que fait Josh Homme), ça joue
pas calmé le désir. Fidèles à leurs idées de crossover des effets (fuzz, wahwah), c’est très bon pour se dandi-
et à leur attitude de sérieux déconneurs, les trois Bor- ner mais ça ne s’énerve vraiment jamais. Au contraire,
delais précités et Jérôme (guitariste sur deux titres) ça peut se laisser planer (le cœur de «Red sunset»)
ont donné le nom de Marcellus Rex à ce nouveau pro- et quand le combo a besoin d’aiguiser les oreilles en
jet. Ou comment combiner leur amour pour le cinoche montant dans les octaves, il fait appel à Nico (chanteur
(Marsellus, c’est le gros black qui prend cher dans la de Dätcha Mandäla) qui donne ainsi d’autres couleurs
cave dans Pulp Fiction) et le rock dinosaure. Après à «Limbo within». Et si la rythmique se fait plus mas-
avoir composé quelques titres, s’être fait les griffes sur sive et tyrannique-rexement carrée, c’est le chant ou la
quelques reprises, ils ont enregistré avec David Gana guitare qui redonnent de l’air («Tokyo») puisque Mar-
(ex-Viridiana, autre groupe bordelais «marquant») qui cellus Rex ne cherche pas à nous étouffer. Ils veulent
a ensuite mixé et masterisé ce premier EP éponyme. surtout nous faire voyager à travers la culture et diffé-
rents paysages sonores, ça les pousse à lâcher Fabio
(des Flyin’Saucers) et son harmonica pour enfumer
«Up ends down» et même à exploser les codes avec
leur reprise de «Question of time» de Depeche Mode
en sixième piste cachée. Toujours à l’aise dans cet
exercice (qui ne se souvient pas du «Take one me» de
A-ha au début des années 2000 ? Ok, t’étais peut-être
pas né mais va mater ça sur le tube ou chine un exem-
plaire de Bruit(r)iste !), je me régale à les imaginer sur
scène. A ressasser des souvenirs et surtout à en créer
des nouveaux...

Oli

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AUTISTI LES DISQUES DU MOMENT
L’altro mondo, disc 2/5 (SK Records / Hummus Records / Czar Of
Revelations)

rement comme un témoignage d’une tranche de vie, un
carnet de voyage relatant le plaisir du partage musical
à coups de riffs cradingues sans basse (les saturations
manquent logiquement de profondeur par moments),
mais aussi de délicates mélodies qui peuvent autant
rappeler le krautrock 70’s que l’indie des 90’s ou même
les vagues à l’âme folk aux arpèges délicieux qu’on a pu
découvrir entre autres à la grande époque du grunge.
On sent que les deux Suisses n’ont absolument pas
prémédité quoi que ce soit qui serait lié au style à
donner à cette galette, seule l’étiquette de «slacker»
pourrait être collée sur les papiers tant l’approche est
sommaire mais sincère.

Issu d’une série de cinq disques collaboratifs nommée Sorti conjointement chez SK Records, Czar Of Revela-
«L’altro mondo», fièrement menée pendant quatre tions, et Hummus Records, L’altro mondo, disc 2/5 est
ans par l’inarrêtable ébouriffé Louis Jucker (Coilguns, la fascinante découverte de l’univers atypique et sin-
The Ocean, Kunz...) et dont chacune de ses associa- gulier d’un petit bonhomme autodidacte qui nous avait
tions porte une dénomination distinctive, Autisti fait mis un peu la puce à l’oreille avec ses projets solos lo-fi
partie de celle que nous avons eu la chance de rece- tortueux, mais qui sait quand il le faut ouvrir la porte à
voir. Je dis chance car toutes les éditions limitées sont ses amis, peu importe le lieu dans lequel il se trouve (ici
à ce jour entièrement épuisées. À ce titre, si l’envie entre La Chaux de Fonds et Paris), pour le plus grand
vous prend de découvrir toute la série, sachez qu’elle bonheur de nos oreilles.
est librement disponible en écoute sur le compte Band-
camp du label Hummus Records (The View Electrical, Ted
Closet Disco Queen, Killbody Tuning...). Certains des
autres «guests» sont des figures de la musique indé
suisse dont certaines vous seront sûrement fami-
lières, comme Philippe Henchoz de Ventura, Io Baur ou
Charlie Bernath. De belles personnes pour des disques
qui s’assimilent plus ou moins à de simples maquettes
dont les compositions de qualité livrent, de par leurs
variétés sonores, un univers unique à chaque disque.

Venons en donc à Autisti, deuxième de la série. Il s’agit
de la rencontre artistique éphémère entre Louis et la
musicienne à tendance folk Emilie Zoé, eux deux ac-
compagnés du batteur Steven Doutaz. Un «self recor-
ding» lo-fi sur un quatre pistes K7 qui sonne très clai-

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LES DISQUES DU MOMENT NOT SCIENTISTS

Golden Staples (Kidnap Records / Rookie Records)

Hohoho!NotScientistsestderetourauxaffaires!Enfin,sur mille, enrichit son panel de sonorités en apportant un nou-
nos platines avec du matériel neuf, car en ce qui concerne veau traitement des voix («Orientation» fera écho) et en
les concerts, le groupe est toujours sur la route, avalant in- ajoutant des effets guitares aussi surprenants que réussis
lassablement l’asphalte des routes à travers toute l’Europe («Paper crown»).
et même l’Amérique du Nord. Si bien que Not Scientists est
constamment sous les feux de l’actualité. Mais alors que le Les mélodies sont toujours ultra présentes (putain, «Gol-
Carré magique offrait un aperçu de ce serait le successeur den staples», quel titre !), le talent de composition est
de Destroy to rebuild en sortant l’automne dernier un split irréprochable (très belles mélodies pour «Mechanical reac-
45 tours pour sa dernière tournée avec les légendaires tion» et «Dark tornado»). Et même en sortant des sentiers
Hard Ons, voici le temps de profiter de Golden staples, deu- battus en lorgnant sur une grille blues («Sky on fire» ou
xième album du quatuor surdoué. des rythmes lents aux sonorités so 80’s («Submarine»),
Golden staples se révèle un album d’une qualité indéniable.
Sortant courant avril sur deux labels allemands (putain Nous ne sommes qu’en mars mais je tiens déjà dans mes
de pratique pour les précommandes !), voilà deux mois mains un gros poisson. Et assurément LE disque de l’an-
que j’use mes vieux tympans avec ce deuxième LP de Not née. Un disque où le spleen est omniprésent, un disque qui
Scientists. J’avais adoré le premier EP, j’avais craqué pour laisse présager de très bons moments dans les spots de
le premier album, et me voilà définitivement intoxiqué par concerts quels qu’ils soient. Un disque génial, tout simple-
Golden staples. Car Not Scientists est bien la meilleure ment. Surtout quand, en guise de conclusion à un disque
chose que j’ai pu écouter (et voir) ces cinq dernières an- parfait, le groupe se laisse aller en proposant six minutes
nées, tous styles confondus. Pourtant, la première écoute d’un voyage sonore visitant le punk rock, la pop et la new
de ce nouvel album ne s’est pas révélée si évidente. Car wave. Rien que ça !
même si j’ai tout de suite été magnétisé par les brûlots que
constituent «Just about ready to beg» (parfaite introduc- Car ne l’oublions pas, Not Scientists est un groupe de punk
tion) «Perfect world» (single parfait) et «Paper crown», rock, aussi bien dans la forme que dans le fond. Un groupe
il m’a fallu quelques passages dans mon iPod pour me de punk rock sincère et véritable, à l’aise dans ses baskets,
familiariser et littéralement tomber sous le charme des six au basse/batterie redoutable, aux guitares inspirées et tra-
autres titres. Car Not Scientists, déjà reconnaissable entre vaillées, aux voix parfaites, et qui suit son petit bonhomme
de chemin en jouant partout tout le temps. Oui, PARTOUT.
TOUT LE TEMPS. Qui s’en plaindra ? Pas moi, c’est sûr. La
dernière tournée européenne en support de The Flatliners
a ouvert au groupe son champ d’action de façon exponen-
tielle, et ce n’est pas un hasard si deux labels étrangers
unissent leurs forces pour développer la visibilité à l’inter-
national de Not Scientists. Car ce putain de groupe le mérite
vraiment. Quant à toi, fidèle lecteur, tu sais ce qu’il te reste
à faire : checker l’agenda du combo qui passera forcément
par chez toi, et passer du bon temps à un concert de ces
types qui ont tout compris.

Gui de Champi

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DYSFUNCTIONAL BY CHOICE LES DISQUES DU MOMENT

Atomic clock (Autoproduction / Klonosphère)

2012, Dysfunctional by Choice ne sort son Epsilon (notes et nappes douces, riffs tranchants), quand le
qu’en version digitale, on sent que le groupe ne ter- chant arrive, on retrouve aussi le goût de Sna-Fu, plus
minera pas l’alphabet. Une nouvelle pause s’impose, grave, plus éraillé, Clément touche davantage les corps
Francis (batterie) est de toute façon de plus en plus que les cœurs mais sa voix s’adapte parfaitement aux
occupé à produire la crème des groupes Français, Ju- ambiances de DysBy, plus posées, elles ne cherchent
lien (guitare) est très occupé avec AqME, l’autre Julien pas toujours la destruction hargne core, sa puissance
(chant) lâche le micro... vocale s’amalgame naturellement pour nous procurer
2014, Sna-Fu rend les armes, le Grand Orchestre ne des frissons. Le mariage se fait en douceur et c’est
foutra plus le boxon en live, n’écorchera plus nos après une pause (l’interlude instrumental «Our last
oreilles, le rock devient un peu moins fou la seconde embrace») que l’union atteint son climax, vindicatif,
qui suit cette annonce. «Night of iron / night of blood» commence comme un
2015, c’est réel. Ce qui semblait être la meilleure idée titre un peu véner lambda qui se calme et laisse les
sur le papier, le truc dont tu rêves mais que tu te dis instruments divaguer, on se laisse emporter par ce qui
que l’alignement des planètes n’est peut-être pas si peut être un refrain et le morceau change de dimension
favorable. Mais bon, Francis (DysBy) est le frère de pour sa partie finale, on vit alors la musique avec eux
Charles (Sna-Fu) donc pourquoi pas... Et là, ce qui pou- et voudrait bien ne jamais retoucher terre. La fin de
vait paraître une idéale évidence devient réalité, le Fu l’album est un boulevard pour la créativité où la liberté
Clément devient Dysfunctional. Quelques extraits font du combo s’exprime avec un titre non conventionnel et
baver, il faut attendre ce printemps 2018 pour profiter un instrumental. Avant d’en arriver là, on est passé par
pleinement de Atomic clock intégralement fait maison différents états, on s’est fait ballotter par les hachures
(Francis pour la prod, Clément pour l’artwork). rythmiques de «A lion’s dance», on s’est fait balader
par «S.S.M 6» et «Our first embrace» (que peu de
groupes sont capables d’oser et réussir), on a cherché
à comprendre le tour de passe-passe du schizophrène
«Tempelhof», on s’est tout simplement laissé embar-
quer dans l’univers si particulier des Dysfunctional by
Choice qui suivent leur voie en en proposant une nou-
velle. Magiquestral.

Oli

«Saturn», premier titre dévoilé un peu plus tôt que les
autres, ravive le goût de Dysfunctional by Choice et ses
guitares ultra travaillées qui jouent avec les tonalités

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64

COILGUNS INTERVIEW

C’EST À QUELQUES JOURS D’EMBARQUER POUR UNE TOURNÉE EUROPÉENNE QUE
LOUIS (CHANT ET BASSE) ET JONA (GUITARE) ONT TROUVÉ LE TEMPS DE RÉPONDRE
À QUELQUES QUESTIONS CONCERNANT LEUR NOUVEL ALBUM, LADITE TOURNÉE, LEUR
SUPERBE CLIP POUR «ANCHORITE» ET LEURS MÉTHODES DE TRAVAIL...

Parmi vos nombreux autres projets, qu’est-ce qui rend Coil- pourriture de soundcloud ça ressemble du début à la fin à
guns différent ? un gros saucisson bien compact et dégoulinant de graisse
Louis : Les copains. C’est le projet qui nous réunit depuis satanique.
bientôt dix ans, c’est la continuité logique de ce qu’on fai-
sait avant ça. On se connait depuis qu’on est ado. C’est une Vous imposez-vous des limites avec Coilguns ?
longue histoire quand même, à notre échelle de frais trente- Jona : Oui, notamment le volume des amplis... j’en ai cramé
naires adulescents. deux en répètes avant la tournée. Sinon j’imagine que le son
du groupe va aussi évoluer avec le pourrissage de notre
Comment faites-vous le tri dans les compositions ? Sont- corps. Pas sur que Louis puisse se tuer la voix pendant en-
elles dès le départ élaborées pour un groupe ou un autre ? core des décennies ou que Luc continue à jouer si vite et si
Jona : Comme on a tous décidé de faire que de la musique et fort pour toujours. Moi je branle pas grand chose donc ça va.
que nous multiplions les projets, on travaille par période. Ça Pour le reste on ne se pose pas de questions et on ne balise
fait déjà bien longtemps qu’on a arrêté de faire des répètes pas trop les choses. J’arrive pas à penser quelles genres de
ponctuelles. Quand on a besoin ou envie d’écrire un album, limites on pourrait s’imposer.
de l’enregistrer ou de préparer un nouveau set on bloque
simplement plusieurs jours ou semaines pour le faire. De Vous avez tout fait vous mêmes, pourquoi se passer de
cette façon on a pas besoin de faire le tri. On ne se voit jamais l’avis et de l’expertise d’un producteur extérieur ?
pour «jammer» sans but précis. Louis : Avis, expertise, producteur, extérieur... tout ça sonne
Pour Millennials tout a été écrit, enregistré et mixé pendant comme s’il sagissait de faire quelque «de la juste manière»
le mois de janvier 2016. On a loué une petite maison dans un alors que clairement notre motivation principale était de
bled paumé en Allemagne, on a monté un studio dedans et faire tout faux.
puis on a commencé à écrire le disque. ça nous a pris environ
3 semaines et puis 4 jours d’enregistrement. Le vinyle bénéficie du mastering de Magnus Lindberg, pour-
quoi pas les autres versions ?
A quoi doit ressembler un titre de Coilguns ? Louis : Parce que le notre était beaucoup trop fort pour
Jona : A ce qu’on a envie d’écrire sur le moment. La seule passer sur un vinyle et que c’est quand même mieux si les
contrainte peut-être c’est que ça foute un peu les jetons. gens qui se bougent à nos concerts et achètent nos disques
doivent pas se repayer une platine après chaque écoute.
Dans mon article j’utilise l’expression «rodéo musical», ça
vous va ? L’artwork met en scène une collection de couteaux, pour-
Jona : si par ça t’entends qu’on ratisse plutôt large et que quoi ce choix ?
pour définir ce qu’on fait c’est pas très pratique, alors oui ça Louis : Tu aurais préféré qu’on prenne des fourchettes ?
nous va. C’était déjà fait par Krüger. Et les baguettes chinoises on
les aurait confondues en sérigraphie avec des cure-dents.
Est-ce que les saturations sont retravaillées en studio où Dommage, car personnellement j’adore manger avec des
dès l’écriture, elles sont définitives ? baguettes. Je pose la poële chaude au milieu de la table et
Louis : Si tu veux savoir à quel moment du processus d’enre- je mange directement dedans pendant que ça cuit encore,
gistrement on met tous les potards dans le rouge et on viole c’est le blast absolu. Je crois qu’on est tous dans ce groupe
du vumètre en série, la réponse est : à tous les stades ! On assez sensibles aux arts de la table.
enregistre les amplis à volume maximal, on crame les pré-
amplis des micros, on marque la bande pour niquer toutes Noé Cauderay, auteur de l’artwork a aussi réalisé le clip de
les dynamiques, on fait hurler le bus de master de la table «Anchorite», il est fait à partir de photos ?
pour mélanger les instruments en une grosse mélasse indis- Louis : Oui il bosse essentiellement avec des photographies
tincte, on maximise les bounces digitaux comme des chiens qu’il colle les unes aux autres pour donner une impression
sourds muets pour peindre en noir les formes d’ondes dans de mouvement, tu sais comme Pingu ou Wallace & Gromit.
le but que quand tu regardes à la fin le morceau sur cette Cela lui pemet de faire bouger des maisons, de faire dé-pous-

