POURIM
Chapitre 1
Choul’han Aroukh, Ora’h ‘Hayim, chapitre 695, § 2 :
« L’homme a l’obligation de s’enivrer à Pourim, au point
de ne plus savoir faire la différence entre « Maudit soit
Haman » et « Béni soit Mordekhaï ». Note : « Certains
ont l’usage, à Pourim, de revêtir les habits de Chabbat
et de Yom tov, et c’est ainsi qu’il convient de se
conduire ».
Pourim est en rapport avec le verset (Ps 126,2) :
2 POURIM - Chapitre 1
« Alors ( אזAZ) notre bouche se remplira de rire » …
AZ אזprécisément, car il inverse tout en rire et en
allégresse, comme il est écrit (Ts 3,9) : « Alors ( אזAZ)
je transformerai » … C’est אזAZ lui-même qui effectue
cette transformation. C’est pourquoi il est écrit dans la
Méguila (chapitre 9,1) : « Il fut inversé » (ונהפוך הוא
vanahafokh hou) … Par le biais de אזAZ, la situation
bascule, de sorte que « les Juifs allaient prendre
l’avantage sur leurs ennemis ».
C’est pourquoi l’homme a l’obligation de s’enivrer à
Pourim, au point de ne plus faire la distinction entre
« Maudit soit Haman » et « Béni soit Mordekhaï ». En
effet, c’est alors le moment d’annuler toutes les pensées, en
ne se dévoilant qu’à travers la joie. Grâce à cette attitude,
le mal en personne, autrement dit Haman - Amalek, se
transforme en bien, et nous serons « entièrement bon »,
au point que nous ne verrons pas la différence entre Haman
אור זרוע- Or Zaroua 3
et Mordekhaï, mais uniquement ce qui est entièrement
bon et unifié.
C’est là Pourim : là-bas, seul le bien et l’allégresse sont
présents.
Il est rapporté dans le Likouté Moharan (tome 2, 74) :
« Pourim constitue certainement la voie et le chemin qui
mènent à Pessa’h … car Pourim conduit à Pessa’h …
au départ, tous les commencements partaient de
Pessa’h, c’est la raison pour laquelle toutes les mitsvot
ont été établies en souvenir de la sortie d’Égypte, mais
maintenant … (et Rabbi Na’hman de Breslev ne finit
pas sa phrase) … ».
Pourim constitue une préparation à Pessa’h. C’est
pourquoi Pourim débute un mois avant Pessa’h : il est
possible de célébrer Pessa’h grâce à Pourim. En effet,
durant cette fête, tout se transforme en bien. Ainsi, aussitôt
4 POURIM - Chapitre 1
après Pourim, on lit, dans la Torah, le passage de la vache
rousse, qui confère la pureté à celui qui n’était pas pur.
Le pouvoir de purification de la vache ( פרהpara) provient
de פוריםPourim, qui est nommé ainsi d’après le sort (פור
pour), car lors de cette fête, tout s’inverse : d’Haman
- Amalek qui était maudit, on en fait une source de
bénédiction, alors que tout le mal est converti en bien.
Grâce à cela, il est possible de rentrer dans Pessa’h qui est
la fête de la délivrance.
La rédemption adviendra grâce à une recherche soutenue
qui conduira à ne trouver que le bien. Même lorsque l’on
aperçoit du mal, on se renforce aussitôt en l’inversant en
bien, jusqu’à ce qu’il devienne entièrement bon. Nous
pourrons procéder à la bénédiction « Qui est bon et qui
fait le bien » à l’égard de toute chose, grâce à l’allégresse
de Pourim.
אור זרוע- Or Zaroua 5
Durant toute l’année, à l’occasion d’une heureuse nouvelle,
on récite la bénédiction : « Qui est bon et qui fait le
bien », alors que pour le mal, nous disons : « Béni soit
le Juge de vérité ». Cependant, à Pourim, on se renforce
tellement dans la joie, au point que le mal en personne
est transformé en bien, en devenant « entièrement bon ».
C’est précisément par cette démarche qu’il est possible
d’entrer dans Pessa’h, c’est-à-dire de s’introduire au sein
de la délivrance, en récitant la Hagada à voix haute et
joyeusement.
En effet, la Hagada que nous lisons chaque année à
Pessa’h, constitue une préparation … Une mise en
condition vis-à-vis de la délivrance proche, puisse-t-elle
avoir lieu rapidement et de nos jours. Chacun élèvera
alors sa voix, en déclarant et en racontant tout ce qu’a
traversé le peuple d’Israël, sur un plan collectif, et ce
qui lui est arrivé, à titre personnel, dans ce monde …
6 POURIM - Chapitre 1
Toutes les pérégrinations du peuple juif depuis des temps
immémoriaux, tous les exils et les itinéraires qu’emprunta
Israël … Il en est de même pour chaque personne : tout
ce qui lui est advenu, ce qui inclut les innombrables
mésaventures, diverses et variées, sur les routes de ce
monde.
Chacun racontera et dira, à voix haute, avec enthousiasme,
toutes ces paroles … Il s’agit de la Hagada de Pessa’h dont
on effectue la lecture chaque année, durant cette fête, à tue-
tête et de bonne humeur. On y raconte l’asservissement
en Egypte, à l’époque où nous étions des esclaves de
Pharaon en pays égyptien, et tous les malheurs que nous
traversâmes là-bas. Nous évoquons tous ces éléments
avec joie, en tant qu’hommes libres. Parallèlement, lors
de la délivrance éternelle, chacun racontera gaiement
sa propre Hagada. Il contera en riant, d’un air enjoué,
tous les malheurs et les souffrances qu’il dut essuyer en
אור זרוע- Or Zaroua 7
exil. Le rire et l’allégresse seront considérables. C’est
pourquoi la fête de la délivrance a précisément reçu le
nom de Pessa’h … « › שח- ‹פהPé – Sa’h », la bouche qui
parle … La bouche qui parlera et qui fera le récit de toute
l’amertume traversée au cours de l’exil : tout cela se fera
au milieu de grands éclats de rire.
Le chemin qui y mène débute à Pourim. C’est en effet
lors de cette fête que l’on se saisit de tout le mal, de tous
les péchés et des transgressions, de tous les désirs et des
défauts, et de toutes les infortunes, sur le plan du temps
et de l’espace, qui nous sont advenues dans ce monde, et
l’on convertit le tout en bien et en allégresse.
