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Préface
Au mois de mars 2022, les élèves de CM2 ont fait la connaissance de l'artiste-en-résidence Laura
Nsafou. Également connue sous le nom de Ms. Roots, Laura est une blogueuse et auteure
intéressée par la consolidation d’une littérature afropéenne et la visibilité des littératures afro.
Avec elle, les élèves ont découvert les différentes facettes du métier d'auteur en réalisant leur
propre album jeunesse dont l'intrigue a été pensée par Laura.
Après un minutieux travail de recherche sur l'Afrique pré-coloniale, chaque classe s'est
concentrée sur un chapitre correspondant à un empire ou royaume à travers lequel navigue Eli, le
protagoniste de l'histoire.
CM2 A - Royaume du Dahomey
CM2 B - Royaume du Songhaï
CM2 C - Empire du Mali
CM2 D - Royaume du Kongo
Durant quatre semaines, les écrivains en herbe se
sont appuyés sur les précieux conseils de Laura
-en Zoom depuis Paris- et de leurs professeurs,
pour construire le récit et les illustrations. La
résidence s'est clôturée par la visite de Laura au
Lycée qui a pu répondre en personne aux
nombreuses questions des élèves tout en les
aidant à peaufiner les derniers détails de l'histoire
avant la présentation finale qui s'est déroulée le
vendredi 8 avril 2022.
Un grand merci à Laura Nsafou pour avoir accompagné les élèves avec bienveillance, créativité
et intelligence.
Merci à tous les professeurs impliqués pour leur travail et leur motivation : Camille Jobet, Hervé
Megras, Alexis Brunel, Bernadette Robine, Sébastien Tomasini, Mireille Miller, Judith Morris,
Jay Masanotti, Anila Kochummen, Carolyn O'Brien, Kim Goldfarb, Rachel Stepanek et Clarissa
Sylvestre.
Merci à Antoine Thiboult et Leslie Wells pour avoir coordonné cette résidence avec brio.
Et merci à Pascale Richard, directrice du Centre Culturel, d'avoir rendu ce projet possible, ainsi
qu'à Camille Rousselet pour son aide précieuse.
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Un beau matin, Eli se réveilla avec un large sourire. En effet c’était son anniversaire. Le jeune
garçon de douze ans se prépara rapidement et se rendit dehors. Toute sa famille était déjà là.
Cette journée d’anniversaire allait vraiment être mémorable ! Il se sentait heureux et très excité.
Tous ses cadeaux étaient déjà à côté de la table. Il avait hâte de les ouvrir, particulièrement celui
de son grand-père. En effet, ce dernier lui avait promis de lui offrir la toute dernière console de
jeux vidéo dont il rêvait tant.
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La fête fut un succès. Eli avait patiemment choisi la musique et sa maman lui avait préparé son
repas préféré, des hamburgers et un gâteau au chocolat. Sa tante Uma lui tendit un premier
paquet bleu qu'il ouvrit avec empressement. Celui-ci contenait des baskets blanches à la mode. Il
était ravi ! Mais au fond de lui, il n'attendait que le cadeau de son grand-père. Enfin, celui-ci
s'approcha de lui et lui tendit un paquet.
Avec un immense sourire, Eli l’ouvrit puis regarda le cadeau. Immédiatement, son sourire
s’estompa. À la place de la console de jeux qu'il espérait, il découvrit… un masque en bois. Il
n'en revenait pas, toute cette attente pour un vieux masque inutile ! Fou de rage, il rentra dans
une colère noire et jeta le masque au sol qui se brisa immédiatement. Soudain, la pièce où se
trouvaient ses proches disparut, et laissa place à un lieu étrange et blanc. Eli n’en croyait pas ses
yeux : une silhouette mystérieuse se tenait devant lui, le dos courbé, et le visage masqué entre ses
mains.
- "Eli, sais-tu pourquoi tu es là ?
Eli, abasourdi, répondit non en bégayant.
- Tu as cassé mon visage Eli ! Mon merveilleux visage !
- Mais… Mais… Je suis vraiment désolé. Je… je ne voulais pas de ce cadeau !
- Misérable ! Je suis l'Esprit du Tout, et tu vas payer cher cette erreur !
- Que puis-je faire pour la réparer ? Je veux rentrer chez moi !
- Pour rentrer chez toi, tu devras retrouver mon visage ! Demande à ceux qui connaissent mon
histoire. Et retrouve mon visage, sinon... !
Sur ces paroles, l’Esprit du Tout se dissipa. Le blanc qui les entourait s’étiola et laissa apparaître
les portes d’une cité. Mais où était-il tombé ? Était-ce réel ? Comme il regrettait d'avoir brisé ce
masque ! Par où allait-il commencer ? De toute façon, il n'avait pas le choix. Pour rentrer chez lui
et revoir sa famille, il devait absolument retrouver les morceaux du masque…
Eli ouvrit donc la porte, et atterrit dans
un village étranger. Il craignait ne
jamais revoir sa famille. La peur
l'envahit mais malgré ses émotions, il
était émerveillé. Sur le chemin, il y
avait des palmiers dont les feuilles
volaient au vent. Il pouvait voir de
petites maisons en bois avec des toits
en paille. Il trouva cet endroit
charmant. Les villageois le regardèrent
bizarrement, mais lui aussi les
regardait curieusement. Il commença à
explorer les environs. Sous la caresse
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de l'air frais, il y avait de belles cascades. Eli
s’approcha d'une pancarte qui disait
« Attention sirène » traduit en plusieurs
langues. Il pouvait comprendre assez bien le
vieux français. Intrigué, Eli se demanda
pourquoi on parlait de ces créatures
imaginaires car chez lui elles n'existaient pas.
Il continua sa recherche.
Eli se sentait seul, abandonné. Il n'arrêtait pas de se reprocher de ne pas avoir écouté son
grand-père. Sur un banc, il trouva un journal. Sur la couverture était écrit « Zuluná » (sorte
journal au Kongo).
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À l’intérieur, il y avait un vieux crayon beaucoup plus épais que ce qu'il connaissait. Il le prit et
fit une petite liste des merveilles qu'il avait vues pour garder une trace. Sa liste augmenta au fur
et à mesure de ce qu'il voyait. Tout d’un coup, alors qu’il écrivait, il entendit un gros « boum » !
Puis un autre. Ce bruit continua… Au dernier coup, son journal tomba par terre et une foule
l’écrasa. Quand elle se dissipa, il remarqua qu'il ne l'avait plus et il repensa à tout ce qu'il y avait
écrit.
Il ne comprenait toujours pas pourquoi il était là, dans cet endroit inconnu. Il se sentait
impuissant. Sous la force de ses émotions, il commença à s'énerver tout seul. Soudain une goutte
tomba, puis deux. Il leva sa tête et s'aperçut qu’un orage se préparait…
La pluie augmentait peu à peu. C’était comme si des milliers de petits cailloux tombaient du ciel.
