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Published by cimiervert, 2021-12-02 03:17:40

ademe transitions2050-rapport-compresse

PRRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE RESSOURCES ET USAGES NON ALIMENTAIRES DE LA BIOMASSE

3.5. Scénario 4 : une
consommation de biomasse
tirée par les usages énergétiques

Ce scénario répond à une logique orientée marchés besoins thermiques. Par ailleurs, la demande en pro-
et pour laquelle la dimension économique pilote les duits bois n’augmente pas fortement en raison de
choix d’articulation des usages. La consommation taux d’introduction des produits bois dans la
de biomasse (toutes valorisations confondues, hors construction et la rénovation des bâtiments modérés.
alimentation) reste élevée et atteint 125,4 MtMS, avec
cependant des disparités selon les ressources ciblées Ainsi, spécifiquement sur les biomasses lignocellu-
et les voies de valorisation permises (Graphique 21). losiques, leur valorisation est largement orientée vers
la filière biocarburants avancés qui s’est développée
HYPOTHÈSES STRUCTURANTES ET ARTICULATION et a atteint un stade de maturité technologique suf-
DES USAGES fisant pour permettre un déploiement industriel de
grande ampleur.

La demande en produits bois (sciage, panneaux et Les biomasses agricoles et végétales sont largement
pâte) reste modérée (Graphique 22) comparativement mobilisées et contribuent à la production de biomé-
à la hausse de la récolte du bois en forêt, hausse qui thane par méthanisation. Comparativement à S3,
résulte d’une dynamisation de la sylviculture et d’un les biomasses agricoles sont plus fortement mobili-
plan de reboisement avec des plantations produc- sées que les biomasses lignocellulosiques. Les cultures
tives (cf. chapitre 2.2.2. Production forestière). dédiées à des usages énergétiques sont très peu
présentes dans ce scénario en raison d’arbitrages
La demande en bois énergie a fortement décru technico-économiques qui ne favorisent pas leur
(- 29 %) en raison de l’électrification des secteurs col- implantation, ainsi que d’une demande moins forte
lectif/industrie et domestique pour répondre à leurs (notamment en bois énergie).

Graphique 21 Répartition massique de la biomasse valorisée par catégorie Graphique 22 Répartition massique des biomasses
de biomasse et par usage non alimentaire en 2050 dans S4 lignocellulosiques par usage en 2050 dans S4

8,5 % 5,6 % 21,5 % 1,8 % 8,7 % 5,6 %
48,3 % 2,3 % 9%
27,9 %

12 % 34 % 11,3 %

125,4 MtMS 125,4 MtMS 45,7 MtMS 2,7 %
5%
53,8 %
9,8 % Produits de sciage 32,4 %
Produits bois (sciage, panneaux, pâte) Panneaux
Végétales Autres produits biosourcés Pâte Combustion
Animales Combustion Autres (BI durable…) Biocarburants
Forêt Méthanisation Pertes et exports
Hors forêt Biocarburants
Autres (déchets, OM, boues, Exports/autres
IAA, issues silos)

OM : ordures ménagères.

601 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE RESSOURCES ET USAGES NON ALIMENTAIRES DE LA BIOMASSE

USAGES ÉNERGÉTIQUES les cultures intermédiaires qui, semées sur l’en-
semble des grandes cultures, représentent la part
Pour les usages énergétiques, les filières méthanisa- d’intrants la plus importante (37 %). Leur taux de
tion et biocarburants représentent la très grande mobilisation est de 25 % avec un rendement moyen
majorité de la consommation de biomasse (~ 260TWh, de 8 tMS/ha atteint grâce à des pratiques permet-
soit plus de 75 % de la biomasse valorisée énergéti- tant raisonnablement la fertilisation minérale et
quement) (Figure 7). Ainsi, la consommation globale l’irrigation en conditions limitantes sur l’étape de
de biomasse, pour une valorisation énergétique, est levée notamment ;
de 336,9 TWh (+ 123% comparativement à la consom-
mation estimée en 2017). les résidus de culture (24 %) qui permettent de va-
loriser les pailles et menues pailles disponibles en
La méthanisation s’est largement déployée au sein tenant compte des contraintes agronomiques de
des exploitations agricoles et de dynamiques terri- restitution au sol, des contraintes techniques et des
toriales collectives. Elle atteint un niveau de consom- autres voies de valorisation (litière notamment) ;
mation de biomasse maximal (148,5 TWh) très large-
ment valorisé via de l’injection dans le réseau gaz. les effluents d’élevage (14 %) avec un cheptel en
Bien qu’encore majoritairement à la ferme, un dé- légère hausse (+ 8 %) et une conduite des élevages
ploiement légèrement plus important des installa- encore majoritairement en bâtiments qui permet
tions centralisées a lieu. Au total, cela contribue à un taux de mobilisation de cette ressource impor-
une production de biométhane de plus de 141 TWh. tant (35 %) ;

Les intrants des unités de méthanisation sont multi- la mobilisation d’autres gisements tels que les sur-
ples et sont, par ordre décroissant (Graphique 23) : plus de prairies (12 %), les coproduits des IAA, les
biodéchets issus de collectes dédiées, les algues…

Figure 7 Consommation de biomasse (TWh) par usage énergétique en 2050 dans S4 Combustion 75,2
Méthanisation 148,4

Collectif/industrie
36,1

Centralisé 50,9 Domestique Cogéné-

À la ferme 93,8 Déchets Biocarburants 113,3 (doDnotmaveastnicqéu)e ration
ménagers STEP 1,28 204,91,1 18,2
2,44

STEP : stations d’épuration des eaux résiduaires.

Graphique 23 Approvisionnement des unités de méthanisation (TWh) en 2050 dans S4
10,8

Cultures intermédiaires 20,6 55,3
Résidus culture (pailles...) 18,7
Cultures dédiées (méthanisation)
Prairies
Effluents d’élevage
Autres (boues, OM, IAA, issues silos)

OM : ordures ménagères. 10
33

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RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE RESSOURCES ET USAGES NON ALIMENTAIRES DE LA BIOMASSE

4. Une mobilisation croissante
de la biomasse dans tous
les scénarios

Selon les scénarios, les différents leviers que sont le donner la priorité à certaines voies de valorisation.
niveau de mobilisation des biomasses, les interactions Le Tableau 5 présente qualitativement les leviers mo-
entre usages matériaux et usages énergétiques, ain- bilisés pour les différents scénarios.
si que les usages énergétiques privilégiés sont action-
nés plus ou moins fortement, ou permettent de

Tableau 5 Leviers mobilisés dans les différents scénarios

TEND S1 S2 S3 S4

Toutes biomasses + ++ ++ ++++ +++
+ +
Consommation Biomasses lignocellulosiques + ++ ++ +++ ++
de biomasse ++ +++
+ ++
Ressources agricoles ++ +++ + +++ +++
++ +
Effort vers usages produits - - +++ ++ +
biosourcés

Méthanisation ++ +++ +++

Valorisation Combustion +++ ++ +
de la biomasse

Biocarburants + +++ +++

Pyrogazéification -+-

4.1. Consommations de biomasse

Pour l’ensemble des scénarios, la consommation de dans les scénarios limitant les prélèvements),
biomasse est très largement supérieure à celle de comme cela est détaillé dans le chapitre 2.4.3. Puits
2017, avec en priorité une mobilisation forte des bio- de carbone (Graphique 24).
masses végétales (et des cultures lignocellulosiques
dans S1, S2 et S3). Hormis pour le scénario tendanciel, Sur les ressources lignocellulosiques, la comparaison
le volume de biomasse mobilisée dépasse les des scénarios permet de mettre en évidence leur
100 MtMS et fait de cette ressource un « pilier » dans forte mobilisation dans S3 (notamment en raison de
tous les scénarios. cultures lignocellulosiques) et d’identifier les usages
privilégiés pour chacun des scénarios : usage biocar-
Les scénarios se différencient également par leur burants important pour S3 et S4 (Graphique 25 et
capacité à augmenter (ou réduire) le puits de carbone Graphique 26).
agricole et forestier (le puits est plus conséquent

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RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE RESSOURCES ET USAGES NON ALIMENTAIRES DE LA BIOMASSE

Graphique 24 Consommation de biomasse tous usages non alimentaires confondus en ktMS dans chaque scénario

120 000

Végétales 100 000
Animales 80 000
Forêt 60 000
Hors forêt 40 000
Cultures 20 000
lignocellulosiques
Autres
(déchets, OM,
boues, IAA,
issues silos)

0

2017 2050 2050 2050 2050 2050
TEND S1 S2 S3 S4
OM : ordures ménagères.

Graphique 25 Consommation de biomasses lignocellulosiques en ktMS par catégorie tous usages confondus

Bois forêt 60 000
Bois hors forêt 50 000
Cultures 40 000
lignocellulosiques 30 000
20 000
10 000

0

2017 2050 2050 2050 2050 2050
TEND S1 S2 S3 S4

Graphique 26 Consommation de biomasses lignocellulosiques en ktMS par usage

60 000

Produits de sciage 50 000
Panneaux 40 000
Pâte 30 000
Autres (BI durable…) 20 000
Combustion 10 000
Biocarburants
Pyrogazéification
Autres
Exports

0

2017 2050 2050 2050 2050 2050
TEND S1 S2 S3 S4

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RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE RESSOURCES ET USAGES NON ALIMENTAIRES DE LA BIOMASSE

4.2. Usages matière

Concernant les usages matière de la biomasse, le de la récolte de bois en forêt dédiée à des usages
Graphique 27 présente un comparatif des scénarios. matière). Ainsi, pour S1 et S2, une part plus élevée
Même si, en valeur absolue, les scénarios sont peu de la récolte de bois, comparativement à S3 et S4,
différenciés avec des volumes de biomasse dédiés permet de maintenir notamment une production
à ces usages assez proches, une forte différenciation de produits de sciage et de panneaux élevée (Ta-
existe d’un scénario à l’autre en valeur relative (part bleau 6).

Graphique 27 Consommation de biomasses par usage en ktMS

Produits de sciage 10 000
Pâte 5 000
Panneaux
Autres produits
biosourcés

0 2050 2050 2050 2050 2050
2017 TEND S1 S2 S3 S4

Tableau 6 Part de la récole de bois en forêt pour des usages produits de sciage et panneaux

2017 TEND 2050 S1 2050 S2 2050 S3 2050 S4 2050
25,3 % 29,4 % 35 % 32,4 % 27,4 % 27,1 %

4.3. Usages énergétiques

Pour les usages énergétiques de la biomasse, les Sur les ressources mobilisées, la multiplication par 2
Graphique 28 et Graphique 29 proposent un compa- depuis 2017 est la résultante d’une diversification forte
ratif des scénarios entre eux selon les familles de sur les biomasses agricoles valorisées (cultures inter-
ressources mobilisées et selon les voies de valori- médiaires, résidus de culture, surplus de prairies, ef-
sation privilégiées. La combustion reste majoritaire fluents). Cette évolution de la ressource mobilisable
pour S1 et S2, tandis que la méthanisation et les est par ailleurs dépendante de l’évolution des besoins
biocarburants deviennent les usages privilégiés alimentaires (cf. chapitre 2.1.4. Alimentation) et donc
pour S3 et S4. de l’espace disponible pour les autres usages.

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Graphique 28 Consommation de biomasses pour un usage énergétique en TWh (par catégorie de biomasse)

Bois forêt 400
Bois hors forêt 300
Cultures lignocellulosiques 200
(TCR, miscanthus...) 100
Cultures intermédiaires
Résidus culture 0
(pailles...)
Cultures dédiées
(biocarburants conv.)
Cultures dédiées
(méthanisation)
Prairies
Effluents d’élevage
Autres (boues, OM,
IAA, issues silos)

2017 2050 2050 2050 2050 2050
TEND S1 S2 S3 S4

OM : ordures ménagères.

Graphique 29 Consommation de biomasses par usage énergétique en TWh

Combustion 400
Méthanisation 300
Biocarburants
Pyrogazéification

200

100

0 2050 2050 2050 2050 2050
2017 TEND S1 S2 S3 S4

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Quel que soit le scénario considéré, la méthanisation pement et de structuration des filières de biocar-
est un pilier pour les usages de la biomasse. Les taux burants conventionnels et avancés, ainsi que la
de mobilisation des différents gisements (végétaux, disponibilité de biomasses pour cet usage. On ob-
animaux, coproduits, algues) et les volumes résultants serve ainsi une filière des biocarburants avancés
permettent un niveau de consommation de bio- largement développée et productrice de carburants
masse élevé (de 89 TWh à 148 TWh). La structure des liquides pour les scénarios TEND, S3 et S4 (S2 éga-
plans d’approvisionnement évolue légèrement d’un lement avec cependant une production limitée en
scénario à l’autre au gré de l’évolution des systèmes raison de la faible disponibilité de biomasses ligno-
agricoles et d’élevage, et de la place admise pour des cellulosiques), tandis que la filière des biocarburants
cultures énergétiques (Graphique 30). conventionnels reste majoritaire pour S1 pour un
niveau de production bien plus restreint (Gra-
Enfin, les usages biocarburants varient fortement phique 31).
d’un scénario à l’autre selon le niveau de dévelop-

Graphique 30 Consommation de biomasses pour un usage en méthanisation en TWh

Cultures intermédiaires 140
Cultures dédiées 120
Prairies 100
Effluents d’élevage 80
Autres (boues, 60
OM, IAA, issues silos)
Résidus culture
(pailles...)

40

20

0 2050 2050 2050 2050 2050
2017 TEND S1 S2 S3 S4

OM : ordures ménagères.

Graphique 31 Consommation de biomasses pour un usage biocarburant en TWh

Betteraves 100
Céréales 80
Maïs 60
Oléagineux 40
Déchets lipidiques 20
Algues
Déchets
bois/liqueur noire
Bois
(forêt/hors forêt)
Cultures
lignocellulosiques
Pailles

0 2050 2050 2050 2050 2050
2017 TEND S1 S2 S3 S4

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5. Le développement de la
biomasse doit être envisagé
en cohérence avec tous les
secteurs concernés

5.1. Des arbitrages à faire
entre usages

L’utilisation de la biomasse pour des usages non ali- En cohérence avec l’évolution des systèmes agricoles
mentaires n’est pas nouvelle. Son usage est, jusqu’à et des pratiques associées, le gisement de biomasses
présent, largement orienté vers la production de agricoles évolue fortement pour un usage qui reste
chaleur pour les secteurs domestique, industriel et majoritairement énergétique et plus précisément
collectif et vers les produits biosourcés (majoritaire- orienté vers la filière méthanisation. Ces ressources
ment produits bois pour la construction et la réno- participent ainsi à un déploiement important des
vation de bâtiments). unités de méthanisation (à la ferme et centralisées
notamment) qui se fait, pour tous les scénarios, en
Pour les scénarios de cette étude, comme pour les parallèle d’une évolution des systèmes de production
scénarios prospectifs publiés par d’autres acteurs agricole. La méthanisation s’insère dans ces systèmes
à des échelles nationales, européennes, voire inter- en fonction des services qu’elle apporte aux agricul-
nationales, la biomasse joue un rôle majeur pour la teurs : valorisation agronomique des digestats, ré-
transition écologique et pour le déploiement de duction de la fertilisation minérale, meilleure auto-
filières de produits biosourcés. Les enjeux pour ce nomie énergétique, diversification des revenus… Il
secteur sont donc d’augmenter significativement s’agit d’intégrer au mieux le développement de la
les volumes de biomasses mobilisées, d’accompa- méthanisation aux systèmes de production agricole.
gner l’articulation de ses usages tout en assurant La consommation de biomasse dédiée à cet usage
une gestion durable des écosystèmes forestiers et varie de 89 TWh dans le scénario tendanciel à 148
agricoles, ainsi qu’une politique de protection de TWh dans S4 qui maximise cette voie de valorisation
la biodiversité. grâce à des ressources potentiellement disponibles.
L’évolution des cheptels, en lien avec l’évolution des
Cette mobilisation accrue se traduit, quel que soit régimes alimentaires, peut fortement affecter les
le scénario considéré, par une consommation de gisements utilisables aussi bien en nombre qu’en
biomasse (hors usages alimentaires) de plus de système de conduite des élevages.
100 MtMS, ce qui représente plus du double de notre
consommation actuelle. L’enjeu est donc de taille Par ailleurs, les gisements de biomasses lignocellulo-
afin d’assurer ce niveau de mobilisation sans pour siques sont la résultante de deux facteurs :
autant déséquilibrer les écosystèmes et les filières
dont sont issues ces biomasses. Ces évolutions po- les stratégies sylvicoles mises en œuvre dans chacun
tentielles ne peuvent se dissocier des changements des scénarios : d’une politique de maintien du ni-
concernant les autres usages de la biomasse et sont veau de récolte de bois dans S1 à une politique
à analyser avec des approches globales. À titre d’intensification avec plans de reboisement (inté-
d’exemple, le potentiel d’espace agricole mobilisable grant des plantations productives) dans S4 (cf. cha-
pour ces usages est dépendant de l’évolution du pitre 2.2.2. Production forestière) ;
système alimentaire de la population et de son em-
preinte sol (cf. chapitre 2.1.4. Alimentation). Par ailleurs, la mise en place de cultures lignocellulosiques sur
le niveau de prélèvement de biomasse a des effets des terrains agricoles libérés (déprise agricole).
sur les puits de carbone. La contribution de la bio-
masse à la lutte contre le changement climatique
doit donc intégrer ces effets dans un bilan global (cf.
chapitre 2.4.3. Puits de carbone).

