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Alors que la deuxième décennie du XXIe siècle s’approche de la fin, peut-on tracer quelques lignes de démarcation des propositions artistiques ? S’il est toujours malaisé, sinon futile, de vouloir réduire une décennie à une tendance, force est de constater que le contexte particulier des années 2010 a eu un impact évident sur les artistes.
Plusieurs faits ici sont entrés en synergie : d’une part, le dérèglement climatique et son installation définitive, quotidienne, dans les consciences ; de l’autre, une lente évolution des sociétés modernes sur les rapports entretenus entre les humains et les non-humains : bien-être animal, nouvelles considérations pour les insectes, attention au végétal. (...)

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Published by interface.art, 2020-07-07 06:22:47

horsd'oeuvre n°45 - IN VIVO

Alors que la deuxième décennie du XXIe siècle s’approche de la fin, peut-on tracer quelques lignes de démarcation des propositions artistiques ? S’il est toujours malaisé, sinon futile, de vouloir réduire une décennie à une tendance, force est de constater que le contexte particulier des années 2010 a eu un impact évident sur les artistes.
Plusieurs faits ici sont entrés en synergie : d’une part, le dérèglement climatique et son installation définitive, quotidienne, dans les consciences ; de l’autre, une lente évolution des sociétés modernes sur les rapports entretenus entre les humains et les non-humains : bien-être animal, nouvelles considérations pour les insectes, attention au végétal. (...)

Keywords: Aude Pariset,Tomas Saraceno,Philippe Descola,Tomás Saraceno,Rugilė Barzdžiukaitė,Grainytė,Lina Lapelytė,écophysiologiste,Evor,Jeremy Deller,Alfred Gell,L’art et ses agents,Nicolas-Xavier Ferrand,Palais de Tokyo,in vivo,anthropologie,Zoe Leonard,English Magic,Jana Sterbak

www.interface-horsdoeuvre.comle journal de l’art contemporain, juin. - déc 2020
dijon ➤ bourgogne ➤ france ➤ europe ...

n°45 IN VIVO

1 © Aude PARISET, Promession®: Young Adult Maze, Deciphering Level, 2018 (détail). Lit en métal, vitrine en verre acrylique,
larves de ténébrions meuniers, plaques de polystyrene extrudé, impressions laser transférées, grilles de ventilation – crédit photo : Aurélien Mole

Éditorial : Humain, Trop non-humain

Des vers, posés sur une plaque de polystyrène extrudé, « élevages de poussière » de Duchamp, en somme sur induisent : quand le vivant apparaît comme un dialogue
tortillent lentement leur silhouette. Ils semblent traîner le partage de l’agentivité de l’œuvre par les artistes, incessant entre humain et non-humain, où justement
leur spleen entomique sur les extensions peu glamours délaissant aux non-humains, ainsi qu’au hasard, la le premier n’apparaît plus comme l’architecte ou
de nos civilisations dites avancées. Leur action véritable question de la « responsabilité » de la forme. Cette l’ingénieur du second, mais comme son interlocuteur,
ne sera cependant visible qu’au bout de plusieurs question apparaît d’une importance critique, car elle voire son produit, et où le travail plastique, qui ne se
semaines, quand leur propre capacité biologique aura pu permet de jeter le trouble sur celle de la réflexivité : dans paye ni de logique, ni de morale, peut se permettre
casser les molécules du polymère et commencer le travail quelle mesure les gestes de l’artiste sont-ils vraiment de réinscrire des zones de flou, et d’inséminer l’acte
de digestion. Ce détail de Promession® Dormitorium, maîtrisés (n’y-a-t-il pas énormément d’impensé et de plastique humain d’agences non humaines qui lui
œuvre qu’Aude Pariset présentait récemment pour réflexes culturels dans un geste d’artiste – ce fut l’un des échappent.
l’exposition « Futur, Ancien, Fugitif » au Palais de Tokyo, premiers sens du ready-made duchampien ; et l’artiste La même idée est invoquée par Bertrand Charles
atteste d’une lente dévoration du monde humain par le n’est-il/elle pas en lutte avec l’agentivité des supports, lorsqu’il évoque le dispositif « baroque » de l’artiste Evor
non-humain, peut-être pour son propre bien. de l’état de la mine au grain du papier, comme le fait dont les différentes expériences plastiques attestent
remarquer Tim Ingold dans son remarquable ouvrage, d’une colonisation du monde humain artificiel par le
Dans Par-delà nature et culture, l’un des ouvrages Faire ?). Elle pose aussi la question de la responsabilité non humain chaotique, rejouant sur un autre mode la
clés de l’anthropologie, et probablement l’un des livres non humaine. Peut-on considérer qu’un ver ou une geste nietzschéenne entre Apollon et Dionysos. Encore
les plus importants du XXIe siècle, Philippe Descola araignée n’ait pas de volonté propre, ne fasse pas ses une histoire de balancier et d’hybridation ontologique,
retraçait l’invention et l’évolution des concepts énoncés propres choix, et que la possibilité de l’alternative échoie plus que de frontières. Jérôme Dupont nous rappelle
dans le titre, établissant la frontière entre nature et seulement aux humains artistes ? En laissant la place à combien ces questions agitent sourdement notre
culture et, au-delà, l’existence même de ces notions, une agentivité non humaine, la ligne de démarcation entre société depuis la révolution industrielle, dans son
comme de pures conventions n’appartenant qu’au nature et culture s’estompe pour laisser place à un flux analyse de la réactivation de la pensée de William
monde occidental moderne. L’ouvrage ouvrait des généralisé d’agences et de perspectives, s’arrimant çà Morris par Jeremy Deller. Marie Buisson, quant à
perspectives saisissantes sur la façon dont les autres et là sur des objets, physiques ou mentaux, permettant elle, interroge au travers d’une série d’exemples la
collectifs agissent avec les non-humains végétaux, l’interaction entre les différentes personnes, humaines difficulté de « conserver » des œuvres vouées à une vie
animaux, minéraux ou spirituels, les considérant comme non humaines. éphémère. Une question capitale est alors posée : et
comme des agents de la vie sociale, pourvus d’une La perspective agit, dans les écrits de Descola, comme si nous faisions fausse route sur la temporalité même
conscience, d’une volonté, d’une capacité d’action un instrument clé et un indice du partage entre nature de l’œuvre d’art ? Cette interrogation résonne avec les
égale à celles de leurs compatriotes humains. Ce et culture. Natalia Prikhodko nous rappelle justement fameuses réflexions d’Alfred Gell dans son brillant essai
numéro 45 de horsd’oeuvre, « IN VIVO », se veut la cette dimension à la fois édifiante et dominatrice de L’art et ses agents. À quel moment un assemblage
modeste contribution à cette entreprise intellectuelle la perspective, et son rapport éternellement fuyant et d’intentions et de formalisations devient une œuvre
de reconfiguration de notre façon d’habiter le diffus avec le vivant, entendu ici dans son acception la d’art ? Peut-on réactiver une proposition plastique sans
monde, en s’intéressant aux propositions plastiques plus large, dans une analyse du dispositif Sun and Sea la présence de l’artiste ? Qui donne, au fond, le label ?
contemporaines actant des interactions entre ces deux (Marina) de Rugile Barzdžiukaite, Vaiva Grainytė et Lina L’essentiel de ces articles, et l’éditorial que vous lisez,
types d’interlocuteurs, comme à celles qui interrogent Lapelytė pour le pavillon lituanien de l’édition 2019 la furent rédigés dans le contexte particulier de l’épidémie
simplement la question même du vivant. Biennale de Venise. L’intrigant entretien croisé de la de Covid-19. Rarement aurons-nous eu l’occasion de
plasticienne Iglika Christova et l’écophysiologiste végétale mesurer combien l’agentivité humaine est fonction des
Dans son étonnante synthèse, Paul Bernard-Nouraud Claire Damesin convoque d’ailleurs ces retournements non-humains qui l’entourent et l’habitent.
revient justement sur les vers de farine d’Aude Pariset, de perspectives dans les interactions entre science
mais aussi sur les araignées de Tomás Saraceno et les et art et des renversements épistémologiques qu’ils Nicolas-Xavier FERRAND

L’art contemporain en quête de
ses formes naturelles

« On ne sort pas de l’arbre avec des moyens d’arbre. »
Francis PONGE

La quête animant l’art contemporain contredit fondamentalement le dictum du poète. Il s’agit
bel et bien pour lui de sortir de l’arbre avec des moyens d’arbres, voire de n’en pas sortir du
tout. En ce sens, le modèle sur lequel s’aligne une œuvre naturellement formée serait celui
de l’écorce ou de l’exuvie, de la peau que l’animal rejette lorsqu’il opère sa mue. L’artiste
n’intervient plus pour revêtir la nature d’une enveloppe artistique, mais à seule fin de permettre
qu’elle développe ses propres formes. Développement qui en sécrète au passage de nouvelles
dont l’aspect n’est, par conséquent, qu’indirectement imputable à celui qui n’a fait qu’établir un
dispositif facilitant l’interaction du vivant avec un milieu donné. L’œuvre qui en résulte n’est donc
artificielle qu’en son principe, qui est de laisser faire la nature suivant des modes d’extension
formelle qui vont de la transformation à l’information en passant par la déformation.

