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Magazine collaboratif d'Atypeek (Musique - Mode - Design - Tattoo - Cinéma - Geek - Sub Culture - Sexy - BD...) www.atypeek.fr

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Published by christopheferay, 2017-09-14 18:09:47

Atypeek Mag N°3

Magazine collaboratif d'Atypeek (Musique - Mode - Design - Tattoo - Cinéma - Geek - Sub Culture - Sexy - BD...) www.atypeek.fr

Keywords: Musique - Mode - Design - Tattoo - Cinéma - Geek - Sub Culture - Sexy - BD

KIBLIND

AAARG ! #03
www.atypeek.fr
SURL Triannuel
2017
SIÈCLE DIGITAL
NOUVEAU
SILENCE AND SOUND L’actualité culturelle :
le condensé triannuel
CITIZEN JAZZ des meilleurs médias
compilés
CHROMATIQUE Une sélection des meilleurs
reportages et interviews
STAR WAX Découvrez nos chroniques
d’albums, clips, livres,
LA SPIRALE DVD, accessoires
design et mode…
INDIE ROCK MAG La scène indépendante
en images
UNION
PRIX LIBRE
THE ARTCHEMISTS

THE DAILY BOARD

SCORE A/V

EXIT MUSIK

W-FENEC


MUSIQUE

Oxbow

Wolf Eyes

Schlaasss


CINÉMA

ROBERTO MINERVINI

COULEURS DU BIS


MODE

VENDREDIS

TATTOISME ATYPEEK MAG
— TRIANNUEL

DESIGN COLLABORATIF
D’INFORMATIONS
ANNE HOREL
MAD RHIZOME GÉNÉRALES


STREET CULTURE

LAISSEZ

LES MURS PROPRES


SEXY

COMME UNE COUILLE

DANS LE POTAGE


BD

CHA

JANE FONDA / BARBARELLA ©David Hurn / Magnum JANE FONDA
©DR - Peaches
Barbarella est un film
franco-italien de science-fiction
réalisé par Roger Vadim et sorti en 1968.
Il est adapté de la bande dessinée
Barbarella de Jean-Claude Forest.
Jane Fonda y incarne Barbarella,
guerrière des temps modernes

Libre et indépendante.
Barbarella révolutionnera l’imagerie

de la super-héroïne.
Entre culte et kitsch, les décors psychédéliques

et les costumes futuristes de Paco Rabanne
ont marqué l’histoire du cinéma.
Retrouvez là dans notre dossier
« Cinéma Bis »…

Atypeek Magazine est victime

de son succès, vous en êtes les res-
ponsables, et nous vous en remer-
cions. Et plutôt que de vous faire de
fausses promesses, nous avons opté
de rendre la périodicité du magazine
impériodique, ce qui permettra à
l’équipe et l’ensemble des bénévoles,

ÉDITORIA

ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 3

Rejoignez-nous sur notre
www.facebook.com/Atypeek/

partenaires, et bêtes de tout poil de www.facebook.com/Atypeek/) afin OURS
fournir et de proposer le meilleur de suivre notre actualité et de béné-
d’eux-mêmes. Nous passons donc ficier de surprenantes exclusivités et Rédaction :
à un magazine triannuel, libre de avant-première. Et comme vous le Atypeek - 21 Rue Prof Weill
lâcher l’info quand bon lui semble : savez déjà, dans ce monde de brutes, 69006 Lyon
pertinente et stratégique. Aussi nous plus on la grosse (la communauté),
vous invitons à vous abonner et nous mieux on s’la porte. Encore merci ! Rédacteur :
suivre sur notre Facebook (https:// Christophe Féray
Christophe Féray ([email protected])
L #03
Atypeek Mag Graphisme :
Atypeek Design

Distribution :
Digital Publishing Platform
for Magazines
N° ISBN : 9782955693636

Commission Paritaire :
ISSN 2497-8035

Contributeurs :
Léa Vince - Juan Marcos Aubert
Jonathan Allirand - Roland Torres
Maxime Lachaud - Hazam - Fisto
(Olivier Cheravola) - Oli - CF
Alexandre Lézy - Antoine Gary
Pierrick Starsky - Jérôme Tranchant
Valentin Blanchot - Arnaud Verchère
Laurent Coureau - Locust - Alain R.
John Hirsute - Salvade Castera -
Lühje - Cha - Flore Cherry…

Zoom :
Oxbow - Wolf Eyes - Devil Jo and
The Backdoormen - MR. Propre -
Fête Des Lumières 2016 - Nick Zegel -
Vendredis- Jean-Luc Navette -
Alain Garlan - Peter L. Hammond -
Anne Horel - Toine. - Olivier Nerot -
Toutes les couleurs du Bis -
Fraction waw un-limited - Cha
Roberto Minervini - Delphine Cencig -
Virginie Despentes…

Publicité :
[email protected]

Atypeek Mag est une publication d’Atypeek™.

4 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

www.atypeek.fr

OXBOWWOLF EYESDEVIL JO AND CHRONIQUES INSTANTANÉS VIDÉOCLIPS
THE ALBUMS
THIN BLACK DUKEAU SONIC PROTESTBACKDOORMEN& SINGLESDES COPAINS/CHRONIQUE
InterviewInterview COPINES Léa Vince, Journaliste
Robin Ono,Maxime Lachaud,DU BLUES AU ROCKCHRONIQUES
JournalisteJournalisteInterview GALERIE 90-93
Jonathan Allirand, 42-83
ATYPEE10-17 20-33 Journaliste 86-87

36-39

JEAN-LUC ANNE HOREL DANS LA CUISINE COMMENT OLIVIER NEROT COMME UNE
NAVETTE DE CHA FONCTIONNE COUILLE
LA GALERIE (RÉELLEMENT) « LE FUTUR EST DANS LE POTAGE
TATTOOÏSME N°1 AAARG ! L’ALGORITHME MAINTENANT ! »
ARTICLE 172-189 Pierrick Starsky DE FACEBOOK La Spirale CHRONIQUE
Chris Coppola, Laurent Courau, Union
Journaliste 208-219 ARTICLE Journaliste Flore Cherry,
Journaliste
148-155 Siècle Digital 238-246
Arnaud Verchère, 250-251
Journaliste

Little Big ©DR SOMMAIRE230-233

ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 5

TRIANNUEL 2017

MR PROPRE FÊTE DES SNEAKERS NICK ZEGEL L’ÉTÉ PLAISIRS VENDREDIS LAISSEZ LES
LUMIÈRES 2016 COLLECTION MURS PROPRES
ARTICLE INTERVIEW ARTICLE ARTICLE
QUATRE ARTISTES REPORTAGE DIRECTEUR Le Village Quincaillerie ARTICLE
Kiblind MagazineÀ SUIVRE ARTISTIQUE des Créateurs Moderne Quincaillerie
Article de Manifest Star Wax, DE GIRL Moderne
EK98-101 XXI, Anne-Claire Gatel SKATEBOARDS 138-139 140-142
Salvade Castera 143-145
Journaliste MAG118-124 Reportage de
The Daily Board
102-117
126-135

TOUTES LA FACE CACHÉE VERNON SUBUTEX LE LIVRE DU MOIS LITTÉRATURE CULTURE LA SCÈNE
LES COULEURS DES “WHITE FANZINE INDÉPENDANTE
DU BIS TRASH” CHRONIQUE ALAIN GARLAN : LYDIA LUNCH : EN IMAGES
VIRGINIE DESPENTES Rois de la forêt Déséquilibres LOBOTOMY
ARTICLE CINÉMA ROBERTO MINERVINI Un adieu à la hauteur synthétiques et autres CONTINGENT Galerie Photos
ET DVD Interview par Chroniques 308-309 vomissures verbales PRODUCTIONS Hazam, Journaliste /
Jérôme Tranchant, Maxime Lachaud, “Des livres et nous” Chronique FRACTION WAW Photographe
Journaliste Journaliste The Artchemists UN-LIMITED
306-307 318-325
268-291 294-305 Padme Purple, John Hirsut,
Journaliste Journaliste

#03 310-311 312-315

Magazine triannuel collaboratif réalisé à l’initiative d’Atypeek Music





8 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

Musiques
en sous-Sol

TRIANNUEL 2017

© DR

Jonathan Allirand - Journaliste

LE CAHIER
DES CURIOSITÉS

Thin Black Duke DEvil JO AnD
OXBOW : ThE BAckDOORMEn

Interview DU BLUES AU ROCK :
Robin Ono, Journaliste Interview

WOlf EyEs Jonathan Allirand, Journaliste
Au sonic Protest
chROniQUEs
Interview
Maxime lachaud, Journaliste AlBUMs & singlEs

insTAnTAnés

DEs cOPAins/cOPinEs

viDéOcliPs
Chronique
léa vince, Journaliste

ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 9

10 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

INTERVIEW OXBOW

DOTHUXIKNBEOBLWACK

À l’approche de son tren-
tenaire, le nom d’OXBOW

maintient toujours à poings fermés sa position
en tant que groupe aussi influent qu’inqualifiable.
Des catégorisations vagues sous le label du “rock
expérimental” ou “rock d’avant-garde” jusqu’aux
comparaisons réductrices et grossières à d’autres
formations, la classification d’un groupe au profil
aussi singulier frustre les chroniqueurs les plus
méticuleux et trahit l’inattention des journalistes
négligents. Hormis leur amusement apparent
et narquois vis-à-vis des comparaisons à
Faith No More sur leur page Facebook, le groupe
a su garder son sang-froid. Le quatuor de
San Francisco nous livre à présent Thin Black Duke,
leur premier album depuis The Narcotic Story
(2007) et le fruit d’une intransigeance hors pair
à l’égard de leurs ambitions d’artistes.
Nous avons profité de l’occasion pour caler un
entretien avec le groupe.

ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 11

10 ANS DE©DR / OXBOW Le titre de l’album fait allusion au personnage du Thin “LE QUATUOR DE
GESTATION ©DR / OXBOWWhite Duke de David Bowie. Qui est donc ce Thin Black SAN FRANCISCO
Duke et d’où vient ce personnage? NOUS LIVRE À
Thin Black Duke est votre premier album en dix ans. PRÉSENT THIN BLACK
Est-ce que le temps a été un facteur lors de l’écriture? Eugene : Je pense qu’on est vite tentés de le DUKE, LEUR PREMIER
réduire à un outil de narration. D’où vient le mal ? ALBUM DEPUIS THE
Niko : À chaque fois que je revois notre ingénieur Qui en sont les auteurs ? Suivant ta vision des choses NARCOTIC STORY
de mastering John Golden je lui dis : “Il faudrait qu’on et ta cosmologie, tu peux aussi bien dire que c’est ton (2007) ET LE FRUIT
sorte des albums plus souvent pour qu’on puisse traîner voisin bruyant ou le mec qui bloque ta voiture chaque D’UNE INTRANSIGE-
ensemble plus régulièrement !” (rire). matin. La réponse n’est certainement pas aussi simple ANCE HORS PAIR
que de dire que c’est un homme qui s’appelle “Frank” À L’ÉGARD DE
Eugene : Hormis le temps qui nous reste à vivre qui habite sur Madison avenue. Le “Duke” est capable LEURS AMBITIONS
sur cette terre, le temps n’est pas vraiment un facteur à de prendre des allures aguicheuses, et je pense que D’ARTISTES.”
considérer si tu veux faire de l’art L’œuvre que tu crées je peux clairement relier toutes les mauvaises choses
te survivra probablement. On a surtout veillé à sortir un dans ma vie à une figure appelée le “Duke”. INTERVIEW
bon album. Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête si DE ROBIN ONO
Oxbow sort un nouveau disque “en retard”. Une amie à moi est une ancienne prostituée
et un de ces copains avait beaucoup de mal à accepter À SAVOIR
Greg : Le temps ne nous préoccupe pas. avec son passé. Il lui demandait tout le temps avec
Lorsqu’on commence à créer un album on ne sait pas qui elle avait couché et elle a fini par répondre “John. Oxbow sentait la rue, le cloaque
si ça nous prendra six mois ou douze ans. On prend le Ils s’appelaient tous John. Ça te va comme ça ?”. et plantait ses crocs dans la jugulaire
temps qu’il faut. De la même manière, le Thin Black Duke incarne plus urbaine, désormais, il opte pour un
qu’il n’existe dans un contexte narratif. intérieur cosy avec fauteuil en velours
et beau parquet. Qu’importe, là aussi,
il reste cet animal aux aguets prêt
à vous sauter à la gueule. Derrière
l’apparent apaisement, les lames
de fond électriques et sombres

perdurent, la dangerosité aussi.
www.indierockmag.com

12 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

©DR / OXBOW

JE ME SOUVIENS AVOIR VU CE PERSONNAGE À SAVOIR
COMME UN FANTASME
Eugene Robinson est un
personnage difficile à
appréhender. fan de free-figthing,
il est également passionné
par la littérature américaine
contemporaire. Tout ce mélange
d’influences donne à son