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RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE RESSOURCES ET USAGES NON ALIMENTAIRES DE LA BIOMASSE

On aboutit par conséquent, selon le niveau d’acti- scénarios est sous-tendue par des dispositifs dédiés
vation de ces facteurs, à une consommation de bio-
masses lignocellulosiques (récolte BO + BI) qui varie (incitatifs, règlementaires…). Ils auront comme objec-
de 30 Mm3 à 42 Mm3 pour les usages matériaux et de
140 TWh dans S1 à 210 TWh dans S3 dans lequel on tif d’augmenter, plus ou moins fortement, les gise-
observe un déploiement important de telles cultures
sur près d’un million d’hectares. ments de biomasse disponibles : mise en œuvre de

En complément de ces actions sur les ressources couverts végétaux en inter-
disponibles et sur la durabilité de la production, la
nécessaire articulation des usages de ces biomasses cultures, développement de Quel que soit le scénario,
pour répondre à nos besoins est questionnée et peut l’agroforesterie, augmentation une priorisation des usages
varier d’un scénario à l’autre. L’enjeu est d’éviter au de la récolte de bois en forêt, de la biomasse est
maximum les risques de concurrence d’usage, qui stratégie de valorisation des
suppose dans tous les scénarios un suivi local et une
gestion de la ressource. déchets bois… nécessaire pour optimiser

La première conclusion est que, malgré un niveau de les services visés au regard
consommation de biomasse largement croissant
comparativement à 2017, celle-ci ne peut contribuer Ces politiques de structura- des ressources disponibles.
simultanément à un déploiement important de l’en- tion de la ressource sont par
semble des filières, ce qui nécessite des arbitrages.
Ainsi, on ne peut imaginer que la biomasse puisse ailleurs indispensables pour
répondre en même temps à un usage bois énergie
croissant et à une filière des biocarburants avancés s’assurer que l’évolution des usages de la biomasse
de grande ampleur dans un seul scénario et ce,
quelles que soient les politiques de développement soit en cohérence avec la préservation des écosys-
agricoles et sylvicoles retenues. Quel que soit le scé-
nario, une priorisation des usages de la biomasse est tèmes, notamment de la biodiversité, et soit par
nécessaire pour optimiser les services visés. On ob-
serve par exemple de S1 à S4 une évolution des ailleurs adaptée aux enjeux d’adaptation au change-
usages des biomasses lignocellulosiques de la com-
bustion vers la production de biocarburants. ment climatique. Dans ce contexte, le renforcement

La seconde conclusion est que, selon le scénario de l’observation des écosystèmes et des pratiques
considéré, la biomasse peut contribuer plus ou moins
à la couverture de nos usages énergétiques. À titre en lien avec l’augmentation des usages de la bio-
d’exemple, pour le gaz, la biomasse contribue, en
produisant du biométhane majoritairement par mé- masse est un enjeu majeur pour garantir la durabili-
thanisation, à couvrir près de la totalité de notre
consommation de gaz dans S1 tandis qu’elle ne té de la ressource.
couvre que la moitié dans S4. Une contribution forte
de la biomasse pour répondre à nos besoins passe Par ailleurs, la complémentarité, l’articulation et la
en priorité par la mise en œuvre d’une politique de lisibilité à court et moyen terme des politiques pu-
sobriété énergétique combinée à des actions d’effi- bliques qui relèvent du champ de l’agriculture, de la
cacité énergétique. sylviculture et de l’énergie sont autant d’éléments
qui conditionneront la réalisation de tel ou tel scé-
5.2. Besoin de politiques publiques nario avec une contribution de l’ensemble des parties
structurantes prenantes au niveau souhaité.

La mise en œuvre de ces scénarios suppose des poli- Enfin, sur les usages énergétiques et dans le cadre
tiques dédiées à la structuration de l’offre biomasse de filières matures (méthanisation, combustion) ou
tant dans le secteur agricole que forestier tout en encore au stade de démonstration (biocarburants
renforçant les critères de durabilité pour ces produc- avancés), leur rentabilité et leur pertinence techni-
tions. Le potentiel de ressource biomasse mobilisable co-économique est tributaire de trois leviers :
est conditionné à des évolutions de pratiques et de
systèmes de production. La réalisation de chacun des une baisse des coûts de production. Que ce soit
pour le gaz ou la chaleur renouvelable, elle est né-
cessaire par des améliorations, innovations tech-
niques et également par une meilleure valorisation
de l’ensemble de leurs produits. Pour les filières les
moins matures, un soutien fort à l’innovation (opé-
rations de démonstration, première unité commer-
ciale) est indispensable ces prochaines années pour
espérer les niveaux de développement projetés à
2050 (notamment pour S3 et S4) ;

l’augmentation à venir du prix du carbone. Il doit
permettre l’accélération de l’utilisation de res-
sources à plus faible empreinte carbone ;

un dispositif de tarif d’achat ou d’aide à l’investis-
sement. Cela permettra de soutenir leur déploie-
ment à large échelle. À ce titre, le niveau (en mon-
tant) et l’orientation (électricité, chaleur, gaz) des
tarifs d’achat auront un effet décisif sur l’avenir de
ces filières.

609 Transition(s) 2050

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LES PRODUITS BIOSOURCÉS : BESOIN DE La mise en place d’un label unique « biosourcé du-
SOUTIEN POUR RELEVER LES DÉFIS TECHNIQUES rable » permettrait de mieux valoriser et faire
ET ÉCONOMIQUES connaître l’offre de ces produits en facilitant la com-
préhension des acheteurs. En s’inspirant de la réussite
Au vu de la faible maturité des procédés et du faible du programme BioPreferred de l’USDA8, il pourrait
taux de pénétration, il a été difficile d’estimer le po- être intéressant de mettre en place une politique
tentiel des produits biosourcés dans l’atteinte de la d’achat public préférentiel des produits biosourcés9.
neutralité carbone. Pourtant, avec l’arrêt du fossile, La teneur minimale de matière biosourcée devra être
les besoins seront probablement importants. Même propre à chaque catégorie de produits et vérifiée
si l’industrie chimique diminue sa demande et aug- par un tiers indépendant suivant une norme. Par
mente le recyclage, l’approvisionnement en biomasse ailleurs, la plus-value environnementale de la solution
sera un verrou majeur de la filière. Il semble primor- biosourcée devra être démontrée.
dial de soutenir la R&D mais aussi le stade démons-
trateur pour aider les nouveaux procédés ou ceux 5.3. Des hypothèses fortement
en cours de développement à être commercialisés. dépendantes de l’évolution
Les procédés en cascade sont à favoriser pour ex- des pratiques
ploiter tout le potentiel de la biomasse dans des
structures de type « raffinerie ». Les compétences Les scénarios présentés dans cette partie sont à
requises pour développer la filière devraient inciter l’équilibre d’un point de vue des ressources valori-
à décloisonner les organismes de recherche spécia- sables (en cohérence avec l’évolution des systèmes
lisés en agronomie, en chimie et sciences du vivant. agricoles et forestiers notamment, et de nos régimes
La plupart des molécules plateformes oléfines (ethy- alimentaires) et des usages permis. Ils partent donc
lène, butadiène, etc.) ont leur version biosourcée d’estimations et d’hypothèses aussi bien sur les gi-
produites de manière industrielle mais les molécules sements disponibles, sur les rendements de conver-
aromatiques restent difficiles à produire à partir de sion, sur le niveau de maturité de filières énergétiques
la biomasse. Des efforts concernant la valorisation que sur les usages liés à l’horizon 2050. Ces estima-
de la lignine semblent indispensables à poursuivre tions sont donc autant d’incertitudes, voire de li-
pour limiter l’usage du pétrole. Par ailleurs, la com- mites, quant à la robustesse des scénarios prospectifs.
position des molécules biosourcées implique globa-
lement des procédés plus coûteux en énergie pour Côté gisement, sur la ressource bois, d’importants
arriver aux mêmes molécules plateformes utilisées efforts de recherche ont permis d’améliorer les
en pétrochimie [22]. La stratégie de substitution des connaissances scientifiques concernant la quantifi-
molécules pétrochimiques existantes doit donc être cation et l’identification des stratégies forestières
couplée à une stratégie d’innovation avec de nou- d’atténuation du changement climatique. Cepen-
velles molécules et de nouveaux procédés. dant, des incertitudes restent encore à lever (cf. cha-
pitre 2.2.2. Production forestière).
Comme pour les filières énergétiques, le surcoût de
production est l’un des verrous le plus communé- Les estimations de bois hors forêt liées à l’agrofores-
ment observé dans toutes les catégories de produits terie ou aux haies bocagères sont conditionnées à
biosourcés. Ce problème est moins prononcé dans la mise en œuvre de ces pratiques agricoles et celles
certaines catégories de produits, comme les cosmé- liées aux déchets, à leur récupération et à leur valo-
tiques et les produits de soins personnels, où les risation.
consommateurs sont disposés à payer un supplé-
ment. Les mesures règlementaires restreignant l’uti- L’incertitude est également liée au gisement en forte
lisation de produits d’origine fossile en exigeant cer- augmentation (comparativement à 2017) des bio-
tains critères de durabilité pourraient créer des masses agricoles. En effet, la production ou mobili-
marchés pour les produits biosourcés. Il existe ac- sation de ces ressources est fonction de facteurs
tuellement, par exemple, des réglementations visant aussi bien agronomiques et climatiques (rendements,
à imposer l’utilisation de produits biodégradables gel, grêle…), techniques (opérations de récolte, tech-
notamment pour les lubrifiants perdus dans l’envi- nologies de valorisation) qu’économiques (valorisation,
ronnement [23]. Toutefois, l’absence de mesures prix de vente), voire même d’évolution des régimes
générales limitant l’utilisation des ressources fossiles alimentaires. Les quantités de cultures intermédiaires
(par exemple, une taxe générale sur le carbone) et résidus de culture (les deux gisements les plus im-
constitue un obstacle majeur pour certaines caté- portants pour un usage en méthanisation) pourraient
gories de produits, empêchant le développement
de leurs versions biosourcées.

8 Département américain de l’Agriculture.
9 La LTECV 2015 prévoit déjà l’augmentation des produits biosourcés par les achats publics.

610 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE RESSOURCES ET USAGES NON ALIMENTAIRES DE LA BIOMASSE

ainsi varier à cet horizon. La sensibilisation, la mobili- Comme pour les usages énergétiques, l’approvision-
sation, voire l’intéressement des acteurs du monde nement en biomasse est un élément clé pour les
agricole représentent des enjeux majeurs pour la dis- produits biosourcés. Il n’a pas été considéré, dans
ponibilité de ces ressources. Ils portent par consé- ce travail, de biomasse propre pour les produits
quent une certaine part d’incertitude. biosourcés (hors usage dans le bâtiment) mais seu-
lement en coproduits lors de la production des
Soulignons enfin que l’impact du changement cli- biocarburants. Il serait nécessaire d’identifier les
matique sur les écosystèmes forestier et agricole gisements de biomasses disponibles pour pouvoir
ajoute de l’incertitude aux estimations du potentiel mieux anticiper les besoins futurs de l’industrie.
de biomasse mobilisable à l’horizon 2050. L’impact Ainsi, fin 2021, une étude10 visant à cartographier
réel des sécheresses et des maladies de ces dernières les flux de biomasse dans les principales filières de
années sur les forêts est encore difficile à évaluer. Les production de biomolécules a débuté. L’objectif
stratégies d’adaptation mises en œuvre pour la pré- est d’obtenir une description quantitative et qua-
servation de ces écosystèmes seront déterminantes litative des flux de biomasse (matières premières
sur l’évolution de la biomasse réellement mobilisable. agricoles et leurs coproduits) issus des grandes
cultures du territoire métropolitain. Cette étude
Du point de vue des usages, certains scénarios pla- devrait pouvoir éclairer sur la faisabilité de nouveaux
nifient l’atteinte d’une maturité technico-écono- projets de mobilisation de biomasse et évaluer les
mique suffisante pour des filières encore peu matures concurrences/complémentarités d’usages.
(biocarburants avancés, pyrogazéification pour in-
jection de méthane) à l’heure actuelle. L’atteinte de
cet objectif à moyen ou long terme pourra également
conditionner leur niveau de déploiement à l’horizon
2050.

LES PRODUITS BIOSOURCÉS : UN POTENTIEL
ENCORE À APPRÉHENDER

Au vu des incertitudes sur les différentes filières bio-
sourcées, il n’y a pas eu d’hypothèses prises dans les
différents scénarios sur un développement majeur
de ces produits en substitution aux produits fossiles.
Les principales hypothèses ont été prises sur le bioé-
thanol et le bionaphtalène pour la modélisation
parmi toutes les molécules plateformes possibles de
la chimie biosourcée (acide succinique, acide lac-
tique, etc.). Ainsi, la totalité du potentiel des produits
biosourcés n’a pas été modélisée ni le développe-
ment des bioraffineries fonctionnant sur le principe
de l’utilisation en cascade de la biomasse. Ces nou-
velles unités permettraient d’exploiter au maximum
le potentiel de celle-ci via la production de molécules
pour la chimie et des molécules énergétiques à par-
tir d’une même biomasse et d’améliorer les impacts
environnementaux de la filière.

10 FranceAgriMer est à l’initiative de cette étude de cartographie des gisements de biomasses disponibles. Par contre, la sylviculture
et la biomasse marine sont hors du périmètre de l’étude.

611 Transition(s) 2050

PRRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE RESSOURCES ET USAGES NON ALIMENTAIRES DE LA BIOMASSE

6. Références bibliographiques

Pour revenir à la page contenant la première occurrence du renvoi bibliographique au sein du chapitre, cliquez sur le numéro concerné entre crochets.

[1] RESEDA, Gisements et valorisations des coproduits des indus- [14] Marie Lesueur, Charline Comparini, La filière des algues dans
tries agroalimentaires, 2017. le monde, en Europe, en France. Synthèse de résultats, Cellule
études et transfert, Agrocampus Ouest, 2015, 4 pages,
[2] RE2020, Éco-construire pour le confort de tous, 2021 (https:// ffhal-01343425.
www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2021.02.18_DP_RE2020_
EcoConstruire_0.pdf). [15] Agreste, Recensement de la culture d’algues et de cyanobac-
téries, 2018.
[3] DGEC, Synthèse du scénario de référence de la stratégie fran-
çaise pour l’énergie et le climat, 2020. [16] Avis ADEME sur la valorisation du CO2 : https://librairie.ademe.
fr/dechets-economie-circulaire/1331-filieres-de-valorisation-
[4] Agreste, Indicateurs de gestion durable 2020, 2019. du-co2-État-de-l-art-et-avis-d-experts-les.html.

[5] ADEME, Solagro, Biomasse Normandie, BVA, Étude sur le chauf- [17] Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le
fage domestique au bois : marchés et approvisionnement, gaspillage et à l’économie circulaire (Loi AGEC).
2018.
[18] Directive (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil
[6] FCBA/ADEME, Évaluation du gisement de déchets de bois et du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains
son positionnement dans la filière bois/bois énergie, 2015. produits en plastique sur l’environnement.

[7] Sylvain Marsac et al., ELBA : un outil de référence pour l’éva- [19] European Commission, EU Biorefinery outlook to 2030: Stud-
luation de ressource en biomasse agricole en France, ADEME, ies on support to research and innovation policy in the area
2018. of bio-based products and services, 2021.

[8] ONRB, Évaluation des ressources agricoles et agroalimentaires [20] Nova-Institute, BIC, European Bioeconomy in Figures 2008-

disponibles en France, 2020. 2017, 2020.

[9] James Gaffey et al., Understanding Consumer Perspectives of [21] IGN/FCBA/ADEME, Disponibilités forestières pour l’énergie et
Bio-Based Products. A Comparative Case Study from Ireland les matériaux à l’horizon 2035, 2016.
and The Netherlands, Sustainability 2021, 13, 6062. (10.3390/
su13116062), 2021. [22] Kerstin Iffland et al., Definition, Calculation and Comparison
of the ’Biomass Utilization Efficiency (BUE)’ of Various Bio-based
[10] ALCIMED pour ADEME/AGRICE, Marché actuel des bioproduits Chemicals, Polymers and Fuels. Nova paper# 8 on bio-based
énergétiques et industriels et évolutions prévisibles à 2015/2030, economy, 2015.
2006.
[23] 2005/360/CE de la Commission européenne, du 26 avril 2005,
[11] ALCIMED pour ADEME, Marchés actuels des produits biosour- établissant les critères écologiques et les exigences associées
cés et évolutions à horizons 2020 et 2030, 2015. en matière d’évaluation et de vérification pour l’attribution
du label écologique communautaire aux lubrifiants.
[12] https://www.ecologie.gouv.fr/biocarburants.

[13] FRD/IAR, Panorama des marchés « Fibres végétales techniques
en matériaux (hors bois) en France », 2020.

612 Transition(s) 2050

04 RESSOURCES
ET PUITS DE CARBONE

3. Puits de carbone

1. Les écosystèmes 5. Enseignements 7. Références
mondiaux : des stocks pour le secteur et bibliographiques
et des puits de carbone propositions de
essentiels pour le climat politiques et mesures 642

614 638 8. Annexe : évolution
des principales
2. Description 6. Limites des scénarios, variables du secteur
de l’état actuel autres possibles,
perspectives pour 644
619 les futurs travaux

3. Méthode et outils 640
de quantification
des scénarios

628

4. Stratégie pour
le secteur selon
chaque scénario

632

613 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

1. Les écosystèmes mondiaux :
des stocks et des puits de carbone
essentiels pour le climat

QUELQUES DÉFINITIONS PRÉLIMINAIRES [1] [2]

Réservoir de carbone : tout système ayant la capa- Puits de carbone : un réservoir donné peut être un
cité d’accumuler ou de libérer du carbone comme puits de carbone atmosphérique et ce, durant un
par exemple la biomasse forestière, les produits du certain laps de temps quand il absorbe plus de car-
bois, les sols, l’atmosphère. bone qu’il n’en libère. Un écosystème est considéré
comme un puits lorsque son stock de carbone aug-
Stocks de carbone : quantité absolue de carbone mente, c’est-à-dire lorsqu’il séquestre du carbone.
que contient un réservoir de carbone à un moment
donné. Les stocks sont généralement exprimés en Source : réduction des stocks de carbone dans un
tonnes de carbone (tC). réservoir résultant en l’émission de gaz à effet de
serre vers l’atmosphère.
Flux de carbone : taux d’échange de carbone entre
différents réservoirs (par exemple entre l’atmosphère Séquestration de carbone : captation et maintien
et la biosphère), exprimé en unité de masse par uni- de carbone en dehors de l’atmosphère (cf. « puits de
té de surface et unité de temps. Les flux de carbone carbone »).
liés aux variations de stocks entre les écosystèmes
et l’atmosphère sont généralement exprimés en Neutralité carbone : la neutralité carbone est atteinte
tCO2/an. Une variation annuelle de stock de 1 tC quand les émissions de CO2 anthropiques sont équi-
correspond à un flux de 3,667 tCO2/an. Les émissions librées par des puits de carbone anthropiques équi-
associées aux variations de stocks peuvent intégrer valents, à l’échelle globale et sur une période de
d’autres gaz à effet de serre que le CO2 (ex. : N2O lié temps définie.
à l’azote contenu dans la matière organique), on ex-
prime alors les flux en tCO2 équivalentes (CO2eq),
en tenant compte du pouvoir de réchauffement
global (PRG) des différents gaz.

614 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

La séquestration de carbone est la captation et le restation, mise en cultures de zones humides) et la
maintien de carbone (C) en dehors de l’atmosphère1. dégradation des écosystèmes. Malgré leur rôle de
À l’échelle du globe et sur la période 2009-2018, les puits, ce sont ainsi 4,9 GtC/an (environ 18 GtCO2/an)
écosystèmes, notamment les forêts et les océans, qui se sont accumulées dans l’atmosphère. En paral-
ont séquestré en moyenne 5,7 GtC/an (environ lèle d’une réduction drastique des émissions, le main-
21 GtCO2/an), soit près de 60 % des émissions de CO2 tien, voire l’accroissement de cette séquestration, y
liées à la combustion des ressources énergétiques compris par des moyens technologiques, est l’une
fossiles (Figure 1). Néanmoins, ils ont été également des mesures indispensables pour atteindre la neu-
sources de 1,5 GtC/an (environ 5,5 GtCO2/an) à cause tralité carbone.
des changements d’affectation des sols (ex. : défo-

Figure 1 Stocks et flux de carbone dans le monde entre 2009 et 2018 en Gt de carbone par an

1,5 - 3,2 Atmosphère
(0,8-2,2) (2,6-3,8)
+ 4,9
9,5 860
(9-10)
120 - 2,5 Carbone
Gaz Végétation (1,9-3,1) inorganique
385-1 135 450-650
Pétrole 90 dissous
175-265 Sols 38 000
Charbon 1 500-2 400
445-540 Permafrost

1 700

Émissions fossiles (GtC/an) Émissions liées au changement d’utilisation des sols

Séquestration dans la végétation et les sols (GtC/an) Séquestration dans les océans (GtC/an)

+ Augmentation dans l’atmosphère (GtC/an) Stocks (GtC) Échanges avec l’atmosphère (GtC/an)

Source : [3].