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INTERVIEW ser des plantes ou encore d’écrire des trucs sans les mains. distribution d’Hummus Records c’est aussi super car le mec
C’est beaucoup de boulot je crois, mais ce mec adore travail- qui va dans un magasin de disque pourra y trouver toute la
ler. C’est un camé du travail je pense. On était content de lui discographie.
filer sa dose; il a réalisé trois clips complets, en plus des 300
affiches différentes qu’il a imprimées pour notre artwork. Vous allez partir en tournée à travers l’Europe, il y a une
date que vous attendez plus que les autres ?
Les idées sont de Noé où vous vouliez vos textes gravés sur Jona : On se réjouit toujours de jouer à peu près dans toutes
le bois ? les circonstances. Mais c’est vrai que quand même, le co-
Louis : On était tous d’accord sur le fait que montrer les headline avec Birds In Row à l’Underworld à Londres ça fait
textes rendrait le tout plus franc et touchant, plus explicite. moult plaisir. Je me réjouis aussi beaucoup de retourner à
J’aime bien le texte d’»Anchorite», c’est le désespoir abso- Béthune où on avait fait un concert instrumental en 2013
lu, comme une bonne noix de Grenoble que tu ouvres pour pour le vernissage des merveilleux General Lee. Je suis éga-
découvrir avec déception qu’elle a pourri toute seule dans lement impatient de voir comment seront les concerts au
sa coquille. Son petit corps tout sec et racorni, noir charbon, Royaume-Uni. A part Londres en décembre dernier, on n’y
c’est si décevant. a pas foutu les pieds depuis 2012 et c’était franchement
Inside of your skin - love waited too long - and feels like sor- pas hyper top. Là j’ai le sentiment que ça va être super. Evi-
row - and your deviance - in all innocence - rests on your pil- demment que la date à Colchester sera un peu particulière
low puisque ça sera le jour de la sortie du disque (le 23 mars) et
qu’on joue avec nos potes de Telepathy qui en plus d’être un
Commuters était sorti via Pelagic Records, pourquoi avoir excellent groupe, ces mecs sont les mêmes imbéciles que
migré chez Hummus Records ? nous. On va être bête et ça, ça me réjouit.
Jona : Commuters était une co-prod entre Pelagic et Hum-
mus. C’était même la deuxième sortie officielle de mon Vous allez parfois jouer dans des bars, vous préférez jouer
label. Il y a une année et demi j’ai commencé à prospecter pour rien ... ou presque plutôt que d’avoir un jour de repos ?
d’autres labels car j’en avais un peu marre d’avoir systéma- Jona : On est encore assez en forme pour pas avoir besoin
tiquement les deux casquettes de label et de groupe. Le truc de jour de repos. En tout cas pas sur une petite tournée de
c’est que je ne voulais pas signer sur un label mid-size. Pour 19 dates comme celle qu’on est en train de faire. Puis pour
moi c’était clair que soit on signait sur un gros truc, soit on une groupe comme le nôtre un day off c’est vraiment fatal.
sortait ce disque nous-mêmes. Malgré des connexions bien Que tu joues ou pas tu dois dans tous les cas payer ton van
placés, personne n’a voulu sortir et c’est finalement très et l’essence. Ensuite il faut se loger et manger. Alors quand
bien comme ça. On a tout fait nous-mêmes sur ce disque tu es 5 ou 6 sur la route t’as vite dépensé 200 euros pour rien
et c’était juste cohérent de le sortir sur notre propre label. branler de la journée. Jouer pour rien c’est pas tant le pro-
C’est en grande partie grâce à AISA (All Independent Service pos, mais quand c’est du last minute, c’est juste plus logique
Alliance), un management international qui nous a appro- d’aller faire ce pourquoi on se fait chier six heures par jour
chés à la même période et qui dés le départ voulait qu’on le mal assis dans un van, dormir et manger à l’oeil, vendre un
sorte chez Hummus Records. Après avoir signé Coilguns en peu de merch’ et rencontrer des gens super.
management chez eux, on a signé le label en distribution, ce
qui fait qu’Hummus est passé d’une distribution physique Quelques dates sont prévues avec Birds In Row, un petit
uniquement en Suisse à une distribution internationale. Tout mot à dire sur eux ?
ça crédibilise le label et ses artistes. Je pense qu’on ne va Jona : On est vraiment hyper content qu’ils nous rejoignent
plus jamais chercher de labels pour nos projets et plutôt se sur ces 5 dernières dates de la tournée. Au-delà du fait que
concentrer sur développer le nôtre. c’est un super groupe et que le peu de communication qu’on
a eu me font penser qu’on va bien s’entendre, ils sont aussi
Vous rééditez les premiers EPs, il y avait une forte bien plus établis que Coilguns. Ca va être vraiment classe de
demande ? pouvoir jouer devant leur public. Stylistiquement je pense
Jona : Tout était épuisé, simplement. Comme on va tourner aussi que c’est vraiment un plateau assez cool.
pendant un moment et sans doute refaire un disque bien
avant dans 5 ans, il paraissait légitime de tout ré-éditer. Les Merci à Louis et Jona, merci également à Elodie (Him Media)
trois titres de notre tout premier EP n’étaient jamais sorti en Photos : DR
vinyle. C’était l’occasion aussi de donner une cohérence gra-
phique à tout ça et la table de merch’ est assez sexy. Avec la Oli

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COILGUNS LES DISQUES DU MOMENT

Millennials (Hummus Records)

plus mal à l’aise l’auditeur qui cherche à pénétrer au
cœur de cette musique démoniaque.

L’équipe qui forme Coilguns n’est jamais à court d’idées, Mêlant sans retenues influences rock, punk, métal,
depuis Cummuters, le combo n’a certes que sorti un math, noise et foutraque, Millennials offre à chaque
split avec Abraham en son nom (2014) et préparé la plage une nouvelle facette de Coilguns qui n’existe fi-
réédition de ses premiers EPs (qui coïncide avec la sor- nalement que par le mélange de toutes ces influences
tie de cet opus) mais la liste des disques enregistrés avec la ferme intention de nous caresser l’esprit avec
avec d’autres formations est longue, pour les trois qui le papier émeri le plus abrasif qui soit. Car si les tempos
œuvrent avec The Ocean en général et en particulier et les effets (notamment ceux du chant) varient énor-
pour Louis Jucker qui déborde de projets plus ou moins mément, l’aspect corrosif de la musique des Suisses
solos et plus ou moins fous. Bref, c’est avec plaisir est lui omniprésent. Mieux vaut donc être averti et
qu’on les retrouve dans les bacs via Hummus Records bien accroché au moment de lâcher la bête parce qu’en
(Closet Disco Queen, Ølten, Impure Wilhelmina...) avec terme de rodéo musical, autant mental que métal, les
un disque fait maison et masterisé (le vinyle tout au Coilguns se posent là, profitant de ce projet pour faire
moins) par Magnus Lindberg (Cult of Luna pour ne citer exploser toutes les barrières que pourrait imposer The
que son groupe et gagner du temps). Ocean.

Oli

Sur l’artwork, on a une jolie collection de couteaux (et
pas de flingues...) qui annonce la couleur, ce sera noir
et ça va trancher dans le vif. Post Hard Core, black,
grind, Coilguns n’est toujours pas identifiable mais
enchaîne les riffs lourds et sombres, matraque les
oreilles, use des effets les plus saturés et explose le
spectre sonore. Si les prises de son «maison» donnent
davantage de lourdeur aux guitares, elles assèchent un
peu la batterie qui semble cogner à l’écart des autres,
c’est un choix particulier qui a le don de mettre encore

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LES DISQUES DU MOMENT POGO CAR CRASH CONTROL

Déprime hostile (Panenka Music)

Leur EP éponyme avait estomaqué bon nombre de je ne spoile pas la fin, t’iras voir après ! Plus rock, ce
suiveurs de la scène française, leurs concerts avaient morceau presque «à la cool» permet de vérifier si tes
confirmé le potentiel de destruction des tympans entre- hanches ont besoin de prothèse et si tu chantes à peu
vu en studio et le chaos délirant présenté en vidéo, les près juste car tu fredonneras forcément la petite mélo-
Pogo Car Crash Control nous ont maintenus en haleine die. Il ne sera pas évident pour le combo de tourner un
avec quelques morceaux lâchés sur le net avant ce pre- clip pour chaque titre (ce qu’ils avaient fait pour l’EP)
mier album qui répond à toutes les attentes et comble mais on sait que de ce côté-là, il y a déjà un gros niveau.
nos espoirs. Direction Déprime hostile, opus inaugural Et un paquet d’autres titres méritent d’être un peu plus
qui n’effacera pas des mémoires l’EP fondateur (et ses exposés, «Je suis un crétin» et son côté Didier Super
titres devenus des tubes comme «Conseil», «Paroles / pour l’écriture, «Hypothèse mort» pour la vélocité du
M’assomment» ou «Crève») mais s’affiche comme un riffing et son impressionnante nervosité qui se fracasse
premier gros pavé jeté dans un cocktail de cervelle. en cours de route avant de reprendre de plus belle, «En
boucle» tout en puissance et hypnotique. Un de mes
Depuis fin 2017, on connaît déjà «Déprime hostile», préférés est «Rancunier», tout à fait dans la veine P3C,
le clip mixe images live et joie de vivre dans le métro il est brut, s’intéresse au quotidien et mixe influences
parisien, la musique envoie des riffs plus rapidement math/grunge/métal tout autant que les rythmes et les
qu’on ne peut les compter, on a le droit à une escalade tons, c’est un putain de bordel poétiquement incorrect
de notes qui finissent par tout bastonner et un refrain mais qu’est-ce que c’est bon ! D’autres trouveront plus
simpliste facile à scander. Mention spéciale pour le d’intérêt à la construction plus classique de «C’est pas
pont/break option math-core qui déglingue sa maman. les autres», à «Je perds mon temps» et ses facilités
L’autre clip qui t’a donné un avant-goût du bordel am- harmoniques, à «A quoi ça sert» et ses saturations, à
biant, c’est l’excellentissime «Comment lui en vouloir» «Insomnie» et sa mélancolie en sons clairs, Pogo Car
et sa mise en images de la thérapie par la destruction, Crash Control file à bouffer à tous ses fans et ouvre des
aussi bien du matos de zik sur une aire d’autoroute possibilités, démontrant qu’il est même capable de
qu’un kebab attaqué à dents nues pour finir par ... non, lâcher le micro et de faire groover les instrus sur la der-
nière plage qu’est «Crash test».

On savait qu’ils en étaient capables, ils l’ont fait, les
Pogo Car Crash Control écrivent leur légende avec ce
Déprime hostile ébouriffant de maîtrise technique,
surclassant pas mal de monde dans l’organisation du
chaos et synthétisant à merveille des dizaines d’an-
nées d’influences énervées. Déjà un grand groupe.

Oli

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FU MANCHU LES DISQUES DU MOMENT

Clone of the universe (At The Dojo Records)

direct et son écoute franche. Pourtant, il baigne dans
une atmosphère aux parfums psychédéliques. Et côté
musique ?

Après quelques années orientées hardcore sous le nom Naturellement, on démarre sur les chapeaux de roues
de Virulence, la formation finit par prendre le nom de Fu avec un «Intelligent worship» bardé de ces gros riffs
Manchu en référence à un certain «génie du mal» ima- typique du stoner. Le morceau est râpeux et donne
giné par l’écrivain Sax Rohmmer. Taulier du genre sto- une dimension garage. Le chanteur renforce la me-
ner, le groupe emmené par Scott Hill voit même passer nace par une diction presque parlée. Après quelques
dans ses rangs un gus du nom de Brant Bjork (Kyuss, refrains percutants, le guitariste pose un solo grinçant.
Mondo Generator, Vista Chino). L’homme en question Le ton est donné. Dans des rythmes différents «(I’ve
prend d’abord la place de producteur (1994 - No one been) Hexed» et «Don’t panic» conservent un jeu de
rides for free) puis se glisse derrière les fûts (de 1997 puissance. «Slower than light» vient dans une autre
à 2001). Mais puisque rien ne dure, le musicien prend approche. Elle provoque la cassure par la lenteur et
ses cliques et ses claques et s’en va vers d’autres l’aspect sombre des couplets. Un zeste de Black Sab-
aventures. Scott Hill continue de mener sa barque. Fu bath vient d’être ajouté. Sur la fin du morceau, la basse
Manchu compte aujourd’hui près de 25 ans d’existence relance la machine pour terminer le morceau sur un
et douze albums studios. Le 9 février 2018, Clone of rythme effréné. L’entrée de «Nowhere left to hide»
the universe voit le jour sous le label At The Dojo. ronfle fort, plonge dans la noirceur puis s’élève au son
des guitares qui grincent. C’est du heavy metal boosté
Longtemps, les pochettes de Fu Manchu ont illus- aux hormones. Le titre se termine par un solo qui sil-
tré des bagnoles à quelques exceptions près. Depuis lonne dans le chaos et une vraie démonstration à la
Signs of infinite power, il semble que le vent ait tourné. batterie. L’aspect étonnant de «Clone of the universe»,
L’intérêt graphique se porte dorénavant davantage c’est son changement de rythme. Le batteur fait en
sur l’univers. Dans la tradition des deux albums pré- sorte de faire le break au milieu de la piste avant que
cédents, l’artwork de Clone of the universe s’intéresse le reste de la bande prenne le relais pour aller sur des
à un paysage spatial qui semble sortir d’un rêve. Sur sonorités à mi chemin entre le heavy et le punk. Pour
fond de planètes, des couleurs pastels teintées vio- finir, Fu Manchu pose le presque instrumental «II mos-
lettes mettent en vie un homme. Son regard paraît tro atomico» qui fait à lui seul 18:07 minutes soit près
de la moitié de l’album. Hypnotique, le morceau revêt
une multitude de reliefs (stoner, psyché, electro) qui
représentent une véritable aventure dans le monde de
l’écoute. Un truc qui donne tout son sens à l’artwork...

Fu Manchu mérite encore sa place sur le podium des
pionniers du stoner. Avec trente années de carrière
dans les pattes, les Californiens sont toujours créa-
tifs tout en faisant ce qu’ils savent le mieux faire. En
ramenant Clone of the universe sur la table, le groupe
certifie que sa traversée du désert n’est toujours pas à
l’ordre du jour
. Julien

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LES DISQUES DU MOMENT LIZZARD

Shift (Metalville)

Quand on œuvre dans un registre comme celui de Liz- par un chant aux multiples déclinaisons claires qui
zard, la qualité d’enregistrement et le son qui arrive impressionne rapidement par son aisance à se mêler
dans tes oreilles revêt une certaine importance, il faut à toutes ses ambiances. Avec parfois un petit côté
qu’il soit agréable, précis tout en gardant de la force et Aaron Lewis (Staind) pour nous toucher encore plus
du tranchant. Faire venir Peter Junge à Bordeaux pour au cœur, Mathieu déploie tous ses talents pour nous
produire ce nouvel album était un pari puisque s’il a emmener dans l’univers Lizzard, un monde où les mé-
travaillé avec Jarboe, les Melvins, Paul McCartney ou lodies dynamiques («Gemini», « Bloom», «Min(e)d»)
Norah Jones, le groupe osait quitter sa zone de confort croisent des sonorités plus graves, abrasives et tortu-
en bossant avec un anglais pour puiser le meilleur de rées («Open view», «Leaving the dream»). Et même
Katy et William et passer un nouveau palier. Le moins sans sa voix, on est scotché par l’atmosphère qui ne
que l’on puisse dire, c’est que c’est une réussite car le choisit pas entre rock et métal, laissant juste s’expri-
son est vraiment superbe, à la fois délicat et puissant, mer les instruments («Shift»). Le point culminant de
c’est du haut niveau. Le mastering de Maor Appelbaum cette débauche d’idées, de douceurs, de coups portés
(Faith No More, Sepultura, Treponem Pal, Therion, avec précision ne se dévoile qu’à la toute fin de l’album,
Mayhem...) et l’artwork de Jérôme Oudot Trëz com- pour moi, c’est l’ultime «Passing by» qui mérite le plus
plètent une fiche technique sans faille. Restait à savoir d’attention. À la fois dépouillé, clair et enchanteur, le
si Shift allait pouvoir nous emmener au moins aussi morceau prend son temps pour se développer sans
loin que Out of reach et Majestic. forcément suivre une logique destructrice, les Limou-
geauds finissant tout en retenue.

Superbe, forcément superbe, ce Shift permet à Lizzard
de se dépasser, les comparaisons trop évidentes (Tool,
A Perfect Circle, Chevelle...) sont mises au placard, Liz-
zard ne ressemble plus qu’à lui-même. Avec la signa-
ture sur le label allemand Metalville et la distribution
Rough Trade, une bonne partie de l’Europe va devoir
situer la Haute-Vienne sur la carte du métal alternatif
trippant.