Pour commencer, on réalise cela grâce au vin, car il faut
s’enivrer légèrement afin de quitter notre façon de penser
habituelle. C’est uniquement lorsque l’homme s’élève
au-delà de son esprit cartésien et de sa perception qu’il
8 POURIM - Chapitre 1
est alors en mesure de se réjouir à l’égard de tout ce
mal. Au départ, on doit recevoir de l’aide au moyen de
quelque boisson. C’est en effet grâce à l’enivrement de
Pourim que l’homme peut s’extraire des limites relatives
aux pensées et aux émotions qui le retiennent, à cause de
tout le mal qui le traverse. Si c’est en raison de ses actes,
celui-ci est rempli de dommages et de fautes. Si c’est
en raison des malheurs et des souffrances de ce monde,
chacun fait face à ses problèmes. En général, l’homme
éprouve des difficultés à se libérer de tout cela, en y
parvenant seul, car « Le détenu ne se libère pas, tout seul,
de la prison » (Berakhot 5). C’est pourquoi l’aide lui vient
par le vin : en en consommant une petite quantité, il peut
sortir de son enfermement, à l’égard des pensées et des
émotions qui retiennent son cerveau captif, en l’empêchant
de s’élever au-delà de sa perception traditionnelle, en lui
procurant la joie de Pourim, quoi qu’il arrive. Cependant,
אור זרוע- Or Zaroua 9
en buvant quelque peu, il quitte sa place et il est en mesure
de se réjouir. Avec le peu de joie qu’il reçoit du vin, il
en vient à éprouver une plus grande allégresse, au point
d’être envahi par une immense gaieté. Il s’investit dans
cette joie, tant et si bien qu’il peut se réjouir également
vis-à-vis de tout le mal qu’il a enduré, en dansant et en
jubilant, aussi bien pour le bien que pour le mal, jusqu’à
ne plus faire la différence entre le bien et le mal, entre
Haman et Mordekhaï. Au contraire, il se réjouit de tout,
en expérimentant uniquement joie et rire. C’est en soi le
chemin qui mène à la délivrance parfaite correspondant
à Pessa’h, comme on l’a dit précédemment.
C’est là le thème inscrit en allusion dans le verset (Ex
17,17) : « Ses mains étaient [porteuses] de foi, jusqu’à
ce que vienne le soleil » [traduction littérale]. « Ses
mains » font référence à Pourim et à Pessa’h. Ces deux
fêtes sont en rapport avec les deux mains. C’est pourquoi
10 POURIM - Chapitre 1
Pourim commence le 14 Adar, alors que Pessa’h débute le
14 Nissan. En hébreu, le nombre 14 s’écrit ידYod-Dalet
et épelle le mot ידYad (une main). Il y a donc ידYad et
ידYad : deux mains. Grâce à la foi, il est possible de les
unir, en voyant comment Pourim et Pessa’h ne forment
qu’un seul concept. En effet, grâce à la foi qui transcende
l’intellect, ce qui renvoie au vin de Pourim au moyen
duquel on s’élève au-delà de l’intellect, on accède à la joie
qui caractérise cette dernière fête … C’est là réellement
l’essence même de la délivrance qui relève de Pessa’h.
C’est pourquoi il est écrit (Is 55, 12) : « Car vous sortirez
dans la joie » … Grâce à la joie, on recouvre la liberté
(Likouté Moharan tome 2, 17). Pourim et Pessa’h : la joie
et la liberté.
אור זרוע- Or Zaroua 11
Chapitre 2
Ainsi : « Jusqu’à ce que vienne le soleil » … Il s’agit
du soleil à propos duquel il est dit (Mal 3,20) : « Pour
ceux qui craignent Mon Nom brillera pour vous le
soleil guérisseur de la Tsédaka ». Il fait référence au
degré d’Avraham, comme il est rapporté dans le Likouté
Moharan (Torah 31) : « La vision du soleil, le degré
d’Avraham » … Cela est inscrit en allusion à Pourim,
lorsque chacun se déguise en apposant un masque sur son
visage. Cela rappelle allusivement que chaque membre
d’Israël revêt (extérieurement) l’aspect d’un masque et
d’un voile, vis-à-vis de son véritable visage.
En effet, chaque juif porte en lui la « lumière du visage »
(or hapanim). Là-bas se trouve la majesté du visage,
l’essence de la face de chacun, la racine et le principe
fondamental de chacun. Cependant, il est à présent
12 POURIM - Chapitre 2
dissimulé et caché à l’intérieur de l’homme. Chacun est
semblable à un masque et à un déguisement, vis-à-vis de
cette « lumière du visage ». Le déguisement de Pourim
fait allusion à cela, car on commence alors à dévoiler que
chaque Juif correspond extérieurement à une forme de
déguisement et de revêtement, par rapport à la « lumière
du visage » qui demeure en lui, au sein de son essence
profonde ( עצמוAtsmo).
Cette « lumière du visage », la splendeur de la face,
constitue le « עצמוAtsmo » qui réside en toute chose.
C’est le thème d’Avraham, car celui-ci désigne le degré
d’Atsmo de chacun, qui est, pour le moment, dissimulé
et caché à l’intérieur de l’homme. Cependant, à Pourim,
le dévoilement d’Avraham est entrepris. Il s’agit de
« la lumière du visage » qui se trouve à l’intérieur de
l’homme. Le verset suivant s’accomplira alors (Is 30) :
« Ton maître ne se dissimulera plus derrière le pan (de
אור זרוע- Or Zaroua 13
son vêtement) » …
« ִיּ ָכ ֵנףYikanef » signifie que jusqu’à présent, le maître, qui
n’est autre qu’Avraham, était dissimulé « sous le pan du
vêtement », c’est-à-dire à l’intérieur de chacun, mais à
Pourim, le sujet inhérent à ce verset (« Ton maître ne se
dissimulera plus ( ִיּ ָכ ֵנףyikanef) derrière le pan (de son
vêtement) ») se met à briller. Il quitte son voilement et
son occultation pour se révéler auprès de chacun. Alors …
« Tes yeux verront ton maître » : les yeux contempleront
le degré d’Avraham qui correspond à la lumière du soleil
qui brillera sur le visage de chaque Juif.
Il s’agit du thème relatif au Rouleau d’Esther : le rouleau
( מגילהméguila) fait référence à un dévoilement (גילוי
guilouï), alors qu’Esther est en rapport avec ce qui est
caché ( הסתרהhastara).
En effet, la Méguila d’Esther désigne le dévoilement de
14 POURIM - Chapitre 2
ce qui était auparavant caché, la révélation de tout ce qui
était occulté à l’intérieur d’un nombre incalculable de
récits et d’événements qui ont pris place dans ce monde.
