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Published by , 2018-12-14 10:19:37

TEMOIGNAGES

TEMOIGNAGES

TEMOIGNAGES

1) Le schizophrène

A. Histoire : « j'ai un patient schizophrène que je suis depuis 7 ans maintenant. Il refusait
d'accepter le diagnostic, et refusait donc le traitement pourtant efficace. Des plaintes de
voisinage se sont multipliées. J'ai fait appel à l'équipe ambulatoire de St Luc, nous avons fait
une consultation commune chez lui. Ils n'ont malheureusement pas réussi à le convaincre mais
lorsque la mise en observation s'est avérée nécessaire, ils ont pris les choses en main et ont
fait que j'ai pu garder la confiance de ce patient, que je suis toujours, pour le meilleur et pour
le pire. »

B. Réflexion : « en tant que médecin traitant il est primordial d'être accompagné chez ce genre
de patient. Il est juste impossible de travailler seule. La communication est la clé. J'ai toujours
le numéro de la psychiatre par exemple, ce qui a permis une coordination efficace. Ça a aussi
permis de mettre le patient en confiance (initialement en tous cas). »

C. Coordonnées :

• Dr Marianne Schoofs
[email protected]
• Tel : +32496677675

2) La psychotique paranoïde, les jumelles en psychogériatrie, l’alcoolique greffé du cœur

A. Histoire :
1. « Une patiente de 75 ans, totalement isolée, sort d'un an de séjour hospitalier en
unité fermée suite à des troubles du comportements de type psychose paranoïde.
Avec l'aide de psycot*, depuis plusieurs années, des réunions en général trimestrielles,
avec les infirmières, la responsable des aide soignantes et du centre de k-jour qu'elle
fréquente, l'assistante sociale des appartements sociaux et parfois son administrateur
de biens, permettent de mettre à plat tous les problèmes petits et grands, ce qui
permet à la patiente de rester chez elle avec un environnement sécurisant, hormis 1
séjour en psychogériatrie décidé lors d'une de ces réunions. Je participe bien sûr à ces
réunions pour cette patiente par ailleurs diabétique nécessitant 2 passages/j des
infirmiers pour son insuline. »

* PSYCOT = coordination et structuration de l'aide offerte aux patients psychiatriques qui se
trouvent à domicile :
- organisation de réunions de concertation avec le patient et ses soignants
- coaching des intervenants de première ligne confrontés à des clients avec des problèmes
psychiatriques
- sensibilisation des équipes autour du thème de la santé mentale.

2. Dionysos* nous a bcp aidées dans la prise en charge d'une situation de
psychogériatrie, en organisant des réunions de coordinations pour 2 sœurs jumelles
et atteintes à différents degrés d’Alzheimer, la transition avec des appartements en
résidence service a pu se faire sereinement.

*DIONYSOS est une unité mobile de soutien au réseau de soins de personnes âgées et fragiles
de plus de 60 ans.

3. Atome nous aide pour une situation très complexe d'un patient de 30 ans, greffé du cœur,
alcoolique et déstructuré, en mettant en place un cadre avec le psychologue, l'assistante
sociale, le patient et moi-même.

B. Réflexion : « les structures d'appui ont soit disparu, soit perdu la moitié de leur financement.
Leurs spécificités sont parfois très difficiles à cerner (âge, géographie, type de pathologie)
j'avais avant recours à Eole pour cerner les situations et trouver l'interlocuteur ad hoc, c'était
très utile et un véritable appui pour la psychiatrie ambulatoire, et cela a disparu, nous avons
un peu l'impression d'abandon de terrain. »

C. Coordonnées :

• Dr Poelman Reinelde
[email protected]
• Tel : +32476797815

3) L’enfant qui veut mourir, la collaboration avec le CGG, les Aidants Proches à la rescousse

A. Histoire :

1. J'ai appelé la plateforme Bru-Stars pour une situation qui m'avait alarmé (un enfant
de 10 ans avait tagué sur son mur "je veux mourir maman", dans un contexte familial
très difficile) ...après une conversation téléphonique j'ai eu quelques clefs pour
m'aider à déceler si c'était une urgence véritable ou non, ça a pu me guider dans mon
anamnèse et m'aider à trouver la meilleure option pour le suivi de cette famille.

