et loufoque, mais au moins si vous tombez dessus c’est que vous suivez
jusque-là.
Toutes proportions gardées il est simple de comprendre que l’essentiel
de ce qui permet de vivre dignement réside dans “le gîte et le couvert”.
Pouvoir dormir, s’abriter, se nourrir et en oubliant à l’épreuve de l’usage
qu’un dieu quelconque puisse y pourvoir.
Les besoins essentiels des humains sont ainsi décrits assez bien. On y
ajoute au fil du développement des sociétés humaines quelques droits
complémentaires visant à limiter le bordel habituel qui ne manque pas
de perturber un jour ou l’autre la vie tranquille et pépère de chacun, on
envisage donc de faire en sorte que chaque personne, dignement, vive
en bonne santé autant que possible et dans un monde en paix.
Les sociétés humaines ont mis en place des règles communes dans
lesquelles les humains à part entière sont des citoyens, membres de la
cité, dont les droits fondamentaux incluent en règle général l‘accès au
gîte, au couvert, aux soins et la sécurité.
Si intuitivement d’ailleurs on considère que le fait d’avoir la paix est
renvoyé à la sécurité, c’est qu’en fait on tient compte d’un domaine
précis dans lequel chaque personne peut disposer de sa tranquillité, par
différence avec le domaine public où tout le monde devrait se tenir
“bien”.
Avoir un chez soi ! Peu importe comment et de quelle manière, mais
un chez soi pour y faire à l’abri ce que tous les êtres humains font ...
manger, dormir, digérer, se distraire parfois, et prospérer et se
multiplier aussi ... enfin bref des trucs qui en principe relèvent de la vie
privée. Et pour bien faire, il est bien et sage que ce chez soi ne soit
pas, comme au temps de la préhistoire, un endroit qui doit changer
tous les trois matins.
Avoir un chez soi qui change pas tous les trois matins, ça permet aussi
d’avoir un petit stock de riz, de farine, pour pas être obligé d’aller aux
champs ou au moulin tous les matins.
Bien , à la préhistoire c’était plus simple, c’est devenu plus compliqué,
surtout qu’il va falloir qu’on se dépêche d’inventer quelque chose pour
pouvoir acheter à bouffer et payer le loyer ou le crédit de la maison.
51
Ce qui est capital et ce qui
ne l'est pas
Le mot capital est un de ces mots fourre-tout qui peut rendre parfois
un peu flou son sens contextuel. Ce qui est capital est à l’origine ce qui
est le plus important, ce qui vient en premier.
La philosophie conduit à la politique, parce que la politique est
indissociable de la philosophie politique, qui étudie particulièrement la
recherche d’un universel en se portant sur la recherche de ce qui est
juste, meilleur ou légitime. En philosophie politique on s’intéresse à
l’étude des questions relatives au pouvoir politique, à l'État, au
gouvernement, à la loi, à la politique, à la paix, à la justice et au bien
commun par exemple. Mais contrairement à la politique qui n’en fait
pas forcément cas, la philosophie politique s’attache avant tout à la
vérité.
La politique conduit à l’économie politique. Depuis le 17ème siècle des
gens ont formalisé de plus en plus les tenants et aboutissants de ce qui
permet à la société dans son ensemble de fonctionner et comment
organiser les choses. L’économie politique est souvent, en fonction des
modes, confondue avec l’économie tout simplement, dans son
appellation. On distingue en réalité et en principe l’économie
domestique de l’économie politique.
Ce qui est capital en économie c’est à priori la somme des moyens
nécessaires pour entreprendre une activité quelle qu’elle soit. Pour
l’entreprendre et éventuellement pour la faire vivre ou perdurer.
J’ai besoin d’un crayon, pour écrire. Je me rends chez Jules, qui est
commerçant, et qui vend des crayons. Je lui en achète un pour 50
centimes. Je repars avec et je suis content. J’ai échangé 50 centimes
de mon argent contre un crayon.
Je ne sais pas fabriquer de crayons. Jules en vend, donc tout va bien,
du moment que je trouve 50 centimes pour en acheter un. Ce n’est pas
que les crayons soient compliqués, mais il faut équiper une mine dans
52
un bâton de bois, avoir des outils pour le faire, ça prend du temps, et
moi, mon travail est d’écrire, pas de faire des crayons.
Jules en vend des crayons. Il ne les fabrique d’ailleurs pas lui-même. Il
les achète à Marcel. Marcel son truc c’est de fabriquer des crayons. Il
en fabrique 2.000 chaque jour avec sa machine qu’il a pu obtenir. La
machine a coûté bonbon, 20.000 écus, et Marcel n’avait pas la somme
bien sûr, mais il a été voir Rodolphe le banquier qui lui a prêté les sous.
Rodolphe n’a pas 20.000 écus, mais il connaît des gens qui avaient ça
et qui ne l’utilisaient pas. Il a mis en relation les gens aux 20.000 écus
avec Marcel, qui a obtenu les 20.000 écus pour acheter la machine à
crayons et il a commencé à fabriquer des crayons, ce qui lui a permis
d’avoir des gens comme Jules qui lui en achètent des lots pour les
revendre à des gens comme moi.
En vendant des lots de crayons, Marcel gagne des sous pour
rembourser le prêt de la machine à fabriquer les crayons. Il a fini de la
payer, avec les intérêts pour que ceux qui ont prêté l’argent soient
content, et le banquier aussi qui prend quelques confettis au passage.
Maintenant que sa machine est payée, Marcel dispose de celle-ci
comme capital. Et on peut dire pour faire simple que son capital est le
prix de la machine. Plus le stock de crayons qu’il a fabriqués d’avance
par exemple.
Jules, lui, il achète 100 crayons par semaine à Marcel. Son petit stock
de crayons qu’il paye 25 centimes à Marcel, ça représente un petit
capital qu’il investit. Les 25 écus qu’il mise c’est son capital pour la
semaine. Il vendra les crayons dans la semaine pour en acheter
d’autres. Et comme il les vendra pour 50 centimes le crayon, il
récupèrera ainsi 50 écus. Les 25 écus de son capital il les retrouve à la
sortie, ce qui lui permet de racheter le prochain lot de crayons. Et les
25 autres écus c’est son revenu.
Revenu et capital sont deux choses différentes. On peut vivre en
dépensant le revenu, si on dépense le capital ... plus de crayons la
semaine suivante, le commerce est foutu.
Vu comme ça le capital c’est assez simple. Tout n’est pas toujours aussi
simple.
53
Quand Marcel a emprunté des sous pour s’équiper de la machine, il a
pris l’engagement de payer cet emprunt, avec des intérêts. Il a obtenu
la machine, mais elle ne lui a pas appartenu pour de bon tant qu’elle
n’était payée complètement. Il en avait l’usage, mais pas la propriété.
Il pouvait l’utiliser, mais n’en disposait pas totalement. Le banquier qui
a trouvé l’argent a fait en sorte que la machine soit payée à son
fabricant, et a pu disposer de la propriété de la machine jusqu’à ce
qu’elle soit payée. Les crayons que Marcel a fabriqués lui appartiennent,
ce sont les fruits de son travail. La machine est utilisée par Marcel. Mais
seul Rodolphe en dispose comme il le souhaite et peut reprendre la
machine, par exemple si Marcel ne peut pas continuer de rembourser
l’emprunt.
Une fois que Marcel a payé complètement le prêt il devient alors
propriétaire pleinement et peut disposer de sa machine comme il
l’entend.
Le capital de Marcel est donc une chose qui n’est pas tout à fait si simple
et qui dépend de ce qu’il a pu mettre dans son affaire comme argent.
En empruntant il a trouvé un investisseur. Et tant qu’il était dépendant
de cet investisseur, son affaire ne lui appartenait pas vraiment.
On ne perçoit pas toujours la complexité des arrangements qui
permettent à tout un chacun de faire des choses parfois très simples.
Hier je suis allé prendre quelques cerises chez Gudule. Gudule avait
exposé de superbes cerises bien noires et juteuses, j’en ai pris un petit
paquet, tout content de pouvoir rentrer avec à la maison. Posées sur la
table, je me suis fait plaisir d’en manger quelques-unes à l’abri sous
mon toit.
Il a fallu l’acheter ce toit, faire un emprunt auprès de Rodolphe, et le
rembourser, ce qui a pris des années et des années. C’est cher un toit,
surtout qu’on a voulu mettre des murs et des fenêtres en dessous.
Rodolphe a pris ses confettis. Mais comme il a prêté les sous, on est
content lui comme moi.
Gudule a acheté les cerises à Marwan qui s’occupe de ses vergers dans
le Lot. Ces jours-ci il en ramasse beaucoup des cerises. Du coup il y a
Gilbert avec son camion qui passe prendre la récolte et qui fait la
54
tournée jusqu’à Paris pour distribuer les cerises à tous les épiciers qu’il
connaît.
Le camion de Gilbert a bien coûté un peu cher. Il l’a acheté chez
Toutencamion. Et Gilbert n’avait pas les sous. Mais il a vu Rodolphe, et
il a obtenu un prêt aussi. Ça lui a permis de payer le camion qui venait
d’être terminé à l’usine.
A l’usine il y a des ouvriers qui fabriquent les camions en découpant,
fraisant, ponçant, ajustant, peignant ... ils assemblent le verre qui vient
de Douai, avec les tôles qui sont faites en Moselle, les pièces du moteur
au Havre, et eux ils sont à Rennes.
Mais pourquoi font-ils comme ça ?
Platon, ce n’est donc pas nouveau, met en scène, dans son dialogue,
La République, Socrate discutant avec plusieurs personnes, et dans un
des livres du dialogue il y explique les raisons qui conduisent les
humains à diviser le travail en fonction des compétences et des affinités
de chacun.
Il est plus simple de procéder ainsi parce que les humains en
s’organisant de la sorte peuvent plus facilement faire avancer les
choses et progresser.
Extrait du dialogue de Platon La République, Livre II, 369-370 :
Socrate - Ce qui donne naissance à une cité, repris-je, c'est, je crois,
l'impuissance où se trouve chaque individu de se suffire à lui-même, et le besoin
qu'il éprouve d'une foule de choses ; ou bien penses-tu qu'il y ait quelque autre
cause à l'origine d'une cité ?
Adimante - Aucune, répondit-il.
Socrate - Ainsi donc, un homme prend avec lui un autre homme pour tel emploi,
un autre encore pour tel autre emploi, et la multiplicité des besoins assemble
en une même résidence un grand nombre d'associés et d'auxiliaires ; à cet
établissement commun nous avons donné le nom de cité, n'est-ce pas ?
Adimante - Parfaitement.
Socrate - Mais quand un homme donne et reçoit, il agit dans la pensée que
l'échange se fait à son avantage.
Adimante - Sans doute.
Socrate - Eh bien donc ! repris-je, jetons par la pensée les fondements d'une
cité ; ces fondements seront apparemment, nos besoins.
Adimante - Sans contredit.
55
Socrate - Le premier et le plus important de tous est celui de la nourriture, d'où
dépend la conservation de notre être et de notre vie.
Adimante - Assurément.
Socrate - Le second est celui du logement ; le troisième celui du vêtement et
de tout ce qui s'y rapporte.