Oli

L’entrée en matière a beau être adoucie par l’intro-
duction «Seed», elle reste brutale tant «Singularity»
nous tombe dessus comme une pluie de grêles métal-
liques. À l’arrière-plan, une guitare cherche à arrondir
des angles acérés par la rythmique et des riffs assez
lourds sur le devant d’une scène également occupée

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DIESEL LES DISQUES DU MOMENT

Documentaire de David Basso (Citron Bien)

Diesel est un rockumentaire étonnant. Et détonnant. démerdes, à la prise en main de tout le merdier admi-
Imaginé il y a vingt ans par son réalisateur David Basso, nistratif et logistique, et à l’application grandeur nature
compilé durant deux décennies sur la route et monté du DIY sans jamais que la passion ne soit altérée, cette
depuis quatre ans, il permet un voyage en immersion niche qu’est le punk rock et l’univers de la débrouille
dans le quotidien de groupes et d’activistes du punk est brillamment décrite et analysée par les groupes
rock autour d’une colonne vertébrale bien connue de et musiciens les plus influents de par chez nous (Bur-
nos lecteurs (les Unco). Prêt pour le voyage ? One, two, ning Heads, Nasty Samy, Dead Pop Club...) et du monde
one two three four !!! entier (brillantes analyses de Bad Religion, Hard Ons,
1994. Le punk rock, par le biais de The Offspring, Green Frank Turner, NOFX), mais aussi d’activistes divers et
Day, Bad Religion et consorts assomme le monde. variés (comme le passionnant sociologue Fabien Hein,
Trois frangins et un pote d’enfance se lancent dans l’éminent journaliste Franck Frejnik ou le manager des
l’aventure, et David, cinquième roue du carrosse Béru et patron du label Crash Disques). Les fausses
(sans que cela soit péjoratif), prend la caméra. Ainsi idées (notoriété, business, glandage...) sont balayées
est né Uncommonmenfrommars. Presque 20 ans sur d’un revers d’accord de guitare, et c’est bien cela qui
les routes, des centaines de concerts dans le monde est fascinant dans ce road movie : en pulvérisant les
entier, une pelletée de disques, des milliers de kilo- clichés, ces passionnés révèlent la réalité du punk rock
mètres pour rejoindre salles, squats et autres festi- en France et dans le monde entier. Ainsi, Peter Black
vals, et une vie dévouée au rock. Celui qu’on aime : en surprend plus d’un quand, alors qu’il n’est pas en
amplifié, passionné et passionnant. Tout ça pour en tournée, il conduit un taxi en Australie. Autre exemple
recueillir quoi ? D’ailleurs, l’esprit punk rock, c’est quoi avec Forest Pooky qui, en revenant d’une tournée à
? Vastes questions. Alors qu’on assiste tout au long du la Réunion, a émargé un bénéfice de 23 euros. Sans
film à la montée en puissance du groupe (signature et oublier la stratégie de Fat Wreck Records qui privilégie
fer de lance éphémère d’une major, enregistrement la qualité des groupe à la quantités de disques ven-
aux États-Unis) puis, du jour au lendemain, aux plans dus. Pour avoir personnellement baigné, à moindre
mesure, dans ce petit monde pendant quinze ans en
partageant le quotidien d’un groupe qui s’est forgé sur
la route (Flying Donuts pour ne pas les citer), Diesel a
réussi à me surprendre. Et bien sûr à m’émerveiller. Car
plus qu’un film, Diesel est aussi la bande son d’une gé-
nération de passionnés, activistes, fanzineux, acteurs
de l’ombre et aussi et surtout spectateurs et auditeurs
qui, en organisant un concert dans un bar miteux, en
tirant une feuille de chou faite de chroniques et d’inter-
views, ou en se déplaçant de salle en salle, ont fait, font
et feront toujours (sur)vivre le punk rock. Chapeau.

En attendant la production du DVD, je te conseille forte-
mentdeterenseignersurlesitedufilmousurlesréseaux
sociaux pour savoir si le film sera diffusé dans ta ville en
version grand écran. Car, crois-moi, ça vaut le coup d’oeil.

Gui de Champi

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INTERVIEW

DAVID BASSO

J’AI RENCONTRÉ DAVID BASSO AU MILIEU DES ANNÉE 2000, AU MOMENT OÙ IL
RÉALISAIT UN CLIP POUR LES FLYING DONUTS. UN TYPE TIMIDE MAIS ATTACHANT, ET
TRÈS PRO DANS SON APPROCHE DE FILMER DES GROUPES DE LA SCÈNE PUNK ROCK.
RENCONTRE AVEC UN PASSIONNÉ QUI RÉALISE LE PROJET D’UNE VIE.

Salut David. Peux-tu tout d’abord te présenter en quelques un beau parcours sur 20 ans. Mais quand j’ai décidé de ra-
mots auprès de nos lecteurs : ton parcours, tes activités conter une histoire, plutôt que de faire un documentaire sur
principales.... une scène avec son lot d’interviews par genres, j’ai regardé
Je suis donc David Basso, je réalise des clips pour des mes images sur ces 20 dernières années et j’ai vu que j’avais
groupes allant du punk-rock (Uncommonmenfrommars, la vie d’un groupe du lycée à aujourd’hui, du parcours de la
Forest Pooky, Flying Donuts) à la chanson française (Amé- major au label indé, des tournées de belles salles aux petits
lie-lès-Crayons, Suissa). J’en ai réalisé une cinquantaine. Je clubs en Allemagne et au Japon. Une histoire qui est leur his-
suis également photographe (www.punkframeshop.com) et toire, qui est liée en parallèle à la mienne et touche le plus de
je réalise aussi des films pour les entreprises. Je suis indé- monde possible.
pendant depuis 2004 en gros :)
Dans le film, tu expliques en préambule que tu connaissais
Diesel est construit autour des Uncommonmenfrommars, les jumeaux Daff et Trint, ainsi que leur famille, depuis que
groupe que tu as vu naître, grandir, évoluer et stopper les tu étais à l’école, et que tu as commencé à les filmer quand
activités après une carrière prolifique en disques et en ils ont débuté leurs activités musicales. Mais à partir de
concerts. Diesel aurait-il pu voir le jour sans ce groupe ? quel moment Diesel a commencé à te trotter dans la tête ?
Oui. D’une autre manière, j’aurais raconté une autre histoire Dès le début, tu avais la ligne directrice ou la colonne verté-
peut être tournée autour de ISP, que j’ai filmé pendant de brale du film en tête ?
nombreuses années, ou les Flying Donuts, qui ont eu aussi L’idée du projet Diesel est née en 1999, au moment où j’ai

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compris que ce que je filmais devait être archivé pour en faire qu’il y ait de l’argent ou non qui rentre en jeu ! INTERVIEW
un jour un film. La ligne directrice telle qu’elle est dans le film
ne s’est écrite qu’en 2015, mais je voulais raconter depuis le Tu présentes ton film Diesel dans des cinémas et des salles
départ la vie d’un groupe qui s’enferme dans un van 9 places à travers la France. Une sortie nationale ou une diffusion TV
pour aller faire un concert à l’autre bout de la France, jouer est-elle envisageable ? Au final, le réseau du cinéma indé-
45 minutes et revenir le lendemain ! Raconter l’histoire de pendant trouve des similitudes avec le réseau punk rock ?
ces groupes qui pressent leur tee-shirt, leur CD, gèrent leur Complètement. Le circuit CNC (Centre National du Cinéma et
merch, leur tournée, et ce de façon DIY. Les groupes dont on de l’image animée) / prod agréée / distribution est très fermé
ne parle pas dans les documentaires, en somme. : si tu n’entres pas dans la boucle dès les premières lignes
de scénario pour gratter du financement d’état, c’est le par-
D’ailleurs, pourquoi ce titre «Diesel» ? cours du combattant. Mais on va y arriver ! Sans le réseau
C’est lié au carburant le moins cher quand on est un petit punk rock, le film ne vivrait pas de la même façon ! Ce sont
groupe qui fait une tournée au cours de laquelle les frais de les fans, les passionnées qui le réclament et qui se bougent
route sont énormes et où il faut faire au plus économique pour le diffuser. Pour exemple, une asso à Reignier (74) a
pour ne pas finir trop dans le rouge ! organisé une projection du film dans un cinéma devant 60
personnes le 23 décembre dernier. Je les remerciais pour
J’ai été marqué par Peter Black des Hard Ons (qui a un bou- la soirée, et ils m’ont dit que c’était une première pour eux
lot à plein temps en Australie) qui explique en avoir voulu à d’organiser une projection d’un film, étant plus habitués
l’époque à Nirvana d’avoir explosé, dans le sens où le grand à l’organisation de concerts ! Ils se sont tournés vers le ci-
public a depuis été persuadé que les rockeurs et punk roc- néma du coin parce qu’ils voulaient simplement voir le film,
keurs étaient des millionnaires ou des rentiers. Et dans le c’est la raison principale. Diesel, c’est le film d’un passionné
même temps, Sam Guillerand a également cette analyse in- avec des passionné(e)s pour les passionné(e)s (et le grand
téressante qui veut que les gens qu’il côtoie dans la société public) ! Encore une fois, la passion soulève les obstacles.
le discrédite car il est musicien. Lors de la réalisation de ce
film et au gré des séances de présentations du film dans Tu as réalisé pour ce film des dizaines d’interviews qui n’ont
les salles, des auditeurs ou spectateurs t’ont-ils fait part pas pu toutes être retenues dans le montage. Des mauvais
du fait que leur vision de la situation était faussée ? souvenirs, des déceptions ? Quelles ont été pour toi les ren-
Très peu sont venus me voir pour se confier sur ce sujet fina- contres les plus marquantes ? Une réflexion à retenir ? Ma
lement. Quand on en parle, les spectateurs sont contents femme est persuadée que Frank Turner est un type sympa,
d’être éclairés sur le sujet et de voir les groupes en parler tu confirmes ?
avec de solides arguments. Le film a donné envie à des gens Yes, il est hyper sympa ! Forest Pooky l’a côtoyé l’automne
qui n’y connaissaient rien à «googler» ou «spotifier» le nom dernier sur une tournée, il te le confirmera aussi ! Il y a 10
des groupes pour les découvrir ! Les gens sont surpris et ans, Frank Turner jouait en France devant 10 pélots. Il sait
admiratifs de la passion qui nourrit tous ces groupes (que ce d’où il vient ! La rencontre la plus marquante, émotionnelle-
soit leur métier ou non) qui vivent finalement leur passion. ment parlant et pour ce que ça représente, c’est celle avec
Bad Religion. Je n’ai pas touché terre pendant 3 semaines
Les Unco, au même titre que les Burning Heads, ont gouté après ! Mais celle qui m’a le plus touché sur le fond est celle
aux majors pour finalement se sentir plus libres et peut-être de Nasty Samy : il en dit plus qu’en une interview de dix in-
plus heureux en indépendants en gérant par eux-mêmes terlocuteurs réunis ! Il me semble que l’interview dure à peu
tout ou presque (les Burning créant même leur label). On a près une heure, comme celle de Peter Black des Hard-Ons qui
même l’impression que ce dur labeur les a sauvés (en tout dure pas loin d’une heure trente ! Ce sont des musiciens qui
cas pour ces deux groupes) : selon toi, le punk rock est-il ont fait énormément de choses, qui «vivent» la musique au
voué à rester indépendant avec des passionnés aux ma- quotidien, connaissent parfaitement les contraintes qu’im-
nettes pour qu’il survive ? pliquent le fait d’être musicien, et s’ils ont tout ce temps à
Je ne sais pas si le punk rock est voué à rester qu’à être te consacrer pour une interview, c’est que du bonheur pour
connu par une bande d’initiés ou passionnés. Ça dépend des ton film. Après ma toute première interview de Sid (manager
modes, mais c’est la base de la solidité de cette scène, c’est des Unco) et Ed en rentrant d’une tournée en 2008, et qui a
pour ça qu’elle reste solide et vraie. La passion ne ment pas, duré une heure (avec du blabla, des pépites, des infos, du
et comme le dit Greg Laraigne dans le film : si tu deviens gros contenu), c’est à ce moment là que je me suis dit que je ne
et qu’un jour tu redescends, si tu viens du DIY, ça t’apporte verrais pas le bout du montage du film si je continuais à faire
des bases solides pour toute ta vie, tu le fais par passion, des interviews fleuves !

73

INTERVIEW

Les moyens de communication au début des Unco n’ont Je suis largué ! Et pourtant, j’essaye de découvrir de nou-
plus rien à voir avec ce qui se passe aujourd’hui (Internet, veaux groupes ! Mais les groupes que j’écoute en ce moment
réseaux sociaux, plateformes de financement participa- sont soit des copains (Forest Pooky, Mighty Bombs, Hateful
tif,...). Tu parles des fanzines dans Diesel, mais rarement, Monday, WarHill, Mike Noegraf, Oakman), soit des groupes
les zines sur la toile ou plus largement Internet ne sont évo- qui ont tourné avec des copains (Seth Anderson, Frank Tur-
qués. Une raison particulière ? ner, The Decline!) ou des copains de copains qui ont tourné
Non, ce n’est pas un oubli, c’est que le sujet est dense. Les avec des copains (Heavy Heart, Toy Guitar). Mais bon, tu dois
fanzines sont une trace écrite, le papier survit au temps. Par connaître parfaitement ce que je dis !
exemple, j’aurais pu parler de Myspace qui a aidé pas mal de
groupes à se prendre en main, mais je n’ai pas trouvé de cap- Quel accueil reçoit Diesel auprès du public et des «profes-
tures d’écrans de l’époque, pas de traces exploitables visuel- sionnels». Et les Unco, ça leur a fait quoi de voir le film ?
lement. Volontairement, je ne me suis pas engouffré dans ce Daff s’est confié en disant que Diesel était ce qu’il le ratta-
sujet-là de peur de ne pas savoir bien en parler ! Je suis déjà chait à la musique aujourd’hui. Il veut même s’investir dans
content d’avoir abordé le thème des fanzines dans un film de le projet, filer un coup de main (dont les sous-titres anglais
1h30 sans perdre le spectateur ! du film, ce qu’il a fait). Je n’ai pas eu de conversation franche
et sérieuse sur le film avec Ed et Jim qui l’ont vu à Orléans en
Toi qui a grandi aux sons des années 90’s, qui a côtoyé la mai 2017, d’autant plus que c’était un autre montage du film
scène inde noise punk française et la relève des 00’s avec que celui que l’on peut voir aujourd’hui. Jim était content/
Unco, Flying Donuts, Dead Pop Club, que t’inspire le renou- rassuré que UMFM ne soit qu’un fil conducteur pour le film,
veau de la scène française ? qu’il ne soit pas une biographie complètement sur le groupe,

74

INTERVIEW

même si on en apprend beaucoup sur ce dernier. Ed m’a dit Tu as lancé il y a quelques mois (années) un financement
: «C’est cool, bravo !» (c’est sans doute le plus long compli- participatif pour que le film puisse voir le jour et qu’il soit
ment qu’il ait pu me faire de toute sa vie, ah ah). Après, je édité en DVD, financement qui a rencontré un joli succès. En
n’ai fait qu’observer leurs réactions durant la projection, ils plus du film, le DVD présentera-t-il des bonus type extraits
étaient très enthousiastes à la première, alors pas besoin de de concerts, interviews ? Peut-on toujours commander le
s’échanger des mots non ? ;) DVD ?
Trint et Daff (sans oublier leur maman) étaient émus pour Oui, on peut toujours passer commande du DVD, vu que je ne
la première du film à Romans en octobre dernier ! On a re- l’ai pas encore édité. Le film est terminé depuis octobre 2017
gardé Diesel deux ou trois fois ensemble avec Trint, et c’est mais j’ai encore beaucoup de travail dessus : le montage des
marrant, c’est comme des commentaires audio de DVD : on contenus est une sérieuse étape, ainsi que de sous-titrer le
rigole, on papote tout le long, c’est notre vie qui défile ! On film en anglais. Même si il y a eu quelques pré-achats du film
parle souvent des Unco, mais il y a aussi Forest qui est très aux Etats-Unis, en Italie ou en Allemagne, ils sont en droit
présent dans le film, étant leur petit frère ! Forest Pooky a de le comprendre non ? Envoyer le film en festival repré-
été très investi dès le début du montage sur la traduction sente des frais, sans parler de la promotion... Toute rentrée
de pratiquement toutes les interviews anglaises, il a vu le d’argent est le bienvenue ! J’en aurai besoin pour monter les
film dans toutes ses versions ! La première fois qu’il l’a vu bonus. En parlant des bonus, je dispose de captations de
en public, c’était à Tours, ça lui a fait bizarre de ressentir des concerts et d’autres trucs cool à monter et montrer !
passages de sa vie, de celle de sa famille avec la réaction des
gens ! Si tu as quelque chose à ajouter, c’est le bon moment.
Merci de soutenir le projet ! Et rendez-vous sur le site

(diesel-lefilm.com) pour toute action : programmation,

pré-achat du DVD, merch...