Jusqu’à Pourim, on assiste à une intensification des
actions qui relèvent des vanités de ce monde. Tout cela
est considéré comme une forme de sommeil de l’âme. De
même que durant le sommeil, l’âme, qui désigne l’intellect
et le véritable visage de l’homme, se retire, alors que le
corps reste seul, ainsi en est-il de l’homme qui s’investit
uniquement dans les activités vaines de ce monde, sans se
consacrer à la Torah et aux mitsvot. Il est alors assimilé à
une personne endormie, qui sommeille durant toute la vie
qu’on lui a allouée du ciel, alors que ce temps précieux lui
avait été accordé afin d’habiller son âme ici-bas, à travers
la pratique de la Torah et des mitsvot. Lorsqu’il fait
dominer ses réalisations terrestres sur l’accomplissement
des mitsvot, il revêt alors l’aspect du sommeil.
אור זרוע- Or Zaroua 15
C’est là ce qu’ont déclaré nos sages de mémoire bénie, en
soulignant l’expression employée par Haman à Assuérus
(Méguila 13) : « ‘Il existe ( ֶיְׁשנֹוyechno) un peuple’ … Ils
sont endormis vis-à-vis des mitsvot ». En effet, lorsque
les enfants d’Israël se consacrent aux vanités de ce monde,
en s’y investissant bien davantage que l’étude de la Torah
et la pratique des mitsvot, ceci leur est compté comme s’ils
dormaient, ce qui renvoie au retrait de leur intellect, soit
la « disparition de la face » [NdT : la perte de connexion
avec la « lumière du visage » qui est notre intériorité]. Ils
risquent de chuter, en perdant les 70 facettes de la Torah,
comme ce fut le cas à l’époque de Mordekhaï et d’Esther.
L’ensemble du récit de la Méguila prit place à la fin des
70 années de l’exil perse et mède. Israël connut alors une
grande chute, étant donné que les Juifs profitèrent du
festin d’Assuérus; ils se prosternèrent devant une idole
et se marièrent avec des femmes étrangères. Tout cela
16 POURIM - Chapitre 2
est révélateur d’un renforcement des actes propres à ce
monde, au détriment de l’étude de la Torah. Cette situation
correspond à l’endormissement de l’âme et de l’intellect
sacré de chacun.
C’est pourquoi il n’était alors pas possible de sauver les
enfants d’Israël, en les faisant sortir de leur torpeur, et
en attirant sur eux la lumière de la délivrance, le retour
sur la terre d’Israël et la construction du Temple, sans
autre moyen que celui de dévoiler les Contes des temps
anciens. Ces contes sont en rapport avec la Méguila
d’Esther, en tant que récit appartenant à ce monde. C’est
la raison pour laquelle le Nom de D.ieu n’apparaît pas
dans la Méguila, parce que celle-ci est constituée de
récits et d’histoires corrélées à ce monde, qui prirent le
dessus sur l’étude de la Torah et les mitsvot d’Israël, au
point qu’à l’époque de Mordekhaï et d’Esther, les enfants
d’Israël chutèrent de toutes les 70 facettes de la Torah.
אור זרוע- Or Zaroua 17
Un verset y fait allusion (Deut 31,18) : « Quant à Moi,
Je dissimulerai Ma Face » … « Ma Face » désigne les
70 facettes de la Torah qui dérivent de la lumière de la
Face divine. Lorsque les œuvres de ce monde dominent,
emplies de vanités, opposées à l’étude de la Torah, on
assiste alors à une dissimulation de la lumière de la Face
divine qui est revêtue au sein de la pratique de la Torah et
des mitsvot.
Cependant, à Pourim, s’accomplit le verset suivant
: « il fut inversé » ( ונהפוך הואvanahafokh hou) … La
situation changea du tout au tout, car Mordekhaï et Esther
commencèrent alors à raconter les Contes des temps
anciens, c’est-à-dire la Méguila d’Esther. Grâce à cela,
ils dévoilèrent ce qui était auparavant occulté, en faisant
briller et révélèrant qu’au sein de toutes les histoires et
des récits de ce monde, au milieu de toute cette vanité qui
est produite sur la terre, à l’intérieur de tout, se trouve
revêtu D.ieu béni soit-Il en personne.
18 POURIM - Chapitre 3
Chapitre 3
C’est pourquoi la Méguila ne mentionne pas l’E-ternel, car
il n’est pas nécessaire de rappeler le Nom et le souvenir
divin dans ce récit, étant donné que la Méguila elle-même
dévoile que l’intégralité de l’histoire et du récit qu’elle
contient, procède totalement de D.ieu Lui-même. En
effet, lorsqu’il s’agit de l’essence ( עצמוAtsmo) de D.ieu,
nul n’est besoin d’évoquer les Noms divins, comme le
Tétragramme, Elo-kim ou Ad-nout … Tous ces Noms
sacrés et redoutables relèvent d’une grande bonté de l’E-
ternel qui a accordé à Israël, par l’intermédiaire de l’étude
de la Torah, le privilège de Le désigner par un Nom ou un
Nom d’emprunt. C’est pourquoi toute la Torah dont nous
disposons actuellement, est composée de Noms divins.
Grâce à la Torah, nous appelons l’E-ternel, en employant
des Noms spécifiques qui Le désignent uniquement,
comme le Tétragramme, etc. Ce sont des Noms sacrés et
אור זרוע- Or Zaroua 19
redoutables, au point qu’il est interdit de les mentionner
en vain, comme on le sait.
Cependant, tous ces Noms saints et redoutables qui
représentent l’ensemble de la Torah, dans sa perception
actuelle, furent attribués à Israël, seulement après la
Création du monde. Toutefois, D.ieu béni soit-Il, dans
Son essence profonde (Atsmo) ne dispose d’aucun Nom,
comme cela est rapporté dans le Likouté Halakhot (lois
sur le Chabbat, 5,17) : « Avant la Création, D.ieu béni
soit-Il, n’avait absolument aucun Nom ». Avant la sortie
d’Egypte et le don de la Torah, D.ieu n’avait également pas
de Nom, comme il est signalé sur place : « Avant la sortie
d’Egypte et la réception de la Torah, avant qu’Israël
n’ait été choisi comme étant le peuple de prédilection
de D.ieu béni soit-Il, l’E-ternel ne disposait pas encore
d’un Nom ». C’est pourquoi aucun Nom divin n’apparaît
dans la Méguila d’Esther, étant donné qu’elle constitue un
20 POURIM - Chapitre 3
récit et une histoire relative à ce monde dans lequel D.ieu
béni soit-Il en personne est revêtu. De même qu’avant la
Création et le don de la Torah, D.ieu était sans Nom, c’est
aussi le cas lorsque l’histoire de ce monde prend le dessus
sur l’étude de la Torah, qui est entièrement composée de
Ses Noms : le Nom divin se trouve alors dans une phase
d’occultation et de dissimulation, tout comme avant la
Création.