2. Dans notre maison médicale nous avons une convention de collaboration établie avec
le CGG (centrum voor geestelijke gezondheidzorg) du quartier. Leurs psychologues
viennent à notre rencontre régulièrement et suivent certains de nos patients. Comme
nous nous connaissons, nous avons un contact facilité avec eux et cela lève beaucoup
de barrières d'accès aux soins pour nos patients. De plus, nous avons une psychologue
"de première ligne" dans notre équipe qui fait un grand travail d'orientation et de suivi
de patients, mais aussi nous soutient et nous aide au quotidien en tant que médecins.
C'est extrêmement précieux, je ne voudrais plus travailler sans psychologue dans mon
équipe.

3. J'ai eu un contact téléphonique avec la coordination Aidants Proches, pour le suivi
d'une dame qui est dans une situation dramatique (mari présentant un grave
problème de toxicomanie, dettes financières, ...). Une personne m'a envoyé par mail
une liste de centres de référence et groupes d'aidants proches. Cela m'aurait pris des
heures si j'avais dû chercher cette information moi-même, je leur en suis très
reconnaissante.

B. Réflexion : « L’obstacle principal est la fragmentation de notre système de soins. Il existe de
très nombreux réseaux, chacun pour une pathologie spécifique, et en tant que généraliste
confronté à TOUTES les pathologies possibles en santé mentale (y compris les pathologies

graves et lourdes telles que la schizophrénie pour laquelle typiquement le patient ne consulte
pas en deuxième ligne), il est impossible de s'y retrouver et de tout connaître. De plus, nous
sommes dans une approche différente puisque confrontés à la multi-morbidité et la
complexité des personnes qui n'ont pas "qu'un problème de santé mentale", mais aussi des
difficultés familiales, de logement, des pathologies "somatiques"...Nous avons besoin d'une
coordination centralisée, qui nous permettrait de nous orienter quel que soit le problème et
nous renvoyer vers les structures les plus adéquates. D'un endroit où nous pourrions aussi
rencontrer les autres acteurs de santé. Je me réjouis de voir que nous avons déjà à notre
disposition de telles structures et que celles-ci travaillent à une meilleure coordination,
centralisation et visibilité.

De plus, un deuxième obstacle majeur est l'absence territorialisation. Chaque réseau opère sur
"son territoire", souvent auto-défini, et sans cohérence avec la réalité des habitants qui
déménagent régulièrement. Pour une ville d'un million d'habitants, c'est surréaliste. Nous
avons besoin d'unifier Bruxelles et là aussi d'en faire un seul et unique "grand territoire" ce qui
n'empêche de le sous-diviser pour travailler ensuite localement. Là aussi, je me réjouis de
constater que les choses semblent aller dans cette direction. »

C. Coordonnées :

• Dr Hélène Dispas
[email protected]
• Tel : +3285312230

4) Le RAT à la rescousse, les trois patients en crise, le réseau autour du patient

A. Histoire :

1. Deux patients que j'ai eu n'étaient pas en demande de suivi psychologique, mais
exprimaient un malaise existentiel (envie de ne rien faire, de rester seul, de ne
rencontrer personne, qui m'ont fait dire qu'ils avaient besoin d'une aide). Ils étaient
tous les deux alcooliques ; alors j'ai pensé au RAT où je sais qu'il y a des assistants
sociaux qui ont une formation psy, et qui peuvent accueillir des personnes en détresse
pour déblayer un peu ce qui se passe chez les patients. L'assistante sociale du RAT m'a
aussi aidée à voir ce qu'il se jouait entre les patients et moi et pourquoi ils étaient
venus se plaindre chez moi.

2. Trois autres patients étaient psychotiques, et malheureusement lorsqu'ils étaient en
crise, la seule façon de les calmer a été de les hospitaliser. Souvent contre leur gré, via
l'appel d'une ambulance ou même de la police parfois quand la patiente refusait d'être
emmenée par l'ambulance. Il fallait alors faire une demande de mise en observation.
Par contre, je pense qu'il y a un réel travail de réseau à faire chez ce type de patients
quand ils ne sont plus en crise pour tenter d'éviter une récidive. Je pense à une
patiente pour qui l'hôpital a mis en place à sa sortie un suivi psychiatrique, un centre
de jour, et un suivi social près de chez elle. Je pense que cela a réussi du fait que tout
cela avait été mis en place près de chez elle. Pour un autre patient, un administrateur
de biens et une équipe mobile psy ont été mis en place par une assistante sociale qui
le suivait ; et cela a un peu réduit le nombre de récidives, il me semble.