Merci David et à bientôt pour une prochaine projection !

Gui de Champi

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LES DISQUES DU MOMENT

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BLACK SABBATH LES LIVRES DU MOMENT

L’histoire illustrée de Black Sabbath (Place des Victoires)

On a tout dit et tout écrit concernant Black Sabbath, du rock, et ce n’est pas rien. Thèmes occultes, rythmes
pionnier du heavy metal et véritable source d’inspira- lourds et ambiances pesantes ont fait la renommée
tion pour tout le mouvement doom/stoner/sludge que du groupe originaire de Birmingham qui enchaînera en
l’on connaît aujourd’hui. Tony Iommi, Ozzy Osbourne, début de carrière des perles discographiques en très
Geezer Butler et Bill Ward ont enfanté un monstre peu de temps. Jusqu’à ce que les démons du succès,
qui connaîtra un succès fulgurant, enregistrera des des drogues dures et de l’alcool viennent à fragiliser le
disques incontournables, mais qui subira également navire. Ozzy est débarqué sans ménagement, conti-
les conséquences d’abus en tout genre, des désillu- nuant de son coté son petit bonhomme de chemin,
sions jusqu’à une (quasi) reformation qui atteindra des Bill Ward quitte également le groupe pour soigner ses
sommets. Mais ce livre de Joel McIver faisant l’objet de addictions, pendant que les deux autres compères em-
cette chronique n’est pas de trop ! bauchent des nouveaux chanteurs (Dio, Ian Gillan...)
Parfaitement illustré (idéal pour un ouvrage qui s’inti- et batteurs. L’histoire illustrée de Black Sabbath met
tule dans sa version française L’histoire illustrée de alors en parallèle les carrières de Ozzy (assez mou-
Black Sabbath, n’est-ce pas ?) avec notamment une vementée, avec le succès, une vie à mille à l’heure et
magnifique couverture (et cette belle croix en relief, de nombreux épisodes tragiques) et du Sab’ (ou plu-
tout comme la quatrième de couverture d’ailleurs), cet tôt Iommi et une succession de musiciens tels Eric
ouvrage de 212 pages résume de fort belle manière Singer de Kiss, Glenn Hughes...) qui continue bon gré
quasi cinquante ans de carrière d’un groupe qui aura mal gré de tracer les riffs pour la bonne cause. La route
indubitablement pesé dans le paysage rock au sens des principaux protagonistes se croiseront à quelques
large. Au même titre que les Beatles, Led Zeppelin ou reprises (pour des reformations plus ou moins éphé-
Elvis, Black Sabbath est à l’origine d’une ramification mères) jusqu’à la sortie de l’excellent 13 en 2013 et la
tournée marathon qui suivra et qui verra le groupe tirer
sa révérence.
Très bien documenté, ce livre illustre notamment de
façon méthodique comment Black Sabbath et Ozzy
Osbourne arriveront, non sans mal, à traverser les
modes du grunge, de la fusion et du néo métal. Black
Sabbath est immortel (ou presque) et l’héritage lais-
sé par le groupe est inestimable. Les anecdotes sont
savoureuses (la genèse du OzzFest est une de mes
préférées), les archives photographiques sont très
intéressantes et la narration est plus que captivante.
Un ouvrage qui se lit facilement et qui se révèle ce qui
pourrait être un livre référence pour savoir et surtout
comprendre. Un véritable travail de fond, détaillé et
précis, sans être rébarbatif. Les fans inconditionnels
du groupe et les amateurs de l’histoire du rock au sens
large y trouveront leur compte à coup sûr. Et même si
le fidèle des fidèles n’apprendra rien de nouveau, l’ap-
proche du livre ne pourra que le satisfaire, j’en suis sûr.
Un ouvrage passionnant et captivant.

Gui de Champi

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INTERVI OU

THE VERY SMALL ORCHESTRA

IL EST PARFOIS DIFFICILE DE RÉPONDRE À DES QUESTIONS QUI NE LAISSENT PAS
BEAUCOUP LE CHOIX ,L’ART DE VINCENT, GUITARISTE DE THE VERY SMALL ORCHESTA,
EST AUSSI DANS LA RÉPONSE PAS TOTALEMENT FERMÉE...

Duo ou sextet ? disque ce morceau mais on ne peut pas ne pas le mettre,
Sexto ! Plus sérieusement en duo ça fait un bail qu’on a pas c’est trop bien !»
fait, on s’arrange pour être au minimum 3. C’est deux éner-
gies différentes, à six on a un plus gros son et plus de rigueur AC/DC ou The Doors ?
mais à trois ou quatre on est obligés d’envoyer, de s’impli- Les Doors, parce qu’ils ont eu la chance de tous crever avant
quer plus, les deux sont difficiles et donc excitants. de faire de la merde. Franchement l’épisode AC/DC avec
Axl Rose, j’ai pas digéré. Je sais que c’est compliqué et que
Youri Gagarine ou Neil Armstrong ? contractuellement ils étaient peut-être obligés de finir la
Gagarine forcément. Mais je dois avouer qu’Armstrong tournée mais ce choix est très discutable. J’aurais vraiment
m’a fait rêver quand j’étais gosse. Les deux ont pour point dit chapeau s’ils avaient auditionné et trouvé un gars ou une
commun qu’ils n’ont pas souhaité devenir des héros de la meuf sorti(e) de nulle part ou presque. Ça aurait été plus
conquête spatiale, Gagarine était dans l’armée, on ne lui a courageux.
pas donné le choix, Armstrong lui était volontaire mais il n’a
jamais voulu être sous le feu des projecteurs. «Light my fire» ou «Ride on» ?
Ride my fire on !
The Others Fuckers ou The Hyènes ?
Punaise ça va être dur cette interview ! Parce que moi je mets Reprise ou composition ?
toujours du sel ET du poivre. En même temps c’est facile pour Ça ne fait aucune différence pour moi. Je mets autant de
celle-là parce que tous les membres des Hyènes ont été des moi-même dans les deux. A partir du moment où je joue un
Others Fuckers sur les différents albums de The Very Small truc c’est mon morceau, je me fous de savoir qui l’a écrit ou
Orchestra, quant au VSO en trio, on le retrouve dans le BD de qui vient l’idée de départ. Quand tu interprètes une chan-
concert des Hyènes/Thierry Murat Au vent mauvais. Bref, son sur scène c’est à toi que vont revenir les honneurs ou
c’est la même mafia. les huées, c’est à toi d’assumer ta version. Si tu massacres
un morceau de Bowie, personne ne va te dire que c’est de sa
Jurgi Ekiza ou Jon Smoke Zubillaga faute. Et puis suivant ton interprétation tu peux donner un
Rhaah forcément plus proche de l’univers de Jurgi, j’adore autre sens à la chanson.
son groupe Willis Drummond, je suis fan. Mais quand Jon
est venu balancer son flow sur l’instru qu’on avait pondue, Kitchen floor ou Slow surfin’ ?
on s’est regardés, on s’est dit «ça va être un OVNI dans le Impossible à répondre là. Ce sont nos bébés tous les deux.

78

INTERVI OUINTERVIEW

Basque ou breton ? Albert Dupontel ou Jean Yanne ?
Basque ! Je ne suis pas bascophone... je connais trois mots, Dupontel pour moi. C’est lui qui a été à l’initiative de la créa-
assez pour commander une bière et dire merci, et donc pas tion des Hyènes et j’ai personnellement beaucoup appris
euskaldun (basque) mais j’habite à Bayonne et j’aime vrai- lorsqu’on a fait la BO de son film Enfermés dehors. C’est un
ment ce que font les gens ici pour sauvegarder leur langue personnage à part à la fois beaucoup plus sérieux mais aussi
et leur culture. Ça me parait très important de sauvegar- beaucoup plus taré que ce que tout le monde peut croire.
der toutes les langues car dans chacune d’elle il y a des
concepts qui ne trouvent pas d’équivalents dans d’autres Kurt Cobain ou Jim Morisson ?
langages. Donc breton aussi ! (rires) Cette uniformisation du Les deux laissent un goût d’inachevé, très dur ce type d’in-
monde par l’anglais, ça me gonfle profondément. terview ! C’est marrant j’ai l’impression que Morisson était
plus âgé mais ils sont morts au même âge, 27 ans. Ce qu’ils
Rap ou fusion ? ont fait dans leur courte vie est énorme, peut-être que c’est
Ni l’un ni l’autre, j’ai de grosses lacunes dans ces deux styles. pour ça qu’ils sont morts enfin bon bref va savoir, je com-
Même si on est fermé à rien, on ne peut pas tout aimer. mence à délirer là.

Les fils de Poutine ou ceux de Trump ? Hugo Pratt ou Manu Larcenet ?
Ce sont les mêmes de toutes manières. Des gens qui ne sont Ah voilà ! Larcenet sans hésitation ! Pas hyper calé en BD
pas doués ni pour la vie, ni pour l’amour et qui ne trouvent mais le dessin de Pratt ne m’a jamais attiré.
la satisfaction que dans le fait d’amasser du fric même
si ça doit détruire des vies... je ne sais même pas si ils n’y Brassens ou Brel ?
prennent pas du plaisir en fait... Peut-être Brel mais c’est dur là aussi, ils ont tous deux réussi
à faire passer quelque chose d’à la fois drôle, sarcastique
Hellfest ou Les Vieilles Charrues ? et très émouvant dans leurs chansons avec une finesse
Hellfest ! Jamais fait ni sur scène ni dans le public, j’aimerais que très peu d’auteurs et/ou interprètes d’aujourd’hui maî-
beaucoup ! trisent. Peut-être parce que justement des gars comme Brel
et Brassens ont placé la barre trop haut.
Olympia ou Bataclan ?
J’ai eu la chance de jouer dans les deux, une tendresse par- Sushi ou Burger ?
ticulière pour le Bataclan où j’ai aussi souvent bossé comme Fastoche. Là je dis sushi ! Mais je préfère les sashimis quand
roadie, je connais bien les équipes, ce qui s’est passé là-bas, même !
pffff... Beaucoup de souvenirs dans cette salle.
Merci Vincent et The Very Small Orchestra.
Christian Monnier ou Christian Olivier ? Photo : Yann Landry
Pareil, j’ai eu la chance de faire équipe avec les deux et si
c’était à refaire, je le referai ! Julien

79

EN BREF

SPARZANZA CHABIFÖNK EXPERIENCE MORBID ANGEL

Announcing the end Missiön Kingdoms disdained

(Despotz Records) (Autoproduction) (Silver Lining Music)

Le nom de Sparzanza était synonyme Comme un gamin qui s’amuse avec On se la ramène un peu avec nos vingt
pour moi de stoner nordique mais de- le jeu des formes géométriques, à es- années au compteur mais quand on
puis 2003 et Into the sewers, le combo sayer de rentrer le cube dans la forme écoute le petit dernier de la famille
a pas mal évolué, les changements de carré, la sphère dans la forme circu- Morbid Angel, on est vite calmé, Trey
personnels (surtout le départ d’un des laire et ainsi de suite, je me retrouve Azagthoth va bientôt fêter les 35 ans
frères Johanneson en 2009) comme avec ce Mission de ChabiFönk Expe- de son groupe et même s’il change
de labels n’ont pas forcément aidé à rience dans les oreilles, à essayer de régulièrement de comparses, c’est
leur croissance hors de Suède. Les le faire rentrer dans une case, dans un pas évident de tenir la route quand on
revoilà dans nos oreilles via Despotz style musical. Mais pourquoi toujours écoute l’évolution d’un style dont il est
Records (Nightrage, Crucified Barbara, tout référencer ? Car cet objet est com- une des incarnations (petite pensée
Adna...) et un Announcing the end plus plexe et protéiforme, dépassant les au passage pour Chuck Schuldiner et
power rock/métal que stoner, les cava- formats plus ou moins classiques at- Death). Pour ce onzième album, prise
liers de l’apocalypse ne sèment un mé- tendus et entendus. J’ai cru trouver un de risque minimale et blast guttural
tal vénèr et tranché que sur quelques indice dans le patronyme qui combine à tous les étages. Certains morceaux
passages («Damnation», «The dark Chaabi et funk. Mais il faut plutôt y voir sont quand même un peu «diffé-
appeal»), la majorité des morceaux un clin d’oeil au célèbre fromage Cha- rents» notamment «Declaring new
étant dominée par des mélodies, puis- bichou, puisque le trio est originaire de law (secret hell)» dont la répétition
santes certes, mais sans vraiment de Sauzé-Vaussais dans les Deux-Sèvres. du riff lui donne un aspect industriel
relief, les refrains de «Whatever come Et pour la musique, avec ce deuxième (est-ce un reste du technoïsant Illud
may be» ou «To the one» sonnent EP studio, ils balancent 5 titres d’elec- divinum insanus ?) ou «The fall of
même trop radiophoniquement cor- tro rock teintés de dub énergique ou idols» qui décide d’épater la galerie.
rects et téléphonés pour susciter un de jungle. 5 pilules de vitamines, à la Pour l’essentiel (et quasi tout le reste
véritable intérêt. Dommage car le mé- guitare jonglant entre riffs saturés et donc), c’est fracassage, concassage
lange de riffs acérés, les variations de impro délicates, la basse sautillante et déboîtage : rythmique affolante, rif-
rythmes et d’ambiances sont plutôt et chaude, la batterie en mode free- fing pointu, basse ultra lourde, il n’y a
sympathiques et si le groupe n’était lance et des samples électro bien que le chant pour garder une certaine
pas tombé dans les quelques pièges choisis. Si tu avais aimé les regrettés linéarité et donc les éternelles mêmes
de la facilité, il avait techniquement de JMPZ, alors repars en transe avec lignes. Avec un petit chant plus clair
quoi tenir la route («Truth is a lie»).. ChabiFönk Experience, ils sont prêts de temps en temps (pourquoi pas sur
à reprendre le flambeau et à mettre «Architect and iconoclast» ?), Mor-
Oli le feu en live et dans tes oreilles. bid Angel aurait pu séduire encore
Legalize ChabiFönk Experience ! plus largement (les hordes de fans de
Gojira aiment aussi les frenchies pour
Eric la richesse vocale de Joe) mais pour
les vieux (comme moi), les retrouver
à ce niveau, c’est déjà appréciable !