Adimante - C'est cela.
Socrate - Mais voyons ! dis-je, comment une cité suffira-t-elle à fournir tant de
choses ? Ne faudra-t-il pas que l'un soit agriculteur, l'autre maçon, l'autre
tisserand ? Ajouterons-nous encore un cordonnier ou quelque autre artisan pour
les besoins du corps ? - Certainement. - Donc, dans sa plus stricte nécessité, la
cité sera composée de quatre ou cinq hommes.
Adimante - Il le semble.
Socrate - Mais quoi ? faut-il que chacun remplisse sa propre fonction pour toute
la communauté, que l'agriculteur, par exemple, assure à lui seul la nourriture
de quatre, dépense à faire provision de blé quatre fois plus de temps et de peine,
et partage avec les autres, ou bien, ne s'occupant que de lui seul, faut-il qu'il
produise le quart de cette nourriture dans le quart de temps des trois autres
quarts, emploie l'un à se pourvoir d'habitation, l'autre de vêtements, l'autre de
chaussures, et, sans se donner du tracas pour la communauté, fasse lui-même
ses propres affaires ? [...]
Adimante - Peut-être, Socrate, la première manière serait-elle plus commode.
Socrate - Par Zeus, repris-je, ce n'est point étonnant. Tes paroles, en effet, me
suggérent cette réflexion que, tout d'abord, la nature n'a pas fait chacun de
nous semblable à chacun, mais différent d'aptitudes, et propre à telle ou telle
fonction. Ne le penses-tu pas ?
Adimante - Si.
Socrate - Mais quoi ? dans quel cas travaille-t-on mieux, quand on exerce
plusieurs métiers ou un seul ?
Adimante - Quand, dit-il, on n'en exerce qu'un seul.
Socrate - Il est encore évident, ce me semble, que, si on laisse passer l'occasion
de faire une chose, cette chose est manquée.
Adimante - C'est évident, en effet.
Socrate - Car l'ouvrage, je pense, n'attend pas le loisir de l'ouvrier, mais c'est
l'ouvrier qui, nécessairement, doit régler son temps sur l'ouvrage au lieu de le
remettre à ses moments perdus.
Adimante - Nécessairement.
Socrate - Par conséquent on produit toutes choses en plus grand nombre,
mieux et plus facilement, lorsque chacun, selon ses aptitudes et dans le temps
convenable, se livre à un seul travail étant dispensé de tous les autres.
PLATON dans La République, Livre II, 369-370
En quelque sorte, si Marwan devait aller vendre au petit matin à Paris
les cerises qu’il a récolté la veille, il est probable qu’il ne pourrait pas
56
récolter d’autres cerises aujourd’hui. Et rapidement il y aurait des
monceaux de cerises bouffées par les oiseaux, tombées par terre et
abîmées, ce qui rendrait compliqué les choses pour que tout le monde
puisse en acheter. Et pour ce qui concerne Gilbert, conduire un camion
il connaît, mais pour ce qui est d’en fabriquer un c’est un autre poème.
Et je ne fais pas dans le détail, mais il faut en plus produire et livrer du
carburant pour le camion.
Si le travail des humains n’était pas ainsi divisé en tâches
intelligemment réparties, se régaler de cerises juteuses de chez
Marwan, dans Paris, serait assez compliqué.
Adam Smith, philosophe écossais du 18ème siècle, a repris ces idées à
son compte et en a fait une théorie reconnue comme étant fondatrice
de l’économie libérale. Karl Marx qui a souhaité démontrer les travers
de l’économie libérale considérait Adam Smith et ses adeptes
contemporains comme les classiques. De fait Adam Smith était un
philosophe dont le talent pour ce qui concerne l’économie politique a
été de faire la meilleure synthèse des travaux de nombreux théoriciens
de l’époque. Les tenants du libéralisme économique en font la
référence.
Il faut toutefois souligner le fait qu’Adam Smith a apporté une définition
précise de ce qui porte la richesse des nations, s’opposant ainsi à
nombre de penseurs qui prétendaient que la richesse était, pour les
mercantilistes, basée sur l’or et les métaux précieux, ou pour les
physiocrates sur la production agricole.
Adam Smith définit que la valeur de l’or et de la monnaie n’est pas la
richesse mais seulement un moyen d’échange des richesses constituées
par l’ensemble des produits qui agrémentent la vie de la nation tout
entière, c’est-à-dire de toutes les classes et de toutes leurs
consommations. Et il précise que la richesse a pour origine le travail
des humains. La monnaie n’est qu’un intermédiaire selon Adam Smith,
qui rejoint en ceci la vision d’Aristote, disciple de Platon, qui lui-même
était disciple de Socrate.
Analysant l’économie de son temps, Adam Smith distingue trois
grandes causes de l’enrichissement de la nation : la division du travail,
l’accumulation du capital, et la taille du marché.
57
L’accumulation du capital en économie décrit principalement deux
choses :
- dans l’économie globale il s’agit d’augmenter la production en
accumulant les moyens permettant sa croissance
- au niveau individuel, ou au niveau d’une supposée classe
possédante, selon la terminologie marxiste, l’épargne
accumulée met entre les mains de quelques-uns l'ensemble des
biens d’un pays.
La critique que Karl Marx fera par la suite des propositions libérales
d’Adam Smith tentera de proposer une révision du modèle par la
redéfinition du capital.
C’est qu’il s’en est passé des choses entre temps.
Pour faire assez court, le problème de toute la théorisation de
l’économie revient à préciser les titres de propriété de la société, de la
Nation, des entreprises, des activités humaines, et comment on doit
aborder la question de savoir qui est propriétaire des choses, et à quel
titre.
Il se trouve, comme on le voyait un peu plus tôt, que la propriété est
une notion particulière et un peu compliquée, puisque Marcel, quand il
achète sa machine à crayons à crédit peut obtenir l’usage de celle-ci,
mais n’en dispose pas vraiment. C’est Rodolphe le banquier qui dispose
de la propriété et du droit d’en faire ce qu’il veut, jusqu’à ce que
l’emprunt soit remboursé. Marcel dispose alors de l’ usus, le droit
d’usage et Rodolphe de l’abusus, le droit de disposer. Marcel dispose
d’ailleurs du droit d’en tirer bénéfice également, le fructus.
Si nous imaginons que Marcel souhaite investir des moyens beaucoup
plus importants pour faire croître son industrie, il est probable que lui
seul ne sera jamais capable de contracter un prêt et de le rembourser.
Et son capital d’activité ne lui appartenant pas au titre de l’abusus, mais
seulement de l’usus et du fructus, il sera considéré comme un
travailleur dans l’entreprise qu’il fait tourner, sans en être réellement
propriétaire, le capital restant peut-être aux mains de Rodolphe. Et à
l’épreuve de l’usage, Rodolphe ne manquera pas d’ajuster selon son
bon vouloir ce qu’il accorde à Marcel comme revenu pour son travail.
58
Et si Marcel était simplement un gentil garçon qui ne veut embêter
personne ? Il ne chercherait qu’à fabriquer ses crayons, dans un
nombre qui ne l’obligerait pas à acheter de plus grandes machines. Et
Rodolphe ... une fois le prêt remboursé, serait bien embêté ... emprunt
remboursé ? Plus de confettis ? C’est dur la vie de banquier !
Rodolphe s’en sortira, il trouvera bien un concurrent de Marcel qui
acceptera de rentrer dans son jeu, et qui fabriquera tant et tant de
crayons qu’il inondera le marché, et il faudra trouver des solutions pour
le marché grandissent, encore et encore, pour que ce marché
consomme toujours plus de crayons, et que cela produise beaucoup de
confettis. Et plus le marché sera grand, moins le capital appartiendra à
ceux qui travaillent vraiment, et plus les investisseurs et les banquiers
disposeront de titres en abusus, avec le pouvoir de contraindre les
détenteurs d’usus et de fructus à accepter de travailler le mieux
possible pour la plus petite part qui soit.
Ce que je vous ai proposé ici est une esquisse des débats qui se sont
organisés à travers le temps en François Quesnay, fondateur des
physiocrates, Adam Smith, Karl Marx et ... l’oubliera t-on toujours, une
grande chercheuse en économie qui s’appelait Rosa Luxemburg qui
écrivait en 1913 L'accumulation du capital, et qui faisait une analyse
du marxisme pointant ce qu’elle supposait être un défaut de concept.
N’oublions jamais que les premiers mots de ces débats ont été
prononcés à Athènes il y a un peu plus de 25 siècles. Ce que nous
savons aujourd’hui, tant par la théorie que par la pratique, c’est que
d’une manière ou d’une autre le modèle capitaliste n’est pas en soi la
cause d’un défaut d’organisation de la société, mais ce sont bien les
approches qui concernent les principes de propriété du capital qui sont
en cause et qui font échouer la tentative louable, d’Adam Smith en
particulier, à instaurer une valeur travail pérenne.
Pour en arriver à ... nos jours qui se déclinent agréablement, plus ou
moins, à l’image d’un conte philosophique assez récent dans lequel un
monsieur à la voix inoubliable nous apprenait à compter d’un certain
29 avril 1968 que les shadoks pompaient et ils pompaient, et ils virent
que cela était bon. Dans ce système il faut pomper pour vivre et donc
vivre pour pomper.
59
Un bien vaut mieux que
deux tu l'auras
J’ai une idée super sympa. Tu
as vu comment les taxis
merdouillent un peu partout ?
Le problème c’est qu’ils sont
coincés dans des organisations
à la con, à attendre le client qui
passe ici alors qu’il attend là, et
du coup les gens qui pourraient
utiliser un taxi finissent par être gavés d’attendre, ils se débrouillent
autrement.
Si je faisais un truc qui mette des chauffeurs en relation avec des
usagers, pour faciliter les retrouvailles et améliorer la satisfaction des
gens ? Ben j’ai réfléchi et je vais lancer une startup qui va présenter un
business plan de la mort, pour expliquer qu’en 5 ans je récupère les
activités de voiture de transport avec chauffeur à 60%.
Bon là j’ai juste l’idée, le business plan, deux pages de présentation
pour montrer une application smartphone à inventer, et puis une fois
qu’on a trouvé de l’argent pour démarrer il faudra commencer à trouver
des chauffeurs et des clients.
Alors là, je vais chercher des investisseurs pour commencer.
Je trouve quelques gogos pour mon premier million. Les gogos ce sont
les investisseurs qui acceptent de s’intéresser à mon projet qui n’existe
pas encore. C’est grâce à eux qu’on peut dire : go ! go ! Moi, comme
je suis un peu le roi du blackjack, ils me croient, ils me suivent les
60
business angels. Je leur ai proposé 20% du capital de mon startup pour
un million. Du coup ma boîte elle est estimée à 5 millions d’euros. Une
paille, j’ai commencé avec les poches vides.
Alors du coup avec mon premier million, je vais bidonner un peu une
première application, me faire de la pub en graissant les gros
opérateurs et je vais avoir des chauffeurs qui vont s’inscrire pour avoir
des clients. En forçant encore un peu, il y aura même des clients aussi
qui vont s’inscrire. Bon le million ça flambe un peu, il y a des copains à
payer aussi pour faire au moins un bout de l’application informatique
.... ah ben oui tiens, on va demander aux chauffeurs de laisser un quart
du prix de la course pour payer le système.