écriture une sensibilité et
une intensité troublante.
www.xsilence.net

Pourquoi avoir choisi ce nom pour cette figure des procédés qui relient les sections entre elles. Le pre-
allégorique ? mier morceau qu’on a composé était ‘Ecce Homo’ et, par
chance, le morceau débutait avec ces quatre notes et le
Eugene : Le Thin White Duke de Bowie date de la reste est venu au fur et à mesure.
période de Station to Station, une période de doute et C’était purement fortuit. Ça littéralement lancé l’album.
de souffrance pour le chanteur, qui s’enfermait dans ses
chambres d’Hôtel à Los Angeles. Je me souviens avoir Et cette approche s’est-elle présentée comme un
vu ce personnage comme un fantasme duquel il a fini défi pour la suite ?
par se libérer. J’aimais bien le terme parce que j’ai fini
par me rendre compte qu’il ne s’agissait pas seulement Niko : Si tu regardes la manière dont les variations
de fantasmes mais également de personnes réelles. Il de Goldberg sont faites, tu retrouves des mélodies “sim-
est clair que sans Bowie j’aurais donné un autre titre à ples”. L’idée d’exploiter une idée
l’album. simple pour en tirer des œuvres entières m’a beaucoup
intéressé.
La musique tourne autour d’un Leitmotiv, 4 inter- De ce point de vue, ça s’est fait naturellement. D’un au-
valles récurant tout au long de l’album. D’où vous tre côté je voulais aussi m’imposer un peu de challenge
est venue cette idée ? pour faire quelque chose de cool.
On compose tout ce qu’on a envie d’entendre, on réalise
Niko : Ces quatre intervalles étaient la première les disques qu’on veut écouter.
ébauche d’idée que j’ai écrite pour l’album. C’est une
idée assez courante de créer des œuvres longues avec

12 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

© Gilles Rammant / OXBOW

© Hana Ofangel / OXBOW « ON COMPOSE TOUS CE QU’ON A ENVIE
D’ENTENDRE, ON RÉALISE LES DISQUES
QU’ON VEUT ÉCOUTER. POUR LES DEUX © Paul Trapani / OXBOW
PREMIERS ALBUMS, JE VOULAIS ME SERVIR
DE FORMES PALINDROMIQUES ET CRÉER
DE LA MUSIQUE TOURNANT AUTOUR DE
CE “NOYAU CONCEPTUEL” »

ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 13

Pour les deux premiers albums, je voulais me servir au début. On n’avait pas l’intention d’écrire dans l’ordre
de formes palindromiques et créer de la musique mais vers la moitié du processus d’écriture je me suis
tournant autour de ce “noyau conceptuel”. Le processus dit que ce serait intéressant d’y ajouter ce défi supplé-
d’écriture était difficile et exigeant mais naturel et très mentaire (rire). C’était peut-être la partie la plus pénible
intéressant. mais ça a fini par fonctionner. La difficulté principale
était de créer une bonne progression.
Greg : J’ai trouvé cet album assez difficile à ar-
ranger. Certains des morceaux sont parmi les plus “sim- J’ai entendu dire que l’album marque la fin
ples” qu’on ait jamais écrits, ce qui ne les a pas rendus d’un “cycle” pour le groupe.
plus faciles à composer pour autant, bien au contraire.
Les idées sont davantage mises-à-nu par la simplicité Eugene : Si tu regardes l’œuvre d’Oxbow comme
des compositions. un bouquin, t’aurais une suite logique de Fuckfest
Sur nos anciens disques il y avait un peu plus de aboutissant sur Thin Black Duke, sur le plan thématique
cacophonie derrière lequel on pouvait se réfugier, ce qui et narratif. L’histoire se termine sur Thin Black Duke
nous permettait de faire un peu ce qu’on voulait. Avec avec ‘The Finish Line’. La musique qui viendra après, du
cet album on a dû redoubler nos efforts collectivement moins au niveau des textes, sera différente. Les préoc-
pour que tout tienne en place. cupations sont différentes et l’élan émotionnel qui est
né sur Fuckfest n’est plus.
Les titres ont été composés pratiquement dans
l’ordre où elles figurent sur l’album. Une coïncidence En tant que parolier, je me penche beaucoup sur
ou une partie intégrante du processus d’écriture ? le pourquoi du comment. En ce moment, ce que mon
oreille veut entendre est un autre style de musique,
Niko : Ce n’était pas prévu. On n’avait encore parce que mon esprit veut écrire des textes dans un
jamais fait ça. Le seul morceau qui n’est pas placé selon autre registre. Je pense que beaucoup de musique
son ordre d’écriture est ‘Cold and Well-Lit Place’. Notre repose sur des vives émotions, les “drames” de la
producteur Joe Chiccarelli a suggéré l’idée de le placer vie, à savoir ces jours où les évènements sortent de

14 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

© Stefan Raduta / OXBOW « JE PENSE QUE
BEAUCOUP DE
l’ordinaire. En ce moment je ne me sens plus vraiment la radio l’autre jour et je suis resté bloqué sur le solo de MUSIQUE RE-
à couteaux tirés avec le monde qui m’entoure, et je guitare en me demandant “ça veut dire quoi, concrète- POSE SUR DES
veux que ça se reflète dans la musique auquel je me ment ?”. C’est comme si t’avais une scène dans un film VIVES ÉMO-
dévoue. ou une pièce où l’acteur jouait “à fond” pour montrer TIONS, LES
la virtuosité de son jeu. Je suis content qu’il n’y ait “DRAMES” DE
On a sorti quelques disques qui sortent de notre aucune section dans notre musique qui échappe à ma LA VIE, À SAVOIR
contexte conceptuel comme Love That’s Last ou encore compréhension. CES JOURS OÙ
Songs for the French, mais ça représente tout au plus LES ÉVÈNE-
10 % de notre œuvre face à une carrière dominée à 90 % Dan : Cette importance au sens pour chaque titre MENTS SORTENT
par la progression allant de Fuckfest à Thin White Duke. est quelque chose d’important pour nous. On sait qu’on DE L’ORDINAIRE.
Ce serait intéressant et cool d’inverser le ratio. n’écrit pas juste “une chanson”, ça rejoint presque tou- EN CE MOMENT
jours un propos plus global. Je ne sais pas si on va tous JE NE ME SENS
Niko : Ces deux sorties sont tirées d’un vaste ré- vouloir laisser tomber ce cadre de travail. PLUS VRAIMENT
pertoire de titres qu’on a jamais sorti. On compte sortir À COUTEAUX
une partie de ce répertoire éventuellement, notamment Y a-t-il des chansons ou des disques en particulier TIRÉS AVEC LE
les sessions d’improvisation en studio pour Songs for vis-à-vis duquel votre point de vue a évolué ? MONDE QUI
the French. M’ENTOURE, ET
Eugene : Non, en fait. C’est d’ailleurs ce que je JE VEUX QUE
Dan : C’est assez sain de se rappeler que la trouve si intéressant avec notre répertoire. Je trouve as- ÇA SE REFLÈTE
plupart des musiques n’intègrent pas une œuvre sez triste de voir des artistes se retrouver enfermé dans DANS LA MU-
thématique plus globale. On peut très bien écrire des un style d’expression artistique lié à leur jeunesse. SIQUE AUQUEL
albums avec des titres sans rapport entre eux. Beaucoup JE ME DÉVOUE. »
d’artistes le font mais on n’y est plus vraiment habitués. Ma période Hardcore a été très formative
mais si je m’étais retrouvé dans un groupe comme EUGENE S. ROBINSON
Eugene : Je pense que je suis fautif dans cette Black Flag je ne sais pas si j’arriverais à chanter
histoire. Je suis un sémioticien et je m’intéresse au sens ‘Rise Above’ à 54 ans (rire). Je suis content de ne pas
des choses. J’ai entendu ‘War Pigs’ de Black Sabbath à avoir à faire ça.

ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 15



On a des titres qu’on joue plus souvent que d’autres Vous avez également sorti un livre : Oxbow : « JE PENSE QUE
mais c’est surtout une question de préférence et Thin Black Book. JE SUIS FAUTIF DANS
d’humeur lorsqu’on met au point notre setlist chaque En quoi est-il rattaché à Thin Black Duke ? CETTE HISTOIRE. JE SUIS
soir. Il n’y a rien qui ne me semble anachronique dans UN SÉMIOTICIEN ET JE
nos chansons. C’est pour cette raison que j’écoute Eugene : Compte tenu du fait que notre dernier M’INTÉRESSE AU SENS
rarement les enregistrements pour Whipping Boy mais album date d’il y a 10 ans, on n’avait aucune envie DES CHOSES. J’AI
que j’écoute toujours autant Oxbow. Si mon lecteur de de refaire un briefing à chaque interview de ce qui s’est ENTENDU ‘WAR PIGS’
musique passe sur Let Me Be A Woman j’écoute encore passé entre-temps. Pour les intéressés, on a décidé DE BLACK SABBATH À LA
l’album entier. de sortir ce bouquin qui retrace notre histoire et ce RADIO L’AUTRE JOUR ET JE
qu’on a fait durant ces 10 dernières années. Plutôt que SUIS RESTÉ BLOQUÉ SUR
Niko : J’aime aussi écouter nos anciens disques et d’opter pour une voix unique comme sur nos albums LE SOLO DE GUITARE EN
je le trouve assez instructif. J’écoute et je relève ce qui et nos interviews, on a cherché à récolter une multitude ME DEMANDANT
a marché et ce qui n’a pas marché pour mieux faire par de points de vue avec les gens du label, nos fans, nos “ÇA VEUT DIRE QUOI,
la suite. C’est important pour moi de sortir le meilleur proches… Ça nous a mis un peu plus à l’abri du mauvais CONCRÈTEMENT ?”. C’EST
de ce qu’on a offrir et de faire les meilleurs enregistre- journalisme (rires). COMME SI T’AVAIS UNE
ments, ce qui passe par un retour analytique sur nos SCÈNE DANS UN FILM OU
vieux disques. À l’abri des comparaisons UNE PIÈCE OÙ L’ACTEUR
à Faith No More qui semblent vous coller à la peau JOUAIT “À FOND” POUR
Dan : Je les trouve assez stimulants aussi ! Les en MONTRER LA VIRTUOSITÉ
albums sont assez riches en contenu et tu redécouvres ce moment… DE SON JEU. JE SUIS
des éléments à chaque fois que tu reviens dessus. CONTENT QU’IL N’Y AIT
Quand t’as le nez dedans, c’est assez dur de se rendre Eugene : (rires) Je ne comprends pas trop com- AUCUNE SECTION
compte des éléments qui font du disque un bon album. ment les gens font le lien, musicalement parlant. Pour DANS NOTRE MUSIQUE
Avec un recul de quelques années les albums sont moi c’est un parfait exemple de mauvais journalisme. Je QUI ÉCHAPPE À MA
toujours aussi surprenants et tu te rends mieux compte pense que les gens qui écrivent ces trucs se sont con- COMPRÉHENSION. »
de ce que tu faisais. tentés de répéter ce que quelqu’un d’autre a écrit.
EUGENE S. ROBINSON
Greg : Je ne me suis jamais vraiment attardé J’ai un ami qui s’est amusé avec la page Wikipe-
là-dessus à vrai dire. J’aime bien réécouter les albums dia sur la démonologie et qui a inventé ‘Flipibus’, un RETROUVEZ OXBOW
mais j’ai toujours relevé ce qui m’a plu et déplu dans démon dont l’unique but est de le tourmenter. L’autre sur Internet et suivez
mon jeu au moment de l’enregistrement. jour j’ai recherché son nom et j’ai trouvé huit références
au démon ‘Flipibus’! Je pense que les comparaisons les sur Facebook :
Je m’intéresse davantage à ce qu’on va faire à à Faith No More se sont propagées de la même manière, http://urlz.fr/5Dl9
l’avenir qu’à ce qu’on a déjà sorti. je ne pense pas que ça vient de gens qui ont vraiment
écouté l’album. SITE OXBOW :
http://www.theoxbow.com/

Plus d’informations sur OXBOW : https://oxbowofficial.bandcamp.com/





20 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

INTERVIEW WOLF EYES

« PARFOIS AUSSI CHAOTIQUES QUE LEURS
COMPOSITIONS, LES INTERVIEWS AVEC
WOLF EYES SONT SOUVENT DRÔLES ET
MÉMORABLES. UNE RENCONTRE PARFUMÉE
AUX DOUCES EFFLUVES DE WEED… »
©DR / WOLF EYES
©DR / WOLF EYES

ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 21

WOLF EYES

AU SONIC PROTEST
JOURNALISTE : MAXIME LACHAUD PHOTOGRAPHIES : MAGOUKA / DOUG COOMBE INFOS WEB : WWW.WOLFEYES.NET

RENDEZ-VOUS INCONTOURNABLE DES AMATEURS DE MUSIQUES EXPÉRIMENTALES,
IMPROVISÉES ET BRUITISTES, L’ÉDITION 2017 DU FESTIVAL SONIC PROTEST
A ENCORE UNE FOIS OFFERT SON LOT D’ARTISTES RARES ET CULTES