3. Enfin, les autres cas sont souvent des cas semi aigus, où on sent que le patient ne va
pas bien (il peut même parler d'une hospitalisation), mais où on sent que le patient
gère encore un peu, ou qu'il y a autour de lui un réseau familial pour le soutenir. A ce
moment-là, c’est important d'avoir des adresses, de pouvoir appeler un psy ou un
psychiatre que l'on connaît pour lui demander une prise en charge assez rapide

B. Réflexion : il me semble très important pour le patient fragilisé psychiquement, de trouver des
structures d'appui près de chez lui ; pour le médecin, il me semble que c'est important qu'il
connaisse des adresses auxquelles il peut se référer si nécessaire. Les obstacles rencontrés,
c’est lors d'une crise de psychose ; c’est difficile à gérer ; parfois cela prend du temps de
demander une mise en observation, et le patient continue à aller mal entretemps...mais je
trouve que les dernières années, il y a une meilleure coordination des soins psys en cas
d'urgence...

C. Coordonnées :

• Dr Claire Vuylsteke
[email protected]
• Tel : 0476220835

5) La tête dans les étoiles

J'avais repris la charge du suivi médical de Philippe (nom d'emprunt) et mon prédécesseur avait noté
dans ses antécédents : syndrome dépressif. Après quelques passages et entretiens, je me rendais vite
compte qu'il souffrait de schizophrénie au vu de certains éléments évoquant un délire de persécution
mais aussi en rapport avec le traitement dont il bénéficiait (antipsychotique à bonne dose et
antidépresseur léger).

Philippe était un jeune homme de vingt et un ans dont le suivi psychiatrique avait débuté assez tôt
dans l'enfance avec pas mal de problèmes dans l'acquisition des apprentissages et dans ses relations
sociales. Tenir simplement un Bic entre ses doigts pour écrire représentait une complication et il
avait pris du retard pour tout un tas de choses. Ce retard avait mobilisé du monde car si on est en
retard, on ne peut plus rentrer dans les filières classiques. Lorsque l'entourage est vigilant, cela
permet de déclencher tout un tas de mesures comme une prise en charge au centre PMS de son
école, un suivi avec un pédopsychiatre, orthophoniste, psychométricien. Cela faisait du monde pour
le petit Philippe qui se débattait dans ses apprentissages.

En fonction des lieux par lesquels il était passé, on parlait de dysharmonie évolutive, retard des
acquisitions, retard global de développement ou troubles autistiques.

Pour tous, c'était flou mais à prendre en considération afin de ne pas le mettre dans une case en
fonction de la symptomatologie actuelle mais en prenant compte l'entièreté de son parcours de
troubles neurodéveloppementaux.

En consultation, j'avais cette sensation que Philippe souffrait de schizophrénie car il me parlait de son
sentiment de persécution notamment dans la rue où il avait l'impression que les gens allaient
l'agresser. Alors, Philippe jetait souvent des regards en coin jusqu'à parfois se retourner pour vérifier
s'il n'était pas suivi. Il avait par ailleurs des tics vocaux de type gloussement et rires incontrôlés qui
laissaient flotter un sentiment de bizarrerie lors des consultations.

Un contact fut pris avec une structure de type hôpital de jour pour jeunes adultes qui possédait un
centre d'aide par le travail. Philippe m'avait confié qu'il voyait son avenir lumineux comme les étoiles
qu'il rêvait de voir un jour accrochées sur le mur de son restaurant futur. Il se voyait Chef étoilé ! Ni
plus ni moins...

Par l'intermédiaire de cet établissement protégé, Philippe pouvait travailler, il avait reçu la
reconnaissance de travailleur handicapé. Ce statut protégé lui permettait de trouver aussi du travail
dans des milieux d'abord adaptés et puis "ordinaires" avec des postes dédiés.

Au fil du suivi de Philippe, j'ai pu entrer dans l'intimité du vécu d'un commis de cuisine. La rigueur de
l'apprentissage. Les difficultés de sa dyspraxie, les moqueries de ses camarades, la confection des
plats et desserts, ...

Avec la pression des émissions de télévision type Top Chef, j'avais crainte que Philippe n'explose en
vol du fait de la difficulté de ce milieu.

Heureusement, la bienveillance des encadrants permettait d'éviter la rigidité du schéma classique de
rapport de force et de hiérarchie.

Philippe a peu à peu appris son métier et n'a rien lâché. Malgré les difficultés, il a poursuivi son rêve
d'apprentissage de la cuisine.

J'espère qu'il pourra un jour ouvrir son restaurant et exaucer son rêve plein d'étoiles...

« Il n’existe pas de meilleur exercice pour le cœur que de se pencher
pour aider quelqu’un à se relever »

John Albert Holmes.

Je suis Thierry depuis sept ans dans ma maison médicale.