A Pourim, s’accomplit «ונהפוך הוא Vanahafokh hou » :
tout s’est renversé, de sorte que le dommage s’inverse pour
devenir lui-même le Tikoun. C’est là ce qui est rapporté
dans l’ouvrage « Tsidkat hatsadik » (§ 121) : « Là où l’on
rencontre le dommage se trouve précisément le parfait
Tikoun ». En d’autres termes, le Tikoun s’accomplit
précisément au sein d’une situation dans laquelle les
vanités de ce monde prennent le dessus sur l’étude de la
Torah et les mitsvot. Comme on l’a dit plus haut, il s’agit
אור זרוע- Or Zaroua 21
d’une phase de sommeil et d’occultation du Nom divin.
Le Tikoun n’est autre que cette situation elle-même : le
récit et l’histoire de D.ieu béni soit-Il en personne est en
elle-même tout le récit et l’histoire de ce monde physique
et matériel !
La Méguila d’Esther raconte certes une histoire dans
laquelle le Nom divin n’est pas mentionné, mais tout le
monde sait bien que son récit, dans son intégralité, a pour
unique trame une succession d’interventions divines au
sein même de la Nature et des œuvres de ce monde. Ainsi,
par ce biais, on révèle alors ce qui était auparavant voilé :
l’essence profonde du divin, qui était cachée dans les
actions entreprises ici-bas, se révèle à présent, lorsque l’on
a conscience que tout cela est simplement l’expression de
la propre histoire de D.ieu.
Ce qui vient d’être dit est en rapport avec les Contes des
22 POURIM - Chapitre 3
temps anciens. Ces derniers constituent la racine des 70
facettes de la Torah. Grâce à ces récits, on tire les hommes
de leur sommeil, dans la mesure où l’on dévoile que toutes
les histoires et les actions entreprises dans ce monde,
relèvent uniquement de l’essence profonde ( עצמוAtsmo)
de D.ieu, tant et si bien qu’on assiste à une révélation
de la « lumière du visage » elle-même, à partir de la
matière. Ainsi, après l’histoire de Mordekhaï et d’Esther,
telle qu’elle figure dans la Méguila, les enfants d’Israël
eurent droit à la délivrance, en montant en Erets Israël et
en construisant le Temple, là où réside la lumière de la
Face divine.
C’est pour cette raison que Pourim constitue une
préparation pour Pessa’h, en tant que préliminaire à la
délivrance, car pour l’essentiel, la délivrance aura lieu par
l’intermédiaire du Tsadik éminent qui présente l’aspect du
Machia’h. Il sait comment raconter les Contes des temps
אור זרוע- Or Zaroua 23
anciens, ce qui correspond à la lecture de la Méguila, ce
qui lui permettra de tirer du sommeil et de la torpeur, tous
les êtres humains qui résident à la surface de toute la terre.
Ceux qui sortiront de leur léthargie ne sont pas seulement
les hommes, mais un tel événement concernera aussi le
monde entier qui se réveillera : l’ensemble du règne
minéral, végétal, animal et humain … Tous quitteront leur
endormissement et leur sommeil, grâce aux histoires du
Machia’h, car c’est lui qui aura pour mission de dévoiler
ce qui était caché jusqu’à présent, à savoir que D.ieu
béni soit-Il, dans Son essence profonde ( עצמוAtsmo) est
revêtu à l’intérieur de toutes les actions entreprises dans
ce monde. Il s’habille en tout, au sein de toutes les pierres
et des arbres, à travers tous les animaux, dans tous les
actes et les activités, dans toutes les pensées et les paroles.
Il s’agit réellement de la propre Torah de D.ieu béni soit-
Il, de la Torah du Machia’h, d’une Torah qui, pourrait-
24 POURIM - Chapitre 3
on dire, ne contient pas le Nom divin, parce qu’elle est
entièrement l’essence profonde du Saint béni soit-Il.
C’est là l’expression de l’énorme et authentique allégresse
de Pourim, car le monde entier est alors en mesure de se
réjouir.
Celui qui a étudié la Torah et qui s’est investi dans la
pratique des mitsvot dans ce monde, a certainement de
quoi se réjouir énormément, mais cette jubilation ne lui
est pas uniquement réservée … Tous les êtres humains, le
monde tout entier, ce qui inclut aussi celui qui a travaillé,
durant toute sa vie, en ayant pour seul objectif d’assurer
sa subsistance et son gagne-pain dans ce monde, sans se
soucier nullement de sa finalité éternelle dans le monde
futur : lui aussi pourra se réjouir énormément, en faisant
sa joie de l’E-ternel, au cours des saints jours de Pourim.
En effet, il sera alors révélé en quoi toute son occupation
ici-bas était en rapport avec les Contes des temps anciens,
אור זרוע- Or Zaroua 25
ce qui renvoie à la lecture de la Méguila. Grâce à cela
précisément, on aura droit à la lumière qui se dégage de
la Face du Roi vivant, cette lumière de la Face divine
qui constitue la racine de la Torah que l’on connaît
actuellement.
Une prise de conscience scintillera alors dans l’esprit
de l’homme, quand il comprendra que D.ieu béni soit-
Il et Sa Torah demeuraient en permanence avec lui, au
sein de toute action et de tout travail. A chaque fois qu’il
fit dominer les vanités de ce monde sur l’étude de la
Torah, ce qui correspond à une forme de sommeil, c’est
précisément grâce à son attitude et en parallèle à cette
situation qu’il recevra un éveil imposant et absolument
prodigieux, comme ce fut le cas à l’époque de Mordekhaï
et d’Esther. Il accomplit ainsi « Vanahafokh hou », en
inversant tout : du deuil à la joie et à des jours heureux, de
la vanité précisément [NdT : le mot « deuil » ( אבלével)
26 POURIM - Chapitre 3
s’écrit avec un אaleph, alors que le mot « vanité » ( הבל
hevel) s’écrit avec un הhé] … Tout ce qui relevait des
choses vaines qui constituaient une cause d’affliction et
de tristesse pour l’âme, se convertira alors en allégresse
et en jours de fête. C’est pourquoi tout le monde se
réjouira, réellement tous sans exception : les Tsadikim,
les gens moyens et les mécréants, les nations du monde
également. Même le monde tout entier entrera dans la joie
de Pourim qui n’est autre que la joie du Machia’h : c’est
en possession de cette jubilation que tous parviennent à
Pessa’h, autrement dit à la délivrance.
