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Dans un contexte de prise de conscience généralisée des bouleversements écologiques et d’une révolution féministe en cours, on note un certain retour des réflexions écoféministes. Le mouvement, né aux États-Unis dans les années 1970 devant la menace nucléaire, propose une vision intersectionnelle * des luttes et des êtres (femmes, animaux, plantes, ...) (...). L’écoféminisme propose un monde organisé de manière horizontale dans lequel les dualismes fondant notre société, comme nature/culture ou femme/homme, sont anéantis. (...) Ainsi, les textes se revendiquant de ce mouvement prennent tant la forme de l’essai que de la poésie, les manifestations politiques s’agrémentent de danses et de rituels et l’art est au coeur des actions collectives. Les formes doivent être innovantes puisqu’elles diffèrent des langages et manières de faire de ce qu’elles combattent.

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Published by interface.art, 2019-12-09 05:07:30

horsd'oeuvre n°44 - réinventer le monde

Dans un contexte de prise de conscience généralisée des bouleversements écologiques et d’une révolution féministe en cours, on note un certain retour des réflexions écoféministes. Le mouvement, né aux États-Unis dans les années 1970 devant la menace nucléaire, propose une vision intersectionnelle * des luttes et des êtres (femmes, animaux, plantes, ...) (...). L’écoféminisme propose un monde organisé de manière horizontale dans lequel les dualismes fondant notre société, comme nature/culture ou femme/homme, sont anéantis. (...) Ainsi, les textes se revendiquant de ce mouvement prennent tant la forme de l’essai que de la poésie, les manifestations politiques s’agrémentent de danses et de rituels et l’art est au coeur des actions collectives. Les formes doivent être innovantes puisqu’elles diffèrent des langages et manières de faire de ce qu’elles combattent.

Keywords: gloria friedmann,laëtitia toulout,écoféminisme,vandana shiva,carolee schneeman,charlotte heninger,karen archey,justine betems,karine bonneval,rémi baert,maxime gasnier,hélène soumaré,élodie bernard,pauline lisowski,annie sprinkle,monica bonvicini,emily carr,pierre huyghe

www.interface-horsdoeuvre.comle journal de l’art contemporain, déc. 2019 - mai 2020
dijon ➤ bourgogne ➤ france ➤ europe ...

n 44° réinventer le monde

1
© Justine BETEMS, The Gardener, 2017, capture vidéo

Soigner notre monde

Dans un contexte de prise de conscience généralisée des cœur des actions collectives. Les formes doivent être innovantes Les questionnements et analyses d’un corpus artistique
bouleversements écologiques et d’une révolution féministe en puisqu’elles diffèrent des langages et manières de faire de ce permettront, au delà d’envisager les formes de l’écoféminisme
cours, on note un certain retour des réflexions écoféministes. qu’elles combattent. dans l’art contemporain, de mieux ressentir la vision du monde
Le mouvement, né aux États-Unis dans les années 1970 devant qui résulte de ce mouvement et de nous-mêmes déconstruire
la menace nucléaire, propose une vision intersectionnelle * des C’est en cela que nous proposons de questionner et les conceptions qui définissent nos pensées et nos actes.
luttes et des êtres (femmes, animaux, plantes, ...) qui doivent potentiellement voir l’écoféminisme à travers l’art. ll ne
faire face aux mêmes mécanismes de domination que sont le s’agit pas de présenter le travail d’artistes se revendiquant Les textes qui suivent nous invitent ainsi à une balade en forêt,
capitalisme et le patriarcat. L’écoféminisme propose un monde de ce mouvement, mais plutôt de choisir ce prisme pour sur la plage et dans les rochers ; à pleurer dans les musées ; à
organisé de manière horizontale dans lequel les dualismes appréhender des démarches artistiques en assumant une réfléchir, survivre, vivre ensemble ; à tomber amoureux·ses de
fondant notre société, comme nature/culture ou femme/ impossible neutralité de nos rapports à l’art. À ce titre, nous la Terre ; à inventer notre prochain monde.
homme, sont anéantis. Puisqu’il s’agit de se figurer d’autres interrogerons les rites et quêtes spirituelles ; la sororité ; le
manières d’appréhender le monde, les représentations et donc rapport à l’intime et aux corps, les corps des femmes, de la Laëtitia TOULOUT
les arts sont centraux dans les idées et actions écoféministes. nature, les corps abîmés ; l’utilisation ou la convocation des
Ainsi, les textes se revendiquant de ce mouvement prennent formes environnementales ; l’écosexualité et l’érotisation des * Intersectionnalité : créé par Kimberlé Crenshaw en 1991, le terme désigne la
tant la forme de l’essai que de la poésie, les manifestations rapports avec la Terre ; l’abolition de tous les rapports de situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de domination
politiques s’agrémentent de danses et de rituels et l’art est au domination, etc. ou de discrimination dans une société. Source : Les Glorieuses.

Méphistophélès est la figure que Justine BETEMS
incarne dans sa vidéo The Gardener (2017)
lorsqu’elle foule le sol américain munie de sa
caméra.
Le symbole d’un désir de changement, de révolution.
Comprendre les enjeux des révolutions anti-
patriarcales qui s'organisent.
En s’exilant de Los Angeles, elle décide de rompre
avec les images d'un nouveau président élu dont
elle est submergée.
Prendre du recul. Exorciser ses peurs, invoquer ses
pairs. Réinventer le Déjeuner sur l’Herbe.
https://justinebetems.wixsite.com/justinebetems

Vertimus Karine Bonneval
RRR : Rhizotron-roots-rock : dé-jardiner, fonds Perspektive 2019
Récipients en PPMA, gel hydrophile, plantes, son, rondins, coussins

Nous nous tournons, nous retournons sens dessus dessous, nous changeons, nous permutons, humains sont incapables de remarquer les plantes de leur environnement. Pour des raisons
nous nous transformons ; l’humain et la plante, des échanges, des compréhensions. neurologiques et historico-culturelles, nous faisons plus attention aux êtres plus proches de nous
Karine Bonneval développe une démarche où s’élaborent des liens, une connectique, une physiologiquement. Et comme les plantes ne semblent pas bouger, qu’elles poussent proches
manière de travailler dans le temps. Un parallèle s’établit avec le fonctionnement du vivant et les les unes des autres dans des nuances de vert, notre système oculaire-cerveau les range toutes
systèmes techniques. Elle unit dans sa démarche des pratiques vernaculaires à des recherches comme un ensemble des « invisibles inoffensifs ». Alors que sans les plantes, nous n’existerions
scientifiques. Ses œuvres présentent à la fois un lien avec des savoir-faire transmis et des tout simplement pas 3 ». Pour l’artiste, en prenant le temps de prêter attention aux plantes, en
expérimentations. Son travail sur les plantes l’amène à construire des projets rhizomatiques se mettant dans une posture inattendue, en observant leur mouvement, nous pourrions voir les
qui impliquent des personnes de différents univers, botanistes, jardinier·ières, cuisinier·ières et végétaux. Si la science met en lumière certaines capacités du vivant, l’expérience artistique nous
habitant·es des lieux où elle est invitée à concevoir ses projets. conduit à vivre et à ressentir des éléments qu’on ne verrait pas à l’œil nu. Les plantes ont une
Au travers de ses œuvres, elle nous propose de repenser le concept de nature. Comme le dit compréhension du monde aussi fine que la nôtre et c’est en pratiquant les installations de Karine
Philippe Descola, la nature est un concept occidental, qui n’existe pas dans toutes les cultures, Bonneval que nous pouvons saisir leur particularité.
il semble urgent aujourd’hui de s’en rappeler. « Toute ma recherche va dans ce sens : comment De plus, la culture dont une des significations est de cultiver des plantes prend ici tout son sens.
décloisonner notre manière de penser occidentale pour remettre l’humain au milieu d’un tout qui Les œuvres de Karine Bonneval nécessitent un soin particulier, une attention. L’observation des
interagit en permanence ? Un principe que je développe en mettant en jeu différents médiums, postures que les plantes prennent nous conduit à nous interroger sur ce qu’elles subissent et
afin de tenter de matérialiser nos échanges invisibles avec le vivant végétal, le microscopique 1 » comment elles s’adaptent. Son projet nous ouvre sur la nécessité d’envisager différemment la
précise l’artiste. Elle tente de montrer de quelle manière les plantes vivent dans un temps plus culture de la plante, d’appréhender ce qu’elle ressent pour mieux cohabiter avec elle. Il s’agit
long et qu’il suffit de ralentir pour prendre conscience de leurs facultés à ressentir et à s’adapter. d’être en harmonie avec la plante, de percevoir qu’elle dispose de facultés semblables aux nôtres.
Vertimus, projet entamé avec le chercheur Éric Badel, suite à l’invitation du Studio Décalé, En prenant conscience de son comportement, nous découvrons également de quelle manière
coordonné par Natacha Duviquet-Seignolles, vise à bousculer notre regard sur la plante en notre corps peut ressentir les infimes sensations.
nous incitant à nous rendre compte de sa capacité à bouger. La plante possède des outils L’artiste décloisonne les cultures vernaculaires et les cultures scientifiques. Vertimus nous
pour appréhender le monde et s’y adapter, très précis et subtils, que nous sommes seulement montre que des pratiques locales, ancestrales (les « savoirs situés » selon Donna Haraway)
en train de commencer à entrevoir. Le laboratoire du PIAF (INRA) de Clermont Ferrand, avec sont reconnues dans nos sociétés occidentales uniquement quand elles sont prouvées par des
lequel l’artiste collabore, développe des outils et des expériences spécifiques afin d’analyser ces scientifiques.
perceptions végétales. Karine Bonneval cherche à provoquer l’empathie avec la plante, qui doit Avec sa performance rituelle Manger la terre, l’artiste nous conduit également à revenir à des
rester ancrée au sol. « En détournant les outils du laboratoire, je pose des questions simples : gestes des plus naturels. En prenant contact avec les matières des récipients dans lesquels nous
comment un humain peut-il se redresser comme une plante ? Comment sentir ce qui se passe mangeons des préparations culinaires, des souvenirs de liens avec des plantes naissent. Les
autour de nous et s’adapter si tout notre corps est penché ou bien les mains plantées dans la pratiques culinaires ici partagées sollicitent nos sens et le surgissement de récits. La terre, matériau
terre ? Les réponses sont propres à chacun, il s’agit ici juste de provoquer la réflexion à partir qui fonde l’ensemble de cette œuvre, renvoie au terroir et à la transmission des savoir-faire.
d’installations praticables 2 » explique-t-elle. Les œuvres nous proposent de « Devenir plante ». Ainsi, la démarche de Karine Bonneval relie le corps et l’intellect, la projection mentale et
Vertimus nous invite à tester des postures insolites pour comprendre le comportement des arbres. l’expérience physique, le fait main et le concept scientifique. Ses œuvres sont une invitation à
Il s’agit avant tout de changer notre manière de regarder les végétaux, ou de ne pas les repenser les oppositions entre humain et non humain, corps végétal et corps humain.
voir. Karine Bonneval rappelle qu’« en 1998, Elisabeth Schussler et James Wandersee, deux
botanistes américain·es, ont imaginé le terme « plant blindness », pour désigner le fait que les