Plusieurs approches sont possibles : combustion. En général, on ne considère que la ré-
sultante, c’est-à-dire le bilan net entre ces flux, qu’il
LA SÉQUESTRATION DANS LES ÉCOSYSTÈMES soit une séquestration ou une émission.
TERRESTRES
À l’échelle mondiale, la biomasse végétale (principa-
Les écosystèmes terrestres stockent du carbone sous lement les arbres) et les sols (y compris les tourbières)
forme de matières organiques (ex. : bois, matières représentent des stocks de carbone organique 3 à
organiques en décomposition dans les sols). Ces ma- 4 fois plus importants que celui de l’atmosphère. Les
tières organiques sont issues de la captation par les écosystèmes terrestres constituent déjà un puits de
végétaux du CO2 de l’atmosphère via la photosyn- carbone en séquestrant annuellement environ
thèse (environ 120 GtC/an au niveau mondial). Cette 3,2 milliards de tonnes de carbone (i.e. 11,7 milliards
captation est contrebalancée par un flux inverse du de tonnes de CO2). Dans le même temps, le change-
même ordre de grandeur, principalement lié à la ment d’usage des sols génère un flux annuel d’émis-
respiration des végétaux (respiration autotrophe) et sion vers l’atmosphère d’environ 1,5 milliard de tonnes
à la décomposition des matières organiques par les de carbone (i.e. 5,5 milliards de tonnes de CO2). Le
micro-organismes et les animaux (respiration hété- bilan est une séquestration annuelle de 1,7 milliard
rotrophe) mais également à la combustion. Le car- de tonnes de carbone (i.e. 6,2 milliards de tonnes de
bone stocké dans les écosystèmes terrestres et son CO2). La préservation des stocks et des puits existants
évolution résulte donc de l’équilibre entre les entrées et, dans certains cas, leur restauration sont donc un
par photosynthèse et les sorties par respiration ou enjeu prioritaire.

1 EFESE, 2018.

615 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

Par ailleurs, une part importante de ces milieux est tration atmosphérique. Une très faible fraction est
exploitée pour l’agriculture et la sylviculture. Des captée par le phytoplancton, transférée en profon-
modes de gestion permettant d’accroître les stocks deur par sédimentation et isolée de l’atmosphère
(et donc de séquestrer du carbone) sont déjà bien pour une longue échelle de temps. Néanmoins, ce
connus : couverture végétale des sols agricoles, af- processus joue un rôle important dans le maintien
forestation et agroforesteries (y compris haies), par des stocks de carbone océanique. On estime ainsi
exemple. Ils présentent des potentiels importants que sans cette pompe dite « biologique », l’accrois-
(Graphique 1) et sont généralement accompagnés de sement des concentrations de CO2 dans les eaux de
nombreux cobénéfices pour l’environnement (amé- surface se traduirait par une augmentation du CO2
lioration de la fertilité des sols, biodiversité, adapta- atmosphérique massive, de l’ordre de 100 à 200 ppm.
tion au changement climatique…), à condition que Les écosystèmes côtiers, quant à eux, présentent des
la disponibilité en eau soit suffisante pour permettre conditions de salinité, productivité, etc. qui favo-
la croissance des végétaux et que les impacts sur la risent localement la séquestration de carbone (ex. :
biodiversité soient bien pris en compte. Leurs prin- mangroves, herbiers), avec des valeurs de stocks à
cipales limites sont de devoir être mis en œuvre sur l’hectare importante comparables ou supérieures à
de grandes surfaces, que l’accroissement des stocks celles des forêts.
est limité dans le temps (de l’échelle de la décennie
à celle du siècle) et que les modes de gestion doivent En France, les écosystèmes marins sont principale-
être maintenus, y compris après la stabilisation des ment localisés en outre-mer, la France possédant le
stocks, pour ne pas réémettre le carbone séquestré. deuxième domaine maritime mondial. En l’état des
Par ailleurs, stocks et puits de carbone sont directe- connaissances actuelles, les écosystèmes côtiers sé-
ment liés au niveau de prélèvement de la biomasse. questreraient l’équivalent de moins de 1 % des émis-
Un accroissement des prélèvements, notamment sions annuelles françaises actuelles [4]. Dans le cadre
dans le cadre d’un développement de la bioécono- de cet exercice prospectif, aucun levier d’accroisse-
mie, pourra avoir un effet dépressif sur les stocks ou ment de la séquestration dans les milieux marins et
les puits actuels. littoraux n’a pu être pris en compte en l’absence de
références nationales. Ces éléments mettent néan-
Enfin, comme les écosystèmes sont sensibles aux moins en avant l’enjeu de la préservation et de la
évolutions climatiques, l’atteinte des objectifs cli- restauration des écosystèmes marins et de leur bio-
matiques est essentielle pour pérenniser le stockage diversité.
et limiter les risques de rétroactions sur le climat en
cas de « relargage » des stocks existants. Les stratégies LA SÉQUESTRATION PAR DES TECHNOLOGIES
favorisant la résilience des écosystèmes et permet- DE CAPTAGE ET DE STOCKAGE GÉOLOGIQUE
tant de maintenir les stocks constituent ainsi égale-
ment une stratégie de lutte contre le changement La séquestration du CO2 peut être réalisée par des
climatique. technologies de captage et de stockage (CCS2) dans
des formations géologiques comme des aquifères
LA SÉQUESTRATION DANS LES ÉCOSYSTÈMES salins, des réservoirs épuisés de gaz ou par carbona-
MARINS tation des roches ultrabasiques telles que les basaltes.
Cela requiert cependant la mise en place de techno-
Les écosystèmes marins, baptisés carbone bleu, dé- logies de captage sur les sources de CO2, de transport
signent à la fois des écosystèmes marins côtiers par- et d’injection dans le sous-sol pour séparer physique-
ticuliers (mangroves, herbiers, marais côtiers, etc.) ment le CO2 de l’atmosphère. Ces technologies
et les écosystèmes marins du large [4]. Dans ces éco- peuvent viser à capter les émissions liées à la combus-
systèmes, le carbone est présent sous diverses tion d’énergies fossiles (CCS), celles issues de biomasse
formes : très majoritairement sous forme de carbone pour la production d’énergie (bioenergy with carbon
inorganique dissous (38 000 GtC) mais également, capture and storage [BECCS]) ou directement le CO2
pour quelques milliards de tonnes de carbone, sous présent dans l’atmosphère (direct air carbon capture
forme de carbone organique (biomasse vivante, par- and storage [DACCS]). Le CCS est aujourd’hui techni-
ticules ou composés dissous). quement opérationnel avec des réalisations à l’échelle
industrielle à travers le monde. Néanmoins, les tech-
Les océans représentent, avec les écosystèmes ter- nologies CCS nécessitent pour être efficaces d’être
restres, un des principaux puits de carbone au niveau associées à des installations industrielles de grandes
mondial avec une valeur de 2,5 GtC/an (soit tailles telles que cimenteries ou centrales thermiques.
9,2 GtCO2/an). Ce puits de carbone s’explique prin- Pour le BECCS, des adaptations sont nécessaires pour
cipalement par la solubilisation du CO2 dans les eaux la partie captage mais cette technologie est aussi
de surface induite par l’augmentation de la concen- considérée comme mature. Comme pour le CCS, des

2 Carbon capture and storage en anglais.

616 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

optimisations sur la consommation énergétique sont Pour les matériaux biosourcés, le stockage sera d’au-
indispensables pour améliorer les performances du tant plus important que la durée de vie des matériaux
BECCS. Pour le DACCS, la maturité est plus faible car sera longue. Augmenter la durée de vie des produits
son développement est plus récent. Quelques pilotes biosourcés favorise donc la séquestration de car-
sont en cours de démonstration notamment aux États- bone. Néanmoins, dans le cas d’une production
Unis et en Islande. accrue des matériaux biosourcés, il faut veiller à ce
que les émissions ou réductions de séquestration de
Le déploiement à grande échelle du BECCS peut cau- carbone liées à l’augmentation des prélèvements de
ser des risques environnementaux et de concurrence biomasse soient limitées et que la production des
importants avec la production alimentaire [5] car cette biomasses nécessaires n’entre pas en concurrence
technologie requiert des centrales de production avec d’autres ressources pour l’usage des sols. À vo-
d’électricité de taille importante (>100MW) et donc lume de production de biomasse constant, des me-
une consommation importante de biomasse dont les sures concernant l’optimisation de l’utilisation des
usages sont déjà nombreux (cf. chapitre 2.4.2. Ressources biomasses sont à mettre en place : prioriser les usages
et usages non alimentaires de la biomasse). Par ailleurs, le à longue durée de vie, améliorer les rendements ma-
bilan GES de son développement doit tenir compte tières, augmenter la durée de vie, favoriser le recy-
de son impact sur la séquestration de carbone dans clage (cf. chapitre 2.4.2. Ressources et usages non alimen-
les écosystèmes. À noter qu’en France, la mise en place taires de la biomasse).
de BECCS est difficilement conciliable avec celle de
chaufferies bois de petite taille telles que celles actuel- Un autre moyen de stocker le CO2 dans les matériaux
lement déployées sur le territoire. Quant à la techno- est la minéralisation (réaction du CO2 avec des mi-
logie DACCS, elle est limitée en raison de sa consom- néraux). Il est possible de produire des matériaux
mation énergétique très élevée, laquelle implique minéraux comme du calcaire ou d’autres composés
l’utilisation d’une grande quantité d’énergie renouve- via la réaction du CO2 avec les roches adéquates
lable pour éviter l’émission de CO2 liée à la combustion (basiques ou ultrabasiques comme l’olivine) ou à
d’énergie fossile. Dans tous les cas, l’injection du CO2 partir de déchets. Dans le cas de l’utilisation de dé-
nécessite un contexte géologique adapté, même si le chets du BTP, il est possible de recycler des matériaux
CO2 capté peut être transporté. de déconstruction via la carbonatation minérale. De
nouvelles formules de bétons peuvent être conçues
LA SÉQUESTRATION DANS LES MATÉRIAUX à partir d’agrégats et de CO2, conduisant ainsi à une
séquestration du CO2. Les bénéfices liés à ces nou-
Celle-ci peut se faire dans les matériaux biosourcés veaux matériaux sont encore à évaluer. Le CO2 cap-
comme le bois ou d’autres matériaux conçus pour té y est néanmoins stocké de manière permanente.
stocker du CO2 par minéralisation. Actuellement, ces procédés sont en cours de déve-
loppement avec un niveau de maturité encore faible.

617 Transition(s) 2050

PRRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

LA SÉQUESTRATION PAR L’APPORT production), les bénéfices pour la séquestration de
D’AMENDEMENTS DANS LES SOLS (BIOCHARS carbone et la fertilité des sols sont à préciser selon
OU SILICATES) les types de biochars, les types de sols et les sys-
tèmes de cultures ciblés, tout comme les gisements
Les biochars correspondent à la partie solide résul- potentiels pour chaque biomasse envisagée. L’ap-
tant de la pyrolyse partielle de biomasses, qui pour- port de silicates (issus de déchets ou de roches na-
rait résulter du déploiement de technologie comme turelles comme les basaltes) finement broyés est
la pyrogazéification. Ils sont riches en carbone et également envisagé pour stocker du carbone (lors
présentent une stabilité fortement accrue par rap- de l’altération des silicates) et gérer le pH des sols.
port aux matières organiques non pyrolysées. Des Les bénéfices et impacts des apports de silicates
potentiels de stockage de plusieurs centaines de sont encore peu caractérisés à ce jour.
millions de tonnes de carbone par an sont mis en
avant à l’échelle du globe si l’on réoriente de nom- L’ensemble des leviers peut théoriquement être ac-
breuses biomasses vers cette voie [6]. Ils sont éga- tivé en parallèle, comme l’illustrent les différents
lement promus pour leurs bénéfices sur la fertilité scénarios proposés par le GIEC dans son rapport sur
des sols, en particulier en sols tropicaux, et la ré- l’objectif 1,5 °C (Graphique 1). Néanmoins, certains
duction des émissions de N2O. Néanmoins, la ques- antagonismes doivent être considérés entre ces ap-
tion se pose du meilleur usage de la biomasse entre proches. Notamment, entre l’usage accru des bio-
stockage de carbone dans les biochars, production masses (produits bois, BECCS, biochar) et la sé-
d’énergie par exemple via pyrogazéification com- questration dans les écosystèmes (niveau de stockage
plète et retour au sol des matières organiques di- par ha, surfaces disponibles). L’augmentation de la
rectement ou après compostage ou méthanisation. production et de la récolte de la biomasse pourrait
Bien que cette technologie soit prometteuse et aussi générer des impacts négatifs sur la biodiversité
plutôt simple à mettre en œuvre (TRL 7-9 pour la et la qualité des sols.

Graphique 1 Coûts et potentiels minimum et maximum estimés des leviers de séquestration du carbone

300

DACCS

Coûts (USD/tCO2) 200 Altération
renforcée
BECCS

100 Séquestration
de carbone
Biochar dans les sols

Afforestation et reforestation

0
1234 5

Potentiels (GtCO2/an)

N.B. : ce graphique, issu des travaux du GIEC, présente les potentiels à l’horizon 2050 à l’échelle globale et les coûts à la tonne de CO2 pour les
approches DACCS, BECCS, altération des minéraux, biochars, afforestation et reboisement des forêts dégradées et séquestration de carbone
dans les sols agricoles. Les potentiels sont importants pour toutes ces approches mais les coûts sont généralement plus faibles pour les approches
basées sur la séquestration dans les écosystèmes et sur les biochars (< 100 USD la tonne de CO2).

Source : traduit de [6].

618 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

2. Description de l’état actuel

2.1. La séquestration dans
les écosystèmes terrestres :
déjà en cours et des potentiels
d’accroissement

En France métropolitaine, on estime que les écosys- et les 30 premiers centimètres de sol, auxquelles on
tèmes terrestres stockent 4 à 5 milliards de tonnes peut ajouter environ 2 milliards de tonnes de carbone
de carbone (~ 14,5 à 18,5 GtCO2) dans la biomasse (~ 7,5 GtCO2) en Guyane (Figure 2 et Figure 3).

Figure 2 Carte des stocks de carbone dans les 30 premiers cm de sol de la France hexagonale

Estimation moyenne Estimation haute
Stock de C
Tonnes/ha 0 100 200 km
0 100 200 km
0-2
2-5
5-10
10-15
15-20
20-25
25-40
40-50
50-75
75-100
100-120
120-150
150-175
175-200

Estimation basse

0 50 100 200 km

N.B. : les stocks les plus importants se retrouvent dans les régions de montagne, forestières et d’élevage. Les stocks les plus faibles
dans les régions de grandes cultures, de vignes et méditerranéennes.

Source : [7].

Figure 3 Carte des stocks de carbone dans la biomasse forestière

Les stocks de carbone de la biomasse forestière 36 41 203
L’inventaire forestier national réalisé par l’Institut 43
national de l’information géographique et forestière 187
(IGN) mesure les stocks de carbone de la biomasse. 25 239
En 2015, la biomasse forestière (vivante et morte) 31 91
abritait 1 381 millions de tonnes de carbone 68
à l’échelle de la Métropole. Le stock total 210
de chaque région dépend de la surface
totale des forêts et de son stock moyen 174
par hectare.

Stock moyen à 34
l’hectare en tC/ha

> 100
90-100
80-90
50-80
< 50

Stock total de la
région en MtC

Source : [8].

619 Transition(s) 2050

PRRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

Les écosystèmes terrestres français constituent déjà kage de carbone liées à des changements d’usages
un puits de carbone très significatif que l’EFESE es- des terres (Figure 4). Il s’agit majoritairement de l’ur-
time en Métropole à près de 20 % des émissions fran- banisation, notamment via l’imperméabilisation des
çaises de 2015, soit environ 90 millions de tonnes sols et le déboisement, et de la réduction des surfaces
CO2eq/an [4]. Seule une partie est considérée comme en prairies permanentes au profit des cultures. Les
anthropique et comptabilisée dans les inventaires flux de CO2 et leur évolution depuis 1990, tels que
d’émissions de la France produits par le CITEPA calculés dans l’inventaire national, sont présentés
(~ 60 millions de tonnes CO2eq en 20153 (Graphique 2). en Graphique 2.
Ils sont également sources d’émissions par déstoc-

Graphique 2 Répartition des flux annuels de CO2eq du secteur de l'UTCATF en France (Métropole et Outre-mer)Millions de tonnes de CO2 équivalent

60

40

Zones artificialisées

20

Terres cultivées

0

- 20

Forêts

- 40

- 60 Prairies

- 80 Produits bois

- 100

Note de lecture : les forêts constituent un puits d’environ 49,5 MtCO2eq en 2018, alors que les terres cultivées et l’artificialisation ont contribué
à émettre environ 30 MtCO2eq en 2018. Le bilan net « séquestration – émission » est de - 30,7 MtCO2eq. Il est important de noter que nous
estimons dans la présente étude un puits actuel supérieur à celui de l’inventaire car nous intégrons des estimations de puits de carbone dans
les sols forestiers et les bois morts [9] [10] qui ne sont pas prises en compte dans l’inventaire.
Source : [11].
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018

Figure 4 Effet du changement d'affectation des terres sur les stocks de carbone organique dans les sols et la biomasse

ém3d1isa2entssCdlOau2bf/ahioiatmdéamessliaseedesitmàucinnauumtsiaeoxndimeduelams pstdeorecte3k2sd9deatcCnasOrbl2e/oshnaseols

5 tC/ha 16 tC/ha 1,8 dtCaOns2/hleas/asnolsséqsuuresletrsées 27 tC/ha * 86 tC/ha *
20 premières années

P

Variable ~ 34 tC/ha ~ 46 tC/ha ~ 52 tC/ha ~ 58 tC/ha ~ 85 tC/ha ~ 90 tC/ha** ~ 125 tC/ha

Sol artificialisé Vignes Vergers Cultures Agroforesteries Prairies Forêts Zone humide
imperméabilisé permanentes

Biomasse Carbone du sol ! Stocks de carbone et flux moyens, variables selon les conditions pédoclimatiques et les pratiques
de gestion (pour le passage des stocks, en tC, aux flux en tCO2).

* Variable selon si herbacé, arbustif ou arboré.
** Intégrant le carbone du sol et la litière.

Source : [8].

3 https://www.citepa.org/wp-content/uploads/2.7-UTCATF_2020.pdf.