Un verset y fait allusion (Ps 126) : « Lorsque l’E-ternel
ramena les captifs de Sion ». Il s’agit de la rédemption
en rapport avec le retour à Sion, qui renvoie à l’éveil
du sommeil, lorsque chacun recevra un certain type
d’intellect désigné comme étant la « lumière du visage »,
afin d’avoir l’esprit alerte pour contempler l’E-ternel dans
אור זרוע- Or Zaroua 27
Son essence profonde, qui investit la terre entière. Telle
est la signification des mots suivants du verset : « Nous
étions semblables à des rêveurs ». Alors il apparaîtra que
nous étions tels des rêveurs, étant donné que nous étions
plongés en plein rêve … En raison de l’intensification des
vanités de ce monde, au détriment de l’étude de la Torah
et de la pratique des mitsvot.
« Alors ( אזAZ) notre bouche se remplira de rire, et
notre langue, de chants » … Grâce à אזAZ, qui inverse
tout en bien, comme il est dit : « Je transformerai alors
( אזAZ) », tout comme il est écrit dans la Méguila : « Et
il fut inversé » (vanahafokh hou) … Grâce à cela aura
lieu l’éveil du sommeil, et nous pourrons affirmer que
durant tout le temps de l’exil, nous étions tels des gens qui
rêvent. Quiconque a fait un rêve, en étant plongé dans le
sommeil, en raison de l’intensification des événements et
des récits de ce monde, éprouvera lui aussi une immense
28 POURIM - Chapitre 3
allégresse : « Alors ( אזAZ) notre bouche se remplira
de rire, et notre langue, de chants ». Grâce à אזAZ,
le monde entier s’introduira dans cette jubilation, en se
réjouissant en D.ieu béni soit-Il, en percevant que « Toute
la terre est remplie de Sa gloire », y compris dans tous
les actes entrepris ici-bas.
Les accents joyeux qui retentiront par l’intermédiaire de
אזAZ, le seront grâce au grand Tsadik qui est אזAZ en
personne, comme il est rapporté dans le « Tikouné Zohar »
(Introduction, 3) : « Le Tsadik fondement du monde
inclut tout. C’est par lui que sont unifiés ces deux Noms
[NdT : le Tétragramme et le Nom Ad-nout]. C’est à
propos d’eux qu’il est dit : ‘Alors (AZ) les arbres de
la forêt chanteront’ ». Le Tsadik fondement du monde
correspond au Machia’h : il exprime le sujet de אזAZ.
C’est pourquoi c’est chez lui que s’unissent les deux
Noms qui relèvent de אזAZ, comme il est mentionné
אור זרוע- Or Zaroua 29
dans l’ouvrage « Les 515 prières » du Ram’hal (prière
359) : « Par Ton unification que Tu leur dévoileras, qui
est אזAZ, l’union des deux Noms Tétragramme et Ad-
nout ». אזAZ désigne lui-même l’union des deux Noms
qui demeure présente chez le Tsadik fondement du monde.
Ainsi, grâce à celui-ci, il est dit : « Alors ( אזAZ) les arbres
de la forêt chanteront », dans la mesure où c’est par son
intermédiaire qu’on assistera à un éveil du sommeil qui se
communiquera également
aux arbres de la forêt,
au même titre que
les êtres humains
… Certes, ceux qui
apparaissaient comme
étant des pierres et des
arbres ici-bas, étant donné
qu’ils se consacraient uniquement
30 POURIM - Chapitre 3
aux vanités de ce monde, auront également droit à des
chants et à la joie, conformément au verset : « Notre
bouche se remplira de rire, et notre langue, de chants ».
« On dira alors ( אזAZ) parmi les peuples : ‘L’E-
ternel a fait de grandes choses pour ces gens’ ». Les
nations verront l’allégresse d’Israël qui adviendra par
l’intermédiaire de אזAZ, qui inverse toute notre chute,
soit notre éloignement de l’étude de la Torah, en grande
élévation et en joie de la délivrance. Ceci correspond à
la Méguila d’Esther, comme on l’a dit précédemment :
elle ne contient aucun Nom sacré, mais en dépit de cela,
elle est réellement la Torah. Les peuples diront אז AZ …
« On dira אזAZ (alors) parmi les peuples ». Ils
contempleront toute cette jubilation des enfants d’Israël
dont les occupations vaines auront été inversées : ces
activités elles-mêmes seront converties pour eux en joie
de l’E-ternel et de la Torah. Cela sera opéré par le biais
אור זרוע- Or Zaroua 31
de אזAZ qui est en rapport avec les Contes des temps
anciens. Chez les nations, on déclarera : « L’E-ternel a
accompli de grandes choses pour ces gens ».
Les enfants d’Israël se réjouiront pour toute chose, à l’égard
de tout ce qu’ils ont réalisé dans ce monde, de toutes les
ascensions et des chutes, de « toute l’œuvre accomplie
sous le soleil » … Israël se réjouira énormément ! Lorsque
les nations comprendront cela, en voyant ce que D.ieu
béni soit-Il entreprend en notre faveur, et la raison pour
laquelle nous sommes si joyeux, elles-aussi se joindront
à nous dans cette allégresse. C’est là le sens du verset :
« L’E-ternel a accompli de grandes choses pour nous,
et nous étions joyeux » … C’est ce que les peuples
affirmeront.
Ces derniers saisiront que nous jubilons également vis-
à-vis de tout le sommeil qui s’abattit sur nous dans ce
32 POURIM - Chapitre 3
monde, alors que ses vanités prirent le dessus sur l’étude
de la Torah. Même dans ce cas, nous nous réjouirons en
l’E-ternel. Ce constat poussera les nations à être dans
l’allégresse elles-aussi, étant donné que les vanités de ce
monde se rencontrent principalement chez les non-juifs,
dans la mesure où ils n’ont pas reçu la Torah et les mitsvot.