Pauline LISOWSKI

1. Entretien avec Karine Bonneval, septembre 2019
2. Ibid.
3. Ibid.

Karine Bonneval, Écouter la terre, manger la terre, performance pour Cahors Juin Jardins, 2019. 2
En collaboration avec Jérome Moulinou chef pâtissier et Claudine Boyer, éthnobotaniste.
Pièces en céramique sonorisées avec des sons d’échantillon de terre, et terre comestible.

Pierre Huyghe, contrastes vivants

S’il est un artiste contemporain pour qui l’exposition se compose tel un écosystème, Pierre Huyghe, Untilled (Liegender Frauenakt), 2012
Pierre Huyghe pourrait bien en être la figure la plus notable. Né en 1962 à Paris, il béton coulé, ruche, essaim d’abeilles, plastique et cire, 145 x 45 x 75 cm (figure), 145 x 55 x 30 cm (socle)
mène à travers ses œuvres une expérience du vivant qui s’associe tant à une réalité
fantasmée qu’à diverses illusions concrètes. Sa rétrospective au Centre Pompidou Courtesy P. Huyghe ; Marian Goodman Gallery, New York & Paris ; Esther Schipper, Berlin
en 2013-2014 éclairait toute la pluralité de ses actions en présentant au public un Commandé et produit par dOCUMENTA (13) avec le concours de la Colección CIAC AC, Mexico ; Fondation
véritable « terrain de jeu », ponctué d’éléments extraits de la nature (végétale, animale,
minérale), où le visiteur était invité à explorer chacun de ces aspects. En considérant Louis Vuitton pour la création, Paris ; Ishikawa Collection, Okayama
par la monstration muséale des figures propres au monde extérieur, Huyghe impose
un éveil de conscience en détournant les codes plastiques traditionnels, issus d’un
ensemble organique et d’entités vivantes. C’est ainsi qu’un chien à la patte rose se
retrouve à plusieurs reprises dans ses œuvres, que des aquariums à écosystème
marin vivant se répètent dans ses expositions. Ces déviations récurrentes, révélant
le caractère hybride et polymorphe de la maîtrise de l’homme – de l’artiste – sur
la nature, soulignent avec justesse toute l’artificialité d’aujourd’hui. Mais l’artiste
français glorifie-t-il l’esprit de l’homo habilis contemporain ou dénonce-t-il son impact
écologique ? Sa sculpture Untilled (Liegender Frauenakt) réalisée en 2012 autorise la
tergiversation. Monté sur socle, ce moulage en béton de corps féminin est surplombé
d’une ruche bouillonnant d’abeilles, greffée sur son visage. Alors que la métaphore
d’une conscience environnementale peut s’inscrire pleinement dans la sémantique de
la sculpture, une appréciation parallèle peut en manifester une davantage complexe :
laquelle des deux figures domine l’autre ? La femme insensible puisque monolithique
ou la ruche surplombant sa tête ? Dans un rapport vivant-inerte, danger-inoffensivité,
Pierre Huyghe se joue des contrastes pour véhiculer des messages qui s’apprivoisent
selon l’expérience de chacun. Son appétence pour les sciences naturelles, qu’il offre
au regard sous divers formats, désigne de nouvelles façons de percevoir le monde qui
nous entoure et de confronter les liens historiques entre les êtres, qu’ils soient humains
ou livrés à la main de l’homme. L’artiste convoque l’origine commune de ces figures en
tissant des connexions rhétoriques.
Otto STENENG

Emily Carr : une artiste notre époque. Par l’affirmation de son statut d’artiste femme,
écoféministe avant l’heure ? elle trouve sa place dans les revendications féministes. Par
sa prise de position face à la déforestation et son intérêt
Emily Carr est née le 13 décembre 1871 à Victoria, en ses contemporains, et qui soutiennent, en ce début de XXème pour les forêts de la Colombie-Britannique, elle anticipe les
Colombie-Britannique au Canada, où elle est décédée le 2 siècle, l’expansion coloniale de la côte ouest du Canada questionnements d’ordre écologique et environnemental.
mars 1945. Autrice et artiste peintre, elle est de nos jours et l’exploitation des ressources naturelles, notamment par S’articulant entre ces différents domaines, son art pictural
encore considérée comme une artiste majeure et iconique de l’industrie forestière. peut être considéré comme une manifestation plastique des
l’histoire de l’art de son pays, s’inscrivant, avec le Groupe Élaborées à partir d’esquisses réalisées au milieu des forêts, réflexions écoféministes, témoignant de la volonté d’une
des Sept, parmi la première génération d’artistes modernes dont elles conservent une touche mouvante et spontanée, artiste de trouver sa propre identité indépendamment des
canadiennes. Ayant perdu très jeune ses parents, elle les œuvres d’Emily Carr sont un témoignage très direct de conventions de son époque, à travers un lien singulier avec la
s’affranchit de l’autorité de sa sœur aînée et convainc son son ressenti. Par cette dimension sensible, elles sont une nature : « Chère Terre, notre mère nourricière ! Je crois vous
tuteur de la laisser étudier l’art à la California School of Design manifestation d’un lien de transcendance avec la nature : « Je avoir toujours appartenu (…). À ma mort, je veux retourner
de San Francisco. Commence alors une longue période de m’accrochais à la terre et à ses formes que j’aimais, à sa dans votre sein, sans cercueil ni linceul, avec des pétales
formation, qui la conduit à la Westminster School of Art de densité, à son jus nourricier. J’avais besoin de son volume, de fleur contre ma peau et avec vous comme couverture » 8.
Londres, puis à Paris, où elle découvre au contact de Harry de l’entendre palpiter 4 ». Lien positif, comme le présentent
Phelan Gibb le style postimpressionniste, avec lequel elle ses œuvres de fin de vie telles que Clearing (1942, Clémence TRABAC
dépeint l’art totémique et les modes de vie des Autochtones Ottawa, Musée des beaux-arts du Canada), renvoyant
dans les années 1910. Sensible aux critiques et ne pouvant à une sensation d’harmonie et d’apaisement, suscitant 1. Emily Carr, Les maux de la croissance : autobiographie, trad. par Michelle
pas vivre de son art, Emily Carr marque cependant une une impression d’équilibre parmi les éléments. Au cœur Tisseyre, Saint-Laurent, Éditions Pierre Tisseyre, 1994 (Growing Pains: The
longue pause artistique de quinze années. C’est en 1927 de son œuvre s’exprime ainsi une relation femme/nature Autobiography of Emily Carr, Vancouver, Douglas McIntyre 1946), p.226
qu’elle expose aux côtés du Groupe des Sept dans L’art de la entre perception sensible et transcendance, qui rappelle 2. L’écoféminisme, partant de l’idée que la femme et la nature sont victimes d’un
côte ouest du Canada : autochtone et moderne à la Galerie l’écoféminisme, dans sa volonté de « recréer des liens avec même système capitaliste et patriarcal, le questionne et cherche à construire
Nationale du Canada à Ottawa, et rencontre Lawren Harris le monde vivant dont nous faisons partie, en dehors, à côté une société dans laquelle femme et nature sont reliées et reconsidérées.
(1885-1970) qui devient son mentor. Retrouvant confiance de la dichotomie empoisonnée nature/culture » 5, afin que 3. Voir : Jackson Lears, Frontières mouvantes : expansion, contraction,
en elle, Emily Carr, dans une vigueur artistique renouvelée, la femme et la nature ne soient plus considérées comme régénération, Goldfarb, Hilliard T, Musée des Beaux-Arts de Montréal et
se consacre aux représentations des forêts de la Colombie- inférieures dans ce paradigme les plaçant face à l’homme Vancouver Art Gallery, Grandeur nature : peinture et photographie des
Britannique. Combinant différentes inspirations stylistiques, et la culture. paysages américains et canadiens de 1860 à 1918, Paris, Montréal,
l’artiste s’attache à dépeindre cette nature sauvage dans Peintre des Autochtones des Premières nations, Emily Carr Somogy ; Musée des beaux-arts de Montréal, 2009, p.17
une veine expressionniste et mystique, tout en exprimant s’est approprié leur vision animiste de la nature, empreinte 4. Emily Carr, Les maux de la croissance : autobiographie, op. cit., p.28
son inquiétude face à la déforestation massive qui, en de spiritualité, d’une dimension sacrée. Elle cherche 5. Émilie Hache, Reclaim : recueil de textes écoféministes, traduit de l’anglais
ce début de XXème siècle, transforme de manière radicale ainsi à « exprimer Dieu », à saisir, dans le mouvement par Émilie Noteris, Paris, éditions Cambourakis, sorcières, 2016, p.24
les paysages de la Côte ouest canadienne. Trees in the de la nature, la manifestation d’une énergie divine. Cette 6. Anne-Line Gandon, « L’écoféminisme : une pensée féministe de la nature et
sky (1939, Toronto, Art Gallery of Ontario) est l’une des manière de reconsidérer la religion et les dogmes inculqués de la société », Recherches féministes, [en ligne], 31 août 2009, n° 22, (1),
œuvres les plus révélatrices de sa vision. Émergeant d’un sol par son éducation catholique à travers une foi animiste p.15. https://www.erudit.org/fr/revues/rf/2009-v22-n1-rf3334/037793ar
jonché de souches et de rebuts, de frêles arbres en repousse résonne particulièrement avec la vocation spirituelle de 7. Émilie Hache, Reclaim : recueil de textes écoféministes, op. cit., p.22.
évoluent pourtant dans une nature frémissante. Grâce à une l’écoféminisme, qui « cherche à repenser le sacré, que ce 8. Emily Carr, Hundreds and thousands: the journals of Emily Carr, Toronto,
touche ondulante qu’elle déploie sur l’ensemble de la toile, soit en critiquant les principales religions pratiquées de Clarke, Irwin, 1966, p.147
Emily Carr parvient à traduire le mouvement et l’énergie façon qu’elles opèrent une réhabilitation de la nature et
qu’elle ressent dans cette nature qui revient à la vie après le des femmes ou en le réinventant en marge de ces grandes
passage des bûcherons et les ravages de la déforestation. religions monothéistes » 6. Une composition telle que Trees in
Affranchie du statut domestique d’ordinaire réservé aux the sky offre ainsi la vision d’un cycle de vie, de mort, puis
femmes, vivant en marge de la société, Emily Carr revendique de renaissance de la nature. À la manière dont elle l’exprime
la solitude comme une force créatrice et livre dans ses écrits avec sa touche ondulante, Emily Carr perçoit dans la nature
de vives critiques de la société et de « l’hideuse transition, une vibration unissant les différents éléments naturels dans
de la nature sauvage à la terre domptée » 1. Elle adopte un même tout indivisible, évoluant au même rythme, dans
ainsi un mode de vie en opposition aux traditions et aux lequel elle s’inclut. Cette pensée l’inscrit d’autant plus dans
modes de pensée de son temps, de la même manière que la réflexion écoféministe : ces notions de « réparation,
l’écoféminisme 2 propose de construire un modèle de pensée régénération, invention » 7, sont profondément ancrées dans
en dehors du système capitaliste et patriarcal. son œuvre et ses idéaux, de même qu’elles sont exprimées
À travers ses écrits comme dans son œuvre picturale, par Émilie Hache comme essentielles à la volonté de
Emily Carr exprime sa complexité et sa sensibilité. Sa l’écoféminisme de se réapproprier et de réhabiliter un lien
préoccupation constante pour la préservation d’une nature femme/nature, au service des préoccupations actuelles, et
menacée coïncide avec la recherche de son identité de non d’en abolir l’idée.
femme et d’artiste. Par bien des aspects, sa vie et son Artiste solitaire, riche et complexe, plaçant son lien avec la
œuvre préludent aux réflexions et aux volontés ultérieures nature au cœur de ses recherches artistiques, qu’elle entrevoit
de l’écoféminisme, en opposition avec les idéaux de liberté, comme une réponse à sa quête spirituelle, Emily Carr est, de
d’individualisme et de progrès – assimilés par Jackson Lears nos jours, une figure iconique pour l’art canadien. Elle peut
à « un fantasme masculin » 3 – qui dominent la pensée de également se rattacher aux problématiques et enjeux de