Oli

80

EN BREF

THE NEWTONS GRANDADDY ADIMIRON

Elevation Last place Et liber eris
(Autoproduction) (30th Century Records) (Indie Recordings)

C’est sous l’impulsion du batteur tou- Il aura fallu attendre onze années et En terme d’ouverture d’esprit métal-
rangeau Mike (ex-As De Trefle, Melted une reformation en 2012 pour voir ar- lique, Indie Recordings est un des
Space...) que The Newtons s’est formé, river un nouvel album de Grandaddy. meilleurs labels européens, en ajou-
vite bien entouré par des musiciens On va vous casser le suspens tout de tant Adimiron à leur rooster (Cult of
d’expérience, ils enregistrent un pre- suite : Ce Last place est du pur Gran- Luna, Enslaved, Hacride...), les Norvé-
mier EP à l’été 2015 mais quelques daddy, où la franche mélancolie noie giens vont permettre aux Italiens de
changements de line-up retardent sa de toute part une pop enjôleuse cali- glaner de nouveaux fans dans le Nord
sortie (le chant est ré-enregistré fin brée depuis belle lurette. C’est donc, de l’Europe qui n’a peut-être pas at-
2016). Finalement, c’est fin décembre vous l’imaginez, sans grande surprise tendu ce cinquième album (le groupe
2017 que nous pouvons écouter les 6 mais avec un plaisir rempli d’ivresse a sorti sa première démo en 2001)
titres marqués par l’influence du rock qu’on retrouve ce qui a fait le succès pour découvrir ce death très ouvert. Si
américain (les guitares) comme de de la bande de Jason Lytle, à savoir le certains le qualifient de progressif, je
la pop anglaise (certaines lignes de talent de composer des titres (tubes préfère noter l’ouverture et les libertés
chant très mélodiques). Très facile à ?) qui touchent de plein fouet les sen- prises par les Romains qui conservent
écouter, The Newtons seront taxés timents de l’auditeur. Comme une ma- des structures assez identifiables
de «gentillets» par les amateurs de deleine de Proust, ces sonorités indie- pour leurs compositions. Ils injectent
power rock ultra burné mais derrière pop 90’s semblent à la fois si loin et si ainsi une grosse dose de math («Zero-
l’évidence de certaines harmonies, on proches, elles dépassent littéralement sum game»), des parties aussi claires
a une vraie recherche de contrastes les épreuves du temps. Encore faut-il que douces («The coldwalker»), de la
et des morceaux bien amenés/arran- s’appeler Grandaddy (coucou Weezer variété dans le chant («The unsaid»)
gés («Everybody») où les variations !), gardez la foi (cette reformation dans un métal qui reste death (la voix
de rythmes et de tons donnent le n’était pas réellement prévue) et être lourde est d’ailleurs un poil forcée)
label «rock» à l’ensemble (quand cer- en phase avec son art. Sur ce point, ce et ultra technique (on bouffe parfois
tains obtiennent juste le «bon pour retour est salutaire, Last place n’est un peu trop de solo). La grande force
la radio»). Toutes les compos sont pas le meilleur album des Américains, d’Adimiron est sa capacité à amal-
très travaillées, peut-être trop même question d’époque sans doute, mais gamer toutes ces influences et à les
car en plaçant des petits effets, des il a le mérite d’exister et de faire son mixer avec facilité, faisant de Et liber
notes «supplémentaires», un petit effet. Alors, profitons-en, et saluons au eris un album assez homogène mal-
coup de boost sur la basse là, on passage la mémoire du bassiste Kevin gré les nombreuses ambiances qui
perd parfois l’essence même du titre Garcia qui est décédé d’une crise car- le parsèment. Si tu penses que les
et ainsi sa dynamique propre. Sim- diaque deux mois après sa sortie. adjectifs «puissant», «mélodieux»
plifier et fluidifier le jeu permet sou- et «surprenant» peuvent cohabiter,
vent d’être plus efficace mais c’est Ted va jeter deux oreilles sur ce disque..
paradoxalement très compliqué....
Oli
Oli

81

EN BREF

BLACK LABEL SOCIETY DUBIOZA KOLEKTIV PARIADELUX

Grimmest hits Happy machine Topsy-turvy

(Spinefarm Records) (ZN Production) (Autoproduction)

Attention, cet album de Black Label Un petit coup de tchigidup bosnien Trio parisien, Pariadelux a su bien s’en-
Society n’est pas un nouveau «grea- pour skanker sur ton balcon ? Dubioza tourer pour mettre en boîte ce premier
test» hits (et donc un best of) mais Kolektiv est un collectif qui a grandi opus : quelques amis pour donner
bien une collection de «titres les plus sous les bombardements de Sarajevo davantage de couleurs aux titres et
sombres». Un peu à la couleur des et a vécu l’explosion de l’ex-Yougosla- Francis Caste à la baguette (Bukows-
jours que passe leur ancien guitariste vie. Est-ce pour oublier cette fracture ki, Hangman’s Chair, 7 Weeks, Lazy...)
Nicholas Catanese désormais plus nationale qu’il y a autant de guests in- pour avoir un son parfaitement dis-
connu comme pédophile. Pour autant, ternationaux dans ce septième album tordu... Évoluant dans un registre
pas sûr que Zakk Wylde ait pensé à ? Il n’empêche, avec Happy machine, mêlant mélodies pop-rock, guitares
lui pour écrire cet opus partagé entre c’est l’Eurovision, mais sans les pail- stoner et rythmiques à la puissance
sludge bluesy et relances hard rock lettes, le kitsch dégoulinant et les cris toute métallique, le groupe est «On
vintage du plus bel effet. Grâce à un caprins des représentants nationaux. fire» pour nous mettre sens dessus
son ultra chaleureux et des mélo- On trouve Banji Webbe Skindred, Manu dessous (désolé, cette phrase est
dies ciselées, les Californiens nous Chao, les Barcelonais de La Pegatina, dans le cahier des charges de la chro-
embarquent dans leur trip avec une le trompettiste macédonien Dzambo nique). La saturation ultra léchée et
facilité déconcertante, la qualité tech- Agusevi ou le chanteur Punjabi Bee2. les coups bien placés s’opposent à
nique du combo n’est plus à prouver Toute cette joyeuse équipe envoie un chant toujours orienté vers la dou-
mais réussir à transformer ces qua- un mélange ska rock reggae avec ceur et déployant de belles harmonies
lités en compositions accrocheuses une dose de fanfare des Balkans. pour charmer l’auditeur que les autres
et dénuées du (dé)goût de «déjà en- Entre Asian Dub Fondation, La Ruda musiciens s’amusent à bousculer.
tendu» (c’est leur neuvième album), Salska ou Ska-P, avec quasi tous les Physiquement par les assauts sur
c’est autre chose. Et là où par le passé, textes en anglais (au léger accent les fûts et les cordes mais également
les BLS se sont parfois laissés aller slave). Derrière l’atmosphère joyeuse mentalement quand surviennent un
à trop saupoudrer de guimauve les de la musique syncopée, Dubioza saxophone et une trompette sur une
titres plus langoureux, ici, ils gardent Kolektiv parle de sujets d’actualité compo au titre alambiqué («Fuhrer
de l’accroche, que la guitare tienne le comme le mouvement protestataire on my shoulder»). On est presque
premier rôle («The only words», «The turc, la crise des migrants syriens, surpris également quand les Fran-
day that heaven had gone away») ou ou l’emprisonnement du fondateur ciliens ne haussent pas le ton et ne
que le chant ne ronronne pas de trop du site thepiratebay.org. avec une font que nous cajoler («Soft sword»).
(«Nothing left to say»). Et ils se mé- réflexion sur l’ère du tout numérique. A l’image de ce bel artwork, entre
langent assez bien aux morceaux qui Pour allier les paroles aux actes, leur chaude sensualité et morsures veni-
jouent plein gaz («The betrayal» !). album est donc en téléchargement meuses, Pariadelux joue autant avec
libre sur leur site. Alors tchigidup ? ses tripes qu’avec son cœur, pour
Oli un résultat équilibré et charmeur.
Eric
Oli

82

EN BREF

MUDWEISER ROUGEGORGEROUGE WASTE

So said the snake Hypersomnia Lees road
(Head Records) (Collision Music) (Autoproduction)

On a beau aimer Mudweiser, il faut se Ceux qui gravitent autour de la sphère Lees road, c’est l’histoire d’un nou-
faire à l’idée (comme Laeticia) que le rock indé bordelaise ont probable- veau départ, celui pris par 4 amis d’en-
groupe ne peut sortir un album tous ment déjà entendu parler de Rouge- fance qui sortent ensemble un album
les deux ans, Reuno étant un peu GorgeRouge, ce quatuor bâti en 2011 en 2014 sans rencontrer leur public
beaucoup occupé (Lofofora, Le Bal avec l’appui de membres de la forma- et quittent leur région parisienne pour
des Enragés), c’est pas Tool non plus, tion post-rock Sincabeza, de Monade, Londres et cette rue où ils s’installe-
mais les skeuds sont assez rares le side-project de Laetitia Sadier, ou ront pendant deux ans pour vivre mais
alors écoutons-les «lentement», ça encore de Magneto. Avec un sobriquet aussi pour composer, jouer et enregis-
tombe bien, leur stoner contient tou- pareil, peu de chance de se tromper trer ces quatre titres. Et avec le départ
jours une grosse dose de doom et ne sur la marchandise (voir le syndrome de Keyvan (5ème membre durant
traverse pas le désert à toute blinde, des groupes aux noms doublés ou quelques années au clavier), repen-
préférant voir la poussière encras- presque) : à défaut d’être aux pre- ser leur musique, la charger d’élec-
ser les amplis plutôt que de la faire mières écoutes une formation attirée tronique, faire d’un rock à guitare, un
voler dans son sillage. Pour ce nouvel exclusivement par l’expérimental, rock dansant qui emprunte autant à
opus de leur rock rocailleux et char- leur deuxième album Hypersomnia la «french touch» (Air, Daft Punk, Lau-
meur, quoi de mieux qu’un serpent nous embarque néanmoins dans une rent Garnier...) qu’à la pop (ils adorent
pour héros ? So said the snake est expérience sonore bariolée à écouter Radiohead même si on reste éloigné)
donc rampant et pas uniquement religieusement. Naviguant entre des et vont donc rejoindre Stevans ou
sur l’ultime «The snake» d’où est ex- styles aussi hétérogènes que l’elec- Dukes of Paris sur la liste des combos
traite cette phrase («Useless prick», tro-rock, l’ambiant-krautrock (avec qui amalgament à merveille sensibi-
«777»). Pour autant, pas question pas mal de claviers retro-futuristes lité électro et puissance pop-rock. Si la
de se la couler douce tout le temps, comme sur «Balle a fond»), l’ambient, rythmique joue son rôle en étant par-
le quatuor envoie du riff bien gras et la noise-rock, la pop, le post-punk, ticulièrement marquée et binaire, le
fournit quelques envolées inhérentes l’indie-rock, le post-rock ou même le quatuor n’oublie pas de miser sur les
au genre (depuis un «Fairy tale» un math-rock, RougeGorgeRouge nous en mélodies et un nappage subtil alliant
peu téléphoné jusqu’à un «The story fait voir de toutes les couleurs. Et rien guitare et samples, quitte à sacri-
of Joe Buck» plus contrasté et osé). de plus jouissif que d’être baladés de fier l’efficacité immédiate (ultra pré-
Un poil plus aérien et après un régime la sorte dans ce grand huit émotion- sente sur «Get up and dance») pour
(ce Mudweiser est moins gras), le nel à la fois tendu («Elfy science»), construire une vraie chanson («Bright
combo réchauffe nos oreilles et Reuno plein de mystère (dont «Ethernull»), light») ou accentuer l’émotion («Lead
continue de nous bluffer tant sa voix et profondément galvanisant (comme us»). Les gaillards sont revenus à
semble coller naturellement à ce style. sur la très cool «Vococo»). On valide, proximité de Paris, on n’a donc plus
même si la sortie date déjà de 2016. d’excuse pour ne pas les suivre...
Oli
Ted Oli

83

EN BREF

JEAN JEAN HUGO KANT LEGEND OF THE SEAGULLMEN

Froidepierre Out of time Legend of the seagullmen

(Head Records) (Bellring) (Dine Alone Records / Caroline int.)

Un peu moins de 5 années après Sym- Hugo Kant remet le couvert sur un Les Seagullmen (littéralement les
metry, Jean Jean revient avec une troisième skeud nommé Out of time. «hommes mouettes») sont six mais
bonne excuse et un album à l’artwork Un nom qui sied parfaitement à cette si le groupe attire l’attention, c’est sur-
symétriquement très joli. La magni- collection de titres aussi imposants tout à cause de l’un de ses guitaristes
fique photo en illustre le titre de l’opus, (58 minutes !) que diversifiés (trip- à savoir Brent Hinds (Mastodon) et de
Froidepierre, qui est aussi le nom du hop, jazzy, abstract hip-hop, électro, son batteur Danny Carey (Tool). D’ail-
chalet alpin où le groupe a enregistré. musiques orientales...) lorsqu’on en leurs, disons-le tout de suite, sans
La bonne excuse, c’est que le duo est fait sa plaisante découverte. En effet, la présence de ces deux «stars», le
désormais un trio, Grégory (Almeeva, la musique de ce producteur est clai- groupe n’aurait pas forcément signé
Kid North) ayant intégré le projet avec rement hors du temps, tout en recon- un deal international et ne serait
ses instruments (notamment basse naissant bien que depuis plus de 10 qu’un groupe de plus dans la masse
et synthés). Toujours instrumental, ans des artistes similaires français de ces combos qui ressortent des
leur rock se veut moins joyeux, moins mènent la danse dans ce domaine idées des seventies et les croisent
mathématique et un peu plus «post» (citons Chinese Man, Wax Tailor ou avec des sons d’aujourd’hui. Passion-
(voire cinématographique) que par le encore Degiheugi). Pourtant Hugo nés de cinéma et de science-fiction,
passé. Les compositions sont à la fois Kant a largement sa place et se dif- les lascars n’hésitent pas à intégrer
plus incisives, offrant un plaisir immé- férencie par LA touche qu’il apporte des samples qui donnent un petit
diat, et plus immersives, gagnant en sans relâche depuis le début avec une côté psychédélique à des titres qui
simplicité, on y pénètre sans trop certaine magie : sa flûte traversière peuvent paraître progressifs quand ils
réfléchir. Les sonorités un peu old qui sait s’adapter à tous les méandres prennent le temps de s’étendre («The
school de certains claviers sont ultra sonores. L’alchimie qu’il opère avec fogger», «Curse of the red tide»).
chaleureuses et comme le duo basse/ tous ces genres et ces inspirations est Pour le reste, les guitares dominent
batterie s’entend à merveille pour simplement remarquable, jamais un l’ensemble et font ressortir la tona-
créer une dynamique entraînante, on album d’Hugo Kant aura sonné si bon. lité «hard rock de papa» qui aurait fait
est vite embarqué dans leur univers Le Marseillais a creusé son sillon pour succomber les foules en 1974. Mais
où la nervosité règne, le terme étant nous surprendre encore plus, et si des voilà, on est en 2018 et rien n’est vrai-
à prendre plus souvent dans le sens titres excellents comme «The earth ment nouveau dans tout cela, il ne fait
de l’excitation que du stress. On fré- dance», «Odissi», «Black moon» ou aucun doute que les mecs s’éclatent
tille, on sautille, on est impatient de encore «This is just the beginning» avec ce projet mais il ne devrait res-
savoir où Froidepierre nous emmène, sont là, ce n’est pas un hasard ! Et le ter qu’une récréation quand bien
et tant pis si les temps de repos tout s’entend sans chant (à part le re- même les concerts seraient specta-
sont rares (le titre éponyme). Bref, tour de la voix délicieuse et sexy d’As- culaires. Bien que ce disque ne soit
c’est encore une très belle réussite.. trid Engberg sur «Clouds»), comme pas dénué d’intérêt, au rayon side-
quoi l’instrumental, c’est la vie ! project de Brent Hinds, mieux vaut
Oli rester sur Giraffe Tongue Orchestra.
Ted
Oli

84

EN BREF

FISHING WITH GUNS HOWLIN’ MACHINES CASEY

Blood on the ropes Fever Where I go when I am sleeping
(Autoproduction) (One Hot Minute) (Hassle Records)