A cette époque il vivait dans la rue : il y vivait depuis vingt ans.

Son récit de vie il me l’a souvent raconté : abandonné par ses parents il a vécu en institution
jusqu’à ses vingt ans. Il n’en a pas gardé en mauvais souvenir, il y était bien soigné. Ensuite le
service militaire, son mariage, une fille et puis…le divorce après trois ans de vie commune. Il
ne pouvait plus payer le logement, il perd son travail et c’est comme çà qu’il s’est retrouvé
dans la rue. Il m’a décrit ce que c’est la rue : un enfer. Le plus terrible ce n’est pas la faim ou
le froid, le plus terrible c’est la peur, une peur de tous les instants. Vous ne savez pas ce qui
vous attend, qui vous allez croiser la nuit. Une nuit il été agressé par une bande de voyous
qui l’ont violé. Alors pour tenir, pour vivre avec cette peur, il s’est mis à boire de plus en plus
et à consommer du cannabis.

Au début de son inscription dans notre maison médicale il n’était pas facile à « gérer ». Il
ratait ses rendez-vous, débarquait n’importe quand, souvent ivre et dérangeant les autres
patients dans la salle d’attente. Heureusement nos accueillants ont fait preuve de beaucoup
de patience et de bienveillance pour l’apaiser. Un jour, je me souviens, il est arrivé en
hurlant, en pleurant, les bras ensanglantés d’entailles qu’il s’était faites avec un cutter.

Un soir il va dans une famille protestante qui offre du café et des sandwichs aux sans-abris
du quartier. La dame le trouve mal : il tousse, il a de la fièvre. Maria le conduit à l’hôpital où
il est hospitalisé pour une pneumonie sévère. Elle vient le visiter à l’hôpital, le recueille chez
elle à sa sortie. Elle voit un appartement à louer dans sa rue, l’accompagne au CPAS et chez
le propriétaire. Miracle : il peut le louer. Il y habite depuis quatre ans, avec son chat. Il lui a
fallu une année pour s’y sentir chez lui, pour fermer la porte à clé.

Maintenant Thierry vient me voir tous les quinze jours, pour vérifier sa tension, mais surtout
pour maintenir le lien. Il n’a pas de famille, pas d’amis. La maison médicale est devenue sa
famille : il y voit nos kinésithérapeutes pour ses lombalgies, notre psychologue, notre
assistante sociale. Il vient toujours une demi-heure à l’avance à ses rendez-vous, boit un café
bien chaud, bavarde avec nos accueillants.

Je vois trois facteurs qui ont permis cette réussite :

➢ Notre maison médicale est une porte d’entrée aux soins à bas-seuil. Je pense que
dans d’autres institutions de soins son comportement « dérangeant », l’aurait
rapidement exclu
Il faut encourager l’ouverture dans les réseaux de santé mentale de structures à bas-
seuil.

➢ L’intervention de ce que j’appelle « les anges gardiens ». Sans l’accompagnement de
Maria, Thierry serait toujours dans la rue aujourd’hui. Ou mort. Dans notre société de

plus en plus individualiste, avec la rupture des liens sociaux qu’elle entraine, il est
urgent de rappeler l’importance de se soucier les uns des autres et de notre
responsabilité à porter aide et assistance aux personnes en détresse. Il y a là un
travail d’éducation et de mobilisation à faire de toute urgence. La présence
d’« accompagnants psycho-sociaux » est indispensable dans le réseau qui prend un
charge ces patients.
➢ L’importance d’offrir un logement aux sans-abris est une priorité, comme l’illustre
bien ce témoignage. C’est tout l’objet du programme « Housing First » promu par les
Infirmiers de Rue. Il est scandaleux que notre ville ne réponde pas à cette exigence,
qui est un Droit Humain, rappelons-le encore une fois !

Bien sûr Thiery n’est pas « guéri » dans le sens où il n’est pas « normalisé » : il reste une
personne « borderline », impulsive, avec une colère qui reste en lui, car la vie a souvent été
injuste à son égard.