Emily Carr, Arbres dans le ciel (Trees in the Sky), 1939
huile sur toile, 111,6 × 68,7 cm

3 © Courtesy of Art Gallery of Ontario, Toronto (Canada),
don de Richard M. Ivey

4

5

Gloria Friedmann, Le compteur du temps, 2019 © édition interface, dijon - 2019

Xénia Lucie Laffely :
Sorcière contemporaine

Dans les autoportraits de Xénia Lucie Laffely, les bras s’allongent, les doigts des
mains s’étirent. Ils entrent dans les yeux, les visages se déforment. Les corps se
contorsionnent et se distordent. Les couleurs sont charnelles et ternes. Violets,
mauves, verts, roses, rouges, noirs, blancs, bleus. L’imagerie est proche du
registre esthétique de la sorcière de notre imaginaire. Un imaginaire fait d’intérieurs
sombres, de potion, d’êtres dits « maléfiques », d’êtres différents, à la marge. Les
couleurs sont toniques, en masses. Les couleurs sont vivantes, ondulatoires, à la
limite parfois même du pourrissement. Comme pour nous signifier qu’il faut passer
à autre chose. À d’autres représentations, d’autres codes.
Dans une pratique riche et protéiforme, mêlant dessins numériques et art
textile, l’image de la femme prend à rebours, avec sincérité et engagement, les
représentations attendues. « Elles ne font pas plaisir » souligne Xénia Lucie Laffely.
Dans ses autoportraits, la femme ne sourit pas, « c’est une manière de contrer cette
injonction que l’on fait beaucoup aux femmes, celle d’être souriante, même dans la
rue », poursuit-elle. Ici, les images de femmes ne correspondent pas à ce que l’on
attend. Elles ne sont ni belles, ni agréables. Ni joyeuses, ni douces. Elles sont là.
Devant nous. On regarde ces autoportraits qui semblent réellement se questionner.
Car ce qui est frappant dans le travail de Xénia Lucie Laffely, c’est l’humanité de ces
personnages malgré l’écart considérable avec toute réalité. Des personnages à la
personnalité visuelle forte et dérangeante.
Difficile donc, de saisir l’entièreté de ce que l’on a sous les yeux. Les images de
Xénia Lucie Laffely ne cessent de remettre en question l’idée de norme. Qu’est-
ce que la norme ? Qu’est-ce qu’être loin des normes ? Qui est dans la norme ?
Existe-t-il réellement une norme ? Mais une norme de quoi et pour quoi faire ?

Xénia Lucie Laffely, Both, 2018
peinture digitale imprimée sur plexiglas,  70 x 100 cm - © Courtesy de l’artiste

Xénia Lucie Laffely, Attention, je griffe avec les pieds, 2018
peinture digitale imprimée sur plexiglas, 70 x 100 cm - © Courtesy de l’artiste

Xénia Lucie Laffely aime brouiller les pistes, créer des images à plusieurs couches,
créer de nouveaux narratifs où tous et toutes seraient sur un même pied d’égalité.
Loin des représentations classiques en réaction aux codes dictés par une société
normalisante, où les intérieurs se ressemblent, où les goûts se ressemblent, où les
façons de penser se ressemblent, où les gens se ressemblent. Un monde terrifiant,
comme le regard que peuvent parfois arborer certaines figures féminines dans le
travail de l’artiste.
En observatrice du monde, la figure féminine chez Xénia Lucie Laffely, c’est un peu notre
sorcière contemporaine. Une figure complexe et dissidente, rebelle et pleine d’humanité.
Élodie BERNARD