Parmi ceux-ci se trouvait le trio américain Wolf Eyes qui s’est produit le d’archives enregistrées et alors que le très atmosphérique et angoissé
25 mars dernier à la Marbrerie. Originaire de Detroit, dans le Michigan, Undertow venait de voir le jour, Wolf Eyes ne s’est pas trop soucié d’en
dont l’environnement dévasté a fortement imprégné leur musique, le jouer les morceaux ou d’en faire la promo. Mais leur attitude DIY et leur
projet a été d’abord initié par Nate Young dans les années 1996/1997 électronique primitive en ont séduit plus d’un. Ils ont pu par le passé
et se recentre aujourd’hui autour de sa collaboration avec John Olson, jouer avec des pointures comme Sonic Youth ou The Stooges et ont même
arrivé en 2000, et Jim Baljo depuis 2013. Mais c’est sans compter sur les signé des albums sur le label Sub Pop. Détendus et bons vivants, les trois
centaines de projets parallèles que ces doux farceurs surproductifs ont amis aiment blaguer en permanence, délirer et inventer sans cesse de
lancés. Associés à la scène noise et postindustrielle, leur univers est plus nouvelles rumeurs quant au groupe. Reste ensuite à essayer de démêler
complexe que cela, piochant aussi dans le free-jazz, le psychédélisme, la le vrai du faux, la plaisanterie du récit intime. Parfois aussi chaotiques
poésie et le dark ambiant. Eux-mêmes ont trouvé le terme de « Trip Métal » que leurs compositions, les interviews avec Wolf Eyes sont souvent drôles
pour expliquer leur son. Il est facile de se perdre dans leurs centaines et mémorables. Une rencontre parfumée aux douces effluves de weed...

C’EST L’AVANT-DERNIER JOUR DU SONIC PROTEST. ©Doug Coombe / WOLF EYES
QU’EST-CE QUE CELA VOUS FAIT DE JOUER DANS CE
FESTIVAL ET CE LIEU LA MARBRERIE ?

John Olson : Cela fait au moins vingt ans qu’on connaît l’équipe et J.-F.
On a fait plusieurs Sonic Protest. Les racines, les gens bienveillants,
les retours bien forts, pas de flics, des filles moitié robotiques habillées
comme des Amazones dans les marécages, c’est fantastique, du Club Maté,
de la bonne herbe, des sourires, des gars habillés tout en noir qui viennent
t’interviewer. Sonic Protest c’est cool !

INTERVIEW WOLF EYES

22 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 23

À SAVOIR

Le groupe a publié plus de
150 enregistrements au cours
de sa carrière. Les deux
tournées majeures du groupe
ont été faites avec Sonic Youth
et Andrew W.K..

PLUS D’INFOS

www.wolfeyes.net

©Magouka / WOLF EYES ©DR C’est ce que nous avons joué lors de la dernière « J’AI BESOIN
tournée. Cet album signe vraiment la fin. Je me rends DE MORDRE
WOLF EYES, D’HUMEUR compte à quel point on est mauvais pour parler de nos TRÈS FORT.
POLYPHONIQUE disques et les vendre (rires). Mais si tu étais là l’année J’AI BESOIN
dernière, tu l’aurais entendu. D’UNE ANCHE
Vous venez de publier Undertow, votre nouvel ÉPAISSE.
album, qui est bien différent des débuts qui étaient JO : C’est un son en évolution. Tu entendras des simili- J’AI BESOIN DE
carrément plus bruyants. Ici c’est plus mélodique, tudes du fait des instruments que nous utilisons. Il RESSENTIR LE
les morceaux ressembleraient presque y a des cuivres. Tu percevras la tonalité mais pas les SON DANS MES
à des chansons… structures de morceaux. COUILLES »
Pas trop non plus.
NY : Nous utilisons généralement une grille de départ JOHN OLSON
C’est très atmosphérique en tout cas. assez informelle, mais ce qui est déclenché à partir de
Nate Young : Oui, il y a une ambiance. On appelle ça de cette grille n’est jamais similaire. Est-ce que cela fait
l’humeur polyphonique. sens ?

C’est ce que vous allez jouer ce soir ? Les cuivres sont très présents sur ce disque joués
JO : L’album est le produit fini de tout ce sur quoi nous parfois de manière assez free-jazz. Non ?
travaillions avant. Cela fait presque un an que nous JO : Vu que c’est moi qui joue les cuivres, j’ai besoin de
jouons cet album. Donc là on est un peu partis sur autre mordre très fort. J’ai besoin d’une anche épaisse.
chose. Nous ne sommes pas épuisés mais nous essay- J’ai besoin de ressentir le son dans mes couilles.
ons quelque chose de nouveau. Si le guitariste joue grave, je dois être encore plus grave.
NY : La dernière fois que nous avons joué aux Instants
Chavirés, nous avons fait Undertow presque en entier. Les concerts sont basés principalement sur
l’improvisation ?

NY : Comme je disais, il y a cette grille et ce qui en res-
sort n’est jamais pareil. Dans ce sens-là, tu pourrais dire
que c’est improvisé mais pas vraiment non plus.

24 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

©Magouka / WOLF EYES Je ne le recommande pas, mais j’avais fait une liste de gens que je
connaissais au Michigan qui pourraient être intéressés pour rejoindre ce club
QUAND J’AI RENCONTRÉ OLSON dont je faisais partie (rires). Je sais que ça sonne un peu louche. Et apparem-
LA PREMIÈRE FOIS, C’ÉTAIT ÉVIDENT : ment il n’y en avait pas beaucoup. Mais ce n’est pas faux, il n’y a pas beau-
BORDEL DE MERDE ! JE NE CONNAISSAIS coup de gens bizarres au Michigan. Quand j’ai rencontré Olson la première
PERSONNE D’AUTRE QUI FAISAIT ÇA fois, c’était évident : Bordel de merde ! Je ne connaissais personne d’autre qui
faisait ça. Monter sur scène et n’en avoir rien à foutre… sur le plan social.
JO : L’« Improvisation » est un mot trop chargé. Tout le monde à son avis sur
le sujet. J’ai mon avis là-dessus. Si tu t’habilles avec ta compagne ou ton JO : Le Michigan est très conservateur.
compagnon pour sortir : - Qu’allons nous faire ce soir ? - On va voir un concert
improvisé. Euh ça ne fait pas très envie !… C’est mieux - Hey mec, habille-toi, NY : Le truc avec les conservateurs c’est qu’ils ne bougent pas à plus de 30
on va voir un concert spontané ! ou 40 miles de là où ils sont nés.
NY : Toute la scène improvisée n’est pas très bonne. Nous ne nous prenons
pas au sérieux alors que beaucoup d’improvisateurs eux se prennent très au Jim Baljo : Du coup, nous sommes très conservateurs.
sérieux. Je ne peux même pas le dire car ces connards me font peur.
NY : Malgré tout, c’est bien présent.
Comment saviez-vous que vos personnalités allaient coller quand vous
vous êtes rencontrés ? JO : Mais je suis libéral, laisse-moi apporter ce journal chez mon père !
NY : Jim me devait beaucoup d’argent et une voiture, une jeep. Et vu qu’il ne
répondait pas au téléphone, cela a pris du temps pour tout récupérer. J’en NY : On ne fait pas ça quand même !
ai récupéré à peu près 70 % ou peut-être 40 % en retour. Jim est un dingue
d’équipement. Quand il a commencé le groupe, ce qu’il essayait de faire JB : Mais rester près de chez soi, c’est cool !
c’était capturer cette ambiance mécanique. C’était le bon temps !
NY : Nos personnalités viennent de nos familles, de nos racines, et il n’y a
pas assez d’excentriques dans le Michigan avec lesquels tu peux sentir des
affinités. Je ne sais pas si c’est meilleur ou pire, mais nous voilà là encore
aujourd’hui, je n’ai pas l’impression que ça nous mènera quelque part car je
ne vois pas l’un d’entre nous quitter cette relation que nous avons dans les
temps proches.

JO : Quand Keith Richards est mort, ils ont changé Heathrow en Keithrow,
notre but est de changer Detroit Airport en Detroit Metro Airport (rires).

©Doug Coombe / WOLF EYES ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 25

Keithrow et Detroit Metro, tu vois les similitudes ?
NY : Cela rime.
JO : Et non nous ne jouerons pas des morceaux d’Undertow !
NY : Mais on pourrait.
JO : Cela sonnerait comme un code de téléchargement avec un chiffre en
moins.
NY : Pendant des années, nous avons joué des chansons et personne n’en a
jamais reconnu une seule ! (rires) Mais maintenant nous écrivons moins de
chansons qu’avant. Nous prenons beaucoup de liberté. Nous poussons cette
absurdité.
JO : C’est cette ligne fine où cela peut échouer et ce sera toujours comme ça.
NY : Les gens pensent que l’échec est un signe de faiblesse. Capituler est un
signe de force.

En parlant d’humour et de second degré, on le sent bien quand vous
parlez mais votre musique est plutôt à l’antithèse du comique ? Vous y
trouvez de l’humour ?
JO : Peut-être que tu n’as pas téléchargé le bon album.
NY : C’est plus dans la façon dont nous interagissons avec notre musique.
JO : Écoute ce gars qui chante sur une boucle de lui-même ! Il y a de l’humour
et il y a de la déviance. Nous sommes plus du côté déviant.

Vous parliez de Detroit et du Michigan, vous diriez qu’il y a une com-
munauté de musiciens, de types bizarres ?
NY : Oui ce sont tous des connards antisociaux. C’est génial.
JB : Certains sont blasés d’autres sont fanés.
JO : C’est comme si on les avait mis au micro-ondes pendant deux secondes
à leur naissance dans le Michigan puis on les a sortis. On en est à ce niveau
d’effroi. Juste assez.
NY : Jim habite dans la ville elle-même. Il y a beaucoup à dire sur ce que c’est
de vivre au milieu de ces ruines et ce que ça fait à votre psyché.
JB : Je vis dans une ville qui est à l’intérieur de la ville, et c’est super, je peux
marcher jusqu’à l’épicerie. Partout ailleurs, il faut conduire. Detroit est si
vaste. La communauté n’est pas si unie, il y a des endroits par-ci par-là qui
le sont. Ce n’est pas si ouvert, c’est ségrégué. Je ne crois aucune municipalité
quant à l’eau, aux financements du gouvernement et tout ça. Cela a été as-
sez dur de naviguer par moi-même et d’essayer de rester sain. Et en sécurité.
Il y a des petites portions de gens qui maintiennent la culture à Detroit avant
que celle-ci ne soit totalement anéantie.

