© Gregorio Borgio/AP/Sipa Press. Ci-contre et couverture La logique du monde
nous pousse vers le succès,
le pouvoir, l’argent.
La logique de Dieu,
vers l’humilité
le service et l’amour.
Lire l'interview du Pape François page 68
Éditor ial Ces liens
qui nous unissent
C hers amis,
Nous sommes heureux de vous accueillir dans votre
Servir nouvelle formule.
Notre revue Servir est une vieille dame. Elle paraît sans
interruption depuis 1864, soit 150 ans ! Elle a toujours été
lue avidement par les Anciens qui ont connu à Ginette
de si belles années, et qui en ont gardé des souvenirs et
des amis pour la vie.
Ce numéro s’inscrit donc d’abord dans la continuité
des 174 premières parutions. Il poursuit notamment
l’œuvre portée par Loïc de Vanssay, Président des Anciens,
et qui, a été, en plus de ces responsabilités, « rédacteur
en chef » de Servir depuis dix ans ! Qu’il en soit
chaleureusement remercié.
Ce numéro 175 innove. Il innove, avec l’ambition
de renforcer notre communauté d’Anciens et ces liens
qui nous unissent. Loïc a voulu cette rénovation, nous avons
accepté de reprendre le flambeau, et nous espérons le faire
avec vous tous.
D’abord sur la forme. Nous avons construit avec
M. Couturier, qui publie déjà Servir depuis vingt ans, une
nouvelle maquette, plus aérée, plus illustrée, plus colorée,
qui, nous l’espérons, encouragera et facilitera la lecture.
Sur le fond, l’appel à contributions lancé dans le numéro
précédent a été largement entendu (merci à tous !), et nous
permet d’ouvrir Servir à de nouvelles approches.
Dans ce numéro donc, un mélange de contributions
habituelles et nouvelles.
Dans la section « Vie de l’école » par exemple, les résultats
des concours, les nouvelles de la rentrée, mais aussi les
beaux discours du ZG et du Rab G. On y voit vite que notre
2 – N°175 décembre 2014
ÉDITORIAL
Ces liens qui nous unissent
École est au meilleur de sa forme, non seulement grâce
à ses résultats, mais aussi parce que l’esprit Ginette est
toujours là et bien là, à 110 % !
Dans la section « Vie des Anciens », vous trouverez
une belle interview (exclusive !) de Bernard Liautaud,
l’un des plus brillants entrepreneurs français. Aussi
à noter une section « je me souviens », avec quelques
souvenirs d’Abou, l’un de ces grands professeurs
emblématiques de la BJ.
La section « Idées, Initiatives » est très riche. Elle com-
mence par deux réflexions d’Anciens sur le mot Servir.
Elle se poursuit par de multiples exemples de la vitalité
extraordinaire de notre communauté à travers les initiatives
d’Anciens de toutes générations.
Une nouvelle section « Ignatiens » nous rappelle que
Ginette s’inscrit dans un projet plus global. Nous y publions
les extraits d’une interview du pape François, premier pape
jésuite dans l’histoire. Enfin, la section « Pratique » regroupe,
avec le carnet, deux nouvelles rubriques : le billet du coach,
et le billet du chasseur.
Servir entre aussi dans l’ère digitale ! Certains de ces
articles, et bien d’autres, seront aussi publiés régulièrement
sur le groupe Linkedin des Anciens de Ginette créé par
Frédéric Charles et animé aussi par Stéphanie Hervier,
n’hésitez pas à vous y inscrire !
Et surtout, continuez à nous envoyer des contributions,
à [email protected]. Contrairement à d’autres revues
de Grande École, Servir n’est animée et rédigée que par
des Anciens, tous 100% bénévoles, nous avons donc besoin
de chacun. Cette revue est la vôtre, elle ne peut rien
sans vous – continuons à renforcer ces liens
qui nous unissent. Billy Salha
Bonne lecture ! (SG 87-89)
Maxime Morand
(SG 08-10)
3N°175 décembre 2014 –
Sommaire Éditorial page 2
Ces liens qui nous unissent
Vie de l’École page 6
page 11
Des nouvelles de notre École, par J.-P. Dargnies page 14
Discours du ZG page 16
Discours du Rab G
Résultats des concours 2014
Vie des Anciens élèves page 18
Août 1914, par Loïc de Vanssay page 24
Interview de Bernard Liautaud, page 30
par Jean-Pierre Mustier page 32
Les Anciens de Londres
“ Je me souviens,” par Saab Abou Jaoudé
Idées – Initiatives page 36
page 42
“ Servir ”, une devise biblique, par Nathalie Rolin page 43
Servir ou se Servir, par Thierry Deslauriers page 49
Job & Cie page 51
Projet Passerelle, par Philippe Gout
Des nouvelles du Groupe mondialisation page 52
Agir pour et avec les autres page 57
Témoignage Cambodge page 62
Témoignage Madagascar page 66
“ Internat de la Réussite ”
Cette École est un creuset
Ignatiens page 68
page 73
Interview du pape François
Vie du cardinal Daniélou
4 – N°175 décembre 2014
Pratique SOMMAIRE
Le billet du coach page 77
Le billet du chasseur de tête page 79
Vie étudiante page 81
Drive & Put page 82
Carnet de famille page 83
Comité page 85
Sites Web page 88
AOÛT 1914
L'École dans
la Grande
Guerre
page 18
© photos et dessin D.R. CAMBODGE Établir de nouvelles relations « JE ME
malgré les différences culturelles et sociales ? SOUVIENS »
page 52 Saab Abou
Jaoudé
nous livre
ses souvenirs
de l'École
page 32
5N°175 décembre 2014 –
Vie de l’École Des nouvelles
de notre École
Résultats aux concours 2014
Ils sont en ligne sur www.bginette.org, nous vous invitons à aller
y voir tous les détails.
Ils sont dans la tradition, c’est-à-dire excellents !
Quelques éclairages particuliers cette année
C’est d’abord la première sortie de la filière PTSI/PT*/PT ou-
verte à la rentrée 2012. Ils étaient 33 élèves à passer les différents
concours qui leur étaient ouverts. Qu’ont-ils intégré ? 2 sont à
l’ENS Cachan, 4 à l’X (pour 11 places !), 2 à Centrale Paris, 9 aux
Arts et Métiers qui est l’école de référence de cette voie ; encore
10 sont dans d’autres écoles. Enfin, 6 sont en 5/2 dont 3 à Ginette.
C’est donc une grande réussite. Et plus, c’est une classe très soli-
dement soudée au sein de la prépa Atom, qui n’a aucune leçon à
recevoir des autres taupe, sigma, ellipse, piston, agro, épice… Ceci
grâce à leur appui en septembre 2012 quand ils sont arrivés pour
la première fois. Alchimie réussie.
Ailleurs, il y a un très bon taux de réussite pour les scientifiques.
Léger fléchissement pour les Epices, mais Agro toujours excellent.
C’était aussi l’année des concours pour le premier groupe d’In-
ternes d’Excellence (que nous appellerons dorénavant Internes
6 – N°175 décembre 2014
© D.R. VIE DE L'ÉCOLE
Des nouvelles de notre l’École
de la Réussite). Ils étaient une douzaine, répartis dans toutes les
prépas, et ont obtenu de belles intégrations, un seul est revenu en
5/2. Leur retour d’expérience est très positif : la scolarité à Ginette
a été déterminante pour eux et ils se sont beaucoup plu à l’École,
l’aide financière apportée par l’internat d’excellence a été décisive,
ils ne seraient pas venus à Ginette autrement.
La rentrée
Les Journées d’Accueil à Jambville ont profité d’une météo très
favorable, ce qui a sublimé leur réussite habituelle. La semaine
d’Accueil s’est achevée par la désormais traditionnelle Campagne
Habitat et Humanisme conduite par les élèves dans Versailles, as-
sez spectaculaire aux dires des Versaillais.
Il y a 879 élèves cette année (pour une capacité de l’École de
880). Un peu moins de 5/2 que les années précédentes, car c’était
Près d’Orsay… vider un étang avec toute son énergie.
7N°175 décembre 2014 –
Vie de l’École
l’année du changement de programme qui a dû en refroidir
quelques-uns, et 421 élèves en Première Année.
On note une lente progression des désistements entre
l’admission sur APB (Admission Post Bac) et la rentrée (une
trentaine, dont une quinzaine en EC). Ceci est dû non plus
seulement à Sciences Po (qui ne participe pas à la plateforme
APB et donne tardivement ses résultats, ce qui oblige les can-
didats à Sciences Po à s’inscrire par sécurité en parallèle dans
un autre établissement) mais aussi, de manière croissante, à
des intégrations dans des universités étrangères. La gestion du
surbooking est délicate, mais tout de même bien utile.