L’action du vivant sur la matière inerte, par exemple celui des vers de farine sur la plaque
de polystyrène expansé qu’Aude Pariset a installée pour eux dans Promession®#1 (2016),
produit une double transformation : des larves en coléoptères et de l’objet en chose. Cette
opération n’implique pas, cependant, de changement d’état, mais une évolution dans un cas et
une dégradation dans l’autre. Elle confirme toutefois que l’acte artistique en tant qu’intervention
formatrice du matériau se retire désormais au profit de celle du vivant. Laquelle, bien qu’elle ne
soit pas nécessairement aléatoire, échappe partiellement à l’intention de l’artiste.

Dans une perspective bergsonienne, on pourrait dire que la vie différencie la matière en y Antony Gormley, Another Place, 2005, plage de Crosby, Liverpool
insérant de l’indéterminé au lieu d’une forme. Prise comme telle, la vie s’avère donc également
créatrice, mais puisqu’elle transforme la matière en de l’informe, la création qu’elle engendre Quelques années auparavant, pourtant, Gormley avait soumis ces mêmes figures, cette fois
se distingue de la création artistique à strictement parler. Qu’une artiste crée un dispositif closes, moulées en fonte d’après son propre corps, ce qui est une autre façon d’adhérer au
(c’est-à-dire une méta-forme) à même de susciter une transformation qu’elle ne maîtrise vivant, à un processus de déformation naturelle. Dans Another Place, les cent effigies qu’il
qu’incomplètement substitue à la relation de concurrence dans la production formelle qui règne a réparties en 2005 le long de la plage de Crosby en Angleterre sont passées du statut de
entre nature et art une solution de collaboration et de contiguïté. répliques à celui d’uniques sous l’effet des marées, des éléments et des organismes marins qui
s’y sont nichés. Avec le temps, la durée de la vie a provoqué cette altération parfois radicale de
Cette proximité est à la fois plus grande et moins étroite lorsqu’un artiste comme Tomás la matière qui, tout en la faisant périr, l’a de quelque façon vivifiée à son tour.
Saraceno agrandit à l’échelle humaine une toile d’araignée (14 Billions (Working Title), 2010)
modélisée par ordinateur. Les matériaux employés pour cette installation (des fils de nylon, Mais cet accueil fait au vivant dans l’art contemporain, les relations affines que ce domaine
des tenons de métal…) rompent avec la matière animale qu’elle imite, si bien que l’on peut à voudrait nouer avec celui beaucoup plus vaste de la nature ne sont plus de l’ordre de
nouveau parler de représentation. Néanmoins, l’isomorphie parfaite recherchée entre la forme- l’affectation réciproque. Dans une certaine mesure, elles seraient même désaffectées, à l’image
source et la forme représentée, médiatisée non par l’artiste, mais par un système de duplication du Grand verre que Marcel Duchamp conçut entre 1915 et 1923 comme un «  élevage de
technologique, suggère que son œuvre est littéralement informée par la nature. Saraceno n’a poussière  ». Dans ce work in progress, puisque la dimension processuelle est commune à
pas créé la forme de la toile, il l’a imitée d’après l’un des nombreux exemplaires qu’il conserve la plupart des œuvres naturellement formées, l’inorganique est considéré comme une chose
par ailleurs et qu’il expose souvent en parallèle. vivante, de sorte qu’il faudrait dire du mode des « formes naturelles » duchampiennes qu’il est
celui de la désinformation de l’œuvre ; ni transformation ni déformation, mais évidemment de
Projetés dans l’espace, ces réseaux arachnéens paraissent aussi impénétrables et complexes cela même qui l’informe : un « vivant » décrété tel. Ce précédent, qui tient lui aussi du dispositif
que ceux qu’Antony Gormley conçut en 2009 pour son projet intitulé Aperture. Il s’agissait en et de l’installation, éclaire d’une lumière un peu froide les relations de l’art contemporain aux
effet d’exposer une structure modulaire en acier trempé reproduisant celle des cellules du corps formes naturelles, comme s’il lui importait avant tout, ainsi que le disait Jacques Villon de son
humain. D’autres figures reproduisant la même ouverture, mais cette fois à taille humaine, frère Marcel, « d’user le temps ». Et il n’est pas certain que l’attraction qu’exerce le vivant sur
paraissaient pour leur part obéir moins fidèlement au principe d’information naturelle ; comme l’art contemporain s’exempte de cet usage du temps qui passe.
si l’impulsion anatomique, en recouvrant l’échelle d’un corps, rejoignait les parages mieux
balisés de la figuration artistique.

2

Evorganique

Anéma, Pupes, Calice, Délice, Coffret pour une caresse et un secret : dans l’opération créatrice
que mène Evor, on sent la séduction agir. L’œuvre vise un esthétisme poussé à une sorte de
paroxysme. Mélange d’argile, d’émail, de rutilantes surfaces courbées, brillantes et lisses ou
bien accidentées, l’œuvre est éminemment plastique, tactile. Fruit d’improbables rencontres
entre un casque de vélo et des clous argentés pour former des masques vivants (Mascarade New
York, 2012), ses dispositifs sont créateurs d’images mentales. Peuplée de multiples appendices
et prothèses, l’œuvre d’Evor joue de contrastes et d’ambiguïtés. Quand la chair de l’insecte ou
bien sa coquille, son enveloppe, rejoint l’appareillage dur et silencieux du métal, quand le doux
et le rugueux se mêlent, quand la diffusion en corolles du pigment est contrôlée par l’essence
(Nymphes, 2010-2014), la poésie des matières s’exacerbe. Frottement des matériaux, jeux
d’attraction/répulsion des matières, tensions et délassement, force et préciosité, Evor c’est la
naissance ou bien la turgescence, c’est ce qui gonfle. Le moule fissuré qui compose la série de
bas-reliefs Pupes enfle au fur et à mesure des tirages, les volumes éclosent littéralement sous
nos yeux. Evor, c’est l’organique qui confine à l’orgasmique. Les formes choisies, carapaces,
coquilles, mues, sont celles de la métamorphose. Celles qui protègent, détiennent, recèlent la
vie. Paradigmes du vivant. Ces formes sont prélevées ou rejouées, représentées, mais jamais
arrachées, commuées. Tout ceci engendre des natures mortes hybrides. Entre-deux. À la lisière
de l’objet. À la lisière du décoratif. À la lisière du kitsch. Ce mélange de nature et d’artifice
exhale un souffle baroque. Une manière de voir et de penser qui embrasse le monde pleinement
et ouvre des possibles : « La sensibilité esthétique baroque permettra d’appréhender des
systèmes toujours plus complexes de représentations collectives du monde, étant donné que son
mode de sensibilité, inspiré par la figure de Dionysos, est le fruit d’une captation toujours plus
attentive des puissances qui nous enveloppent et nous taraudent 1. »

Evor, Torsobana, 2018, mousse polyuréthane, clous de tapissiers, faïence émaillée, peinture. 92 x 44 x 38 cm Ce souffle baroque est d’autant plus prégnant si on regarde l’œuvre d’Evor à l’aune de sa Jungle
intérieure 2. Depuis quinze ans, Evor cultive des plantes avec lesquelles, depuis son balcon, il
a colonisé l’arrière-cour de son immeuble jusqu’à créer un jardin suspendu qui est devenu
au fil du temps une œuvre à part entière. Une œuvre vivante. En regard de ses propositions
sculpturales et picturales si foisonnantes et hybrides qui, bien que profondément organiques,
n’en sont pas moins des artefacts inertes, Jungle intérieure recèle un potentiel qui se doit d’être
exploré. Dans une cour intérieure des plus banale et triste, aux murs recouverts d’un ciment gris
sans noblesse, toits de garages en fibrociment ou bardeaux bitumés et conduites d’évacuations
en tout genre, Evor scelle le retour du vivant dans ce qu’il a de plus foisonnant.