Bon c’est sûr, ils vont tiquer ... mais les taxis classiques, tu vois, ils
payent un loyer à une entreprise, ou bien ils se payent leur licence et
leur caisse à crédit ... c’est Rodolphe, le banquier, qui prend au
passage. Tu sais, là, une licence de taxi à Paname combien c’est ?
250.000 balles. Un mec pour se payer ça, il bosse des années. Bon, si
il fait sa vie comme ça, à la sortie il revend sa licence et ça lui fait un
joli complément de retraite.
Alors c’est parti je lance le bazar.
Et hop j’enfume, j’ai des chauffeurs, il y en a qui râlent, d’autres qui
font ça tout contents, j’ai des clients ... j’ai besoin de passer à la vitesse
supérieure ... c’est à dire que j’ai besoin d’avoir un vrai bon logiciel,
des infrastructures à moi, des cabinets d’avocats pour pas être
emmerdés par des compagnies de taxis, ou des gouvernements locaux
....
Vitesse supérieure =
investisseurs. Après les gogos,
on appelle les zinzins. On fait
savoir qu’il y a un bon coup à
faire sur le gaz. Les
investisseurs institutionnels,
eux, vont accepter de mettre
un bon paquet de 10 millions
dans mon truc.
61
Alors les zinzins rentrés pour 10 millions d’euros ont voulu 20% du
capital pour eux, mais du coup la boutique est estimée à 50 millions
maintenant. Et les gogos qui ont mis 1 million pour 20% du capital, ils
se retrouvent avec 10 millions pour leur part ! Ils sont contents.
Moi j’ai cédé 20% et encore 20%, il me reste 60% du capital. Euh ...
t’as vu l’os ? Ma part de mon truc commencé avec rien ? Déjà 30
millions d’euros. Faut qu’on tienne, faut qu’on avance. Trop bons les
millions.
Du coup avec les 10 millions des zinzins, on a fait un truc sérieux, un
peu de technique, et surtout beaucoup de comm, du lobbying pour être
acceptés par les politiques locaux ... les taxis râlent même plus, il y en
a qui viennent bosser pour nous, pour éviter de tout perdre.
Encore un an d’effort, la boîte est médiatisée au maximum, les clients
se bousculent, on recrute des chauffeurs à tour de bras, on va refaire
un tour de table pour gonfler le soufflé maintenant. On appelle les
zinzins : le retour. Euh bonjour zinzin j’ai envie de 100 millions cette
fois-ci, pour terminer mon logiciel ? Possible ce serait comment tepléé
?
Alors là, il faut expliquer un truc : pourquoi le zinzin, qui est pas plus
couillon que moi, irait remettre des sous dans un bazar qui peut
fonctionner sans pognon supplémentaire ?
Deux bonnes raisons :
- la première c’est qu’il a mis 10 millions pour 20% la première fois. Si
il remet 100 millions ce coup-ci, il va avoir mis au total 110 millions,
mais il aura alors 40% du capital. Le capital de la boîte sera alors
valorisé, sur la base de 20% achetés pour 100 millions, à 500 millions
! Les 40% acquis par le zinzin valent à ce moment-là 200 millions.
- Mais il en a payé que 110 ?
- Ben voui
;)
- la seconde raison c’est que, nous sommes tous d’accord, n’est-ce pas
? ... nous vendrons 20% du capital de l’entreprise sur le marché
boursier. Pour ça nous ferons appel à des spécialistes qui travaillent
avec les banques et tout ça, et nous proposerons les 20% que nous
62
voulons mettre sur le marché pour 1 milliard. Si si c’est un chiffre qui
tourne bien dans les têtes ça.
Ça paraît gros hein. Mais entre temps on a réellement récupéré une
bonne partie du marché des taxis qui déclinent ou disparaissent. Et puis
ceux qui veulent bouffer encore un peu, ils bossent aussi avec nous. Et
nous on prend 25% sur toutes les courses, donc pigeon vole.
Proposer une entrée en bourse pour un milliard, ça fait un peu
prétentieux ? Non ça fait un peu sérieux. En dessous t’as l’air trop con.
Un an plus tard l’intro en
bourse est bouclée, on a
bazardé 20% du capital pour
un peu plus d’un milliard, la
boutique vaut 5 milliard sur le
papier ! Moi avec mon projet à
la noix il me reste 20% du
capital, les gogos pareil, les
zinzins le double, et le marché autant que les zinzins.
Pour en arriver là, la boite aura reçu, rien pour ainsi dire de ma pomme,
1 million des gogos, 110 millions des zinzins, et un milliard du marché.
La boite vaut 5 milliards sur le papier. Et moi dans un an je me tire
pour tenter de bronzer à Waikiki en vendant mes actions ... entre le
marché, les zinzins ou les gogos, il va y avoir du monde au balcon.
Je sais que le risque que la boite rame et se plante dans 10 ans est
réel. Mais je m’en fous, j’ai le temps d’avoir vendu mes parts et d’avoir
relancé sur autre chose.
Ça c’est l’arnaque du siècle. Du millénaire. Elle est où la création de
valeur ?
Les taxis ont désormais le choix soit d’abandonner, et de jeter leur
licence à la poubelle ... 250.00 balles l’unité ... pourquoi pas. Soit ils
ont la possibilité de tenter de boucler les fins de mois avec moi, mais
63
ils me versent 1/4 de leurs
revenus. En plus ils n’arrivent
plus à revendre leur licence
mieux qu’à moitié prix !
Avant les chauffeurs de taxi
avaient un capital de 250.000
euros et 100% du prix des
courses pour eux, maintenant
ils ont des licences au mieux deux fois moins valorisées et 75% du prix
des courses pour eux.
Avant, le marché de l’investissement en bourse avait entre autres
choses un milliard d’euros de disponible, maintenant ce milliard
appartient à 80% à un créateur de projet et des investisseurs
professionnels.
Si d’aventure la boite coule dans quelques années, les investisseurs
professionnels auront depuis bien longtemps vendu leurs parts au
meilleur cours, et seul le marché aura perdu l’argent investi.
Cette histoire un tantinet romancée est basée sur des faits réels. Elle
démonte une partie des mécanismes qui font la perversion d’un
système capitaliste qui ne mesure pas la réalité économique d’une
activité, mais la spéculation permanente sur le potentiel de croissance.
Ce que ne connaissait pas Rosa Luxemburg à son époque, mais qu’elle
soupçonnait dans sa tentative de démontrer la faillite certaine d’un
capitaliste expansionniste, animé par la seule croissance d’activité, et
financiarisé sur cette perspective à terme est devenu un sport ...
réservé à une élite qui coopte ses membres entre eux dans le but de
privatiser des droits et des possibles et d’en priver le plus grand
nombre. Ce qui est la définition même d’une aristocratie. Ce que ne
connaissait pas Rosa Luxemburg, pas plus que ses détracteurs
d’ailleurs est arrivé, et fonctionne à merveille.
Des investisseurs peuvent désormais s’enrichir grassement, pendant
qu’ils conservent le droit de fixer les règles du prix du travail, pendant
qu’ils dépossèdent même les gens tout simplement d’un travail qu’ils
avaient ... pour la satisfaction de consommateurs qui sans avoir trop le
64
choix restent des consommateurs, souvent contraints de valoriser, sans
y prendre garde, le portefeuille des investisseurs.
Ce phénomène n’est pas exactement nouveau. Mais il est inédit par son
ampleur et la répétition de ses pratiques, qui dérèglent le sens profond
de l’économie. Lorsque l’économie répond à son objectif, elle mesure
les choses, les actions, les transformations des biens, et la quantité de
travail. Lorsque l’économie dépasse la simple capacité à mesurer mais
qu’elle permet de fabriquer une richesse qui n’existe pas encore, et à
fortiori une richesse qui n’existe peut-être tout simplement pas, il se
forme ce que les spécialistes appellent une bulle !
Un joli nom que j’utiliserai bien pour parler d’autre chose que de conflits
sur fond de pognon.
Une bulle financière est en quelque sorte une distorsion importante
entre la valeur réelle et la valeur d’échange ou la valeur d’usage. On
paie un prix très différent pour acheter une chose ou pour l’échanger.
Ce qui n’est pas déraisonnable ... tant que c’est très raisonnable.
Les bulles financières se succèdent depuis plus d’un siècle en fait, et
leur intensité augmente avec l’augmentation de la richesse globale de
l’humanité. Ce qu’on sait, au travers de l’histoire, c’est que chaque bulle
éclate, produit des périodes de récession, suivies de périodes de reprise
appelées par des politiques volontaristes de relance économique ... et
au fil des générations, on s’aperçoit que les riches, les “possédants”
sont un peu toujours les mêmes.
On sait ainsi de nos jours qu’il y a une petite, toute petite partie de
l’humanité qui possède la moitié de la richesse mondiale, que 1% de la
population la plus riche possède 80% du patrimoine mondial. Et que la
moitié la moins riche de l’humanité possède approximativement 1% de
ce même patrimoine. On sait que les inégalités trop grandes multiplient
les circonstances de stress et de crise, maximisent les risques de
révolte, ou de guerre. Et que les période où ces risques sont maximisés
sont assez souvent génératrices de crises majeures.
65
D’ailleurs il y a une chose qui échappe à notre raison le plus souvent :
pourquoi les guerres existent-elles ? Oh, je ne vais pas tenter
d’apporter une réponse sur ce qui motive les gens d’aller la faire, d’avoir
envie de la faire collectivement, mais plutôt aux raisons premières qui
font qu'à un moment donné deux chefs d'Etat, ou de tribu parviennent
à mobiliser et à disposer de moyens qu'ils vont faire s'affronter.
Qui n'a pas eu, dans sa vie, l'occasion avec un membre de sa fratrie,
avec un camarade classe dans l'enfance, ou une personne que l'on peut
considérer en principe comme égale à soi-même, de s'écharper un jour,
pour une futilité parfois, quelque fois pour des raisons sérieuses ... sauf
que : en principe on devrait, lorsqu'un conflit survient, savoir poser les
choses à plat entre participants à celui-ci, et dans la discussion, avec
ou sans le contrôle d'une tierce personne, trouver les voies qui
permettent de sortir du confit sans perte.
Or c'est là qu'on peut comprendre les choses. Les pertes ne sont pas
toujours matérielles, elles peuvent être morales, affectives, pas
nécessairement exprimables. Ca ne simplifie pas les choses pour un
parent qui doit séparer deux enfants, par exemple, d'être certain de
bien comprendre les tenants et les aboutissants.
Le partage d'un espace de jeu, d'une petite place pour faire une chose
ou une autre, sous le toit familial, le lieu où l'on grandit, dans ce milieu
qui devrait être protecteur et réparateur de tous les maux, ce partage
obligé rend déjà son verdict de la difficulté que toute personne peut
expérimenter pour arbitrer son propre espace vital.