Quatre nouveaux professeurs nous rejoignent cette année :
– M. Emmanuel Delsinne (Mathématiques PTSI),
– Mme Émilie Vigier (Physique PCSI),
– M. Niels Vandecasteele (Physique-Chimie MPSI),
– Mme Nathalie Froloff (Français).
Jambville, les “ Epice” à la parade.
8 – N°175 décembre 2014
© photos D.R. Des nouvelles de notre École
Vie de l’École
Les “ Agro” toujours solidaires pour la course de chars.
Un nouveau préfet pour les Piston et Atom :
– M. Cyrille Vernier, ancien élève, X 93, venant de Total.
Un nouvel intendant :
– M. Jean-Paul Galant.
Un nouvel aumônier pour la prépa Ellipse :
– le père Davide Ambrosini, sj.
Les projets
Les travaux se poursuivent, mais n’ont plus rien à voir avec ce
qui s’est fait toutes ces dernières années.
À Saint-Michel, l’internat a été rénové, il reste la façade. À Saint-
François-Régis, les labos sont agrandis et modernisés avec une
grande implication des professeurs concernés. La rénovation des
9N°175 décembre 2014 –
Vie de l’École
étages d’internat va se faire. Avec déjà dix ans d’âge, Charles-de-
Foucaud a été entièrement remis en peinture. Le gros morceau qui
reste à conduire est le projet de rénovation et de mise aux normes
du bâtiment Saint-Joseph avec la grande salle. Après l’examen des
offres d’architectes fin novembre, le début des travaux devrait être
envisagé pour septembre 2015.
Enfin la Chapelle devra recevoir un double lifting, partagé entre
l’Association Grand Montreuil (propriétaire) pour la deuxième
partie de l’extérieur, dont la toiture, et l’Association École Sainte-
Geneviève (utilisateur) pour un nettoyage intérieur. Le tout sur
fonds propres.
Et le grand challenge que lance l’École, avec le soutien des
Anciens, est de construire une campagne de levée de fonds afin
d’assurer la pérennité du financement des 60 places d’Internes de
la Réussite. Lisez donc bien ce qui vous sera envoyé à ce sujet et
l’article dans ce numéro de Servir. Ne jetez ni mails ni courriers à
la poubelle, engagez-vous, il en va de l’avenir de
l’ouverture sociale inscrite dans l’âme
même de Ginette. Jean-Noël Dargnies
Directeur
10 – N°175 décembre 2014
© D.R. ZG et Rab G
Vie de l’École
Discours
du ZG
Mes chers amis, bonsoir !
Voici venir le terme de cette semaine d’intégration et c’est
maintenant à moi que revient l’honneur de vous accueillir
officiellement. Alors au nom de tous ceux qui font vivre Ginette
et son esprit : soyez les bienvenus à Sainte-Geneviève.
Il y a seulement quelques jours vous veniez d’horizons si variés
qu’il eût été difficile d’imaginer construire cette unité qui fera
votre force au sein de chaque classe.
Les “ PTSI ” ne sont pas en reste…
11N°175 décembre 2014 –
© D.R.Vie de l’École
Ce soir, tout a changé. Vous venez d’être baptisés par
vos Z, et, par ce geste symbolique, vous venez prolonger
l’histoire vieille de 160 ans de cet établissement.
Ce n’est pas une histoire merveilleuse, ni fantastique
que celle-ci mais bien une véritable saga humaine et spi-
rituelle qui au long des décennies s’enrichit de nouvelles
pages. Merci à vous de venir les écrire avec nous et de les
enrichir de votre style.
Quelles qu’aient été les activités de cette semaine :
chantier, 1ère entrée dans l’enceinte de Ginette, course de
char, parade, visite des piaules, veillée, vous saisissez à
présent à quel point ces temps étaient chargés de sens.
Vos Anciens vous ont transmis des valeurs qui, nous
l’espérons, vous aideront à accomplir vos deux ans, trois
pour les plus chanceux, dont la difficulté n’en est que plus
formatrice. Ne les oubliez en aucun cas !
Vous venez d’endurer dans vos corps ce que vous éprou-
verez dans vos esprits.
L’âme de Ginette
L’âme de Ginette, c’est tout d’abord la solidarité, l’esprit
co. « Quand tu donnes, tu perçois plus que tu ne donnes, car
tu n’étais rien, et tu deviens ». Cette, citation, dont j’attribuerai
la paternité à Yves du Manoir, ancien PB Piston, nous rappelle
à quel point notre entourage est important. Vous avez appris
ces derniers jours à connaître vos cos : ces personnes haute-
ment étranges au premier abord, qui deviendront infiniment
précieuses. Yves du Manoir disait toujours : il y a des personnes
qui marquent nos vies, même si cela ne dure que le temps d’un
piaulage, et nous ne sommes plus les mêmes. Le temps n’a pas
d’importance mais certains moments en ont pour toujours.
Vient ensuite la persévérance. Dame Ginette est une grande
dame dont vous n’avez fait qu’effleurer les lèvres. Celle-ci possède
une dame de compagnie : dame pougne qu’il est difficile de courti-
ser mais qui vous donnera de beaux enfants.
Enfin vient la responsabilité. Comme le disait un personnage
12 – N°175 décembre 2014
ZG et Rab G
Vie de l’École
éminent de cette institution : ici ce n’est pas je prends, je consom-
me et je jette. Chacun de vous est une brique indispensable à la
construction et à l’accomplissement de l’édifice qu’est la BJ.
J’aimerais alors tout d’abord remercier les maçons de ce
chantier et de l’accueil : les CD accueils qui ont effectué un travail
considérable.
Merci aussi à vous la Strass pour avoir osé jouer et gagné au jeu
de la confiance.
N’oubliez surtout pas la devise de l’école : servir.
Servez votre classe, engagez-vous et, croyez-moi, vous recevrez
bien au-delà de vos espérances.
Ainsi, de la part du ZG, le Z de tous les élèves, bienvenue à
tous : Atom, Epice, Piston, Sigma, Taupe, Ellipse
et Agros, bienvenue à vous première années,
bienvenue à vous chers amis . ZG
Guillaume Mallet
13N°175 décembre 2014 –
Vie de l’École © D.R.
Discours
du Rab G
Messe de rentrée
Très chers membres de la Strass, Professeurs, Nymphes,
Cubes et 5/2, Carrés et 3/2, Sups et Gozoths, bienvenue à
cette messe de rentrée.
Premières années, je vous salue particulièrement
aujourd’hui, et vous souhaite la bienvenue dans notre chère
chapelle. Après une intégration qui, je l’espère, vous a laissé
des souvenirs inoubliables, vous êtes maintenant devenus
de vrais BJiens.
Vous allez pouvoir découvrir ce qui, pour moi, et je pense
pour nous tous Anciens, est « la magie de la BJ ». Vous pourrez
témoigner de cet esprit co qui nous unit, à chaque instant passé
entre ces murs. Vos cos, vos camarades de classe, mais aussi tous
les autres BJiens deviendront pour vous une deuxième famille, la
BJ une deuxième maison. Ici, vous vivrez des moments heureux,
drôles, émouvants, et, bien sûr, d’autres qui le seront moins.
Mais vous ne serez jamais seuls : notre force est dans ce souffle
de vie qui habite la BJ. Je vous invite fortement à en profiter.
Profitez de vos amis, profitez de vos professeurs.
Profitez de toutes les activités qui vous seront proposées.
Profitez de toutes les occasions pour honorer la devise de l’école :
servir.
Profitez des rabs et rabinettes qui sont là pour vous.
14 – N°175 décembre 2014
ZG et Rab G
Vie de l’École
Et les “ Atom ” aussi…
Profitez des messes, des pèlerinages, des prières prépas.
Profitez de cette chapelle, lieu de prière et de recueillement,
ouverte à vous tous BJiens.
Profitez de la vie de Ginette.
Chers nouveaux, bienvenue à la BJ. BJiens, au nom de tous les
rabs et rabinettes, je vous souhaite
une excellente année.