Nouveau passage par la case EP pour Trio parisien, Howlin’Machines est Si tu avais apprécié le premier album
Fishing With Guns qui présente ainsi composé de Adrien Stiefel à la batte- Love is not enough (paru en 2016),
son nouveau visage après les départs rie, de Mathieu Ghobrial au chant et tu vas pouvoir autant apprécier celui-
de Jean (chant) et Seta (guitare) et à la basse et de Quentin Lourenço à ci car rien n’a changé chez Casey.
l’arrivée d’Iñigo (ex-Seed From The la guitare. Leur musique se trouve à Mise à part le même goût particulier
Geisha) au micro. Approche vocale mi-chemin du hard rock des années pour les artworks dont on ne sait pas
différente, guitare plus rentre-dedans, 70 et du stoner. Grâce au soutien du vraiment dire s’ils sont excellents
les Franciliens n’ont finalement que label One Hot Minute, la formation sort ou juste passables, les Gallois conti-
légèrement modifié leur musique, Fever en juin 2017. L’occasion pour nuent leur travail sur eux-mêmes
gardant la ligne directrice «stoner un le groupe de pousser ses premiers (quelques textes servent de thérapie)
peu bourrin». Pour autant, c’est avec grognements. Pied au plancher, L’Ep et alignent les passages post-rock
un assez calme et très beau «Dodge ouvre les hostilités avec le single «Fe- ou core déliées et douces avant d’en
and counter» qu’ils renouent avec ver». Une recette simple et efficace éclater une partie contre des murs
leur public, les accords et les déliés ne qui ne tarde pas à montrer l’influence de saturation et de growls hargneux.
sont que peu chargés en électricité, majeure de Kyuss. Sur «For You» la Alors que je les jugeais aussi à l’aise
le son est pur, l’ambiance est plutôt basse de Mathieu Ghobrial renforce dans un registre que dans l’autre voilà
sereine jusqu’au déboulé assez lourd le rythme endiablé du titre. L’inten- plus d’un an, aujourd’hui, c’est quand
du chant et les premières grosses sité au chant monte d’un cran sur ils sont en mode «cool/zen» que je
attaques rythmiques. Ce n’est en fait «Overture» avec une mélodie rageuse préfère les Britanniques, la clarté des
qu’une rampe de lancement pour la et hypnotique. «Worst Nightmare/ guitares et du timbre de Tom Weaver
suite et notamment «Motherfucking Sweetest Agony» propose également sont parfaitement mis en valeur par
badass» qui derrière une vitrine bien ses petites friandises. Pendant que le Brad Wood (Sunny Day Real Estate,
tapageuse use de quelques délica- chanteur monte sa voix au bord de la Placebo, Smashing Pumpkins, Far,
tesses pour charmer l’auditeur. C’est rupture, guitare et basse se suivent Touché Amoré...), ils me touchent bien
plus brutal et direct sur «Thirst for pour poser un solo bien calibré. Après plus que les uppercuts hardcoreux
lust» ou «Reasons to cry» (que l’ar- un disque qui comporte plus que son quand bien même ceux-ci sont suivis
twork illustre ?), le combo fait alors quota de gros riffs, Howlin’Machines de passages lumineux («Wound»).
moins dans la finesse et gagne en met les projecteurs dehors sur un Les morceaux indie-pop un peu prog’
hargne, quitte à en faire peut-être rock bluesy qui saisit les tripes avec comme «Fluorescents», «Need-
un peu trop dans les uppercuts. Je «The Lies About». En sachant que la lework» ou «Where I go when I am
les préfère quand ils laissent davan- moyenne d’âge des musiciens est de sleeping» fonctionnent à merveille
tage filtrer leurs émotions («King of 22 ans, l’énergie du disque semble plus et c’est un régal de se laisser bercer
the crossroads») et nous piquent que prometteuse. Affaire à suivre.... sans que tout ne finisse par exploser.
au vif en se mettant en danger.
Julien Oli
Oli

85

EN BREF

DYING GIANTS RONAN K LOCOMUERTE

Tales of giants From grey La brigada de los muertos

(Autoproduction) (Autoproduction) (Musicast)

C’est un trio de la région de Toulouse Dans la famille K, je connaissais Ma- On avait laissé LocoMuerte après son
qui balance ces quatre titres toute demoiselle K, Alexis HK et euh... Paul premier album, on les retrouve 7 ans
pédale fuzz enfoncée, la délicate Anka. Mais je ne connaissais pas Ro- après, entre temps le groupe a sorti
saturation étant une des marques de nan K. Celui-ci n’a rien à voir avec les un autre album (Traición bendición)
fabrique de Dying Giants. Le groupe membres de cette famille imaginaire et recruté El termito pour s’occuper
adore le stoner, le doom, le sludge et puisqu’il a choisi la musique folk. Et ça du chant. À part ça, pas grand change-
comme il n’a pas trouvé de chanteur lui (nous) va bien. Quand je dis «il», ment pour ce La brigada de los muer-
(ou n’en a pas cherché), se contente c’est plutôt «eux», puisque derrière tos, enregistré avec Stéphane Buriez,
de livrer des titres instrumentaux Ronan K il y a un duo nantais composé ce troisième skeud ravira les fans de
qui ont pourtant pas mal à raconter. de Ronan Kéromnès (voix, guitar, har- la première heure avec un hardcore
De petites notes claires et propres monica...) et Stéven Rougerie (guitare, old school où la seule vraie valeur
ouvrent «Etna volcano» qui entre en basse, banjo, percus...). Pour leur pre- ajoutée est l’emploi de l’espagnol qui
éruption ensuite pour une partition mier LP, ils nous donnent la recette donne à l’ensemble un petit air de
assez classique dans le genre, les de la bonne musique folk, celle qui vacances (ou de révolution ?) même
rythmes et les tons se relayent avec touche les esprits et remue les tripes : si l’accent est plus lié au tonus que
une certaine évidence. «23rd nebula» une instrumentation simple mais effi- tonique. Si l’ensemble est très (trop ?)
commence par caresser la peau avant cace, pas minimaliste, pragmatique. homogène, quelques titres sortent du
d’enclencher une première prise jack, Les guitares, banjos, harmonicas et lot comme l’éponyme «La brigada de
quelques notes tombent puis l’orage diverses orchestrations se diffusent los muertos» et son solo plus enlevé
éclate, l’air s’emplit de distorsion, un délicatement, avec comme vocation que la moyenne, «Sangre por sangre»
éclair traverse le disque, le calme re- première de servir le chant de Ronan tout en matraquage et taillé pour faire
vient aussi brutalement mais on sait Kéromnès. Une voix chaude, parfois participer le public ou encore «El hue-
que ce n’est que temporaire... Mécani- enjouée, souvent mélancolique, mélo- vo», traduction de «L’oeuf» qui est
quement, le ciel nous retombe dessus, dieuse, à la tonalité changeante selon donc la reprise hispanisante (et moins
la guitare se débat et s’excite mais la les 9 titres de From grey, entièrement hachée) du tube de Lofofora. De petits
rythmique imperturbable gagne le en anglais. De ballades sombres en changements mais beaucoup de per-
match. Toujours claire mais courte, titres plus rythmés, de parenthèses manence chez LocoMuerte qui mise
l’intro de «Minos serpent’s tail» laisse plombantes à des divagations atmos- toujours tout sur l’efficacité et ne s’en-
la place à une phrase qui reviendra phériques, c’est un album qui s’étire de combre pas avec les petits détails.
hanter le titre de manière assez hyp- l’aube au crépuscule, avec toutes les Les aficionados auront le sourire, les
notique et sensuelle. «Atlas mount». nuances du jour et surtout de la nuit. autres pourront s’en lasser ou juste
pogoter sans trop se prendre la tête.
Oli Eric
Oli

86

EN BREF

GRAVITY BANG GANG SHEIK ANORAK

Noir The wolves are whispering North star
(Apathia Records) (Bang ehf) (Gaffer Records / Atypeek Music)

Un nouveau batteur et un troisième Intéressé(e) par un voyage atmos- Infatigable, Frank Garcia livre un nou-
album pour Gravity plus à l’aise que phérique et bien planant au dessus de vel opus de son projet solo une grosse
jamais avec son style assez person- l’Islande ? Alors approche-toi, choisis dizaine de mois après Let’s just bul-
nel puisqu’il en mélange allégrement la couleur de ton ballon de baudruche, lshit our way through, son travail
plusieurs. Rien que pour citer les inspi- attrape-le et laisse-toi t’emporter dans prolifique est offert sans filtre et cer-
rations littéraires (les plus évidentes) les airs avec Bardi Johannsson, l’au- tainement sans calcul puisqu’on re-
le groupe fait des clins d’œil aux deux teur compositeur qui se cache derrière trouve 7 pistes assez disparates aux
monstres de la science-fiction (après Bang-Gang. Pour ce 4ème LP en 17 ambiances tantôt expérimentales,
Barjavel sur le précédent opus) à ans, Bardi prend son temps pour nous tantôt indie rock, tantôt mixant toutes
savoir Frank Herbert («Dune») et dévoiler son electro trip-hop douce et les influences possibles pour envoyer
Dan Simmons («Hypérion») et ter- rêveuse (j’avoue que l’on a pris notre une ligne de chant ultra mélodique sur
mine son livret en citant Baudelaire. temps aussi pour le chroniquer vu que un gimmick de guitare hypnotique,
Toujours assez alambiqué, leur métal ce LP est sorti en 2015). Il n’empêche, un rythme entraînant et une nappe
moderne, technique, incisif et parfois même si le temps a passé depuis ce de sampling («No one could»). Ainsi,
progressif sert un propos lui aussi sa- The wolves are whispering, il serait après 2 titres vraiment accrocheurs,
vamment construit et réfléchi (la série dommage de passer à côté de cette on se prend en pleine face un «Pattern
des «Noctifer»), que ce soit en ver- musique singulière, à la fois triste et 0 (part.2)» qui ressemble autant à
sion hargne-core/death ou en clair, les onirique. Portée par la belle voix de Bar- une séance de tests de sonorités qu’à
textes en français passent bien (et me di, ce dernier retrouve sa partenaire un vrai morceau, un truc qu’il aurait
font penser à Eths) et l’adjectif Noir Keren Ann avec laquelle il avait signé pu cacher en fin d’album ou mettre
leur sied parfaitement. Musicalement, le conte surréaliste La ballade of lady en intro plutôt qu’au milieu du disque.
c’est riche et varié avec un penchant and bird en 2003. C’est cette même «Argent», autre piste instrumentale,
pour les changements de rythmes ambiance que nous chuchotent ces est plus construite et s’intègre mieux
et d’ambiances. Saluons au passage loups, le souffle de la plaine, la caresse à l’ensemble où le chant solidifie clai-
l’excellent boulot d’Aurélien (Uneven des vents, la morsure du givre, la froi- rement les idées, le minimalisme de
Structure) qui a réalisé une prod’ où deur de la pluie. Et même si Bang-Gang «Ready» accentuant cette sensation
tous les détails sont soignés (sans s’autorise quelques titre plus pop, cela de dépendance à des textes et à des
cela, aucune chance de pouvoir être reste un beau voyage sur cette île mélodies pour séduire l’auditeur quand
comparé à Gojira). La simple écoute de de glace au charme spleenesque et bien même le fond serait marqué par
la première partie d’»Indigence» per- mélodieux. Allez, choisis ton ballon ! le jazz, le math-rock ou se laisserait
met de s’en convaincre car l’incorpo- emporter par l’élan («This year»).
ration du sampling y est parfaite. Bien Eric Si un jour, il se pose et fait le tri dans
que complexe à chroniquer/décorti- ses œuvres, acceptant d’en mettre
quer, Gravity procure un plaisir simple certaines en retrait et en réalisant
à l’écoute, c’est tout ce qui compte. un tir plus groupé, on pourrait avoir
un sacré bon album du début à la fin.
Oli
Oli

87

EN BREF

[STÖMB] ADAM AND THE MADAMS TRITHA ELECTRIC

Duality Almost ! Raagas in Paris

(Autoproduction) (Bloody Mary Music And Records) (Silk Road)

L’art du concept album est casse- La machine à produire du son Adam Ce fut l’une des plus belles décou-
gueule, alors quand c’est instrumen- and the Madams est particulière- vertes de la dernière édition de La
tal, métal et quelque peu progressif, ment étrange (et réciproquement). Ferme Électrique. Tritha Electric, ce trio
c’est encore moins évident... Abysse On y trouve une manette dissonante, fondé en 2011 autour de la charmante
et Hypno5e s’en sont sortis, tout un piston mélodique, un interrupteur Tritha Sinha, chanteuse de musique
comme [Stömb] qui a choisi le thème saturation, des boutons samplings, un classique indienne un peu punk sur
de la dualité, un sujet relativement mode reprise, un modulateur vocal... et les bords, et du batteur (de Menwho-
plus abordable du fait de l’aisance cette machine poussée à pleine puis- pause) et producteur Paul Schneiter,
du combo à jouer sur des ambiances sance génère de l’indie rock déluré, exilé depuis pas mal d’années en Inde,
sourdes et oppressantes comme sur entre recherche musicale et standard a sorti un premier album sous ce pa-
d’autres plus éthérées et lumineuses. rock. D’un «Heroes» de David Bowie tronyme l’été dernier (l’album Pagli de
Pour épaissir le propos et éclairer nos en mode montée dans les décibels, 2014 l’étant sous le nom Tritha). Re-
lanternes, le groupe a ajouté quelques à un «Sister ray» des Velvet Under- joint en 2013 par le guitariste Mathias
textes : une voix (parlée, en anglais) ground tout aussi psychédélique et Durand, la formation distille sur son
sur «A voice in my head» et le poème poil plus court que la version orginale, Raagas in Paris un savoureux mélange
du jeune marocain francophone Khalid puisque seulement de... 16 minutes. de rock psyché, se projetant sur les
El Morabethi déclamé sur «The other Pour leur 3ème LP, ce trio strasbour- confins du krautrock, avec le folklore
me». La cohabitation du bien et du geois tripote les manettes pour mieux de la musique indienne. Enregistré
mal, du beau et du monstrueux dirige décoder le génome du rock et le réen- à Paris donc, ce disque a de solides
les débats et les ébats, la lutte est coder en 6 titres qui naviguent entre arguments pour vous envoûter que ça
intérieure et si la sérénité et l’apaise- noise, garage et rock en traversant soit en mode zen («Kayyum» ou les
ment semblent l’emporter («Contem- les sonorités des sixties à nos jours. deux parties de «Yaman rhapsody»)
plation of the cold» ramène le calme En conlusion, un joyeux bordel ? Alors ou de manière plus mouvementée
entrevu au départ sur « The dark un peu quand même, mais comme les («Ganana» ou la seconde partie de
admirer»), on se dit que ce n’est que Butthole Surfers en leur temps, il faut «Radha’s fantasy»). C’est tout bon-
temporaire tant l’autre partie semble un réel savoir-faire pour proposer une nement génial, d’autant plus que le
puissante («We, the duality», «The telle déconstruction et que la partition groupe prend bien soin de donner à
red way») et capable de torturer son finale soit attrayante, et cet art de la chacun de ses 7 morceaux sa propre
hôte avec des riffs fracassants, des manipulation génétique musicale, personnalité et évite l’ennui. Si bémol
rythmes venimeux et des saturations Adam and the Madams le maîtrise.. il y a, on regrette juste qu’il n’y ait pas
incisives. Pour nous, [Stömb] peut se eu plus de moments «électriques»
battre et se débattre sans fin puisque Eric voire de folie marquante à l’instar du
c’est ce combat qui nous fait triper. titre inaugural.

Oli Ted

88

EN BREF

NICK OLIVERI DIDIER CHAPPEDELAINE ET CLOUD CUCKOO LAND
SES MAUDITS FRANÇAIS
N.O. hits at all vol.4 Somewhere in between
(Heavy Psych Sounds Records) Didier Chappedelaine & ses Maudits (Klonosphère)
Français (Verycords)
La série Nick Oliveri continue (même si Cloud Cuckoo Land est une expression
on a raté l’épisode 3, «le rouge») et ce Quand Didier Wampas s’emmerde anglaise assez proche de l’idée du
n’est pas forcément nécessaire d’avoir pendant sa retraite de la RATP, il re- «Pays de Cocagne», pays merveilleux
entendu le début pour comprendre la prend son vrai nom pour reprendre où on n’en rame pas une autre et où
suite (ici, «le jaune»). Voilà donc les des standards country. Mon dieu !!! l’on profite à max, dans la mytholo-
8 morceaux où le bassiste un peu dé- Didier Chappedelaine & ses Maudits gie, c’est une ville céleste qui sépare
rangé répond présent, tout d’abord un Français, tel est le nom de ce nouveau le divin du terrestre. C’est aussi un
«Walk on» pas vraiment acoustique projet qui a au moins l’intérêt de ne duo composé de Mélusine (au chant)
même s’il est issu du répertoire de pas avoir à subir les textes pas tou- et Guillaume (à la guitare également
The Uncontrollable, un duo formé avec jours bien fins des Wampas. Flanqué dans Klone) qui laisse mûrir des idées
Blag Dahlia (The Dwarves) qui devait des excellents musiciens de rocka- depuis 2010 avant de les étayer avec
se la jouer unplugged, Nick s’occupe de billy (guitare, contrebasse et batte- Romain (aux percussions) et Laura
tout sur ce morceau plutôt pop-punk. rie), notre fameux Didier prend un réel (au piano) depuis 2016. Le résultat
En 2006, il venait prêter sa voix érail- plaisir (on ne peut pas lui retirer ça) à est un voyage dans une contrée de
lée aux Biblical Proof of UFOs pour un chanter et déformer (à la limite du fou- douceur, sans électricité, sans heurt,
titre qui a un peu moins d’intérêt que tage de gueule) des classiques de la un chemin emprunté par une voix
ses reprises de Ramones : «Endless musique québécoise qui, soyons clair, paradisiaque qui n’est pas sans rap-
vacation» pour Death Acoustic (en m’est parfaitement inconnue. Ballade/ peler An Pierlé. Si la voix et l’univers
mode gueule de bois) et «Susy is a comptine, country endiablée, twist ouaté prédominent et attisent les pre-
headbanger» pour amener les enfants divertissant et rockabilly à la manière mières sensations, quand on s’y est
à écouter du punk. «Hanging low» est des Stray Cats, les trois musiciens as- habitué, on peut plonger plus profon-
bien plus accrocheur, les Loading Data surent le service après-vente de fort dément dans Somewhere in between
avaient réussi quelques jolis coups belle manière. Oui, trois, car depuis et profiter pleinement des arrange-
avec Double disco animal style, ils quand Didier Wampas est musicien ? ments délicats, de l’alchimie entre
s’offrent une nouvelle promo en explo- Un bon moment de détente dans tous la guitare et le piano, des éléments
sant le casting de ce N.O. hits at all les cas, et un disque (qui porte le nom rythmiques qui sonnent comme des
vol.4. Le titre des Dwarves est sympa du groupe) qui, finalement, a le mérite battements de cœur, d’un tas de
mais bien trop court pour marquer au- d’exister. Et ça, c’est déjà pas mal.. petites choses qui donnent à la blan-
tant les esprits. «Super hero» des He cheur de l’ensemble un teint éclatant.
Who Can Not Be Named est passable, Gui de Champi Marqué par le lyrisme de Mélusine,
le récent «Don’t believe» des Ratt- Cloud Cuckoo Land est une goutte de
lin’ Bones est plus excitant mais les fraîcheur dans ma discothèque tout
gagnants sont bel et bien les Loading autant qu’un médicalmant pour l’âme.
Data (même si Nick perd la mémoire)..
Oli
Oli