Evor, Jungle intérieure, (2005-2020) est un jardin suspendus colonisant douze toits et deux cours, sur environ 600 m2, Ce n’est pas un jardin à la française dans une application des règles de la perspective unique,
insoupçonnable à l’arrière d’une copropriété mais visible par tous via un belvédère construit à cet effet passage Bouchaud, c’est bien une jungle qui convoque une « folie du voir 3 ». Ce n’est plus un art des structures
en plein centre historique de Nantes. Toutes sortes de plantes, sans aucune restriction d’espèces, poussent hors sol dans mais des textures 4 (Deleuze). Les multiples procédés plastiques – vue, odorat, mais aussi temps,
des centaines de pots qui constituent un petit jardin botanique miniature. vivant, toucher – offrent, à la manière de l’opéra (invention baroque), une expérience immersive.
Ces perceptions convoquées et utilisées font naître quelque chose de nouveau entre poésie et
Certes, l’investigation des formes naturelles ouvre à l’art un champ d’autant plus stimulant qu’il conscience. Evor invente en plein cœur de la ville, une interface, une respiration où chacun peut
le met au contact de sciences prospectives, là où l’histoire de l’art n’a guère à lui proposer trouver une ressource, retrouver du temps, une puissance. Une hétérotopie en somme (Foucault).
qu’un retour sur des pratiques qui, pour l’essentiel, visaient à sortir du naturel, fût-ce pour en Cet espace-temps en appelle à la « la dignité des sens 5 » chère à Michel Maffesoli qui sont à
figurer les harmoniques. Les recherches en ce sens tendent de surcroît à réorienter les pratiques la fois source de plaisir et origine des connaissances. L’idée étant de reconnaître le bénéfice des
artistiques vers des savoirs profanes, parfois artisanaux, qui ont conservé le lien entre organisme sensations, des sentiments et des passions ainsi que des représentations imaginaires alors même
et artefact que Tim Ingold tient pour caractéristique du « faire » anthropologique. Mais en que dans notre société encore et toujours post-moderne, les idéologies font faillite. Cet art-là
réorientant l’attention vers la naturalité des formes qu’indiquent les œuvres, celles-ci deviennent offre une « éthique de l’esthétique 6 » qui sert à nous éloigner du seul nihilisme quand combattre
des indices et leurs dispositifs des déictiques. Or, ce qu’elles indiquent, elles le sauvent, de sorte des valeurs dépassées nous y conduirait aisément. Evor ou comment combattre avec la beauté.
que ce qu’elles signalent est toujours potentiellement quelque chose de perdu, une certaine Écologique ou non, l’œuvre d’Evor peut être lue comme une tentative de réconciliation des
usure du temps sans acquêt que l’œuvre tente, pour cette raison, d’archiver. aspirations contradictoires de notre début de XXIe siècle : « Partout où nous trouvons réunies
Dans un autre contexte, on a élaboré la notion de formes archivaires afin de regrouper des dans un seul geste plusieurs intentions contradictoires, le résultat stylistique appartient à la
œuvres d’art contemporaines informées par la matérialité des archives et non seulement par catégorie du Baroque. L’esprit baroque – pour nous exprimer à la façon du vulgaire – ne
leur contenu historique, que la transformation artistique oblitérait le plus souvent, autant que sait pas ce qu’il veut. Il veut, en même temps, le pour et le contre 7. » Alors que l’on pourrait
la déformation du temps. A priori, rien de plus éloigné des formes archivaires mortes que les ne discerner que de l’inconséquence dans nos modes de vie, d’une certaine manière, Evor,
formes naturelles bien vivantes. Pourtant, il en découle dans les deux cas une stylistique de la à la lumière de ces mots d’Eugenio d’Ors, propose une solution sous forme d’une harmonie
trace qui appelle, en toute logique, une herméneutique de l’indice. Des deux côtés, elle trahit salvatrice.
une inquiétude, une perte de repères justifiant que les artistes quêtent et guettent dans la nature
à la fois ce qui leur semble le plus immuable et ce qui se révèle le plus fragile : une forme, qu’ils Bertrand CHARLES
puissent regarder comme une aune.
1. Frédéric Lebas, « Interfaces baroques », Sociétés no 94, De Boeck Supérieur, 2006/4, p. 91-103
Paul BERNARD NOURAUD 2. Jungle intérieure, passage Bouchaud, Nantes, entrée libre, toute la journée de mai à septembre. Œuvre produite dans
le cadre du Voyage à Nantes. Sur Instagram : @evorism et @jungleinterieure
3. Frédéric Lebas, op. cit. : à la Renaissance, qui s’est fait remarquer par l’élaboration de nouveaux outils de vision du
monde, tels que la perspective albertienne ou les planches anatomiques de Vésale, succède la « folie du voir » du Baroque.
4. Gilles Deleuze, « Un critère pour le baroque », Chimères, Revue des schizoanalyses, no 5-6, 1988, p. 1-6
5. Michel Maffesoli, Au creux des apparences. Pour une éthique de l’esthétique, Paris, Plon, 1990
6. Ibid.
7. Eugenio d’Ors, Du Baroque [1936], Gallimard, Collection Idées (no 487), 1983

3

20.05-20.6.2020, Avenue de Montchoisi 9, Lausanne. Une assemblée - édition interface, dijon - 2020

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Le monde d’après par le monde d’avant

William Morris, Art under Plutocracy, 1883 - Jeremy Deller, English Magic, 2013

Dans le pavillon britannique de la 55e Exposition internationale d’art contemporain de la À ce titre, Jeremy Deller présente Evenlode sous deux registres différents : à la fois le motif textile
Biennale de Venise, English Magic de Jeremy Deller égraine sa politique de la reprise 1 en un et les tablettes de bois de fruitier ayant servi à son impression. Il opère ainsi une exemplification10
jeu complexe de citations aux ramifications multiples. Or, en plusieurs endroits et de plusieurs du végétal hybridant l’iconicité du motif et la motilité procédurale.
manières y apparaissent les traces et indices de la figure de William Morris 2. Michel de Certeau
disait que l’historien parcourt les bords de son présent comme Robinson la grève de son île, Enfin, cette série de références à William Morris participe d’une réflexion plus globale que
produisant, ajoutait-il, « le discours qu’organise une présence manquante 3 ». Jeremy Deller a l’artiste contemporain engage sur les conditions de cohabitation entre l’humain et le non-
initialement étudié l’histoire de l’art et il déplie dans son œuvre les bords de notre présent en humain. Ainsi, la fresque murale Good Day for Cyclists – « Bonne journée pour les cyclistes » –,
nous renvoyant à la fin d’un XIXe siècle anglais en pleine industrialisation à laquelle William présentée dans une autre salle du pavillon de la Biennale, montre la revanche de la nature
Morris s’oppose. figurée par un aigle gigantesque se saisissant d’une automobile, cet objet fondateur de la
Il y prône poétiquement une révolution par l’art, un art considéré comme étant « le plaisir société industrielle, du taylorisme et du fordisme.
humain de la vie 4 », un art qu’il fusionne à la nature elle-même et qui le mène à une écosophie
sensible résonnant au cœur de notre présent : « Quel soin notre génération a-t-elle pris de la L’exemplification du motif d’Envenlode, le yacht de Roman Abramovitch, la lagune de Venise,
beauté de la terre ; en un mot, de l’art », écrit-il en 1883 5. C’est en ce sens qu’il souhaite étendre les coupons d’actions russes, le discours de 1891 sur l’art comme idéal social, la légende du
le mot art « jusqu’à englober la configuration de tous les aspects extérieurs de la vie 6 » et c’est Midas d’Ovide ; autant d’éléments apparemment hétérogènes venant se connecter à la double
ce qu’il ne cesse de mettre à l’œuvre dans sa si riche production artistique. figure vengeresse de William Morris et de l’aigle se saisissant pour l’un d’un yacht et pour
Son œuvre politique et son activisme révolutionnaire sont indissociables de son art, constituant l’autre d’une automobile. Jeremy Deller fait ainsi, comme le notait dès 2007 Christophe Kihm,
l’une des matrices des pensées contemporaines « de l’écologisme et de la décroissance, de « d’un vecteur de séparation entre les êtres et les choses, l’opérateur même de leur réunion 11 ».
la critique anti-industrielle et de l’éco-socialisme 7 ». Il représente ainsi une alliance rare du Cette capacité à réunir des éléments hétérogènes issus de temporalités différentes me paraît
poïétique et du politique, d’utopie et d’activisme. centrale afin de se nourrir de l’implication de l’art dans les enjeux politiques de notre temps. Elle

permet ainsi d’enrichir les réflexions de celleux qui
aujourd’hui, notamment dans la pensée germinative
de Donna Haraway, pensent l’expérience de notre
contemporanéité dans une remise en cause des
dichotomies entre l’humain et le non-humain,
entre l’artéfactuel et la nature. Elle permet aussi,
notamment si l’on pense aux célèbres Nouvelles de
nulle part12, de participer à la construction d’autres
imaginaires dérogeant aux pensées extractivistes
qu’envisagent aujourd’hui des chercheuses sur
l’éco-féminisme telles qu’Émilie Hache.