620 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

2.1.1. Les milieux forestiers : préserver, gérer mène existe aussi dans le cas de la production de
durablement et favoriser la résilience biocarburants (huile de palme…). Les surfaces de sols
affectées par les importations agricoles françaises
Les forêts de Métropole, en croissance à la fois en représentent environ 12 millions d’hectares en 2013
superficie et en volume, sont un puits de carbone [14], soit plus que la surface de la forêt guyanaise (8
depuis plusieurs décennies. Les estimations sont millions d’hectares). La déforestation, couplée à la
néanmoins variables, notamment selon le périmètre dégradation des zones boisées de bordure, a une
considéré. D’après [4], elles séquestreraient près de conséquence directe sur la capacité des forêts tro-
87 millions de tonnes de CO2 en 2015 en incluant le picales à stocker du carbone. Une étude publiée en
sol, les bois morts et la biomasse vivante. Pour cette avril 2021 [15] indique par exemple que la partie bré-
étude, nous avons utilisé les valeurs du puits de silienne de la forêt amazonienne émet aujourd’hui
l’inventaire CITEPA pour la biomasse vivante davantage de carbone qu’elle n’en séquestre. De
(49,5 MtCO2 en 2018), auquel nous avons additionné fait, l’évolution des régimes pourra avoir un impact
un puits dans les sols et dans le bois mort issu de la sur cette empreinte sol et sur la capacité de ces terres
littérature scientifique. Nous recalculons ainsi un à stocker ou déstocker du carbone.
puits de carbone de 61,2 MtCO2 en 2018 pour le
même périmètre que [4]. 2.1.2. Les milieux agricoles : développer
la séquestration de carbone dans le cadre
En Outre-mer, le principal massif forestier est la de la transition agroécologique
Guyane. La forêt guyanaise représente des stocks de
carbone très importants, estimés entre 2 et 2,6 mil- En France, les terres cultivées émettraient de l’ordre
liards de tonnes de carbone [12]. Leur préservation de quelques millions de tonnes de CO2eq par an par
constitue donc un enjeu important alors même que déstockage de carbone ou seraient proches de la
la déforestation est la principale source d’émissions stabilité de leurs stocks selon les estimations [10]. Les
de GES du territoire [13]. Il est considéré que ces fo- pertes de stocks seraient principalement situées
rêts sont arrivées à leur capacité maximale de stoc- dans les régions où l’élevage est en déclin, en lien
kage de carbone et donc leur puits semble s’être avec le recul des surfaces en prairies. Les plaines his-
interrompu. toriquement céréalières auraient des stocks stables,
voire légèrement en hausse avec l’augmentation des
D’après [9], le puits forestier tend à diminuer sur les rendements et l’évolution de certaines pratiques :
années récentes (depuis 2008) en lien avec une maintien des résidus de culture au sol, développe-
hausse de la récolte de bois. En effet, la plupart des ment des cultures intermédiaires pièges à nitrates
travaux sur le sujet montrent que l’augmentation (CIPAN) en zones vulnérables de la directive Nitrates.
des prélèvements de bois a un effet dépressif sur le Les prairies permanentes représenteraient un léger
puits forestier (cf. chapitre 2.2.2. Production forestière). puits, estimé entre 1 et 7 millions de tonnes de CO2eq
Cette tendance doit encore être confirmée avec la par an, selon les sources de données.
poursuite de l’inventaire forestier national mis en
œuvre par l’IGN. Il apparaît également que les évé- On estime aujourd’hui que le potentiel de séquestra-
nements climatiques extrêmes récents tels que les tion additionnelle est d’environ 50 MtCO2/an à l’ho-
tempêtes et les dépérissements observés dans cer- rizon 2050, sans revenir sur la spécialisation des bas-
taines zones forestières ont eu un impact significa- sins de production. Les pratiques à plus fort potentiel
tif sur le puits forestier à l’échelle de la France. Ces sont l’agroforesterie intraparcellaire, les couverts
signaux posent la question de leur impact sur la végétaux en interculture et l’allongement des prairies
séquestration à plus long terme, dans la mesure où temporaires. Cette séquestration de carbone s’ac-
des épisodes extrêmes plus fréquents et plus in- compagnerait de cobénéfices sur la qualité des sols
tenses sont prévus. Ils interrogent aussi sur les modes (augmentation des teneurs en matières organiques,
de gestion à mettre en place pour adapter les forêts couverture des sols en hiver) et sur la biodiversité
et favoriser leur résilience face aux impacts du chan- (ex. : renforcement de la présence d’arbres en bord
gement climatique. et au sein des parcelles agricoles).
Un redéploiement de la polyculture-élevage à
Il est à noter que nos modes de consommation, no- l’échelle nationale pourrait éventuellement per-
tamment nos régimes alimentaires, ont un impact mettre d’aller plus loin via l’extension des prairies et
significatif sur les écosystèmes forestiers hors de nos du bocage, sans que cela ait été chiffré. Cependant,
frontières. C’est le cas en particulier à l’international ce redéploiement doit rester cohérent avec la dis-
en zone tropicale, du fait de phénomènes de défo- ponibilité en eau et la réduction du cheptel bovin,
restation et du changement d’affection des sols pour en lien avec la réduction de la consommation de
la production de denrées à destination de l’alimen- viande, un des enjeux majeurs pour la réduction des
tation humaine (fruits exotiques, thé, café, cacao, émissions de gaz du système alimentaire.
huiles…) et animale (tourteau de soja…). Ce phéno-

621 Transition(s) 2050

PRRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

2.1.3. Les milieux humides : préserver des sols pour l’habitation, la voirie, les industries, les
des écosystèmes à haut niveau de stocks entrepôts de stockage (ces éléments seront abordés
de carbone et de services dans un feuilleton spécifique sur l’usage des terres
et la qualité des sols). L’imperméabilisation des sols
Outre leur importance pour la biodiversité et le cycle est la menace la plus dommageable, car elle s’ac-
de l’eau, ces milieux accumulent localement des compagne généralement d’une perte des stocks de
quantités très importantes de carbone. À titre carbone présents dans les premiers horizons de sol
d’exemple, [4] propose un stock moyen de 876 tC/ et empêche le développement d’un puits de car-
ha pour une tourbière de Métropole, soit environ bone. Par exemple, [18] ont mesuré sur la ville de
10 fois plus important que celui observé en moyenne Nantes des stocks de carbone 5 fois plus faibles en
dans les 30 premiers cm de sol d’une prairie perma- sols scellés qu’en sols d’espace verts, auxquels il fau-
nente de Métropole. Certains milieux humides et drait ajouter les stocks de carbone des arbres en ville.
aquatiques continentaux peuvent également consti- La réduction de l’imperméabilisation des sols, le dé-
tuer un puits de carbone élevé. Néanmoins, du fait veloppement et l’amélioration des pratiques de
de la faiblesse des surfaces couvertes, ils séquestrent gestion des espaces verts et la végétalisation des
actuellement moins de 4 MtCO2/an. Ils sont en recul bâtiments sont également des enjeux pour l’adap-
depuis de nombreuses années [16]. L’enjeu est donc tation des villes au changement climatique (rafraî-
de les préserver et de les restaurer. chissement). Ils peuvent se transformer en puits de
carbone le cas échéant.

2.1.4. Les milieux urbains : limiter 2.2. La séquestration par
l’imperméabilisation et végétaliser captage et stockage (BECCS
pour la séquestration et l’adaptation et DACCS), des technologies
énergivores
Les milieux urbains abritent des espaces verts (parcs,
jardins et espaces en herbe aux abords des bâti- Le Captage et Stockage géologique du CO2 (CCS) a
ments), qui constituent un réservoir de carbone. été développé comme solution de réduction d’émis-
Celui-ci est encore mal connu. Les premières évalua- sions de CO2 des sources fortement émettrices, telles
tions sont récentes et mettent en évidence des stocks que les centrales électriques à base fossile ou les
de carbone pouvant être comparables à ceux des industries lourdes. Le CCS consiste en l’assemblage
milieux ruraux [17]. À l’échelle nationale, ces stocks de plusieurs briques technologiques qui forment une
restent néanmoins quantitativement faibles par rap- chaîne (Figure 5) destinée à séparer le CO2 des fumées
port à ceux présents dans les milieux naturels et agri- et le stocker dans le sous-sol (à plus de 1 000 m de
coles au regard des surfaces concernées. Depuis profondeur) [19].
plusieurs décennies, les espaces verts comme les
espaces agricoles et naturels périurbains sont mena-
cés par le développement de l’imperméabilisation

Figure 5 Chaîne CCS : captage, transport et stockage géologique du CO2

1 Captage

Arrivée du Par bateau
combustible
CO2 CO2 1 Le cdaepsttaegcehdnuolCoOgie2 ssudredseéspfaurmatéioens
via
pCaarpptarégecodmubCuOst2ion 2 Transport CO2 CO2

Par pipeline CO Stockage (absorption...)
2 tampon
Par pipeline
pCaarpptaogsetcdoumCbOus2tion CO Tête de puits CO 2 2 Le transport du CO2
ou par oxycombustion 2 d’injection 3 Le stockage géologique

Veines de charbon CO 2 CO2 CO (dépendant de la formation
non exploitées 2 géologique et de la profondeur)
Gisement de
pétrole ou
de gaz en fin
d’exploitation

Aquifères salins profonds

3 Stockage

622 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

Actuellement, dans le monde, plus d’une vingtaine du cadrage du scénario. Ainsi le scénario avec la part
de projets CCS à large échelle (minimum 800 ktCO2/ la plus importante de puits technologiques a recours
an stockées) sont en cours d’opération avec une pré- essentiellement au BECCS. En effet, la mise en place
dominance des États-Unis. Cela représente environ de CCS sur des centrales de production d’électricité
250 MtCO2 stockés dans le monde depuis le début à partir de biomasse est la voie privilégiée. Actuelle-
de la mise en œuvre du CCS au milieu des années ment, il n’existe que cinq unités de BECCS dans le
1990. Des unités industrielles ont été installées es- monde, dont quatre unités de production de bioé-
sentiellement sur des sites d’exploitation gazière thanol avec captage de CO2. Le site de Decatur dans
(extraction et réinjection du CO2 contenu dans les l’Illinois aux États-Unis, qui produit du bioéthanol à
gisements de gaz) et des centrales électriques (char- partir de la fermentation de maïs, capte et stocke le
bon ou gaz). Une première mondiale a été mise en CO2 dans un réservoir géologique [20]. Les trois autres
opération en 2016 sur un site sidérurgique par Emi- sites utilisent le CO2 pour faire de la récupération
rates Steel. Le CCS peut conduire en général à une assistée d’hydrocarbures [21].
réduction des émissions de CO2 de l’émetteur entre
60 % à 80 %. Le volume de CO2 stocké ne correspond Au niveau français, il n’y a aucune unité BECCS en
pas au volume de réduction de CO2, car le CCS est fonctionnement. Au niveau international, il existe
une technologie énergivore qui implique de consi- des velléités de convertir des centrales charbon en
dérer les émissions liées à la technologie elle-même. centrales biomasse, ce que fait actuellement la com-
La technologie CCS est traitée plus en détails dans pagnie DRAX au Royaume-Uni. La partie CCS est
le chapitre 2.2.3. Production industrielle, avec notam- prévue dans un second temps. En France, la conver-
ment l’inclusion du CCS dans certains scénarios sion des centrales charbon à la biomasse reste très
pour la réduction des émissions de certains secteurs controversée, tout comme le stockage géologique
industriels. de CO2. Sans prendre en compte l’opposition socié-
tale face au stockage géologique de CO2, les deux
Le CCS peut permettre également de réduire les unités identifiées actuellement en France, Gardanne
émissions de CO2 liées à l’utilisation de la biomasse et Cordemais, n’ont pas de site de stockage géolo-
dans un procédé (combustible ou matière première), gique à proximité pour réaliser du CCS.
que ce soit pour de la production d’électricité, de
chaleur, de biocarburants ou d’hydrogène. Pour rap- L’INDUSTRIE
pel, la biomasse capte le CO2 pour sa croissance et
sa combustion conduit à la réémission de ce CO2 Pour accompagner la décarbonation de l’industrie,
dans l’atmosphère. En ajoutant du CCS à l’unité fonc- une des stratégies est de convertir des chaudières
tionnant avec de la biomasse, ce CO2 biogénique est fioul à la biomasse. En général cela concerne de pe-
séparé physiquement de l’atmosphère en étant stoc- tites unités de 20 à 75 MW, ce qui représente de
ké dans le sous-sol. Cette technologie est considérée faibles volumes de CO2 et rendrait donc la mise en
comme un puits technologique car elle réduit les place de BECCS complexe, notamment en raison du
émissions biogéniques. Les unités à même de mettre coût des infrastructures à déployer. Il pourrait être
en place le CCS et utiliser de la biomasse sont donc envisagé de développer du BECCS en France en op-
les principales cibles pour la mise en place de BECCS : timisant la synergie entre les sites industriels qui
pourraient remplacer des ressources fossiles par une
l’industrie, comme la sidérurgie et les cimenteries partie en biomasse et la mise en place d’unités de
si de la biomasse est utilisée en substitution à du captage pour de gros volumes (plus de 100 ktCO2/
combustible fossile car premières cibles du CCS ; an). Les principaux secteurs concernés sont ceux
avec des « émissions difficilement évitables » : l’acier,
les unités de bioraffineries (ex.: production de bioé- le ciment, les produits chimiques et le verre. À noter
thanol) ; que les unités industrielles utilisant déjà de la bio-
masse comme les papeteries pourraient aussi mettre
les unités de production d’électricité et/ou de cha- en œuvre du CCS sans augmenter la pression sur la
leur. biomasse (il reste toutefois la question de l’approvi-
sionnement en énergie du système de captage).
Néanmoins, il est nécessaire de considérer les béné-
fices potentiels du BECCS avec précaution. Le BECCS Le secteur de la sidérurgie dispose de peu de retours
permet de réduire les émissions biogéniques mais il d’expériences sur le BECCS mais des expérimenta-
ne s’agit pas forcément d’émissions négatives car il tions ont été réalisées séparément sur la bio-
faut considérer le cycle du carbone dans son en- masse-énergie et le CCS. Le remplacement partiel
semble (impact sur le puits forestier par exemple) du charbon par de la biomasse (charbon de bois)
pour évaluer le gain réel en termes de GES. dans un haut fourneau a été mis en place au Brésil
avec l’évaluation de l’impact sur la déforestation [22].
Les différents scénarios proposés par le GIEC dans Des unités de captage à hauteur de 1 MtCO2/an ont
son rapport sur l’objectif 1,5 °C font appel aux puits été mises en place sur des unités sidérurgiques aux
technologiques de manière différenciée en fonction

623 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

Émirats arabes unis et en Chine. Les coûts estimés plus les coûts (CAPEX et OPEX) seront faibles. Or,
pour la mise en place de BECCS sur des hauts four- seulement la moitié des chaudières, soit une quin-
neaux européens sont autour de 122-244 EUR/tCO24 zaine environ, ont une puissance supérieure à 50 MW.
et sont dépendants des sites [23]. La combinaison En fonction de leur localisation, ces chaudières pour-
de l’utilisation de la biomasse avec le CCS nécessite raient être éligibles au CCS et donc conduire à du
de réaliser des évaluations environnementales sur BECCS. Les chaudières concernées sont celles de
l’ensemble de la chaîne pour déterminer si le BECCS l’industrie ou pour du chauffage collectif urbain.
est un moyen de réduction d’émissions de CO2 ou
un puits technologique, car le besoin additionnel de Les bioraffineries utilisant de la biomasse pour de la
biomasse n’est pas neutre sur le puits carbone natu- production de biocarburant conduisent à de la ré-
rel [24] [25]. émission de CO2 biogénique au cours du procédé
Dans le cas des cimenteries, le calcium looping5 (une partie seulement, l’autre partie étant réémise
semble la plus prometteuse des technologies de lors de la combustion du biocarburant dans les mo-
captage étudiées [26] [27] [28]. Le charbon est sou- teurs). Les bioraffineries sont donc des candidates
vent l’énergie utilisée pour couvrir la demande en potentielles pour la mise en place de CCS si des
chaleur du système de calcium looping, car c’est le sites géologiques sont proches ou d’un hub CO2
combustible le plus utilisé dans l’industrie cimentière. permettant de le transporter. Les concentrations
Il serait possible d’utiliser de la biomasse pour maxi- en CO2 des unités de bioraffineries sont variables
miser la réduction des émissions de CO2. en fonction des procédés et vont donc entraîner
un coût différent de captage. Par exemple, la fer-
LES UNITÉS DE TRAITEMENT DE DÉCHETS mentation éthanoïque produit un flux gazeux d’une
très grande pureté (99 %) ce qui conduit à un coût
Il est également possible de mettre en place du CCS relativement bas du captage de CO2 (environ
sur des unités de traitement de déchets, secteur 22 EUR/tCO2 évités, cf. note de bas de page 4) [30]
hors industrie. Récemment, la Commission euro- [31].
péenne a décidé d’inclure les émissions des usines
d’incinération d’ordures ménagères (UIOM) dans le Actuellement, en France, il n’existe aucun projet de
système d’échange de quotas d’émissions de l’UE puits de carbone technologique (BECCS) sur des
(SEQE-UE) [29]. Cette annonce a fait accélérer les unités de bioraffineries. Mais il existe des projets de
projets R&D sur le CCS. Malgré de nombreuses an- récupération de CO2 sur des unités de production
nées de recherche sur le sujet dans ce secteur, au- de bioéthanol. Le CO2 capté est ensuite vendu sur
cune réalisation à l’échelle industrielle n’a été mise le marché du CO2 pour une utilisation directe (indus-
en place. La mise en place de CCS sur des UIOM trie agroalimentaire, serres...). Il ne s’agit pas d’un
pourrait permettre de réduire des émissions diffi- puits de carbone technologique en soi, mais poten-
cilement évitables et de séquestrer du CO2 biogé- tiellement l’usage de ce CO2 biogénique peut
nique. En effet, 60 % des émissions du secteur sont conduire à des réductions d’émissions de CO2 pour
considérées d’origine biogénique. Toutefois, l’im- le secteur concerné. Cette réduction doit être confir-
pact est à relativiser : les UIOM étant généralement mée via une évaluation environnementale sur l’en-
considérées comme de petits émetteurs sous le semble du périmètre (émetteur de CO2 et utilisateur
seuil des 100 ktCO2/an, seule une partie d’entre elles de CO2). Pour les unités de biocarburants 2G6, il
pourrait être éligible au CCS. n’existe pas encore d’unité industrielle mais il est
envisageable de mettre en place du CCS, cela dé-
pendra de la localisation des futurs sites.

LES UNITÉS UTILISANT DE LA BIOMASSE Il serait aussi possible de capter le CO2 sur les unités
de pyrogazéification. Dans ce travail de prospective,
Concernant les unités de biomasse-énergie, la pos- il a été estimé que certaines futures unités de pyro-
sibilité d’implanter du CCS sur des chaudières pro- gazéification pourraient représenter un gisement
duisant de la vapeur à partir de biomasse dépend intéressant avec un volume de 10 à 70 ktCO2/an pour
de leur taille et de leur localisation. En effet, la mise des unités moyenne à importante en fonction des
en place de CCS implique qu’elles soient à proximi- scénarios. Pour les unités de méthanisation, le flux
té d’un site de stockage géologique de CO2 ou d’un de CO2 en sortie est concentré, voire quasi pur après
hub CO2 permettant de le transporter. De plus, la la séparation du biométhane, ce qui représente un
taille de la chaudière a un impact sur le design du avantage en termes de coût de captage (coût beau-
système de captage : plus la puissance sera élevée coup plus réduit). Il serait possible de mettre en place

4 Taux de change à 0,87 EUR pour 1 USD en novembre 2021.
5 Le calcium looping est une technologie de captage utilisant un système de boucle chimique pour séparer le CO2 des fumées.