Sous les sapins, entre deux coquillages

Je me suis fait piquer par une vive. C’était moins excitant Robert, mais je ne pouvais décemment pas l’appeler Robert. exploration maritime à pied, j’ai poussé une grande coquille
que la brûlure d’anémone de l’année dernière. Elle m’avait avec mon pied pour la faire remonter à la surface, elle était
gravé un corail dans le creux du genou. Là je me sens moins Dans la forêt ce matin, tendre souvenir de mon prof de habitée. Prise d’horreur devant l’intrusion violente de mon
spéciale, j’ai juste très mal. linguistique comparée de la Sorbonne qui se moquait pied dans sa matinée sans histoires, j’ai pensé à Donna
gentiment des gens qui font des endroits au lieu d’y aller. Haraway : Intimacy without proximity! Une présence, réelle,
La mer était chaude aujourd’hui, je me suis laissée flotter Faire un désert en 4x4. Faut bien alimenter le capital une attention, un soin, sans le besoin absolu de toucher
vers le large les pieds vers l’horizon et les jambes écartées. souvenirs. Les gens derrière nous, ils étaient blasés d’avoir avec ses mains ou un appareil photo. J’ai passé un moment
Je pensais à cette image d’une femme allongée nue sur un fait le monde. Ils ont fait les fonds marins australiens puis les à observer les deux coquilles mais elles bougeaient pas,
lit avec les jambes écartées face à la fenêtre ouverte, la fonds marins de la Guadeloupe, mais à côté de l’Australie, je sais même pas si elles sont censées bouger, j’ai vu un
vulve tournée vers la pleine lune. Je voulais faire l’amour c’était du pipi. Ils ont aussi fait la basilique de Rome et depuis poisson avec des petites moustaches qui frétillaient tourner
avec la mer. Je me suis laissée flotter sur le dos puis sur le ils visitent plus les églises parce que bon de toute façon ils autour de la grande coquille, je sais pas trop à quoi il
ventre en faisant la morte pour me dépayser et je pensais ont fait la plus belle. Voyager dans leur bouche devenait s’attendait, qu’elle s’ouvre ? J’osais pas bouger. Je me disais
aux cours de contact improvisation et à la désinhibition du vulgaire. (Se faire une femme ? Un McDo ? J’exagère ?) que le monde sous-marin c’était le paradis parce qu’il y avait
corps. Se débarrasser de toutes les barrières, comme une pas de capitalisme là-dessous et que les poissons étaient
enfant, pourquoi c’est si facile dans l’eau ? À la cascade les gens faisaient la queue pour grimper tout pas obligés de trouver un travail eux, mais j’avais oublié
en haut des rochers glissants pour faire des photos Instagram pendant deux secondes que la mer et les océans étaient en
Je suis assise tout au bout du continent, si assez de gens derrière le jet. Je m’étais dit que comme je prenais plus l’avion train de mourir eux aussi.
s’assoient sur la plage avec moi, on bascule tous dans la au moins je faisais plus partie du problème du tourisme de
mer. Angela S. a posté un selfie dans une crique en Grèce masse, naïve que je suis. Ce matin je suis montée sur un En revenant du marché je marchais sur la plage, en
avec ces mots : être trans sur la plage. Crapahuter sur les volcan avec un téléphérique, je me suis agglutinée contre la cramponnant mon chapeau sur ma tête avec les deux mains
rochers comme une chèvre pour trouver un endroit tranquille, masse de gens qui se pressaient sur les plateformes en bois dans la tempête, j’ai marché jusqu’au bout du passage des
à l’écart des plages cis et de leurs normes, un endroit où être construites au sommet et puis on est parties en randonnée le amphibiens et j’ai levé les bras vers le ciel en pensant au
entièrement soi-même. La plage comme endroit trans par long d’un pré de brebis en estive et les gens prenaient des passage de Macbeth où Lady Macbeth dit « Unsex me here! »
excellence parce que la liminalité devient visible, tangible, photos d’un agneau qui venait de naître. L’année dernière et j’avais envie de crier « UNSEX ME HERE! » je sais pas
les éléments se touchent et se mélangent. J’ai trouvé ça beau. je me filmais en train de ramper (de me vautrer) sur les trop pourquoi, la mer était bleue couleur montagne et je me
rochers dans des gorges en Ardèche. Je m’y sentais bien. disais : la mer résout tout, même la solitude, quand on met
Je suis entourée de collines vertes et jaunes rondes comme Aujourd’hui j’avais juste envie de m’excuser d’être là. la tête sous l’eau.
mon sein en sable sur la plage. C’est ça l’écoféminisme ? Ma
préférée s’appelle Roberta, tout en haut du Col de la Croix Saint- Retour à la mer. L’eau est un peu froide. Je reviens d’une Lara WELL

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Renverser le chaos

La réunification des arts et des sciences Ces combats découlent des mêmes mécanismes de laquelle s’immerger pour penser l’écologie de demain :
sera l’enjeu du XXI ème siècle. domination et peuvent ainsi être défendus ensemble. sentir le soleil sur son visage, goûter une framboise ou
Le terme « écoféminisme » est né en 1974 en France, s’accrocher à une branche.
Tout autant qu’une œuvre d’art que l’on dit dans l’ouvrage Le Féminisme ou la mort de Françoise Soulignons ici que très souvent, l’aspect physique et
incompréhensible, on ne sait pas ou on ne veut pas voir d’Eaubonne, mais c’est aux États-Unis et face aux sensuel est rapporté à quelque chose de féminin.
ce qu’est une femme. Il règne un grand tabou sur ces menaces des guerres nucléaires dans les années Travailler des formes dites féminines résonne alors
deux entités. Le prétexte de l’incompréhension permet 1980 que le mouvement militant se développe. En comme une provocation pour une artiste, à qui l’on
de soulager la peur du spectateur, et élude les rapports combattant l’idée d’une « nature inerte et inférieure demande souvent, de surcroît, de prendre position
de forces inhérents à ces deux problématiques. Replacer élaborée par la modernité » et en remettant en cause avant tout en tant que femme et éventuellement, dans
au centre d’une société globale ces deux entités le dualisme entre nature et culture, issu de l’Antiquité un second temps, en tant qu’artiste. C’est la même
engendrerait un bouleversement sans précédent. et sur lequel sont fondées nos sociétés occidentales et dynamique lorsque l’on perçoit la nature comme matière
Depuis l’entrée dans l’ère de l’Anthropocène, une sorte modernes, l’écoféminisme remet au centre la nature première à exploiter et non comme nature, ce tout,
de prise de conscience tend à s’opérer de manière en tant que sujet et non plus en tant que décor, et se global, dont nous faisons partie corps et âmes et dont il
collective. réclame d’une vision égalitaire des espèces et espaces. est impossible de s’extraire totalement, contrairement
La transition écologique se fera avec les femmes et les Comme le précise Vandana Shiva, emblème mondiale à ce que peuvent nous faire croire certaines visions
autres minorités ou ne se fera pas ; ce bouleversement de la révolution écologique, de l’écoféminisme et du que nous considérons ici comme aveuglantes. C’est
est inévitable et nécessaire. mouvement altermondialiste, « envisager le monde à ainsi que l’écoféminisme questionne les systèmes de
Un grand pas en avant vers une immersion dans un travers une grille de lecture qui ne considère pas la domination et de violence.
environnement dévoile une sensorialité exacerbée. femme comme le sexe faible ni la nature comme inerte, Karen Archey, critique d’art et commissaire
L’un des enjeux est de privilégier la contestation et passive et uniquement vouée à être exploitée, tout cela d’expositions, s’est questionnée à juste titre :
la déconstruction de la hiérarchie pour reconstruire procède du même regard. » (Lionel Astruc, Vandana « Comment créer à notre tour lorsque nos corps ont
un environnement plus juste, et aussi se donner les Shiva pour une désobéissance créatrice, Éd. Actes Sud, été utilisés en tant que sujet de représentation pendant
moyens d’incarner véritablement le cosmos, la terre, 2014). L’écoféminisme prône des actions non-violentes des siècles, pire encore chez Klein comme pinceau ? »
l’équilibre du monde, incorporer les femmes dans cet et même artistiques au sein des manifestations et (Laure Prouvost : les échappées du langage, 2018,
ordre des choses. Dans l’espoir d’un système égalitaire, actions militantes. Les marches, danses et chants extrait du catalogue monographique, édité par Frédéric
la femme doit obligatoirement être replacée au cœur divers sont représentatifs d’une bascule dans les Grossi).
des problématiques écologiques et de société, et ces manières de voir le monde, où la bienveillance à tous C’est sans doute pourquoi l’artiste Carolee
problématiques devraient même être indissociables. égards est de mise. Cette bienveillance est féminine Schneemann, figure du happening des années 1960,
Sans cette égalité entre les femmes et les hommes, par essence – et le féminin est ici une valeur universelle du body art et de l’art féministe, a rapidement intégré
l’écologie ne peut véritablement s’étendre. Il s’agit de plus qu’un genre ou qu’un sexe – ce qui ne met pas de son corps à ses œuvres. Par leur frontalité, ses
concevoir l’humanité comme une humanité collective, côté les hommes pour autant, qui sont comme tout performances sont dès le départ perçues comme
tant dans l’espoir que dans les faits. Ne pas se targuer être les bienvenus dans cette ère nécessaire qui abolit agressives, sous-entendu : masculines. Étendard de sa
d’une objectivité d’exploitation, mais laisser la place les hiérarchies inégalitaires. féminité revendiquée, elle couvre son corps de graisse,
aux sensations pour entrevoir un milieu plus juste. Ces paradigmes nous incitent à revoir nos modes de de craie et même de serpents, et l’implique alors au
L’objectivité dominante écarte le sensible au bénéfice perception du monde, de pensée et d’action. Le regard sein d’un environnement constitué de panneaux peints,
du profit économique. Ce regard fixe n’avance ni avec et l’écoute multiplient les portes d’entrées dans ces de miroirs et de parapluies, et dont les photographies
son temps, ni avec l’entièreté du monde vivant. La vision nouveaux mondes que l’art contemporain développe. sont désormais partie prenante des livres d’histoire de
critique de la pyramide des genres est nécessaire pour ll s’agit alors de décrypter les maillons qui unissent l’art contemporain. Citons en guise de conclusion sa
tenter de naviguer dans le chaos, et justement, placer et désunissent les entités dans un paysage mental célèbre performance théâtrale Interior Scroll (1975).
la femme sur un pied d’égalité avec l’homme, c’est changeant. Nue, couverte de boue et surélevée sur une table, elle
permettre le cheminement vers un aplanissement de Le monde tel que nous le connaissons s’effondre, des fait la lecture d’un rouleau de papier extirpé de son
la pyramide des êtres. Incorporé·es dans notre milieu, fissures de plus en plus grandes apparaissent entre vagin : cette partie du corps était pour elle source d’un
une vision plus équitable de l’environnement sans l’idée que l’on s’en fait et ce qu’il se passe en réalité. savoir sacré.
œillères nous sera alors possible. Le futur est pluriel. C’est pourquoi les artistes nous Charlotte HENINGER & Laëtitia TOULOUT

C’est sur cette convergence de deux luttes primordiales embarquent dans un voyage sans fin, dans lequel il
que se fonde l’écoféminisme – contre la destruction est fortement conseillé d’emprunter les chemins de Ce texte est extrait de l’exposé écoféminisme & art contemporain
de la nature et contre l’oppression des femmes. traverse. C’est alors, au détour de quelques lectures ou présenté dans le cadre du séminaire de réflexion politique de la revue
expositions, que nous découvrirons peut-être, non pas Contrepoint à l’EHESS le 11 mars 2019.
une fiction mais une réalité sensible, sensuelle, dans