L’incursion de William Morris dans notre
contemporanéité opérée par Jeremy Deller dans
English Magic implique une labilité des êtres et
des choses, des lieux et des temps qui nous invite
à quitter les bords de notre présent, sur lequel
pour Michel de Certeau se tient l’historien 13.
C’est donc en tant qu’artiste qu’il nous invite à
entrer de plain-pied dans un espace autre, une
hétérotopie 14 que nous avons possiblement en
partage avec notre passé. Un espace situé entre
l’amont à partir duquel il nous parle et l’aval où
nous sommes. Un espace interstitiel entre l’amont
et l’aval du récit moderne. Habiter cet espace,
le domestiquer permettrait d’entendre ce que
la structure sensible et l’activisme poétique du
romantisme révolutionnaire 15 de l’aube de la
modernité disent à notre temps ; nous interpellant
et nous appelant urgemment à réformer notre
actuelle condition anti-utopienne.

Jérôme DUPONT

Jeremy Deller, We Sit Starving Amidst our Gold (William Morris throwing Roman Abramovich’s yacht, Luna into the Venetian lagoon), 2013,
Wall painting par Stuart Sam Hughes, 300 x 750 cm, vue de l’installation English Magic, Pavillon Anglais, Biennale de Venise 2013
Courtesy de l’artiste et de The Modern Institute/Toby Webster Ltd, Glasgow © Courtesy of British Council, photos : Cristiano Corte

Dans English Magic, Jeremy Deller dépose sur les bords de notre présent des œuvres de 1. Cette notion est de Christophe Kihm dans « Une politique de la reprise », Multitudes, HS no 1 2007/5, p. 250.
William Morris comme autant de traces de cette présence manquante : quelques carreaux de 2. Durant la même période, nous le retrouvons aussi chez Deller dans l’œuvre Vote William Morris et dans son
1876 prévus pour le Membland Hall, un morceau d’Evenlode, un coton imprimé de 1883, ou commissariat d’exposition « Love is enough: William Morris & Andy Warhol » dans lequel il mêle les productions de la
encore, suspendues au mur comme les ossements d’une improbable créature, douze tablettes figure emblématique des Arts & Crafts et celles du pop art américain.
d’impression en bois, vestiges de l’activité des manufactures qu’il souhaitait opposer à la 3. Michel de Certeau, L’absent de l’histoire, 1973, Tours : Mame, p. 8-9
division du travail et des humains. 4. Traduit par nous, William Morris, Art and Labour, 1884 [The William Morris Internet Archive, DOI : www.marxists.org]
5. Traduit par nous, William Morris, Art under Plutocracy, 1883, ibid.
Non loin de ces reliques, sur une fresque murale, sa figure gigantesque et vengeresse émerge, 6. Ibid.
au sens propre du terme, de la lagune de Venise, se saisissant du yacht du collectionneur d’art 7. Anselm Jappe, « William Morris et la critique du travail », 31 janvier 2016, p. 6 [Palim Psao, DOI : www.palim-psao.fr]
contemporain Roman Abramovitch. 8. Le Wende Museum est un musée américain situé à Culver City en Californie et dont les collections sont centrées sur la
Nous retrouverons le nom de Roman Abramovitch, avec celui d’autres hommes d’affaires russes, guerre froide et sur les premiers temps de l’ère post-soviétique.
dans une autre salle du pavillon britannique, sur des coupons d’actions issus de la collection 9. William Morris, Art under Plutocracy, 1883, op. cit.
du Wende Museum 8. Datant du début de la période pré-soviétique, ils auraient contribué à la 10. Nous reprenons ici ce terme dans le sens d’une modalité de symbolisation associant la possession à la référence, cf.
richesse de ces oligarques en fonctionnant sur un principe similaire au système de Ponzi. Tout Nelson Goodman, Languages of Art, 1976, Hackett Publishing Company.
comme les productions de William Morris, qui dénonça en son temps le règne de la ploutocratie 11. Christophe Kihm, op. cit.
et ses conséquences sur l’art 9, ces coupons sont eux aussi les traces ténues de ce qui fut notre 12. Publiée en 1890 sous forme de feuilleton dans la revue de la ligue socialiste Commonweal, la fiction politique d’écologie
passé et de ce qui fait notre présent. radicale les Nouvelles de nulle part (News From Nowhere) de William Morris décrit en 2102 un monde pacifié que nous
qualifierions aujourd’hui de profondément et radicalement décroissant.
Le titre de la fresque peut se traduire par « Nous sommes assis affamés au milieu de notre or ». 13. Michel de Certeau, op. cit.
Il renvoie à cette idée d’accumulation fictive de richesse ne profitant qu’à une minorité au prix 14. Les hétérotopies telles que Michel Foucault les aborde dans sa conférence « Des espaces autres » au cercle d’études
d’un appauvrissement général. Or, ce titre n’est pas seulement une référence à Midas ; il est, lui architecturales le 14 mars 1967. Publication du texte dans Architecture, Mouvement, Continuité no 5, octobre 1984, p. 46-49.
aussi, un fragment, un vestige de l’œuvre de William Morris. Il est extrait d’un texte intitulé « The 15. À ce sujet voir Michael Löwy, « William Morris, romantique révolutionnaire », Multitudes no 55, 2014, p. 129-133.
Socialist Ideal: Art » qu’il publie en janvier 1891 dans New Review.
William Morris s’y sert de la figure de Midas pour illustrer la fin pour lui inévitable de l’accumulation
capitalistique des richesses tant du point de vue de l’être humain que de celui de la nature. Or,
si comme pour Midas la réalisation de notre propre vœu est la cause même de notre perte, elle
n’est pas le fait du pouvoir divin de Dionysos, mais de nous-mêmes. Pour lui, nous en sommes
pleinement responsables et c’est justement à ce titre que nous sommes possiblement en capacité
de mettre fin à cette guerre que nous menons contre la nature et contre nous-mêmes.

Dans English Magic Jeremy Deller travaille cette part écosophique en l’impliquant dans différents
registres plastiques et sémantiques. Rejouant la dimension doublement iconique des productions
naturalistes Arts & Crafts, il refait entendre leur voix comme ode centenaire au vivant et à la
terre nourricière. Notons d’ailleurs qu’il choisit à dessein de présenter le motif textile Evenlode,
tirant son nom d’un affluent de la Tamise et pouvant aussi se traduire par « de la même veine »,
titre de William Morris, témoignant de sa vision poétique de la nature, vision à la fois globale,
sensible et procédurale.