Espace vital ! L'alibi de la plupart des provocations, des invectives, des
injonctions, de ces trucs que l'on se jette à la figure en utilisant des
postures, des faux-semblants, en disant autre chose que la vraie raison
qui fait que l'on s'oppose, et qui provoque chez les gens que l'on
agresse parfois des réactions égales ou plus intenses encore, habillées
elles aussi de faux-semblants ... jusqu'à ce que mort s'ensuive ... ou
qu'un tiers attentionné essaye de comprendre et de dénouer les fils
enchevêtrés d'un conflit qui n'a d'autre raison première que de savoir
à qui appartient le dessous de nos propres semelles.
L'espace vital que l'on revendique pour penser en paix prend des
dimensions diverses et variées. C'est autant le coin de table que je veux
66
m'approprier pour colorier des dessins dans un cahier, que le marché
des taxis que je trouve bien facile à transformer à ma guise, ou encore
le pays que je dirige d'une main experte, de velours ou de fer vêtue, et
que je veux voir ressembler à ce qui m'arrange ou me plaît.
Si l'espace vital n'était que l'air que je respire et les dix mètres carrés
qui me sont nécessaires pour dormir et manger, ce serait simple. On
pourrait pousser les libéralités à y compter les 5 ares de terre que je
cultiverais pour manger mes carottes en paix.
Mais ... les êtres vivants se définissent des territoires supplémentaires
à eux-mêmes en prévision, dans l'intention peut-être, pas souvent
vérifiée, d'élargir leurs possibles. Ce qui pour certains conduit à limiter
leurs ardeurs à ce dont ils ont besoin, et quelques autres à prétendre
que le Monde leur appartient.
Ces deniers collectionnent alors consciemment ou non les richesses
qu'ils pillent en adaptant au cas par cas toute morale, pour ne pas
mourir de la honte de n'être point des êtres raisonnables.
Problème de territorialité dit-on. Qui fait que les gens hiérarchisent
volontiers les choses pour défendre leur petit ou leur grand territoire,
avec cette perspective essentielle de toute vie, de satisfaire et
d'anticiper tout ce qui peut toucher à la peur de manquer.
La peur de manquer ... c'est la clef. C'est elle tout autant qui pousse
les gens à convoiter, à s'approprier plus que le nécessaire, et qui nous
empêche bien souvent de reconnaître la limite à ne pas dépasser. La
peur de manquer qui nous pousse par un atavisme irréfléchi à nous
répandre et nous reproduire sans limite raisonnable, parce que les
générations qui nous suivent sont à la fois celles qui nous aideront à
vivre mieux plus longtemps, et que c'est le seul moyen que nous avons
de perdurer au-delà de nous-mêmes.
Et s'il est une chose qui peut nous aider à éteindre les peurs quelles
que soient leurs raisons, c'est la connaissance que nous tirons de notre
éducation, de notre instruction et de nos expériences.
C'est bien dans la conscience de la nature des choses, de l'acceptation
des autres, dans toutes les altérités possibles, que nous pouvons
trouver l'espoir de lendemains meilleurs en portant nos efforts pour les
67
connaître un peu nous-mêmes. En privilégiant en bonne intelligence le
partage et l'entente, pour ne pas scier la branche sur laquelle nous
sommes.
Contre tous les combats inutiles qui opposent les gens pour d'injustes
raisons, il en est un qui promet pour de bon une prospérité vraie. C'est
le combat de l'humanisme.
La peur de manquer peut aussi alors nous conduire à construire les
choses qui permettent de ne jamais manquer de rien pourvu qu'on
pense à protéger le plus juste équilibre. Et comment faire cela mieux
si ce n’est tous ensemble.
68
Et si on faisait la paix pour
de vrai ?
Il n’est pas certain de pouvoir bien prédire les catastrophes
économiques, pas plus que les guerres, ou les révoltes sociales. Mais
les analystes sérieux qui pressentaient la crise économique de 2008
l’ont vu arriver, et cette crise n’a pas été correctement gérée pour être
terminée. Nous payons un peu partout dans le monde encore un prix
pour la crise de 2008 qui a eu pour seule origine première une bulle
financière portée par la spéculation immobilière aux USA.
Ce que prédisent beaucoup d’analystes actuellement c’est qu’une
réplique du séisme de 2008 est imminente. Et que vu les conditions de
conflits multiples et non maîtrisés qui ont fleurit un peu partout, le
risque de conflit majeur dans le Monde est sérieux.
Au fil des années, des générations, les gens ont dit beaucoup de choses
sur les guerres. Les guerres partent toujours d’un point particulier qui
fait qu’entre un peuple et un autre, il se créé des conflits d’intérêts, des
rivalités, souvent portés plutôt par les gouvernants que par les peuples
eux-mêmes, encore que les deux cas existent, et si la cause première
est plus ou moins identifiables, plus ou moins avouable, la guerre éclate
parce que les peuples y ont été plus ou moins préparés.
Il y a une chose singulière à observer, c’est à quel point lorsqu’un
peuple est préparé à la guerre, il se prête assez volontiers au jeu de
ceux qui commandent et on zigouille volontiers dans ces moments-là
les gens qui ne veulent pas jouer le jeu.
On a vu périr un 31 juillet 1914 un grand homme politique qui était
opposé à l’entrée en guerre de la France et de l’Allemagne. Son assassin
69
fut vraiment très peu inquiété en fait de son forfait, la France de cette
époque n’acceptait pas bien qu’un politicien défende la thèse de la paix.
Ce qu’on sait des guerres, c’est qu’elles découlent toujours de la
cristallisation des tensions entre deux pôles d’une société humaine qui
ne gère pas assez bien le partage des richesses.
Inspiré de Eugène Delacroix Le 28 Juillet La Liberté guidant le peuple
On attribue volontiers la Révolution de 1789 à une lutte de classe entre
une aristocratie devenue trop gourmande dans un contexte qui n’avait
pas toujours été facile sur le plan économique et un peuple qui s’est
élevé pour abolir des privilèges, ceux de la noblesse et du clergé.
La conséquence de cette crise a conduit à une transformation de
l’économie à l’époque, ouvrant plus largement l’accès à la richesse ...
à une bourgeoisie, qui s’en est emparée, et à réinstallé un empereur
auto-proclamé. Ce dernier a restauré une aristocratie.
Il s’en est suivi une crise, puis une autre, et peu importent les détails,
mais il y a eu une crise en 1870, la Commune de Paris, et ..; bref la
guerre de 14-18 n’est pas causée par l’attentat de Sarajevo qui vit
assassiner l’archiduc François-Ferdinand, mais bien par le retour d’une
tension économique au travers de laquelle la tentation de révolte d’un
peuple, en Allemagne, poussait une bourgeoisie, une aristocratie à
privilégier le conflit avec la France.
70
Inspiré de Chaperon La bataille de Morhange Le 20 août 1914, mort de 22.000 jeunes
Français
La guerre de 14-18 ne fut pas une vraie victoire, pour personne, vu la
boucherie qu’elle fut. Aucune guerre n’est belle, et nulle bataille ne
mérite admiration ou empathie. Mais la Grande boucherie fut
particulièrement hideuse. Elle laissa des cicatrices profondes dans les
populations, et provoqua des remous sur le plan économique, tant et
si bien que la conséquence de 14-18 est l’avènement du nazisme en
Allemagne et de tout ce que l’on en sait en général et en particulier.
Inspiré de Birkenwald (bois de bouleaux) Auschwitz
Indochine, puis Vietnam, Algérie, pour ce qui concerne des évènements
touchant la France sont des conflits qui ont pris des formes de guerre
en prenant naissance sur le terrain économique et la carence d’une
économie à assurer un partage suffisamment équilibré.
On a le sentiment que finalement la volonté politique de faire mieux
n’est pas au rendez-vous. Des gens semblent décider quelque part que
71
nous n’avons pas à décider si nous voulons la paix ... quand ils veulent
eux la guerre. Peut-être est-ce tout simplement parce que les enjeux
économiques dépassent l’expression de la volonté des peuples ?
Les guerres sont le plus souvent décidées par des chefs, plus ou moins
acceptées par le peuple, on comprend que les guerres sont et ont
toujours été un des instruments du pouvoir en place, en particulier
lorsqu’il se sent affaibli et qu’elles trouvent toujours une contrepartie
économique forte.
La logique profonde de ces éternuements de l’humanité repose sur le
fait que le plus grand nombre des gens acceptent des dirigeants, des
représentants, choisis ou pas, parce que ça leur simplifie la vie. Les
représentants ou dirigeants finissent un jour ou l’autre par choper une
enflure au citron, et assez régulièrement ça se traduit pour le plus
grand nombre des gens par le bordel dans leur vie, moins à bouffer,
une vie moins tendre, voire carrément plus dure, et au bout, en ligne
de mire, l’envie soit de se barrer ailleurs, quand c’est possible, soit de
se foutre sur la gueule avec les gens du pays d’à côté pour savoir si
l’herbe y est vraiment plus verte.
Il ne faut pas oublier que si le vert est autant la couleur de l’espoir que
le symbole d’une nature prospère et féconde, l’idée que l’herbe est plus
verte ailleurs est généralement le symbole d’un peuple fait con.
Inspiré d'une photo montrant la longue poignee de main de Francois Mitterrand et Helmut
Kohl 22 septembre 1984 à Verdun
72
Il suffirait de bien partager ce qui est nécessaire et suffisant un peu
partout pour que l’herbe soit bonne là où on se trouve, et on pourrait
alors s’intéresser aux voisins uniquement pour l’amitié.
La guerre, la paix, dans un cycle sans cesse renouvelé pour le bénéfice
de quelques-uns et entretenant les souffrances de tous les autres, est-
ce donc ainsi que doit aller le Monde ? La divine comédie.
Nous ne naissons pas Homme, nous apprenons à le devenir. Avec plus
ou moins de succès, si nous reconnaissons notre ignorance, il nous est
possible de comprendre et d'agir pour le bien qui est naturel et contre
le désordre et l'injustice.
Apprendre, savoir, savoir en rire, ou en pleurer, et pouvoir regarder les
vérités en face pour ne pas prendre pour certaines des contre-vérités.
Pouvoir différencier le vrai du faux et parvenir petit à petit à trouver ce
qui peut aider tous les gens à vivre en harmonie. Ne pas rester fermés,
dans l'entre-soi, et refuser toute forme d'emprise, s'indigner, pour
défendre les libertés, estomper les inégalités, favoriser la justice et
vivre dans la fraternité.
Il faut croire aux vertus de l'éducation, de l'instruction, mais aussi, ce
qui par ailleurs dérangeait Socrate et ses disciples, aux vertus des arts
à nous permettre de voir les choses sous des angles différents. Libre
arbitre et esprit critique.
La culture, les livres, le théâtre, la musique, l'opéra, les saltimbanques
et les jongleurs, les illusionnistes même, nous proposent toutes sortes
de représentations du réel, qui ne sont pas la vérité, mais qui nous sont
précieuses pour voir et comprendre le Monde sous tous les angles, des
plus naïfs aux plus critiques, pour nous faire voyager, ou voyager nous-
mêmes et nous émerveiller de la diversité des choses et des êtres. Ce
sont autant de fastes pour de grands personnages, que de facéties de
la part du fou critiquant le Roi, de larmes et de rires pour les enfants
du paradis.
C'est tellement simple, l'amour.