Il continue à consommer du cannabis et de l’alcool mais beaucoup moins qu’auparavant

La santé mentale que nous visons n’est pas l’absence de maladie, elle répond plutôt à la
définition suivante :
« une personne en bonne santé mentale est capable de s'adapter aux diverses
situations de la vie, faites de frustrations et de joies, de moments difficiles à
traverser ou de problèmes à résoudre. Elle est aussi capable d'éprouver du plaisir
dans ses relations avec les autres.
Bref, posséder une bonne santé mentale, c'est parvenir à créer un équilibre entre
les différents aspects de sa vie : physique, psychologique, spirituel, social et
économique.
Cet équilibre n'est pas statique, il fluctue sur un continuum tout comme la santé
physique. »

Dr Alain DEVAUX

Soutien à domicile

Je connais cette patiente depuis environ deux ans. D’origine Sénégalaise, S. s’est installée à Bruxelles
il y trois ans, alors enceinte d’une petite fille. Le père est « inexistant », pas de nouvelles de lui… Elle
m’a toujours exprimé à quel point c’était difficile pour elle d’éduquer sa fille seule : elle met
difficilement des limites, passe des nuits horribles et se sent en permanence à bout et très irritable.
Elle vit dans un studio microscopique. Elle a tout de suite noué un très bon contact avec la
psychologue de notre maison médicale.

S. est toujours très belle, habillée, maquillée et souriante à première vue, mais dès qu’on lui
demande « comment ça va ? » elle répond « un peu » et parle de temps à autre d’idées noires qui la
traversent….Depuis quelques semaines la situation s’est dégradée. Elle a eu un deuxième enfant d’un
autre père qui ne vit pas avec elle. Elle est débordée, ne dort presque plus et sent de plus en plus
d’accès de colère la prendre. Elle a perdu son droit au revenu du CPAS. Et elle a développé des
comportements très violents avec sa fille. Il arrive à la petite d’être présente à la consultation,
d’écouter sa mère parler et de pleurer silencieusement sur sa chaise. Mon cœur se déchire à chaque
fois que cela se produit. Heureusement, ma collègue psychologue est très présente et n’hésite pas à
se rendre chez S. pour la suivre à domicile.

Nous avons depuis peu le soutien d’un service néerlandophone d’aide aux familles et soutien à
l’éducation à domicile. Ils viennent chez elle tous les jours et ça nous ôte un poids, la confiance s’est
créée et S. se confie à tous facilement. La petite peut également être écoutée.

Il y a quelques jours, S. a menacé de se suicider et d’emporter ses enfants avec elle.
Malheureusement la police a réalisé une intervention d’une violence démesurée et complètement
inappropriée à la situation. Nous sommes en colère, mais puisque la confiance était là, S. continue de
nous voir, malgré qu’elle a un moment voulu tout abandonner (puisque nous avions averti les
autorités dans le but de recevoir de l’aide, nous avons été perçus comme « les méchants »).

Nous nous accrochons à l’idée que ce lien évite le pire et lui permet peu à peu de reconstruire une
relation saine avec ses enfants. La semaine prochaine nous organisons une concertation avec de
nombreux acteurs : CPAS, ONE, service de soutien à domicile, ma collègue psychologue, la patiente
et moi-même. Nous sommes persuadés que seul le travail d’équipe pourra nous sortir de cette
situation. Ce partage de responsabilités et cette discussion permanente me permettent de ne pas
abandonner. Seule dans cette situation, je serais tellement tentée de tout lâcher pour me trouver un
job « plus confortable » ailleurs…

SOS SUICIDE

Lundi soir 19h : encore 3 patients dans la salle d’attente et Fiona qui débarque, en pleurs, et
s’effondre sur une chaise.

Heureusement les autres patients la laissent passer avant eux, il y a encore des gens sympas.

Elle s’assit et entre deux crises de larmes, je comprends que son compagnon vient de
rompre avec elle.

Je connais Fiona, elle a déjà connu plusieurs drames de ce genre, avec chaque fois des TS qui
l’ont conduites aux urgences des hôpitaux du coin.

En plus elle vient d’apprendre que son père a un cancer du pancréas. Elle ne le voit plus
depuis 3 ans suite à une dispute.

Elle me dit qu’elle va avaler toute sa boite de Loramet, ou se jeter en dessous d’un métro.
Qu’elle n’en peut plus, qu’elle en a marre.

J’écoute, j’essaie de rester calme, de contenir l’anxiété qui monte en moi. Que faire ?
Appeler une ambulance pour l’envoyer aux urgences ? Heureusement je tombe sur
l’intercalaire distribué aux médecins par le centre de prévention du suicide. Il propose une
prise en charge rapide par un psychologue de leur équipe. Je propose à Fiona de les appeler,
elle est d’accord. Je tombe sur un répondeur, mais le message m’assure qu’ils prendront
contact avec Fiona dès demain matin.

Maintenant Fiona s’est calmée, elle accepte le « contrat » que je lui propose : ne pas faire de
« bêtise » cette nuit et voir le psychologue demain. Elle rentre chez elle. Je peux poursuivre
ma consultation, un peu apaisé.