C’est pourquoi il ne fait aucun doute qu’ils dorment
d’un profond sommeil durant toute leur vie. Ils courent
et se déplacent, en recherchant uniquement les vanités
de ce monde, comme nous le voyons dans la réalité : les
nations du monde s’investissent seulement en faveur de
ce monde actuel, afin d’accroître leur richesse et les biens
matériels, comme on le sait bien, en observant tout ce qui
est entrepris ici-bas, en ce qui concerne chaque peuple et
chaque individu. Il s’agit d’une forme d’endormissement
et de torpeur extrême.
Cependant, les peuples comprendront que cette situation
אור זרוע- Or Zaroua 33
d’éloignement est principalement à l’origine de l’allégresse
d’Israël, dans la mesure où ce qui est vain ( הבלhével) est
en soi générateur de joie. A partir de toutes les activités
de ce monde, se dévoile à nous la lumière de la Face
divine, afin que nous nous rapprochions de Lui. Forts
de ce constat, les non-juifs feront eux-aussi leur entrée
dans cette joie, étant donné que c’est chez eux que l’on
rencontre surtout les actes et les histoires de ce monde.
Ainsi « L’E-ternel a accompli de grandes choses pour
nous, et nous étions joyeux ». Les nations verront et
comprendront la grandeur de l’histoire que D.ieu béni
soit-Il a réalisé auprès d’eux : au sein de tout ce qu’ils ont
accompli dans ce monde, il y avait là-bas quelque chose
de très grand, la propre Torah de D.ieu. L’E-ternel béni
soit-Il en personne se trouvait chez eux, en étant revêtu
à travers toutes les vanités de leur monde. C’est la raison
pour laquelle ils se réjouiront beaucoup eux-aussi.
34 POURIM - Chapitre 3
C’est là ce qui est rapporté dans le Likouté Moharan
(Torah 33,4) : « La Torah contient deux aspects : un
aspect dévoilé et un aspect caché. La dimension cachée
est appelée « la Torah de l’Ancien caché », et elle est
destinée à se dévoiler dans l’avenir. Lorsque cet aspect de
la Torah sera révélé, il y aura alors une paix prodigieuse
dans le monde, comme il est écrit : « Le loup demeurera
avec la brebis, et la panthère avec le chevreau. Il n’y
aura plus de mal ni de violence sur toute Ma sainte
montagne, car la terre sera remplie de la connaissance
de D.ieu », car l’amour inclus dans le Daat se dévoilera
alors. Ainsi, grâce à la divulgation de la Torah de l’Ancien
caché, une paix extraordinaire se répandra, de sorte que le
monde tout entier expérimentera une paix éclatante, car
la Torah englobe tout, y compris les nations du monde.
C’est pourquoi elles-aussi peuvent connaître la paix et la
joie par son intermédiaire.
אור זרוע- Or Zaroua 35
C’est là ce qui est rapporté dans le Likouté Halakhot
(Pourim, 3,10) : « Mordekhaï était situé à un niveau
extrêmement élevé, qui est en rapport avec la sagesse
cachée qui se dévoile précisément au moment
du sommeil et de l’assoupissement. C’est en effet
particulièrement lors de l’endormissement, c’est-à-
dire lorsque toutes les sagesses se retirent, ce qui fait
référence au sommeil, que se révèle alors l’illumination
de Mordekhaï, autrement dit le dévoilement de la
sagesse cachée et dissimulée du regard de tout vivant ».
Le sommeil exprime la suprématie de ce monde sur l’étude
de la Torah, comme cela est rapporté dans le Likouté
Halakhot (Nédarim, 5,1) : « Le sommeil qui correspond
au retrait de [la lumière] du visage, en rapport avec
l’intellect, résulte de l’intensification des vanités de ce
monde, qui est celui de l’Action ( ֲעִׂשּ ָיהAssya), vis-à-
vis de la Torah ». C’est précisément lorsque les activités
36 POURIM - Chapitre 3
de ce monde prennent le pas sur l’investissement dans la
Torah que le moment est alors venu de révéler la sagesse
cachée. Celle-ci est corrélée à la Méguila d’Esther, soit aux
Contes de Mordekhaï le Tsadik qui est le Juste fondement
du monde. Son prénom, Mordekhaï, a la même valeur
numérique que l’expression « Rav de bonté », car il tire
toute sa force du véritable Rav qui respire la bonté, c’est-
à-dire Avraham l’homme de bonté qui est en personne la
« lumière du visage », comme cela est mentionné dans
l’ouvrage « Beit Yaakov » (Vayéra 29) : « Avraham
désigne la Face divine, comme il est rapporté dans le
saint Zohar : ‘A Sa Face … Il s’agit d’Avraham’ ».
אור זרוע- Or Zaroua 37
Chapitre 4
Le Likouté Moharan (Torah 84) rapporte : « ‘Avraham
était âgé, il avançait en jours’. Cela signifie que tous
ses propres jours étaient complets et de grande valeur,
car c’est du côté droit que le Cerveau apparaît blanc
comme de l’argent ; l’accusateur devient défenseur,
et il pouvait accéder chaque jour, au bien caché qui
lui était propre ». C’est d’Avraham, à propos duquel il
est dit : « Avraham était âgé, il avançait en jours », que
le monde reçoit toute la longévité [NdT : littéralement
« le prolongement des jours »], c’est-à-dire la Torah de
l’Ancien caché, comme il est rapporté dans le Likouté
Halakhot (enseignants, 1) : « Le prolongement des
jours relève de l’ancien ( ָז ֵקןzaken), l’aspect d’Atik, ce
qui a trait au « père du père » [NdT : le père, Abba,
représente la Sagesse divine. Il existe au-dessus de lui,
Atik, la Couronne divine, qui est donc l’origine (le
38 POURIM - Chapitre 4
père) de la Sagesse divine]. On en déduit que la racine
de la Torah provient d’Atik, l’aspect du Machia’h ».
C’est de là-bas que Mordekhaï et Esther tirèrent la force
d’inverser l’accusateur en défenseur à l’époque de Pourim.
Il s’agit de renverser les vanités de ce monde, en rapport
avec le sommeil, pour les convertir en un gigantesque
éveil à nul autre pareil, au point que l’on puisse affirmer :
« Nous étions comme des rêveurs » … On sort alors du
sommeil précisément grâce aux activités de ce monde, ce
qui correspond à la Méguila d’Esther qui décrit un récit
appartenant aux histoires de ce monde. Grâce à cela, on
accède à une joie éternelle, qui n’est autre que l’allégresse
de Pourim.