La boucle chimique consiste en un oxydant (en général un oxyde métallique) qui réagit avec le CO2, puis la réaction d’oxydation
permet de régénérer à nouveau l’oxyde tout en libérant le CO2.
6 Les biocarburants 2G sont obtenus à partir de la voie de gazéification de la biomasse (procédé B-t-L) (cf. chapitre 2.3.4 Carburants
liquides).

624 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

du CCS sur des unités de méthanisation mais un génique pourra être captée et stockée. La Figure 6
volume important d’émissions de CO2 (supérieur à récapitule les volumes de CO2 qui peuvent être ré-
20 ktCO2/an) serait nécessaire pour en justifier la cupérés entre les différentes filières de la bio-
mise en place. Or, en général les unités de méthani- masse-énergie. En fonction du procédé de transfor-
sation sont de petite taille (volume d’émission de mation de la biomasse, seule une fraction du carbone
CO2 inférieur à 5 ktCO2/an) ce qui exclut la mise en est incluse dans le produit final et le reste est réémis
place de CCS pour les considérer comme une source dans l’atmosphère. Parmi le CO2 réémis, une part
de puits de carbone ou de manière marginale en peut être captée et une autre partie est réémise. La
fonction du scénario. Toutefois, le CO2 issu de la mé- figure décrit la part de CO2 qui pourrait être captée
thanisation représente une source de carbone inté- pour chaque procédé [32] :
ressante (peu coûteuse et distribuée sur tout le ter-
ritoire) qui peut être utilisée directement comme production d’électricité à partir de la biomasse
matière première pour la synthèse de produits : avec CCS (Biopower-CCS) ;
électro-carburants fabriqués à partir d’hydrogène
électrolytique et de CO2, produits chimiques ou ma- production d’hydrogène via la biomasse avec CCS
tériaux (cf. chapitres 2.3.1. Mix gaz, 2.3.4. Carburants (H2-CCS) ;
liquides et 2.3.5. Hydrogène). Ces procédés sont réunis
sous le terme de valorisation du CO27. production de bioéthanol avec CCS (EtOH-CCS) ;

Les différents procédés de transformation de la bio- production de biocarburants 2G avec CCS (FTL-CCS
masse conduisent à des volumes d’émissions de CO2 et FTL-CCS+ si tout le CO2 est capté).
différents et à des fumées de CO2 avec des concen-
trations variées. Seule une partie de ce carbone bio-

Figure 6 Balance carbone de certaines voies de biocarburants/bioénergies en considérant un input biomasse 100 C

EtOH-CCS 37,1 37,1 Carbone émis
CE-CCS+ 41,9 dans l’atmosphère
21
7,1 41,9 Carbone dans
19 19 le produit final

73,9 30,6
30,6
FTL-CCS 15,5
FTL-CCS+ 30,6 21
53,9
H2-CCS 73,9
H2-CCS+ 3,1
30,6 53,9
66,4 66,4

10,1 89,9 Carbone captable

89,9 96,5

3,5

96,5

Biopower-CCS 10 90
90

Source : [32].

7 Avis ADEME sur la valorisation du CO2 : https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/1331-filieres-de-valorisation-du-
co2-État-de-l-art-et-avis-d-experts-les.html.

625 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

PUITS TECHNOLOGIQUE PUR : COUPLAGE de la pertinence de son développement et de son
DU CAPTAGE DIRECT DE L’AIR (DIRECT AIR impact sur le système électrique [36]. En effet, plu-
CAPTURE) AVEC LE STOCKAGE GÉOLOGIQUE sieurs analyses poussées ont montré que les besoins
en énergie et en matériaux des DACCS sont irréalistes
Une autre technologie pourrait conduire à des ni- dans le cas d’une absorption massive du CO2 (de 5
veaux importants de séquestration de carbone : le Gt à 30 Gt de CO2), y compris lorsque les technolo-
captage du CO2 atmosphérique pour le stocker dans gies les plus prometteuses sont utilisées [37]. L’effi-
le sous-sol (DACCS en anglais). Cette technologie cacité en termes de CO2 réellement éliminé varie de
consiste en un procédé chimique pour capter le CO2 97 % à 9 % en fonction de l’empreinte carbone de
de l’air, le concentrer et l’injecter dans un réservoir l’énergie utilisée [38].
géologique pour le stocker. Le CO2 est capté en met-
tant de l’air en contact avec des bases liquides ou Plusieurs compagnies développent des solutions
solides pour le lier chimiquement, puis il est relargué DAC basées sur deux principes : absorption liquide
en chauffant le système [19]. Cette dernière étape, ou adsorption solide (Figure 7).
très consommatrice en énergie, nécessite de l’éner-
gie décarbonée pour maximiser l’effet puits de car- Les rares démonstrateurs de cette technologie se si-
bone de la technologie [33] [34]. tuent essentiellement aux États-Unis et au Canada.
Parmi les initiatives en cours, à citer le pilote de
Cette technologie est encore au stade de dévelop- 4 000 tCO2/an mis en place par Climeworks en Islande
pement. Il s’agit d’une technologie très énergivore pour le capter et le stocker dans le sous-sol basaltique
et consommatrice de ressources [35]. D’un point de sous forme de minéral [39], l’objectif étant de démon-
vue énergétique, les chiffres annoncés varient de trer la synergie entre le DAC et le stockage in situ mi-
2,8 à 1,5 MWh/tCO2 capté à comparer à 0,38 MWh/t néral [40]. Cette expérimentation servira à la montée
CO2 capté pour des fumées de centrale électrique en échelle d’une future unité de 100ktCO2/an. La France
gaz8. La consommation d’eau est de 90 m3 pour ne compte encore aucun développement sur le DAC
1 tonne de Ceq soustraite9 et l’occupation des sols et ses promoteurs n’envisagent pas encore son déploie-
est de 100 m2 pour 1 ktCO2 capté par an pour les ment à large échelle à court terme.
chiffres les plus bas annoncés. Cela pose la question

Figure 7 Liste des compagnies développant des technologies DAC

Entreprises

Type Solution Sorbant solide Sorbant solide
acqueuse HT BT (AHA) BT (ATA)

Entreprise Carbon Engineering Climeworks Global thermostat Antecy Hydrocell Infinitree Skytree*
(localisation) (Canada) (Suisse) (États-Unis) (Pays-Bas) (Finlande) (États-Unis) (Pays-Bas)

Température 900 °C 100 °C 85-95 °C 80-100 °C 70-80 °C Hydratation Hydratation
de régénération à 80-90 °C

* Absorption électrostatique et désorption par hydratation.
Abréviations : HT : haute température, LT : basse température, AHA : adsorption par humidité alternée, ATA : adsorption par température alternée.

Source : [34].

8 Il s’agit d’une des sources d’émissions avec l’une des plus faibles concentrations de CO2, 5 % de concentration (se référer à l’avis
ADEME technique CCS pour plus de détails).

9 Pour une technologie de captage aux amines.

626 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

2.3. Les matériaux : un puits encore
marginal

L’inventaire national des émissions de gaz à effet ce projet, l’objectif est d’augmenter le taux d’incor-
de serre évalue uniquement le puits de carbone poration dans le béton. Les travaux ont estimé un
dans les produits bois [11]. Actuellement, l’usage potentiel de 1 MtCO2/an sur la base d’un taux de
des autres produits biosourcés ou autres matériaux recarbonatation de 50 kgCO2/t de granulats et un
séquestrant du CO2 est marginal. Ils ne sont pas gisement annuel de 20 Mt de granulats de béton
considérés dans l’inventaire national des émissions recyclé [43]. Cette consommation de CO2 doit être
de gaz à effet de serre. mise au regard des émissions du secteur cimentier,
qui représentent plus de 10 MtCO2/an en France. Le
Au niveau national, le puits de carbone dans les pro- secteur du traitement des déchets étudie également
duits bois est estimé à moins de 1 MtCO2 en 2018. l’application de la carbonatation du CO2 pour trai-
Par ailleurs, il tend à diminuer depuis 1990. La durée ter les déchets dangereux. Les matériaux fabriqués
de vie de ces produits bois pouvant être relativement à partir de la carbonatation des déchets peuvent
longue – de 50 à 100 ans selon les structures –, le être réutilisés pour des usages assez limités (ex. :
développement des produits bois pourrait constituer remblais de route) mais ils n’ont pas vocation à être
un élément intéressant dans le développement du utilisés comme des matériaux de construction.
« puits de carbone » au niveau national. Néanmoins, Comme pour les CO2-bétons, la part du CO2 dans
la tendance est actuellement à la réduction de la les agrégats est très faible. Le premier intérêt de la
durée de vie des produits bois, ce qui pourrait ame- démarche est de neutraliser les résidus fortement
ner ce réservoir à devenir une source de carbone. alcalins en abaissant leur pH.
Par ailleurs, la gestion de la fin de vie est primordiale,
car son impact est important. Si le bois en fin de vie 2.4. Les biochars : des produits
est réutilisé ou valorisé à des fins énergétiques, il peut et marchés à caractériser
encore contribuer à réduire les émissions du secteur,
mais une mauvaise gestion de cette fin de vie peut L’usage des biochars est très peu développé en
annuler le gain précédent [41]. France, notamment en agriculture qui pourrait être
le principal débouché permettant de séquestrer du
Dans un contexte de développement de la valorisa- carbone de manière significative. Même s’il existe
tion du CO2, des travaux sont en cours pour l’utiliser potentiellement une grande diversité de biochars,
dans la production de matériaux tels que du béton. les gisements et les effets sur les cultures sont encore
Ce procédé permet de stocker du CO2 de manière mal caractérisés, de même que leur stabilité sur le
permanente tout en offrant de nouveaux produits. long terme. Actuellement, aucune réglementation
Même s’il peut être considéré comme un puits de claire n’encadre leur utilisation, que ce soit en termes
carbone, la capacité à séquestrer le CO2 est très li- de contexte, de quantité ou de qualité avérée (po-
mitée, 2-3 % de la masse finale du produit dans le cas tentiel agronomique, stockage de carbone…). Malgré
de ces nouveaux bétons. Son potentiel en termes tout, certains produits commerciaux commencent
de séquestration de carbone est donc très faible. De à être diffusés sur le marché. En France, un seul pro-
plus, c’est la demande du marché qui va orienter la duit a été autorisé pour une période spécifique de
production de ces nouveaux produits et non le be- test de 10 ans, avec nécessité de fournir des résultats
soin en séquestration. complémentaires concernant l’efficacité au champ
et la toxicité, dans le contexte de la rétention de
La carbonatation du CO2 permet aussi de stabiliser l’eau (n° d’AMM 6150003 délivré en 2015). Des évo-
et améliorer les propriétés des déchets du BTP qui lutions règlementaires sont en cours, en particulier
peuvent être utilisés comme minéral à carbonater. dans le cadre du règlement (CE) n° 2003/2003 sur les
En France, le projet FastCarb [42] consiste à déve- matières fertilisantes, pour lequel la Commission
lopper, à l’échelle commerciale, des procédés de européenne a lancé une consultation publique10 re-
carbonatation accélérée de granulats de béton lative à l’inclusion d’une catégorie de matière consti-
recyclé. Le but est d’améliorer la qualité des granu- tutive dédiée pour les cendres, le biochar et la stru-
lats pour une plus forte réutilisation dans le marché vite. Cette consultation permettra de valider
du bâtiment. Actuellement, la norme limite la quan- l’inclusion de ces matières dans le Règlement Ferti-
tité de granulats issus de déchets de démolition qui lisant et devrait aboutir à une révision du règle-
peuvent être introduits dans de nouveaux bétons ment 2003/2003 courant 2022.
entre 0 et 60 % selon le type de granulat recyclé et
la classe d’exposition du béton. Dans le cadre de

10 https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12136-Fertilisants-matieres-issues-de-la-pyrolyse-et-de-
la-gazeification_fr.

627 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

3. Méthode et outils de
quantification des scénarios

Dans les scénarios ADEME, sont considérés deux POUR LES ÉCOSYSTÈMES FORESTIERS
types de puits :
Les premiers effets du changement climatique sont
les puits dits « naturels » intégrant l’impact des observés depuis quelques années, avec l’augmenta-
changements d’affectation des sols, des pratiques tion des épisodes de sécheresse, de tempêtes et de
agricoles et de la gestion forestière sur les stocks crises sanitaires (ex. : scolytes) qui impactent forte-
de carbone dans les sols et la biomasse (végétaux, ment les peuplements forestiers. Ces crises, dont on
produits bois…) ; attend des occurrences plus fréquentes dans les
décennies à venir, affectent fortement les services
les puits dits «technologiques» liés aux technologies rendus par les forêts et tout particulièrement la sé-
de captage et de stockage géologique de carbone questration de carbone et la production de bois. La
(BECCS, DACCS). mise en place de stratégies d’adaptation permettant
d’augmenter la résilience des écosystèmes est donc
Aucun levier anthropique d’accroissement du puits d’ores et déjà indispensable. Néanmoins, les diffé-
dans les milieux marins et littoraux n’a pu être pris rentes stratégies envisagées font l’objet de débats.
en compte en l’absence de références nationales. Dans cet exercice, nous avons tenu compte de l’im-
pact du changement climatique en nous appuyant
Les matériaux à base de minéraux pouvant séquestrer sur les scénarios réalisés par [9] pour des évolutions
le CO2 (hors produits bois), les produits biosourcés climatiques RCP 8.5. L’effet du scénario climatique
et les amendements (biochars, silicates) n’ont pas RCP 8.5 peut se résumer par un ralentissement gé-
été inclus en raison du manque de données et néralisé de la croissance et une forte accentuation
d’études permettant d’évaluer leur potentiel au ni- de la mortalité, limitant ainsi le puits de carbone à
veau français. l’horizon 2050 sans l’annuler. Les modélisations ne
tiennent pas compte d’une augmentation de l’oc-
Selon les scénarios, les évolutions des stocks de car- currence et/ou de l’intensité d’aléas biotiques (in-
bone dans les différents réservoirs et les niveaux de sectes et pathogènes) et abiotiques (sécheresse, gel,
puits dépendent largement des choix de l’usage des tempête, feu), qui pourraient également limiter l’ac-
terres, de l’intensité des prélèvements de biomasse cumulation de carbone dans les écosystèmes fores-
et des usages de ces biomasses : maintien dans les tiers [9]. Par ailleurs, le modèle utilisé n’intègre pas
milieux et retour au sol, alimentation humaine et l’effet de la densité d’arbres sur l’accroissement bio-
animale, matériaux, énergie, captage et stockage logique (i.e. densité-dépendance), ce qui irait égale-
technologique du CO2. ment dans le sens d’une surestimation du puits.
L’utilisation du RCP 8.5, aujourd’hui considéré comme
L’importance relative des différents puits, en parti- improbable car supposant un redéveloppement des
culier «naturels» et BECCS, dans les scénarios dépend énergies fossiles (y compris charbon), permet de li-
donc étroitement des hypothèses émises sur les miter les risques de surestimation du puits.
besoins de biomasses alimentaires et non alimen-
taires. Pour les sols forestiers, il n’existe pas de projections
considérées comme fiables pour la France, d’autant
3.1. Prise en compte de l’effet plus qu’aucun modèle de dynamique du carbone
du changement climatique n’est validé [44]. Dans le cadre de cet exercice, nous
n’avons pas considéré d’impact significatif du chan-
Les principaux puits estimés dans le cadre de l’exer- gement climatique pour la séquestration du carbone
cice sont liés à la forêt, à l’agriculture et aux techno- dans les sols forestiers pour les quatre scénarios.
logies de captage et de stockage géologique. Ce sont
donc les effets potentiels du changement climatique
sur ces puits qui sont ici discutés.

628 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

POUR LES ÉCOSYSTÈMES AGRICOLES importantes que pour les cultures. Des simulations
réalisées à l’échelle nationale avec le modèle PASIM,
À l’horizon 2050, les impacts du changement clima- développé par l’INRAE, indiqueraient que l’effet du
tique sur les stocks de carbone dans les sols agricoles changement climatique serait faible pour un réchauf-
sont également difficiles à estimer. En effet, ils fement modéré (RCP 4.5 à l’horizon 2060) mais que
concernent à la fois la production de biomasse, donc le puits tendrait à se réduire pour un réchauffement
les entrées de carbone dans le sol et la vitesse de plus important (RCP 8.5) [46], sans néanmoins re-
minéralisation de la matière organique du sol, donc mettre en cause l’importance des stocks de carbone
les sorties de carbone [45]. De façon générale, l’aug- qu’ils représentent.
mentation de la concentration en CO2 de l’atmos-
phère aurait un effet bénéfique sur la production de Dans le cadre de cet exercice, nous n’avons pas consi-
biomasse, mais la diminution des précipitations dans déré d’impact significatif du changement climatique
certaines régions limiterait la production sauf en cas pour la séquestration du carbone dans les sols dans
d’irrigation possible. Dans le même temps, il faut les quatre scénarios. Dans le scénario tendanciel, un
considérer les effets combinés de la température et développement de l’irrigation permet un stockage
de l’humidité sur la minéralisation de la matière or- additionnel lié aux pratiques agricoles.
ganique du sol. Une moindre humidité du sol ralen-
tirait la minéralisation de la matière organique mais POUR LES TECHNOLOGIES DE CAPTAGE
l’augmentation de la température aurait l’effet in- ET STOCKAGE GÉOLOGIQUE
verse. Des approches de modélisation sont généra-
lement utilisées pour analyser ces effets aux échelles Le BECCS dépend fortement de la disponibilité de
régionales et nationales. la biomasse pour une utilisation dans le secteur de
l’énergie (biomasse énergie, biogaz ou biocarbu-
En agriculture, l’impact du changement climatique rants). Tout ce qui a été dit précédemment sur l’im-
questionne la pérennité du stockage de carbone lié pact du changement climatique sur les productions
à la mise en œuvre de certaines pratiques agricoles, agricoles et les systèmes forestiers est donc aussi
en particulier les couverts et cultures intermédiaires. valable pour le BECCS qui dépend du développe-
Pour la France métropolitaine, [45] ont analysé par ment de la biomasse comme ressource. La partie
modélisation l’effet du scénario RCP 8.5 (période CCS est peu sensible au changement climatique
2030-2060) sur les potentiels de séquestration de car il s’agit d’une technologie faisant appel au sous-
carbone associé aux principales pratiques culturales sol ou à des équipements technologiques. Les
favorables au stockage de carbone. Le climat modi- contraintes portent essentiellement sur les res-
fié ne remet pas en cause les ordres de grandeur du sources (ex. : disponibilité en eau).
stockage évalué en climat récent. Cet effet modéré
du changement climatique dans un futur proche s’ex- Le DACCS est une technologie dont la mise en œuvre
plique par la compensation partielle au niveau natio- est essentiellement dépendante de la disponibilité
nal entre les effets sur la production de biomasse et des ressources et de l’énergie, donc peu sensible au
ceux sur la minéralisation. À l’échelle régionale, des changement climatique.
écarts apparaissent cependant: la minéralisation s’ac-
centue sur une large moitié est et diminue dans un Dans le cadre de cet exercice, il n’a pas été considé-
gros quart nord-ouest, les entrées de carbone dimi- ré d’impact significatif du changement climatique
nuent dans les zones maïsicoles car le maïs est plus sur ces technologies dans les scénarios étudiés.
affecté que les autres cultures par la diminution de la
ressource en eau. C’est d’ailleurs un point critique car 3.2. Approche quantitative
la quantité d’eau d’irrigation est doublée: les cultures de la séquestration dans
irriguées reçoivent en moyenne 167 mm dans un cli- les scénarios
mat modifié, contre 82 mm dans le climat actuel. Les
auteurs concluent que le maintien de rendements Les approches utilisées pour quantifier les scénarios
constants impliquera de réfléchir à irriguer moins in- sur les puits de carbone « naturels » sont les suivantes
tensément mais sur une plus grande surface ou à (Tableau 1) :
mettre en place des pratiques et des rotations limitant
les besoins en eau. En climat changeant, l’accroisse- pour les forêts restant forêts11 :
ment et le maintien des stocks de carbone dans les – les estimations sur la séquestration dans la bio-
sols doivent donc être étroitement reliés à la problé-
matique de la gestion quantitative de l’eau et à la masse forestière et les bois morts s’appuient sur
préservation de la capacité des sols à la stocker. l’étude de [9], qui associe des niveaux de sé-
questration de carbone à des intensités de pré-
Pour les prairies permanentes, les incertitudes liées
aux modélisations sont aujourd’hui considérées plus

11 Hypothèses faites dans le cadre d’un scénario RCP 8.5 utilisé pour limiter les risques de surestimation du puits en climat
changeant.