Ce qui m’a certainement aidé dans cette situation c’est d’avoir pu contacter directement une
équipe en étant assuré d ‘une prise en charge rapide. Cela m’a permis de contenir en moi
l’angoisse que suscite toujours une personne exprimant son désir de mettre fin à ses jours.
Et l’apaisement que cela a produit en moi a certainement entrainé un apaisement chez
Fiona.

Le lendemain le psychologue du centre de prévention du suicide m’a contacté pour me
confirmer qu’il avait bien rencontré Fiona et qu’il la suivrait pendant deux mois si nécessaire.
J’ai revu Fiona après quelques semaines, elle était sereine, elle avait même pu renouer le
contact avec son père et l’accompagner dans ses derniers moments de vie.

N’empêche, cette nuit-là je n’avais quasiment pas fermé l’œil !

Dr Alain Devaux

Le coup de l’échelle

D’entrée de jeu lors de la première consultation, Maguy me jette sur le bureau
un rapport médical barré de la fameuse mention : « Rapport psychiatrique à ne
pas communiquer au patient ». « Comme cela vous saurez à qui vous avez à
faire ! » -Comment l’avez-vous en votre possession. « C’est mon futur ex-mari
qui me l’a remis ! Il l’a reçu de notre médecin traitant, ami d’enfance de mon
conjoint, pour servir ses intérêts dans notre divorce » -Violation flagrante du
secret professionnel : si ce rapport est produit en justice, il sera sans peine rejeté
à la demande de votre avocat, considéré comme nul et non avenu, mais vaudra
de graves poursuites au médecin et à l’avocat de votre ex-mari. Je peux le
signifier immédiatement à ce médecin. « Vous feriez cela ? ».
Le confrère, heureusement présent en son cabinet, réalise illico son
incompréhensible et coupable faute : ce rapport demeurera bien confidentiel,
ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être. Fin de l’épisode.

Maguy est une dame proche de la cinquantaine, que l’on devine avoir été
avenante, provinciale transplantée à Bruxelles pour raison professionnelle. Elle
a perdu finalement son emploi du fait d’ITT prolongées. Hospitalisée à plusieurs
reprises dans diverses unités psychiatriques du pays, elle suit un traitement
psychotrope lourd avec troubles du comportement, accès dépressif, tentatives
de suicides. Le contenu du rapport est une litanie précise de crises,
hospitalisations, riche de détails qui ne vident pas le fond du problème de la
patiente, sans doute incapable de dire un innommable et de nommer un
indicible. L’hypothèse diagnostique de ce rapport est une bipolarité.

Mon intervention se borne donc à entretenir le contact et une confiance que l’on
sent fragile, construite sur mon assertivité auprès du peu honoré confrère. Les
consultations se succèdent pour prescription de ses psychotropes au cours
d’entretiens décousus, devant sa réticence à aller plus avant.

Je demeure donc à la « lisière », centré sur la « clairière » des prescriptions, faute
de mieux comme « sentier ». Dans quelle « forêt », quel « chaperon rouge » de
quel « loup », a-t-elle été ? Je m’interroge chaque fois.

Un jour de printemps, elle frappe à la porte s’imposant devant les autres
patients, exigeant d’être reçue immédiatement alors que manifestement
aucune urgence ne le justifie. Je refuse poliment et professionnellement.

Elle part très fâchée, déclarant haut et fort à la cantonade que, cette fois, elle va
se suicider. Je termine ma consultation, l’appelle en vain, sonne à son
appartement muni d’une solide porte anti-effraction, sans obtenir de réponse.
Je commence à fabuler un passage à l’acte suicidaire que ses réserves de
médicaments et ses antécédents rendent plausibles et possibles et que les
patients présents pourraient relayer comme une flagrante non-assistance à
personne en danger. Mon cabinet est proche d’une caserne de pompiers. Je
contacte l’officier de garde. La grande échelle est sortie pour, par le balcon de
façade du sixième étage, envoyer un sapeur. Chose faite : une porte-fenêtre est
heureusement ouverte. La patiente n’est pas chez elle et impossible de sonder
le canal voisin. Donc…Wait and see. Fin de l’épisode

Trois semaines plus tard, la revoilà avec, à la main, un papier qu’elle me jette sur
le bureau. Et aboie « C’est à vous que je dois cela ?» -Il s’agit d’une facture des
Pompiers pour leur intervention. « Et pourquoi ? » sur le même ton. -Vous aviez
énoncé un projet de suicide... « Vous m’avez donc crue ? », ébranlée. -Bien sûr :
jusqu’à preuve du contraire, je crois toujours mes patients. « Et si maintenant je
vous parle, vous me croiriez ? » émue. -Bien sûr !