Avant d’accéder à la joie qui caractérise Pourim, chacun
expérimente divers événements et des mésaventures, toute
une série de souffrances et d’ennuis, à partir de tout ce qui
אור זרוע- Or Zaroua 39
advient ici-bas. Il est rapporté dans le Choul’han Aroukh
(Ora’h Hayim, § 686, 2,3) : « On jeûne le 13 Adar …
Certains jeûnent durant trois jours, en souvenir du
jeûne d’Esther ». Ce jeûne inclut tous les autres jeûnes
et toutes les peines que l’homme éprouve dans ce monde.
Cependant, il jeûne en étant mû par le désir ( רצוןratson).
En effet, le jeûne d’Esther véhicule une illumination du
רצון ratson: l’homme comprend que pour mériter une
joie éternelle, en rapport avec l’allégresse de Pourim, il
doit alors certainement recevoir avec amour tout ce qui
lui arrive dans ce monde, sans céder au découragement,
pour rien au monde. En traversant toutes sortes d’ennuis
et de souffrances – ce qui relève du jeûne d’Esther – qu’il
sache que cela est dû à l’occultation, étant donné que la
Torah de l’Ancien caché, qui est dissimulée dans toutes
les œuvres de ce monde, ne s’est pas encore dévoilée.
Dans ce cas, de nombreuses situations difficiles peuvent
40 POURIM - Chapitre 4
survenir, en provenance des vanités de ce monde. Il faut
tout recevoir en y consentant, étant donné que l’on doit tout
prendre avec amour, ce qui correspond au jeûne d’Esther.
On accueille ainsi le jeûne et la peine avec amour, en
l’acceptant pleinement. Par cette attitude, on inverse tout
en bien, conformément au secret de : « Il fut renversé »
( ונהפוך הואvanahafokh hou). Le jeûne et les ennuis ont été
convertis en bien, grâce au silence et à l’amour, lorsque
l’homme accepte tout de plein gré et par amour.
C’est en cela que réside principalement la soumission
d’Haman – Amalek … L’attente … Avant d’entrer
dans Pourim, en goûtant à la joie de la délivrance, nous
sommes face à une attente : il s’agit du jeûne d’Esther,
le 13 Adar. Certes, à ce moment-là, nous ne sommes pas
tellement joyeux, en raison du jeûne et de la gêne qu’il
occasionne, mais nous acceptons tout avec amour, avec
satisfaction, et nous attendons la délivrance de D.ieu béni
אור זרוע- Or Zaroua 41
soit-Il, sans presser le temps. Cette attente est en relation
avec les 42 étapes au cours desquelles les enfants d’Israël
stationnèrent dans le désert, avant de pénétrer en Erets
Israël : « Voici les déplacements des enfants d’Israël »
(Nomb 33,1) … Ces 42 étapes sont en rapport avec les
« trois mains ». La première main désigne Pourim qui
tombe le 14 Adar [NdT : une main se dit ‘ ידyad’ en
hébreu. Ce mot a la valeur numérique de 14]. La seconde
main correspond à Pessa’h qui est célébrée le 14 Nissan.
Il y a enfin une troisième main qui est associée à Pessa’h
chéni ; cette dernière fête concerne exclusivement celui
qui n’avait pas pu célébrer la première fête de Pessa’h.
Elle tombe le 14 Iyar. Les trois mains [3 x 14] conduisent
à un total de 42, en parallèle avec les 42 étapes. En effet,
toutes ces stations délivrent un message d’attente et de
patience, ce qui renvoie au jeûne d’Esther, avant de
pouvoir entrer dans Pourim. On reçoit ainsi avec
42 POURIM - Chapitre 4
amour et en y consentant, toutes les péripéties vécues
dans ce monde, qui se traduisent par les déplacements
de chacun dans des endroits où il vit des mésaventures
qui lui arrivent … Tout cela constitue l’histoire et le récit
de chacun ici-bas … La patience et l’attente … Jusqu’à
parvenir à la délivrance.
Il s’agit, en soi, de la soumission d’Haman – Amalek, car
où donc rencontre-t-on Amalek ? Il se trouve en chemin,
lors des déplacements. C’est à son propos qu’il est dit :
« Parce qu’il t’a refroidi en chemin, en s’acharnant sur
tous tes traînards. Alors que tu étais fatigué et épuisé, lui
ne craignait pas D.ieu » (Deut 25,18). Afin de soumettre
Amalek, tu as besoin de recevoir la recommandation de
la reine Esther qui déclara (Est 4) : « Je me rendrai chez
le roi, contrairement au protocole en vigueur, et si je
dois périr, eh bien je périrai » … Nos sages de mémoire
bénie ont affirmé (Méguila 15) : « ‘Contrairement à la
אור זרוע- Or Zaroua 43
règle ( דתdat) en vigueur’ : en contrevenant à la loi de
la Torah ». Certes, je suis en déplacement sur les routes
de ce monde : j’ai trébuché bien des fois, alors que me
guettent des tourbillons de fautes et de transgressions, des
ennuis et des mésaventures. Je suis épuisé et las, alors
que mon adversaire ne craint pas D.ieu, dans la mesure
où Amalek se renforce alors réellement chaque jour,
afin de dresser mon réquisitoire avec ses accusations …
Je crois malgré tout dans le Tsadik de vérité, le Tsadik
fondement du monde qui relève de « Mordekhaï » –
« le Rav de bonté », qui possède la force immense de
dévoiler une telle Torah, merveilleuse et redoutable … La
Torah de l’Ancien caché … Même au moment où je suis
fatigué, alors que « je ne crains pas D.ieu », étant donné
que je suis alors plongé dans une phase de sommeil et
de torpeur. Je suis très proche de perdre définitivement
l’espoir d’accéder à une parfaite Téchouva, à une vie
44 POURIM - Chapitre 4
bienfaisante et authentique, comme celle des Tsadikim.
Je me rendrai ainsi chez le roi, contrairement au protocole
en vigueur, « à l’encontre de la loi de la Torah »,
parce que je crois dans le Tsadik fondement du monde,
qui affirme que l’annulation de la Torah marque son
accomplissement, comme il est rapporté dans le Likouté
Halakhot (synagogue, 5,12) : « L’annulation de la Torah
permet l’existence du Tsadik authentique » … C’est
pourquoi même au moment de ma propre annulation de la
Torah, j’irai chez le roi, contrairement à la loi de la Torah.