INTERVIEW WOLF EYES

©Magouka / WOLF EYES ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 27

©Magouka / WOLF EYES on trouve des gens plus variés qui s’amusent. “LA PLUPART
DES GENS POUR
RESSENTIR ÇA NY : Avec ces petites scènes que nous côtoyons, car LESQUELS NOUS
AUJOURD’HUI C’EST FOU la scène expérimentale n’est pas énorme, c’est une JOUONS SONT
pratique qui est très bien considérée mais ce n’est pas NOS COLLÈGUES.
JO : Il y a peu d’observateurs. Tu dois avoir trente mu- une musique que les gens écoutent beaucoup. Et cela ne ILS ONT DES
siciens et un seul fan. le sera jamais. Les gens soutiennent plus la démarche. PRATIQUES SIMI-
Et c’est con. Fais chier. (s’adressant à John Olson) Ta fille LAIRES. MÊME
JB : C’est très vrai. Les fans sont très rares. pourrait danser le rock là-dessus. Quel âge elle a ? Cinq CE SOIR, JE
ans ? RESSENS CETTE
JO : Il n’y en a presque pas un seul. MÊME CHOSE.
Vous faites une différence entre Wolf Eyes et tous MÊME HIER
NY : La plupart des gens pour lesquels nous jouons sont vos autres projets car il y en a beaucoup ? SOIR, J’AVAIS
nos collègues. Ils ont des pratiques similaires. Même L’IMPRESSION DE
ce soir, je ressens cette même chose. Même hier soir, JO : Non, l’esprit reste le même. JOUER DEVANT
j’avais l’impression de jouer devant 400 collègues qui 400 COLLÈGUES
comprenaient totalement la pratique et on est sur le NY : Tu connais le zeuhl, Magma ? QUI COMPRE-
même bateau. Ressentir ça aujourd’hui c’est fou, quand NAIENT TOTALE-
on sait la déviance de là où on vient. C’est dur d’être Bien sûr. MENT LA PRA-
déviant aujourd’hui. TIQUE ET ON EST
Si c’est sous l’étiquette zeuhl ça aura une parenté, et là SUR LE MÊME
JO : Tu dois t’en remettre à emmerder tes collègues. Mais c’est la même chose. BATEAU.”
c’est une atmosphère difficile, parce qu’un collègue sera
toujours critique de ce que tu fais. Bien plus qu’un fan. JB : Plus proche de nous, tu prends George Clinton-Parlia- NATE YOUNG
ment-Funkadelic, ils étaient signés sur toutes les majors
NY : En même temps ce n’est pas ce que l’on cherche en en même temps pendant deux ans. Ils ont un peu
élargissant notre pratique ? En essayant d’atteindre un changé le nom, sans plus, mais c’est toujours les mêmes
autre niveau sur le plan critique, métaphorique, méta- personnes. Car c’est un son local. C’est la culture.
physique, etc. Cela implique ce qui se passe à Detroit.
C’est une lutte. Mais je pense que dans d’autres lieux NY : Cela revient à la question de la scène ou du collec-
c’est pareil. tif… (il embraye sur un sujet qui semble le tracasser)
J’ai ce problème de marmotte qui est si psychédélique.
J’étais au Texas l’année dernière et j’ai ressenti la J’ai un jardin et j’adore jardiner. Avant que nous ache-
même chose dans la scène musicale. Dans les con- tions cette maison à cette vieille dame retraitée, la
certs, le public est presque entièrement constitué grand-mère par alliance de ma copine. Elle disait qu’il
d’autres musiciens, alors que dans les fêtes privées, y avait un chien qui vivait sous la plateforme. Tout le
monde pensait qu’elle commençait à devenir sénile avec
des signes de démence. Alors nous y avons aménagé,
et il y avait une putain de marmotte là-dessous. Je me
suis dit que j’allais l’attraper. J’ai mis un piège et une
demi-heure plus tard l’animal était pris. Il était énorme.
Jim est venu avec son minivan. Je ne voulais pas mettre
l’animal dans ma voiture car il allait chier et pisser par-
tout. On l’a libéré dans une sorte de terrain vague à De-
troit avec une petite mare. Et devine quoi ? Un mois plus
tard. Une autre putain de marmotte. Est-ce que c’était la
même ? Je ne sais pas. Elle était plus maigrichonne.

JO : Peut-être qu’elle a retrouvé son ipod, et que les
chansons étaient les mêmes que l’autre, juste deux
chansons qui diffèrent.

NY : Donc cette marmotte continue à vivre là aujourd’hui.
Il y a deux options. Cela peut être une seule marmotte
ou une famille complète de ces connards. Il va falloir
que je détruise ma plateforme pour savoir. J’ai beaucoup

de problèmes avec eux. J’ai un chien qui n’arrête pas de Ce qui est amusant avec Wolf Eyes, c’est que vu que
venir. Je pisse partout dans ma cour, sur les légumes, ça personne n’a les mêmes disques, tout le monde a
aide vraiment… Il ou elle n’aime pas mon odeur. Petit une image différente du groupe. Certains disent que
enculé. c’est de l’industriel old school, d’autres que c’est
de la noise/power electronics, d’autres que c’est de
JB : C’est peut-être un coyote. l’ambient psyché…
NY : Un carcajou ?
JB : Mais les carcajous ne sont-ils pas européens ? JO : Du psycho jazz !
NY : Je ne suis pas européen.
NY : Nous sommes conscients que chacun a son idée de
Je sens que vous aimez raconter des histoires. On a comment on sonne. Je me souviens d’avoir été bombar-
aussi de Detroit une image un peu flippante. Vous dé avec ça à un moment. C’est comme un monstre que
avez ce genre d’histoires folles sur ce que vous vivez je ne peux pas contrôler. Et c’est là depuis le début. Les
à Detroit ? gens nous ont pris pour un groupe noise car il y avait
toutes ces cassettes super broyées. Mais nous sonnions
NY : Une rapide sur Jim. Il a disparu dans les bois. Les plus comme de la musique électronique primitive avec
flics l’avaient chopé. Personne n’était au courant. On des boîtes à rythmes, des tables de mixage et des cas-
pensait qu’il était mort, cela a duré des jours. On a ap- settes scotchées. On pourrait appeler cela de l’industriel
pelé les hôpitaux, les prisons mais personne ne savait à l’ancienne mais nous n’avons jamais aimé l’industriel.
où il était. On a cru qu’il avait été tué. Le service funé-
raire était planifié. Pas cher. Dans l’après-midi. Putain, JO : Toujours.
où étaient donc Jim et Kevin ? Puis, après plus d’une
semaine, il se pointe. Il avait été enfermé, avec du pain Vous n’aimez pas Throbbing Gristle ?
blanc et du sirop.
NY : Nous n’aimons pas ce terme et ce genre qui en est
JB : Il n’y avait même pas d’eau. Si tu voulais boire de issu. Je connaissais et j’apprécie beaucoup TG mais pas
l’eau, elle était marron. vraiment le reste. Comment peut-on aimer la Révolution
Industrielle ?
28 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

© Stefan Raduta / OXBOW Avez-vous vu des concerts quand vous étiez plus « LES CHAUDS
jeunes qui vous ont fait réaliser, hey j’ai aussi envie JOURS D’ÉTÉ,
Mais TG, je me sens un lien avec leur sens de de monter sur scène. NOUS
l’improvisation et leur esthétique. POSIONS DES
JO : Oui. La première chose qui me vient c’est d’avoir vu GALETS AVEC
JB : Et ils savent jouer ! Braxton jouer en solo avant même de l’avoir rencontré. SCOTT ASHETON.
Ce qu’il a joué était très enraciné et pas très abstrait. IL ME PAR-
NY : Quand tu écoutes les démos, c’est super. C’était très profond, ça montrait qu’on pouvait faire LAIT D’AVOIR
de la musique d’avant-garde expérimentale mais avoir FRÉQUENTÉ
JO : Les cassettes en concert c’est ce que je préfère. toujours cette émotion, c’était très chicagoesque et DAVID BOWIE
poignant. Ce fut très inspirant. DANS
NY : Ils ont été une grande influence, nous n’avons pas SON CHÂTEAU.
été aveugles à ce qu’ils faisaient. NY : Ce n’était pas au tout début. IL ÉTAIT CLAIR
QUE LE RÊVE
JO : Mais ce qui est arrivé après nous a arrêté net. JO : C’était la première fois qu’on a joué en Suède, il y a ROCK’N’ROLL
bien vingt ans, ça devait faire cinq ans qu’on faisait de ÉTAIT UNE
NY : C’est comme avec le Grateful Dead. Nous les aimons la musique. ILLUSION. »
et nous les haïssons. Du moins je parle pour un tiers de
ce groupe. NY : Désolé les gars, je vais devoir raconter cette histoire NATE YOUNG
encore une fois. Je devais avoir douze ou treize ans.
JB : Je ne les aime pas. Mon premier jour de middle school. Je portais une veste
Ramones que mon frère avait dessinée à la main et pei-
NY : J’aime leur système socio-économique, c’est nte. Dans cette petite ville rurale de Chelsea, Michigan,
presque de l’argent propre. il y avait un gars Simon Wallace et il m’a dit : hey j’aime
ce groupe. Il avait un frère qui avait un an de moins que
JO : Si tu veux parler d’héritage, on peut évoquer Sun Ra, lui, dans le même genre, un jeune punk. Puis ils me
il a fait du bruit, du disco, du très beau jazz. Il y a le parlent des Stooges. Il me dit que Scott Asheton est son
côté space, mais il n’y a pas beaucoup de références. Ce beau-père. C’était cool, on est parti faire du skate. Et un
sont des musiciens avant tout. des premiers concerts où je suis allé c’était avec Scott
Asheton et les deux frères pour aller voir les Ramones.
NY : Même à l’époque où nous refusions d’être appelés Scott nous a amenés dans les loges où nous avons ren-
musiciens car nous étions trop jeunes et effrayés, nous contré Joey et toute la bande de Johnny Dick.
ne voulions pas apprendre, nous voulions être instinctifs
et bruts. La carte viscérale. JO : Et tu pensais qu’ils ne faisaient même pas de chansons.

JO : La V-card. NY : Ils jouaient si fort, il y avait ce mur du son terrible,
cela n’avait rien à voir avec les disques super produits
à la Phil Spector. J’étais désillusionné, et Scott m’avait
dit que les concerts c’était toujours différent. On ne
pouvait pas reconnaître les chansons mais on ressentait
la puissance et l’énergie. Et Joey qui me demandait si
j’étais au lycée, et je lui ai dit que je n’étais pas rentré
au lycée pour l’instant. Ce fut le début de la fin… C’était
clair qu’on pouvait vraiment faire ce qu’on voulait tant
que tu as le ressenti et l’énergie. J’étais à 100 % dans le
skate à l’époque, c’était une étrange période. J’ai grandi
avec Scott, en travaillant avec lui au sein de l’équipe
de construction de mon père. Les chauds jours d’été, à
poser des galets et en faisant des boulots de toiture et
lui qui me parlait d’avoir fréquenté David Bowie dans
son château. Il était clair que le rêve rock’n’roll était une
illusion.

JO : C’est une bonne leçon.

NY : Tu peux aller aussi loin et te retrouver à poser des
tuiles sur un toit… Puis tu fais un bond dans l’avenir
de 15/20/25 ans plus tard et à présent les Stooges sont
payés comme ils le méritent.

ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 29

30 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

©Magouka / WOLF EYES Et il y avait ce morceau très vaudou sur leur premier album,
« We will fall ».
90% DE CE QU’ON FAIT
C’EST DE NOUS DIVERTIR NOUS JO : Oui, celui avec John Cale. Mais tout ce qu’ils faisaient était vaudou. Faire
MÊMES ça sur une major et dire merde. Il y a des chutes d’une demi-heure qui sont
si radicales.
Ils reçoivent enfin le respect qui leur est dû.
JO : On disait que les frères Asheton avaient cette télékinésie vaudoue et NY : Nous avons été invités à jouer à All Tomorrow’s Parties pour ouvrir avant
c’était ça qui faisait le son des Stooges. Quand j’ai lu ça sur eux, je les ai les Stooges. C’était dingue pour moi. Je suis allé voir Scott avant le concert et
écoutés d’une manière complètement différente et c’est totalement ça. il était très au fait de ce qui se passe. La noise japonaise. Un mec de 60 ans
NY : C’est le Michigan ! qui connaît Merzbow ! Il était toujours au courant des trucs tarés qui se font.
JO : Il y a une essence chez eux. Tu peux lire une phrase sur un groupe et Il y avait une interview il y a quatre ou cinq ans où il parlait du premier show
complètement repenser ta vision du groupe après ça. des Stooges, où ils faisaient du tap dancing sur une plaque métallique et en
NY : C’est pourquoi il n’y avait pas d’autres options que de fréquenter ces frappant sur une boîte à reverb. Scott me disait qu’Iggy aimait les machines
gars. L’essence du Michigan est évidente et signifiante. qui faisaient du bruit, les aspirateurs, les tubes en PVC avec des micros. C’est
JO : Je ne peux pas entendre Nate jouer solo sans réagir. Tout ce qu’il joue j’ai un truc du Michigan, ce n’est pas comme s’il me l’avait appris. C’est ce qu’on
une réponse à donner. C’est dans mon ADN. T’aimes bien les Stooges ? appelle être déviant.

Oui, et j’ai vu le film de Jarmusch il n’y a pas si longtemps. Vous vous souvenez des premiers sons que vous avez faits quand vous
JO : Le livre qui est sorti est vraiment très bon. Total Chaos, c’est meilleur étiez très jeunes ?
que le film.
JB : Je joue la guitare. Mon père était guitariste. Je me souviens enfant de
m’agripper aux cordes et faire des sons, les regarder vibrer. C’est un de mes
premiers souvenirs.

JO : J’étais tellement amoureux de certaines chansons. J’avais mon lecteur de
disques juste à côté de mon lit pour que quand je me réveille je puisse ap-
puyer sur le bouton Power dès la première seconde.

©Magouka / WOLF EYES ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 31

NY : Jeune, je me souviens que je prenais des drogues, et je regardais la
lumière bleue sortir de la télé statique et je me souviens de maltraiter
ma guitare acoustique, en essayant de la détruire, la frottant. À l’époque,
je ne pensais pas encore à m’enregistrer, cela a pris deux ans avant que
je découvre cette technique et le multitrack, et quatre ans plus tard le
premier Wolf Eyes est paru.

Aujourd’hui en termes d’instrumentation électronique, vous travaillez
avec quoi ?
NY : Il n’y a pas de tabou. Ipad, canalisations d’égout, tout doit être exploré.
On prend tout. J’en ai fini du digital, encore plus aujourd’hui.
JO : Il n’y a rien de mieux que de prendre un instrument et d’essayer de le
jouer à ta façon. C’est le meilleur sentiment qu’il puisse y avoir. Comme allez
je vais prendre un saxophone baryton et voir comment cela fonctionne. Pour
moi c’est une des meilleures expériences et surtout trouver ta manière de le
faire. Puis apprendre à jouer vraiment, puis revenir à ce que tu faisais avant.
C’est ma démarche et j’aime ce sentiment.