Rab G
João Pereira
da Fonseca
15N°175 décembre 2014 –
Vie de l’École
LYCÉE SAINTE-GENEVIÈVE
RÉSULTATS OBTENUS
PRÉPARATION EFFECTIFS
SCIENTIFIQUE ENS
X
Mines Paris Tech
Mines Albi
Ponts Paris Tech
Telecom Paris Tech
Telecom Bretagne
ENSTA Paris Tech
ESPCI Paris Tech
Telecom Sophia
ISAE
Mines Nancy
MP* (1 et 2) 81 7 35 8 2 1 1 1 1
MP 40 2 2 1 1
PC* (1 et 2) 96 5 39 1 4 2 1 1 2
PC 48 1 2 1 1 2 2 1 2
PSI* 37 5 8 3 5 1 1 1
PT*/PT 33 2 4 1
Total Sciences 335 20 88 12 14 6 2 5 1 3 6 2
EFFECTIFS
HEC
ESSEC
ESCP/EAP
EML
ENSAE Paris Tech
EDHEC
ESC Grenoble
ENAs
cube
cube ailleurs
PRÉPARATION
COMMERCIALE
EC 2 (A et B) 79 32 11 8 5 1 3 4 1 3 11
PRÉPARATION EFFECTIFS
BIOLOGIE ULM
Agro Paris Tech
VETO
ENSA
ENSG Nancy
ENSAIA
R1
R2
BCPST2 43 6 17 15 3 1 1 0 0
16 – N°175 décembre 2014
CONCOURS 2014
Vie de l’École
AUX CONCOURS 2014
Central Paris
Centrale Lyon
Centrale Lille
Centrale Marseille
Centrale Nantes
ESE Gif
ESE Rennes
ESE Metz
ESO
Navale
CCP E3 A autres
5/2
5/2 ext
autre
18 1 3 1 0 2 4
3 2 3 4 10 6 1
16 4 1 7 1 1 1 0 10
1 2 1 3 3 1 11 12 2
2 2
2 6 1 1 10 3 3
40 11 4 1 4 17 2 1 5 2 31 35 8 4
Ces tableaux ne fléchissent pas.
Voici 436 nouveaux Anciens, puisque trente-huit préfèrent
pougner encore un an. Il y a des joies qui ne se refusent pas !
Nous vous offrons les résultats nominatifs par classe dans le ca-
hier tiré-à-part.
ÀO nprno’ap orise,np esannsesz riaeuns.s i à ré gler v otre c otisa tion.
Allez sur le site www.bginette.org
Il n’est jamais trop tard, et l’on peut toujours rattraper un oubli…
ou bien si vous avez un stylo et un timbre sous la main, faites
immédiatement, un chèque de 40 € à l’ordre de :
Association Anciens de Sainte-Geneviève
adressé vous savez où…
(les 436 de 2014 : gratuits pour vous ; les 2013, 12, 11 : 30 €)
17N°175 décembre 2014 –
Vie des Anciens 191Ao4ût
© D.R.Nous souhaitons, dans ce numéro et dans les pro-
chains, que Servir commémore la Grande Guerre et rende
hommages à ses Anciens, à ses professeurs, à ses élèves qui
s’y sont engagés. Un grand nombre d’entre eux y a laissé la
vie. Voici un premier article de Loïc de Vanssay, président
des Anciens.Vos contributions et témoignages sur le rôle
des anciens élèves pendant cette guerre seront toujours
bien accueillis dans les prochains numéros. À vos plumes !
Ayons une pensée…
18
VIE DES ANCIENS
Août 14
Nous commémorons le centenaire de l’ouverture de ce conflit
qui restera dans les mémoires comme la Grande Guerre.
Notre École y a été tellement impliquée qu’il est juste, pendant les
quatre années qui viennent, d’en par- En 1913 l’École prenait le
ler avec cet éclairage. Il ne s’agit pas nom de « Nouvelle École Sainte-
de faire de l’Histoire, ni de la stratégie, Geneviève, anciennement Rue des
ni même de la tactique, seulement Postes ». À l’occasion du cente-
de dire comment Ginette a fait cette naire de l’École en 1954, la muni-
guerre. Un chiffre doit guider notre cipalité de Versailles rebaptisera
mémoire : 1 408 anciens élèves sont la rue : rue de l’École des Postes.
morts pour la France (sur un nombre L’ensemble comprend alors le pa-
de mobilisés que l’on peut évaluer à villon Madame, la Chapelle, le corps
5 000. Un tiers !). Et avec eux pas mal central de bâtiment Notre-Dame
de professeurs, accompagnateurs et et le bâtiment Saint-François-Régis.
personnels de l’École. Déjà l’équipe de direction prévoit
la construction de ce qui est le
Octobre 1913 bâtiment Sainte-Geneviève.
Lire L’École Sainte-Geneviève,
une Prépa pour la vie, historique de l’École
publié en 2004 à l’occasion de ses 150 ans
(il en reste des exemplaires à demander
au secrétariat des Anciens).
Le 1er octobre 1913, l’École ouvrait ses portes au 2, rue de la
Vieille Église à Versailles dans les murs de l’ancien couvent des
Sœurs du Cénacle. Cette congrégation installée depuis 1869 en
…pour ces hommes […]
Sous-Lieutenant Daniel Lieutenant Henry Villain
Coustant d’Yanville SG 1906-1909 (X)
SG 1908-1910 (Cyr) le 20 août 1914
le 3 novembre 1914 à Morhange
à Kemmel
19N°175 décembre 2014 –
Vie des Anciens
les plus jeunes…
Caporal
Jean L’héritier
de Chezelle
SG 1910-1911 (Agro)
le 22 août 1914
à Signeulx
Capitaine Général Eugène Bridoux
François Louchet SG 1875 (Cyr)
SG 1897-1899 (Cyr)
le 7 septembre1914 le 17 septembre 1914
à Péronne
à Drouville
avait été chassée par la loi de 1901. La propriété avait été rachetée
par Madame Delcourt, sans doute pour la rendre le moment venu
aux Sœurs du Cénacle. Ailleurs, sur la Montagne Sainte-Geneviève,
l’École se battait en justice depuis 1901 pour rester ouverte.
La « Société Anonyme des Établissements Scolaires », ancêtre
tout à la fois des actuelles Association du Grand Montreuil et
Association École Saint-Geneviève, n’avait toutefois pas attendu
d’être déboutée en appel en 1912 pour trouver une solution
de continuité.
20 – N°175 décembre 2014
Août 1914
Vie des Anciens
Après une seule année d’expérience Les pertes énormes du
versaillaise et malgré les difficultés,
la rentrée en septembre 1914 se fait début de la Grande Guerre sont causées
avec 7 classes et 260 élèves (au lieu en majorité par la supériorité allemande
de 10 classes et 404 élèves l’année dans l’emploi des mitrailleuses. Cette
précédente). Mais la mobilisation des arme nouvelle est pourtant apparue dès
jeunes gens de 19 ans en avril 1915 fait la guerre de sécession américaine mais
elle n’a pas encore été bien intégrée
dans la doctrine tactique de nos forces.
De même, à ces débuts, l’organisation
de l’artillerie ne la place pas, chez nous,
au plus près des premières lignes.
tomber le nombre des élèves immédiatement à 150 et ils ne sont
plus que 60 au mois de juin pour les concours !
…étaient encore en prépa
Lieutenant Lieutenant
Alexandre Rey Herme Marcel Charbonneaux
SG 1904-1907 (Mines SE) SG 1894-1897 (Avocat)
le 20 septembre 1914 le 11 septembre 1914
à Flirey-en-Wœvre à Yser
© douze photos Archives École Sainte-Geneviève D.R.
Capitaine
Edgard Lejeune
SG 1898-1901 (Cyr)
le 23 novembre 1914
à Bailleul
21N°175 décembre 2014 –
Vie des Anciens
Une famille particulièrement éprouvée…
Commandant Charles Baju Lieutenant Jean Baju
SG 1877-1881 (Cyr) SG 1908-1911 (Cyr)
le 27 août 1914
à Sailly-Saillissel le 31 mars 1915
à Fey-en-Haye
Premières semaines meurtrières
Et pendant ce temps-là, les plus jeunes Anciens, comme ceux
un peu moins jeunes, sont tous déjà sur le front, le plus souvent
comme officiers car ils sortent très majoritairement des Écoles
Militaires et des Grands Corps.
Comme on le sait moins, car on a le plus souvent pour seule image
de la Grande Guerre Verdun et les tranchés, ce sont les premières
semaines de la guerre qui sont les plus meurtrières ; la « Bataille
des Frontières » dès août 1914, la « Bataille de la Marne » qui suit,
la « Course à la mer » jusque qu’en octobre. Dans les Vosges et
sur la frontière belge, en une journée, les armées alliées perdent
40 000 hommes .
Bien sûr, la population ne le sait pas le soir même. Même Joffre
met quelque jours à mesurer le désastre, au fur à mesure que les rap-
ports lui parviennent. Mais les unités engagées le savent. Une unité
par exemple, où sert un de nos Anciens, le 140e régiment d’Infante-
rie, compte 3 500 hommes à Grenoble au moment de la déclaration
de guerre. D’abord dans les Alpes, il est engagé le 20 août dans les
Vosges au col Sainte-Marie, au-dessus de Sainte-Marie-aux-Mines.