Un arbre fut frappé par la foudre et prit feu. Eli regarda autour de lui. Incroyable ! Devant lui, il
aperçut un enfant à côté d’un banc. Il alla à sa rencontre.
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- « Pourquoi es-tu assis à côté de ce banc pendant cette terrible tempête ? »
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L'enfant leva sa tête. Sa peau était transparente. Ses yeux étaient noirs, comme s'il était mort,
sans vie, sans émotions. Il vit une goutte de pluie traverser le corps du garçon et, stupéfait,
s'évanouit par terre.
Quand il retrouva ses esprits, la pluie s'était arrêtée.
Le garçon lui dit :
- « Bonjour je m'appelle Rémi ! Je vois que tu n’es pas d'ici.
Eli se tourna vers le garçon, très étonné d’avoir été si vite découvert. Il répondit :
- D'où penses-tu que je vienne ? Où sommes-nous ?
- Tu es au Royaume du Kongo !
- Le royaume du comme quoi ?
- Kongo !
- Peu importe le nom. Je m'appelle Eli et…
Le fantôme l'interrompit :
- Tu as cassé le masque, j'ai fait la même bêtise que toi. C’est pour cela que je suis un fantôme.
Je n'ai pas pu en récupérer les morceaux…
Eli était terrifié. Les yeux perçants du fantôme le paralysèrent complètement. Rémi avait une
voix étrange.
- Comment sais-tu que j'ai cassé le masque ?
- L’Esprit du Tout m’a dit qu’un jour un garçon nommé Eli pourrait être la chance de reprendre
ma vie, de redevenir humain.
Rémi fixa Eli du regard pendant un moment puis reprit :
- Voudrais-tu que je te raconte mon histoire ?
- Oui !
- Alors voilà : j’avais ton âge quand mon grand-père m'a donné le masque, et comme toi je l'ai
cassé. L’Esprit du tout m'a ordonné d'en retrouver les pièces. Il m'a envoyé dans ce royaume.
Malheureusement, la pièce du masque était située à l'intérieur d’un gros monstre féroce. C’est
pour cette raison que j'ai cette apparence.
- Mais pourquoi ? demanda Eli, dont l'inquiétude augmentait de minute en minute.
- Parce que je n'ai pas pu récupérer la pièce du masque à temps.
- Mais alors pourquoi ? Quand je l'ai cassé moi-même, il n’y avait pas de pièces manquantes ?
- Quoi ?!
- Oui. Il était intact… Mais, il faut que tu fasses vite pour retrouver les pièces si tu ne veux pas
devenir comme moi.
- Attends ! Tu plaisantes ?! s’écria Eli.
- Oui ! Oui ! Je plaisante ! Tu seras transformé en crocodile.
- Ahh !!!
- Mais non, c'est une blague !!!
- Arrête de me faire peur ! Je ne veux être ni un crocodile ni un fantôme ! »
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Eli commença à avoir confiance en Rémi. Il ne le trouvait pas bizarre ou suspicieux. À ce
moment-là, Eli décida de faire tout ce qu’il pouvait pour le sauver.
- « Alors, par où doit-on commencer ? demanda-t-il.
- D’abord, je pense qu’il va falloir aller à Mbanza, de l’autre côté du fleuve Kongo, répondit
Rémi. Là-bas, il y a une cathédrale où se trouve le premier morceau du masque.
- Comment le sais-tu ?
- C’est l’Esprit du Tout ! Il m’a raconté ton histoire, répondit Rémi. Tu sais, ça fait longtemps
que je suis coincé au Kongo, je t’attendais ! ajouta-t-il plein d'espoir.
Eli le regarda d’un air suspicieux.
- Mais, c’est dangereux de traverser le fleuve ! dit Eli.
- On se dépêchera, répondit son compagnon, et ils décidèrent de partir en quête des morceaux du
masque.
- Il va falloir faire attention aux créatures du fleuve, lui dit Rémi.
- Quelles créatures ?
- Oh, des crocodiles et d’autres petites espèces dangereuses et surtout, le Mokele Mbembe, mais
on utilisera une barque pour éviter toutes ces bêtes.
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- Une barque ?
- Oui, une barque. On pourra la fabriquer là-bas », répondit Rémi.
Ils se dirigèrent vers le village voisin en quête d’un moyen de transport. Ils entendirent soudain
la voix d’une jeune fille en train d'interpeller les passants.
- « Venez acheter des charrettes ! cria-t-elle dans la langue des Bantous. Rémi fit la traduction.
- Des charrettes ?
- Une sorte de chariot fait en bois, dit Rémi.
- Bonjour, je m’appelle Denima ! Est-ce que tu voudrais une charrette ?
Denima avait les cheveux châtains lisses et les yeux bleus très clairs.
- Si c’est possible. répondit Eli.
- Parfait, viens avec moi à la boutique de mon père, dit-elle.
Eli et Rémi la suivirent jusqu’à la boutique. Elle frappa à la porte d'une charmante petite échoppe
au centre du village. Ce magasin avait un toit de paille rose clair, très poussiéreux.
- Papa, je suis là ! cria Denima en ouvrant.
- Entre, Denima, lui répondit son père d’une voix grave.
- Qui veut des charrettes aujourd’hui? demanda-t-il.
- Nous… Euh, moi, se rattrapa Eli.
Il avait oublié que lui seul pouvait voir Rémi ! Denima lui donna enfin la charrette, mais il oublia
qu’il devait la payer.
- Et comment comptes-tu la payer ? demanda Rémi
- Je ne sais pas. Peut-être en lui donnant quelque chose de précieux ?
Eli soupira et donna à Denima son bracelet préféré qu'il avait toujours dans sa poche.
- Tu vas lui donner ton beau bracelet ?
- On doit tous faire des sacrifices.
Eli le donna à Denima.
- Waouh! Merci beaucoup, dit Denima enthousiaste.
Eli enfourcha la charrette et ils partirent en direction du fleuve Kongo. Enfin arrivés, Eli
demanda :
- Rémi, qu'est-ce qu’on fait maintenant ?
- On fabrique une barque, bien sûr !
- Et comment on fait ça ?
- Ne sois pas bête ! On utilise du bois.
- Ah ! À mon époque on aurait utilisé du métal.
Eli ramassa des morceaux de bois, et les assembla avec des herbes.
- Et maintenant, on les attache ensemble pour que tout soit bien solide, dit Rémi.
- Aussi, n’oublie pas de prendre un bout de bois pour qu’on puisse contrôler la barque.
En un quart d’heure, celle-ci fut terminée.
- Monte, Eli ! lui dit Rémi.
- Mais, tu ne viens pas?
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- Si, Eli. Je suis près de toi.
- Ah oui, tu es un fantôme c’est vrai!
- Oui et si tu ne te dépêches pas, tu seras comme moi.
- Dépêchons-nous!
Eli monta dans la barque, et rama avec un épais bout de bois.
- C’est dur ! Chez moi, on ne rame pas ! On a des bateaux à moteur.