De tous les disques que vous avez faits, y a-t-il un album pour lequel
vous avez une affection particulière ?
NY : Je ne peux parler que pour mon travail solo. Avec ce groupe je ne saurais
pas dire c’est trop vaste. Mais pour mes albums solos, j’aime beaucoup Stay
Asleep. La réponse simple en promo serait de dire Undertow, le dernier.
JO : Avant de partir en tournée, nous sommes allés chez un disquaire et avons
ramené un paquet de maxis de Janet Jackson sur du vinyl transparent. À
l’époque Nate coupait beaucoup les vinyles. Et vu que les grooves sont très
larges, il a fait une coupure Wolf Eyes sur un disque de Janet Jackson. Il en a
sorti un CD. C’était peint et très beau. Je crois que c’est mon préféré car ça
symbolise non seulement le début de la tournée mais cette déviance dans le
format a défini notre vernaculaire pour les années à suivre. Et ça sonnait vrai-
ment super bien. Jim était tellement jeune, il a commencé à boire sur cette
tournée. Nous faisions la balance et un gars est venu nous voir, « ce Jim a filé
avec tout votre merchandising ». Il ne nous restait qu’un T-shirt.
NY : Nous pensions qu’il s’agissait d’artefacts intéressants mais ils étaient
sans valeur.
JO : Nous tirions dix exemplaires. Nous en donnions deux à des amis, et nous
en gardions huit pendant longtemps. 90 % de ce qu’on fait c’est de nous
divertir nous-mêmes.
JB : Pour moi, un disque peut être un chef-d’œuvre au moment où je l’écoute
mais je finis par me rendre compte que ça ne l’est pas.

soRtIe moNDIAle le 15 sePtemBRe 2017 www.AtyPeeKmusIC.Com

DIGIPACK - DIGItAl

© DR / WOLF EYES « IL ME SEMBLE
ÉVIDENT QUE
NY : J’ai longtemps cherché le chef-d’œuvre, mais nous c’est cool. Penser au jour où je ne pourrais plus le faire DANS UNE VIE
avons laissé tomber cette idée. m’horrifie. PASSÉE, NOUS
AVONS FAIT DES
Comment vous expliquez que vous êtes toujours là NY : C’est vraiment faire de la musique. Nous devons CHOSES CAUS-
à faire de la musique ? travailler un peu, ce qui n’est pas si dur, il suffit de dé- TIQUES ENSEMBLE.
placer nos corps d’un point à un autre. Être fatigué et se QUE CE SOIT DU
JB : On s’amuse beaucoup. Regarde cette après-midi, rendre disponible. Ces interviews sont drôles mais elles THÉÂTRE SHAKE-
c’est le pied ! peuvent être démoralisantes aussi. SPEARIEN OU
DÉSAMORCER DES
JO : C’est bien moins fatigant que de travailler sur des JO : Cela soulève beaucoup d’émotions. Nate m’a dit une BOMBES SUR LES
chantiers ou d’être arrêtés par la police. des meilleures choses sur le fait de voyager : le sourire COLLINES DE NOR-
est universel. Avec un sourire, tout peut arriver. Et ce MANDIE »
NY : Ou crier sur ta femme pour qu’elle fasse la vaisselle. n’est pas la chose la plus simple à faire. À un moment
je dormais plus souvent avec John qu’il ne dormait avec JOHN OLSON
Et vous aimez beaucoup la vie en tournée ? sa femme.
RETROUVEZ WOLF EYES
JO : Parfois il faut amener ton corps à tel endroit à telle JO : Des dizaines de fois plus souvent qu’avec mes deux sur Internet et suivez
heure. Mais c’est le rituel, c’est tellement amusant. premières femmes.
J’aime comment les journées se déroulent, c’est dur au les sur Facebook :
début, puis ça devient amusant, il y a le gig. C’est le NY : Des fois il est nu et moi aussi. http://urlz.fr/5DlC
temps. C’est beau. SITE WOLF EYES :
JO : Nate pense que dans une vie antérieure, nous étions http://www.wolfeyes.net/
NY : C’est King Coffey qui détestait les tournées. Il y a dans l’infanterie ensemble. J’y pense souvent. On colle
ces 45 minutes où il joue qu’il aime, et pour lui le reste l’un à l’autre façon infanterie. Il me semble évident que
de la journée était terrible. Je ne suis pas d’accord avec dans une vie passée, nous avons fait des choses caus-
ça mais je le comprends. On joue 1h15, donc c’est un tiques ensemble. Que ce soit du théâtre shakespearien
peu plus. ou désamorcer des bombes sur les collines
de Normandie.
JO : Tu es physiquement avec les mêmes personnes pen-
dant longtemps donc il faut être prêt à ça, mais j’adore,

Plus d’informations sur WOLF EYES : www.wolfeyes.net

www.DRmARteNs.Com



INTERVIEW DEVIL JO AND THE BACKDOORMEN

BDAEVCKILDJTOOHOEARNMDEN

DU BLUES AU ROCK

PERLE DE BLUES, claque de rock,
punch de punk, le quintet Devil Jo and The Backdoormen

a cette finesse indescriptible qui le classe au top du bouillonnement déclenché
par le retour en force du blues-rock. Les deux guitaristes du crew, Laurent
de Carvalho et Vincent Aubrun, ont pu se libérer pour nous rencontrer.
Il est difficile de ne pas les imaginer dans un déchaînement de saturation mais,
à l’occasion de notre entretien, ils ont généreusement accepté de suspendre,
temporairement, le massacre d’amplis par électrification outrée et le meurtre
de micros par déflagration vocale.

36 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

LE ROCK MODIFIE dans l’ambiance acoustique, Il faudrait réadapter tous “LE ROCK, PAR
L’ÉCOUTE DU BLUES les arrangements du set car, par exemple, un batteur SON RÉFLEXE DE
ne peut jouer de la même façon sur les deux modes. SIMPLIFICATION,
Le blues est le père du rock. Certains diront même PAR SA MANIÈRE
que l’injection de rock dans le blues dénature ce Atypeek Mag : Donc pour l’instant, pas d’Unplugged DE PORTER HAUT
dernier. À l’inverse, pourriez-vous nous dire ce que de prévu ? ET FORT, A PEUT-
le rock apporte au blues ? ÊTRE PU METTRE
Vincent : Pas pour tout de suite. Non, jusqu’ici, quand EN ÉVIDENCE CE
Laurent : Je pense que le rock a permis aux gens qui on jouait acoustique, c’était ponctuel, pour s’adapter à QU’IL Y AVAIT
n’allaient pas naturellement vers le blues, de s’y inté- certaines salles. Mais ce pourrait être une orientation à DE PLUS FACILE-
resser. De s’en imprégner. Le rock, par son réflexe de développer. Il y a un potentiel d’ambiances au sein de MENT ÉCOUTA-
simplification, par sa manière de porter haut et fort, a certaines chansons que la dimension acoustique pourrait BLE DANS LE
peut-être pu mettre en évidence ce qu’il y avait de plus vraiment permettre d’approfondir. BLUES ET DONC,
facilement écoutable dans le blues et donc, a pu servir A PU SERVIR
de passerelle vers lui. Et puis les deux, dans leur intensi- Laurent : Oui, et puis, sur scène, comme on est plus à DE PASSERELLE
té, dans leur manière d’évoquer l’expérience personnelle l’aise en électrique, c’est ce mode qui nous permet de VERS LUI”
ou le soulèvement collectif, sont liés par une profonde nous donner à fond. C’est une dimension fondamentale
sincérité. Le rock modifie l’écoute du blues sans le pour nous. Ne pas jouer de jeu, juste partager ce qu’on INTERVIEW
défigurer, sans lui enlever son authenticité. Il conserve aime, donner une représentation qui soit sincère. DE JONATHAN ALLIRAND
la recherche de sincérité, l’accompagne en la propulsant Et pour qu’elle le soit, il faut des tripes et le moyen de
© DR / Devil Jo & the Backdoormen dans une dynamique plus appuyée, rapide, hargneuse. les montrer, pour nous, passe par l’électrique.

Vincent : Oui, je suis d’accord avec Laurent. Personnel- Un nouvel album en préparation : comment s’est
lement, je suis allé au blues en écoutant Led Zeppelin, passé l’enregistrement ?
Jimi Hendrix, autant de personnages complètement fan
de blues. Ils ont eu une manière très personnelle de Laurent : Deux semaines d’enregistrement très dures,
se l’approprier et de le partager. M’intéresser à leurs très exigeantes. On a dû réenregistrer quelques pistes.
morceaux, c’était entendre du blues. C’est par eux que Pas parce que la performance nous déplaisait, mais
j’en suis venu ensuite à écouter des références comme parce que nos instruments étaient faux par rapport à
Muddy Waters. Et puis, ces deux genres sont loin d’être certains réglages du studio. Ce sont des aléas qu’il faut
cloisonnés, les ponts se font tellement naturellement savoir affronter. Mais ça valait le coup car je pense que
que c’est parfois en écoutant du blues que l’on se de- le résultat est au rendez-vous. On est encore en train de
mande si l’on n’est pas en train d’écouter du rock ! nettoyer les pistes, mais de ce que j’ai pu entendre, je
pense que c’est ce qu’on a fait de plus abouti.
Devil Jo and The Backdoormen est d’ailleurs plus
enclin naturellement à jouer en électrique qu’en Vincent : Oui, ça représente presque deux ans de travail.
acoustique, non ? On était très impatient de rentrer en studio. Comme
quand tu prépares un foot avec tes potes et que tu
Laurent : En fait, on n’a rien contre le fait de jouer rentres sur le terrain ! D’autant plus qu’on n’est pas
acoustique, ce n’est juste pas notre premier réflexe. souvent en studios, deux ans pour deux semaines ! Elles
Les structures et textures des morceaux ont été réalisées ont été rudes.
pour un contexte électrique. Pour s’investir à fond
Comment se déroule le travail de composition de
manière générale, au sein du groupe, et comment
s’est-il passé dans le cadre du nouvel album ?

Plus d’informations sur DEVIL JO & THE BACKDOORMEN : http://devil-jo.com/ ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 37

© DR / Devil Jo & the Backdoormen

Vincent : On a deux manières de composer : soit on part Sans nous spoiler, vous pouvez nous décrire un peu
d’un riff que l’un de nous propose. Imaginons, Laurent ce qui nous attend sur cet album ?
propose une idée, je me cale dessus et on essaye
d’explorer les différentes potentialités. Soit on compose Laurent : Par rapport à ce que Devil Jo a fait auparavant,
dans le cadre de bœufs qu’on organise. La dernière fois, je pense qu’on peut s’attendre à quelque chose qui
Laurent et Jeremy, le batteur, ont fait un bœuf, et, sur monte d’un cran en puissance.
une seule session, un même morceau a pu permettre de
développer trois ou quatre idées pour d’autres chansons Atypeek Mag : Quelque chose qui s’oriente de manière
à venir. plus tranchée vers le rock ?

Laurent : Oui, c’est vrai que finalement, les bœufs se Laurent : Je pense qu’on peut dire ça, oui. Le blues reste
font souvent en petit comité : soit Vincent et moi, soit le moteur mais le ressenti est plus rock.
Jeremy, Vincent et Guillaume, le bassiste. Soit Jeremy et
Vincent. C’est rare que l’on soit tous ensemble. Mais de Vincent : Et plus sombre, aussi. De plus, sur cet album,
toute façon, tout ce qui est sorti de chaque session est on a voulu canaliser l’énergie et se placer dans le cadre
discuté, on travaille chaque proposition et on ne garde d’un format chanson. On garde une spontanéité, mais
que celles où tout le monde se retrouve. on se tient à un cadre là où le blues partirait dans des
développements plus longs.
Vincent : : La plupart des chansons qui sont sur l’album
sont nées de bœufs hors studio. Certaines idées Laurent : Sans être bien sûr dans une caricature stéréoty-
d’arrangement sont venues de travail au sein du studio, pée de chanson soumise au format radio, on a voulu se
mais dans le cadre très strict de l’enregistrement, la tenir à ce qui nous importe : pouvoir être partageable. Je
créativité s’est retrouvée un peu bridée. pense que certains de nos airs peuvent donner matière
à fredonner.
On avait préparé une quinzaine de chansons en vue de
l’enregistrement. Il a fallu opérer une sélection et on en Atypeek Mag : Catchy sans être facile ?
a choisi 10.
Vincent : Oui, c’est ça. C’est pour cette raison que là où
38 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 Devil Jo aurait eu tendance, avant, à placer des solos,
on a dans cet album, réduit ce genre de passages. On se
concentre sur le cœur de chanson. Le format général est
de 3 à 4 minutes de durée.

ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 39

Laurent : 3 à 4 minutes pour 10 chansons, on est sur Vincent : Merci ! En arrivant dans le groupe, je me suis “C’EST PAR-
un album de 40 minutes. Ce qui nous paraît intéres- mis en posture d’accompagnement. Certains morceaux FOIS EN ÉCOU-
sant pour capter une écoute maximale. Au-delà de cette de Laurent semblaient fonctionner à eux seuls. J’ai dû TANT DU BLUES
durée, l’attention risque de se perdre petit à petit et ça donc adapter mes propositions, d’où parfois un jeu QUE L’ON SE
peut desservir le travail. ambiant. Le dernier album est justement l’occasion DEMANDE
d’affirmer l’identité du nouveau line up. SI L’ON EST
Vincent : Et puis, il y a quelques surprises à venir sur PAS EN TRAIN
l’album. Des collaborations : la venue d’une contrebasse ! Dans le précédent, on était dans une phase transition- D’ÉCOUTER DU
Et une reprise personnelle d’un classique ! On n’en dira nelle. Après la séparation, la reformation, il fallait revenir ROCK !”
pas plus tout de suite ! vite et proposer quelque chose pour ne pas laisser
l’oubli prendre le pas. L’album à venir correspond à une VINCENT AUBRUN
Quel enthousiasme ! Devil Jo and The Backdoor- autre visée : établir le line up dans sa créativité propre
men est passé par une refonte du line up : à voir et dans une dynamique de groupe à l’origine d’un projet RETROUVEZ DEVIL JO
l’ambiance énorme de la formation actuelle, on commun. & THE BACKDOORMEN
dirait que les différents changements ont œuvré sur Internet et suivez
pour le mieux ? On sent beaucoup de respect : à la fois pour le pub-
lic, mais aussi précisément entre les membres du les sur Facebook :
Laurent : Oui, je pense que c’est bien de le voir comme groupe. Comment se prennent les décisions ? http://urlz.fr/5DrA
ça. On n’oublie pas que Devil Jo a un passé. Mais le
nouveau line up fonctionne bien. Il a permis de porter Vincent : On discute de tout, c’est un aspect fonda- SITE DEVIL JO
vraiment loin le projet Devil Jo. mental de la vie de groupe. On y attache beaucoup & THE BACKDOORMEN :
d’importance. Beaucoup de temps. Beaucoup d’énergie.
Atypeek Mag : Le batteur Jérémy a l’air d’être hyper vif, http://devil-jo.com/
spontané et délirant ? Atypeek Mag : il vaut mieux prendre le temps de régler
des conflits que d’essuyer des frustrations ?
Laurent : Oui, un gros potentiel. Il continue d’apprendre
et devrait gagner confiance en sa créativité. En répète, Laurent : Oui, on veut que tout le monde s’y retrouve. Si
on sent qu’il se contient pour faire tourner la mécanique on veut être sincère dans la représentation, il faut qu’au
du groupe de façon sûre. préalable tout le monde s’éclate sur les chansons. Bien
sûr, c’est arrivé que des propositions de morceaux ne
Vincent : Mais quand il va se lâcher et libérer sa créa- fassent pas l’unanimité. Mais, on bosse le morceau, on
tivité, je pense qu’il va faire des trucs inimaginables ! se donne les moyens d’en explorer le potentiel et par-
fois, en le retravaillant, on apprend à l’intégrer comme
Laurent : C’est clair, en concert il m’a bluffé plus d’une un morceau qui nous transporte.
fois. Pris dans l’ambiance, il lâche parfois les chiens. Il
m’est arrivé de me retourner vers lui après l’avoir en- Si, à l’inverse, on ne retrouve pas l’identité du groupe
tendu placer un enchaînement surprise tout en pensant : dans le résultat final, on passe à autre chose. C’est
« bordel, mais t’es énorme ! ». comme ça que s’est faite aussi la sélection des dix
morceaux de l’album. Sur la quinzaine de morceaux en
Atypeek Mag : Le bassiste Guillaume groove sévère, on lice, il y en eu certains pour lesquels on finissait par se
aurait envie de l’entendre encore plus. Peut-être même dire : « là, sur celui-ci, ça ne marche pas » ou « on perd
parfois, sur des solos ? un peu l’identité du groupe sur celui-là ».

Vincent : Il est super bon mais je pense qu’il a le réflexe Vincent : Il en est de même pour la synchronisation des
de rester discret pour plusieurs raisons. Tout comme emplois du temps dans l’optique d’assurer nos concerts.
Jérémy et moi, il n’oublie pas que Laurent et notre On comprend très bien que chacun a ses impératifs
chanteuse Sara sont ce qui reste du crew original, sa et ne peut être présent à tous ces rendez-vous. En
base fondamentale. De plus, si sur scène, chacun fait revanche, on demande juste que la personne trouve une
son délire alors qu’il y a déjà des showmen comme Sara solution.
et Laurent, le concert partirait en vrille. Enfin, Guillaume
est moins bassiste à proprement parler que musicien Par exemple, des gars comme Guillaume, pris dans de
polyvalent, touche à tout talentueux. Mais toutes les nombreux projets, s’assure d’avoir un remplaçant à
propositions sont ouvertes et si lui ou Jérémy veulent cette date. Grâce à l’aide du label Green Piste Records,
proposer qu’on parte de leurs créations ou qu’on leur on a de bons espoirs d’enchaîner un certain nombre de
crée des espace d’expression, ce sera avec plaisir ! dates pour l’année à venir. Peut-être une trentaine. Ce
qui va donner lieu à beaucoup de défis logistiques et
Atypeek Mag : Et toi Vincent, une adaptation au crew organisationnels !
complètement ahurissante ! ? Il y a de quoi être admiratif
de ton jeu planant !

Plus d’informations sur DEVIL JO & THE BACKDOORMEN : http://devil-jo.com/

https://tropare.bandcamp.com/



42 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

CHRONIQUES ALBUMS & SINGLES

NDOETRCEŒCUORUP

“BUZZING BUT NOT
HUNG UP ON HIP”

PHILIPPE PETIT Touche-à-tout,

est devenu un incontournable de la scène
expérimentale. Noise, drone, dark ambient, contemporain,
rock, folk, soundtrack, jazz, il ne s’impose aucune limite
et la compilation Buzzing But Not Hung Up On Hip
atteste de cette diversité et de ce goût pour les collages
sonores mi abstraits mi surréalistes. Comme le funambule
du même nom, il s’est fait en autodidacte et marche
sur le fil tendu entre tous ces genres pour créer son propre
univers, qui a su séduire la scène internationale au vu
du nombre hallucinant de collaborations qu’il a faites
en moins de dix ans.

Maxime Lachaud

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ALBUMS

Date de sortie : Date de sortie : Date de sortie :
14/07/2017 16/01/2017 24/03/2017

Durée : 01 h 38 min Durée : 21:27 min Durée : 33:28 min
Nationalité : FR Nationalité : FR Nationalité : US
Styles : ÉTHÉRÉ Styles : ROCK INDIE
Styles : Expérimental / EXPÉRIMENTAL PUNK BLUES ROCK
Ambient / Electro
HTTP://URLZ.FR/5JMP HTTP://URLZ.FR/5JMP
HTTP://URLZ.FR/5HVM
LYNHOOD BOSS HOG
PHILIPPE PETIT SEPTEMBRE (REAFFØRESTS / L’ECHO REC. / ATYPEEK) BROOD X (IN THE RED / BRONZE RAT)
BUZZING BUT NOT HUNG UP ON HIP
Projet solo de Chloë Della Valle (cofondatrice du label 17 ans d’attente, et pourtant à l’écoute de ce Brood
(ATYPEEK MUSIC) Reafførests et bassiste de Symetry groupe métal/ X, il semblerait que non rien n’a changé, que tout a
prog « Made in Grenoble »), Lynhood au travers continué, que Cristina, Jon, Holli et les autres n’ont pas
Sur-productif est le moindre adjectif que l’on puisse de ces quatre titres peint une musique sombre et vieilli, et que leur musique non plus, sans artifices ou
utiliser pour parler de Philippe Petit. Actif depuis ambiante sur une toile de fond très heavenly voice : injection d’un quelconque élixir de jeunesse. 17 ans
plus de trente ans dans le milieu des musiques on songe à Dead Can Dance et Cocteau Twins voire qui sont passés à une vitesse folle, qu’on en oublierait
aventureuses, il développe aussi un univers très Throwing Muses sur les morceaux « The master » l’avènement du Néo-Métal, des télés-réalités, de Nico-
singulier depuis une dizaine d’années, entre et « Qualm », le tout est teinté ou agrémenté de las, Carla, et Rachida, de la glorification du “Gangnam
musique contemporaine, soundtrack, free-jazz et sonorités très shoegazing voire noise à l’instar Style”, des vies vécues par procuration via applications
bidouilles électroniques. du final de « White emperor ». Cet EP débute de et de toutes autres raisons qui donneraient envie de
manière assez cinématographique, « Tree » rappelle descendre dans un centre commercial avec un Shotgun
Cette nouvelle compilation montre l’étendue de un peu le « In the house-in the heartbeat » de John faire un petit peu de ménage. Brood X nous ramène
son spectre musical et sa passion pour les col- Murphy sur la B.O de 28 days later, en plus aérien. quelque part, comme si c’était hier tout en étant
laborations avec d’autres artistes. En effet, par le L’ensemble met au premier plan la sublime voix aujourd’hui, car tout cela est bien réel: il y a des amis
passé, Philippe Petit a pu travailler avec des noms et la basse (jouée à l’archet s’il vous plaît…) de qui ne changent pas, et auxquels on ne reprochera
aussi prestigieux que Lydia Lunch, Murcof, Simon la grenobloise, le résultat s’avère très envoûtant jamais de ne pas avoir changé, ils sont rassurants,
Fisher Turner, Cosey Fanni Tutti, Eugene Robinson, et addictif grâce aux boucles subtiles et à ces font oublier le reste… Ils ont maintenant trois fois 17
Jarboe, Cindytalk, Edward Ka-Spel et tant d’autres. vocalises éthérées qui plongent l’auditeur dans ans, nous deux fois… Une adolescence a passé depuis
cette atmosphère particulière, on s’abandonne et le début de ce siècle où l’on tombait en émoi sur les
Avec plus d’une trentaine de disques parus en tout on se laisse entraîner assez facilement durant ces pépites Pop (sans son aspect factice), Blues (sans
juste une décennie, il y a parfois de quoi se perdre 21’’29’, dans cet univers emprunt de noirceur et de son côté lourd) et Punk (sans ses limites) qu’étaient
dans le petit monde de Philippe Petit, donc cette mélancolie. À l’écoute de ce Septembre on ne peut “Itchy&Scratchy”, “Whiteout” ou “Monkey”. C’était
collection tombe à point. s’empêcher de penser que s’il était anglais, nul sexy et c’était terriblement cool. Et c’est toujours le
doute que Lynhood aurait été signé sur le label 4AD. cas, avec une facilité et une aisance déconcertante. À
On y retrouve sa passion pour les ambiances énig- force d’écoutes, l’album trouve d’autres dynamiques
matiques et obscures (“Stellar Fright” avec James I✎ Stéphan www.w-fenec.org entre balades au son désuets (“17”) et coups de
Johnston de Gallon Drunk), de doux airs de foires coïts magnétiques (“Sunday Routine”), permettant
aux monstres et un surréalisme électronique que LYNHOOD ©DR au groupe de se démarquer de Whiteout tout en
n’aurait pas renié Nurse With Wound (“A Farewell restant dans les clous de leur formule. On pourrait
to U...”), des moments plus folk, romantiques et arguer que celle-ci ne subit aucune modification et
apaisés (“Eugenia”), d’autres beaucoup plus abrasifs qu’il aurait été intéressant d’aller plus avant compte
et bruitistes (“Electric Blue-Mirrors” avec Lucina tenu du temps écoulé, mais ce n’est pas le genre de
Lou), voire carrément rock à la Babes in Toyland reproches que l’on peut justement faire à ce type de
(“Second to Last Thoughts” avec MDME SPKR). groupe. Comme dit au début de la chronique, cette
approche permet de rester fidèle à ce qu’ils sont et
Les ambiances jazzy de film noir sont aussi présentes, à leur public. Et lorsqu’on entend de tels plaisirs
notamment avec l’utilisation de cuivres (“Si Parla lascifs (“Shh Shh Shh” et sa transpiration palpitante
Italiano”), tout comme l’onirisme fantaisiste (“Songs sous soleil plombant) avec des petits tubes à la pelle
of Innocence”). Acoustique et électronique se mêlent (“Billy” déjà mentionné ou “Signal”, qui pourrait être
(“Cymbalomentums”, la collaboration avec Peter la bande-son parfaite pour un James Bond crado), ce
Hollo au violoncelle), générant une certaine forme serait bien dommage de jouer les troubles-fête et de
d’abstraction, où l’on peut sentir aussi bien des
influences venant de la musique industrielle que Ibouder ce retour.
contemporaine (“Songe d’Azur”). Préparez-vous ✎ Machete83 www.xsilence.net
pour une heure et demie de sons qui fusent de
tous les côtés. ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 43