Après des combats d’une extrême violence pour garder ce col, il
est relevé le 15 septembre ; il lui reste 700 hommes ! Réorganisé
22 – N°175 décembre 2014
Août 1914
Vie des Anciens
…tout au long de la guerre et même au-delà
Lieutenant d’artillerie Commandant Louis Baju
Henry Baju SG 1907-1909 (Cyr)
le 22 février 1922
SG 1909-1913 (X) au Maroc
le 4 avril 1918
à Moreuil
et renforcé de nouveaux mobilisés, il est engagé le 18 septembre,
trois jours après seulement, dans la plaine du Santerre, région de
Péronne. Il tient le village de Chaulnes jusqu’au 30 et perd encore
près de 1 500 hommes. Le front se stabilise alors et l’on passe à la
guerre de position, aux tranchées.
Ils ont certainement une marque
Ayons une pensée pour ces hommes, les plus jeunes qui étaient
encore en prépa, allant rejoindre leur affectation. Au-delà des
clichés des trains partant de la gare de l’Est, que disent-ils ces
hommes, que pensent-t-ils ? Ils sont dans l’action, forts de pas
mal de convictions, solides moralement. Le sont-ils davantage que
d’autres ? Pas plus, ils sont dans leur temps, et ils ont certainement
une marque, le sens du service que l'on traduit dans ce moment-là
par le sens du sacrifice, l’honneur,
l’amour de la Patrie. Loïc de Vanssay
(SG 61-63)
Président des Anciens
23N°175 décembre 2014 –
© D.R.Vie des Anciens
Bernard Liautaud,
fondateur de
Business Objects
Bernard Liautaud est ancien élève de Ginette
(79-81), de l’école Centrale de Paris (81-84) et de
l’université de Stanford (85). Après quelques an-
nées chez Oracle, il crée Business Objects en 1990.
La société connaîtra un succès mondial et sera ac-
quise par SAP en 2007 pour 7 milliards de dollars.
24 – N°175 décembre 2014
BERNARD LIAUTAUD
Vie des Anciens – Interview
Bernard Liautaud est actuellement l’un des partenaires
de Balderton Capital, un fonds de capital-risque basé à
Londres, il est membre du conseil d’administration de SAP,
fondateur de Dashlane (un coffre-fort de mots de passe)
et « trustee » de l’université de Stanford.
Quels souvenirs marquants gardez-vous
de Ginette ?
Je garde de Ginette beaucoup de souvenirs, avec un mélange
d’émotion et de nostalgie. C’était un environnement très propice
à créer des liens forts entre élèves car nous étions tous animés
par les mêmes objectifs : travailler beaucoup mais aussi s’entrai-
der pour réussir aux concours. On apprenait autant pendant les
cours qu’au dehors, en vivant ensemble sur le campus. Beaucoup
plus que dans les grandes écoles ensuite, ceci créait un sentiment
de camaraderie tout à fait unique. C’était aussi un environnement
où nous pouvions avoir un bon équilibre entre Bâtir une
le travail et le sport. entreprise
c’est construire
Je m’y suis fait de très nombreux amis, une équipe
avec lesquels je garde encore la même complicité
qu’il y a trente ans. J’ai aussi de très bons souvenirs
de la strass et des professeurs.
Le père Pardonnat et le Père Peccoud, deux hommes tout à fait
remarquables, à la fois très présents mais aussi très discrets.
J’aurais trop de noms de professeurs à donner, un seul exemple :
mon professeur de physique, M. Jaku, qui savait illustrer de
manière concrète et simple des concepts qui pouvaient être très
complexes.
Et bien sûr des souvenirs plus colorés : le bizutage, les
chambres, dont certaines n’étaient pas un modèle de confort,
la course pour aller aux douches en hiver, les batailles pour
le rab de frites, autant d’images qui font aussi partie du mythe
de Ginette.
Combien ont compté pour vous vos années à Ginette
pour ce que vous êtes devenu personnellement,
25N°175 décembre 2014 –
Vie des Anciens
professionnellement ? Comment vous ont-elles influencé en
terme de valeur, de comportement ?
Ginette m’a appris la discipline de travail bien sûr, mais
aussi la valeur et l’importance de l’entraide et de la camaraderie.
Un fort symbole était « l’antre », où nous allions
…un niveau déposer les sujets d’oraux de concours que nous
de formation venions de prendre, et où nous pouvions bénéficier
qui n’a que peu de ceux qu’avaient eus nos camarades.
d’équivalent Bâtir une entreprise relève des mêmes valeurs :
c’est construire une équipe, des gens animés par
un objectif commun, les faire travailler ensemble. En ce sens,
Ginette a été aussi une formidable école de la vie.
Le monde a changé depuis 35 ans. Si c’était à refaire
aujourd’hui, choisiriez-vous une prépa, et une prépa
à Ginette ?
Si j’avais à décider aujourd’hui de faire une carrière scien-
tifique, je choisirais bien sûr une prépa, et il n’y en a qu’une,
Ginette, comment pouvoir penser faire un autre choix,
c’est impossible !
Ceci dit, si j’avais à me préparer pour être de nouveau
un entrepreneur, je choisirais une formation, probablement
aux États-Unis, qui tente aussi de développer l’individu, sa
capacité à communiquer et à convaincre, son intégration dans
le monde extérieur, qui sont les caractéristiques les plus impor-
tantes pour réussir dans l’entreprise.
Vous êtes diplômé de Centrale et de Stanford, comment
comparez-vous les cursus éducatifs supérieurs en France
et aux États-Unis ? Quel parcours idéal à recommander
aujourd’hui à un jeune Français ?
À l’époque, Centrale était une institution très focalisée sur les
sciences de l’ingénieur, avec des cours magistraux, des polyco-
piés, très tournée sur elle-même. Les cursus ont aujourd’hui
énormément évolué. L’école est ouverte sur l’extérieur, elle a créé
des campus en Chine, au Maroc et en Inde, elle dispense une
formation internationale, pas simplement théorique mais aussi
26 – N°175 décembre 2014
Bernard Liautaud
Vie des Anciens – Interview
appuyée sur des études de cas, c’est une école en mouvement,
et innovante, ce qui n’était pas le cas il y a trente ans.
Mais les meilleures universités américaines apportent un
niveau de formation qui n’a que peu d’équivalent dans le monde,
autant dans les formations de « College » qu’en « Graduate
School ». Stanford permet d’avoir une ouverture d’esprit extra-
ordinaire, grâce à un très grand nombre de cours, que les élèves
sont encouragés à suivre dans des domaines très variés sans avoir
à choisir une spécialité avant plusieurs années, ce qui leur permet
d’explorer leur goûts et leurs zones d’intérêt. De plus il y a une
très forte intégration entre professeurs et élèves et une coopéra-
tion incroyable entre l’université et l’entreprise : il est possible
de créer une société à l’intérieur de l’université avec l’aide des
professeurs qui sont eux-même souvent à l’origine de start-up.
Pour les élèves de Ginette qui ont donc choisi la voie de la
prépa, et qui ont intégré une grande école d’ingénieurs française,
je recommanderais d’aller faire une formation post diplôme aux
États-Unis en se focalisant sur le développement de la personne,
ses capacités de leadership, tel un MBA.
Vous êtes l’un des entrepreneurs français les plus brillants,
qu’est-ce qui vous a amené à sauter le pas et créer Business
Objects ? Comment auriez-vous souhaité y être préparé par
votre cursus éducatif ?
Un élément important a été une réunion à Stanford avec
Steve Jobs, venu présenter à la Business School son premier
Macintosh : j’ai été subjugué par sa vision et sa personnalité,
ce qui m’a donné très tôt l’envie de créer ma société. Oracle [ ] à ses
Ma conviction a été renforcée lors de mon débuts en France,
une vraie start-up
service militaire à l’ambassade de France aux États-
Unis où je représentais l’Anvar, et où j’avais un rôle
d’assistance aux entrepreneurs français désireux de
s’y implanter. Ceci m’a aussi exposé au capital-risque qui était
pratiquement inconnu en France à l’époque.
J’ai commencé ma carrière chez Oracle en 1986, à ses débuts
en France, une vraie start-up : nous n’étions qu’une dizaine.
Trois ans plus tard, nous étions 500 en France, et Oracle réalisait
27N°175 décembre 2014 –
Vie des Anciens
un chiffre d’affaires d’un milliard de dollars. J’ai découvert l’im-
pact de la technologie, le rythme incroyable de croissance de ce
secteur, ainsi que son impact très profond pour les entreprises.
Grâce à un concours de circonstances heureux,
Cela permet Denis Payre (qui m’avait rejoint chez Oracle) et moi
de mieux avons rencontré un ingénieur français, Jean-Michel
comprendre Cambot, qui avait développé un produit facilitant
des cultures la création de requête sur les bases de données
différentes Oracle. Il cherchait à obtenir qu’Oracle distribue
son produit, mais Oracle n’étant pas intéressé,
nous lui avons proposé de créer une société pour le faire
nous-mêmes, ce fut la naissance de Business Objects et d’une
aventure extraordinaire.