89

EN BREF

SIBERIAN XP ROOM ME NO METAL IN THIS BATTLE

Animalphabet Anaon Paprika

(Autoproduction) (Autoproduction) (A Tant Rêver Du Roi / Luik Records)

Trois Bordelais montent Siberian XP Le premier titre d’Anaon débute à C’est face à une jolie pochette atti-
en 2011, Aurélien (batterie), Brice peine, qu’une brume dense et sombre rante évoquant les vacances esti-
(chant) et Christophe (basse) sortent emplit l’espace, des vapeurs pesantes vales à la plage que je découvre le
un premier EP en 2012 mais l’élan m’entourent et s’entrelacent. Est-ce véritable premier album de No Metal
est brisé, Aurélien est emporté par la cette guitare grasse et lourde ou la voix In This Battle, des Luxembourgeois
maladie. Le groupe décide de survivre, grave et alanguie d’Anne Sophie Remy dont on vous avait dit le plus grand
accueille Julien et remet les pieds en alias Room Me qui diffusent de telles bien à l’époque d’Ours, leur deuxième
studio (au Secret Place) avec David volutes ? Anaon étant le domaine des EP de math-post-rock. Si la formule
Thiers (As The Storm, Seeds Of Mary...) défunts pour les Bretons, serait-ce le reste toujours instrumentale avec une
pour mettre en boîte Animalphabet. En souffle d’une nécropole qui viendrait recherche de narration musicale dans
6 titres, le groupe démontre l’étendue me chatouiller le cortex ? Pour ce pre- l’intention, le propos a légèrement
de son talent, ouvrant son métal à de mier album (après 2 EPs), avec Julien évolué vers des contrées rythmiques
nombreuses influences, tirant à la fois Rosenberger (Loth) au mixage et mas- afro. Comme à l’accoutumé, NMITB
vers le rock (le chant est aussi doux tering, Room Me combine l’imaginaire pose un décorum sonore qui subit au
que clair) et vers des expériences dark de Chelsea Wolfe et l’univers mu- gré du (bon) moment des tensions
(c’est comme cela qu’il faut pronon- sical de PJ Harvey de la (très bonne) nerveuses parfois soniques en faisant
cer le «XP») qui ne sont pas sans période To bring you my love. Un folk bourdonner les guitares et basses,
rappeler celles de The Mars Volta (on rock, certes pesant et languissant, sauf que la formation a cette fois-ci af-
trouve quelques parties prog/jazzy). qui traite de thèmes parfaitement rac- fublé la plupart de ses nouveaux titres
À moins qu’ils ne fassent du rock qui cords avec cette sensation de brouil- d’un groove afro-beat si cher à Fela
tendent vers le métal (la saturation lard en chantant la souffrance et le dé- Kuti. Si bien que sur Paprika, le rythme
de la guitare, la lourdeur de la basse), sespoir ; mais reste très mélodique et devient roi et rend la musique d’autant
peu importe car le terme fourre-tout conforme aux standards rock. Excep- plus propice à la danse («On15»,
«alternatif» s’applique dans tous tion faite de «The end», plutôt métal «Assfro», «Paprika»), un peu comme
les cas, avec cette sensation que le et qui termine l’album : un duo avec le fait actuellement dans un style plus
groupe cherche à brouiller les pistes Jean Claude Vandoom, chanteur du heavy rock les américains de Here
pour mieux briller. S’il t’en faut encore groupe doom Cult Of Occult. 6 minutes Lies Man. Forcément, ça nous parle,
davantage pour être convaincu, dis-toi de chants et de râles, au paroxysme et l’on se réjouit que le combo adepte
qu’ils seraient à leur place pour ouvrir de cette introspection neurasthé- de fusion saisissante n’ait toujours
un concert d’Oceansize, Dredg, Che- nique. Un disque d’un beau noir, de ce- pas placé de métal dans cette bataille.
velle ou Coheed and Cambria. Ça ne lui qui délasse, qui enivre et qui effraie.
suffit pas ? Va mater le clip de «For Ted
that crown», le soin accordé à la vi- Eric
déo est très révélateur de leur travail.

Oli

90

EN BREF

ORSON HENTSCHEL BLACK STONE CHERRY SAINT SADRILL

Electric stutter Family tree Building lampshades
(Denovali Records) (Mascot Records) (Dur et Doux)

C’est toujours avec un goût inaltérable Black Stone Cherry enchaîne les sor- Avant de sortir son tout récent 2-titres
pour les bizarreries sonores que Deno- ties. Malgré un immonde Kentucky live et d’aller l’applaudir (au hasard)
vali Records nous envoie cette fois- (2016), ils ont su regagner des points le 3 mai au FGO-Barbara lors de la
ci Orson Hentschel, un compositeur avec l’excellent Black to blues (2017), soirée parisienne du collectif-label
allemand que nous avions découvert le fait de flirter avec des légendes Dur et Doux, Saint Sadrill nous avait
il y a deux ans à travers un passion- leur a redonné des idées et voilà donc concocté en 2016 un premier disque
nant premier LP d’ambiant électro- Family tree, un album sympathique intitulé Building lampshades avec
nique minimal nommé Feed the tape. même si on ne retrouvera jamais les l’aide d’un ordi, d’une voix, de synthés
L’année dernière, la sortie d’Electric sommets de leurs débuts. La dizaine et d’un sax soprano. Derrière ce nom
stutter poursuit sa profonde quête de titres fait la part belle à leurs ra- se cache Antoine Mermet, saxopho-
de sons les plus immersifs possibles cines (l’orgue de «New kinda feelin», niste et vocaliste qui a notamment
à travers 55 minutes de paysages la petite mélodie bluesy de «I need a co-fondé Chromb!. Son premier album
instrumentaux alliant sans problème woman»...) sans occulter leur fond de solo est un répertoire de pop-songs
la musique expérimentale contem- commerce qu’est le power-rock de re- électroniques portées par des am-
poraine harmonieuse, le trip-hop, dneck à la Nickelback. Lignes de chant biances très souvent sibyllines. Sans
la musique industrielle ou le drone, très harmonieuses (lorgnant parfois laisser totalement de marbre, ses
pour ne ce citer que ces genres. Si vers Pearl Jam), solos déchirants, compositions ont au moins le mérite
instrumentalement Massive Attack, groove balisé, le quatuor ne prend de provoquer l’attention, par ses sons
Portishead et Björk sont les réfé- pas de risque mais ne tombe pas pour d’abord, et par sa voix terne ensuite.
rences citées par ce trentenaire de autant dans la facilité racoleuse, car En parcourant le disque, on ressent
Düsseldorf, elles n’apparaissent à derrière des morceaux qui sonnent l’envie irrépressible d’Antoine de jouer
l’évidence que par petites bribes ou sans forcer se cachent quelques à la fois sur des ambiances éthérées
se dévoilent progressivement tant petits trucs bien sentis qu’on atten- («Zero», «To go to go to go») avec un
l’ambiance générale de ce deuxième dait pas forcément (la rythmique de côté très religieux par moment («Yar
LP, quelque part entre une séance «Carry me on down the road», le break mum») et sur des aspects plus directs
brumeuse d’hypnose et la bande son de «Get me over you»...) et au final sur lesquels se placent des synthés et
d’un film fantastico-futuriste, reste quelques plages très agréables («Bad des programmations très 70’s-80’s
une charge sonore très complexe habit», «Family tree», «Dancin’ in the («Building lampshades») voire plus
à appréhender en premier lieu. Les rain» en «duo» avec Warren Haynes moderne comme le downtempo mini-
aficionados du label allemand n’en du Allman Brothers Band). Pour maliste de «Tree» ou par le biais de
seront absolument pas surpris, pour cette opération «on recolle les mor- cet effet autotune qu’on entend de
le reste, c’est une toute autre histoire.. ceaux», ils ont même sorti l’artwork façon expéditive à la fin de «We gave
le plus réussi de leur discographie. you a smile». Un univers à explorer
Ted qui ne manque pas d’arguments.
Oli
Ted

91

EN BREF

AÏTONE BLACK MOTH ASKING ALEXANDRIA

Aïtone Anatomical Venus Asking Alexandria

(Modulor) (Candlelight Rec. / Spinefarm Rec.) (Sumerian)

Aïtone, à ne pas confondre avec le Imagine : tu trouves une boite de Asking Alexandria sort un album épo-
groupe électro-dub High Tone mais chocolats estampillée «Stoner and nyme, un album rouge, rouge comme
dont le patronyme a sûrement un rap- doom from UK», tu choisis le parfum la couleur du carton que le groupe
port étroit avec les cascades du même Anatomical Venus. C’est un beau cho- mérite pour les photos du livret, les
nom en Corse, est un groupe parisien colat, bien noir, bien gros, imposant. gars jouent la carte «beaux gosses»,
qui a fait de la pop progressive - située Tu croques le spécimen, c’est corsé, n’aidant pas en cela le métalcore qu’ils
quelque part entre Radiohead et Ar- lourd, piquant mais pas trop violent. défendent à se défaire de l’image que
chive - son cheval de bataille. Remar- En poursuivant la dégustation, tu certains lui donnent. Et avec des mor-
qué par Fred Chichin des Rita Mitsouko arrives au cœur du chocolat. Apparaît ceaux comme «Hopelessly hopeful»
sous le nom Lemon Incest à la fin de alors une variation subtile et sympa- ou «Under Denver», c’est même sans
sa vie, le groupe a depuis eu le temps thique, une note plus sucrée mais de espoir tant c’est atroce de mièvrerie.
de parfaire son œuvre avec un premier caractère, qui relève l’ensemble. C’est Pourtant, leur chanteur Danny Wors-
album éponyme assez réussi dans l’effet Black Moth. Passons le parallèle nop est revenu aux affaires et le com-
l’ensemble. L’univers d’Antoine, l’insti- cacaoté, et revenons aux sensations bo cherche toujours à travailler avec
gateur du projet, a été soigné : chaque auditives à l’écoute de ce troisième d’autres sonorités, un peu d’électro,
note, chaque intention, chaque arran- LP de ce quintet de Leeds. Ce dernier quelques effets, laissent ici un peu de
gement n’est dû au hasard. Il laisse développe un très bon doom métal, place au rappeur BingX (trop peu utilisé
l’auditeur se perdre dans ses plages avec quelques insertions stoner et pour donner de l’intérêt à «Empire»)
délicates et rassurantes («Ain’t no sludge. C’est carré, ça déborde pas du mais peine perdue. Les petits «plus»
light», «Boy», «Off duty clowns») trait. Pour la partie instrumentale, Jim (l’acoustique «Vultures») ne peuvent
ou, au contraire, le sème dans de gen- Swainston, Federica Gialanze, Dave rivaliser avec les gros «moins» au
tilles embûches par des évolutions Vachon et Dom McCready maîtrisent rang desquels je ne comprends tou-
imprévues comme ce solo de claviers leur sujet : 10 tracks techniques et jours pas le son de basse (ou son
déjanté sur la fin de «Lights on», cette mélodiques, bien produits, avec un mixage ?), ultra saturé et lourd, il est
rythmique lourde de «Fuck around» son aux petits oignons. Mais cette pe- inaudible et vient saloper bon nombre
qui donne du coffre au morceau, ou tite saveur «en plus» qui est au coeur de parties en tentant d’alourdir le pro-
bien l’apparition du rappeur Rouda de Black Moth, c’est la prestation de pos en rajoutant un bourdonnement/
sur deux morceaux. L’approche pro- Harriet Bevan, chanteuse du groupe. grésillement qui peut t’interroger sur
gressive pop d’Aïtone rappelle celle Une belle voix grave et puissante, tout le fait de faire changer tes enceintes
de leur concitoyen de Why Mud, mais en contrôle, qui parfume superbe- ou ton casque. Dommage parce que
également le côté pop-folk de Dan ment le tout. Si tu aimes le chocolat, Asking Alexandria a des qualités et
San très marqué sur «To the town». pardon, le rock noir, amer et intense de bonnes intentions mais quand
Un album propre mais qui souffre un viens donc piocher un morceau. on joue dans la cour des grands, on
peu de son aspect conventionnel. ne peut pas faire autant d’erreurs.
Eric
Ted Oli

92

EN BREF

THE MADCAPS ROMAIN HUMEAU OF MICE AND MEN

Slow down Mousquetaire #2 Defy
(Howlin’ Banana Records / Modulor / (Seed Bombs Music) (Rise Records)
Beast Records)
Un pour tous et tous pour un, c’est la On en est déjà au cinquième album
Il y a des moments comme ça où l’on devise des mousquetaires. Romain pour Of Mice & Men qui a encore connu
ressort, parmi la grosse pile de CDs Humeau pour Eiffel et Eiffel pour quelques péripéties avec le nouveau
en attente de chronique, ceux qui Romain Humeau, c’est la devise de départ de son chanteur fondateur Aus-
ont été oubliés. Slow down des Mad- Mousquetaire #2. Auteur, composi- tin Carlile, c’est donc seul que Aaron
caps, sorti il y a un an en fait partie, et teur, arrangeur, interprète et noyau Pauley (arrivé en 2012 comme bas-
comme nous n’avons pas encore créé dur du groupe, Romain Humeau pro- siste et deuxième chanteur) assure
de rubrique «Désolé pour le retard», fite que ses compagnons d’aventures les chants de ce Defy qui vaut le dé-
un petit «En bref» fera l’affaire. C’est aient mis leur parcours commun entre tour. Oui, c’est plutôt un bon album de
toujours mieux que rien. Le troisième parenthèses, pour proposer son qua- metalcore qui lorgne allégrement sur
album des Rennais, adeptes d’une pop trième LP en mode solo. Et ce sont le métal alternatif. Il mixe assez bien
garage qui rock n’ roll orientée à 100% 14 titres inédits qui sont sortis en ce les parties lourdes et claires, fait son-
vers les sixties, aurait pu tout à fait début d’année, 4 mois à peine après ner les mélodies comme les guitares,
sortir à l’époque tant le «coup de bluff le précédent album Mousquetaire envoie du gros riff et gère bien les at-
«est maîtrisé, même concernant la po- #1. Les Ahuris et autres suiveurs, mosphères plus délicates, artistique-
chette (bon, sauf pour la prod’ qui reste savent que seul ou accompagné de ment, c’est une réussite. Le groupe est
très moderne, faut pas déconner). À ses acolytes, cet infatigable et prolixe tellement à l’aise dans ce qu’il propose
l’heure où les 90’s sont à l’honneur, The créateur continue d’écrire les belles qu’il ose reprendre «Money» de Pink
Madcaps s’en branlent et jouent à fond pages du rock français. Le bon, celui Floyd, pas le morceau le plus évident
la carte du vintage, ça joue super bien, qui mélange le rock anglo-saxon et la (The Flaming Lips ou Velvet Revolver
ça sent la transpiration, ça swingue chanson française dans une fusion s’y sont essayés) car facilement iden-
à tout va, idem pour les influences parfaite. Pour cet album, Romain se tifiable, ils ont gardé la monstrueuse
puisqu’on passe des Kinks aux Beat- permet plus de libertés et un (petit) ligne de basse et un chant clair, plus
les («Come» est pas loin de «Ticket peu plus de digression. Également au nerveux et avec des guitares aigui-
to ride» à un moment) en faisant un niveau des collaborations : avec le rap- sées, la cover fonctionne assez bien.
petit détour avec quelques riffs à la peur Billyboy sur «Rock the rockers» L’autre grosse bonne idée, c’est le
Rolling Stones. J’aurais pu vous citer ; ou avec Slomy alias sa fille Salomé travail sur le digipak avec un artwork
encore pas mal de références, mais Humeau sur un morceau electro pop lumineux, scintillant et un booklet qui
l’idée est là. On ressort de Slow done «Smartly stupid» qui claque sa bonne joue sur les transparences, la grande
avec un grand sourire, et si la musique humeur. Ne reniant pas sa compa- classe. Of Mice & Men n’a plus grand-
60’s ne te parle pas plus que ça, peut- gnie mais en fantassin indépendant, chose à voir avec ce qu’il était à l’origine
être vaut-il mieux investir dans ce CD. le Mousquetaire #2 fait mouche.. mais c’est peut-être pas plus mal....
Pour ceux qui sont un peu plus culti-
vés, l’intérêt est de suite amoindri.. Eric Oli