Alors, en dix minutes chrono, elle me déverse, en pleurs, comme une digue qui
se rompt, beaucoup plus qu’en vingt ans de psychiatrisation et en quarante ans
de souffrance refoulée, déniée, une horreur qui dépasse tout ce que j’imaginais.
Sortie de l’impensable qui lui a permis, après une prise en charge
psychothérapeutique digne de ce nom, un nouveau départ totalement
inattendu. Fin de l’histoire !

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Souvent, depuis lors, je cherche un improbable « coup de l’échelle » réalisable
dans un autre « scénario » dans une des nombreuses situations bloquées de
patient coincé en une souffrance chronique entretenue dans les expédients de
la psychiatrie habituelle, situations où le manque cruel de moyens n’offre pas de
recours approprié. Les ressources du 107 y pourvoiraient sûrement mieux qu’un
heureux et inespéré hasard.

Didier Piquard octobre 2018

A force d’être trop gentil, on finit par se faire écraser !

Monsieur S., a une cinquantaine d’années, divorcé, vit seul, voit peu ses deux enfants et n’a
pas de contact avec sa famille. Il souffre de douleurs chroniques, fume beaucoup et est
instable au niveau psychologique. Il s’inquiète sans cesse de ses factures et des courriers (en
générale) qu’il reçoit car s’est retrouvé endetté et fiché à la banque nationale. Il parle souvent
de partir en vacances en Turquie (tellement ça fait longtemps). Il oublie l’heure exact de ses
rendez-vous chez le médecin traitant/chez notre kinésithérapeute ou pour des examens à
l’hôpital. Il ne sait pas gérer son argent : il lui arrive de sortir de grosses sommes (500 euros)
et les perds en rue, de même que son smartphone (perdus à maintes reprises). Aussi, il
dépense maladroitement son argent (pour lui et pour d’autres*) et se retrouve sans rien à
manger. Il oublie de prendre ses médicaments ou de demander de renouveler les
prescriptions. Il est tellement gentil, qu’il ouvre les portes de son domicile à toute personne
demandeuse, homme ou femme et se rend compte très souvent que l’on lui a volé ou que l’on
abuse de son hospitalité. Et a reçu un courrier précisant qu’il serait mis à la porte (et se
trouverait donc sans appartement très prochainement). Ces problèmes l’ont rendu très
anxieux, nerveux et a perdu dix kilos. Aussi, il faisait une fixation sur ces problèmes financiers
qu’il n’accordait pas d’importance à sa santé mentale et physique, d’ailleurs il n’allait faire
aucun examen à l’hôpital ni visiter un spécialiste.

*petite anecdote : il mettait souvent de l’argent dans une tirelire à la maison médicale. Et on
s’en servait pour le lui remettre en fin de moi.

Ce que la maison médicale a fait pour lui :

- Lui ouvrir les portes de la MM, lui accorder une écoute active et rire avec lui (accueillante,
médecins, gestionnaire et personne de confiance). Il a besoin d’échanger et très souvent qu’on
le rassure par rapport à tous ce qui touche l’administratif/ la finance.
- Le mettre sous administrateur de bien (avocat Turc, parlant la même langue que Mr) pour le
défendre devant l’exclusion de son domicile, traiter tous ses courriers, régler ses factures en
temps et en heure. Un contact régulier entre la gestionnaire et l’avocat est réalisé pour faire
un retour à Monsieur S.
- Lui donner 20 euros par jour d’argents de poche par semaine afin de l’aider dans la gestion
de ses dépenses et de mettre de l’argent de côtés pour son futur voyage.
- Lui rappeler son rdv chez le MT (habite pas loin de la MM)
Ou planifier un RDV lors de ses passages à la MM
- Planifier les administrations médicamenteuses dans notre agenda – lui préparer son pilulier
(et l’autonomiser dans ce sens).
- Il est suivi par l’« ASBL Le Lien » (partenaire de notre MM) pour un suivi psycho-social.
- Au niveau de sa santé : nous avons mis en place une hospitalisation pour effectuer des bilans
de santé (il a d’ailleurs enfin accepté d’être admis à l’hôpital et a reçu de la visite de notre
médecin et notre coordinatrice de soins)
- A sa sortie et afin de favoriser un gain musculaire, des suppléments nutritionnels oraux lui
ont été acheté
- Lors de ses passages des séances de kinésithérapies respiratoires sont programmés dans la
mesure du possible et/ou une séance d’aérosolthérapie.