Où sont les sœurs ? Je ne demande pas où sont les femmes, il me suffit d’ouvrir les Où sont les sœurs ? gêne semblait entourer « les sujets personnels ». Comme si parler de soi était sale,
yeux pour les voir. Je demande : où sont les sœurs ? J’ai besoin de créer des liens. bizarre, dérangeant.
Ce besoin, je le ressens depuis que je suis enfant. Me faire des amies.
Aux Beaux-arts, je découvrais enfin les lieux où je pouvais exprimer de l’intime. Ils
Il y a eu l’amie merveilleuse, la sœur rêvée, Lucie, ma tendre amie d’enfance. étaient : le dessin, la gravure, la photographie et l’écriture.
Je garde de doux souvenirs de nos journées d’été dans les champs, les miels Je me souviens de mon premier choc culturel. J’étais au lycée et nous allions au
qui accompagnaient nos petits déjeuners récoltés par ses parents apiculteurs, Centre Pompidou pour la première fois. Dans une petite pièce, en immersion totale
nos discussions à voix basse qui se terminaient tard dans la nuit, nos fous rires dans l’œuvre Douleur exquise de Sophie Calle, je pleurais sans pouvoir m’arrêter.
incontrôlables qui me faisaient me rouler au sol avec l’impression que j’allais J’étais bouleversée.
mourir. Après mon entrée en 6ème, je n’ai plus eu d’amies. Il n’y avait plus que
ces regards qui scrutaient, évaluaient, comparaient. L’affection laissait place au Sans doute parce que je découvrais qu’il était possible de créer à partir de son
dénigrement et au cynisme. Je recherchais la présence des autres mais ne trouvais expérience personnelle, en l’occurrence, le récit d’une déception amoureuse. Elle
que des silhouettes derrière lesquelles me cacher, sans plus jamais pouvoir me faisait vivre et revivre son chagrin jusqu’à ce qu’il s’épuise, jusqu’à ce qu’il se
montrer. Plus les études avançaient, plus la concurrence s’intensifiait. C’était une transforme. J’ai trouvé cela tellement puissant ! En se montrant faillible, vulnérable,
concurrence à tous les niveaux : physique, intellectuelle. Être complexée et mal sensible, traumatisée, c’était comme si elle m’autorisait à l’être aussi. Elle rendait
dans sa peau était à la mode, tout comme le fait de dire que l’on avait envie de cela exprimable, possible, légitime et me réconciliait avec toute une part de moi qui
perdre du poids quand il n’en était rien. Je disais ces mots pour de faux et me me faisait honte, qui ne trouvait pas de place.
suis mise à complexer pour de vrai. À 20 ans, je me disais : « je suis affreuse »
en pinçant le bourrelet de peau de mon ventre, devant le miroir, scrutant mes Avec la sociologie, je découvrais que l’intime est politique. Je porte à présent les
cuisses, les mesurant, étalant de la crème amincissante sur tout mon corps. lunettes d’analyse féministe, peut-être celles m’ayant apporté les réponses les plus
satisfaisantes et les plus précises.
Vers l’âge de 16 ans, j’ai ressenti le besoin de rencontrer un homme. Non pas
juste parce que ma curiosité me poussait à commencer le sexe. Non. C’était J’ai tellement soif d’intimité que j’en cherche partout. Je m’en nourris dans les
avant tout le fruit d’un désir qui sonnait comme un besoin fondamental : celui œuvres d’art, les livres, les entretiens sociologiques, les podcasts radio et même
d’aimer quelqu’un et de me sentir aimée. En un petit copain, je cherchais avant dans les vidéos diffusées sur youtube. J’ai créé ma propre chaîne youtube que je
tout un allié. Un confident. Un petit copain pour accéder à cet espace que vois principalement comme un lieu où l’intime peut s’exprimer. Je l’ai appelée
je ne trouvais nulle part : mon besoin d’intimité avec un autre être humain. l’Eau Douce, clin d’œil à l’un de mes plus beaux souvenirs d’enfance : je me
Je voulais pouvoir « me sentir être moi » quelque part, avec mes failles, mes baigne avec Lucie dans un petit bassin. Je dois avoir 8 ans. Lucie me lance :
blessures. Je me disais que nous pourrions créer ensemble ce lieu pour nous « Enlève ton maillot de bain, tu verras, l’eau est encore plus douce sur la peau,
deux. Retirer le masque. Pouvoir se raconter vraiment. Quelle ne fut pas ma c’est trop agréable ! ». Nos corps ressentaient, sans songer encore à quoi ils
déception quand je découvrais, tout au long de ma vie sentimentale et sexuelle ressemblaient.
que ce besoin n’était pas partagé. Et qu’il était hors de question d’aborder
des sujets qui touchaient de près ou de loin au féminisme, qui étaient perçus Avec l’Eau Douce, je viens de monter un atelier d’expression orale et corporelle,
comme des attaques personnelles. J’avais soif d’un autre type de lien. Entendre chez moi, dans mon salon. Un espace où se réunir entre femmes dans un cadre
ce qui s’entrechoque, apercevoir les étincelles qui jaillissent avant le feu. Alors bienveillant. Pour partager nos expériences intimes. Nous soutenir. Et créer ! Un
je demande : où sont les sœurs ? lieu de sororité.

Dans ma vie sociale, j’avais le sentiment de devoir toujours ravaler les vrais Marina CHAO
sujets, de déranger quand je voulais parler vraiment des choses. Une sorte de l’Eau Douce

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You Make Me Melt : Entretien