Si j’avais à revoir mon cursus éducatif, je choisirais probable-
ment de passer plus de temps à étudier à Stanford, pour avoir
plus d’exposition à l’entreprenariat, au management, que j’ai
appris sur le tas en créant mon entreprise ce qui n’est peut-être
pas extrêmement efficace.
Est-il important aujourd’hui de construire
sa carrière à l’étranger ?
Bien sûr, il est important d’avoir des expériences profession-
nelles à l’étranger, même si c’est pour revenir en France ensuite.
Cela permet de mieux comprendre des cultures différentes,
tant au plan personnel que professionnel, et d’avoir des points
de comparaison qui permettront ensuite d’aider au développe-
ment de la France.
Vous avez créé en France, il y a quelques années, une
nouvelle société technologique, Dashlane, qui est spécialisée
dans la gestion de mot de passe, avec de jeunes ingénieurs
français. Votre exemple est rare. Pourquoi les États-Unis
et notamment la Californie, où vous habitez une partie
de l’année, connaissent-ils une dynamique beaucoup plus
grande que l’Europe pour la création de nouvelles sociétés
en général, et dans le secteur technologique en particulier ?
Les États-Unis ont compris qu’il était très important de se
28 – N°175 décembre 2014
Bernard Liautaud
Vie des Anciens – Interview
renouveler, 19 des 25 plus grandes entreprises n’existaient pas
il y a quarante ans, alors qu’en France, les 25 plus grandes entre-
prises existaient déjà il y a quarante ans.
La « Silicon Valley » a connu six ou sept transformations tech-
nologiques que l’Europe n’a pas pu saisir, en manquant en grande
partie son virage technologique. Les facteurs clés de réussite pour
développer des entreprises ont des freins importants en Europe :
qu’ils soient culturels comme la capacité à rebondir sur un échec,
ou industriels comme la capacité d’une entreprise à s’ajuster très
vite par exemple en terme de personnel, ce qui devient un frein
au développement comme à l’embauche.
Quels sont les grands bouleversements technologiques
que vous anticipez, comment cela peut-il faire réfléchir
nos jeunes « BJmen and women » en terme
de carrière ?
Nous connaissons des changements et une crois- Les révolutions
sance quasi exponentiels pour l’accès à l’information technologiques
le développement des mobiles et de la technologie. toucheront les
Ceci transforme complètement le concept de activités indus-
connaissance, permet un accès à l’information très trielles mais
rapide et des capacités de calcul en temps réel aussi de service
quasi infinies.
L’intelligence artificielle, les avancées de la robotique, la capa-
cité d’exploiter des masses monumentales d’information, per-
mettront d’automatiser beaucoup de tâches. Ceci touchera des
activités industrielles mais aussi de service, ou même la médecine
ou la biologie. Ceci aura des conséquences profondes sur
la société, comme par exemple l’allongement de la durée de vie.
Nos jeunes « BJmen and women » trouveront dans ces
domaines des zones encore vierges et à très fort potentiel
de croissance !
Propos recueillis par
Jean Pierre Mustier
(BJ 79-81)
29N°175 décembre 2014 –
Vie des Anciens © D.R.
Anciens
de Londres
ou BJiens Londoniens
Que l’on soit étudiant en échange Erasmus
ou heureux titulaire d’un poste de stagiaire à l’étranger,
l’envie est à l’immersion culturelle et linguistique… mais
pas seulement.
C’est uniquement après quelques années passées à Londres
que j’ai décidé de réunir les BJiens londoniens dans l’idée
qu’au-delà des filières et au-delà des promos, on a tant de choses
à partager ! Réunion sur Facebook pour commencer, puis autour
30 – N°175 décembre 2014
ANCIENS DE LONDRES
Vie des Anciens
d’un dîner very successful 18 BJiens à côté de Covent Garden.
Depuis près d’un an à présent, les BJiens défilent dans la capitale
et nos réunions ne comptent pas seulement des Londoniens mais
aussi des Cambridgiens, des Oxfordiens, et à la promo 2011 se
sont ajoutées celles de 2010 et 2012. En césure, double diplôme ou
installés pour travailler, c’est beaucoup de mouvement et toujours
de nouvelles rencontres ou retrouvailles !
Ce n’est cependant pas tout ; ce réseau a pour grande ambition
de rassembler des BJiens de toutes générations et tous horizons.
Du partage de souvenirs de Ginette à l’agrandissement de réseaux
professionnels, tout se discute à l’occasion d’un apéro british ou
d’un bon repas. Comme nous le savons tous, c’est avec l’esprit co’
qu’on avance donc faites-nous signe pour vous joindre à nous !
Que vous soyez à Londres de passage ou durablement, il suffit
d’envoyer un email à [email protected] et/ou rejoindre
le groupe Facebook « BJiens londoniens ! ». Renseignez vos dates
de présence et envoyez vos idées pour faire vivre ce groupe : c’est
tout simple.
C’est par votre enthousiasme que ce réseau prendra des ailes et
par votre engagement qu’il restera vivant !
See you soon ! Cora Xydas
(SG 2009 – 2011)
GlaxoSmithKline UK
Les Anciens de Ginette sont aujourd’hui
aux quatre coins de la France et du monde. Au-delà
de toutes les différences, âge, filières, promos, beaucoup
d’entre vous ont énormément à partager ensemble.
L’appel de Cora, que nous publions ici, aux Anciens résidant
à Londres est une belle initiative, et la suite logique d’une
idée qui avait été lancée déjà en 2011 par le président
desAnciens Loïc deVanssay et un Londonien,Stefan Hascouet,
« partager au-delà des filières ».
Alors pourquoi pas ailleurs, Singapour, Berlin, New-York…
mais aussi Lyon, Marseille, et… Romorantin !
Allez-y, nous publierons tous les appels !
31N°175 décembre 2014 –
Vie des Anciens
« Je me souviens »
Beaucoup d’entre nous ont de très beaux souvenirs
de Ginette. Cette rubrique est consacrée à ceux d’entre
nous, de toutes générations, sortis il y a bien longtemps
ou en 2014, qui ont envie de les partager. Pour ce premier
essai, voici les souvenirs de Saab Abou Jaoudé, qui est non
seulement un Ancien, mais aussi qui fut professeur à l’École
pendant 44 ans ( !) de 1966 à 2010.
Au moment d’écrire ces quelques lignes,
beaucoup de souvenirs de l’époque où
j’étais élève (1961-1963) remontent à la sur-
face. J’en évoquerai deux :
Je me souviens d’une discussion avec
mes camarades Ivar Ekeland, Guy Frachon
et Bernard Gagey en plein cours de maths,
sur une question pointue de théorie des en-
sembles sous le regard ébahi des autres cama-
rades et l’œil courroucé de notre professeur
de maths Monsieur Chambadal qui, au bout
de dix minutes, intervint pour nous rappeler
que la classe n’était pas un forum.
Je me souviens, la même année, de mon
professeur de physique, Monsieur Brunold,
figure emblématique de l’École, disserter
comme de tradition sur les sujets suivants, que
32 – N°175 décembre 2014
© D.R. JE ME SOUVIENS
Vie des Anciens
Avec quatre (5/2) de mes Anciens de ma 1ère année d’enseignement.
De gauche à droite :Antoine Gravereau, René de Préneuf, Saab Abou Jaoudé,
Francis Lucas, Alain Malicet.
les 5/2 proposèrent cette année-là à son éloquence
le jour de la sainte Barbe :
1 – Lerolle déménage en Afrique,
2 – Le rôle des ménages en Afrique,
sujet subsidiaire :L’inversion des rôles dans les
ménages modernes,
Monsieur Brunold avait, entre autres qualités,
celle de construire un discours logique,pleinement
argumenté et… totalement dénué de sens,sur tout
sujet qu’on pouvait lui proposer. Pour rappel, le
père Lerolle était une figure de l’École de l’époque.
vu par
VDB Abou était un prof de Maths admiré et redouté…
33N°175 décembre 2014 –
Vie des Anciens
Plus tard, quand j’étais tout jeune profes-
seur à l’école, je me souviens d’un jour de
septembre 1968 lorsque le père Pardonnat,
préfet de l’époque, m’annonça que je devais
remplacer au pied levé Monsieur Chambadal,
figure emblématique de l’École. Mes jambes
se sont mises à flageoler et j’ai eu très peur.
La même peur me reprenait toujours en
début d’année, avant d’entrer dans la « fosse
aux lions », avec toujours la même question :
serai-je à la hauteur de la tâche ?