✎ Maxime Lachaud

ALBUMS

Date de sortie : Date de sortie : Date de sortie :
21/07/2017 17/11/2016 21/07/2017

Durée : 46:39 min Nationalité : AU Durée : 34:30 min
Nationalité : US Styles : PUNK ROCK Nationalité : US
Styles : ELECTRONIC Styles : ELECTRONIC
GRUNGE EXPÉRIMENTAL / R&B
RAP / R’N’B
HTTP://URLZ.FR/5JET HTTP://URLZ.FR/5JQB
HTTP://URLZ.FR/5JRR
ST MORRIS SINNERS MHYSA - FANTASII (HALCYON VEIL)
TYLER, THE CREATOR
FLOWER BOY (ODD FUTURE / COLUMBIA) SONGS ABOUT INSECTS Moitié de la formation SCRAAACTH aux côtés de
Quelle mouche les a piqués ? Le quartet d’Adelaïde lawd knows, l’artiste E. Jane aka MHYSA offre un
Chez Tyler, The Creator les albums se succèdent et St Morris Sinners publie en guise de deuxième opus premier album déboussolant de par ses partis pris
ne ressemblent pas, à l’image de son nouvel opus le cinglé Songs About Insects, papillonnant d’un résolument contemporains, explosant les codes
Flower Boy qui tend à donner une nouvelle image tempo plombé hypnotique vers une éruption de pour engendrer de titres charnels soufflant sur les
de l’artiste américain, jamais à court d’idée pour grattes corrosives, d’une mélopée semée de solos carrefours de l’expérimental et du r’n’b androïde,
surprendre son auditoire. flamboyants à un blues mutant aux accélérations nourri de gospel aérien et de viscéralité black.
Ici, les ambiances sont nettement plus soft et main- fulgurantes, d’une ballade gracile vers une cavalcade
stream que par le passé, à l’exception de quelques hargneuse, culminant avec le furieux « B. F. B. F. » Celle qui s’autoproclame Black Queer militante du
titres perchés comme Who Dat Boy? avec en featuring (« Big Fucking Blue Fly »)… Inclassable et prenant. monde cyber et fervente militante de la condition
A$Ap Rocky ou I Ain’t Got Time, véritables réussites des femmes noires, nous fait voyager dans un
dans le genre hip-hop désarticulé et futuriste. Sinon ✎ www.digitfanzine.chez.com monde sur lequel s’entrechoquent chants d’églises
le reste de l’album est une succession de tracks aux qui ne sont pas sans rappeler certaines productions
effluves soul, groove ou r’n’b, voyant les apparitions Date de sortie : de 4AD, déstructurations électroniques proches
de quelques prestigieux invités, à l’image de son 21/01/2017 d’un Chino Amobi et r’n’b gorgé de trap pour bars
grand ami Frank Ocean, Roy Ayers, Steve Lacy ou moites de strip-teaseuses.
Anna Of The North. Nationalité : FR
Un album plus radieux que par le passé qui vient Styles : POSTPUNK Politique de par son enveloppe comme de par
trancher avec ses œuvres précédentes, délaissant son propos, Fantasii est un concept album dense
les personnages de fiction pour se livrer de manière SYNTHWAVE aux directions multiples et minimalistes quand à
plus introspective, dévoilant entre les lignes son sa production calibrée de laquelle s’échappe une
attirance pour les garçons et une certaine fragilité HTTP://URLZ.FR/5JEY sensualité étrange qui prend aux tripes pour ne
existentielle, n’oubliant pas de livrer aussi au passage, plus nous lâcher.
quelques messages positifs à l’adresse des jeunes LAST NIGHT
noirs américains. Un opus gorgé de soleil, qui bien MHYSA alterne superbement ambiances chaudes et
qu’inégal, accompagnera parfaitement la fin de l’été. FRIENDLY FIRES (LE TURC MÉCANIQUE) froides, entrelaçant souvent les deux pour perdre
Achtung ! Ceux-là, leur réputation les précède… l’auditeur dans un méandre de sensations qui
I✎ Roland Torres www.silenceandsound.me Organiser un concert des Parisiens, c’est imaginer ouvrent les portes de la réflexion tout en faisant
le meilleur en attendant le pire! Et il n’est jamais ployer le bas du bassin, poussant notre esprit à
44 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 très loin… quatorze verres pétés, trois bastons, cinq réfléchir à coups de génuflexions félines et de
vomis, de l’urine en cuisine… J’arrête là, on ne parle féminité revendiquée hauts et fort. VITAL.
pas de drogue dans ces pages ! Hormis ces menus
détails, le concert fut festif (ha ha !), entre punk et I✎ Roland Torres www.silenceandsound.me
post, à trois guitares, un synthé parfois et la présence
magnétique de leur chanteur, Pat (ex-Cavaliers et
actuel bassiste de Frustration)… Un line-up impres-
sionnant qui tarte instantanément la gueule ! C’est
le cas aussi sur leur second album Friendly Fires (Le
Turc Mécanique) qui reprend la recette du premier
avec encore plus d’aplomb, de savoir faire et une
force de frappe accrue. Un des tout meilleurs groupes
dans le genre… « Vous ai-je déjà parlé de ce mec qui
jouait du thérémine avec la bite ? »

✎ www.digitfanzine.chez.com
TYLER, THE CREATOR ©DR
MHYSA ©Naima Green

ALBUMS Ho99o9 (Horror) ©DR Du down tempo hip hop des enfers passant le

Date de sortie : relais à un son punk hardcore tout droit venu de
05/05/2017
la street. C’est clair, leur fameux tube Blood Waves
Durée : 46:03 min
Nationalité : US à certainement dû les inspirer pour cet album.
Styles : HORRORCORE
PUNK HIP-HOP Bon découlement entre les styles de manière cre-

HTTP://URLZ.FR/5JUA scendo comme un ressort ou de la slim rebondis-

HO99O9 (HORROR) sant sur un escalier. Des passages poussés dans
UNITED STATES OF HORROR (999 DEATHKULT)
la veine break beat digne d’un Prodigy en plus
Dès l’ouverture de la pochette, on est très vite ac-
cueilli par les photos d’un bébé et d’une explosion macabre et primaire, notamment sur Face tatt et
nucléaire où en dessous est écrit your child will die par-dessus tout Knuckle up qui aurait pu gagner
because you let it happen. On sait à peu près quelle
tournure va prendre le premier album d’Ho99o9. la place du single vu sa démarcation vis-à-vis
Son nom ? United States Of Horror… Ouais, on sait
vraiment à quoi s’en tenir, en fait. À la production du reste, un morceau qui en jette avec punch et
il y a principalement David Andrew Sitek, homme
de talent encore trop méconnu : il a aussi travaillé détermination qui ne manque pas de nous faire
avec David Bowie ou encore Yeah Yeah Yeahs et a
été bassiste des Jane’s Addiction en 2011. Ce mister jumper avec force et rebond.
a carrément participé à de bonne pépites sur cet
opus. Si vous avez déjà écouté ces deux disjonctés Ce découlement parfait est aussi dû aux interludes
d’OGM et Eaddy venus tout droit du New jersey,
vous devez certainement savoir ce que provoque qui aident à son bon développement : When death
le mélange Bad Brains, Dead Kennedys et DMX. calls baigne dans le purgatoire pour nous en jeter

Obscure, brutale, United States Of Horror est le quelques extraits à la gueule et ouvre sur Bleed war
jugement dernier de l’AmeriKKKa, celle de la ségré-
gation à celle de Trump. C’est la bande-son d’un envoyant dans un styles metal indus déstructuré
monde apocalyptique, d’une purge si sanglante
que le film American Night « mère » peut aller se et malsain qui n’est pas sans nous rappeler un
rhabiller. Et puisque le sujet du racisme ou celui
des violences policières sont massivement abordés, certain Ministry. Puis Feels like… nous laisse un petit
cela est étonnant que ce ne soit pas la bande-son
du film Get Out réalisé par Jordan Peele et depuis temps mort avec une instru rap old school posée
peu dans nos salles. En gros, on n’arrive pas à
savoir si c’est un album engagé ou enragé. et angélique ouvrant sur City rejects, un des tubes
de l’album au son punk’n’roll rétro. Déception due
Ce qui tape en premier à l’écoute c’est l’amélioration
de leur fusion qui auparavant était moins bien à un excès d’auto-tune dans le refrain d’Hydrolycs
travaillée. On avait le droit à des morceaux punk
ou rap core obscur mais rare était le mélange adé- et pour la Chanson titre de l’album United States Of
quat entre les deux. Là ça y est, Ho99o9 tiennent Horror qui a tout de même des lyrics percutantes
leur truc ! Le mélange est à la perfection. Quand
il taille la bavette dans une instru rap on n’arrive et une bonne instru mais sonnant vraiment d’une
pas savoir si il s’agit d’une gratte, d’une basse ou
d’une boucle de sample tellement c’est saturé. manière trop soft comparée au reste des titres.

Il serait hypocrite de ne pas reconnaître que les Mis à part ça l’album est clairement le son du
samples et effets sonores se sont fait 999 fois plus
violer par les darkness d’OGM et Eaddy que dans les générateur électrique qui alimente tout l’enfer des
EP précédents. Des mélodies horror-hypnotisante au
point qu’on se croirait dans un épisode de cartoon USA (oui l’AmeriKKKa est l’exemple de ce monde,
spécial Halloween.
pourquoi n’aurait tel pas son propre enfer MOTHER