- Prochainement un rdv avec son avocat a été établi avec la gestionnaire de la MM et son
psychothérapeute.

- Nos prochains objectifs : lui faire diminuer le nombre de cigarettes fumées, partir en
vacances et organiser des rencontres avec ses enfants (sa fille est récemment passé à la MM,
ses coordonnées ont été pris).

Une famille en décompensation

Monsieur A. est en souffrance psychologique (dépression, stress chronique, … burnout), porte
seul (parmi les membres de sa famille) la responsabilité et est dépassé par l’état mental de sa
sœur ainsi que par l’état de santé et la dépendance totale de sa maman. Le MT étant un
proche aidant a retrouvé la sœur dans une situation de crise psychiatrique et la maman en
décompensation ensemble dans leurs appartements. La sœur a dû être immédiatement
internée en psychiatrie où elle y séjourne depuis maintenant plusieurs mois, la maman
refusant d’être admise en maison de repos, il a fallu dans un premier temps l’hospitaliser pour
régulariser ses paramètres, procéder à une demande d’admission en revalidation pour ensuite
& avec l’aide du psychothérapeute, l’aider à accepter son état de dépendance, son besoin en
aides quotidiennes via du personnel soignant et in fine son admission en maison de repos et
de soins où elle s’y séjourne depuis maintenant 3 mois. Depuis, l’équipe Medi yen entre en
contact avec le fils, l’équipe de la maison de repos et l’équipe psychiatrique pour avoir des
nouvelles de l’évolution des dames. Aussi, un accompagnement est assuré auprès de la
maman via une visite par un médecin de l’équipe deux fois par mois. Monsieur A. est
également pris en charge par le psychothérapeute qui l’aide à verbaliser ses problèmes et à
s’adapter à ces moments difficiles et au niveau de sa santé, consulte enfin pour lui-même
(trajet de soins mis en place pour un suivi de son diabète). Ce travail a nécessité une
collaboration active de l’accueillante, du psychothérapeute & de l’assistante sociale, de la
coordinatrice de soins, des médecins traitants et de la gestionnaire. Ensemble nous avons pu
coordonner tous les besoins de cette famille (médicaux, psychologiques et sociales vu la
situation financière difficile). Aujourd’hui la maman est dans un état de santé satisfaisant et la
fille en état psychologique en cours d’amélioration (avec sorties autorisés les week end).

Quand la réalité dépasse la fiction

Monsieur P. est un patient âgé de 80 ans qui anciennement était réalisateur de film et de
reportage médicale. Ce patient est soigné à la maison médicale MEDI YEN depuis quelques
années notamment pour une maladie de la peau. Monsieur P. s’exprime très clairement et à
une connaissance assez importante sur l’histoire et l’art.
En contact avec monsieur, on s’aperçoit qu’il est très isolé socialement mais également son
accoutrement reflète une certaine précarité.
A la suite d’une visite à domicile, on s’est rendu compte de l’état d’insalubrité dans lequel
monsieur P. vivait et cela depuis des années. En effet, le sol était jonché de livre conservé dans
des boites en carton ou des sacs poubelles. Monsieur ne possédait aucun meuble à l’exception
d’un fauteuil de bureau, un tas de carton recouvert d’une couverture formant un fauteuil et
de plusieurs matelas mis les uns sur les autres formant un lit.
Ne possédant pas de frigo, monsieur se nourrissait uniquement de conserve ou d’aliment qui
d’après lui ne périme pas vite. Il y avait donc des aliments tels que du beurre, du lait ou du
fromage qui laisser à l’air et qui finissait donc par pourrir.

A la suite de cette visite à domicile chez monsieur P., une réunion pluridisciplinaire a été mise
en place pour changer les conditions de vie de ce patient. Nous avons l’habitude de collaborer
avec un centre psychologique et social qui se nomme le centre « le lien » qui a pris en charge
tout l’aspect social, financière et psychologique. Ce centre est composé d’un
psychothérapeute et d’une assistante sociale. Grace à l’intervention de ce centre, nous avons
trouvés des meubles mais également un lit médical et un frigo.
Pour pallier à ces problèmes alimentaires, nous avons décidés de livrer des repas chaud tous
les midis. Une aide financière a été fourni pour notamment les dettes qu’il a cumulés durant ces
dernières années mais aussi pour tous les frais liés à sa santé et ses problèmes de peau.
L A.S.B.L apporte également un soutien psychothérapeutique à monsieur P a raison d’une fois

par semaine pendant 1h.


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