Je me souviens, au début des années 1970,
du père Lerolle, devenu mon collègue de l’autre
classe, me disant la base de sa pédagogie, je cite :
« pour être compris, il ne faut pas se répéter ». ( !)
Je me souviens un jour de l’année 1981-
1982, avoir envoyé l’élève NNN faire un tour
de parc au pas de course, l’ayant pris en
état de somnolence caractérisée pendant le
cours de math. Je dirai, pour sa défense, que
j’étais en train d’expliquer, pour la quatrième
fois, à quelques élèves, les méandres des es-
paces complets.
34 – N°175 décembre 2014
Je me souviens © D.R.
Vie des Anciens
Je me souviens, un jour de décembre
1987, être entré en salle des professeurs dans
un état de colère indescriptible et avoir crié à
qui voulait entendre : « Il faut supprimer ces
p... de classes préparatoires de m... ».
C’était pareil tous les ans en décembre. On
se demandait si les deux mois passés avait
servi à quelque chose et si au moins un élève
arriverait à réussir les concours !
Je me souviens de l’élève NNN en 1994-
1995. Comme il était un peu dissipé pendant le
cours sur les suites de fonctions, je lui ai demandé,
à 10h19 d’exposer à 10h30 la démonstration
du théorème de Stone-Weierstrass. Il nous en
fit une démonstration magistrale (4 lemmes + 2
théorèmes) après très exactement 10 minutes de
préparation. Chapeau !
Je me souviens... Je me souviens,
mais il faut que je m’arrête. J’en ai perdu
le souffle !
Saab Abou-Jaoudé
SG 1961-1963,
professeur de Maths
à l’école de 1966 à 2010
…il était très fort
35N°175 décembre 2014 –
I d é e s – I n i t i a t i v e s “ Servir ”,
une devise
biblique…
“ Servir ” : une devise qui claque comme un com-
mandement militaire et qui invite à l’action. Mais aussi
un mot biblique ambivalent qui convie à la réflexion : il
évoque aussi bien l’esclavage, la servitude, que le service
de Dieu. Comment obtempérer à l’injonction de « Servir »
pour sortir de nos esclavages ? Si l’on se réfère au texte
évangélique du lavement des pieds, la priorité est-elle
de servir ou de se laisser servir par le Serviteur qu’est
le Christ Jésus ? Enfin, comment résister à la tentation
de ne servir qu’à moitié ?
36 – N°175 décembre 2014
© D.R. “ SERVIR ”, UNE DEVISE BIBLIQUE…
Idées – Initiatives
Servir Dieu pour sortir
de la « maison de servitude »
Un Dieu tout proche opère son œuvre de libération
Le premier des dix commandements… n’est pas un comman-
dement ! Écoutons-le : « JE SUIS le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait
sortir d’Égypte, de la maison de servitude » (Ex. 20,2 et Dt 5,6).
Ce JE SUIS se fait accessible : il ne s’agit pas de n’importe quel
Dieu, mais du « Seigneur ton Dieu ». Un Dieu tout proche opère son
œuvre de libération, il est celui qui « fait sortir » chacun « d’Égypte,
de la maison de servitude ». La libération est déjà effectuée et en
même temps elle reste à activer, à renouveler à chaque lecture pour
libérer l’avenir de sa gangue. En quoi cette parole nous rejoint-elle
dans nos préoccupations quotidiennes, dans nos soucis profession-
nels où certains cherchent un emploi tandis que d’autres croulent
sous les tâches au point de ne plus savoir quelle priorité choisir ?
La bible ne donne pas de solution, elle creuse une écoute…
Denis Trente-Huittessan
École de Rembrandt « Moïse et le buisson ardent ». Détail.
37N°175 décembre 2014 –
Idées – Initiatives
Faire un pas de côté pour l’écouter
En Égypte, le peuple hébreu vivait en servitude. Il faisait des
briques, des actes répétitifs au service d’un projet « pharaonique ».
Il a suffi d’un homme, Moïse, d’un acte de rupture avec le quoti-
dien : « je vais faire un détour pour voir cet étrange spectacle et
pourquoi le buisson ne se consume pas » (Ex 3, 3) pour que Dieu
puisse l’appeler par son nom, se révéler à lui, lui confier une mis-
sion, et pour que soit initiée la grande épopée de la sortie d’Égypte.
Servir, c’est commencer par ce petit acte de
rupture avec la routine. Faire un pas de côté. Éteindre
ce qui fait du bruit en nous et autour de nous pour
creuser une intériorité. Cultiver, comme le préconise
le pape François, « un espace intérieur qui donne un
sens chrétien à l’engagement et à l’activité »1.
La libération personnelle précède la mise en œuvre
d’une libération collective
Moïse le bègue, aidé de son frère Aaron le lévite, va trouver
Pharaon pour qu’il laisse partir les Hébreux. Pharaon ne comprend
pas et leur enjoint de retourner à leurs corvées. Sommes-nous
comme Pharaon, réticents à tout changement dans un travail quand
il se vide de son sens ? – On peut avoir peur du changement pour
de fausses bonnes raisons, surtout quand la crise agit comme du
mortier entre les briques pour bloquer les communications et les
initiatives… – Ou bien sommes-nous à l’instar de Moïse, capables
d’obéir à un appel intérieur ? Capables d’affronter la hiérarchie,
de proposer une rupture symbolique, une halte collective en quête
du sens à donner au travail, pour qu’il ne soit plus vécu comme
une servitude mais comme un service ? Un alourdissement des
corvées est la conséquence de la démarche de Moïse : la libération
1 – « Sans des moments prolongés d’adoration, de rencontre priante avec
la Parole, de dialogue sincère avec le Seigneur, les tâches se vident facilement
de sens, nous nous affaiblissons à cause de la fatigue », JE § 262, p 221.
2 – La Joie de l’Évangile, § 13, 2013, p 29 dans l’édition Bayard, Cerf,
Fleurus, Mame
3 – JE § 276, p 233
38 – N°175 décembre 2014
© D.R. Bruno Wadoux “ Servir ” une devise biblique…
Idées – Initiatives
Détail de la céramique de sœur Mercédès
(Abbaye sainte Scholastique, Dourgne,Tarn), abbaye
Notre-Dame-des-Neiges.
n’est ni immédiate ni facile, elle n’est pas magique. Parfois, il faut
savoir partir…
Se laisser servir pour mieux servir les autres
Comment cette sortie d’Égypte s’actualise-t-elle ?
Nos frères juifs commémorent chaque année la sortie d’Égypte
pendant leur fête de Pessakh. Lors de leur repas familial à caractère
liturgique, la libération est actualisée pour chacun des commen-
saux (Dt 5,3). De même, au moment de l’institution de l’eucharis-
tie, Jésus-Christ enjoint à ses disciples de « faire ceci en mémoire
de Lui » et leur ouvre l’avenir, il nous « laisse l’Eucharistie comme
mémoire quotidienne de l’Église, qui nous introduit toujours plus
dans la Pâque (cf. Lc 22, 19)2 ». Le pape François précise que la
résurrection n’est pas « un fait relevant du passé », elle est une
« force de vie » qui pénètre le monde : « Là où tout semble être mort,
de partout, des germes de la résurrection réapparaissent, c’est
une force sans égale3. »
39N°175 décembre 2014 –
Idées – Initiatives
Y aurait-il un lien entre sacrement de l’eucharistie
et sacrement du service ?
Dans l’Évangile de Jean, il n’y a pas de récit d’institution de l’eu-
charistie, mais le récit du lavement des pieds. Lorsque le Christ
veut laver les pieds de Pierre, ce dernier se rebiffe. Il est plus difficile
de se laisser servir que de servir. Mais au moment où les disciples
acceptent que le Christ leur lave les pieds, ils goûtent son amour et
sont invités à faire de même, à servir à sa suite plus par attraction
d’amour que par volontarisme. Donner de soi au quotidien, c’est
œuvrer au royaume de manière eucharistique, être incorporé au
Christ, et à sa suite, être consommé. On songe à Ignace d’Antioche,
prêt à être broyé pour devenir lui-même « froment de Dieu ». C’est
ce que vivent par fidélité au Christ certains de nos frères irakiens,
syriens, soudanais, nigériens, centrafricains... D’une manière
moins dramatique, certains responsables, soucieux avant tout de
leurs employés, du bien commun, du bien humain, sont en butte
à de nombreux conflits. Leur temps semble broyé par une massi-
coteuse, leur vie consommée par un don de toute leur personne.
Est-ce envisageable de servir « un peu » ?