Rémi le regarda bizarrement.
- Pourquoi me regardes-tu comme ça ?
- Des bateaux à moteur ?
- Bah, ce sont des bateaux avec des moteurs.
- Des moteurs ?
- Peu importe… répondit Eli.
Continuant à ramer, ses bras s'affaiblirent, mais il avait confiance en Rémi. Si seulement il avait
écouté son grand-père ! Maintenant, une console de jeux ne semblait plus si importante. Soudain,
il entendit un bruit.
- Rémi, est-ce toi ?
- Non.
- Alors, qui est-ce?
- Je peux juste te dire qu’un monstre des profondeurs est maintenant à la surface de l'eau, dit
Rémi.
Une créature bizarre surgit alors de l’eau. Elle ressemblait à un dinosaure des mers. Elle avait des
écailles vertes et des petites cornes.
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- Rémi, je ne savais pas qu’un monstre du Loch-Ness vivait dans ce fleuve !
- Reste calme ! cria Rémi.
- Comment veux tu que je reste calme quand cet espèce de monstre du Loch-Ness m’attaque !
- Mais non, Eli ! C’est pas le Loch-Ness, c’est le Mokele Mbembe !
- Peu importe, aide-moi !
La barque, sous le poids d’Eli, s'inclina, puis se renversa complètement. Eli tomba dans l’eau
dont les vagues étaient violentes et effrayantes.
- Ahhhh ! Je n’ai jamais pris de cours de natation ! Aide-moi, Rémi !
Eli essaya de nager jusqu’au fond de l’eau, et une voix résonna dans sa tête.
- Eli, aie confiance en toi ! lui criait cette voix.
Eli ne savait pas à qui appartenait cette voix, peut-être la sienne, celle de Rémi, mais au fond de
lui, il savait que c’était celle de son grand-père. Il se rappela un livre qu’il avait lu en science sur
la cloche de… de Halley ! Il se souvenait que pour respirer, il pouvait se glisser sous une barque
renversée ! C’était parfait pour ce genre de situation ! Eli se mit sous la barque pour reprendre
son souffle et progressivement il sentit sous ses pieds quelque chose de doux et rassurant : le
sable doux. Il avait de nouveau pied et commença à marcher.
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- J’ai réussi, Rémi !
- Bravo, Eli ! dit-il, Il faut maintenant trouver le monument.
- Es-tu sûr ? Cela va prendre beaucoup de temps !
- Ça va, je peux regarder d’en haut. Rémi lévita vers le ciel.
- Que vois-tu ? dit Eli.
- Rien encore ! Attends ! Ah ! Je crois que j'aperçois Mbanza !
Eli suivit Rémi qui flottait toujours dans les airs. Ils se dirigèrent vers cette ville au milieu de la
jungle. L’air était rafraîchissant. À Mbanza se trouvait la cathédrale dont avait parlé Rémi au
début de l'aventure. Elle était faite de pierres brunes et d'un toit en paille. Cet édifice se trouvait
au milieu d'une végétation luxuriante. Eli entra et lança : « Il y a quelqu’un ? ». Personne ne
répondit. Il fit quelques pas. Devant lui se tenait une belle pièce richement décorée. Hésitant, Eli
céda à la curiosité et décida d'explorer cet endroit inconnu. C'était un vrai labyrinthe ! En effet,
des statuettes couvertes de clous, des peintures racontant des histoires et l’architecture eurent vite
fait de le distraire. Dans chaque pièce, il y avait des bijoux étalés sur des tables magnifiquement
sculptées. Eli était émerveillé par ce lieu si splendide. Cela semblait si différent de chez lui : pas
de bibliothèque, ni d’armoires… Le lit était fait de paille, sans matelas moelleux comme celui de
sa chambre.
Au bout d’un moment, il s'aperçut qu'il n'était plus concentré et avait oublié pourquoi il était là.
Agacé contre lui-même, il se remit sérieusement à la recherche du morceau de masque. Mais par
où commencer ?!
Peu à peu, Eli perdit espoir, maudissant sa distraction, quand… il retrouva son chemin ! Il
continua jusqu'à ce qu'il débouche dans une salle de forme ovale. Le jeune garçon y découvrit
une fresque colorée et y remarqua des couronnes. Elle racontait probablement l’histoire des rois
du Kongo. Partout où Eli regardait, il y avait des amphores, des bijoux, des sceptres, des trésors,
de l’or…
Au centre de la pièce, un autel sacré. Il s'y trouvait le morceau du masque brisé ! Eli n'y croyait
pas mais c'était bien là ! Fou de joie, il fonça sans réfléchir et s'en saisit. Immédiatement, le
bâtiment commença à trembler et des pierres s'écroulèrent ! Éli courut de toutes ses forces vers la
sortie. Des roches tombèrent juste devant lui et lui bloquèrent le passage. Il parvint cependant à
en trouver une autre issue. Animé par la peur, Eli put sortir de la cathédrale sans être blessé.
Après cette course effrénée, il n'en pouvait plus.
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Il était essoufflé et n'en croyait pas ses yeux. Il avait réussi à récupérer un premier morceau du
masque ! Il avait eu tellement peur ! Eli chercha Rémi, en espérant que celui-ci aurait repris une
apparence humaine… malheureusement, rien n'avait changé.
- « Rémi, qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi es-tu encore un fantôme?
- Euh… Maintenant que j'y pense, je crois bien que je devais réciter un poème pour…
- Quel poème ? S’il te plaît, Rémi ! le pressa Eli.
- Ben, je ne me souviens plus. Mais, il était censé nous délivrer. C’est un vieux monsieur qui
m’en avait appris les vers.
- Et, il vit où ce monsieur ?
- Je ne sais pas ! Il était étrange. Il m’a aidé quand je cherchais moi-même un morceau du
masque, puis il a disparu le lendemain matin.
- Ok… Il faut trouver un plan…»
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Eli voulait masquer sa tristesse en riant le plus fort possible. Mais au fond de lui, son cœur était
brisé, il était au bord des larmes. Il ne pouvait pas imaginer continuer sa quête sans Rémi. Leur
aventure ensemble avait forgé entre eux une amitié profonde.
- « Le vieil homme m’avait donné une sorte de poudre blanche…
- Quel rapport avec le poème ?
- Il m’a dit qu’elle était magique… peut-être qu’elle pourra nous aider à le trouver ? Tiens !
Rémi lui tendit une petite bourse en peau d’antilope. Eli la prit, un peu confus.
- On fait quoi avec ça?
- Il faut lui demander où vit le monsieur!
- Euh.. ok. T’es vraiment sûr de toi? Tu veux que je parle à une poudre ?!
- Oui…
- Ok… Poudre Blanche, où vit le monsieur qui a aidé Remi ? »
Soudain, la poudre commença à briller, s’éleva dans le ciel et prit la forme d’une petite maison,
recouverte de plantes. Ils se retrouvèrent juste à côté de cette maison, et frappèrent à la porte. Un
vieux monsieur les accueillit. Il avait des cheveux gris, portait des vêtements rouges. Sa peau
était d’une couleur légèrement brune.