FUCKER!?) ✎ Locust

Ho99o9 (Horror) ©DR

ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 45



ALBUMS

Date de sortie : Date de sortie : d’un passage radio longue durée, Burning Heads BURNING HEADS ©Jean-Michel Baudry
28/11/2016 21/04/2017 est le meilleur groupe du monde. Ni plus, ni moins.
Certains passages se révèlent un peu « borderline »
Nationalité : FR Nationalité : FR (la fin de l’intro de « Wrong », le début foiré de
Styles : Styles : HARDCORE « End up like you ») mais l’énergie déployée est
tellement sincère que ces « broutilles » ne remettent
ROCK ELECTRO INDIE ROCK pas en cause le talent d’exécution d’un groupe pas
NEW WAVE forcément habitué à ces sessions sur le fil. Quoi,
HTTP://URLZ.FR/5HZM je ne suis pas objectif ? Et alors ?
HTTP://URLZ.FR/5JUN On sait ce qui se passera par la suite. Non renouvelé
BURNING HEADS par Epitah Europe après Escape, le groupe ouvrira
STONE CAVALLI KXLU LIVE 1999 (NINETEEN SOMETHING) deux parenthèses reggae/dub, signera chez Yelen/
Sony et montera sa propre structure pour être
KILL VIOLENCE (SAND MUSIC) Bon les gars, ouvrez grand vos yeux et débouchez- encore bien actif aujourd’hui. Alors ce disque live
vous d’urgence les oreilles : Les Burning Heads ont (le seul de sa riche discographie), qui pourrait
Un album encore plus rageur que le précédent. Voix trente ans. Trente putains d’années. Trois décennies. sembler insignifiant et sans intérêt en 2017, est
plus profonde, plus grave, plus éraillée. Oxymores Six quinquennats. Et les types sont toujours là. Ça au contraire une trace intéressante pour toute une
esthétiques mieux affirmés. Dans ce nouvel album, en impose, vous ne trouvez pas ? En ce qui me génération de fans et pour les amateurs de punk
le duo grenoblois reprend guitare, clavier et batterie concerne, je ne répéterai jamais assez ce que ce rock en général. Car le parcours des Burning, parfois
là où il les avait laissés, mais en assumant cette groupe représente pour moi : la Classe. Oui, avec semé d’embûches et de (quelques) désillusions,
fois-ci davantage le chemin de crête solaire, débridé un grand C. Sur major ou en autoprod, en mode est surtout celui d’un groupe majeur d’une scène
et tapageur qu’ils ont su baliser dans leur premier punk hardcore ou en incursion reggae, le quatuor punk rock qui n’a jamais cessé d’exister et de (sur)
EP - et qui compose sûrement le bénéfice sensible d’Orléans n’a jamais changé de cap. Pour tout vous
qu’ils apportent à la bigarrure sonore obtenue par dire, mes deux disques préférés sont incontesta- Ivivre, tout simplement.
l’alliance du rock, du punk et de la new wave. Re- blement Be one with the ames et Escape, deux de ✎ Gui de Champi www.w-fenec.org
vendiquant une inspiration puisée dans l’écriture la fin des 90’s période Epitah. Et en ce moment je
roborative d’un Bukowski ou d’un John Fante - et suis pourri gâté car le groupe est actuellement en ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 47
plus largement dans l’esthétique de la Beat genera- tournée avec une set list composée de titres de ces
tion -, Stone Cavalli pose le diagnostic sans phare deux chefs-d’œuvre. De plus, un label français est
d’une société soporifique, désœuvrée et qui se croit sur le coup pour sortir les deux skeuds en version
sans combats à mener. Un auditoire dont il entend LP et cerise sur le gâteau, un live sorti de quasi
bien ragaillardir les membres fatigués, rongés par nulle part vient de paraître : KXLU live 1999.
une violence sans visage qu’il ne s’agit pas moins
de tuer. Un son qui pourrait parvenir aux oreilles Resituons-nous dans l’espace-temps. Les Burning,
d’une Génération Y, s’il parvient à en dissoudre le en 1999, ont le feu au cul et moins d’un an après Be
sébum intellectuel et la graisse auditive, accumulés one, les gars traversent l’Atlantique pour rejoindre
à longueur de matraque publicitaire sur nos postes Jack Endino et mettre en boîte le sulfureux Escape
de télévision et smartphones. Alors qu’en 2014, pour leur seconde livraison Epitath Europe. Mais
l’épilogue de l’EP Bandini nous intimait avec The avant d’entrer en stud’, le groupe donne trois gigs
noise de sortir de ce monde fictif (“Get out this fic- en deux jours dont une session de 45 minutes pied
tion!”) - sans pour autant nous donner plus d’indices au plancher, en direct sur la radio KXLU.
quant à la direction à suivre - Kill Violence s’emploie
dès le premier morceau Come on! à réparer ce déficit Les techniciens de la station plantent quelques
en nous incitant vertement à reconquérir notre état micros devant les amplis pour enregistrer le tout,
sauvage (“Come on into the wild now !”). Distorsion, et voilà qu’en 2017, alors que les bandes étaient
raclement, hystérie d’un côté : voilà pour le fond. bien au chaud je ne sais où, Franck Frejnick et
Union, harmonie de l’autre : voilà pour la forme. Le Nineteen Something (spécialiste des rééditions des
tout mené par l’itération obsédante des percussions Thugs, des Rats,…) gravent sur compact disc ce live
décochées par un Benjamin Tarricone qui tape sur une explosif ! Imaginez le tableau : les quatre zicos en
batterie qui n’en demande pas moins. Chez Stone pleine bourre viennent mettre une raclée en bonne
Cavalli, il y a décidément quelque chose d’épique, et due forme à Los Angeles. Session promo oblige,
de rond et de doux qui enveloppe les déchirures et le groupe exécute les brûlots de Be one et termine
perforations du réel. Avec dans leur main droite le son set en jouant pour la première fois « live »
symptôme et dans leur main gauche le traitement, certains futurs tubes de Escape. Les morceaux
les deux frangins nous donnent à voir la maladie s’enchaînent sans temps mort, les mélodies vocales
et son remède. Tel un puissant vulnéraire, gageons rivalisent avec les grandes lignes de basse de JBé,
que ces sept nouveaux titres sauront réveiller vos les roulements de Tomoï et les guitares chaudes de
colères… qui sont souvent nécessaires. Pier et Phil. Rien ne peut leur arriver, et le temps

✎ Guillaume Rossetti

ALBUMS

Date de sortie : Date de sortie :
30/06/2017 10/04/2017

Nationalité : FR Nationalité : FR
Styles : ELECTRO Styles : ROCK
EXPÉRIMENTAL / NOISE
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KAI REZNIK
F.A.T.
AWKWARD MOTIONS (ATYPEEK MUSIC) ANIMAL (L’ÉTOURNEUR / POUTRAGE RECORDS / GED /

À l’image de l’artwork, voilà un album dans lequel il BECOQ / ATYPEEK MUSIC)
est bien dur de garder la tête hors de l’eau. Dense,
abstrait, parfois hip-hop, parfois EBM, souvent Comme l’Animal de F.A.T. est court sur pattes, on
dark, ce premier album de Kai Reznik se ressent a pu l’écouter de nombreuses fois, l’expression
plus qu’il ne s’écoute. « ce n’est pas la taille qui compte » prenant alors
tout son sens. Il n’est pas si gras qu’il le laisse
Certains d’entre vous auront un sentiment de entendre, mais pourrait bien devenir grand. Ce trio,
Déjà-Vu à l’écoute de l’introductif “The Awkward partie majoritaire du groupe Eliogabal, comprend
Groovy X Tension”. Et pour cause ! Ce titre figurait en Thomas Coquelet, bassiste pour Chaman Chômeur
bonne place sur une le Volume V des compilations également, Paul Ménard à la guitare et Pierre Pas-
d’un fantastique webzine dont je tairai le nom ici. quis à la batterie. L’idée maîtresse est que chaque
membre compose un album, une sorte d’aventure
Cet abstract hip-hop fonctionne diaboliquement autour de la composition personnelle rendue
bien, qu’il soit instrumental ou accompagnés de plurielle par la manière de la jouer. Coquelet est
guests vocaux (M.A.D. sur deux titres, Francesca l’auteur du premier volet. Son rock expérimental a
Lago, Nomik The Third ou Sasha Andrès), il nous les épaules solides pour délivrer des riffs simples
procure des images mentales urbaines ou désertiques mais efficaces, tournés vers la dissonance ordon-
selon l’envie & la psyché de chacun. née et la métrique calculée. Les structures sont à
l’avenant, créant la surprise à chaque tournant.
Rappelant les œuvres d’Abstrackt Keal Agram ou On passe allégrement de la fureur à la douceur et
des premiers M83 (“Intimate Love” notamment), vice versa. L’atmosphère de ces vingt profondes
l’album trouve un équilibre parfait entre les nap- minutes acides de musique instrumentale laisse
pes synthétiques & les beats au cordeau, donnant un goût d’encore et aurait mérité quelques min-
parfois au tout un côté shoegaze électronique & utes supplémentaires, pour nourrir l’animal qui
magnétique. sommeille en chaque auditeur. Ce premier volet
annonce cependant de bien belles choses à venir,
Disque parfait pour vos escapades entre chien et avec encore plus de gras, espérons-le.
loup, la tension toujours palpable à différents niveaux
d’intensité (le percutant “You Killed Me First”) I✎ Aleksandr Lézy www.chromatique.net
nous tient véritablement tout au long de l’album.
Une plongée dans un monde pas très rassurant il F.A.T. ©DR
faut bien l’avouer, à l’image de “L.A.S.T.” où Sasha
Andrès donne l’impression de parler avec La Bête,
mais dont on ne veut pas sortir presque malgré
nous avant la fin des quarante-cinq minutes. Sans
doute éprouvant pour les âmes sensibles, une belle
réussite, à tout point de vue.

S’il fallait lui donner un mauvais point, mais cela

n’a rien à voir avec l’œuvre en soi, je trouve que

c’est un peu dommage qu’un tel album ne puisse

résonner que par le biais d’un ordinateur, il n’est

pas prévu de support physique pour cet Awkward

Motions. I✎ X_Lok www.xsilence.net

48 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

ALBUMS

Date de sortie : Date de sortie : Date de sortie :
2017 24/02/2017 21/05/2017

Nationalité : NL Durée : 40:20 min Durée : 41:23 min
Styles : EXPÉRIMENTAL Nationalité : US Nationalité : FR
Styles : ALTERNATIVE
POST-INDUSTRIEL ROCK / HARD ROCK Styles : GROOVE MÉTAL
EXPÉRIMENTAL
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EUROP EUROP CRYSTAL FAIRY
SONGS FROM THE HEART (ENFANT TERRIBLE) CRYSTAL FAIRY (IPECAC RECORDINGS) GRAUSS BOUTIQUE
GRAUSS BOUTIQUE
Parler de musique post-industrielle pour Europ Crystal Fairy est un supergroupe composé de Teri
Europ serait réducteur et pas totalement exact. Gender Bender (Le Butcherettes), Omar Rodríguez- (A TANT RÊVER DU ROI / CHANMAX RECORDS / DIRTY8)
López (ex-Mars Volta, At the Drive-In) et de Buzz Du metal fracasse, lourd en rouleau de batterie, en
Bien sûr, les Norvégiens ont su tirer des leçons Osborne et Dale Crover (The Melvins). À la manière rythmique pesante mais léger, varié et lumineux
de Throbbing Gristle et des expérimentations qui des Melvins, l’entrée est fracassante et s’amorce en dérives mélodiques. Une facilité d’écoute qui
ont suivi : minimalisme neurasthénique, bour- avec des instruments réglés sur le gras pour un son s’explique également par la dimension purement
donnements vibrants, électronique granuleuse underground. Rapide, la musique évoque un punk instrumentale évitant toute tentation pour des excès
et mantras bruitistes, manipulation de cassettes, sale et sans concession. Très rythmé, le « Drugs vocaux. Grande démonstration de Grauss Boutique qui
instruments traditionnels détournés, évocations ont the bus » en est la parfaite illustration. Plus rappelle la magnifique fusion groove et rock opérée
de rituels magiques… net dans le son, « Necklace of divorce » conserve le à la fin des années 80 par Infectious Groove et Rage
même esprit. Et puis, « Moth tongue » revient dans Against The Machine. Du trash dissonant syncopé
L’introductif « Black Pain » rentre d’ailleurs en un style propre aux Melvins. Lourd mais sauvage, par des ruptures de rythme inattendues lançant et
écho avec le titre « Weeping » que l’on trouvait cela semble la ligne de conduite de Crystal Fairy. relançant des mécaniques de guitares-basses enrouées
sur l’album DOA : une lente litanie vocale et dou- En quelques titres la formation sait convaincre à aux lignes heavy vintage (Echine of Doom). Le même
loureuse, où toute l’ambiance naît de la répétition la hauteur de la qualité que l’on pouvait attendre charme désuet et classe se dégage d’Anthem et de
lancinante des motifs. des musiciens. Fenêtre ouverte sur Le Bucherettes Lazy Fingers, une funk grungy pétaradante. Cette
: «Secret agent rat » est chanté dans la langue profusion sans prétention, on agite la tête sans se
Avec leurs vingt années d’existence, Europ Europ du groupe mexicain. « Bent teeth » se charge de la prendre, appréciant avec admiration les entrelacs
ont cela dit réussi à créer un univers propre, changer d’univers en un clin d’œil. C’est l’heure de math rock qui dispensent leur scintillement mais
définitivement beau et onirique, lo-fi et terrible- faire grincer les guitares jusqu’à presque couvrir la éclatent en splendeur sur Malbelaga Boutiko et
ment cérémonieux, s’appuyant sur l’utilisation chanteuse. La tension s’entretient jusqu’au bout Royal Welsh. Le titre d’ouverture, Safari Tanzanie,
de l’orgue et d’un nouvel instrument dans leur avec un naturel déconcertant. Les Melvins auront se situe dans cette veine puissante, cocasse et
répertoire : la harpe. collaboré avec Nirvana ou encore Jello Biafra des Dead jungle, bondissant comme la virtuosité généreuse et
Kennedys sur des périodes assez importantes. Ces débridée de Frank Zappa. On y retrouve son amour
Le rendu est incroyable, totalement hors du temps. associations auront plus souvent à leur tour donné pour la multiplication des références hétéroclites,
Les spirales de notes acoustiques se mêlent aux des fruits bien mûrs. Avec Crystal Fairy, les deux leur assemblage osé ainsi que sa distance humor-
boîtes à rythmes vintage pour un trip totalement avant-gardistes d’Aberdeen ont encore visé juste. istique désopilante. Quand on est un trio adepte du
hypnotique et lunaire (« Desert Moon Over me »), Ce supergroupe transcende les générations du rock shred bruyant tout en étant capable d’intituler ses
parfois spectral et inquiétant, avec des voix sam- sans perdre en pertinence. À la fin de cet album, une morceaux « petit jaune » ou « humeur toute folle
plées qui conversent dans un langage indéchiffrable chose me trotte dans la tête : une autre, une autre ! », on s’inscrit consciemment ou inconsciemment
(« Basement Floodage »). dans la lignée du trublion de l’éclectisme musical.
I✎ Julien www.w-fenec.org
Avec la touche analogique, les machines donnent ✎ Jonathan Allirand
vie à des formes et des êtres. L’imagination est CRYSTAL FAIRY ©DR
en éveil. Acoustique et électronique élaborent une ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 49
forme étrange et inédite, un art de transe tellement
attirant et immersif qu’il en devient dangereux.

Après avoir égrainé confidentiellement de nombreux
titres sur des compilations, singles, Eps ou Lps
essentiellement sur les labels Etch Wear et Enfant
Terrible, le trio d’Oslo mérite d’être vraiment (re-)
découvert tant leur musique dégage une puissance
qui peut autant en appeler aux amateurs de post-
rock, de doom, de drone que de ritual ambient
(« Black Snow »).

✎ Maxime Lachaud


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