Servir à moitié, c’est servir de manière raisonnable, avec
la politique des petits pas, avec la satisfaction du devoir accom-
pli, alors que lorsqu’on est amoureux, on ne compte ni temps, ni
sa peine ! La parole de Dieu n’est pas une plaque de cuisson que
nous pourrions mettre sur 1, 3 ou 6 à notre guise : insaisissable,
elle est un feu dévorant, elle est telle que nous nous embrasons
à son contact, elle nous brûle et nous dérange. Dans les temps de
détresse, elle nous rejoint sous la forme d’une toute petite flamme,
– la flamme increvable du lumignon qui permet d’avancer dans
l’obscur d’une nuit qui n’en finit pas, et qui éclaire à peine le pas
suivant –, parfois ce sont des braises, tenaces, qui brûlent comme
un feu souterrain au fil de la journée. Méditer la Parole, l’intériori-
ser, c’est prendre dans ses mains cette lueur pour discerner, agir et
bien souvent, tenir.
Servir à moitié ce serait se mettre au service d’un seul
aspect de la personne, tels un cadre qui ne se préoccuperait
que de la performance de ses subalternes. À cet égard, les grilles
40 – N°175 décembre 2014
© D.R. “ Servir ” une devise biblique…
Idées – Initiatives
d’évaluation qui découpent en segments les qualités sont parfois
problématiques. Il s’agit vis-à-vis des autres aussi bien que de nous-
mêmes, d’avoir à cœur de développer harmonieusement tout l’être
humain, dans ses dimensions affective, spirituelle, physique, intel-
lectuelle et communautaire, de manière à ce que chacune d’elles
croisse harmonieusement avec les autres.
Servir pleinement, c’est se sentir comme une voile
qui prend le vent.
La personne toute entière s’unifie, trouve sa juste place, résiste
mieux aux inévitables démangeaisons de l’ego. Elle est au service
du maître au fardeau léger, et comme Lui, place moins un fardeau
sur les épaules des autres, qu’un joug léger qui unit l’attelage en
vue du sillon à tracer ensemble.
À l’instar de Moïse, des disciples, ou du Christ, servir, c’est être
aimanté vers un chemin de libération personnelle et collective. D’où
l’importance du pas de côté vers ce qui brûle sans se consumer et
du choix intérieur : servitude ou service ? On ne peut servir deux
maîtres. L’un rend esclave – l’argent, la mondanité –, l’autre rend
libre pour servir dans la louange divine et l’entraide fraternelle.
Nathalie Rollin,
SG 83-85
41N°175 décembre 2014 –
Idées – Initiatives
Servir
ou se Servir ?
Une nouvelle pathologie est née à la fin de l’été :
la phobie administrative. Nouvelle pathologie ou mar-
keting nouveau d’une vieille pathologie ? Peu importe…
la maladie, elle, est ancienne.
En clin d’œil aux études d’ingénieur d’un certain nombre d’entre
nous, je nommerai volontiers cette maladie « effet Maxwell » du
nom de Robert Maxwell, magnat de la presse, mort noyé en 1991,
auteur de malversations financières qui ont conduit son groupe à
la faillite. Comment un homme aussi intelligent, qui a su monter
un empire médiatique à partir de rien, a-t-il pu imaginer que ses
malhonnêtetés passeraient inaperçues ? Comment bien d’autres
ont-ils pu être atteints de la même faiblesse ?
Je vous propose le diagnostic suivant : ils ont monté les trois
marches de l’avoir, du pouvoir et de la gloire… et aveuglés par leur
réussite, se sont cru au-dessus des lois applicables à tous.
Nous ne sommes pas tous députés ou magnat de presse ; ne nous
croyons pas pour autant à l’abri du mal ! Il atteint tout le monde !
J’ai vu un trésorier d’association d’école d’ingénieur créer une
caisse noire. J’ai vu un jeune cadre brillant renvoyé pour avoir mis
dans son coffre des pots de peinture détournés de l’usine dont il
dirigeait la production.
Alors se préserver ou non de l’effet Maxwell ? Servir ou se servir ?
Embaucher un bon avocat et un bon chargé de relation presse, ou
bien engager dès maintenant la trithérapie préventive du manager :
attention au bien commun (antidote à l’emprise de l’avoir), subsi-
diarité (antidote aux abus de pouvoir), humilité (antidote
au développement de l’ego et de la gloire) ?
À chacun de choisir ! Thierry des Laurier
(SG 78-80)
DG de l’association “ Aux captifs, la libération ”
[email protected]
42 – N°175 décembre 2014
JOB & Cie
Idées – Initiatives
Interview de François d’Estais
(Agro Paris 1951)
Job & Cie de 1990 à 2009
© D.R.
À l’écoute des autres,
on en apprend tant…
Après l’agro et près de trois ans de service militaire,
François d’Estais débute sa carrière au sein de différentes
organisations agricoles et agroalimentaires – passant des
fruits et légumes à la coordination des Instituts techniques
(ACTA) ; puis, après un passage en cabinet ministériel,
il est appelé à la direction de la CCB, lobby des planteurs
de betterave à sucre. Il termine par quelques années
de consulting.
Avant son départ à la retraite, il suit des formations à
l’écoute et à la communication interpersonnelle notam-
ment face aux problèmes de couple.
43N°175 décembre 2014 –
Idées – Initiatives
Sa vie professionnelle l’ayant placé à un carrefour
où se brassaient beaucoup d’informations, il était fréquem-
ment consulté par des chercheurs d’emploi. Libéré des
contraintes professionnelles trente-cinq ans plus tard, il ne
pouvait que répondre positivement à l’appel de Job & Cie
paru dans Servir. Job & Cie qu’il rejoindra de 1990 à 2009,
pendant près de vingt ans : c’est sur cette expérience que
nous avons interviewé François.
À« l’époque, Job & Cie était un gentil groupe plein de bonne
volonté et d’ardeur, mais j’ai vite constaté qu’il manquait
de méthode et de savoir-faire. Je sentais qu’il y avait de belles
choses à faire, aussi je m’y suis engagé. Lorsque Nathalie Rollin,
la fondatrice de Job & Cie, a passé la main à Claudie Paindavoine,
cette dernière m’a demandé de l’aider dans l’animation du
groupe. Bien que je m’étais promis de ne plus m’investir dans le
pilotage d’une structure, j’ai accepté de travailler à ses côtés puis
de lui succéder malgré mes réticences. Bien heureusement j’ai
rapidement constaté qu’il s’agissait de relations humaines, sans
problèmes administratifs. »
Quels liens existent-ils entre Job & Cie
et l’Association des Anciens ?
« C’est Nathalie Rollin – en tant que membre du comité des
Anciens – qui a suscité la création de Job. N’étant pas une struc-
ture en soi, Job n’est pas filiale de l’AAESG mais partie intégrante
de l’Association. Longtemps président de l’association, Frédéric
Buxtorf y a toujours accordé un appui sans faille, répondant
toujours positivement aux demandes de Job.
Les accompagnateurs dans leur majorité sont des Anciens ma-
nifestant une aptitude dans l’approche de l’autre. À moins qu’ils
acceptent une formation et soient prêts à un chemin d’humilité,
nous avons dû écarter ceux qui, parce qu’ils avaient derrière
eux une belle carrière, se considéraient par là-même aptes à
« aider ». Ils avaient un chemin à parcourir. Cela étant, nous
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Job & Cie
Idées – Initiatives
leur proposions souvent de devenir « point d’appui », à savoir
un interlocuteur identifié pour sa connaissance d’un métier ou
d’un secteur d’activité qui accepte de recevoir des demandeurs
d’emploi envoyés par “Job” et de répondre à leurs questions. »
Qui peut devenir accompagnateur chez Job & Cie ?
« Ce sont des gens prêts à consacrer beaucoup de temps à Job,
à suivre une formation commune et à partager une unité de mé-
thode. Au cours des formations, auxquelles nous consacrions en
général deux week-ends par an, nous avons travaillé sur l’écoute,
les techniques de recherche d’emploi, le bilan professionnel,
le réseau, le CV, l’entretien de recrutement… Je tenais beaucoup
à ces formations : elles ont contribué à resserrer les Face à
liens entre nous mais aussi à nous faire acquérir les des personnes
attitudes indispensables à l’accompagnement1. Cela très destructurées
est particulièrement vrai pour l’écoute : lorsque nous [ ] la tentation
nous trouvons face à des personnes très déstructu- [ ] de savoir à
rées, en doute d’elles-mêmes, la tentation est grande leur place
de savoir à leur place, de les mettre sous dépen-
dance. Concernant le bilan professionnel, au début,
nous suivions à la lettre une méthode venue d’ailleurs, puis au fil
du temps, nous avons élaboré une démarche qui nous correspon-
dait mieux. Nous l’avons baptisée « À vos marques ».