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- « Bonsoir monsieur !
- Qui êtes-vous ? dit-il, très surpris.
- Je m’appelle Eli.
- Et votre ami, comment s'appelle-t-il ?
Eli ne comprit pas tout de suite comment il pouvait voir Rémi.
- … Rémi, dit Eli, étonné.
- Ahh, je me souviens de toi, mon grand. Tu voulais trouver un morceau d’un masque.
Qu’est-ce-qui s’est passé ? Tu ne l'as pas trouvé ?
- Non, répondit Rémi.
- Et toi, Eli, tu l’as trouvé pour vous deux ?
- Oui ! Mais il faut réciter un poème avant que je puisse partir. Rémi m’a expliqué que vous le
connaissiez.
- En effet ! Venez, je vais vous réciter les vers…
Ils suivirent le vieil homme, qui les conduisit dans une chambre très sombre. Eli avait des
frissons, il n'était pas à l'aise. L’homme commença à parler.
- Voici une feuille de papier contenant les vers du poème. Ne la perdez surtout pas !
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Il leur donna un papier jauni par le temps.
- Merci beaucoup ! Je ne la perdrai jamais ! dit Eli, excité, mais aussi triste de devoir quitter ce
royaume. Ils se dirent au revoir, mais avant de partir, Eli ne put se retenir.
- Comment avez-vous réussi à voir Rémi? Le monsieur les regarda tristement.
- Un fantôme peut en voir un autre.
- Tu veux dire que tu es un fantôme toi aussi ? dit Rémi.
- Oui. C’est pour cela que je voulais t’aider, pour que mon histoire ne se répète pas.
- C’est-à-dire?
- Je ne peux plus redevenir humain. Trop de temps est passé. Cela fait trois mille ans maintenant.
Allez, il faut que vous vous libériez.
- Merci beaucoup ! dirent Eli et Rémi en chœur.
Ils étaient très touchés par cette histoire, mais comprirent vite qu’ils n'avaient pas le choix, ils
devaient laisser ce gentil monsieur.
- De rien, bonne chance ! »
Les deux garçons partirent à la recherche d'un endroit silencieux. Il fallait faire vite. Ils
trouvèrent un grand arbre à l'écart du bruit de la ville.
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- Prêt ? demanda Eli, et une petite larme glissa sur sa joue.
- Prêt, répondit Rémi, qui lui aussi se mit à pleurer.
Ils se prirent dans les bras une dernière fois, et Eli récita le poème:
Assemble-toi
Masque de roi
Le dernier bout
Esprit Du Tout
J’ai cassé le masque sur un jour de fête
Maintenant je commence ma quête
J’ai combattu le danger
Rien ne m’a arrêté
Le Kongo, j’ai traversé
Entre le fleuve et ses bananiers
Dans la ville d’Inga,
Les Bantous étaient avec moi
Esprit du tout, grand Sage
Je complète ton visage
Et je pourrais te rendre hommage
Rémi s’évapora en tenant la main d’Eli, un sourire triste envahit son visage. Il se retrouva seul, et
soudain, dans la salle blanche. L’esprit du Tout le regardait, satisfait…
Eli ouvrit les yeux. Il pensait
encore à Rémi qui venait de
partir. La lumière l’aveugla. Il
voyait des dunes autour de lui.
Le sable était horriblement
chaud. Sous la chaleur du désert,
il avait terriblement soif. Eli
marcha des heures et des heures.
Il voulait rentrer chez lui, son lit,
sa maison et sa famille lui
manquaient. C'est alors qu’il
aperçut un homme ressemblant à
un touareg. Il avait une peau très
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foncée et était assis sur un chameau. Le petit garçon dévala la dune et l’arrêta. Il lui demanda de
l’amener avec lui sur sa bête et de l’eau pour s’abreuver. Le voyageur refusa qu'il parte avec lui,
mais accepta de lui vendre de quoi boire. Malheureusement, Eli n'avait pas d’argent ! Alors,
l’homme sur le chameau s’en alla. Le petit garçon reprit sa route et continua de marcher. Au bout
de quelques heures, alors qu’il n’en pouvait plus, il aperçut une ville avec une grande rivière à
côté…
C’était le fleuve Niger, il s’y dirigea. Le paysage était magnifique, et apaisant. Il rentra
doucement dans l’eau et commença à boire. Soudain, le courant l’emporta si vite et si loin qu'il
but la tasse. Il se perdit dans les eaux déchaînées, encore et encore, entouré de poissons
multicolores. Il lutta contre le courant, en vain. Alors qu’il se croyait perdu, un hippopotame vint
à sa rescousse. Sans lui, il aurait pu se noyer. La bête se présenta :
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- « Aw ni nyantuma, ne tôgô Mali Sadio.
- Pardon ? répondit-il encore sous le choc.
- Ah, tu parles français ! poursuivit l’animal.
Il s’appelait Mali Sadio. Sa peau était marron, son museau était gris, et il avait une tache blanche
sur le dessus. Il le dépassait d’une tête et il était énorme. C'était un héros et un protecteur pour le
peuple de l'Empire du Mali car il sauvait souvent des personnes de la noyade. Eli était tout rouge.
Il toussait, crachait de l’eau, ses vêtements complètement trempés. Après avoir retrouvé ses
esprits, il se releva et commença à marcher en direction de la ville. Mali Sadio lui proposa de
monter sur lui, et Eli accepta avec gratitude. L’hippopotame marcha jusqu’à ce qu’ils rejoignent
la grande ville…
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- « Mais… Où sommes-nous ? demanda le jeune garçon, alors qu’ils entraient dans l’enceinte.
- Nous sommes à Tombouctou, la capitale de l’Empire du Mali » répondit fièrement
l’hippopotame.
Quand le jeune garçon pénétra dans la ville de Tombouctou, Eli expliqua à Mali Sadio la raison
de sa présence et sa quête des morceaux du masque qu’il avait reçu pour son anniversaire. Il était
encore trempé, encore couvert de boue, mais surtout très affamé ! Les deux se baladèrent et
découvrirent la ville, puis ils se rendirent au marché le plus proche pour y acheter de la
nourriture.
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Au loin, Eli aperçut des tentes marrons et des jeunes hommes qui vendaient des fruits et des
légumes de cette région. Puisque Mali Sadio était connu partout, il put persuader les vendeurs de
lui donner un peu de fruits pour Eli gratuitement. Après un succulent repas, en marchant dans les
rues désertes, il vit une énorme affiche sur un mur en pierre. Il resta figé devant celle-ci, et
essaya de comprendre cette langue étrangère.