73
gauche, droite,
gauche, droite
Pour toi Yves, mon cher ami ventdeboutiste, bien aimé, et oh combien
je vous aime toutes et tous les Vent debout, tu voulais cogiter un peu
l’histoire une, deux, une, deux ... enfin non, gauche, droite, gauche,
droite
Comme avant toute séance de cinéma, il y a le petit encart "Jean Mineur
publicité", ou les actualités, et ce sujet gauche - droite me donne envie
d'un commentaire d'actu circonstancié.
Ça n'a échappé à personne, nous sommes dirigés par le bistouquet,
que certains surnomment, ce que je réprouve beaucoup, Ducon,
foutriquet, ou le raccourci du tuyau, mais bon ce n'est pas moi qui le
dit, il y a des gens qui ne l'aiment pas.
Moi j'ai une certaine forme de tendresse pour cette petite chose
inexpérimentée, c'est mon côté bienveillant de vieux poilu.
Nous sommes donc dirigés par Macron Emmanuel qui est la version
Hyde d'Emmanuel Macron. L'un est ni de droite, ni de gauche, l'autre
est à la fois et de gauche et de droite. Mais ça veut dire quoi ce merdier
en fait ?
Peut-on être ET ne pas être ? Là est la question comme aurait un maque
bête.
En fait dans le cas du bistouquet la chose est simple il n'est ni de
gauche, ni de droite, il prend là où ça l'arrange en fonction de
l'interlocuteur du moment, considère que lui seul est à sa place partout
où il pose ses fesses, ou ses semelles, et tant mieux pour lui si il se
sent bien comme ça. C'est juste un peu emmerdant pour les autres,
mais c'est une autre histoire.
74
Donc pour Macron, on a une définition solide pour définir son
positionnement, en politique, le reste de ses positions n'intéresse
presque personne, il est et de droiche, et de gaute. C'est un amalgame,
un sabir complexe, un galimatias qui n'est compréhensible que par lui
et seconde après seconde aucun analyste ne parvient à décoder ce que
pourrait être la seconde d'après. Il surprend par sa pensée qui ne
s'attache à aucune histoire vraie et profonde, ancrée dans l'Histoire de
l'humanité, quand il fait référence à l'histoire il manque souvent des
pages. Il veut du neuf, que de nouvelles choses, avec ce petit problème
qui lui est particulier que son chronomètre mémoriel s'arrête à peu près
en 1840.
Fin des actualités !
Mais on va pouvoir comprendre que l'histoire, avec un grand H et sans
faire de pétard, compte pour beaucoup dans la lecture qu'on peut faire
des choses. Pour commencer et en apéritif une lecture rapide de deux
extraits pas forcément des plus sérieux et sincères, mais en politique
la sincérité n’est pas un gage d’intelligence.
~~~~~~~~~~ Les pistaches ~~~~~~~~~~~
La droite et la gauche expliquées à
ma fille (extraits)
Quelques repères dans une
campagne qui en manque
singulièrement, explique Patrick
Moynot. Publié dans Le Monde.fr |
20.03.2012 à 09h31 |
Le goût juste à point torréfié et sans amertume d'une analyse
comparée, simple, mais efficace entre les politiques de gauche et de
droite.
75
~~~~~~~ Les petits saleaux gâtés ~~~~~~~
extrait de à gauche ou à droite ? « Gauche
- Droite » pour les nuls
Une saine lecture qui craque en bouche avec un
point de vue permettant de bien distinguer
quelques aspects intemporels de la différence
entre la gauche et la droite
~~~~~~~~~~~ Le gorgeon ~~~~~~~~~~~
Bon et puis il y a des sources très
documentées : Wikipedia Gauche et
Droite en politique
Voilà donc fin de l’apéritif, on attaque
le plat de résistance ?
~~~~~~~~~~~~ Le plat ~~~~~~~~~~~~~
La suite est originale d’un original. Z'avez remarqué "original", tout le
texte qui suit n'existe qu'ici pour la première fois, c'est cadeau, et pas
crado. Mais faut s'accrocher, les saveurs sont nombreuses.
Au commencement était le néant
76
Pour ma part j’admets qu’on ne peut pas faire remonter l’idée qu’il
puisse exister une gauche et une droite à avant 1789, puisqu’avant
1789 il n’y a pas cette expérience si particulière qui assoit les
représentants de part et d’autre d’un perchoir pour défendre des idées
s’opposent.
C'est effectivement lors de la Constituante de 1789 que les choses se
sont ainsi passées que les riches se tenaient à la droite du Président de
l'Assemblée et les pauvres ou moins riches à sa gauche.
En fait il y a eu, mais la dichotomie gauche droite n’a jamais vraiment
pris corps avant les révolutionnaires et les conservateurs de 1789 à
Paris.
Donc gauche et droite c’est en gros les partisans de la République
contre les partisans du pouvoir aristocratique ... autant dire en langage
d’aujourd’hui les extrêmes-gauchistes versus les conservateurs.
Donc il est plutôt facile de comprendre qu’il y a d’un côté de vrais
républicains, et de l’autre des soutiens de l’aristocratie dirigeante.
C'est quoi une aristocratie ? Une bande de peu de gens qui se cooptent
entre eux pour partager un pouvoir qu'ils se gardent jalousement, et
les richesses qui vont avec en général. Ils peuvent choisir de copuler
uniquement entre eux ou pas, ça n'y change rien, ils ne partagent pas
et commandent au plus grand nombre, ils sont donc aristocrates.
Quel que soit le monde observé, au fil de l’histoire il y a toujours eu
une opposition entre une aristocratie qui veut posséder le pouvoir,
l’argent, les biens, et qui se coopte dans un entre-soi soigneusement
défendu, et un peuple plus ou moins bien représenté, tantôt par la base
la plus pauvre, tantôt par les gens du milieu de gamme, les bourgeois,
ceux qui ne sont pas tout à fait des riens.
Quel que soit le monde observé il y a toujours eu en quelque sorte trois
classes dans les sociétés humaines d’importance ... les nantis, les gens
de peu, et les gens de rien.
Enfin le néant, le gnangnan peut-être ?
Ça remonte à peu près à la proto-histoire ... donc avant ça devait être
le cas mais on l’écrivait pas, et c’est pas parce qu’on l’écrivait pas, que
77
ça n’existait pas. Mais comme on a pas vraiment la preuve, on va dire
que les sociétés humaines s’organisent en strates naturelles avec des
gens qui se goinfrent, des gens qui s’en sortent, et des gens qui tirent
le diable par la queue.
Ceux qui se goinfrent sont les moins nombreux, ceux qui s’en sortent
sont plus nombreux mais pas majoritaires, et ceux qui n’ont rien ou
pas grand chose sont les plus nombreux. Ils sont majoritaires en
nombre. Mais si les gens d'en haut sont aristocrates, ceux d'en bas se
voient souvent contraints à fermer leur claque-merde, en utilisant
différents moyens comme la famine, la guerre, le matraquage anti-
liberté d'expression, la cherté de la vie ... si si la cherté de la vie est un
moyen d'oppression bien connu et identifié.
On observe donc, ainsi, que si les plus nombreux qui sont les plus
pauvres ne râlent pas, c’est le plus souvent parce qu’ils s’occupent
bêtement à savoir comment bouffer et dormir en paix. D’ailleurs pour
les aider à s’occuper que de ça, les autres font en sorte de faire croire
que le monde leur appartient d’une manière ou d’une autre, quitte à
utiliser les services d’une partie des gens pour faire la police ou l’armée,
et s’arranger pour que les plus pauvres ne pensent qu’à bouffer et
dormir ... et si possible travailler aussi. Quand à être payés, c’est à
discuter, mais seulement plus tard (on notera que la méthode qui
consiste à reporter les négociations à une date ultérieure aux décisions
est une réinvention macronienne ... nouvelle politique on vous dit).
Les populations qui vivaient entre l’Asie et l’Europe, avant les grecs de
l’antiquité, baguenaudaient en Mésopotamie et dans la vallée de
l’Indus. En fait on parle d’un temps que les moins de vingt ans ... disons
que l’Egypte ancienne, la plus ancienne arrive à la fin de la civilisation
de l’Indus et que la civilisation mésopotamienne est entre les deux. Les
trois nous amènent vers les 40 siècles de distance par rapport à nous,
aujourd’hui, et pour ce qu’on en sait, pas tant de choses en fait, mais
un peu quand même, toutes ces civilisations, qui sont en fait des cités,
des ensembles de cités, des états pourrait-on dire, fonctionnent selon
des pratiques qui leur sont propres.
Choisis le roi et bourre l'arène
78
La plupart du temps on y trouve des rois, ou parfois des reines, mais
la parité était pas leur tasse de thé ... enfin bref, un clergé, et un bon
peuple.
Le roi s’entoure de gens qui forment sa cour, le peuple est plus ou
moins bien ou mal traité, le clergé entretient de bonnes relations avec
le roi et les esprits surnaturels et tout baigne.
Le clergé a soutenu dans toutes ces civilisations l’idée qu’il fallait bien
s’entendre avec les dieux. Il y en a plusieurs souvent des dieux, c’est
assez commun, et ça permet de multiplier les jobs de clergé. Les dieux
sont craints par le peuple parce que le clergé fait en sorte que le peuple
soit craintif des dieux.
- Le clergé est une élite formée, éduquée.
- La cour est une élite formée, éduquée.
Le peuple est un troupeau peu formé, peu éduqué autant que possible.
Plus on les laisse dans la misère et l'inculture, plus ils sont dociles et
moins ils savent se débrouiller pour s'en sortir mieux. Si on veut bien
maîtriser le peuple il faut pas trop l'aider à s'éduquer, ce qui permet de
l'affamer quand il râle et les vaches sont bien gardées.
Le peuple se prend des beignes par l’intermédiaire d’une soldatesque,
la troupe, qui est une élite formée, pas trop éduquée, et quand les
beignes ne sont pas nécessaires le clergé caresse le peuple, sinon il
appelle la troupe. Généralement la troupe est constituée par des chefs
aristocrates et des soldats sélectionnés, au hasard j'en prends un et je
vous fous tous dedans, qui viennent bien entendu du peuple. Restez
cons ça nous aide envisagent les aristocrates.
Le clergé tient le peuple par la peur, la troupe aussi, et l’aristocratie
peut s’amuser entre eux, oyez, oyez braves gens il est minuit et tout
va bien.
Normalement un système comme ça résiste assez bien au temps,
d’autant que les gens de l’époque ont une durée de vie qui confine à
l’obsolescence programmée moderne.
Also sprach Zarathoustra
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Arrive le premier couillon un peu illuminé de l’histoire et qui a laissé
des traces : Zoroastre ou Zarathoustra. On ne sait pas avec certitude
si il faisait partie de l’aristocratie. Mais il a eu des soucis de telle sorte
qu’il a été mis à l’écart du monde, par sa volonté ou pas ... peu importe,
et il lui est venu une idée : on nous cache tout on nous dit rien, en fait
il n’y a pas des dieux qui nous gouvernent, mais un seul, l’Unique. Il
venait d’inventer le monothéisme.
A cette époque on aurait pu être zigouillé pour moins que ça, mais dans
son cas, était-il à un endroit et un moment plus cool ?, à cette époque
il a pu décliner sa thèse et convaincre un certain nombre de gens sans
y perdre ni la tête, ni les jambes.