629 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

lèvements de bois jusqu’à l’horizon 2050 (cf. cha- convention vaut pour les sols, ce qui est cohérent
pitre 2.2.2. Production forestière) ; avec les résultats obtenus par [17] pour la ville de
– les estimations sur la séquestration de carbone Paris ou la végétation. En ligne avec les méthodes
dans les sols forestiers de Métropole s’appuient de l’inventaire national réalisé par le CITEPA [49],
sur la valeur basse des références proposées on considère une valeur de 30 tC/ha pour les sols
par [10]. On considère ainsi que chaque hectare imperméabilisés et de 9 tC/ha pour la litière fo-
de forêt métropolitaine séquestre + 130 kgC/an restière ;
dans les premiers 30 cm de sol. Cette valeur a été
privilégiée pour tenir compte d’éventuels effets pour les prairies permanentes restant prairies per-
de saturation sur la séquestration à l’horizon 2050. manentes :
En l’absence de référence, les effets des modifi- – on considère un flux de séquestration de +110kgC/
cations de gestion forestière (notamment de l’in-
tensité des prélèvements) n’ont pas été pris en ha/an, valeur basse proposée par [10] ;
compte ;
pour les terres arables restant terres arables :
pour les changement d’occupation des terres : – on considère initialement un déstockage de
– l’impact des changements d’occupation des terres
- 170 kgC/ha/an, valeur basse proposée par [10].
(ex. : afforestation, imperméabilisation des sols) Ce déstockage est lié aux changements d’affec-
sur les stocks de carbone est calculé à l’aide du tation des sols antérieurs à la période de calcul.
volet Utilisation des Terres, Changement d’Affec- Dans les scénarios, nous considérons une réduc-
tation des Terres et Forêts de l’outil ClimAgri® [47], tion linéaire de ce déstockage dans le temps, qui
qui compare les états des stocks de carbone entre devient nul en 2050 ;
différentes années. Pour passer en flux annuel, les
évolutions des stocks de carbone dans les sols pour les pratiques agricoles :
sont réparties sur une période de 20 ans, en ligne – les pratiques agricoles considérées sont le déve-
avec les préconisations des lignes directrices du
GIEC [48]. Un gain de 45 tC/ha sur une période loppement des couverts végétaux en inter-
de 30 ans est considéré pour la biomasse aérienne cultures, l’allongement des prairies temporaires,
lors de l’afforestation12. L’effet du déboisement le retour au sol de nouvelles ressources orga-
sur la biomasse aérienne est immédiat ; niques, l’agroforesterie intraparcellaire, l’implan-
– les stocks de carbone dans les sols pour les occu- tation de haies, la gestion des prairies (intensifi-
pations des terres (forêts, terres arables, prairies cation des prairies peu productives, passage
permanentes, autres espaces naturels) concernent fauche vers pâture), le semis direct et l’enherbe-
les 30 premiers cm de sol et sont repris de [10], ment des inter-rangs en cultures pérennes (vignes
eux-mêmes calculés à partir de la première cam- et vergers). Les pratiques à plus fort potentiel au
pagne de prélèvement (2000-2009) du Réseau de niveau national sont l’agroforesterie et les haies,
Mesure de la Qualité des Sols (www.gissol.fr). On les couverts végétaux et l’allongement des prairies
considère que les espaces verts présentent des temporaires ;
valeurs similaires à celles des espaces naturels, – l’impact généré par la mise en œuvre de pratiques
forestiers et agricoles (ENAF) comparables. Cette agricoles « stockantes » est évalué sur la base des
références proposées par [10]. Concernant les
sols, c’est l’horizon 0-30 cm qui est considéré,

Tableau 1 Stocks de carbone dans la matière organique du sol (hors litière et sols imperméabilisés) par mode d’occupation
du sol pour l’horizon 0-30 cm

Stock de Écart-type Surface Stock total
carbone [Mha] [MtC]
[tC/ha]

Prairie permanente 84,6 ± 2,8 35 9,3 790

Terres arables 51,6 ± 1,1 16,2 18,4 950
(grandes cultures et prairies temporaires)

Forêts 81 ± 2,9 35,4 16,9 1 370

Autres milieux naturels 79 - 6 475
TOTAL
- - 50,6 3 585

Source : données RMQS – GIS Sol [10].

12 Plantation d’arbres ayant pour but d’établir un état boisé sur une surface longtemps restée dépourvue d’arbre, ou n’ayant
éventuellement jamais (aux échelles humaines de temps) appartenu à l’aire forestière.

630 Transition(s) 2050

PRRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

pour être en cohérence avec les références utili- développée pour des installations fortement émet-
sées pour les changements d’occupation des sols. trices de CO2 (supérieur à 100 ktCO2/an), c’est-à-dire
Il est à noter que cela sous-estime le potentiel de utilisant des volumes importants de ressources (ici
séquestration pour la plupart des pratiques agri- biomasse). Les scénarios 1 et 2 ont pour but de pré-
coles, exception faite du semis direct, dont l’effet server au maximum les puits naturels et de favoriser
sur les stocks de carbone est en moyenne nul si une utilisation matière de la biomasse. Ainsi, les uni-
l’on considère l’ensemble du profil de sol ; tés prévues pour la production d’énergie à partir de
biomasse (ex. : unité de méthanisation) sont de pe-
pour les produits bois : tites tailles. Il n’y a donc pas de BECCS envisagé dans
– la séquestration liée au développement des pro- ces deux scénarios. Pour S3, dans lequel l’utilisation
de la biomasse-énergie est plus importante mais sur
duits bois issus de sciages, panneaux ou pâte à pa- des unités moyennes, il est considéré que du captage
pier est calculée sur la base d’un bilan entre les de CO2 est installé sur des unités moyennement
entrées de nouveaux produits et leur sorties (dé- émettrices (volume d’émissions de CO2 entre 10 à
gradation, combustion), en ligne avec la méthode 50 ktCO2/an). Ainsi, le BECCS est déployé sur des
appliquée pour l’élaboration de la Stratégie Natio- chaudières biomasse de taille moyenne pour de la
nale Bas Carbone (SNBC) (tableur de travail com- production de chaleur dans l’industrie ou le résiden-
muniqué par le ministère de la Transition écolo- tiel (réseau de chaleur) et sur des unités de traitement
gique). Il y a séquestration de carbone dans le des déchets. Dans S4, la biomasse est largement uti-
réservoir produits bois si les entrées de produits lisée pour la production d’énergie ou la production
bois augmentent plus que les sorties ; de produits énergétiques (gazeux et liquides) avec le
– par défaut, on prend en compte des temps de développement de grosses unités. Il est ainsi considé-
demi-vie de 35 ans pour les sciages, 25 ans pour les ré un large déploiement du BECCS dans ce scénario,
panneaux et 2 ans pour la pâte à papier. C’est-à-dire sur des chaudières biomasse mais aussi sur des unités
que 50 % des sciages produits une année sont réé- de pyrogazéification, de méthanisation, de bioraffi-
mis sous forme de CO2 en 35 ans. Pour les scénarios neries et des unités de traitement des déchets.
les plus sobres (S1 et S2), on considère une augmen-
tation de la durée de demi-vie. Pour la mise en place de CCS, il est nécessaire d’iden-
tifier des sites de stockage géologique à proximité des
Les flux de séquestration et les émissions liées au unités équipées en captage pour limiter le transport
déstockage de carbone sont exprimés en tCO2eq en du CO2. Dans S3, peu de sites de stockage géologique
multipliant les tonnes de carbone par 44/12, soit le se développent sur le territoire et donc les unités BEC-
rapport entre la masse molaire du CO2 et celle du CS sont concentrées et proches des sites de stockage
carbone. géologique (avec une possibilité de transporter le CO2
sur 300 km). Pour S4, dans lequel il est considéré un
LA SÉQUESTRATION DE CARBONE PAR LES large développement du CCS dans l’industrie avec le
TECHNOLOGIES DE CAPTAGE ET STOCKAGE développement d’infrastructures de transport de CO2
GÉOLOGIQUE DU CO2 et de sites de stockage géologique sur tout le territoire,
toutes les unités utilisant de la biomasse pour la pro-
Identification du potentiel de BECCS par scénario : duction d’énergie et pouvant mettre en place un
Les puits technologiques, BECCS et DACCS, sont système de captage sont éligibles au BECCS.
très consommateurs d’énergie et de ressources et
n’ont pas la même efficacité de séquestration de Identification du potentiel de DACCS par scénario :
carbone. Celle-ci dépend de plusieurs paramètres Le DACCS n’a été considéré que pour S4 qui est le
à prendre en compte pour identifier la technologie seul scénario nécessitant de le mettre en œuvre
la plus efficace : facilité à capter du CO2 (concentra- pour atteindre la neutralité carbone. Il n’y a pas de
tion du flux de CO2, volume…), faible consommation contrainte sur la localisation de la mise en place de
énergétique du procédé ou accès à de l’énergie dé- DACCS car il s’agit de CO2 atmosphérique qui est
carbonée. Ces critères devraient piloter le choix du capté. Les unités peuvent donc être installées à
puits technologique à mettre en place. Plus précisé- proximité des sites de stockage. La principale
ment, il est important de rappeler que la consom- contrainte porte sur l’énergie nécessaire pour les
mation énergétique du système de captage est di- alimenter en électricité et en chaleur. En première
rectement liée à la concentration en CO2 de la approximation, il a été considéré que de l’électri-
source captée. Donc, le CO2 de l’atmosphère sera cité renouvelable serait utilisée par le DAC avec
toujours la source la plus diluée et la moins intéres- une consommation moyenne de 1,5 MWh/tCO2
sante à capter. (hypothèse forte sur la réduction de la consomma-
tion d’énergie de la technologie car S4 correspond
Pour la mise en place de CCS, la taille de l’unité est au scénario du pari technologique avec un très fort
un paramètre important. Le CCS est une technologie soutien au développement des technologies).

631 Transition(s) 2050

PRRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

4. Stratégie pour le secteur
selon chaque scénario

4.1. Des niveaux de puits naturels
contrastés selon les scénarios

L’évolution des puits naturels résulte de celle des les chapitres précédents (Graphique 3). Nos estima-
usages des terres, de l’agriculture, de la gestion fo- tions s’appuient sur les méthodes et références pré-
restière et des usages des biomasses présentés dans sentées en section 3 de ce chapitre.

Graphique 3 Puits naturels de carbone en 2030 (A) et 2050 (B) dans la biomasse et les sols

S1 A-2030 TEND
120
S2 S3 S4

Millions 100

80

tCO2/an 60

40

20

0

- 20 B-2050 TEND

S1 S2 S3 S4
120

Millions 100

80

60

tCO2/an 40

20

0

- 20

Changement d’occupation des sols Sols agricoles restant agricoles
Forêts restant forêts Produits bois

Note de lecture : le stockage de carbone dans les sols est considéré uniquement sur une profondeur de 0-30 cm. C’est le bilan net du changement
d’occupation des sols qui est représenté contrairement au Graphique 2.

632 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

Tableau 2 Puits naturels de carbone en 2050

MtCO2/an TEND S1 S2 S3 S4
Biomasse vivante
Sol 51 79 55 28 22
Bois mort en forêt
Produits bois 14 27 27 28 11
TOTAL
5 6545

3 4543

73 116 93 64 41

Les scénarios se distinguent par des niveaux de puits Le scénario 2 s’appuie davantage sur l’évolution des
naturels très contrastés à l’horizon 2050, allant de pratiques agricoles pour favoriser le stockage de
116 MtCO2eq/an pour S1 à 41 MtCO2eq/an pour S4. carbone dans les sols, tout particulièrement par l’im-
Cela s’explique principalement par les hypothèses plantation de haies et de l’agroforesterie intrapar-
très différentes en termes d’intensité de la récolte cellaire (pratique la plus efficace en matière de stoc-
en forêts (ici, caractérisée par la catégorie « forêts kage) ainsi que par le développement des couverts
restant forêts») (cf. chapitre 2.2.2. Production forestière), végétaux pour préserver les sols et leur fertilité. Les
le développement de pratiques agricoles « stoc- niveaux de prélèvements de bois en forêts restent
kantes » (en particulier, les couverts végétaux, les modérés, ce qui permet le maintien d’un puits de
haies et l’agroforesterie intraparcellaire) (cf. chapitre carbone important en forêt. L’artificialisation des
2.2.1. Production agricole) et les évolutions de l’occu- sols est fortement réduite. On note néanmoins une
pation des sols : maîtrise de l’artificialisation, affo- réduction des surfaces en prairies permanentes et
restation, devenir des prairies permanentes (Gra- prairies temporaires due à la réduction de l’élevage
phique 4). Le puits dans les produits bois reste faible résultant de l’évolution des régimes alimentaires.
à l’horizon 2050 et est maximal dans S2 (+ 4,79 MtCO2
eq/an) qui présente l’orientation la plus importante Le scénario 3 prévoit un développement plus impor-
de la récolte vers des usages à longue durée de vie tant de la demande en biomasse, ce qui explique
(panneaux et sciages). Quels que soient les scénarios, une dynamisation de la récolte de bois par rapport
cette augmentation reste cependant limitée par à l’actuel et une réduction du puits forestier par rap-
rapport à l’hypothèse prise dans la SNBC 2 et ce en port à S1 et S2. La séquestration de carbone sur sols
raison à la fois d’intensités de récolte bien inférieures agricoles est principalement portée par le dévelop-
(pour S1 et S2), de volumes de déchets de bois dis- pement des couverts végétaux, notamment valorisés
ponibles à cet horizon également plus restreints et en méthanisation. Les haies et l’agroforesterie se
d’une demande en bois énergie plus contrainte. Les développent à un niveau moindre que dans S1 et S2
puits de carbone sont plus faibles en 2030 qu’en et lorsqu’elles trouvent une valorisation économique
2050, en raison de la mise en œuvre progressive des suffisante (ex. : bois énergie, paiements pour services
actions sur le changement d’occupation des sols et environnementaux).
les pratiques agricoles au cours de la période.
Le scénario 4 présente le puits naturel le plus faible.
Le scénario 1 réduit drastiquement l’artificialisation Le rythme d’artificialisation est maintenu par rapport
des sols et maximise le rôle de stockage de carbone à l’actuel, la tendance au retournement des prairies
dans les écosystèmes, tout particulièrement fores- au profit des céréales se poursuit. Le puits forestier
tiers (niveau de prélèvement maintenu à l’actuel, est similaire à celui de S3. Les sols cultivés augmentent
forte afforestation). La séquestration de carbone faiblement les stocks de carbone via le développe-
dans les sols agricoles est plus faible que dans S2 et ment des couverts végétaux, en lien avec la métha-
S3 en raison d’une surface agricole cultivée moins nisation principalement.
importante et de rendements en biomasse réduits,
notamment pour les couverts végétaux, enfouis plus
précocement en agriculture biologique.

633 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

Graphique 4 Séquestration de carbone en MtCO2/an par les pratiques agricoles dans les différents scénarios pour l'horizon 2050

Nouvelles ressources organiques – cultures

Implantation d'agroforesterie associée aux prairies
(en ha de SAU) – 75 arbres – lignes espacées de 24 m
Implantation d'agroforesterie associée aux cultures
(en ha de SAU) – 75 arbres – lignes espacées de 24 m

Implantation de haies associées aux prairies
(en ha SAU – base 100 ml/ha SAU)

Implantation de haies associées aux cultures
(en ha SAU – base 60 ml/ha SAU)

Enherbements en vignes – hivernal

Enherbements en vignes – permanent

Semis direct

Implantation et extension des couverts
végétaux en grandes cultures

Intensification modérée des prairies
permanentes (intensification)

Intensification modérée des prairies
permanentes (fauche-pâture)
MtCO2/an 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9
TEND S4 S3 S2 S1

N.B. : la profondeur de sol considérée est 0-30 cm. Cela explique un stockage lié au semis direct. Si l’ensemble du profil de sol est considéré,
le stockage de carbone est accru pour toutes les autres pratiques et considéré comme nul pour le semis direct strict.