Rémi BAERT : Les paysages sont omniprésents dans vos films 1. Les explosions particulièrement vrai lors de la lutte pour le mariage entre personnes de même sexe.
pratiquées par l’industrie minière et l’exploitation des sources d’eau par le Cependant, nous ne pensons pas vraiment qu’essayer de passer pour mainstream
secteur agroalimentaire rongent le « corps de la terre » (« earth body »). ait réellement profité à tout le monde, sauf à celles et ceux qui dénoncent l’étrangeté
Pouvons-nous encore avoir autant de plaisir avec ce corps partiellement mort afin de s’intégrer et ne causent aucun problème pour faire avancer leur cause. Il
ou malade ? Comment cette violence - nous pouvons parler d’écocide - peut-elle me semble que ne pas être autorisé·es à être qui vous êtes afin de promouvoir une
interférer voire empêcher la relation avec la Terre ? cause au détriment de la diversité paraît presque aussi ennuyeux que de s’intégrer
Annie SPRINKLE : Ce n’est pas parce qu’il y a un corps malade que nous ne à la société (mainstream). Par contre, j’ai beaucoup de respect pour les personnes
pouvons plus l’aimer et nous amuser avec. En fait, ces derniers temps, j’ai subi qui travaillent pour des causes environnementales et qui sont sorties du placard.
quelques opérations pour des problèmes de santé, un cancer du poumon, et Beth et RB : Pourtant, vos mariages semblent initialement trouver leur ancrage
moi essayons toujours de le rendre aussi amusant que possible. Les corps malades dans une protestation contre l’interdiction du mariage entre personnes de
peuvent toucher les cœurs et les esprits et être érotiques d’une manière que les même sexe dans le droit fédéral des États-Unis. Je comprends cette approche
corps sains ne peuvent pas. J’ai appris cela lorsque le sida a frappé. Nous ne comme une façon de retourner et contrer le discours homophobe selon lequel
pouvions plus faire ce que nous faisions auparavant, comme jouer avec les fluides autoriser le mariage entre personnes de même sexe ouvre la possibilité de se
corporels, donc nous avons dû apprendre de nouvelles façons d’avoir des relations marier à n’importe qui et à n’importe quoi. Au-delà de ce contexte, en quoi
sexuelles. Enfin, en tant que prostituée pendant 22 ans, j’ai toujours mieux aimé mes l’écosexualité peut-elle avoir un potentiel libérateur et d’empowerment ?
clients qui touchaient mon cœur avec leur corps différemment handicapé ou marqué. BS : Nous n’avons jamais vraiment protesté ; nous célébrions l’amour. Il se trouve
RB : Pour revenir sur le contexte des années 1980, vous avez découvert que beaucoup d’autres personnes ont protesté contre l’interdiction du mariage entre
et appris des techniques sexuelles et des rituels tantriques, taoïstes et personnes de même sexe. Bien sûr, nous n’étions pas satisfaites de cette interdiction
amérindiens comme moyens notamment d’avoir des relations sexuelles sans car nous voulions nous marier. Nos mariages portaient sur l’amour et l’attraction
risque avec Marco Vassi, alors malade du sida. Ces expériences semblent même si certains de nos collaborateurs, comme l’artiste Fluxus Geoffrey Hendricks,
avoir joué un rôle clé dans votre conception de la sexualité, plus précisément ont mentionné la protestation mais avec amour. L’écosexualité est libératrice car
dans la considération de sa dimension spirituelle. c’est pour la Terre plutôt que contre les systèmes qui la détruisent (dans toute sa
AS : J’ai eu plusieurs amants auxquels on a diagnostiqué le sida. Étonnamment, je glorieuse différence).
n’ai jamais contracté le VIH et ai survécu à la vague de décès. Marco était l’un de RB : Selon vous, la Terre doit avoir des droits légaux similaires à ceux conférés
mes amants. J’ai commencé à fréquenter ce que l’on appelait le New York Healing par l’institution du mariage. Cela nous conduit à la question du consentement
Circle pour faire face aux pertes et à toutes les souffrances de l’être aimé. Là-bas, et de l’anthropomorphisation, deux aspects qui demeurent obscurs pour moi.
nous avons essayé toutes sortes de pratiques spirituelles. Comme je m’intéressais BS : Et bien, tout comme les humains ont du mal à se comprendre (sémiotique), nous
tellement à la sexualité à l’époque, j’y ai simplement introduit davantage la spiritualité. avons toujours du mal à comprendre la Terre. Nous savons que tuer par extraction
Ma devise en tant qu’adulte a toujours été de tout érotiser. Je vise toujours cela. n’est pas consensuel, nous pensons donc qu’aimer la Terre l’est davantage. Il est difficile
RB : La sexualité peut être destructrice et/ou créatrice, les pratiques d’obtenir le consentement éclairé de la planète lorsque nous ne comprenons pas tous
écosexuelles étant d’ailleurs tantôt dangereuses, tantôt innocentes. En quel les langages des arbres, des océans, des ciels, etc. Nous observons donc comme
sens la notion de care peut-elle résonner avec votre approche de l’écosexualité ? des scientifiques-artistes. Nous voyons ce qui encourage la vie et la santé et essayons
AS : Notion de care ? Hmmmm… Je ne suis pas sûre de comprendre la question. d’éviter ce qui cause des dommages et la mort. Nous écoutons la Terre. C’est une
Mais en tant qu’écosexuelle, j’érotise ce qui me tient à cœur. Donc, si j’aime les fleurs, question très importante et nous continuons à l’explorer et à en apprendre davantage.
les fruits, les arbres ou les rochers… je vais me soucier d’eux et de la façon dont ils RB : En adoptant une posture et une esthétique camp, vous introduisez de
sont traités. Nous nous soucions des choses que nous aimons. Une partie de ce que la dérision dans vos projets. Cet aspect est-il lié à une autocritique, à une
Beth et moi essayons de faire consiste à inciter les gens à aimer davantage diverses forme de lucidité ? En ne vous cachant pas pour manger McDo, en montrant
entités de la nature. Ensuite, nous aimons penser que s’ils aiment ces choses, ils en la pollution causée par votre roadtrip ou en évoquant vos voyages en avion,
prendront mieux soin. Par exemple, si nous nous marions avec l’eau et que tout le donc en pointant vos contradictions, est-ce un moyen de souligner l’hypocrisie
monde à la cérémonie fait aussi vœu d’ « aimer, d’honorer et de chérir » l’eau, alors de certains et certaines qui se disent « eco-friendly », respectueux de
nous espérons qu’ils en prendront davantage soin. l’environnement ?
Beth STEPHENS : Nous ne nous exposerions pas ainsi si nous ne nous en faisions AS : Dans notre travail, nous essayons d’être honnêtes avec nous-mêmes et avec
pas. Et soigner est vraiment ce qui rend la vie digne d’être vécue. Par exemple, Annie les autres. Alors bien sûr, nous admettons nos péchés écologiques. Nous utilisons
et moi avons toutes deux eu des problèmes de santé. Nous aimons prendre soin l’une du plastique, nous nous déplaçons en avion, gaspillons des choses… La plupart des
de l’autre tout au long du processus de guérison. Cela renforce notre amour l’une pour gens le font. Nous avons un ami qui n’a pratiquement aucun déchet. En un an, il
l’autre et pour la vie en général. Je ressens la même chose à propos de la Terre et produit un grand sac d’ordures. Il est incroyable. Nous ne sommes pas comme ça.
de toutes ses entités. Nous vivons dans un grand corps et cela doit être appréhendé RB : Dans votre parcours 2, vous évoquez un sentiment de honte. Vous
avec soin. C’est là que des questions telles que le « consentement » se compliquent, rappelez les termes employés pour qualifier péjorativement les écosexuel·le·s,
car parfois nous ne savons pas/ne pouvons pas communiquer que nous avons besoin « amoureux des arbres » (« tree huggers ») ou sorcières par exemple. Pouvons-
de soin. Et, bien sûr, des choses comme « l’empathie » peuvent quelquefois être nous imaginer une réappropriation et un renversement de ces insultes dans
violentes puisque nous ne savons vraiment pas ce que ressent un autre être ni ce dont une volonté de révéler et revendiquer son écosexualité ?
il a réellement besoin. Mais si nous nous en soucions, nous écoutons, observons et BS : Adopter le terme écosexuel est assurément une forme de réappropriation.
agissons en fonction de ce que nous voyons ou entendons, alors nous ne fuyons pas. Cette identité englobe les deux choses que nous aimons et sur lesquelles nous nous
Parfois, nous devons même admettre que nous avons tort. Mais pour le moment, concentrons : l’écologie (« eco ») et le sexe (« sex ») - et les deux sont pour beaucoup
je crois que l’attention est plus importante que toute autre chose. Juste cet acte de l’objet de tabou et de dérision dans la culture occidentale actuelle. Faire ce travail
sollicitude peut être une guérison, et même si ce n’est pas le cas, c’est réel. Prendre est un projet artistique, donc en adoptant ce concept d’identité, nous sommes un
soin est plus grand que soi et nous devons tous être grand·es maintenant. peu absurdes - en quelque sorte à la manière de Fluxus - nous savons que nous y
RB : Comment votre conscience écologique se reflète-t-elle dans vos pratiques allons de façon stupide et nous le faisons pour ouvrir un espace aux personnes qui
artistiques ? Comment cela se traduit-il concrètement ? Je veux dire par là ne s’inscrivent pas dans les mouvements environnementaux/écologiques dominants
dans le processus de création et d’exposition de vos œuvres. et qui ont une idée du sexe très élargie.
BS : Se marier à la Terre, au Soleil, à la Lune, aux montagnes, au sol… reflète RB : Vous mentionnez le projet Fuck For Forest 3, citons aussi les campagnes
littéralement notre engagement écologique. Plus nous sommes engagées, plus nous de Pornhub pour la « protection » des océans et des abeilles, dont le but est de
espérons devenir conscientes. En faisant des films sur le déplacement de sommet de reverser à des organisations environnementales l’argent généré par le visionnage
montagne en Virginie-Occidentale et sur l’eau en Californie, nous avons aussi appris de contenu pornographique. Cela semble paradoxal au regard de l’empreinte
en parlant et en écoutant à la fois la Terre et les populations locales qui savaient de carbone de l’industrie pornographique, due en particulier au streaming. Ces
quoi elles parlaient. Nous avons également fait plusieurs promenades à pied écosexes initiatives sont-elles davantage que du « greenwashing » ? Cette consommation
qui nous permettent de toucher, voir, goûter et sentir des entités écologiques. Être des images est de surcroît liée à un modèle où les technologies et les corps se
consciemment près de la terre est le meilleur moyen de cultiver cette conscience. doivent d’être performants. En tant que réalisatrice et ancienne star du porno,
Notre travail nous plonge dans tout ce sur quoi nous nous concentrons. Nous et compte tenu de la notion d’« ecosexual gaze » que vous avez forgée, pensez-
approfondissons donc ce que nous faisons et ces choses reflètent ensemble notre vous qu’une autre éco-pornographie soit possible ?
conscience écologique grandissante.
RB : Dans Water Makes Us Wet, il y a une scène où vous AS : Oui, nous aimons dire : « Rétablissez les live sex shows » !
participez à une manifestation, Annie tient une pancarte Vous avez tellement raison à propos de l’empreinte carbone du
« Aquaphiliac » et vous expliquez que vous êtes parfois porno. Les live sex shows nécessiteraient un peu de lumière
considérées comme des « tordues » (« weirdos »). Qu’est- la nuit mais sinon pourraient avoir un faible impact. Quand je
ce que vous entendez par « mainstream environmentalism » ? voyageais beaucoup dans de nombreux pays, je tenais toujours
Comment vous positionnez-vous par rapport à celui-ci ? Et à voir le live sex show local. C’était toujours agréable, amusant
comment expliquez-vous ce rejet qui se produit même au et intéressant. Malheureusement, quand le sida a frappé, la
sein de la « communauté LGBTQ+ » ? plupart des live sex shows ont été fermés. Mais maintenant que
BS : Nous aimons faire des choses qui nous plaisent et nous la PrEP 4 et les protocoles safe sex sont plus en place, il est tout
affectionnons les faire avec des créatures, des entités et à fait possible de créer un nouveau genre de sex show. J’espère
des choses que nous aimons. Nous avons donc tendance à que des thèmes érotiques écosexuels seront explorés.
adopter une approche quelque peu joyeuse pour manifester.
Notre expression de la joie passe notamment par le fait de Entretien traduit par l’auteur.
porter des costumes, d’utiliser la performance et d’inventer Remerciements à Annie Sprinkle et Beth Stephens
des mots et des slogans. Cela nous place généralement en
dehors du « mainstream environmentalism » qui semble parfois 1. Goodbye Gauley Mountain: An Ecosexual Love Story (2013) ; Water Makes Us
prospérer en étant quelque peu terne. Je pense que cela a Wet (2017)
pour but de détourner la controverse au-delà des questions 2. Annie Sprinkle ; Beth Stephens, The Journal of EcoSex Research, Vol.1, Issue
environnementales en jeu. La même chose est parfois vraie 1, 2011, p.8.
pour la communauté LGBTQ qui ne veut pas être étiquetée 3. Annie Sprinkle ; Beth Stephens, « Ecosexuality », dans Gender: Nature,
comme étant bizarre ou en dehors du mainstream. Cela était Macmillan Reference, p.325.
4. PrEP : Prophylaxie Pré-Exposition

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Monica Bonvicini : Porter une chose à son excès

Architecture is the Ultimate Erotic Act Carry It to Excess, 2002
© Monica Bonvicini & VG Bild-Kunst - Photo : Augustin Ochsenreiter