Le but de sa théorie ? Démontrer qu’il ne faut pas aveuglément obéir à
un roi, qui impose des dieux et un clergé. Il n’y a qu’un Dieu et il est
au-dessus de tout ... même du roi.
Ça a changé beaucoup de choses. Ça a pris du temps, mais ça a fini
par convaincre des gens que l’idée d’aristocratie était peut-être une
arnaque.
Le monde civilisé s’est d’un coup vu capable de raisonner entre deux
options :
- d’un côté les gens qui croient que c’est possible qu’un chef soit
supérieur aux autres et puisse commander tout le monde
- de l’autre côté les gens qui croient qu’il est possible qu’il y ait
un chef, mais qu’il ne peut pas être supérieur aux autres parce
que de toute manière il y aura toujours quelque chose qui lui
sera supérieur.
A ce point de l’histoire, on n’est pas sortis de l’auberge. Mais c’est un
pas en avant. On n’est pas sortis de l'auberge parce qu'on remplace
une aristocratie suprême, mais tangible, faite de chair et de sang, par
un être unique, divin, immatériel, que seul le clergé peut comprendre
et percevoir (mon cul c'est du poulet). Donc on échange quand même
un cheval borgne contre un aveugle. Mais pour l'époque ce serait bien
un progrès quand même.
Bon, les aristocrates, le clergé, la troupe tout ça, ça va continuer,
s’effacer un peu par moment revenir etc ... pendant quelques siècles
80
c’est un peu flou, les védiques (civilisation de l’Indus) ça périclite, les
égyptiens prospèrent et se désespèrent selon les moments, les
mésopotamiens s’en sortent pas trop mal ni trop bien, quand va surgir
des groupes de gens dans la péninsule hellénique qui vont former des
cités comme Athènes, Sparte, Salonique ... qui a dit ta mère ? Je vous
préviens si ça recommence, j’en prends un au hasard et je vous ... bon.
Les grecs ont hérité de leurs pères, on sait pas très bien comment
s’enchaînent les choses, mais ils sont pas devenus monothéistes,
majoritairement ils ont gardé le polythéisme, par contre ils ont pris de
Zoroastre une bonne dose d’indépendance d’esprit et de sens critique.
Dans le même temps, et là on se situe au 6 ou 7ème siècle avant J.C,
donc à 27 siècles de nous, on voit émerger une culture monothéiste
chez les hébreux, pendant que les égyptiens sont polythéistes, version
le cul entre deux chaises, puisqu’ils ont eux un dieu vivant au milieu
des gens et qui est Pharaon (vous noterez le truc du système égyptien
ancien qui consiste à mettre des dieux un peu partout, pour faire peur
aux gens, dont un vivant celui là, il est souvent terriblement pas sympa
avec le peuple, quand on le croise il faut ramper devant lui).
Retenez ce petit détail ! Les égyptiens ont réussi à faire ce que d’autres
n’avaient pas fait avant.
Les hébreux ont hérité du monothéisme de Zoroastre. Ça on en est à
peu près certain. C’est d’ailleurs la seule chose qu’ils lui ont pris. Le
reste ne les attirait pas tellement parce que les hébreux étaient souvent
emmerdés par des voisins, maintenus captifs, réduits en esclavage,
enfin les trucs hébreux, on sait pas pourquoi un peuple entier peut être
composé de têtes à claques, mais quand on voit comment ils les
prennent tout au long de l‘histoire ... on se pose des questions. C'est
surtout pour ça qu'on les protège avec amitié, surtout que je suis pas
blanc-bleu en matière d'hébreu, je suis métèque quand même.
Vient le temps de Socrate : l'humanité peut enfin philosopher
On patiente encore un siècle ou deux ... vers -470 arrive un nourrisson
qui fera de gros dégâts.
Les grecs ont pris un truc dans le zoroastrisme, et c’est surtout un type,
bien précis, qui n’a pas laissé lui d’écrit de sa main, mais dont on sait
81
avec de bonnes certitudes ce qu’il racontait au travers de ses disciples.
C’est le premier contestataire en format universel du pouvoir en place,
de l’ordre établi. Socrate a expliqué qu’il ne faut pas écouter tout ce
qu’on nous dit, qu’il faut remettre les choses en question, et que le
pouvoir aristocratique ne détient la vérité que si il prouve que ce qu’il
prétend est vrai, logique et respectueux de la liberté.
Socrate à son époque a mis en cause l’ordre établi, et exigé que l’on
puisse démontrer ce qu’on avance, avant d’affirmer qu’on a raison. On
parle d’une époque où l’aristocratie utilisait les services des gens qui
savaient parler pour défendre les idées politiques du moment en
affirmant que les aristocrates avaient raison parce qu’ils avaient raison,
ou parce qu’ils étaient les aristocrates. De nos jours on appelle ça un
sophisme. A l’époque aussi.
Et Socrate était un chieur de première qui refusait qu’on lui sorte des
vérités toutes faites. Il voulait la preuve, l’argumentaire qui permet de
... et toc.
Il est difficile de dire à coup sûr qu’il est l’inventeur de la philosophie,
c’est improbable, mais c’est en tout cas la première personne dont il
est clairement mentionné par Platon et quelques autres qui l’ont bien
connu, qu’il exprimait en toutes choses l’envie et le besoin de
comprendre, de savoir, d’expliquer. Ce qui est en gros la base de toute
philosophie, enfin ça devrait l'être. La philosophie est la science des
sciences la sagesse étymologiquement, donc l'art de ceux qui savent.
Platon est probablement celui qui a le plus parlé de Socrate l’athénien.
Il en fait une sorte de philosophe professionnel vivant dans le seul
sacerdoce de la pensée juste, en quelque sorte. Xénophon, lui, est plus
mesuré et exprime plutôt l’idée que Socrate est un pur qui ne
s’intéresse pas trop aux choses terrestres. Ce qu’on sait c’est que
Socrate a vécu avec son temps, qu’il a été soldat, et qu’il a gagné assez
mal sa vie ensuite en faisant école autour de lui, entouré de jeunes
gens de familles riches qui trouvaient ses discours, au moins ses
discours, séduisants. Il n'en tirait pas un grand profit. Il est l'inventeur
du concept de l'enseignement gratuit (mais si vous pouvez faire circuler
le chapeau m'sieurs-dames ... parce qu'il se faisait payer quand même
au gré des moyens de chacun).
82
Socrate était à la fois certainement un grand sage mais aussi une vraie
burne. A force d’avoir souvent raison de ses détracteurs ou opposants
de débats, étant habitué à démonter ses adversaires sophistes en les
mettant oralement et par le raisonnement en pièces, en les éparpillant
dans tout Athènes façon puzzle, il finit par mobiliser assez de gens
contre lui pour qu’on décidât de lui faire une sorte de procès en
sorcellerie.
Accusé d’être mécréant, de proposer de croire en d’autres dieux que
les dieux officiels, et de détourner les jeunes gens de leur avenir doré,
il fut condamné par un jury de 501 personnes à une condamnation à
280 voix pour et 221 pour l’acquittement, et accepta de se suicider lui-
même un mois plus tard.
Il a laissé une trace indélébile sur un truc qui échappe à toute contrainte
durable, en est-il l’inventeur ou non ? Mais il a laissé la philosophie à
l’état de science. Et ça c’est important.
Parce que la source de la philosophie, le discours sur le savoir, le
comprendre, c’est basé sur le fait qu’il y a des gens qui veulent
commander et posséder, et que de l’autre côté il y a des gens qui
comprennent pas pourquoi ils doivent être commandés. Ça tient au fait
que ceux qui commandent donnent toujours, tôt ou tard, des ordres
idiots ou dangereux pour ceux qui doivent obéir et qui ont pour
conséquence invariable cette question que tout être humain se pose
quand une merde lui tombe sur la tronche "mais pourquoi moi ?". Or la
réponse du chef arbitraire, brut et con est aussi invariablement un truc
du genre "ta gueule". Arbitraire ... ce n'est pas branler le mec qui
surveille le terrain de jeu, c'est devoir supporter des décisions ou des
choses imbéciles ou néfastes alors qu'on pourrait s'y prendre
autrement.
C’est Socrate qui le premier explique, et on le sait pas ses disciples,
que tout pouvoir doit être expliqué et conféré par la raison et non par
les idées toutes faites. Il explique que toute personne doit être libre de
penser par elle-même et de s’exprimer. Que la raison n’est pas dictée
par autre chose que la logique. Célèbre pour avoir choisi d’enseigner
gratuitement, contrairement aux sophistes qui se faisaient payer fort
cher, il a voulu imposer un modèle de société qui s’organise en donnant
83
accès au savoir à tous, et en donnant non seulement le savoir mais la
raison à toute chose.
On ne peut pas dire que la gauche est née, mais ceci est une fondation
sérieuse. Moi j’affirme que Socrate est le premier symbole, en son
temps, d'une gauche en devenir.
Prémices d'une société moderne : ou le passage de l'obscur aux
Lumières
Il faudra du temps, beaucoup de temps pour que les efforts des cités
grecques, puis romaines aboutissent à l’idée qu’entre aristocratie et
démocratie le modèle le plus stable est peut-être la démocratie, ce qui
n’est finalement pas encore prouvé d’ailleurs, mais on sait qu’il existe
des démocraties qui survivent à ceux qui les ont créées alors qu’il
n’existe pas de monarque qui ait survécu à lui-même. C’est un indice.
Le second indice est que les aristocraties déterminent, dans l’entre-soi,
ceux qui en font partie. Ce qui a eu tendance à créer des soucis, entre
la consanguinité d’un côté et la cooptation d’andouilles d’un autre.
L’aristocratie prend aussi parfois des formes inattendues. Il aura fallu
faire l’expérience successive de Napoléon et de Staline pour
comprendre que de gens à l’esprit révolutionnaire les pétages de
plombs pouvaient aboutir à des gros cons d’aristos sanguinaires. On a
le cas de certaines aristocratie bizarre aussi avec les religions elles-
mêmes ...mais c'est une autre histoire.
D’ailleurs on n’est pas certain d’avoir fait le tour de la question. On
espère avoir compris un maximum de choses, mais on n’est pas
totalement rassurés.
Les démocraties reposent sur des principes assez simples ... on
demande l’avis des gens pour prendre des décisions. Il y a des
variantes. Entre une démocratie “occidentale” parlementaire et
respectueuse des mandats des élus, et les élus eux-mêmes
respectueux de leurs électeurs, le monde idéal, qui existe rarement,
enfin ... pas, mais bon ... flûte, entre ça et les démocraties populaires
avec parti unique et milices politique qui passent dans la rue armés
jusqu’aux dents, en groupes de quatre par quatre pour jeter les
opposants dans les geôles du pouvoir ... etc etc ... il y a un monde de
variantes à la notion de liberté plus ou moins étendue.
84
Il y a des aristocraties plus libres que certaines démocraties. Et y a t-il
des démocraties qui ne contiennent pas d’aristocratie ? Belle question
! (On verra que non mais c'est un peu pointu comme sujet).
Pendant des siècles on a eu la monarchie. Et pendant des siècles la
monarchie a fait chier. Au point de monter les gens contre les
aristocrates. Au 18ème siècle, à force d'en baver les gens, pas
seulement les gens de rien, mais un peu tout le monde commence à
s'agiter du bonnet.