Jeremy Deller, We Sit Starving Amidst our Gold (William Morris throwing Roman Abramovich’s yacht, Luna into the 6
Venetian lagoon), 2013, A good day for cyclists, 2013, wall painting de Sarah Tynan et I searched for form and land;
For years and years I roamed, 2013, bannières fabriquées par Ed Hall : vue de l’installation English Magic, Pavillon
Britanique, Biennale de Venise 2013 - Courtesy de l’artiste et de The Modern Institute/Toby Webster Ltd, Glasgow

Muséaliser le vivant ? Michel Blazy demandent également un arrosage
régulier. À la différence des conditions de préservation
Du point de vue muséal, les œuvres défient le érigées pour pallier la détérioration et/ou éviter les
temps. Du point de vue de l’art contemporain, elles altérations d’œuvres « classiques », ces normes ont
le questionnent. Si le caractère identitaire et pérenne pour but de retarder la destruction de l’éphémère. À
définit les institutions muséales, au sein d’un large l’image des Sabliers de Fanny Lavergne constitués de
champ souvent associé au « tout-patrimoine », il peut sel et sensibles à l’humidité, pour lesquels une gestion
paraître surprenant d’y entrevoir des éléments vivants. du climat ambiant évitera leur chute précipitée, mais
Qui n’a jamais parcouru des salles d’exposition en y non leur fatale désintégration.
constatant la présence, même partielle, d’un légume,
d’un animal ou de végétation ? Le dehors aurait-il Néanmoins en prenant cette ligne directrice,
migré vers le dedans et le végétal aurait-il pris la place dans quelles limites se positionnent ces conditions
des nobles matériaux historiques ? Loin de l’image de préservation des œuvres ? Les procédés de
de l’œuvre poussiéreuse accrochée ou stockée dans restauration, de conservation préventive et curative
l’antre des musées, l’art contemporain nous offre peuvent-elles annihiler leur caractère intrinsèque, sous
nombre de créations hétéroclites à base de matériaux prétexte que l’œuvre a été acquise et se doit d’être
inorganiques, polymères, transformés, mais également exposée au public le plus large ? Il est vrai que, si les
vivants. Au-delà de l’utilisation du bois, de l’ivoire ou des œuvres peuvent relever de prêts entre institutions ou
pigments qui sont issus des mondes végétal, humain particuliers, ces derniers les acquièrent avec leurs
et animal, le vivant intègre depuis plusieurs décennies propres budgets qui peuvent inclure des fonds publics.
les lignes d’identification matérielle des inventaires, Il peut ainsi paraître complexe d’admettre – ou de
passant du statut de sujet à celui d’objet. Néanmoins, faire admettre – que l’œuvre achetée se détériorera
il ne peut être considéré comme un simple composant jusqu’à ne plus être qu’un souvenir sur papier glacé ou
matériel. Définissant imperceptiblement son caractère un certificat correctement classé. Faut-il donc veiller
transitoire, instable et intrinsèquement éphémère, sa davantage à ses conditions de conservation, jusqu’à
matérialisation tend à ne durer que le temps d’une appliquer une restauration forcée pour la maintenir en
action, le temps d’un instant aléatoirement défini. vie ? Cela reviendrait en effet à contourner l’essence
Ainsi dans ce paysage contemporain au sein duquel de l’œuvre, provoquant une inversion de son sens.
se multiplient de manière exponentielle biennales, Bien que certaines œuvres ne se relèvent pas de leur
centres d’art, galeries et musées, comment inclure mort, les institutions, particuliers et artistes peuvent
la présence d’entités artistiques instables ? La s’adapter afin d’échapper un tant soit peu au temps. En
question se pose d’autant plus lorsque celles-ci sont permettant à l’acquéreur de les reproduire, à l’image
acquises et intègrent une institution qui se doit de les de Vanitas : Robe de chair pour albinos anorexique de
valoriser pour les générations futures. Il s’agit alors de Jana Sterbak, grâce à des certificats, prenant parfois
conjuguer le caractère pérenne du patrimoine culturel la forme de modes d’emploi comme pour les Murs
à l’impermanence d’œuvres évolutives. de poils de carottes de Michel Blazy, véritable recette
Au-delà des performances, intrinsèquement artistique, certains compromis peuvent être trouvés. Si
éphémères au vu de l’implication physique du corps 1 – Fanny Lavergne offre un deuxième sablier à l’acquéreur
alors objet et sujet – certaines œuvres issues du vivant ayant connu une première dissolution – comme une
peuvent être pérennisées par le biais de substituts, seconde chance de le voir s’écrouler, plus tardivement
dont le Land Art nous offre plusieurs exemples. Il peut-être – certaines institutions souhaitent avoir
s’agit alors notamment d’images fixes ou mobiles recours à des procédés de conservation curative pour
réalisées par un tiers ou par l’artiste lui-même, dans pérenniser l’œuvre. En vain. C’est par exemple le cas de
l’intention de conserver une trace de l’action ou de Strange Fruit de Zoé Léonard, acquise par le Musée de
l’installation réalisée. Passant du support corporel ou Philadelphie, qui souhaitait interrompre la dégradation
naturel au support numérique, les seuls témoignages de ses écorces de fruits, périssables. Néanmoins
visuels restent les vidéos et photographies, parfois l’intention de l’auteur et le respect de son œuvre faisant
exposés, mais acquérant souvent le simple statut de loi, la quasi-totalité de ces fruits séchés et remaniés
documentation ou d’archive. Il n’est cependant pas à par l’artiste poursuivent leur lente décomposition 3 –
exclure que la permutation de l’œuvre, du palpable à le compromis étant que l’installation ne soit exposée
l’inerte, du vivant à l’objet fixe, peut également faire que temporairement. En effet à la différence du droit
partie intégrante de l’œuvre et de son auteur, à patrimonial, la propriété morale est, quant à elle,
l’instar des performances d’Ana Mendieta capturées inaliénable – et survit ainsi aux œuvres qu’elle protège.
en images, des empreintes corporelles de Klein, des
sculptures de Niki de Saint Phalle issues de ses Tirs En tentant de pérenniser ce qui s’échappe, de fixer ce
ou encore des installations monumentales de Christo qui fuit par des pratiques déontologiques et scientifiques
et Jeanne-Claude, desquelles subsistent uniquement sans cesse renouvelées, nous faisons donc face à des
esquisses et maquettes. Cette prolongation de l’œuvre traces du vivant qui, par définition, nous font subir les
nous permet de posséder une trace matérielle de leur affres de l’instant. Là où la matière défie le temps, ces
existence furtive sans annihiler leur essence – il s’agit artistes nous permettent néanmoins d’en extraire des
alors d’un second souffle exhalé par l’artiste lui-même. réflexions qui vont au-delà de la propre matérialité de
Il ne s’agit donc pas de substituts, mais d’œuvres en leurs productions, faisant de ces œuvres des memento
tant que telles qui ont évolué et sont parvenues au mori contemporains, des vanités ayant pris corps.
bout de leur démarche. Mais qu’en est-il lorsque le
propre de l’œuvre est justement de conserver ce qui Marie BUISSON
s’étiole, la permanence d’une action furtive ? Du Sans
titre (granit, laitue, fil de cuivre) de Giovanni Anselmo 1. Bien qu’elles puissent faire l’objet de réactivations, à la demande et/
au Bread Bed de Jana Sterbak jusqu’aux installations ou avec l’accord préalable de l’artiste.
végétales de Michel Blazy, le périssable intervient 2. Certaines applications peuvent être issues de notions communément
irrémédiablement comme l’un des composants et partagées (comme le fait d’arroser une plante) mais des instructions
atteint donc le propre de l’œuvre, même partiellement. particulières peuvent également être prescrites par l’artiste ou
Bien que cette temporalité puisse être appréhendée ou l’institution prêteuse (par le biais de dossiers d’œuvres, de certificats
estimée 2, elle n’en est pas moins incertaine puisqu’elle et de protocoles).
dépend de la propre force du composant vivant, qui 3. « […] actually going through this process, and holding them [his
ne répond à aucune règle prédéfinie. L’existence samples], and being like, this is the ideal preservation of the piece,
de ces œuvres s’insère donc au sein d’une frontière made it clear to me that the very meaning of the piece would be
temporelle préalablement pensée, en partie déterminée undermined by preserving it », extrait de la conférence de l’artiste le
par certaines connaissances mais également par 24 mars 2018 au Whitney Museum of Art de New York (1h57’58”-
l’adaptation de l’environnement dans lequel l’œuvre 1h58’54”) [DOI : www.youtube.com/watch?v=sfD8iWicHB]
évolue. S’il s’agit de veiller à sa bonne présentation au
sein de l’exposition en suivant ces quelques règles, cela Photos de haut en bas :
signifie aussi que les conditions doivent y être réunies. Michel Blazy, Mur de poils de carotte, 2000, purée de carotte, purée de
L’espace d’exposition doit en effet pouvoir s’adapter à pomme de terre, eau, dim. variables, Collection Les Abattoirs, Toulouse, photo :
des règles de conservation préventive très rigoureuses, Marc Domage. © Michel Blazy, ADAGP, Paris 2020
pouvant se dissocier des normes habituelles. De
même, bien davantage qu’une œuvre fixe qui peut Zoe Leonard, Strange Fruit, 295 fruits (bananes, oranges, raisins, citrons
toutefois demander une veille sanitaire réglementée, et avocats), pelures, fils, fermetures à glissière, boutons, tendon, aiguilles,
les productions périssables issues du vivant exigent une plastique, fil, autocollants, tissu, garniture, cire, 1992-1997, dim. variable,
attention toute particulière. Afin qu’elles puissent être Musée d’art de Philadelphia, remerciements : Fondation Dietrich, l’artiste et
présentées dans leur intégralité, mais également dans galerie Paula Cooper, 1998, 1998-2-1
leur intégrité pendant toute la durée d’une exposition,
une maintenance du personnel doit être programmée Michel Blazy, Mur de poils de carotte, 2000, purée de carotte, purée de
constamment. Si le Bread Bed précédemment évoqué pomme de terre, eau, dim. variables, Collection Les Abattoirs, Toulouse, photo :
de Jana Sterbak demande une attention passive relative Marc Domage. © Michel Blazy, ADAGP, Paris 2020
à la présence éventuelle de moisissures, d’insectes
et de rongeurs, certaines installations végétales de Fanny Lavergne, Après la tempête, 2015, sculpture : sel, bois, 70 x 30 x 30 cm,
vue de l’exposition Jusqu’où allons nous ? 2015, Galerie Hausseguy, Biarritz
7
Jana Sterbak, Bread Bed, 1996, 107 x 105 x 166 cm, Fondation Museion
– Musée d’art moderne et contemporain de Bolzano, Collection Enea Righi
© photo : Antonio Maniscalco