4.2. Potentiel très variable
des puits technologiques

Les scénarios se distinguent par des niveaux de puits œuvre. Le scénario 2 présente une consommation
technologiques très contrastés à l’horizon 2050, allant supérieure de la biomasse par rapport à S1 mais il
de 0 pour S1 à 56 MtCO2eq/an pour S4 (dont 27 s’agit de petites unités qui se développent locale-
MtCO2eq/an pour le DACCS). Cela s’explique prin- ment. Le BECCS n’a été considéré que sur les unités
cipalement par les hypothèses très différentes industrielles ayant mis en œuvre du CCS et utilisant
concernant le développement du CCS et le recours du gaz réseau qui en 2050 contient une forte pro-
à la biomasse pour l’énergie. Les puits technologiques portion de renouvelable. La part de renouvelable est
de S3 et S4 sont supérieurs à la valeur de la SNBC 2 variable en fonction des scénarios. Ici, le BECCS re-
(10 MtCO2eq/an). Dans cette dernière, il a été consi- présente 700 ktCO2/an.
déré la mise en place de CCS sur des chaudières
biomasse dans l’industrie et l’énergie (réseaux de Le scénario 3 prévoit un développement plus impor-
chaleur), ainsi que, dans une moindre mesure, sur les tant de la demande en biomasse pour des unités de
centrales à (bio)gaz. taille moyenne de chaudières. La mise en place de
BECCS se focalise donc sur les chaudières biomasse
Le scénario 1, caractérisé par une sobriété forte sur (pour industrie ou réseau de chaleur pour le résiden-
l’usage des biomasses alimentaires et non alimen- tiel) où il est possible de stocker du CO2. Le dévelop-
taires, réduit le développement de l’utilisation de la pement de CCS dans les territoires fortement indus-
biomasse pour l’énergie (hors usages traditionnels) triels conduit également au développement du
et sans stockage géologique : aucun puits technolo- BECCS au sein de l’industrie avec le développement
gique de type BECCS ne peut donc être mis en de ressources renouvelables comme la biomasse ou

634 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

l’utilisation du gaz de réseau qui contient une part Le Graphique 5 montre l’évolution des puits techno-
importante de renouvelable. Ainsi, en considérant les logiques dont les différentes sources de CO2 biogé-
sites industriels utilisant le gaz du réseau et équipés niques pour le BECCS entre 2030 et 2050. Les bioraf-
de CCS, la part du BECCS est de 2,5 MtCO2/an. Les fineries représentent la grande majorité de la part
UIOM sont aussi équipées de CCS quand il est possible du BECCS en 2050 dans S3 avec 33 % du CO2 capté
de stocker le CO2. Le BECCS se développe de manière soit 7 MtCO2/an car il s’agit du scénario avec un fort
localisée dans ce scénario à hauteur de 21 MtCO2/an. développement des biocarburants issus de la gazé-
ification de la biomasse lignocellulosique (cf. cha-
Le scénario 4 présente le besoin en puits technolo- pitre 2.3.4. Carburants liquides). La deuxième source
giques le plus important au regard du niveau des émis- importante de CO2 biogénique provient des chau-
sions de CO2 à compenser (56 MtCO2/an) et le plus dières biomasse pour le résidentiel avec une part
bas potentiel en puits naturels (41 MtCO2/an). Il s’agit de 28 % soit 5,8 MtCO2/an en 2050 dans S3. En cu-
du scénario avec un fort développement du CCS sur mulant les émissions captées des chaudières bio-
tout le territoire grâce au développement des in- masse pour la production de chaleur dans l’industrie
frastructures nécessaires (canalisations de transport et dans le résidentiel, cette source devient majori-
de CO2 et sites de stockage géologique) et une large taire avec plus de 10,8 MtCO2/an soit 51 % du total
utilisation de la biomasse pour la production d’éner- de BECCS. Dans S4, les émissions biogéniques cap-
gie. La combinaison de ces deux technologies conduit tées des bioraffineries sont équivalentes à celles
au développement important du BECCS: 29 MtCO2/ des émissions captées des chaudières biomasse de
an. Le DACCS doit également être mis en œuvre, à l’industrie à hauteur de 18 MtCO2/an environ ce qui
hauteur de 27 MtCO2/an. La consommation électrique représente 62 % des émissions totales captées pour
équivalente a été estimée et prise en compte avec le BECCS. L’autre part importante provient des émis-
l’hypothèse de 1,5 MWh/tCO2 soit 40 TWh/an de sions des chaudières biomasse pour le résidentiel
consommation totale d’électricité pour le DACCS. En (soit 4,7 MtCO2/an) et les chaudières gaz industrielles
comparaison avec S3, S4 est le scénario avec la part (5,4 MtCO2/an). Dans les deux scénarios, S3 et S4,
la plus importante en puits technologiques ce qui se les unités de pyrogazéification, de méthanisation
traduit par une très forte consommation énergétique et des UIOM représentent une part mineure du
de 50 TWh/an à comparer aux 6 TWh/an de S3. BECCS.

Graphique 5 Évolution temporelle entre 2030 et 2050 du BECCS sur les différentes sources utilisant la biomasse
comme matière énergétique

60

50

40

MtCO2/an 30

20

10

0 TEND S1 S2 S3 S4 TEND S1 S2 S3 S4

2030 2050

CO2 atmosphérique CCS-pyrogazéification UIOM
Pyrogazéification et méthanisation Bioraffineries Cogénération tertiaire
BECCS-industrie
Cogénération industrie

635 Transition(s) 2050

PRRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

4.3. Bilan des puits

Au bilan, tous les scénarios montrent une augmen- majoritairement sur le CCS et les puits technolo-
tation de la séquestration de carbone d’un facteur giques dans S3 et S4, scénarios qui présentent des
2 à 3 par rapport à 2017 (Graphique 6). Dans les deux puits naturels inférieurs au tendanciel et même in-
premiers scénarios, cette augmentation repose prin- férieurs à 2017 pour S4.
cipalement sur les puits naturels tandis qu’elle repose

Graphique 6 Bilan du CCS, des puits technologiques et naturels en 2030 et 2050

120

100

80

MtCO2/an 60

40

20

0 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050
2030

TEND S1 S2 S3 S4

Puits naturels Puits technologiques (BECCS, DACCS) CCS Puits 2017 (naturels)

N. B. : la valeur du puits en 2017 est présentée comme référence sachant qu’elle n’a pas été calculée avec la même méthode que pour les scé-
narios mais à partir des valeurs de l’inventaire national réalisé par le CITEPA, en y ajoutant la séquestration de carbone dans les sols forestiers
et le bois mort en forêt.

4.4. Spécificités de la
comptabilité des puits liés à
l’usage des terres dans le cadre
du rapportage « Climat »

Le secteur UTCATF (Utilisation des Terres, Change- leur du scénario de référence est à comptabiliser
ment d’Affectation des Terres et Foresterie) est régi dans la partie émissions de carbone, car toute ré-
par des règles de comptabilisation et des modalités duction du puits contribue à augmenter la quantité
de rapportage très spécifiques dans le cadre du Pro- de carbone dans l’atmosphère. L’objectif est que la
tocole de Kyoto et de la réglementation européenne. valeur de puits calculée selon cette méthodologie
Dans le cadre de la politique climat de l’UE, en par- reste positive pour le secteur UTCATF dans son en-
ticulier dans le cadre du règlement 2018/841 [50], la semble. Nous illustrons cette comptabilité dans le
partie du bilan UTCATF lié à la gestion forestière est Graphique 7 en utilisant le scénario tendanciel comme
comparé à un niveau de référence (cf. chapitre 2.2.2. niveau de référence. Selon cette comptabilité, S4 a
Production forestière). Ce niveau de référence est une un impact négatif sur le secteur UTCATF que ce soit
projection de ce qui aurait été attendu si aucune en 2030 ou 2050 car le puits dans les forêts gérées y
mesure supplémentaire n’avait été mise en place. est fortement réduit par rapport au tendanciel, sans
Pour les forêts gérées, un puits supérieur au niveau qu’il y ait une compensation par l’agriculture, l’affo-
de référence est à comptabiliser dans la partie sé- restation et/ou les produits bois.
questration de carbone et un puits inférieur à la va-

636 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

Graphique 7 Estimation du puits UTCATF en 2030 et 2050, en comptabilisant la partie du bilan UTCATF liée à la gestionMtCO2/an
forestière par rapport à un niveau de référence (ici, le scénario tendanciel)

A-2030

70
60
50
40
30
20
10

0
- 10
- 20
- 30
- 40
- 50

S1 S2 S3 S4

MtCO2/an B-2050

70 S4
60 Bilan UTCATF
50
40
30
20
10

0
- 10
- 20
- 30
- 40
- 50

S1 S2 S3

Changement d’occupation des sols Sols agricoles restant agricoles
Forêts restant forêts Produits bois

N.B. : pour rappel, dans ce graphique, les pertes de puits par rapport au tendanciel sont représentées en négatif.

637 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

5. Enseignements pour le secteur
et propositions de politiques
et mesures

LES PUITS NATURELS, PILIERS (ex. : via les aides de la politique agricole commune)
DE LA NEUTRALITÉ CARBONE et la mise en œuvre du Zéro Artificialisation Nette
(prévu dans le Plan Biodiversité et définit par la loi
Quels que soient les scénarios, la séquestration de n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre
carbone dans les puits « naturels » joue un rôle essen- le dérèglement climatique et renforcement de la
tiel dans l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon résilience face à ses effets). Cela implique également
2050 à l’échelle nationale : d’agir sur les changements d’affectation des terres
(déforestation, pertes de zones humides) liés aux
la forêt reste dans tous les cas le principal stock de importations, en particulier pour l’énergie (ex. : sor-
carbone. Elle est également le principal puits de tie des biocarburants présentant un fort risque de
carbone excepté dans S4 où les puits technolo- changement d’affectation des sols indirects) et
giques prennent la relève à l’horizon 2050. La prio- l’alimentation animale (ex. : réduction de l’import
rité est donc de favoriser des pratiques de gestion de tourteaux de soja et renforcement de l’autono-
sylvicole et un niveau de récolte de bois permettant mie protéique des exploitations d’élevage) ;
de préserver le puits de carbone et d’identifier et
d’accompagner les mesures d’adaptation à mettre l’agriculture peut jouer un rôle significatif dans la
en œuvre pour la rendre résiliente aux effets du séquestration, principalement via le développe-
changement climatique (ex. : gestion adaptative, ment de l’agroforesterie, des haies et des couverts
diversification des essences et des itinéraires sylvi- végétaux. Ce potentiel peut être activé en moins
coles). Ces mesures seront bénéfiques quel que soit de 10 ans car les pratiques sont déjà connues.
le niveau de puits, car des dégradations trop im- Néanmoins, il peut être affecté de manière impor-
portantes pourraient mener à une réduction des tante par les tensions sur la ressource en eau. Sa
stocks et donc à faire de la forêt une source d’émis- réalisation dépendra donc des effets du change-
sions, y compris pour S3 et S4. Il est à noter que le ment climatique au niveau local et devra s’accom-
puits dans les produits bois reste marginal dans tous pagner de pratiques permettant une gestion éco-
les scénarios ; nome de l’eau. Par ailleurs, les pratiques
« stockantes » présentent dans la plupart des cas
les changements d’affectation des terres sont aus- un coût additionnel variable pour l’agriculteur [10]
si un déterminant majeur des évolutions des stocks (Graphique 8). Même si elles peuvent présenter des
de carbone. L’afforestation, la préservation des intérêts agronomiques ou zootechniques, leur
milieux naturels riches en carbone et une réduction déploiement à large échelle et leur pérennisation
drastique de l’artificialisation des sols et des déboi- (pour éviter un déstockage par la suite) nécessite-
sements sont des enjeux importants dans les scé- ront le développement d’un conseil dédié et des
narios qui séquestrent le plus dans les réservoirs aides financières – probablement combinées –
naturels. Sur le territoire national, cela passe no- telles que les aides de la politique agricole com-
tamment par un renforcement des politiques pu- mune et le développement de débouchés comme
bliques visant la préservation et la restauration des les bioénergies, les paiements pour services envi-
milieux naturels (ex. : développement des aires ronnementaux, les crédits carbones et la valorisa-
protégées), la valorisation des prairies permanentes tion auprès du consommateur.

638 Transition(s) 2050

PRRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

Graphique 8 Potentiel maximal de stockage de carbone dans les sols agricoles (hors biomasse) de France (assiette technique)
et sans incitation financière

Potentiel maximal Potentiel à 0 €/tCO2 Pratiques stockantes

8,43 MtC/an Sans incitation, le stockage Cultures intermédiaires
ou additionnel de carbone Agroforesterie
dans les sols agricoles de Prairies temporaires
(h3o1rsMbtiCoOm2a/assne) Intensification modérée
0123456 France métropolitaine ne des prairies extensives
Séquestration additionnelle peut être que très faible Nouvelles ressources organiques
dans le sol (MtC/an) (0,66 MtC/an, soit 2,4 MtCO2/an) (biodéchets et déchets verts)
0123456 Haies
Séquestration additionnelle Enherbement hivernal
dans le sol (MtC/an) des vignobles
Enherbement permanent
des vignobles
Développement des pâturages
Semis direct

Source : [10].

Le développement de cadres officiels d’évaluation DACCS. Le DACCS se caractérise par une forte
de projets favorables à la séquestration additionnelle consommation d’énergie et de ressources, ce qui
de carbone et à la réduction des émissions de GES, se traduit par des impacts négatifs sur le système
comme le Label Bas Carbone ou le cadre de certifi- énergétique ou sur l’environnement (impacts sur
cation européen en cours de définition par exemple, la consommation d’eau et l’occupation des sols) et
permettront également d’orienter les actions et fi- sur la biodiversité ;
nancements du secteur privé vers les projets les plus
vertueux (ex. : compensation carbone ou contribu- contrairement aux BECCS et DACCS, le CCS est
tion volontaire, finance verte). Ces cadres doivent une technologie nécessaire pour que l’industrie
être conçus pour tenir compte de l’ensemble des réduise les émissions incompressibles. Dans le cas
impacts sur le climat (pas uniquement la séquestra- de la mise en place de BECCS, substituer la ressource
tion de carbone) [51] ainsi que des autres enjeux en- fossile utilisée par ces unités industrielles par de la
vironnementaux et sanitaires: biodiversité, ressource biomasse permettrait de limiter le coût de déploie-
en eau, usage de produits phytosanitaires... ment du BECCS et d’optimiser l’utilisation des in-
frastructures CCS déjà en place. La principale alerte
Enfin, il apparaît essentiel de renforcer les moyens sur le développement du BECCS est le volume de
alloués aux dispositifs de suivi des évolutions des biomasse nécessaire, ce qui pose la question de la
stocks et puits de carbone dans les écosystèmes, en durabilité de la ressource, de la réduction des puits
particulier via l’inventaire forestier national, le dis- naturels et de la maîtrise de la concurrence avec la
positif national de suivi du bocage (haies), les en- production alimentaire face à un fort besoin d’en
quêtes sur les pratiques agricoles et le réseau français produire pour répondre à cette nouvelle utilisation ;
de mesure de la qualité des sols (RMQS). À titre
d’exemple, 15 années ont séparé les deux premières étant donné le temps nécessaire pour le déploie-
campagnes du RMQS [52]. Ce renforcement permet- ment des technologies DAC, le DACCS risque de
tra également de mieux appréhender et anticiper ne pas être opérationnel suffisamment tôt pour
les impacts du changement climatique. aider à atteindre la neutralité carbone en 2050. En
effet, il y a un besoin important de réduire les émis-
Les puits technologiques n’ont pas tous le même sions de CO2 avant 2050 pour limiter les effets du
potentiel ni surtout le même impact en fonction des changement climatique. Contrairement au DACCS,
scénarios : le CCS et le BECCS pourraient être mis en place dès
2030 et conduire rapidement à la réduction des
les puits technologiques ne sont pas indispensables émissions de CO2. Les principaux verrous sont liés
pour atteindre la neutralité carbone. Dans S1, une au coût de ces technologies et à l’opposition socié-
forte sobriété permet de se passer de puits tech- tale face au stockage géologique du CO2. Pour lever
nologiques. À l’opposé, S4, qui se caractérise par la barrière de l’opposition sociétale, de nombreux
une forte consommation de matières et d’énergie projets se développent en offshore. Demeure la
sans un effort important de réduction d’émissions question du coût, qui peut être levée avec une taxe
de CO2, est le seul scénario nécessitant la mise en carbone élevée.
place de tous les puits technologiques, BECCS et

639 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

6. Limites des scénarios,
autres possibles, perspectives
pour travaux futurs

PUITS NATURELS OU PUITS fait l’objet d’incertitudes importantes, quelle que
TECHNOLOGIQUES : UN POTENTIEL soit l’occupation des sols [10]. La seconde cam-
DIFFICILE À ANTICIPER pagne du Réseau de Mesure de la Qualité des sols
(2016-2028) [52] devrait permettre d’affiner les es-
6.1. Les puits naturels : des timations et d’améliorer les modèles ;
incertitudes fortes concernant – on estime que près de 50 % du carbone organique
les impacts du changement des sols est présent dans les horizons profonds
climatique au-delà de 30 centimètres de profondeur. Ce car-
bone peut être affecté par les changements d’oc-
Dans cette partie, nous préciserons les limites de cupation des sols et les pratiques agricoles [53]. Ce
l’approche quantitative des puits de carbone sans compartiment pourrait représenter un potentiel
traiter les limites relatives aux hypothèses sur l’évo- de stockage additionnel significatif, comme l’illustre
lution de l’occupation des sols, des pratiques agri- le Graphique 9. Des travaux de recherche sont né-
coles, de la gestion forestière et des usages des bio- cessaires pour mieux appréhender ce potentiel ;
masses. Celles-ci sont traitées dans les chapitres – l’effet de la gestion forestière sur le stockage de
respectifs. carbone dans les sols est très mal connu et n’a pas
pu être représenté, alors que, dans certains cas,
Plusieurs limites à l’évaluation des puits et potentiels l’augmentation des prélèvements de bois et le tra-
de séquestration « naturels » peuvent être notées : vail du sol sont connus comme des pratiques pou-
vant affecter le stockage de carbone dans les sols
concernant l’évolution des stocks de carbone dans forestiers [8] ;
les sols : – l’effet de la gestion des espaces verts ou le déve-
– les valeurs de stocks de carbone de référence et loppement des toitures végétalisées n’ont pas non
l’impact moyen des pratiques agricoles (issus d’une plus pu être pris en compte. Néanmoins, le poten-
modélisation spatialisée sur l’ensemble de la France tiel national est relativement faible au regard des
métropolitaine) peuvent être considérés comme surfaces considérées, ce qui ne devrait pas affecter
relativement robustes. Au contraire, l’évolution significativement les résultats ;
tendancielle des stocks de carbone (ligne de base) – l’évolution du carbone inorganique (ex.: carbonates)
n’est pas prise en compte en l’absence de réfé-
rences ;

Graphique 9 Sensibilité des estimations de puits de carbone « naturels » aux hypothèses relatives à la séquestration
de carbone dans les sols

Références solMillions min. Références solMillions max.

tCO2/an 160 S2 tCO2/an 160 S2

140 S3 S4 TEND 140 S3 S4 TEND

120 120

100 100

80 80

60 60

40 40

20 20

0 0
S1 S1

- 20 - 20

Biomasse Sol Bois mort Produits bois
Note de lecture : sans (graphique de gauche) et avec (graphique de droite) prise en compte des valeurs hautes de séquestration dans les sols fo-
restiers et de prairies et de la séquestration liée aux pratiques agricoles dans l’ensemble du profil de sol (profondeur maximale de 1 m).

Source : [10].