Ah ça ira, ça ira, ça ira
En 1789, il y a eu la révolution française. Ça a commencé plutôt soft.
Ça s’est fini en jus de boudin, mais le bordel a duré trois ans. C'est
NDDL à la puissance 23, tout le monde veut inventer son espace de
liberté à sa façon, et parfois à sa botte.
Donc la gauche et la droite sont nées là. Il y avait un parlement, dans
lequel les défenseurs du Roi se plaçaient à la droite du perchoir et les
opposants qui demandaient la République se plaçaient à la gauche.
Dans le positionnement des députés lors des séances de l’Assemblée
Nationale d’août-septembre 1789, on était en pleine Constituante donc,
il y avait les tenants du pouvoir de véto du Roi qui se plaçaient à droite
du président de l’Assemblée, principalement les nobles et le clergé,
tandis que les opposants au véto du Roi, principalement le Tiers-état
se plaçait à la gauche du Président. Les représentants de la gauche
s’intitulèrent eux-mêmes les patriotes. Ils se disaient déjà républicains.
La raison ? A gauche ou à droite ? La vraie ? Parce que les places
d’honneurs, les meilleures chaises et les fauteuils, étaient du côté droit
! Véridique.
Cet usage a pris rapidement dans les habitudes de l’Assemblée et est
devenu un symbole repris dans la plupart des parlements du Monde,
où les "conservateurs" se placent à droite et les “progressistes” à
gauche.
Mais et surtout ... de cet usage il ressort que la droite est assez
favorable à l’aristocratie, et la gauche à la démocratie. les choses ne
sont pas binaires, mais il y a un peu de ça. Et c’est finalement une
opposition qui est parallèle avec le combat de Socrate contre les
85
sophistes, où les sophistes étaient les défenseurs de l’aristocratie, que
Socrate combattait par le raisonnement et la connaissance.
C’est la première fondation, constante depuis, de la gauche et de la
droite, avec les conservateurs de droite et les progressistes de gauche.
Il faut toutefois se garder d’utiliser le tranchant des idées toutes faites
(les sophismes) et rester philosophe. Il existe des cas où le
conservatisme habille des gens de gauche et inversement. C’est parfois
une question d’éléments de langage.
Ça ira comme ça jusqu'aux temps modernes
Alors la gauche, la droite c’est quoi dans le fond ?
Comme j’ai longtemps tourné et retourné la matière dans ma tête, plus
de quarante ans, j’ai vu sortir des germes d’idées assez précises. Au fil
de mes années qui passent j’ai retenu que la gauche était :
- humaniste
- éprise de libertés individuelles
- sensible à l’adoucissement des inégalités naturelles et
artificielles
- soigneuse de ne laisser personne sur le bord de la route
- amoureuse du savoir partagé par tous
- consciente du fait que la société pour progresser doit non
seulement défendre les libertés mais encadrer l’effort commun
pour construire et pérenniser les biens collectifs
- soucieuse du bien être en accompagnant les cadets et en
protégeant les aînés
- ...
La gauche est humaniste. Bien souvent on entend reproché cette idée
d’humanisme qui pour certains n’évoque pas grand chose. Mais au fond
elle a un sens précis à l’origine, qui est de considérer qu’il n’y a pas des
races, des groupes, des castes, mais une seule humanité dont tous les
membres sont égaux en droits. On dit que la gauche est universaliste.
Le terme n’est pas nécessairement moins discutable ou discuté.
Il n’y a pas si longtemps est venu un petit discours, presqu'intimiste,
mais combien dense et consistant qui m’a donné une solution simple
pour résumer efficacement la gauche.
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Edgar Morin qui s’exprimait lors de la campagne pour la présidentielle
2017 a fait cette interview remarquable dans laquelle il a expliqué en
mots simples les sources de la gauche :
- la source libertaire qui veut que l’individu soit toujours plus libre
- la source socialiste qui veut que la société soit améliorée
- la source communiste qui veut qu’on soit communautaires
- la source écologiste qui veut dire que notre rapport avec la
Nature est essentiel, et qu’il faut la sauvegarder
Ainsi énoncé l’esprit de la gauche est bien représenté dans sa vision
moderne dont les fondations successives au fil de l’histoire reprennent
les idées de liberté, de progrès social, de solidarité universelle de la
communauté humaine et de protection de l’ensemble de tous les biens
communs que représente la Nature toute entière.
Soit. Moi je comprends cela, et j’en fais l’essence de ma construction
intérieure, d’une philosophie politique qui englobant l’ensemble de ces
valeurs ne contredit pas l’esprit fondateur de la République : liberté,
égalité, fraternité; qui ne contredit pas l’esprit fondateur de l’esprit de
la Révolution (de 1789) et qui est décrit dans la Déclaration des Droits
de l’Homme et du Citoyen. Et qui ne contredit pas l’esprit et la lettre de
la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
Mais alors ... et la droite ?
J’aurais tendance, en bon rationaliste à dire que la droite est ce qui
n’est pas la gauche. Que la droite est conservatrice, qu’elle n’est pas
universaliste, qu’elle n’est pas ouverte au Monde, et pas assez
respectueuse de la Nature. J’aurais tendance à dire ça : et je me
prendrais les pieds dans le tapis à considérer qu’il suffit de dire qu’on
pense un truc, pour être classable d’un côté ou de l’autre ... ce qui est
faux.
Il y a une chose qui rend tout ça pas si simple et intuitif. C’est que
derrière chaque société humaine il y a un volet humain, et un volet
économique.
Oui, l’économie ... tu vois ... etc ... bon. Mais peu importe par quel bout
on prend la chose, économie n’est pas forcément pognon. Et ce n’est
pas ça le sujet.
87
En fait il y a un truc qui divise gauche et droite bien au-delà de l’argent,
de la valeur de l’argent, du sens qu’on donne à l’argent, c’est le principe
de propriété.
Devenez propriétaire. Mais propriétaire t'es rien ?
Et là il y a un clivage particulier entre la gauche et la droite dans la
vision moderne, du monde tel qu’il est.
Il y a des gens qui réfutent l’idée de propriété. Certains extrémistes
pensent que c’est la propriété qui fait qu’il y a des gens très heureux
d’un côté, et très malheureux de l’autre. Parce qu’il y a eu, et il y a
encore des gens qui possèdent ... et pas seulement une machine à café
ou une boîte d’allumettes, mais aussi la terre sur laquelle je marche, le
coin dans lequel je veux me reposer, le sol dans lequel je pourrais
semer des graines, pour plus tard récolter de quoi manger ... et cette
propriété n’est souvent pas très bien partagée.
D’ailleurs, si on repart du début de l’histoire ... il y a des aristocraties
qui se développent, qui s’entourent d’un clergé, d’une troupe, et qui
déclarent que toutes choses leur appartient. Comme ça c’est réglé. Et
si tu fais pas partie de ce petit milieu aristocratique, tu dois ... payer
pour manger, pour dormir, pour vivre, ... et pour payer tu auras de
l’argent si tu travailles pour l’aristocratie. Et si l’aristocratie décide que
l’aristocratie voisine à des boutons sur la tronche, tu dois aller te battre
.. pour tes maîtres. Au début de l’histoire il y a des maîtres, des
esclaves, et une petite proportion de gens un peu délurés, ou chanceux,
qu’on laissera prospérer pour assurer un peu la paix entre les deux
mondes, celui des riches, et celui des pauvres.
Au coeur de la meute !
Ce cirque-là a toujours existé, et part probablement du principe que les
humains sont des animaux grégaires, sociaux, et qu’ils développent
naturellement l’esprit de meute. D'autre part les humains sont par
construction naturelle inégaux.
Dans toute meute il y a un ou des chefs de meute. Il y a des forts et
des faibles, des doués et des maladroits ...
Cela créé une relation hiérarchisée. Cette relation hiérarchisée repose
sur la croyance volontaire ou pas, imposée ou non, qu’il y a des gens
88
mieux placés pour décider à la place de la meute. On peut observer
n’importe quel genre de troupeau ou de meute pour comprendre que
le gros du troupeau ou de la meute suit ou précède un chef de meute,
ou un illuminé du troupeau. A moins que ce ne soit le chien de garde
ou le berger qui de coup de dent ou de bâton soit convainquant.
D’où vient l’idée que la propriété serait la source du mal ? Ce n’est pas
évident, mais ça vient probablement du fait qu’au fil de l’Histoire
humaine se sont développés des modes d’organisation sociale qui ont
imposé la mise en place de biens communs et de biens privés, et que
la bataille pour l’usage libre des biens communs, et la définition de leur
périmètre est une bataille sans fin.
Un bien privé est un bien, quel qu'il soit dont je peux disposer à ma
guise sans en référer à qui que ce soit. Un bien commun, public, est un
bien que je partage avec les autres et dont on doit s'inquiéter d'être
d'accord pour s'en servir, l'entretenir et permettre à chacun d'y avoir
accès.
Il y a eu le temps des féodalités. Il y a eu le temps des lumières et des
révolutions, ou des monarchies éclairées. La civilisation humaine dans
son ensemble a évolué pour assumer l’idée que les biens communs sont
préférables dans bien des cas. Mais pour que les entreprises humaines
réussissent il faut des chefs pour chaque projet.
On a inventé la civilisation sur le temps long. Elle a d’abord été
organisée autour d’aristocraties qui ont créé, ou peut-être cru tout
simplement, que l’ordre des choses était imposé par le divin, par des
dieux, multiples, conciliants avec les uns, méchants avec les autres, au
point de conduire des monarques à vendre leur âme aux curés ... ou à
payer pour racheter leurs péchés ... enfin toutes ces croyances ... dans
un monde qui serait déterministe et où les choses seraient écrites de
telle sorte qu’on a pas le choix et il faut faire ce qu’on nous impose ...
c’est comme ça parce que c’est comme ça !
Et bien ça c’est un sophisme. Et contre les sophismes nous avons
Socrate ... et tous ses successeurs.
Darwin un naturaliste et paléontologue de talent
89
Non le monde n’est pas déterministe. Ça c’est un Monsieur Darwin qui
en a eu l’intuition et a tenté d’en faire la preuve ... tentative plutôt
réussie. C'était au 19 ème siècle. Mais il a mis un grand bordel dans les
esprits.
Comment ? Le monde serait donc évolutionniste, et les choses ne
seraient pas le fruit d’un dessein divin ? Mais le respect se perd mon
cher !
Darwin n’était pas un homme de gauche ou de droite. Ça il s’en fichait
un peu dans son cadre de vie et à son époque précise. En fait Darwin
croyait en l'existence de Dieu, d'un dieu unique, avec un bémol. Quand
il a perdu sa fille Darwin a décidé une fois pour toutes que Dieu n'était
pas doué pour être gentil. Fin de son allégeance.
Mais sa contribution à l’esprit de gauche est indéniable. Il y a beaucoup
plus de gens qui ont des convictions religieuses qui se déterminent
comme étant de droite, que de gauche. C’est un fait. Mais ce n’est pas
un fait aussi dichotomique que ça.