Rugilè Barzdžiukaite, Vaiva Grainytè et Lina Lapelyté, Sun & Sea (Marina), 2019, Opéra-performance pour 13 voix, Pavillon National de la Lituanie. Commissaire :
Lucia Pietroiusti, production : Neon Realism – Le pavillon national de la Lituanie a reçu le Lion d’or 2019 pour les pavillons nationaux.

Sun & Sea (Marina). La relation entre l’humain
et le monde dans un dispositif d’exposition

Everything is wisely planned out, but Premièrement, le dispositif de Sun & Sea (Marina) interroge le pouvoir du regard
humankind – dans les rapports de (re)présentation. Plaçant le spectateur en surplomb et à
distance de la performance – c’est-à-dire en haut d’une pyramide visuelle – l’œuvre
Well, you don’t have to look far – my manifeste son lien génératif avec les principes de la perspective linéaire. Si celle-ci,
aforementioned husband, my ex – comme on le sait, est une « forme symbolique 3 » c’est-à-dire un système construit
Was so inclined to rash behavior. par l’homme 4, elle fait du regard humain le centre et la fin ultime de tout système
de représentation. De même, la scène du théâtre italien (génétiquement lié à la
This mammal with limited lung power, perspective linéaire) est construite comme une « cage » qui captive le regard du
Still tries so hard to go into the sea, spectateur 5. Ces dispositifs de représentation comportent donc une vision du monde
proprement anthropocentrique car les manières dont les espaces y sont organisés
To dive down deep: afin d’être perçus par l’humain sont subordonnées à son œil, à son point de vue.
He wants to conquer and control what is Dans Sun & Sea (Marina), le pouvoir du regard humain se trouve pourtant subverti.
D’un côté les autrices de l’œuvre réservent au spectateur la position zénithale – et
not his to own... non pas frontale – qui semble expliciter la supériorité du regard humain, non sans
allusion à Dieu qui regarderait le monde depuis le ciel ; de l’autre cette position révèle
Vaiva Grainytè, Sun & Sea (Marina) – libretto les limites de sa puissance. En effet, dans les dispositifs frontaux du tableau ou de
la scène théâtrale, le cadre qui délimite la zone de représentation (bords du tableau
Le regard que l’humain pose sur le monde détermine la relation qu’il entretient avec ou coulisses) désigne également la limite d’existence du monde représenté. Ici, en
lui et les actions qu’il y mène. Si, comme l’a noté Ernst Gombrich, il n’existe pas d’œil revanche, l’architecture du site n’a pas de véritables « coulisses » et la « scène »
innocent 1, le regard se construit donc nécessairement à travers la culture et ses dépasse la zone de visibilité du spectateur. Cela crée l’impression qu’à partir d’un
dispositifs. Compris comme des aménagements matériels mais surtout comme des moment l’action échappe à la vue du spectateur, qui ainsi perd son pouvoir de
systèmes de relations générés par ceux-ci 2, les dispositifs façonnent notre vision possession visuelle.
du monde, des autres et de notre propre place dans l’univers. L’œuvre Sun & Sea Deuxièmement, Sun & Sea (Marina) soulève le problème du pouvoir sur les corps
(Marina), créée par Rugilé Barzdžiukait, Vaiva Grainyté et Lina Lapelyté, et montrée des autres. À l’instar du théâtre classique, le dispositif de l’œuvre distingue l’espace
au pavillon lituanien lors de la Biennale de Venise en 2019, présente une image de la performance et celui des spectateurs. Cette séparation engendre deux
frappante du monde actuel pris par une crise écologique. Mais que peut-elle révéler réalités corporelles – d’un côté les corps dont les mouvements sont subordonnés
de la relation entre cet état et les dispositifs à travers lesquels l’humain a l’habitude à la production d’une représentation, c’est-à-dire d’une fiction, de l’autre les corps
de percevoir le monde dans la culture moderne occidentale ? installés librement et confortablement afin de percevoir cette représentation. La
En pénétrant dans un bâtiment industriel de l’Arsenal vénitien, les spectateurs se rupture de continuité corporelle a pour conséquence une fictionnalisation des
retrouvent sur une espèce de mezzanine circulaire depuis laquelle s’ouvre à eux corps des acteurs – ils ne souffrent pas et ne meurent pas « pour de vrai ». Avec
une vue sur la performance qui se déroule en bas : des hommes et des femmes l’émergence de l’industrie du spectacle de masse, cette attitude glisse vers une vraie
chantent, installés sur une plage aménagée ici. À la fois un opéra, une installation emprise physique et symbolique sur les corps qui souvent deviennent prisonniers des
et un pavillon, Sun & Sea (Marina) réemploie des dispositifs classiques du théâtre et conditions de production et assimilés aux produits de consommation : le lien entre
de l’exposition qui, dans la culture occidentale, consistent notamment à isoler l’objet le théâtre et la prostitution ou encore les « zoos » humains en sont des exemples
de présentation de la vie courante, à le séparer du public en tant qu’un objet à part limites.
et à l’encadrer pour le livrer au regard du spectateur. Si les opérations d’isolation, Comprendre son propre pouvoir de spectateur en tant qu’une cause de la vulnérabilité
de séparation et d’encadrement véhiculent un certain rapport de domination et de de l’autre – celui que le spectacle expose – c’est ce à quoi Sun & Sea (Marina) incite.
pouvoir, le dispositif proposé par Sun & Sea (Marina) revendique leur héritage tout Vus depuis la position zénithale où l’œuvre place les spectateurs, les corps des
en les repensant d’une manière critique. L’œuvre met en tension les attitudes qui acteurs apparaissent dans toute leur fragilité – dans leurs poses de repos et leurs
naissent au sein de ces dispositifs, mais, si elles s’y trouvent d’abord en état latent,
elles se manifestent de plus en plus sous l’impulsion de la modernité industrielle,
coloniale et capitaliste. L’œuvre pousse ces attitudes jusqu’à un certain point, et par
là même, désigne une voie de leur dépassement.