« Je me rendrai chez le roi, contrairement au protocole
en vigueur, et si je dois périr, eh bien je périrai » …
Ce verset contient en allusion le thème de l’attente et
de la patience : il convient d’afficher sa satisfaction en
acceptant avec amour tout ce que l’homme reçoit en
cours de route, lors de ses pérégrinations, jusqu’à ce qu’il
pénètre dans la joie de Pourim. En effet, l’homme doit
אור זרוע- Or Zaroua 45
apprendre à aimer sa propre intériorité ( עצמוAtsmo)
en éprouvant un certain contentement envers lui-même,
tel qu’il est, et même s’il ne réussit pas à se conduire et
à œuvrer ici-bas comme il l’aurait souhaité. Il attendra
malgré tout et se montrera patient, en cultivant la joie
et la bonne humeur. Il veillera à ne pas forcer le temps,
mais il restera simplement joyeux. Rien ne parviendra
à le troubler, et rien ne l’intéressera, hormis le fait de
poursuivre sa besogne (voir Likouté Moharan, 155).
Bien que je souhaite accomplir les mitsvot de la Torah
comme il faut, en faisant Téchouva, tout en expérimentant
une belle vie dans ce monde, je constate cependant que
je suis encore éloigné d’un tel objectif. Qu’importe !
Je me rendrai simplement chez le roi, contrairement au
protocole en vigueur : si je dois disparaître, eh bien je
disparaîtrai. Cette prise de conscience émane du pouvoir
du juste Mordekhaï, l’aspect du Rav de bonté. Il est
46 POURIM - Chapitre 4
certain qu’en ayant une telle attitude d’esprit, nous ne
disparaîtrons jamais, car « L’E-ternel ne repousse pas, à
tout jamais, celui qui est banni loin de Sa présence ».
Nous accéderons précisément grâce à cette démarche,
à la grande délivrance de Pourim, comme ce fut le cas
réellement pour la reine Esther : « Le roi tendit à Esther
le sceptre d’or ».
C’est la raison pour laquelle le roi lui présenta précisément
« le sceptre d’or », car ce métal fait allusion au côté nord,
comme il est écrit (Job 37) : « C’est du nord que provient
l’or ». De même, il est écrit (Jer 1) : « C’est du nord
que le mal se répandra », étant donné que cet or prend,
au départ, l’apparence du jugement. Cependant, c’est
précisément grâce au principe évoqué précédemment qui
affirme que de toute façon, « Cela lui est bien égal » –
l’essentiel étant de « se rendre chez le roi, contrairement
au protocole en vigueur ; si je dois périr, eh bien je
אור זרוע- Or Zaroua 47
périrai » – que D.ieu béni soit-Il se montra favorable :
« Il lui tendit le sceptre d’or ». En d’autres termes, c’est
précisément à partir de « l’or » et d’un jugement sévère,
ce à quoi fait écho le verset : « C’est du nord que le mal
se répandra », que nous serons à l’aise et que nous serons
sauvés.
Il est rapporté dans le Choul’han Aroukh (Ora’h Hayim,
§ 687, 1) : « L’homme a le devoir de lire la Méguila
durant la nuit, et de réitérer sa lecture le lendemain,
en journée ». Il s’agit là de quelque chose de merveilleux
et de très impressionnant, dans la mesure où la lecture de
la Méguila relève réellement de la lecture de la Torah.
C’est pourquoi le Choul’han Aroukh signale (Ora’h
Hayim, § 691, 1) : « On écrit la Méguila uniquement
avec de l’encre, sur différentes formes de parchemin (
גוילgvil ou קלףklaf), au même titre qu’un Sefer Torah.
Elle nécessite un traçage des lignes, tout comme pour
48 POURIM - Chapitre 4
la Torah ». Cependant, nous procédons à la lecture de la
Torah durant toute l’année, uniquement en journée, alors
que la Méguila se lit la nuit, et elle est relue le lendemain.
En effet, la Méguila qui constitue le récit des Contes des
temps anciens qui proviennent de la Torah de l’Ancien
caché, désigne la Torah du Chabbat. En ce jour, nous
avons alors droit à une double portion de pain ( לחם
משנהle’hem michné), en tant qu’abondance double, tout
comme il est écrit à propos de Mordekhaï (Est 10,3) : « Car
Mordekhaï le Juif était le second (michné) du roi ». Le
mot « משנהmichné » possède la signification de ce qui
est double. C’est précisément grâce à Mordekhaï que l’on
accède à la Torah du Chabbat, là où s’exprime la double
portion de pain, l’abondance double. C’est pourquoi la
lecture de la Méguila véhicule également la notion de
« משנה michné » (double), étant donné qu’on la lit la
nuit et qu’on réitère sa lecture en journée, en la répétant
אור זרוע- Or Zaroua 49
(lichnota) précisément, ce qui renvoie au Chabbat, là où
prend place le « לחם משנה le’hem michné » … « le second
( משנהmichné) du roi ».
Il est rapporté dans le Midrach (Vayikra rabba, 28,6)
qu’Haman se rendit auprès de Mordekhaï. Il le trouva
occupé à étudier la mitsva de l’Omer, à base d’orge.
Mordekhaï est en effet le Tsadik qui est le Rav de bonté,
ce qui est en rapport avec la bonté d’Avraham (Hessed
léAvraham). Il répand la Torah de bonté dans le monde,
et il se consacre constamment à dévoiler la Torah de
l’Ancien caché, par laquelle on a le mérite de jouir d’une
double abondance, lorsqu’on a droit à la Torah du Chabbat,
comme mentionné ci-dessus.
Il est ainsi écrit dans la Torah (Ex 16, 22) : « Il arriva, le
sixième jour, qu’on ramassa du pain [NdT : il s’agit
de la manne, le ‘pain du ciel’] en quantité double, à
50 POURIM - Chapitre 4
raison de deux Omer par personne » … « Deux Omer
par personne » précisément, car c’était à cette tâche que
se consacrait Mordekhaï, en épanchant cette Torah dans
le monde : grâce à elle, chacun mériterait « deux Omer »,
selon deux modalités qui concernent aussi bien la nuit que
le jour. En effet, à présent, on procède à la lecture de la
Torah le jour précisément, et non la nuit. En revanche, la
Méguila est lue la nuit mais aussi le jour, parce qu’elle
relève des « deux Omer par personne ». Elle correspond
donc à la fois à la nuit et au jour et Mordekhaï se dévouait
à cette tâche de la dévoiler.
C’est pourquoi à Pourim, on se réjouit de tout, et l’on
englobe dans notre joie y compris Haman – Amalek.
Durant toute l’année, nous nous réjouissons de Mordekhaï,
alors que nous nous affligeons par rapport à Haman –