127 VERS UN PLAN DE CARRIERE
128 IV. Grèves et Mutineries – Mouvements sociaux Dès 1911 les travaux sur la ligne 4 soulevèrent des mouvements de contestation. En effet la construction de la voie demandait une main-d’oeuvre abondante mais pas nécessairement qualifiée. Comment organiser un recrutement ? Ce fut d’abord sur place. Mais la loi de l’Offre et de la Demande fit élargir le champ des investigations jusqu’à l’étranger, l’Espagne en particulier. Certains chantiers employaient plus de 200 ouvriers. La vie en promiscuité n’était pas sans poser de sérieux problèmes d’adaptation et les heurts fréquents entre les ouvriers locaux et les Espagnols rendaient le climat pesant; (nous pourrons en juger dans les documents qui vont suivre). De plus, dans le contexte de l’époque, les revendications salariales entretenaient la suspicion entre Français et étrangers Travaux de ballastage : tout se fait manuellement (ou presque) avec les encouragements des curieux…( ses) ! Grève des ouvriers terrassiers à Châteauneuf (101) (101) : Extrait du rapport de gendarmerie de Châteauneuf daté du 22 février 1910 ; gendarme Bousquet.
129 Manifestation, voire mutinerie, à Eymoutiers : les travailleurs étrangers
130 Fourches, pelles et pioches, les seuls outils des terrassiers. Quel était donc le salaire d’un ouvrier de la voie en 1910 ? Suite à une grève du 21 février les ouvriers obtiennent une augmentation de 0,10 fr de l’heure. Leur salaire horaire ne passera à 0, 36 fr qu’en mars 1911 après une « levée de boucliers » qui fit presque la une de la Dépêche. Les revendications des ouvriers terrassiers sur Châteauneuf soutenus par le Conseiller Général, le Dr Amédée Tarrade aboutirent. Sachant trouver les mots forts et convaincants, encourageant à la lutte contre la puissance des capitalistes et à la formation de syndicats il galvanisa une salle entière qui l’applaudit vigoureusement (102) . (102) : A.D.H.V. 10 M 143 La Dépêche du 29 mars 1911.
131 Grève mémorable La Dépêche
132 Désormais, les humeurs ou les manifestations sociales, ne concerneront que les Personnels de la Compagnie. La situation la plus difficile à vivre va se rencontrer au moment de la déclaration de la Première Guerre mondiale. La mobilisation générale affecte durement le personnel des tramways, elle entraîne une chute de près de 50% des effectifs et la disparition du jour de repos hebdomadaire. Le syndicat des agents de la CDHV dans une lettre au Préfet du 4 novembre 1914 demande le rétablissement de la journée de repos. L’extrait du rapport du Subdivisionnaire des Ponts et Chaussées (103) qui suit est révélateur de l’état d’esprit de la CDHV à l’époque : …après lecture d’un épais dossier il semblerait que « la Compagnie se soit engagée à rétablir le repos hebdomadaire dans un avenir prochain. » (103) : A.D.H.V. 5S 301.
133 V. Histoires de… Nous ne saurions mettre un point final à ce chapitre sur les relations humaines, sans évoquer quelques souvenirs parfois cocasses mais oh combien sympathiques dont notre bon vieux tramway fut la vedette ! Les Indiens à La Veytizou : Redoutés par les cyclistes qui devaient les franchir, les rails faisaient parfois le bonheur des enfants. Un ancien élève de l’école du village raconte : « A la sortie de l’école, un de nos jeux préférés consistait à jouer aux Indiens. On s’entend ! Pas de poursuites ni de flèches ! On se couchait sur la voie, l’oreille bien collée au rail. Celui qui entendait le premier le bruit caractéristique du roulement du tram gagnait une bille. Et on l’entendait de loin. Par contre, celui qui l’entendait le plus longtemps avait droit à une avalanche de coups de gong. » De la gare de Linards à la gare des Charentes… Ecoutons une riveraine du Pont de la Prairie, à l’excellente mémoire, rapporter une histoire de sa belle-mère. « Fréquemment stationnaient à la gare des wagons à bestiaux. Un soir d’été, afin de chasser les mauvaises odeurs, les portes étaient restées ouvertes. Des poules en quête de nourriture, passant par là, profitèrent de l’aubaine et sautèrent dans le wagon. Un petit malin, voyant le spectacle, à l’affût d’une coquinerie, s’empressa de fermer les portes. Le lendemain matin, le wagon partait en direction de Limoges. Arrivé à la gare des Charentes, quelle ne fut pas la surprise des employés en ouvrant les portes de voir s’échapper les gallinacés pas très heureux du voyage. On devine aisément ce qui leur arriva ! » La chèvre, la vieille et le tram : (Toujours de notre élève de La Veytizou :) « Rentrant à la maison un soir d’école, une brave vieille du voisinage m’interpelle en gesticulant : - Ah pauvre piti, vene d’ave uno de quelas pos ! - Figuro-te que apre marende, coumo faisio un boun solei, ai vougu surti mo chabro lou loung de lo linho de tram, sabei en lai ente l’herbo pousso bien : qu’ei sete. Me sei sichiado sur no traverso, lou peds dins lou piti rio a couto. Coumo me sentio bien ! Lo chabro s’en lechevo las babinhas, e me besicavo per passa lou temps. Tout d’un cop, un grand bru me transigue, creguie que lou touner me toumbavo sur lo teto. Lou temps de me reprene, viguie lou tram que me ribavo dessur. Ah lous fadars ! A proc co diran que ne riben pas a l’houro (104) ! » (104) : Pour une traduction aisée se reporter à la publication N° 10 de 2002 d’André Déléger.