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« Masakè Mansa Musa nali sankôrôtali kama, nyôgôndan dô bèna labèn dugu kônô bi. Nyè
kènèmadogo banfla kerenkerenlen dô fan kelen bèna di sebayatigi man. Masakè yèrè le bèna o di
sebayatigi man. »
Mali Sadio traduisit à Eli le texte en bambara :
- « En l’honneur de la venue de l’Empereur Mansa Musa, un tournoi aura lieu au village cet
après-midi. Le vainqueur remportera le bout d’un masque sacré, qui lui sera remis des mains de
l’Empereur. »
Eli comprit alors ce qu' il lui restait à faire. Il inscrit son nom en bas de l’affiche pour pouvoir
participer au combat.
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Il arriva au stade avec Mali Sadio. Les autres
combattants et les spectateurs virent Mali Sadio et
eurent l’air effrayé. Il fut impressionné par le
nombre de personnes au tournoi ! Tout ça pour un
morceau du masque de son grand-père ! Avançant
dans le stade, il s'inquiéta un peu. Il allait devoir
combattre des adultes ! Il pouvait toujours
abandonner mais il devait revenir à son époque et
retrouver sa famille. Et il ne savait rien sur la lutte.
Il n'avait que deux heures avant que ça commence.
Cela lui laissait le temps d’aller lire les règles, de demander à Mali Sadio de traduire et de
trouver une stratégie pour gagner. Les règles étaient plutôt simples : il fallait faire tomber son
adversaire sur les mains, les jambes, les fesses, la tête ou encore sur le dos. La dernière façon
était de le faire sortir trois fois du cercle délimité par des sacs de sable. Il devait combattre et
gagner contre cinq personnes pour obtenir le masque.
Le combat commença. Il était au milieu du stade avec un petit homme qui avait l’air très faible.
Mais, il ne pouvait pas en être sûr jusqu'à ce qu'au début du combat, l'homme courut vers lui,
mais Eli put facilement l’esquiver. Il lui sauta dessus, et prit son bras pour montrer qu’il avait
gagné. Il entra dans les vestiaires, content d’avoir gagné. Tout le monde lui dit que cet homme
était très facile à battre, mais que les autres seraient plus difficiles. Il avait un peu moins peur car
il avait quelques idées pour les vaincre. Serait-il assez bon pour remporter la victoire ? Cela, Eli
l’ignorait encore.
Par chance, Eli n’eut aucun problème à battre les autres. La plupart étaient moins forts que ce
qu’il pensait. À chaque victoire, il renforçait sa confiance en lui et recevait des
applaudissements. L’heure du combat final arriva. Eli se prépara.
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La cloche sonna, et Eli se mit en position. Mali Sadio lui souhaita bonne chance puis alla
s'asseoir dans les gradins. Le jeune garçon vit un grand homme. On pouvait voir à son physique
qu’il était très musclé. Eli avait un peu peur car ce combattant n’était pas du même gabarit que
les autres. L'adversaire ouvrit le combat. Il fonça sur lui plus vite que le premier. Eli eut à peine
le temps de l’esquiver. Il courut autour du ring le plus vite possible. Soudain, il se retourna et
étendit ses bras sur son opposant pour le faire chuter… Triomphe ! L’arbitre sonna le gong et dit
en bambara :
- « Le gagnant de ce tournoi est le dénommé Eli ! »
Après avoir battu le dernier concurrent du tournoi, Eli alla voir Mansa Musa pour réclamer son
du. Il avait peur car l’Empereur était suivi par plus de soixante-mille personnes et beaucoup de
dromadaires. Il était évident qu’il était riche, avec tous ses sceptres précieux et des sacs remplis
d’or sur ses soixante-dix dromadaires.
- « Et pourquoi donc devrais-je donner le masque à un petit enfant comme toi ? dit le roi des
rois.
- Car j’ai gagné le concours ! répliqua Eli avec frustration.
- Petit insolent ! dit Mansa Musa.
- Mais sire, soyez bon joueur, je dois faire quelque chose d’important avec !
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- De quoi s’agit t’il ?
- Ça, c’est un secret !
- Alors comment puis-je te faire confiance ?
- Mali-Sadio me croit, alors s’il vous plaît, faites moi confiance, majesté !
- Tu dis sans doute vrai, mais je ne comprends toujours pas ce que tu pourrais faire avec.
- C’est un cadeau de mon grand-père, alors je voudrais le récupérer pour ne pas l’attrister. Il a été
passé de génération en génération.
- Ah! Tu es un bon petit. Tu aurais pu me le demander avant au lieu de faire le tournoi. Voilà, il
est à toi. Fais en bon usage! »
Derrière son air solennel et austère, Mansa Musa était finalement plus gentil qu’il n’y paraissait.
Eli prit le morceau du masque joyeusement. « Merci ! » dit-il.
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Maintenant qu’il avait acquis le deuxième bout du
masque, il lui fallait désormais retrouver le suivant. Mais
avant cela, il devait dire au revoir à son ami, Mali Sadio.
Mais où était-il donc passé ? se demanda Eli. Il se rendit
donc à la rivière et le retrouva.
Après lui avoir dit adieu, Eli reprit son trajet. Sur le chemin, au milieu du désert, un homme
passa à côté de lui. Il était vieux, il avait un grand foulard sur son dos et il portait un sac. Un livre
en tomba. Il ne s'en rendit pas compte et poursuivit son chemin. Eli ramassa le livre pour le lui
rendre mais c'était trop tard. L’étranger avait disparu. Curieux, Eli ouvrit le livre. En pleine
lecture, il remarqua qu’une page n'était pas comme les autres… Il y était écrit :
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Au Mali, désormais obéis
Voyage dans un autre pays.
Tu vas trouver le masque avec une stratégie
(...)
Assemble toi, Masque de roi
Le dernier bout, Esprit De Tout
J’ai cassé le masque lors d’un jour de fête.
Ici, il y a un roi, et des bourgeois
J’ai rencontré un ami, Mali Sadio,
Pour être précis
Il y avait un tournoi
Et le gagnant remporta
Un bout de masque
Alors, toi qui me parle ici
Apporte moi en dehors du Mali.
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En bas de la page il y avait écrit qu'il fallait répéter cette poésie à voix haute. Eli commença à la
répéter et il remarqua tout de suite qu'il était entouré de magie.
Quand il finit de prononcer la dernière phrase, il se retrouva dans un endroit particulier. Où
était-il encore tombé…?!
Le sol était de couleur ocre rouge et il y avait quelques baobabs autour de lui. Les maisons
étaient faites en terre avec des toits en chaume. Au loin, il distingua un paysage très vert avec
plein d’arbres et des éléphants. Il se demandait comment un lieu rempli de verdure, de forêts et
de rivières pouvait côtoyer l'endroit sec où il se trouvait. Tout à coup, il entendit un son étrange
qui venait d’un peu plus loin. Il suivit ce bruit jusqu'à l'entrée d'une cité, traversa la foule des
habitants, et découvrit un défilé ou plusieurs hommes jouaient de longs instruments à vent
bizarres d'environ deux mètres de long. Il arrêta alors une vieille dame, et lui demanda :
- « Excusez-moi, C'est quoi cet instrument? Est-ce une longue trompette ?