Ted

93

EN BREF

HEPTAEDIUM THE WORLD IS A BEAUTIFUL BLACK WIZARD
PLACE & I AM NO LONGER
How long shall I suffer here ? AFRAID TO DIE Livin’ oblivion
(Apathia Records) (Listenable Records)
Always foreign (Epitaph)
How long shall I suffer here ?, ouais, Petits rappels car Black Wizard n’est
tu m’étonnes ! Comment rester sans Avec un nom de groupe comme The pas encore référencé au terrier, le
souffrir face à cet album de «Super World Is A Beautiful Place & I Am No quatuor vient de Vancouver (du Cana-
Djent-endo» ? Un style qui allie des Longer Afraid To Die, on peut imagi- da donc), s’est formé en 2009, a sorti
riffs de métal syncopés puissants à ner que l’originalité réside plus dans deux albums autoproduits avant de se
la Meshuggah ou Animals As Leaders le patronyme que la musique pro- faire repérer par Listenable Records et
avec des programmations rythmiques posée par celui-ci. On n’est pas loin de tourner à travers le monde avec bon
très diverses (metalcore, nightcore, de la vérité. Car TWIABP propose de nombre de groupes métal ou stoner
jungle, blast, glitch...), le tout sau- l’indie rock classique, avec quelques alors qu’eux-mêmes sont fans de Thin
poudré d’étranges sonorités (8-bits/ pointes pop voire punk rock, mais Lizzy et œuvrent quelque part entre
chiptune,nappesténébreuses,sample rien de bien novateur. Il n’empêche, le Hard Rock et le Heavy à l’ancienne.
de jeux vidéos...) pour te donner une il n’est pas non plus nécessaire de Pas spécialement amateur de heavy,
idée plus précise de l’univers geek du taper dans l’atypique pour être sym- c’est plus vers les parties stoner/hard
bonhomme. Oui, car Florent Lambert pathique. Pour ce troisieme LP de ce (qui dominent l’ensemble) que je me
est Heptaedium, il fait tout tout seul groupe du Connecticut, dont le line- tourne «naturellement», le chant ai-
comme Rémi Gallego avec The Algo- up a autant évolué depuis sa création guë pouvant de surcroît faire penser
rithm, qui est très probablement l’une en 2009 que le visage d’Axl Rose sur à certains vieux titres d’Alice In Chains
de ses influences. Ce voyage synthé- la même période, les 11 titres de ce par leur côté déchirant/larmoyant,
tique instrumental d’une demi-heure Always foreign nous promènent de un choix assumé qui permet de pen-
qu’est How long shall I suffer here ? ballades cool «Gram» à des morceaux ser à autre chose qu’aux guitares
est le troisième essai en trois ans de plus rythmés «The future», voire des qui éternisent parfois un peu trop
ce fan de Super Mario (et de baguettes sonorités Britpop «Fuzz minor». L’en- leurs solos («James Wolfe», «Eter-
!) qui tient désormais une place au semble reste bien agréable et mélo- nal illusion»). Parce que si le groupe
sein du roster d’Apathia Records, dique, à l’image de l’artwork doux et a de bonnes idées et manie bien les
adepte de projets musicaux qui te font coloré, même si les textes traitent de sonorités (le slow pas trop langou-
souvent esquisser un petit rictus tant sujets beaucoup plus sombres qu’il reux «Cascadia»), il tombe aisément
les intentions sont parfois imperti- n’y paraît. Grâce à The World Is A Beau- dans le piège du stéréotype («Por-
nentes. Heptaedium n’est pas le pire tiful Place & I Am No Longer Afraid To traits») et quand on pratique un style
à ce jeu-là (coucou Pryapisme !), mais Die, le monde est effectivement un défriché depuis 50 ans, la moindre
il en vaut quand même la chandelle. peu plus un bel endroit. Quant à savoir erreur ne pardonne pas. Du reste, si
s’ils nous permettent de ne plus avoir tu veux écouter de nouvelles chan-
Ted peur de la mort, c’est à toi de voir. sons avec l’ambiance Deep Purple
au chant et Judas Priest aux grattes,
Eric Black Wizard peut faire l’affaire !

Oli

94

EN BREF

WOLFPACK THE TEXAS CHAINSAW DUST ROPOPOROSE
LOVERS
Loathe Kernel, foreign hands
(Beatdown Hardwear Records) Film Noir (Besta Records) (Yotanka Records)

On a beau ne pas être spécialiste et Avec un nom pareil, un tel titre d’al- Les Ropoporose ont de la suite dans
particulièrement fan de HardCore, bum, et un aussi bel artwork, ce n’est les idées. Un an après la sortie de
on en n’est pas à «Détester» («To pas compliqué de comprendre que le leur deuxième album, Kernel, foreign
Loathe» en anglais) ce style et parmi quatrième art a rendez-vous avec le moons, le duo d’indie pop a confié deux
les nombreuses galettes du genre neuvième. The Texas Chainsaw Dust de ses titres («None» et «Holy birds»)
qu’on reçoit, on en trouve toujours Lovers t’offre pour leur troisième LP, à plusieurs collègues musiciens sévis-
une qui sort un peu du lot, ce coup-ci, une BOF complète et l’affiche du film. sant plutôt dans la veine électro pour
c’est Wolfpack qu’on met en avant. A toi de tourner ou d’imaginer l’his- une sortie uniquement numérique. À
Ce combo francilien a signé un deal toire. Tu peux utiliser la ballade bluesy noter que le dernier titre fait exception
chez les Allemands de Beat Down Hard «Thank you for the song» en géné- puisqu’il s’agit d’un remix d’»Empty
Wear (Born From Pain, Lionheart...) rique d’intro, avec la vieille Ford em- headed», titre issu du premier disque.
pour sortir leur deuxième skeud haut menant les 4 étudiants dans le désert. Kernel, foreign hands n’est pas un
en couleurs. Après une petite prome- Il y a «Let it bleed», rock groovy pour recueil de remixes insupportables
nade en stéréo distordue qui n’est pas illustrer la soirée alcoolisée dans le comme on les faisait souvent dans
une simple intro, les choses sérieuses café déjanté du bled perdu. Mais aussi les années 90. Non, là ce sont carré-
commencent véritablement avec «Camouflage», stoner rock débridé ment de nouveaux titres, si bien qu’on
«Oblomov» et si les premiers riffs ont pour la poursuite entre le serial killer ne reconnaît même pas les chansons
attiré l’oreille, c’est le chant presque et la deuxième victime. Tu peux utiliser précitées, c’est tout à leur honneur,
clair qui fait la différence entre «chro- la variation gospel de «Come to the ri- d’autant plus que chaque plage cultive
nique» et «pas chronique», il alterne ver» pour la séquence avec le pasteur son propre univers. Si Geysir fait plus
avec le registre hardcore lourd clas- qui prévient les héros que le désert est dans la synthpop/electronica, Elsie DX
sique et varie les tons, les rythmes et maudit. Le rock épais de «Mary with a la joue minimaliste-ambient, si Pierre
les harmonies (oui, il y en a quelques- plan», pour la scène où la blonde Ash- Lambla, le producteur du premier
unes !). L’autre gros atout de Wolf- ley se lancerait dans un strip tease en- disque a une vision plus expérimen-
pack, c’est la richesse des schémas de diablé à la station service pour émous- tale de «Holy birds», Trois le rend plus
constructions de leurs titres (plus que tiller les bouseux du coin. Et pour le entraînant et planant. Parmi les meil-
la poésie entrevue sur «Les fleurs du générique de fin, terminer par l’évident leures versions, celle de Chapelier Fou
mal» qui n’est qu’un clin d’œil à Bau- «End title : film noir», rock aux into- impose sa marque très harmonieuse
delaire), le combo ne se contente pas nations western avec un crooner et rend grâce au duo, tout comme celle
d’envoyer du blast et d’alterner deux enjôleur. Je ne sais pas si le film sera de Fred und Luna / UFO Hawaii avec
riffs, non, il syncope au maximum les bon, mais la bande son est excellente. ses guitares granuleuses mêlées dans
tempos et malgré des plages assez Si quelqu’un a le 06 de Tarantino... son univers très éthéré, et enfin Mono-
courtes peut apparaître parfois comme lithe Noir nous plongeant dans son
œuvrant dans une version sludge ou Eric monde fait d’abysses insoupçonnées.
doom du HxC. Suffisamment original
et bien foutu pour être mis en lumière. Ted

Oli

95

EN BREF

MATIAS AGUAYO & THE DESDE- TAMPLE RODRIGO Y GABRIELA
MONAS
Summer light Rodrigo Y Gabriela - Deluxe Edition
Sofarnopolis (Crammed Discs)
(Yotanka - Pias) (ATO Records)

Producteur électro et DJ d’origine Qui a encore touché à la manette anti- Rappelez-vous, en 2009, le ‘zine dé-
chilienne ayant grandi en Allemagne, gravitationnelle ? Dire que Tample joue cortiquait 11:11, le quatrième album
Matias Aguayo s’est laissé tenter par dans la catégorie musique planante du duo de guitaristes classiques mexi-
le rock en montant un projet avec The est un euphémisme. Avec nappes de cains Rodrigo y Gabriela. Les ayant per-
Desdemonas. Ayant déjà collaboré par synthés, voix de tête ou doucereuse, dus un peu de vue (sortie de 2 albums
le passé avec des groupes du même basse groovy, rythme cool à dansant, entre temps), ils ont fait parler d’eux
genre comme Battles, c’est dans le sonorités entre indie rock et electro l’année dernière en rééditant, pour
rôle de chanteur et multi-instrumen- pop, on sent assez rapidement la ses 10 ans, une version deluxe de leur
tiste que Matias a dévoilé en octobre plante de ses pieds décoller du sol, premier album éponyme. Ce dernier a
dernier le disque inaugurant cette et on imagine suivre les courants subi une session de remastering agré-
collaboration : Sofarnopolis. Ce der- aériens, avec plénitude et béatitude. mentée d’un bonus live de l’époque
nier rappelle en premier lieu Suicide Pour leur premier album, ce quatuor enregistré à Dublin, lieu où tout a com-
à de nombreux égards : post-punk bordelais propose une musique à la mencé pour le duo qui s’y est installé
sombre guidé par une voix habitée par fois légèrement mélancolique comme en 1999. Produit par John Leckie (XTC,
le récit qui se marie avec des synthés le très bon «Chimera» en parfait stan- Radiohead, Muse), ce disque nous
aux sons étranges et des program- dard indie-rock mais aussi festive permet de mesurer combien le talent
mations bariolées entre ambient et (dansante ?) comme «Keep us alive» des Mexicains, dieux des pirouettes
synth-wave. Si Matias et si bavard ou «Runaway». On a même droit à sur guitare sèche, était déjà énorme.
c’est parce que Sofarnopolis raconte quelques sonorités disco avec «One Sur le livret du disque, Rod y Gab nous
l’histoire d’une bande d’ados dans un night stand», mais toujours dans un rappelle qu’ils ne font aucunement de
monde dystopique, relatée également style léger, vaporeux. Le titre du LP flamenco, et que leurs influences sont
dans des BD et des vidéos basées sur Summer light et la cover sont tout à peut-être à chercher du côté de leurs
les dessins de son géniteur. Un pro- fait raccord avec l’atmosphère qui s’en idoles rock comme Led Zeppelin (avec
jet pluridisciplinaire qui en musique dégage. On baigne dans des nappes une reprise de «Stairway to heaven»)
nous laisse d’abord dubitatif tant les de photons chaleureuses et sympa- ou Metallica (avec une version remar-
ambiances virevoltent de noirceur thiques. Une bande son parfaite pour quable d’»Orion»). Cette réédition à
en excentricité puis finissent petit à une fin de journée à la plage cet été, permis de ressortir deux titres bonus,
petit par nous convaincre même si qui se prolongerait en une nuit chaude d’abord «Senorita XXX», une B-side
la lourdeur du propos et sa longueur et intime. sortie à l’origine au Japon, puis «Amu-
(plus d’une heure !) n’arrangent leto» (uniquement incluse dans la
pas les choses. Pas facile à digérer Eric version numérique de l’album). Ré-
donc mais on salue l’audace de cet sultat : 1h46 de virtuosité musical,
artiste qui fait fi des conventions. de rythmes effrénés et saccadés, et
de petits soli techniques à souhait.
Ted
Ted

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LIVE

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LIVE

ALVVAYS AU TRABENDO

LA DATE ÉTAIT MARQUÉE AU FER ROUGE, LE LUNDI 26 FÉVRIER PASSAIT AU TRABENDO
À PARIS L’UNE DES RÉFÉRENCES MONDIALES ACTUELLES EN MATIÈRE DE POP
RÊVEUSE ET GUILLERETTE, J’AI NOMMÉ ALVVAYS. LES CANADIENS ENCHAÎNAIENT
LEUR DEUXIÈME TOURNÉE EUROPÉENNE DEPUIS LA SORTIE EN SEPTEMBRE DERNIER
DE LEUR SECOND ALBUM, ANTISOCIALITES. ET ON N’A PAS REGRETTÉ D’ÊTRE VENU !

On le savait, la scène est la deuxième maison de la bande des manières. Les Canadiens sont visiblement ravis d’être
de Molly Rankin, et si l’excentrée salle de la capitale ne met là et le communiquent régulièrement avec grand sourire
pas trois plombes à se remplir, les Parisiens (parmi les- à l’audience avec quelques plaisanteries notamment sur
quels un certain nombre d’anglophones et de Québécois) le froid. Une bonne partie du show met l’accent sur une
ont décidé de se bouger les fesses malgré le froid glacial à relative constance rythmique (la poignante et reposante
l’extérieur. Les invités de la soirée sont Spinning Coin, un «Already gone» a-t-elle été volontairement oubliée ?), le
groupe de Glasgow. Sympathique au début puis vite pénible, groupe balançant une série de tubes indie-pop flamboyants
cette sorte de «teenage rock band» est porté par un chant qui vont autant piocher dans le dernier disque («In under-
alterné selon les titres entre les deux guitaristes dont la tow», «Plimsoll punks») que dans le premier («Adult diver-
justesse ne semble pas être un sujet très pris au sérieux. sion», «Next of kin»). Tout est réuni pour une bonne soirée
Musicalement, si l’influence presque naturelle tend vers d’autant plus que les titres prennent une dimension assez
des pointures écossaises du genre tels que Teenage Fan- grandiose en concert grâce à leurs tournures plus pêchus et
club ou The Pastels, on se rend vite à l’évidence que ces dynamiques dans l’ensemble mais également par le biais de
charmants garçons de Spinning Coin n’en n’arrivent même la voix pleine d’aisance et de beauté de la ravissante blonde
pas à leurs chevilles. C’est bien dommage quand on sait le au pull rayé. Molly est assez complice avec son guitariste,
nombre de bonnes découvertes que le public est capable Alec O’Hanley, tandis que le reste de la bande fait preuve
de faire par le biais des premières parties. Et en France, ce d’une timidité confondante en restant concentré sur son
n’est pas ce qui manque en la matière. À bon entendeur. instrument comme la claviériste Kerri MacLellan qui, en plus
d’être toujours aussi mal fagotée, paraît pour le coup tota-
Alvvays arrive sur scène à 21h et lance un «Hey» chaloupé lement shootée à un produit dont on ignore le nom. Notons
histoire de mettre tout le monde dans le bain de la meilleure à cette occasion la bonne performance de Sheridan Riley,

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