640 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

concernant les impacts du changement climatique : concernant la non-prise en compte « du carbone
– les estimations proposées supposent une disponi- bleu » :
– les puits et potentiels de séquestration liés à l’action
bilité en eau et des conditions climatiques proches de l’homme dans les milieux marins et littoraux
de celles connues dans les dernières décennies. Les n’ont pas pu être pris en compte en l’absence de
impacts actuels et futurs du changement clima- références nationales. En l’état des connais-
tique sur les écosystèmes, notamment les événe- sances [4], ce puits est faible en Métropole, mais
ments extrêmes (leur récurrence, leur intensité, des travaux sont à mener pour le confirmer.
leurs impacts), font l’objet d’incertitudes fortes,
qui pourront affecter négativement les puits de 6.2. Puits technologiques :
carbone naturels et éventuellement les stocks de le poids du mix énergétique
carbone, tout particulièrement en forêts [54] [9].
Le potentiel de séquestration additionnelle de car- Du point de vue de la temporalité concernant le
bone lié aux pratiques agricoles peut également déploiement des technologies, il est peu probable
être affecté. Les auteurs de [45] montrent ainsi, par que le DACCS puisse atteindre le niveau nécessaire
modélisation, que le potentiel de séquestration lié de captage pour les enjeux de neutralité carbone
aux couverts végétaux en interculture estimé d’ici 2030 et soit donc pertinent pour 2050. Le
par [10] serait réduit si l’irrigation n’était pas accrue ; DACCS risque d’être plus consommateur d’énergie
et de capitaux que des solutions efficientes de
concernant la prise en compte de pratiques agri- réduction d’émissions de CO2.
coles innovantes :
– l’apport de biochars ou de silicates n’a pas été Dans S3 et S4, le développement du BECCS est en-
considéré, alors que la littérature internationale visagé pour réaliser un puits carbone technologique.
identifie ces amendements comme à fort poten- Or, le BECCS a besoin des infrastructures du CCS qui
tiel [5] [6]. Néanmoins, très peu de références est peu développé dans S3. Cela pose véritablement
existent dans le contexte national (stockage de la question d’un développement du BECCS si le CCS
carbone potentiel, modalités de mise en œuvre, n’a pas été mis en place et donc s’il faut développer
évaluation des ressources disponibles…). Des ap- les infrastructures notamment pour les équipements
proches en analyses de cycle de vie conséquen- de liquéfaction et de transport du CO2. De plus, pa-
tielles sont également nécessaires pour préciser rier sur le stockage géologique de CO2 est une vraie
l’impact de leur développement sur le climat ; gageure étant donné l’opposition sociétale actuelle
– l’acquisition de nouvelles connaissances, le déve- face à cette technologie. La mise en place de grands
loppement d’expérimentations sur le terrain et projets de stockage géologique avec plusieurs mil-
l’amélioration des modèles tels que les couverts lions de tonnes de CO2 injectées par an semble vrai-
permanents, les cultures semi-pérennes (ex. : mis- ment difficile à imaginer en 2021 – et pas plus facile
canthus, silphie) et l’agroforesterie intraparcellaire en 2030 et même en 2050. Un pari a été fait dans S4
permettraient de mieux prendre en compte des sur un fort développement du stockage géologique
pratiques agricoles innovantes à fort potentiel ; du CO2 avec l’utilisation des réservoirs en France.
Sans la possibilité de mettre en place des sites de
concernant la non-prise en compte des change- stockage sur le territoire, il sera difficile d’atteindre
ments d’affectation des sols hors du territoire na- les chiffres modélisés avec le CCS, BECCS et même
tional : DACCS.
– l’évolution de l’usage des terres, des niveaux de
production et de consommation modifient les En plus de la problématique sur le stockage géolo-
marchés des matières premières agricoles à l’inter- gique, l’approvisionnement en biomasse pour les
national et peut occasionner des changements unités utilisant des grandes quantités de biomasse
d’affectation des sols à l’étranger. Ces changements comme les unités industrielles (ex. : cimenteries) est
d’affectation des sols peuvent être la cause de également un enjeu de taille.
déstockage de carbone, en particulier s’ils s’opèrent
sur des milieux riches en carbone (forêts, zones
humides). Leur estimation suppose l’utilisation de
modèles économiques à l’échelle globale. Cela n’a
pas pu être réalisé dans le cadre de cet exercice,
alors que les niveaux d’importations et d’exporta-
tions de produits agricoles et alimentaires vont
différer de manière importante entre les scénarios
(cf. chapitre 2.2.1. Production agricole) ;

641 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

7. Références bibliographiques

Pour revenir à la page contenant la première occurrence du renvoi bibliographique au sein du chapitre, cliquez sur le numéro concerné entre crochets.

[1] GIEC, Rapport spécial – Utilisation des terres, changements [11] CITEPA, Rapport Secten, édition 2020, 2020 (https://www.cite-
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642 Transition(s) 2050

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643 Transition(s) 2050

RPRESOSDOUUCRTCIOESNEDT’PÉUNIETRSGDIE CARBONE PUITS DE CARBONE

8. Annexe: évolution des principales
variables du secteur

PUITS BIOLOGIQUES 2017-2018 TEND S1 2050 S3 S4
Surface forêts et peupleraies en Métropole [Milliers ha] 18 606 19 769 S2 17 564 17 264
Surface artificialisée [Milliers ha] 16 914 7 369 5 061 6 073 7 085
Surfaces toujours en herbe [Milliers ha] 5 263 8 753 8 139 17 515 9 317 8 751
Nouvelles surfaces de terres arables avec agroforesterie 9 317 5 567 1 012
intraparcellaire vs 2018 [Milliers ha] N/A 108 496 8 466 0
Nouvelles surfaces de terres arables avec haies par rapport à 1 289 985
2018 [Milliers ha] N/A 165 4 240 0
Surfaces de terres arables avec couverts végétaux 6 537 11 234
[Milliers ha] 1 092 2 164 16 549 4 918
Nouvelles surfaces de prairies avec agroforesterie 17 538 200
intraparcellaire vs 2018 [Milliers ha] N/A 124 99 0
Nouvelles surfaces de prairies avec haies par rapport à 2018 210 1 005
[Milliers ha] N/A 619 3 003 71 0
Récolte bois totale [Mm3/an] 52 61 52 1 800 4,2 71
Produits bois – sciages [Millions de tonnes/an] 3 3,9 3,9 61 5,5 4,4
Produits bois – panneaux [Millions de tonnes/an] 3,5 4,9 5,2 4,1 35 5,3
Durée de demi-vie des sciages [Ans] 35 35 37 5,7 25 35
Durée de demi-vie des panneaux [Ans] 25 25 27 37 25
27

PUITS TECHNOLOGIQUES 2017-2018 TEND S1 2050 S3 S4
Consommation énergétique du système DAC [MWh/tCO2] - - S2 - 1,5
Consommation énergétique du système BEC [MWh/tCO2] 2,8 - - - 0,7 0,7
- 0,6

644 Transition(s) 2050

RÉSULTATS ET

3ENSEIGNEMENTS

645 Transition(s) 2050

1. SYNOPTIQUE DES
RÉSULTATS ET COMPARAISON
DES SCÉNARIOS

647 Bilan énergie et GES : périmètre et mise en cohérence
des résultats

648 Trajectoires d’évolution des besoins énergétiques
653 Trajectoires 2030-2050 de décarbonation des énergies
660 Agriculture, forêt, espaces naturels et usages de la biomasse :

clés de voûte de la transition écologique
664 Bilan des puits naturels et technologiques
665 Émissions nettes de gaz à effet de serre et neutralité carbone
669 Position des scénarios par rapport aux objectifs Énergie-Climat
671 Besoins en matériaux et gestion des ressources non énergétiques
672 Évolutions des émissions de polluants
674 Références bibliographiques

646 Transition(s) 2050

RÉSULTATS ET ENSEIGNEMENTS SYNOPTIQUE DES RÉSULTATS ET COMPARAISON DES SCÉNARIOS

1. Bilan énergie et GES :
périmètre et mise en cohérence
des résultats

Pour chaque scénario, les données issues des modé- bées par les puits naturels (forêts, sols agricoles, pro-
lisations sectorielles sont synthétisées de façon à duits bois) ou les puits technologiques de captage
croiser le niveau de consommation avec les produc- et stockage géologique de CO2 (CCS, BECCS et DAC-
tions requises et ainsi produire des bilans d’énergie CS). Cette synthèse a été reproduite pour chacune
et de gaz à effet de serre détaillés et équilibrés à des cinq itérations de simulation, de façon à aboutir
chaque date de projection. Des corrections sont à une cohérence d’ensemble des bilans pour finale-
appliquées aux consommations énergétiques finales ment atteindre des émissions nettes proches de zéro
fournies par les modélisations sectorielles pour cou- en 2050 et ainsi s’approcher de l’objectif de neutra-
vrir le champ du bilan énergétique publié par le ser- lité carbone (Loi Énergie-Climat, 2019 [3]). Un bilan
vice statistique du ministère de la Transition énergé- d’usage des surfaces agricoles utiles et forestières,
tique [1]. De fait, le lecteur pourra constater de ainsi qu’un bilan de la disponibilité et des usages des
légères différences de chiffres avec les chapitres ressources en biomasse et produits biosourcés, com-
sectoriels, sans que cela n’altère les ordres de gran- plètent la mise en cohérence des résultats. Le respect
deurs ou les conclusions qui en sont tirées. La pro- de ces contraintes physiques est important, étant
duction française d’énergie est complétée par des donné les multiples contributions que l’on attend
hypothèses d’évolution des importations et des du monde du vivant dans les stratégies de neutralité
exportations d’énergie. L’approvisionnement qui en carbone.
résulte pour chaque source d’énergie couvre les be-
soins de la branche de production et de transforma- En partant de la situation historique de 2015, nous
tion d’énergie, les pertes de distribution et les présentons d’abord les résultats synthétiques ob-
consommations nationales, ces dernières compre- tenus pour chacun des scénarios aux horizons 2030
nant les usages énergétiques et les usages non éner- et 2050. Puis nous décrivons des indicateurs qui
gétiques des secteurs comme dans l’industrie. permettent d’apprécier l’atteinte des objectifs, de
comparer les cinq trajectoires et de les situer par
Ces bilans projetés offrent une vision d’ensemble rapport à la trajectoire du scénario de la SNBC 2
des niveaux de consommation, de production et (scénario AMS, SNBC, 2020 [4]). Rappelons que les
de transformation énergétiques réalisés dans cha- résultats de bilans d’émissions ne concernent ici
cun des scénarios. En tenant compte des coeffi- que la France métropolitaine. Une estimation com-
cients d’émissions de gaz à effet de serre de chaque plémentaire a été réalisée pour quantifier les besoins
énergie (CITEPA [2]), les bilans énergétiques sont énergétiques des trajets internationaux (aériens et
utilisés pour calculer les émissions brutes de CO2 maritimes), mais la plupart des résultats qui suivent
qui résultent de la production et de la consomma- n’intègrent pas ces besoins (cf. chapitre 2.1.3. Mo-
tion d’énergie. Ces émissions énergétiques sont bilités des voyageurs et transport de marchandises). Les
complétées par les autres gaz à effet de serre (gaz comparaisons avec la SNBC 2 présentées plus bas
fluorés, méthane, protoxyde d’azote)1 liés aux pro- correspondent au territoire métropolitain, bien qu’il
cédés industriels et agricoles, ainsi qu’à différents faille rappeler que la SNBC intègre aussi des orien-
usages dans les bâtiments (chauffage, cuisson, ré- tations stratégiques pour les départements et ré-
frigération, climatisation, etc.). Le bilan d’émissions gions d’outre-mer et que les budgets carbone de la
ainsi obtenu est mis en regard des émissions absor- France intègrent les départements d’outre-mer.

1 La combustion des énergies produit également des émissions d’autres gaz à effet de serre, en plus du CO2. Nous ajoutons 1 %
aux facteurs d’émission de CO2 du CITEPA pour tenir compte de ces autres gaz.

647 Transition(s) 2050

RÉSULTATS ET ENSEIGNEMENTS SYNOPTIQUE DES RÉSULTATS ET COMPARAISON DES SCÉNARIOS

2. Trajectoires d’évolution
des besoins énergétiques

Le Graphique 1 résume les évolutions des consomma- La baisse des consommations est nécessaire dans
tions finales par source d’énergie – totales et par tous les scénarios en raison des limites techniques
secteur consommateur – qui résultent des transfor- et physiques de la production et de la consommation
mations décrites dans les chapitres sectoriels précé- d’énergie décarbonée qui ont été décrites dans les
dents (cf. chapitres 2.1.2. Bâtiments résidentiels et ter- chapitres sectoriels (remplacement des équipements
tiaires, 2.1.3. Mobilités des voyageurs et transport de et des techniques, disponibilité des ressources re-
marchandises, 2.2.1. Production agricole, 2.2.2. Production nouvelables, etc.). Elle atténue également l’ampleur
forestière, 2.2.3. Production industrielle). Ces consom- des transformations et des investissements néces-
mations incluent les usages énergétiques et non saires pour fournir une énergie décarbonée. Selon
énergétiques de ces secteurs. les scénarios de neutralité carbone, l’ampleur des
baisses de consommation d’énergie est toutefois
2.1. Une baisse accélérée assez différente d’un secteur à l’autre, les secteurs
des consommations d’énergie, du transport et, dans une moindre mesure, celui de
mais dont la rapidité l’industrie contribuant le plus à la baisse en valeur
et l’ampleur se distinguent absolue mais aussi en intensité.
fortement selon les scénarios

Dans l’ensemble des scénarios, l’atteinte de la neu-
tralité carbone suppose une forte baisse des quan-
tités d’énergie finale consommées (de - 23 % à - 55 %
par rapport à 2015, selon les scénarios), par l’amé-
lioration de l’efficacité des équipements et des pro-
cédés, mais aussi par l’évolution des usages vers plus
de sobriété. Par rapport à la prolongation des évo-
lutions tendancielles (1 735TWh en 2030 et 1 466TWh
2050, contre 1 772 TWh en 2015), la baisse des
consommations d’énergie s’amplifie dès 2030 dans
tous les scénarios (de 1 338 TWh dans S1 à 1 692 TWh
dans S4) et se poursuit au-delà (de 790 TWh dans S1
à 1 360 TWh dans S4 en 2050).

648 Transition(s) 2050

RÉSULTATS ET ENSEIGNEMENTS SYNOPTIQUE DES RÉSULTATS ET COMPARAISON DES SCÉNARIOS

Graphique 1 Évolution des consommations finales totales d’énergie par source et par secteur

Consommation finale totale, pour l’ensemble des secteurs Consommation finale de l’industrie
(usages non énergétiques inclus, hors soutes internationales)

2 000 600
1 800
TWh 1 600 500
1 400
1 200 400
1 000
TWh 300
800
600 200
400
200 100

0 0
2015
2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2015 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050
S2 S3 S4 SNBC-AMS
TEND S1 TEND S1 S2 S3 S4 SNBC-AMS

Consommation finale des transports Consommation finale du résidentiel
600
500
500 450
400
400 350
300
TWh 300 TWh 250
200
200 150
100
100
50
0 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050 0 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050
2015 S2 S3 S4 SNBC-AMS 2015 S2 S3 S4 SNBC-AMS

TEND S1 TREND S1

Consommation finale du tertiaire Consommation finale de l’agriculture
300 60

250 50

200 40

TWh 150 TWh 30

100 20

50 10

0 0

2015 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2015 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050 2030 2050

TEND S1 S2 S3 S4 SNBC-AMS TEND S1 S2 S3 S4 SNBC-AMS

Charbon Naphta Combustibles liquides Gaz, biogaz, réseau* Électricité H₂**
Réseau de chaleur EnR thermiques hors réseau*** Biocarburants

* Le gaz de réseau est alimenté par du gaz naturel, du biogaz et de l’hydrogène dans des proportions qui dépendent des scénarios et des contraintes
techniques.
** Hydrogène utilisé uniquement directement. Selon les scénarios, de l’hydrogène est également injecté dans le réseau de gaz et liquifié pour être
utilisé comme « combustible liquide ».
*** Les EnR thermiques hors réseaux comprennent l’énergie produite à partir de biomasse et de déchets, les biocarburants, le solaire thermique et
la chaleur de l’environnement (pompes à chaleur).
N.B. : la consommation d’énergie finale ne prend pas en compte l’énergie utilisée de façon intermédiaire pour fabriquer d’autres vecteurs
énergétiques ou non énergétique comme l’hydrogène par exemple.

649 Transition(s) 2050

RÉSULTATS ET ENSEIGNEMENTS SYNOPTIQUE DES RÉSULTATS ET COMPARAISON DES SCÉNARIOS

Par rapport au scénario AMS de la SNBC 2, la de- Les différences de consommation d’énergies en
mande d’énergie finale en 2050 est plus faible dans 2050 entre les scénarios sont encore accentuées si
S1 et S2 (de 16 à 20 % de moins), tandis qu’elle est on considère l’évolution de la demande en énergie
plus élevée dans S3 et S4 (de 8 à 37 % de plus). La primaire (Graphique 2) : la consommation d’énergie
production d’énergie décarbonée ou renouvelable primaire dans S1 représente moins de la moitié (47 %)
requise, ainsi que le développement des puits et du de celle de S4, tandis que l’écart de consommation
captage du CO2 pour compenser les émissions ré- finale est moins important (58 %). Cette différence
siduelles, sont donc fondamentaux dans S3 et S4 s’explique principalement par le recours à l’énergie
pour être en mesure d’atteindre l’objectif de neu- nucléaire, beaucoup plus important dans S4 que
tralité carbone. dans S1, dont le rendement énergie primaire-énergie
finale est limité par les possibilités de valoriser la
chaleur coproduite.

Graphique 2 Évolution des consommations d’énergie primaire entre 2015 et 2050

3 500

3 000 2 959

2 500 2 322
2 000
1 500 2 014
1 000
TWh 2 959 1 430

1 156
958

500

0

2015 TEND S1 S2 S3 S4 SNBC-AMS

Consommation primaire d’énergie Intervalle de consommation primaire d’énergie

N.B. : la consommation d’énergie primaire correspond à l’approvisionnement d’énergie pour la transformation d’énergie, les
pertes de distribution et la consommation finale domestique, hors soutes internationales. L’approvisionnement en sources
d’énergie primaire comprend le charbon, les combustibles liquides (pétrole brut et produits pétroliers raffinés), le gaz natu-
rel, le nucléaire, les EnR électriques, l’hydrogène et les EnR thermiques hors réseau (biomasse, biogaz, biocarburants, déchets,
solaire thermique et chaleur de l’environnement récupérée par les pompes à chaleur).
L’intervalle de consommation d’énergie primaire pour S3 correspond aux variantes d’hypothèses sur le mix électrique qui
ont été considérées et qui seront présentées dans le feuilleton sur le mix électrique.

2.2. Une diversification
du bouquet énergétique pour
remplacer les énergies fossiles,
avec des marges de manœuvre
contraintes

Dans l’ensemble des scénarios, l’atteinte de la neu- thermique, biogaz et biocarburants en usage direct).
tralité carbone suppose également une forte évolu- Selon les scénarios, elles couvrent de 11 % à 16 % de
tion du mix énergétique, de façon à remplacer la demande finale en 2030, puis de 16 % à 29 % en
presque intégralement les sources d’énergie carbo- 2050, contre 9 % en 2015. Plus le niveau de demande
nées en usage direct et indirect (pétrole, gaz fossile est faible (notamment dans S1 et S2), plus elles
et charbon) par des sources d’énergie décarbonées couvrent une part importante des usages.
(Graphique 1).
Globalement, le développement des énergies de ré-
La production et la consommation d’énergie hors seaux (électricité, gaz et réseaux de chaleur) permet
réseau se développent dans tous les scénarios (entre de faire reculer les produits pétroliers dans l’ensemble
+ 32 % et + 45 % en 2050 par rapport à 2015) mais des usages. Selon les scénarios, l’électricité couvre de
ces dernières ne peuvent couvrir l’ensemble des 27% à 29% de la demande finale en 2030, puis de 38%
usages en raison des contraintes de gisements et à 52% en 2050 (contre 24% en 2015), tandis que le gaz
d’exploitation des énergies renouvelables thermiques de réseau couvre de 16 % à 21 % en 2030 et de 14 % à
(pompes à chaleur, usages directs du bois, solaire 20 % en 2050 (contre 19 % en 2015). L’évolution de la

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