La vieille dame rit puis répondit :
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- Tu dois être nouveau ici ! Cet instrument s’appelle le kankangui. Il est utilisé par les kirikous
pour annoncer l’arrivée de la famille royale ou du Roi. Cette fois-ci, c’est l'arrivée du roi.
- Intéressant ! reprit Eli. Pouvez-vous me dire où je suis ? Et quel est votre nom ?
- Tu es au Royaume de Dahomey, répondit cette dernière. Je m’appelle Deyda, je suis une
ancienne Minon (une amazone) qui s’est battue pour le Royaume.
- Qu’est-ce que c’est des Minons ? questionna Eli.
- Une Minon est une femme qui protège le roi des ennemis et qui se bat pendant les guerres.
Eli, impressionné, lâcha un léger : « Wouah »
Le ventre d'Éli gargouilla, ce qui fit sourire la vieille femme.
- Viens chez moi prendre le thé. Je t'en dirai un peu plus sur le Royaume, et tu pourras manger à
ta faim, ajouta-t- elle.
- D’accord ! s'exclama-t-il.
Il écouta le kankangui une dernière
fois puis partit avec la vieille dame.
Une fois arrivé chez elle, Deyda lui
raconta son histoire : elle portait très
souvent un arc sur son épaule, ou
une épée. Elle avait toujours un
couteau à sa ceinture sur le côté.
Elle était dans sa jeunesse, la cheffe
de sa troupe d'Amazones. Elle avait
pour habitude de combattre sur un
cheval nommé Dotou. Elle avait
troqué ses vêtements de combat
pour une robe rouge avec des motifs
jaunes. Deyda avait une peau noire
et des cheveux bruns. Ses yeux de
couleur bleue ressortaient grâce au
contraste de sa peau.
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- « Et toi comment t’appelles-tu ? continua Deyda.
- Je m’appelle Eli, j'ai treize ans et je suis à la recherche d’un morceau de masque…
Il expliqua son histoire, depuis le jour où il l'avait brisé. Deyda écouta son histoire très
impressionnée. Eli poursuivit :
- J’ai besoin de votre aide !
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La sage du village dit à Eli :
- « Je pense savoir où trouver le bout du masque dont tu parles.
Stupéfait, ce dernier la supplia de l'aider à le retrouver. Alors, elle lui donna ce conseil :
- Il se trouve dans le temple des Pythons. Nous le trouverons en suivant la direction du soleil…»
Pas de temps à perdre ! Eli et Deyda se mirent en route, après s’être tous les deux préparés pour
ce grand voyage. Ils allaient devoir marcher longtemps… à peu près deux semaines.
Cinq jours passèrent et ils prenaient toujours vers l'ouest. Il ne restait environ qu'une semaine de
marche. Mais avant, ils devaient surmonter juste une épreuve qui allait bientôt arriver sur leur
chemin. Deyda avait déjà réussi ce défi plusieurs fois mais Eli ne l'avait jamais fait ! La sage
pensait qu’il allait réussir car il avait un véritable potentiel et une grande confiance en lui.
Eli se questionna sur les conséquences des morsûres des serpents au temple. Peut-être qu’il
n’allait pas s'en sortir vivant... Enfin, Eli et Deyda parvinrent au temple des pythons. Par chance,
ils purent éviter le chemin avec l'épreuve dont Deyda parlait. Ils empruntèrent un autre passage
pour y arriver. L'aventure venait tout juste de commencer…
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Le temple était très grand et avait beaucoup de vieilles gravures sur les murs. Il y avait de l'écho
quand on parlait dans le temple, c’était trop cool ! La porte était très large et il faisait très chaud à
l'intérieur. Cela faisait déjà trois heures qu’ils avaient enfin élaboré un plan pour réussir à passer
ces horribles serpents ! Ils étaient prêts à récupérer le morceau de masque.
- « Fais attention aux pythons ! » alerta Deyda.
Eli regarda bien autour de lui. Il entendit des sifflements, et se rendit compte qu’ils étaient
partout dans le temple. Eli chercha la salle où le morceau de masque était caché, et prit soin
d'éviter les serpents. Soudain, un grand python se rapprocha de lui. Il sursauta. Il esquiva les
vipères et les couleuvres qui chutaient du plafond. La Minon semblait très bien les éviter,
contrairement à lui !
La salle principale était sombre, avec de la mousse entre les dalles.
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- « Maintenant, il faut trouver la pièce où se trouvent les objets pillés, ajouta Deyda. Mais tu dois
y aller tout seul, dit-elle.
- Oui, mais je ne suis pas capable d'y aller seul ! s'écria-t-il d'une voix forte.
- C’est à toi de finir ton aventure tout seul, répondit Deyda.
- S’il vous-plaît, venez avec moi ! Je ne vais pas pouvoir y aller si vous n'êtes pas à mes côtés,
s'exclama Éli.
- Bon… d’accord » céda Deyda.
La femme et Éli continuèrent à marcher dans le temple. Deyda rappela à Éli que le morceau de
masque était caché à l'intérieur d'une des sculptures. Soudain, ce dernier vit un python qui tenta
de le mordre. Il s’écarta de justesse ! Deyda avança sur son chemin, sans se retourner. Eli regarda
le plafond et prit peur. Il y avait vingt… non ! trente pythons, rampant au plafond et sur le point
de tomber. Puis, il sentit quelque chose qui mordit sa basket. Il baissa doucement sa tête…
« Oh non…» se dit-il.
C’était le même python qui avait déjà essayé de le mordre. Auparavant, Éli ne connaissait pas
grand-chose aux serpents mais maintenant il arrivait à les éviter de justesse.
- Ne le touche pas ! l’avertit Deyda. Et ne regarde pas derrière toi, on
ne sait jamais ce qui peut se passer…
L'écho de sa voix s'éloigna tout doucement alors qu'une brise légère
balaya les couloirs du temple.
- « Eli ! J’ai trouvé la salle, viens ici ! »
Eli souffla, soulagé, et suivit la voix de Deyda. Après quelques
minutes, il la retrouva dans une grande salle.
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Il observa plusieurs œuvres d’art et de sculptures entourées d’horribles pythons. Il y avait
beaucoup de couleurs et de formes représentant chacune un dieu. Les dieux étaient moitié
humain, moitié animal. L'enfant se souvint que Deyda lui avait dit qu’elles pesaient toutes
environ deux-cent kilos. Il allait être difficile de savoir où le morceau de masque se trouvait.
Deyda remarqua le dieu avec la tête de poisson, elle pensa que le morceau se trouvait à
l'intérieur. La statue était bleue avec une épée dans sa main. Eli trouva une grosse pierre dans le
coin de la salle. Il la donna à Deyda.
La sage s’apprêtait à briser la statue avec, quand Eli l’arrêta : « Attends ! »
Le garçon courut vers la statue du lion féroce. Il retira un peu de terre de son corps et ils virent le
symbole du village. Le garçon appuya dessus. Soudain, la tête du lion tourna doucement et
tomba au sol ! Les pièces s'éparpillèrent, emportées par les courants d'airs froids. Seule une pièce
restait : le morceau du masque!