8

« Effacer le geste humain pour laisser faire la nature »

Le dialogue entre l’écophysiologiste végétale Claire CD : L’humain ne peut s’extraire de son environnement et il peut avoir peur
de l’univers microcosmique si densément peuplé qui lui est intimement relié.
DAMESIN et l’artiste plasticienne Iglika CHRISTOVA Vos œuvres permettent-elles un réenchantement de notre relation avec cet
univers invisible ?
cherche à réenchanter notre rapport à la nature
IC : Avec la situation actuelle que nous vivons autour de la Covid-19, la peur de l’univers
dans ses plus petites dimensions. En s’appuyant sur microcosmique a atteint son paroxysme. De ce point de vue, apaiser et réenchanter la
relation entre l’humain et le monde vivant invisible me semble plus nécessaire que jamais.
un croisement entre expérimentation artistique et Mes dessins au croisement avec les connaissances scientifiques cherchent à adopter un
autre regard sur les micro-organismes, et plus particulièrement ceux que nous considérons
biologique, il s’agit de questionner l’interdépendance, comme néfastes pour la santé humaine. D’après les connaissances scientifiques, 8% de notre
ADN est d’origine microbienne essentiellement virale. Voilà pourquoi le médecin généraliste
ô combien d’actualité, entre vie humaine et microbienne. Olivier Soulier explique que « vouloir éradiquer tous les microbes est un non-sens 2 ». Selon
Soulier « les microbes sont notre adversaire ontologique dans le sens où ils nous confrontent
Claire DAMESIN : Les avancées récentes de la science ont bouleversé notre à nous-mêmes : c’est une notion fondamentale. Ils nous ont fait naître et continuent de nous
vision des rapports entre macro-organismes et micro-organismes et nous tester pour garantir notre intégrité et notre croissance 3. » « Tout ce qui ne me tue pas me
montrent à quel point le monde humain s’inscrit dans un monde vivant rend plus fort 4 », postulait Nietzsche. Cette célèbre phrase s’applique donc particulièrement
microcosmique. Comment votre démarche artistique s’articule-t-elle avec les aux microbes. Dessiner les microbes ou les bactéries, revient à mieux les connaître et les
données scientifiques ? « apprivoiser » mais aussi à mieux nous connaître et nous apprivoiser. Mes dessins invitent
à une contemplation esthétique sereine de ces formes de vie invisibles. De là à ne plus voir
Iglika CHRISTOVA : Depuis la révolution génomique nous savons que l’être l’humain est un les microbes comme nos « ennemis », mais plutôt comme une omniprésence nous obligeant
écosystème à lui tout seul, qui cohabite avec des millions de micro-organismes. Cela bouleverse à dépasser sans cesse nos fragilités, il n’y a qu’un pas à franchir.
quelque peu notre vision anthropocentrique du monde attribuant à l’espèce humaine un statut
central dans l’histoire de l’univers. Les nouveaux paradigmes scientifiques ne peuvent pas, en CD : Le dessin dit « vivant » que vous pratiquez s’appuie sur une émancipation
effet, ne pas influencer l’art ou même la philosophie. Le fait de savoir, par exemple, que les graphique où une « altérité non humaine » est invitée à dessiner ; celle-ci souligne
bactéries seraient dix fois plus nombreuses dans le corps humain que les cellules devient un par là même l’interdépendance entre vie humaine et microbienne. Dans ce cadre,
point de départ pour diverses explorations artistiques questionnant l’identité humaine. Cette votre travail ne questionne-t-il pas la notion de liberté chez l’humain ?
information scientifique entre autres a poussé les démarches transversales au croisement de
l’art et de la biologie à dépasser les représentations métaphoriques du vivant pour inventer IC : L’accès au microcosme des matières vivantes me permet en effet de déplacer les frontières
de nouveaux langages artistiques grâce aux biotechnologies. Dans ma recherche en art, le du dessin traditionnel vers un dessin dit « vivant » réalisé par le biais de micro-organismes.
« voir » et le « savoir » scientifiques sont d’une égale importance. L’imagination puise sa Cette nouvelle façon de dessiner avec le monde vivant microscopique implique aussi une
source première tant dans les matières naturelles que j’observe au microscope, que dans les nouvelle façon de penser le dessin. À l’image de la vie, ce dessin « assisté par nature »
connaissances scientifiques biologiques. J’ai été intéressée par exemple par les travaux de la porte en soi une instabilité assumée. Il est par définition mouvant et imprévisible. Le « dessin
biologiste Lynn Margulis 1, proposant un changement radical dans notre façon de penser la vivant » me permet aussi de donner une expression plus « incarnée » à l’inséparabilité entre les
notion d’individu. En effet, à l’individu ou à l’organe, ces recherches substituent la bactérie qui formes de vie microscopiques et leur lien avec la lumière, la température ou les nutriments. En
apparaît comme détentrice des secrets des origines de toute la vie sur Terre. Selon les travaux ce sens, le « dessin vivant » formé par des micro-organismes rend manifestes les interrelations
de Margulis, les bactéries auraient créé l’ensemble des cellules vivantes, ce qui expliquerait imperceptibles dans le monde microscopique. Partant de l’idée que les formes de vie invisibles
notamment la multiplicité de fonctions de ces dernières. La bactérie devient, en ce sens, la possèdent leur propre narrativité, je cherche à me libérer d’un discours trop anthropocentrique,
« figure » centrale de notre monde vivant. Dans cette perspective, le renversement de la vision voire de la nécessité de « raconter une histoire ». En ce sens, se libérer du discours « humain,
anthropocentrique n’est pas des moindres car le végétal, l’animal et l’humain ne seraient trop humain » dans l’acte créatif pour « laisser parler » la nature qui nous tisse et nous dépasse,
que des « productions » plus complexes de ce monde bactérien qui vit en nous comme nous pourrait être considéré comme une recherche de liberté vis-à-vis du « bruit mental » dont nous ne
vivons en lui. Cette vision résonne avec ma pratique du dessin où les micro-organismes et plus sommes jamais à l’abri. Avec le « dessin vivant », l’artiste et le spectateur sont appréhendés en
particulièrement les bactéries apparaissent comme les figures centrales d’un monde vivant en tant qu’observateurs de phénomènes naturels invisibles afin de susciter de nouvelles perceptions
perpétuel mouvement et métamorphose. du monde naturel, voire un rapport plus empathique avec le monde vivant invisible. Mais ce que
je cherche à « libérer » avant tout, ce n’est pas tant l’être humain, mais plutôt l’œuvre d’art en tant
tenues de plage, à demi découverts, encadrés par la « boîte » du pavillon, allongés qu’entité vivante évolutive et indépendante. La Machine pour dessin vivant à micro-algues, qui se
pour être mieux déployés devant le regard vertical. Le dispositif frontal du théâtre veut un prototype expérimental, me permet notamment d’envisager le « dessin vivant » comme
classique conserve une réciprocité entre la scène et le public en permettant à ce une matière vivante composée de micro-algues ou de bactéries de plus en plus « autonome ». Le
dernier de bien voir les acteurs, mais aussi aux acteurs d’observer ses réactions « dessin vivant » m’invite par là même à transposer les notions de « vie » et de « mort » à l’œuvre
(alors quand des tomates et des œufs pourris sont lancés par des spectateurs d’art : il a d’abord une vie biologique qui s’achève avec la mort des micro-organismes qui le
furieux, insatisfaits de la représentation, les acteurs ont la possibilité de repérer de constituent. En parallèle, il a aussi une autre « vie » en tant qu’artefact, qui se poursuit, quant
telles intentions et d’échapper à leurs éventuelles conséquences). Ici, les acteurs à elle, même après sa « mort » biologique. Avec les expérimentations autour de la Machine
sont privés du contact visuel mutuel avec le public et ainsi se retrouvent dans une pour dessin vivant à micro-algues, je suis amenée petit à petit à effacer le geste humain
position vulnérable devant celui-ci. Quand le dispositif de Sun & Sea (Marina) force le pour laisser faire la nature. En ce sens, le « dessin vivant » me libère du désir de production
spectateur à surplomber la « scène », il lui fait prendre conscience de son pouvoir, puisque les micro-organismes « dessinent » avec une extrême lenteur. En m’apprenant la
mais aussi de sa responsabilité. En ressentant la fragilité des corps exposés à son patience, le dessin dit « vivant » m’invite à la contemplation active de phénomènes quasi
regard, le spectateur peut également se rendre compte que cette fragilité n’existe imperceptibles. En percevant ainsi le potentiel graphique des plus petits éléments de la
qu’en rapport à lui. nature, j’interroge un possible passage du savoir-faire vers un savoir-voir.
Enfin, le troisième axe critique de Sun & Sea (Marina) porte sur le rapport de
l’humain à la nature. Dans Sun & Sea (Marina), le sable importé d’ailleurs et mis au Entretien avec Iglika CHRISTOVA, artiste plasticienne
milieu du pavillon entouré de murs de béton, afin d’évoquer un paysage, rappelle la Propos recueillis par Claire DAMESIN, écophysiologiste végétale
tradition des serres et des expositions coloniales. Extraire un élément organique de
son environnement naturel, l’étudier afin de le maîtriser, l’amener d’un endroit éloigné 1. Lynn Margulis (1938-2011) était une biologiste américaine, et professeur à l’université du Massachusetts. Pour un
au plus près du spectateur, le mettre en scène – tels sont les principes de ces aperçu de ses principales recherches, voir Lynn Margulis et Dorion Sagan, L’Univers bactériel : les nouveaux rapports
dispositifs. Bien qu’ils soient conçus pour rendre la nature accessible au spectateur, de l’homme et de la nature, Paris, Albin Michel, 1989.
de fait, ils ne font que l’en éloigner, puisqu’ils n’approchent pas la nature comme 2. Olivier Soulier, « Les microbes nous ont fait naître et continuent de nous faire progresser », Enquêtes de santé, no 23
un écosystème indivisible qui constitue pour l’humain la source vitale, mais plutôt (publication bimestrielle), 2014, p. 23-33.
comme un objet in vitro disponible aux usages humains. Si la nature est transformée 3. Ibid.
en spectacle, elle aussi, Sun & Sea (Marina) en propose un spectacle à la fois 4. Friedrich Nietzsche, Le Crépuscule des idoles (1888), traduction d’Henri Albert, Mercure de France, 1908 (7 e éd.),
sombre et ironique : il montre que la pulsion originelle d’union, voire de dissolution partie « Maximes et flèches », § 8, p. 108.
dans la nature se transforme en son opposé – un confinement des corps et du
paysage dans un ancien site industriel.
Les dispositifs d’exposition interviennent dans les manières de percevoir et de
justifier des mouvements, des circulations et des développements au sein du monde
vivant. Mais les outils d’observation, d’étude et de démonstration créés pour se
rapprocher des mystères du monde se transforment en outils de spectacle et de
consommation quand ils se trouvent conditionnés par l’économie capitaliste. Avec
un réemploi critique des dispositifs d’exposition de la culture occidentale, Sun & Sea
(Marina) révèle leur part dans l’émergence du spectateur moderne, qui se constitue
comme un maître des phénomènes qu’il observe et, en même temps, en propose
un effet de subversion.