Je résumais parfois notre vision de la recherche d’emploi par
la formule : le demandeur d’emploi n’est pas un problème, il est
une solution. Il apporte une réponse aux besoins de l’employeur :
il faut donc savoir cibler les postes, identifier les besoins, montrer
au cours des entretiens que l’on est capable d’y répondre. Tel
est l’objectif du bilan que nous proposons à nos demandeurs
d’emploi. »
Y a-t-il une méthode Job & Cie ?
« Chaque demandeur d’emploi est accompagné par un binôme
d’accompagnateurs comme le recommandait SNC (Solidarités
nouvelles face au chômage, association fondée par Jean-Baptiste
1–Témoin de la professionnalisation des accompagnateurs, François d’Estais
a consacré un ouvrage sur le sujet : « Le Couple face au chômage ». Le Cerf, 1998.
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Idées – Initiatives
de Foucauld en 1985, précurseur dans l’accompagnement des
chercheurs d’emploi par des bénévoles). C’est André Gardies,
membre de Job et de SNC, qui nous avait familiarisés avec cette
notion de binôme que nous avons adoptée. C’est ras-
Les accompagnés surant pour les accompagnateurs… et cela permet
ne sont pas forcé- en cas de défection de l’un d’assurer le rendez-vous
ment des anciens avec la personne accompagnée. Les accompagna-
de Sainte-Geneviève teurs étant pour la plupart en activité, les rendez-
vous ont lieu en soirée au bureau ou au domicile de
l’un ou l’autre. Ce travail en binôme n’est pas toujours facile mais
il permet de recadrer l’un ou l’autre qui dériverait.
Par ailleurs, entre accompagnateurs, nous nous retrouvons une
fois par mois un samedi matin autour de café et de croissants à
Ginette, pour faire le point. Ce sont les “ brunches ”.
C’est l’occasion de discuter du cas de chacune des personnes que
nous accompagnons, une sorte de supervision, sans superviseur,
le groupe entier remplissant cette fonction. Au cours de ces réu-
nions, les débats étaient riches et intenses. Ils le sont encore, je
suis sûr, la diversité des accompagnateurs enrichit ces discussions
en profondeur. Il faut accueillir la pensée de l’autre. Par exemple,
certains trouvaient que je faisais trop appel à la psychologie.
« On n’est pas des Psy » disaient- ils ! Ils avaient raison… Mais je
n’avais pas tort ! »
Qui est accompagné par Job & Cie ?
« Les accompagnés ne sont pas forcément des anciens de
Sainte Geneviève, c’est la grande différence par rapport à ce que
font beaucoup d’associations de grandes écoles. Nous ne voulions
pas être une mafia au service de la mafia ! Le recrutement se fait
de bouche à oreille.
En tant que responsable, je tenais à recevoir en premier
entretien chacune des personnes qui voulaient se faire accom-
pagner par Job & Cie. Lors de ce rendez-vous, je m’assurais que
la personne ne venait pas en « consommateur », qui approche de
nombreuses associations et zappe de l’une à l’autre, au détriment
de son engagement dans une démarche. Je prévenais qu’une
recherche d’emploi implique sinon une remise en cause, au
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Job & Cie
Idées – Initiatives
moins une réflexion personnelle, sur soi-même, sur son licen-
ciement, son comportement vis-à-vis des collègues supérieurs
ou subordonnés. Je m’assurais aussi que la personne était prête
à respecter certains engagements : rechercher effectivement un
emploi, mobiliser « ses » accompagnateurs autant que de besoin,
les tenir au courant des évolutions de sa recherche. Quelquefois,
il fallait deux entretiens pour valider l’ensemble de ces points.
Ensemble, nous rédigions alors une note d’une ou deux pages,
comme un « contrat », qui résumait les attentes de l’accompa-
gné ; nous le communiquions aux futurs accompagnateurs. Ces
derniers étaient choisis selon leur disponibilité et ce que j’entre-
voyais des personnalités. En général, le binôme était composé
d’un accompagnateur ancien de Job & Cie et d’un nouveau. Cela
faisait aussi partie de la formation.
Peu à peu, la pratique a évolué mais la base a subsisté sous la
houlette des nouveaux responsables Sophie Vanpoulle, Michel
Laurens et aujourd’hui Jacques Defaucheux. »
Avez-vous noué des partenariats avec d’autres groupes
tels que Job & Cie ?
« Oui, nous avons rencontré et échangé avec beaucoup d’autres
associations qui accompagnent les demandeurs d’emploi (SNC,
OSER, SCY, FRANKLIN Emploi). C’est toujours intéressant de
voir comment elles fonctionnent, mais il faut aussi savoir ce que
l’on attend d’un partenariat (car ces contacts prennent beaucoup
de temps sans toujours apporter grand-chose) et veiller à ce que
cela ne conduise à une dérive.
Ainsi, signe que Job & Cie était devenu un enjeu convoité, nous
avons dû faire face à une tentative d’infiltration par « FORUM »
(philosophie Landmark). Ce fut l’occasion de voir
comment la formation proposée à des personnes Je m’assurais
fragiles peut être manipulatoire. que la personne
C’est autour de la formation qu’il me paraissait ne venait pas en
nécessaire de nouer des liens, des échanges. Ainsi, « consommateur »
nous avons trouvé auprès de la Fraternité Saint
Gervais, « Travail et chômage », un appui méthode constructif
notamment pour la formation à l’accompagnement d’un bilan.
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Idées – Initiatives
« Travail et chômage » nous a aussi permis d’établir des liens
avec des spécialistes compétents, Daniel Porot2, par exemple.
À l’inverse, des membres d’autres associations ont désiré être
accueillis dans certains de nos week-ends, ce que nous avons
bien sûr accepté. »
Quels messages voulez-vous donner aux lecteurs
de Servir ?
« Je voudrais insister sur l’admiration que je porte aux
accompagnateurs. Ce sont des personnes en activité qui donnent
beaucoup. Leur action est étonnante et combien respectable.
Aux lecteurs de Servir, je n’aurai qu’un message : si vous vous
sentez prêts à vous engager, rejoignez Job & Cie. Et vous y vivrez
en prime des moments festifs et d’amitié. En tant que président,
j’ai toujours veillé à organiser ces moments pour les accompagna-
teurs et leurs conjoints. C’est important que les bénévoles soient
« payés » d’une façon ou d’une autre. Il vaut mieux que ce soit
par l’amitié, la convivialité et la gaité, plutôt que par la recherche
de « considération », par le sentiment de supériorité que pourrait
avoir celui qui aide par rapport à celui qui est aidé. Il faut orga-
niser la façon d’être « payé », sinon cela peut prendre des voies
douteuses. La chaleur, le respect, l’amitié, voilà en prime ce que
nous voulons apporter à ceux qui rejoignent Job & Cie. »
Interview réalisé par
Isabelle Mounier-Kuhn
et Fanny Barbier
(SG 76/78)
2–Daniel Porot est considéré comme le pionnier de la gestion de carrière et de la
recherche d’emploi en Europe. Il est l’auteur d’une méthode efficace qui porte son
nom et qui est devenue la référence en la matière.
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PROJET “ PASSERELLE ”
Idées – Initiatives
Projet
“ Passerelle ”
Parmi les anciens de Ginette, beaucoup sont en fin
de carrière professionnelle et vont quitter « le monde du
travail », d’autres viennent de le quitter et s’interrogent sur
la façon de gérer leur temps, d’autres enfin ont rejoint le
monde associatif pour donner un peu/beaucoup de leur
temps aux autres.
Le projet « Passerelle » a pour but de faciliter la communication
entre ces Anciens et de créer un groupe de réflexion sur cette
nouvelle étape de la vie.
Les objectifs généraux sont donc les suivants :
• Aider les actifs qui réfléchissent à l’organisation de leur retraite,
ce qui ne concerne pas que les plus âgés,
• Aider les jeunes retraités à trouver les occupations qui répondent
à leur attente,
• Créer des liens entre les anciens de Ginette présents dans le
monde associatif afin qu’ils puissent échanger leurs expériences,
• Créer un groupe de réflexion sur la « retraite » :
– Chrétien & retraité,
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Idées – Initiatives
– Réflexion politique sur le passage à la retraite,
– La santé du retraité,
– Autres.
Le projet « Passerelle » a pour ambition de créer des liens avec
les plus grand nombre d’Anciens en France et à l’étranger. Il uti-
lisera donc des moyens de communication adaptée, par exemple
en utilisant des réseaux sociaux ou en créant des blogs, basés par
exemple sur l’expérience récente avec Wordpress.
La mise en œuvre du projet comprend une première étape
de constitution d’un petit groupe qui :
• Reprendra les objectifs pour les modifier, les compléter,
• Précisera les moyens à mettre en œuvre,
• Établira un planning d’actions.
Nous en sommes à la première étape. Contactez-nous
donc à l’adresse suivante :
[email protected] Philippe Gout
(SG 69-71)
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