134 Chapitre cinq La suppression du réseau ferré (105) . En 1948 le département prit la décision de supprimer le réseau ferré de la C.D.H.V. Il fut décider : - 1 er octobre 1948 : création de la R.D.T.H.V. - 1 er janvier 1949 : suppression du réseau ferré - 27 janvier 1949 : aliénation des gares - 28 février 1949 : arrêt du service voyageurs - 15 juin 1949 : arrêt du service marchandises - 18 juin 1950 : parution au J.O. du décret de déclassement. Sitôt les circulations arrêtées, la dépose des voies commença (il fallait enlever les rails gênants) et se termina au cours de l’année 1952. Ainsi s’achevait le règne du premier réseau monophasé de France. Que devint le matériel de l’exploitation ? Les rails La dépose des voies commença par l’enlèvement des rails, le personnel de la Cie dut s’en charger. Ce fut une entreprise parisienne, Sté O. LAZAR qui les acheta et le chargement sur wagons fut confié à l’entreprise Roux de Bourg dont le représentant local était M. Cacaly entrepreneur à Châteauneuf. Le marché fut conclut au poids et la marchandise acheminée en gare d’Eymoutiers pour être expédiée par S.N.C.F. Le matériel roulant Le trafic ferroviaire cessant, l’administration mit son matériel roulant aux enchères qui malheureusement n’eurent aucun succès. Les automotrices et les remorques déjà très fatiguées achevèrent leur parcours chez un récupérateur de vieux matériaux, à la « cassse » en quelque sorte. Cependant on peut encore découvrir dans la banlieue de Limoges une remorque au repos pour toujours et accusant le poids des ans. On n’ose deviner quelle est sa fonction maintenant ! La remorque au repos. (105) : voir pages 48 et 50 1ère Partie Que sont devenus les rails ?
135 Les matériaux divers Des poteaux en ciment (106) furent conservés. Ainsi participent-ils encore de nos jours à la distribution électrique dans nos campagnes… D’autres inutilisés, furent sciés et évacués. Les lignes téléphoniques : la Régie départementale enleva les fils pour les récupérer et les poteaux en bois furent sciés et réutilisés « s’ils sont mauvais : à chauffer les goudronneuses, s’ils sont bons : à faire des balises implantées dans le grand rayon des courbes. Ces tronçons avec un peu de peinture blanche permettront de baliser les tournants dangereux à peu de frais (107)… » Economie oblige ! Des économies encore : toujours dans la banlieue de Limoges on peut (ci-contre) faire une rencontre des plus insolites. Non ce n’est pas la fusée Ariane prête pour la mise à feu, mais tout simplement un tronçon de la conduite forcée de la centrale de Bussy, destiné à recueillir les eaux pluviales. Astucieux ! Les gares (106) – (107) : notes des Ponts et Chaussées, non répertoriées.