DE LA RAGE art sur tous les autres. Mais de fait, l’architecture a une position de pouvoir considérable –
À l’origine il semble qu’il y ait une rage. La colère est un fait d’accumulation. De sensations, « elle dicte les modes privés et publics de comportement et institutionnalise une esthétique 2 »
d’émotions, de perspectives non nommées, non identifiées dans toute leur clarté. Une part analyse l’artiste. Quelque chose aussi comme un fétiche. Il y a dans les grandes productions
négative qui se transforme en un excès. Dans une de ses interventions récentes au Centre architecturales qui ponctuent nos villes quelque chose comme un code fétichisé. Et c’est
Pompidou, Kenneth Goldsmith, psalmodiant ses réflexions sur internet et le cyber espace, pour en défaire l’assise trop établie que Monica Bonvicini la met en tension avec des forces
émettait la belle idée selon laquelle la quantité, à partir d’un certain stade, devient qualité. habituellement plus cachées. Comme celle de l’ouvrier en bâtiment. Une figure qu’elle met à
L’amas de cuir, de fer ou de néons d’œuvres telles que Belted Through (2003), Knotted (2004) jour, à laquelle elle veut donner la parole, montrer tout l’éreintement et la brutalisation du corps
ou Kleine Lichtkanone (2009) nous invite à le penser. Dans un entretien, Monica Bonvicini se que ces travailleurs endossent. Mais dont elle analyse également la place au sein de la société.
souvient que son père l’enjoignait à courir autour du jardin et à se jeter contre la haie végétale Et pour les États-Unis, pays qui est alors le lieu de sa recherche artistique, l’ouvrier en bâtiment
qui l’enclavait, quand elle sentait trop de colère monter en elle. Dans beaucoup de ses pièces est un emblème. Signe de force et de masculinité, héroïcisé jusqu’au ridicule, finissant par
est à l’œuvre la rencontre entre une surface et une intensité. Souvent pour détruire cette surface, rejoindre les membres du Village people. La clôture de l’espace domestique, l’espace quasi-
mais aussi pour en révéler les effets d’enclavement. Wallfuckin’ (1995), œuvre d’ouverture, la architectural du lit, les vitrines de la ville, les barrières des jardins, les résidences sécurisées de
première de celles recensées sur le site internet de l’artiste et que Bonvicini identifie comme un la banlieue de Los Angeles, le cabinet de toilette, les files d’attente, les cloisons des musées qui
tournant, une condensation (« Ça m’a pris des années avant de découvrir ce qui m’intéressait cachent leur infrastructure logistique : voici les murs et clôtures que Monica Bonvicini investit
vraiment. Je crois que Wallfuckin’ en a été le commencement 1. »), est assez explicite à cet dans ses œuvres. Il s’agit de les réfléchir et d’adopter face à eux des attitudes autres. Les baiser,
égard. Le jeu sur les formats également, conduit Monica Bonvicini à déployer des formes et les taguer, les ridiculiser, les rouer de coups, les porter seuls et tristes sur la scène, les défaire,
des matériaux pour leur capacité à produire de grands effets. On dit souvent de ses œuvres se taper la tête contre, leur parler.
qu’elles sont dures, agressives. Il s’agit de porter une chose à son excès. Quelque part entre
l’accumulare (mettre en scène, en latin) et le cumulus (amoncellement). Ainsi deux dimensions : PENSER AVEC SON CORPS
la pulsion de détruire et le désir de construire. « Tout désir de conservation est intimement lié à Le jeu sur les formats que l’artiste produit a pour objectif de modifier la position usuelle du
une pulsion inverse, destructrice », écrit Giorgio Agamben dans Stanze, 1977. Et penser cette corps face à une œuvre. Ainsi si aujourd’hui elle va vers le grand, elle travaillait à l’inverse
contradiction est une tâche. pendant ses études sur de très petits formats, réalisait des éditions de 4 x 5 cm qui obligeaient
à se tenir très près de l’objet manipulé. En choisissant le grand format, elle met également son
MINIMAL/MAXIMAL : SURFACES GLAMOUREUSES ET ESTHÉTIQUE MACHO corps propre à l’épreuve. Bonvicini remarque que les hommes qui sculptent ont un rapport plus
La première chose quand notre regard se porte sur le travail de Monica Bonvicini, c’est ses prudent que les femmes, qui, elles, exposent leurs corps à des frontières, des limites, le rendent
grandes sculptures aux matières clinquantes : cuir noir, chrome, murs réfléchissants, bois lamé, public. Chez Valie Export comme chez Carolee Schneemann, le corps de la femme est le centre
acier, plexiglas, miroirs, portes coulissantes en verre, panneaux métalliques. À l’inverse d’un de réception. Ce rapport au corps n’équivaut pas pour autant à un anti-intellectualisme chez
Franz West qui disait vouloir travailler avec les matériaux de sa classe sociale, Monica Bonvicini Bonvicini. Il est d’ailleurs à cet égard frappant de constater dans ses écrits ou interviews toute
les investit pour ce qu’elle identifie qu’ils sont : les matériaux clichés de l’esthétique masculine, la rigueur de pensée dont elle fait preuve. La littéralité, la rudesse et la matérialité de son travail
voire même d’une « macho esthétique ». Ainsi la littéralité de ses sculptures et ce qui pourrait sont une façon de nous confronter à ce qui ne s’accommode pas d’une interprétation, à ce qui,
apparaître en elles comme une naïveté ou un mauvais goût se retournent, neutralisés ou chargés comme l’analyse très justement Diedrich Diederichsen, « dans la « maison du langage » […]
d’une nouvelle puissance. C’est que Bonvicini s’affronte à des paradigmes dominants plutôt qu’à est, envers et contre tout, massif », et ce grâce au « remarquable outil de connaissance qu’est
des micro-histoires ou à des sous-cultures. Travailler à grande échelle est une façon pour elle à la le pied 3 ».
fois de signifier ce « style macho », pathétique et amusant, mais aussi d’investir une dimension
généralement dédiée aux artistes hommes. L’échelle d’une œuvre est toujours déterminée par Hélène SOUMARÉ
des questions d’économie et de genre, explique Bonvicini. Et traditionnellement les femmes ont
travaillé sur de plus petits formats, en développant une esthétique du fait-main. Il s’agit donc ici 1. « Nasty, or unclean, offensive, indecent, inclement. Monica Bonvicini interviewed by Andrea Bowers », Scream and
d’interroger les standards et leur construction. Et notamment ceux du minimalisme, courant qui shake [Cat. Exp.], Le Magasin, Grenoble, 2001
eut pourtant une grande importance sur sa formation en tant qu’artiste. Interroger les standards 2. Ibid.
et les charger de nouvelles questions, un minimal qui se veut maximal, une façon de développer 3. Diedrich Diederichsen, « En anglais, concret signifie béton », Scream and shake, op. cit.
une intention maximum dans une esthétique contenue.
Waiting, 2017
LA DOMESTICITÉ ET L’ESPACE DE NOS INTÉRIEURS : MASCULIN/FÉMININ © Monica Bonvicini & VG Bild-Kunst - Photo Jens Ziehe
Une des recherches qui nous apparaît parmi les plus stimulantes est l’œuvre Eternmale, à la
fois une installation (Bonded Eternmale, 2002) et une publication sous forme de calendrier
Pirelli. Réfléchissant l’esthétique et la logique à l’œuvre dans le magazine Playboy (plus qu’un
magazine, une structure médiatique), l’œuvre nous parle des espaces dans lesquels nous vivons
et de la façon dont la société nous les adresse. C’est que Playboy opère comme un tournant :
la fin de l’idée traditionnelle selon laquelle la chambre privée est de l’ordre de la sphère
féminine et les espaces publics ceux de la sphère masculine. On attend de l’homme célibataire
– public type, cible autour de laquelle le magazine se construit – qu’il ait un contrôle sur sa
chambre également (Viendra un temps où les conducteurs de tracteurs coordonneront la couleur
de leurs combinaisons avec celles de leurs machines, pouvait-on lire dans l’un des numéros).
Ironiquement, Playboy est le premier magazine à mettre en avant une domesticité masculine. Et
pour Monica Bonvicini, c’est là une volonté de prendre le pouvoir : un nouveau territoire pour
des conquêtes déplacées dans l’espace privé. Mais ce faisant, il est possible d’observer que les
codes du magazine Playboy sont proches d’une « esthétique gay », ainsi que l’identifie l’artiste.
S’opère alors quelque chose comme une subversion non-intentionnelle du code sexuel. Dans
l’installation Bonded Eternmale, un salon déploie ses meubles au design étrange, des formes
sexualisées, à bascule. Une subversion par l’érotisation des objets.