Pourquoi, parce qu’il y a des gens qui ont des convictions religieuses
mais que ce n’est pas le problème pour ce qui est des choses terrestres.
Donc on peut avoir des opinions sur la religion, ou pas, pour ou contre.
Et après tout de nos jours, en France, ça n'affecte à priori pas la
politique parce que des gens en 1905 ont mis au point un texte
fondateur sur la laïcité qui explique que la politique et la religion
peuvent exister indépendamment l'une de l'autre.
Et c'est quand Jésus crie
Au milieu de l’histoire de l’humanité, il y a un moment clef intéressant,
et qui renvoie à la question sur la propriété.
C’est l’histoire d’un mec dont la naissance fait encore débat, mais qui
a eu un gros passage à vide et un jour il s’est mis à faire des meetings,
sans l’accord des autorités, et comme il avait du bagou les gens
l’écoutaient.
Et c’est là qu’il a expliqué aux gens que la liberté était fondamentale,
et que la fraternité aussi. Aimez-vous les uns les autres. Belle parole.
On a traduit ça plus tard par “faites l’amour mais pas la guerre” entre
autres. Mais c'était beaucoup plus tard.
90
Il a dit un truc aussi qui était assez novateur à l’époque. On lit dans
l’Evangile, que Jésus, on l’appelle ainsi par chez nous, a commencé à
répandre son message en Palestine et attire l'attention sur lui. Les
Pharisiens, qui voient en Jésus un agitateur, décident de lui tendre un
piège. Ils se présentent à lui et lui demandent s'ils doivent payer le
tribut demandé par les Romains, donc un truc comme un impôt
d'occupation.
Jésus comprend que c'est un piège qu'on lui tend là : s'il répond que
l'on ne doit pas payer le tribut aux romains, il sera immédiatement
dénoncé comme agitateur, les terroristes de l'époque, aux autorités, et
il sera probablement condamné comme tel. A l'inverse, s'il répond qu'il
faut payer le tribut aux romains, il perdra de sa magnificence, le fils de
Dieu prétendu étant lui aussi obligé de se soumettre aux lois de
l'occupant.
Jésus prend l'initiative de répondre aux Pharisiens et leur demande de
lui présenter une pièce de monnaie. Une fois la pièce en main, il
demande à qui appartient le portrait frappé sur la pièce. C'est celui de
César, l'empereur romain lui répond t-on. Et Jésus de dire : "Rendez
donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu".
Ce qu’il dit là est une parole d’Evangile ! En fait il reconnaît qu’il peut y
avoir des gens qui décident et imposent pour nous et que nous leur
devons peut-être quelque chose, peut-être sous la contrainte, ou peut-
être librement, mais ces gens ne possèdent pas une chose : notre âme.
Liberté !
Je vis sur les terres d’une société qui ne me permet pas d’en être
propriétaire sans lui payer quelque chose, mais cette société n’est pas
propriétaire de moi.
Il y a d’autres trucs à ressortir de la Bible sous toutes ses formes, des
textes “sacrés”, il y en a plein, mais ce qu’il faut retenir c’est que la
plupart des fondements idéologiques de nos esprits modernes trouvent
leurs racines dans des trucs écrits il y a longtemps.
Et ici en particulier ce principe assez complexe en fait qui veut que
puisque César est le maître du pays, qu’il frappe monnaie, nous n’y
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sommes pas libres comme nous le souhaiterions, mais il ne possède
pas nos âmes.
Le principe de propriété est une chose simple à la base. Toute personne
qui occupe un lieu pour ses besoins vitaux est libre d’occuper ce lieu
pour vivre, sous réserve qu’il n’en ait pas délogé quelqu’un d’autre qui
y était avant.
Ça c’était du temps où c’était simple.
La propriété vitale et la propriété par héritage
Après sont venus des difficultés du genre “oui mais mon père une fois,
il s’est arrêté ici pour pisser, donc là où tu es c’est aussi à moi”. Dans
les esprits flous de ces temps fous est née l’idée de propriété
transférable.
J’arrive quelque part, je m’approprie
ce quelque part, et quand je
disparaîtrai mes héritiers pourront
garder ce que j’ai eu. Ce qui vaut pour
le terrain, la machine à café et les
allumettes ... si on n’a pas cramé
toutes les allumettes.
Et justement cette histoire d’allumettes ... ça va te mettre le feu à
l’humanité tôt ou tard.
Pourquoi ?
Quand le fils de Crao devient élève d'un futur business-man
Parce que les allumettes tu les utilises. Chaque jour, en étant économe
tu peux arriver à te contenter d’une pour démarrer le feu et avoir de la
flamme toute la journée. Mais au bout de quelques jours plus
d’allumette.
Et là Macran va voir Rahan dans la grotte d’à côté, et lui expliques :
- écoutes Rahan, toi tu es très sportif et habile, moi mon muscle c’est
ma tête, donc tu vas me fabriquer des allumettes tous les jours que tu
Macran m’amènes dans une boîte. Pour les
fabriquer il y a la grotte au salpêtre
92
que je me suis approprié, et pour le bois c’est la petite forêt juste à
côté, à moi aussi. Donc tu me fabriques des allumettes. Et moi je fais
cuire les merguez avec le feu, et le bois que tu ramènes en plus des
allumettes. Tu auras une merguez à chaque fois.
Rahan vient de recevoir un contrat de
travail de la part de Macran. Rahan se
dit c’est chouette je vais faire ce qu’il
me dit et je mange une merguez
cuite, sans avoir à m’en soucier du
comment.
La baise dans l’histoire se passe pas Rahan revisité en penseur
au moment du contrat de travail. A la
limite il y a des chefs de meute. On y
croit ou pas, on peut aimer César ou
pas. La baise elle est pas là.
La baise elle est dans “que je me suis approprié”.
La grotte dans laquelle vit Macran, c’est vital. Soit. Mais la grotte au
salpêtre c’est une ressource ... soit elle est privative, Macran possède
la grotte, parce qu’il a décidé et qu’il est malin dans le mauvais sens,
soit parce qu’il a convaincu les gens peu importe comment il a fait son
truc, mais tant que Rahan est d’accord avec Macran sur la grotte au
salpêtre, Rahan peut bouffer une merguez après une journée de taf.
Si Rahan fait ça il est esclave d’un système de droite.
Si Rahan un jour de fatigue se dit "mais j’en ai marre de me faire
baiser", il commence à être de gauche.
Pourquoi Macran peut-il arbitrairement et indéfiniment prétendre
posséder la grotte au salpêtre ? Sur la foi de quel injonction
déterministe et divine ?
Ah ... Socrate nous aide à penser, la raison, et Darwin nous aide à
réfuter le déterminisme.
Bon, ça vient de loin, mais on commence à comprendre la différence
entre, premièrement, deux types de propriétés, privée, et commune,
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et deux termes de propriétés temporelle, juste pendant que j’ai besoin,
et intemporelle, éternelle ou héréditaire.
Ça complique, mais c’est pourtant comme ça que ça fonctionne.
Et le pire, c’est que la propriété sur les biens communs, ces choses qui
ne sont pas de l’ordre de l’espace purement vital, est une propriété
disputée depuis un peu toujours, et toujours pas réglée, loin de là.
Le capital est-ce capital ?
Pour ceux qui lisent la version résumée, donc on parle de capitalisme
ou pas capitalisme.
Pourquoi capitalisme ? Parce que pour matérialiser le fait que la
propriété non individuelle et intemporelle existe, et pas que dans
l’esprit de Monsieur Pierrafeu, on a inventé l’idée que le bien collectif
pouvait être décrit en matière de propriété sous la forme d’actions, de
parts, de parts “sociales” même. Donc dans l’exemple Macran est
propriétaire de 100% de la grotte au salpêtre.
Il partage pas Macran. C’est pas un partageux.
En fait Macran il est de droite.
Si il était de gauche il aurait eu un discours différent : il aurait été voir
Rahan et lui aurait dit :
Bonjour fils de Crao, j’ai une idée bonne qu’elle m’est venue, c’est que
la grotte au salpêtre qu’est juste à côté du petit bois, si on allait passer
tous les deux une heure ensemble, l'un coupe le bois, l’autre gratte les
murs, et on prépare ensemble les allumettes qu’on partage en deux
parts égales et tout et tout ...
Et là Rahan aurait sûrement dit qu’il trouvait que c’était une bonne idée
de partager le travail et le fruit du travail à parts égales.
Et cette version là c’est profondément de gauche.
En plus on a remarqué que dans le scénario de droite, Macran fout pas
grand chose à part s’en mettre le plus possible dans la panse. Alors que
dans le scénario de gauche il mange plus raisonnablement, c’est bon
pour sa santé. Et puis en faisant les choses à deux, même si il faut se
94
caler pour y aller, et tout ça, au bout du compte, on se fatigue moins,
et on peut faire plus d’allumettes. On pourrait monter un business avec
toute la vallée de la Dordogne qui doit avoir des besoins de faire du
feu. Alors que seul Rahan il aurait été rapide à faire son boulot, mais
pour développer un business intelligent ... plus compliqué, on a pas 4
bras, merde.
~~~~~~~ Le café gourmand ~~~~~~~
Les graines du futur, on s'aime à tous vents
Tiens voilà un truc qu’un philosophe a ressorti ces derniers temps ...
un jeune originaire de Saint Renan. Il rappelait "seul on peut aller plus
vite, ensemble on peut aller plus loin".
Enfin voilà un peu, la gauche, la droite, bon juste un peu expliqué.
Mais ce qui est chiant au fond c’est que les choses sont assez simples
: à gauche on est solidaires, partageux plus volontiers, sans forcément,
faire les bisounours, à droite on est moins collectif, voire pas du tout.
Et alors avec tout ça on vit dans des sociétés un peu calées à gauche,
à droite, ou parfois on sait pas, à droiche et à gaute par exemple, avec
des aristocrates qui gouvernent une démocratie.
Alors la voie, la vraie qui permet de faire synthèse des idées de gauche
c'est comme j'ai dit plus haut ... mes idéaux : humanistes, éprise de
liberté individuelles, soigneuse de ne laisser personne sur le bord de la
route, etc, enfin ça porte un nom Le Futur désirable, tu vois.
On y met des trucs qui reprennent le meilleur du meilleur et comme on
voudrait nous faire taire en plus, des fois, notre force à nous c'est qu'on
est Vent debout. Et on peut dire, vu d'où on vient, qu'ils ont voulu nous
enterrer, mais ils ne savaient pas que nous étions des graines.
Mais juste pour dire, la gauche, la droite, c’est simple, sauf qu’il y a des
gens qui ont sortis de nouveaux concepts en voulant faire croire que le
monde n'a rien fait d'intéressant depuis des millénaires, que tout est à
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refaire, et qu'il faut abandonner la vieille politique. Sauf que quand on
gratte un peu leur culture, on comprend vite qu'ils valent pas tripette
et qu'en guise de nouvelles choses ils nous servent des vieilles recettes
à la mords moi le n'oeil.
Bon Yves, c’est promis on révise la partie sur l’économie libérale,
Bastiat etc ... là on mettra le doigt sur la réalité du péché originel ...
l’histoire de la pomme avec Eve la cause de tous les mots, et Adam
l’andouille qui ne savait rien.
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