136 Finalement très peu restèrent propriété du département (exemple, Neuvic-Entier), la plupart d’entre elles firent le bonheur des communes et de certains particuliers. Ce fut le cas pour Châteauneuf qui, déjà en 1949, se montrait acquéreur. Séance du 15 août 1949 (Extrait) … puis confirma 4 ans plus tard (toujours la même lenteur administrative ! ) en précisant les conditions du financement. Séance du 14 mars 1953 Le 12 février 1954 le Préfet entérinait enfin l’acte de vente.
137 La commune de Châteauneuf conservait ainsi sa gare. Des transformations s’imposant, elle supprima la partie marchandises et le bâtiment voyageurs pour ne conserver que le local à deux étages. En un premier temps il servit de bureau à E.D.F. puis de salle de répétition pour l’Ecole de Musique. Une extension (à gauche) vit le jour pour permettre à la société musicale d’accueillir ses élèves. Après transformation l’ancienne gare de Châteauneuf. Et les autres que sont-elles devenues ? GARES DEVENIR Saint Lazare Rasée Crézin Conservée, sert d’abri à la R.D.T.H.V. Feytiat Modifiée, sert d’entrepôt à France-Télécom Aureil La commune en prend soin Eyjeaux Son actuel propriétaire y éleva ses 5 enfants Saint Paul d’Eyjeaux Particulier, métamorphosée Leycuras Particulier, apparition d’un deuxième étage Saint Bonnet Particulier, coquette maison d’habitation Linards A la commune, la plus restaurée de la ligne 4 La Bessade Particulier, en bon état de conservation Neuvic-Entier Propriété du département Eymoutiers Saint-Amand-le-Petit Beaulieu Peyrat-le-Château Propriété S.N.C.F. habitée La commune y stocke son matériel Rasée A été vouée à la démolition
138 Elles connaissent une nouvelle vie La gare d’Eyjeaux. La gare d’Aureil. La gare de Saint Bonnet.
139 Des moments de labeur avant de disparaître La gare de Saint Paul d’Eyjeaux au service des voyageurs. … puis au service des automobilistes.
140 Pêle – Mêle ? RETROUVEZ LA CHRONOLOGIE ! A2 W T R
141 A1 Y M Retrouvez la lettre du document qui peut correspondre à la date affichée et devinez le thème qui s’y rattache ! (Réponses page suivante) 1911 1912 1929 1935 1943 1947 1950 … … … … … … …
142 Réponses à Pêle-Mêle :
143 CONCLUSION La dernière pancarte se devine au tournant de la voie, à grand bruit le tramway entre en gare, ami lecteur c’est le terminus. Notre escapade arrive à son terme. « - Avez-vous fait bon voyage en notre Compagnie ? » Nous désirions vous faire découvrir au travers d’un large paysage de documents et photos ce que fut tout simplement la vie autour du Tramway d’ici ! Tout y fut passion. Nous avons tenté de vous rendre témoins des exigences qui grandissent, des colères qui grondent, des victoires qui se clament. Tout est maintenant souvenir…C’était il y a presque cent ans…La rouge automotrice accomplissait vaillamment sa tâche…nous avions vécu ses débuts laborieux, ses moments de gloire, ses grandes inquiétudes et nous savions qu’elle devait à jamais se fondre dans les brumes ouatées de nos collines limousines. Avons-nous complètement oublié ? Et si après cette lecture, à votre tour, vous portiez un regard intéressé sur des lieux familiers liés autrefois à une histoire de rails et si les petites gares d’antan vous saluaient au passage nous serions alors des « narrateurs occasionnels » satisfaits.
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145 SOMMAIRE Pages Remerciements 3 Avant-Propos 5 Chapitre premier : « Etapes dans le temps de Limoges à Peyrat-le-Château. » 7 Chapitre deux : « Vie et Histoire du chemin de fer départemental à Châteauneuf et à Neuvic. » 53 *CHATEAUNEUF : - Autour des enquêtes d’utilité publique 53 - La gare 67 - Les arrêts facultatifs 77 - La Papeterie de Châteauneuf et la C.D.H.V. 84 *NEUVIC-ENTIER : 92 - Halte ou station ? 93 - On parle transformations 97 - Pour quel devenir ? 99 - La Veytizou 100 Chapitre trois : « Relations C.D.H.V.- Partenaires » 103 Chapitre quatre : « Relations humaines » 108 - Plaintes et nuisances 108 - Accidents et incidents 119 - Personnels et salaires 124 - Grèves et mutineries 128 - Histoires de… 133 Chapitre cinq : La suppression du réseau 134 Conclusion 143 Sommaire 145