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Deyda la prit dans sa main, impressionnée. Eli resta bouche bée, il n’en croyait pas ses yeux.
Deyda était fière de lui, elle qui doutait de lui au début. Maintenant, Eli se sentait plus
courageux, plus vaillant que jamais ! Deyda le prit par le bras et ils sortirent de la salle ensemble.
Étrangement, quand les pythons les virent avec le morceau du masque, ils s'enfuirent à toute
vitesse. Même le python qui avait tenté de mordre Eli semblait maintenant terrifié. Eli et Deyda
sortirent du temple, braves et victorieux !
Alors qu’ils étaient dehors, il la remercia de l’avoir aidé. Alors qu'ils se dirigeaient vers le village
de la sage, Eli se rendit compte qu’un petit bout de parchemin était collé sur le morceau de
masque. Il y était écrit :
Merci à toi Sage du Village,
De l’avoir guidé au temple des pythons,
Grâce à toi je ne suis plus dans les nuages.
Tu l’as aidé à retrouver son chemin,
Car ce royaume était son destin.
Maintenant qu’il a réuni les bouts de mon visage,
Il va au royaume du Songhaï,
Qu’il fasse un bon voyage!
- « Encore un poème ? s’exclama Eli.
- Que vas-tu faire maintenant, jeune garçon?
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- Avant d'atterrir ici, j’étais dans d’autres royaumes, pour vivre différentes aventures. Je dois
continuer mon voyage et je dois prononcer ce poème devant le fragment de masque. Cela va me
transporter dans le prochain royaume : le Songhaï.
- Cela veut dire que tu vas nous quitter là, tout de suite, maintenant ?
- J’imagine.
- Tu vas me manquer, ça, c’est sûr.
Eli lut le poème inscrit sur le bout du masque à voix haute, devant les yeux humides de Deyda. Il
commença à éprouver la même sensation que les trois dernières fois. Puis, tout disparut. Deyda,
le paysage de Dahomey, le sol ocre, les maisons de terre au loin… Une nouvelle aventure
l'attendait…
Eli arriva en effet dans l’empire du Songhaï. C’était le plus important empire de l’Afrique de
l’Ouest. Tout le paysage était désert et avait très peu de végétation. Il n'y avait que quelques
arbres et buissons desséchés. Même si ce royaume n’avait pas beaucoup de plantes, c'était très
beau. Le royaume se situait au Sahara, le désert le plus chaud et le plus grand du monde. Sa
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capitale s'appelait Gao, elle était peuplée de cent mille personnes. À l’horizon, Eli vit le palais du
roi, il brillait ! Il était fait d’une matière proche de l’or et du bronze. De plus, le soleil reflétait sa
lumière sur le monument. La vue était magnifique ! L’armée comprenait environ dix mille
cavaliers. Askia Mohammed régnait sur l’empire du Songhaï. Cet empereur avait utilisé des
esclaves comme soldats. Le royaume avait établi l’esclavage au 15 siècle.
Eli marcha encore quelques mètres, puis aperçut une étrange créature. Il suivit un fennec qui
l’emmena jusqu’à un endroit où l’on voyait des pirogues débarquer sur une rive. De l’autre côté
du fleuve, Eli distinguait des maisons faites en boue, en pierres et en sable, avec des bâtons pour
garder les structures stables. À cet endroit, les habitations étaient minuscules. À côté, il y avait
quelques plantations où l’on trouvait des légumes et des fruits, et les habitants y élevaient des
animaux comme des poules, des cochons et des vaches.
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Eli avait encore quelques pièces dans sa poche. Il traversa un pont pour se rendre au marché et
s'acheta un peu de riz. Il avait l’air délicieux ! Puis, il entendit des musiciens jouer et alla leur
demander comment s’appelaient leurs instruments. Ils lui répondirent que ces tambours étaient
des djembés et des tamas, et les autres, des koras. Ils étaient garnis de peau de chèvre ou
d’antilope, tendus par un tressage de cordes. Eli appréciait beaucoup ce type de musique. En
achetant des courges, il rencontra une personne qui, apparemment, se nommait Kenza. Il voulait
s’acheter quelque chose qui ressemblait à du blé. Cela s'appelait le sorgho, mais c’était beaucoup
trop cher.
Finalement, il se dirigea vers une pyramide car il y avait souvent des objets anciens et le bout du
masque pourrait y être caché. Eli la trouvait effrayante, c’était comme un labyrinthe tout noir.
L'odeur était nauséabonde ! Eli vit des gravures antiques d’hommes et des squelettes. Il chercha
et chercha encore mais ne trouva rien. Il lui fallut des heures pour sortir de cet enfer !
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De retour au village, Eli commença à marcher, mais il eut peur. Tout le monde le regardait
comme s'il ne vivait pas ici. Peut-être à cause de son Apple Watch attachée à son poignet ?
Personne d’autre que lui ne semblait en avoir. Il portait même un t-shirt rouge, un jean bleu, et
des air force toutes blanches, alors que les paysans qu'il croisait semblaient pauvres. Leurs habits
étaient complètement abîmés. Ils étaient marrons avec des taches partout ! Il y avait même des
trous qui étaient mangés par des mites !
Eli continua sa route et observa autour de lui. Il voyait des marchands qui vendaient du pain, des
petites maisons construites en peau d’animaux et même des musiciens. Il poursuivit sa
promenade. Plus il marchait, plus il avait soif, mais il ne savait pas où la rivière se situait. C’est
alors qu’il remarqua une belle et grande maison et il décida de frapper à la porte. Une grande
dame lui ouvrit. Elle semblait être riche, très riche. Il le savait car sa demeure était gigantesque
comparée aux autres, mais aussi, car elle portait une belle robe en soie avec des couleurs vives,
ainsi que des bijoux luisants dorés avec des émeraudes. Elle avait aussi de très grands yeux
bruns, ils étaient intenses. Eli commença par se présenter.
- « Bonjour, je m’appelle Eli ! »
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Mais elle ne semblait pas ravie de lui parler. Son regard
était froid. Il lui demanda où il pourrait trouver une rivière
pour chercher à boire. Elle lui dit de marcher tout droit, et
d'aller vers la gauche jusqu'à ce qu'il entende le bruit d’un
cours d’eau. Eli commença sa promenade et finalement
arriva à la rivière. Il s’approcha de celle-ci, puis il se
désaltéra. En tournant la tête vers la droite, il aperçut une
jeune femme. Qu’elle était jolie ! Eli continua d’observer
cette femme étrange, en pensant : « Elle est tellement belle
avec ses yeux bruns, et ses cheveux noirs. » Sa peau noire
était lisse comme une olive magnifique et elle portait des
superbes vêtements blancs pour se protéger du soleil, qui se
reflétait dans ses yeux. Comme il avait besoin d’aide pour
trouver le masque, et que cette fille avait l’air gentille, il
pensa qu'elle pourrait peut-être l'aider. Il l’approcha, le
cœur battant à tout rompre.