CONTRE L’ARCHITECTURE
Le cœur du travail de Monica Bonvicini se situe au niveau d’une critique de l’architecture, de ses
normes, de ses représentations et de son autorité. Elle parle avec ironie de la grandiloquence
et du mépris qu’elle trouve chez de nombreux architectes, convaincus de la supériorité de leur

9

annemasse HORSD’ŒUVRE n°44 château-gontier le havre RDV T&G
édité par l’association
Villa du Parc INTERFACE Chapelle du Genêteil Le Portique
12 rue de Genève 12 rue Chancelier de l’Hospital rue du Général Lemonnier 30 rue Gabriel Péri
74100 Annemasse F - 21000 Dijon 53200 Château-Gontier 76600 Le Havre
tél. 04 50 38 84 61 t. : +33 (0)3 80 67 13 86 tél. 02 43 07 88 96 tél. 09 80 85 67 82
ouvert du mar. au sam. de 14h [email protected] ouvert du mer. au dim. ouvert du mar. au dim.
à 18h30 - fermé les jours fériés www.interface-horsdoeuvre.com de 14h à 19h de 11h à 19h, sauf jours fériés
➤ « On y marche avec l’oreille » www.interface-art.com ➤ « Gontierama 2020 » : ➤ « A Touch of Class,
N. Daubanes, C. Fei, J. Kaeppelin, L. Bourgeat, S. Cherpin, J. Julien, Antagonism » Sven ‘t Jolle :
F. Meng, S. Rémy, L. Tortil : Numéro sous la direction de : G. Janot, M. Gouéry, P. Rivet, jusqu’au 21/12/19
jusqu’au 18/01/20 Laëtitia Toulout D. Trenet : 16/05 - 30/08/20 ➤ « Suite Gnomonique » Raphaël
➤ Project room : ➤ Parcours dans la ville / Zarka : 18/01 - 14/03/20
S. Cabour & P. Delwaulle : Conception graphique & Exposition multi-lieux ➤ « The Crooked Show »
jusqu’au 18/01/20 responsable de la rédaction : Ida Tursic & Wilfried Mille :
➤ Chloé Delarue : Frédéric Buisson châteaugiron 04/04 - 14/06/20
08/02 - 09/05/20
Coordination : Centre d’art Les 3 CHA rapHaËl © Taroop & Glabel - Courtesy Semiose galerie, Paris
auxerre Nadège Marreau Le Château ZarKa
Bd J. et P. Gourdel ÉDITION D’ARTISTE
HORS[ ]CADRE Relecture : Siloé Pétillat 35410 Châteaugiron SUITE
49 rue Joubert tél. 02 99 37 08 24 GNOMONIQUE GLORIA FRIEDMANN
89000 Auxerre ont participé à ce numéro : ouvert mer. et ven. de 14h à 17h,
tél. 06 88 97 42 26 Rémi Baert, Marina Chao, sam. de 11h à 13h et de 14h Exposition du 18 janviEr Le compteur du temps, 2019
ouvert du mer. au dim. Élodie Bernard, Maxime Gasnier, à 18h et le 1er dim. du mois au 14 mars 2020
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belfort Tirage 5000 exemplaires ouvert du mer. au sam. de 14h à 14/02 - 10/05/20 tél. 02 38 62 52 00 tél. 02 99 37 37 93
ISSN : 1289-9518 - semestriel 19h ou sur rdv, fermé les jrs fériés ouvert du mer. au dim. de 14h à 19h ouvert du mar. au dim.
Le Granit Dépôt légal : décembre 2019 ➤ « Il y a des tableaux parce qu’il montbéliard fermé le 25/12/19, 01/01/20 de 12h à 19h & hors expositions
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➤ Guillaume Barborini : les Abattoirs, allée Montesquieu ouvert mer. au sam. de 14h30 à jusqu’au 12/01/20
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➤ « De glèbe et de lucre » tél. 05 59 72 25 85 05 au 07/12/19 Guédon : 15/02 - 19/04/20 Pyrénées (org. Le Bel Ordinaire)
exposition collective : ouvert mer. au sam. de 15h à 19h ➤ « Horizon d’attente » Renaud ➤ La HEAR – Pôle de recherches 29 bis rue Berlioz Vallée des usines
18/04 - 23/06/20 ➤ « D’un Soleil à l’autre » festival Layrac : jusqu’au 18/12/19 NO NAME : 14/03 - 19/04/20 64000 Pau 85 Avenue Joseph Claussat
accès)s(#19 : jusqu’au 07/12/19 ➤ « PAUSE ART » avec Renaud ➤ Christian Lhopital, rétrospective : tél. 05 59 72 25 85 63300 Thiers
besançon ➤ « Contre-ordre», David Poullard : Layrac : 19/12/19 de 12h45 à 16/05 - 30/08/20 ouvert du lun. au sam. tél. 04 73 80 26 56
04/12/19 - 22/02/20 13h15 de 14h à 19h ouvert du mar. au dim.
FRAC Franche-Comté ➤ « Reconfiguration des particules » : mouthier-haute-pierre ➤ « Ici commence le chemin des de 14h à 18h
Cité des arts 15/01 - 21/03/20 Hôtel des Ducs montagnes : Commencement » fermé du 6 au 20/01/20
2 passage des arts ➤ « Voir et faire voir », George 5 rue Lamonnoye Le Manoir de Mouthier-Haute-Pierre Marie Bruneau et Bertrand Genier : ➤ « Notre-Dame de France »
25000 Besançon Hardie : 18/03 - 23/05/20 21000 Dijon 25 Grande Rue 04/03 - 30/04/20 Alexis Guillier :
tél. 03 81 87 87 40 ➤ « New Way of Living » Sabine tél. 03 80 67 13 86 25920 Mouthier-Haute-Pierre jusqu’au 02/02/20
ouvert du mer. au ven. Delcour : 15/04 - 27/06/20 ouvert tous les jours de 9h à 19h tél. 06 12 17 59 19 ➤ « La Grotte » Pauline Toyer :
de 14h à 18h et ➤ « Horsd’oeuvre à l’Hôtel des ouvert sam. & dim. jusqu’au 02/02/20
sam. & dim. de 14h à 19h bourges Ducs » R. Boccanfuso, J. Dupuy, de 14h à 18h et sur rendez-vous ➤ « Éclats » exposition collective :
➤ « Syncopes et extases, C. Marclay , P. Cabrita Reis, ➤ J. Huteau, H. Schüwer-Boss, 21/02 - 26/04/20
vertiges du temps » C. Achaintre, Transpalette C. Lévêque, A. Della Negra & M. Duport, E. Castellan :
I. Balogh, G. Boulley, L. Breton, 26 route de la Chapelle K. Kinoshita, D. Trenet, jusqu’au 29/03/20
B. Burkhard, W. S. Burroughs, 18000 Bourges M. Schweizer, N. Talec,
J. Charrière, C. Cogitore, tél. 02 48 50 38 61 M. C. Chaimowicz, G. Motti, mulhouse
C. Antoine Coypel, S. Dalí, ouvert du mer. au sam. de 14h à Orlan, O. Mosset, B. Debombourg,
I. Fisches, D. Gordon, 19h, sauf jours fériés W. Delvoye, I. Tursic & W. Mille, La Kunsthalle Mulhouse
T. Hirschhorn, T. Huber, ➤ « Your Top Is My Bottom » M. Mercier, E. Wurm : La Fonderie
A. V. Janssens, A. Kohira, Simon English : jusqu’au 31/12/19 16 rue de la Fonderie
M.-J. Lafontaine, A. Leccia, 14/02 - 04/04/20 68100 Mulhouse
I. Luche, M. Mechita, F. Morellet, Le jardin de la Banque de France tél. 03 69 77 66 47
G. Pastor Lloret, N. Rauch, Vue d’atelier, Londres, été 2019 rue des Godrans ouvert du mer. au ven.
G. Richter, H. Rickards, J. Robert, © photo : Frank Lamy 21000 Dijon de 12h à 18h, du sam. au mar.
S. Solinas, A. Syed, J. Tiberi : ➤ « Point de vue sur la Banque de 14h à 18h, fermé les
jusqu’au 12/01/20 brest France » P. Ramette & J. Dupuy : 23 -26/12/19, 30-31/12/19,
➤ « l’air des infortunés » jusqu’au 30/05/20 01/01/20 et 12 & 13/04/20
Nino Laisné : Passerelle ➤ « Régionale 20 » Élise Alloin
jusqu’au 12/01/20 41 rue Charles Berthelot joigny & Aline Veillat :
29200 Brest jusqu’au 05/01/20
tél. 02 98 43 34 95 Espace Jean de Joigny ➤ « Algotaylorism » J. Prévieux,
ouvert le mar. de 14h à 20h Place Jean de Joigny S. Schmieg & S. Lorusso, RYBN,
du mer. au sam. de 14h à 18h30 89300 Joigny S. Schmieg, J. Lund, S. Lorusso,
fermé les jours fériés tél. 03 86 91 49 61 E. Giardina-Papa, L. Mc Carthy,
➤ « De la terre à la lune » ouvert ven. et sam. de 14h à 18h, S. Lavigne, Telekommunisten,
W. Almendra, C. Bart, É. Bossut, dim. de 14h à 17h Macao : 13/02 - 26/04/20
M. Broodthaers, P. Carré, ➤ « J’irais plonger à la lisière des
A. Deleporte, G. Di Matteo, mondes » Claire Beillard et Hélène noisiel
M. Dinahet, N. Floc’h, N. Fouré, Barrier : jusqu’au 19/01/20
G. Friedmann, M. Gouéry, ➤ « Repeindre » Miguel-Angel La Ferme du Buisson
G. Leblon, B. Leprêtre, R. Long, Molina : 01/02 - 29/03/20 allée de la Ferme
A. Molinero, S. Pippin, ➤ « Aéroport à insectes » LAAB 77186 Noisiel
A. Ponomarev, O. Tourenc, (laboratoire associatif d’art et de tél. 01 64 62 77 05
M. Verboom : jusqu’au 04/01/20 botanique) avec S. Issa, N. Bralet, ouvert du mer. au dim.
➤ « Le jardin » Anna Solal : D. Chevrot et F.-D. Collin : de 14h à 19h30
jusqu’au 04/01/20 11/04 - 07/06/20 ➤ « Du pain sur la planche »
➤ « Republica » Luiz Roque : Marie Preston :
08/02 - 02/05/20 landerneau jusqu’au 01/03/20
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ouvert tous les jours de 10h à 18h
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15/12/19 - 26/04/20

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