- « Hum… b…b … bonjour ?
Elle se retourna, et lui lança le plus beau sourire du monde.
Il s'avança encore un peu plus d’elle, et il la reconnut.
C’était celle qu'il avait aperçu au marché ! Eli rassembla
son courage et lui dit :
- Je m’appelle Eli, et toi ?
- Moi, c’est Kenza.
- Kenza, quel beau nom ! s’exclama-t-il.
- Merci ! C’est le nom d’une princesse berbère.
Eli décida que c’était le bon moment pour lui demander de l’aide concernant le masque.
- Je voudrais te demander si tu as vu un morceau d’un vieux masque en bois ?
- Non je ne crois pas, mais mon maître en possède plein, je pourrai t’emmener chez lui et te les
montrer si tu veux. »
Eli accepta sa proposition. Ils partirent ensemble en direction de la maison du
maître de Kenza.
Sur le chemin, Kenza dit à Eli :
- « Tu sais, la famille pour laquelle je travaille a accès à une tombe qui a plein
de reliques à l'intérieur.
Eli n'en croyant pas ses oreilles.
- Kenza, je recherche cette tombe ! Tu peux m'aider à la trouver ? » Comme
Kenza était très généreuse avec un grand cœur, elle accepta bien volontiers.
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Après des heures de marche, ils arrivèrent enfin à destination. Devant eux se tenait un grand
palais. Ils y pénétrèrent. Celui-ci était vide. Kenza les guida dans le tunnel, très sombre, éclairé
uniquement par la torche qu'elle tenait. Ils ne voyaient quasiment rien, et ils sentaient que de la
boue recouvrait peu à peu leurs souliers. Ils marchèrent. Après un long moment, ils arrivèrent à
la tombe. Ils entrèrent, et aperçurent des sortes de singes bleus noirs très grands, qui avaient l’air
féroce. Ils gardaient la partie du masque derrière eux, et attaquèrent soudainement les deux
enfants ! Quelqu’un ou quelque chose commença mystérieusement à jouer du Tama. C’étaient
des créatures d’un mythe de la création de l’empire du Songhaï. Il est raconté que l'Empire de
Songhaï a été créé autour de ces singes pour qu'ils puissent protéger le masque magique.
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Eli trouva une épée d'or dans les mains d'une statue. Il la prit. Puis, un singe se lança sur lui et
après quelques minutes de combat, un autre singe lui lança des morceaux de roche, un autre tenta
de le griffer et un dernier l'attaqua par le haut. Eli laissa tomber l'épée et la longue bataille prit
fin. Il était épuisé et soulagé. Du moins, c'est ce qu'il leur fit croire. Dans un dernier effort, il
récupéra l'épée et vainquit tous les singes. Derrière les singes inanimés, sur un podium en
marbre, se trouvait la dernière partie du masque tant recherchée. Eli et Kenza s'en approchèrent
et s'en saisirent.
De retour au palais, il assembla les quatre morceaux du masque et prit d'une soudaine envie de
devenir poète, inventa et récita un poème qui récapitulait ses aventures :
Assemble toi
Masque de roi
Le dernier bout
Esprit de Tout
J’ai brisé ton masque un jour de fête
Alors j’ai commencé ma quête
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J’ai combattu le danger
Rien ne m’a arrêté
Le Kongo, j’ai traversé
Entre le fleuve et ses bananiers
Dans la ville d’Inga,
Les Bantous étaient là
Puis j’ai rencontré un ami, Mali Sadio,
Pour être précis
Il y avait un tournoi
Et le gagnant remporta
Un bout de masque
Alors, toi qui me parle ici
Tu m’as apporté hors du Mali
Merci à toi Sage du Village,
De m’avoir guidé au temple des pythons,
Grâce à toi je ne suis plus dans les nuages.
Tu m’as aidé à retrouver mon chemin,
Car ce royaume était mon destin.
Et maintenant j’ai fini ma quête
J’ai complété ton visage
Nous pouvons te rendre hommage
Grâce à toi maintenant
J’ai vu quatre royaumes différents
Hier Songhaï, aujourd’hui
Empire du Mali
Tes richesses, ton agriculture
Font de toi une merveilleuse culture
Religion et monarchie
Règnent dans ce pays
Fondateur de Songhaï
Ton guerrier Sonni Ali
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N’est plus du monde d’ici
J’ai aimé au fait
L’empire de Dahomey
Avec tous ses djembés
Il est très beau
Le royaume du Kongo
La culture c’est presque trop
Après quatre royaume tous unique
Tout comme l’art et la musique
Épuisé, au bord du Niger
Tout est sable et désert
Je voudrais revoir mes frères
Quand je suis venu ici
Cela a changé ma vie
Cette expérience bizarre est maintenant finie
Bref, tout ça pour te dire merci !
Esprit de tout apparaît
Car je t’ai complété
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Le masque se mit à briller de toutes les couleurs, et l’Esprit du Tout apparut. Il était complet, il
avait retrouvé un visage ! Eli se frappa le front pour être sûr de ne pas rêver, car ce jour-là c'était
Holi, la fête multicolore !
Eli se retrouva dans sa chambre, le masque à la main. Il était de retour ! Il regarda autour de lui,
mais pas de doute, il avait bel et bien réussi ! Le jeune garçon était très soulagé d’avoir terminé
cette aventure extraordinaire. Fou de joie, il se mit à sauter en l'air. Il avait eu tellement peur de
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ne jamais rentrer chez lui ! Il courut en direction du salon pour aller embrasser ses parents. Ces
derniers furent très surpris de le découvrir aussi content. Ils lui avaient tellement manqué ! Ils lui
demandèrent ce qu'il s'était passé. « C'est une longue histoire…» répondit-il.
Après quelques minutes, lorsqu'il retourna dans sa chambre, l'Esprit du Tout se tenait devant lui.
- « Bonjour Eli. As-tu réparé ton erreur ? » demanda-t-il d'une voix grave.
- Oui ! Non seulement j'ai réparé le masque, mais j'ai aussi appris beaucoup de choses.
- Place le masque sur ta figure Eli. Cela te portera chance.»
Eli s'exécuta. En fermant les yeux, il se remémora toutes les personnes qu'il avait rencontrées au
cours de son voyage. Il se sentit soudain plus heureux, apaisé, confiant. Il repensa à tout ce qui
s’était passé. Il avait tellement mûri ! Il se sentait aussi un peu nostalgique, car il avait rencontré
des amis qu'il ne reverrait probablement jamais.
Lorsqu'Eli retira le masque, l’Esprit de tout avait disparu. Tout était redevenu comme avant. Un
cadeau se trouvait devant lui, sur son lit.
Eli regarda la date sur sa montre : c'était toujours la journée de son anniversaire…
FIN
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