Natalia PRIKHODKO

1. Ernst Gombrich, L’Art et l’illusion. Psychologie de la représentation picturale (1960), première édition en
français, Gallimard, 1971.
2. Giorgio Agamben, Qu’est-ce qu’un dispositif ?, Payot & Rivages, 2014.
3. Erwin Panofsky, La Perspective comme forme symbolique (1924, première édition en français, 1927),
Éditions de Minuit, 1975.
4. Hubert Damisch montre l’évolution de ses usages et de son idéologie depuis son moment inaugural au
Quattrocento dans Hubert Damisch, L’Origine de la perspective, Flammarion, 1987.
5. Aline Wiame, « De la disparition du cadre de scène dans le théâtre contemporain : vers un espace de
contamination ? » dans Cadre, seuil, limite : la question de la frontière dans la théorie de l’art, sous la dir. de
Thierry Lenain et Rudy Steinmetz, Bruxelles : La lettre volée, 2010, p. 166.

Iglika Christova, Machine pour dessin vivant à micro-algues, (2017-2020), observation et présentation
de micro-organismes en croissance comme dessin, 2019
9

aix-en-provence HORSD’ŒUVRE n°45 brest landerneau RDV T&G
édité par l’association
3 bis f | Centre d’art INTERFACE Passerelle Fonds Hélène & Édouard Leclerc © Taroop & Glabel - Courtesy Semiose galerie, Paris
Centre Hospitalier Montperrin 12 rue Chancelier de l’Hospital 41 rue Charles Berthelot pour la culture
109 avenue du Petit Barthélémy F - 21000 Dijon 29200 Brest Aux Capucins ÉDITION D’ARTISTE
13617 Aix-en-Provence t. : +33 (0)3 80 67 13 86 tél. 02 98 43 34 95 29800 Landerneau
tél. 04 42 16 17 75 [email protected] ouvert le mar. de 14h à 20h tél. 02 29 62 47 78 UNE ASSEMBLÉE
ouvert du mar. au sam. de 14h à www.interface-horsdoeuvre.com du mer. au sam. de 14h à 18h30 ouvert tous les jours de 10h à 18h
18h & rdv www.interface-art.com fermé les jours fériés ➤ Enki Bilal : 20.05-20.06.2020, Avenue de Montchoisi 9,
➤ « Displace » Marie Ilse ➤ « face à la mer » 18/07/20 - 04/01/21 Lausanne, 2020
Bourlanges & Elena Khurtova : Numéro sous la direction de : G. Andreani, A. Arcelli,
05/09 - 17/10/20 Nicolas-Xavier Ferrand H. Büyüktaşçiyan, H. Duret, le havre Tirage : 200 ex. numérotés et tamponnés par le collectif
➤ « Post-Growth Toolkit » N. Herbelin, B. Khalili, 420 x 594 mm
Disnovation.org : Conception graphique & F. Mermin, M. Miceli, N. Youyu, Le Portique
14/11/20 - 17/01/21 responsable de la rédaction : M. Ouazzani & N. Carrier, 30 rue Gabriel Péri impression offset sur papier couché demi-mat
Frédéric Buisson I. Pollard, L. Porter, Y. Salomone, 76600 Le Havre Prix : 40 € + 8 € de frais d’envoi
Shelf life : Archive event II (performance), M. Sarabi, A. Sekula, A. Vaz, tél. 09 80 85 67 82 Commande : Interface, Dijon
2019 © Khurtova & Bourlanges - photo : Coordination : C. Vitaioli : jusqu’au 12/09/20 ouvert du mar. au dim.
Jessie Yingying Gong, à Looiersgracht Nadège Marreau ➤ « À bout de mer » O. Bertin, de 13h à 19h, puis à partir du www.interface-horsdoeuvre.com
60, Amsterdam Q. Hidrio, C. Le Moine Veillon, 17/10 du mar. au sam. de 14h
Relecture : Juliette Tixier T. Sauvé : jusqu’au 12/09/20 à 18h30 HORSD’OEUVRE n°45
annemasse ➤ « À 1 Km de chez moi » : ➤ « Never dream of dying »
ont participé à ce numéro : jusqu’au 12/09/20 Myzyk & Moriceau : noisiel pougues-les-eaux
Villa du Parc Marie Buisson, Bertrand Charles, 11/07 - 27/09/20
12 rue de Genève Iglika Christova, Claire Damesin, château-gontier ➤ Mai-Thu Perret : La Ferme du Buisson Parc Saint Léger
74100 Annemasse Jérome Dupont, Nicolas-Xavier 17/10 - 19/12/20 allée de la Ferme Centre d’art contemporain
tél. 04 50 38 84 61 Ferrand, Paul Bernard Nouraud, Chapelle du Genêteil 77186 Noisiel avenue Conti
ouvert du mar. au sam. de 14h Natalia Prikhodko rue du Général Lemonnier les arques tél. 01 64 62 77 05 58320 Pougues-les-Eaux
à 18h30 - fermé les jours fériés 53200 Château-Gontier ouvert du mer. au dim. tél. 03 86 90 96 60
➤ « Tafaa the century of the snitch » Remerciements : Delphine Coindet tél. 02 43 07 88 96 Les ateliers des Arques de 14h à 19h30 ouvert du mer. au dim
Chloé Delarue : ouvert du mer. au dim. Le Presbytère, 46250 Les Arques ➤ « La Bibliothèque grise - de 14h à 18h
jusqu’au 26/07/20 Couverture : de 14h à 19h tél. 05 65 22 81 70 Chapitre 4 : Objets parlants » ➤ « Fun house » F. Bézu,
➤ Alexandra Leykauf : Aude PARISET ➤ « Gontierama 2020 » : ouvert du mar. au dim. de 10h30 Jérôme Dupeyrat et Laurent Sfar : J.- L. Blanc, O. Chan Yik Long,
05/09 - 20/12/20 Promession®: Young Adult L. Bourgeat, S. Cherpin, J. Julien, à 12h30 et de 14h30 à 18h30 07/11/20 - 07/02/21 M. Échard, H. Hegray,
Maze, Deciphering Level (dé- G. Janot, M. Gouéry, J. Moynot, ➤ « Paysage ouvert » L. Andrié, A. Ingarden, J. Martin,
auxerre tail), 2018, vue de l’exposition M. Pincour, P. Rivet, D. Trenet : H. Bertin, P. Brocart, Z. Cornelius, pontmain É. Pitoiset, A. Solal., T. Jousse :
« Futur, ancien, fugitif », Palais 24/06 - 30/08/20 dans S. Doppelt, S. Lefebvre, E. Fleiss, jusqu’au 23/08/2020
HORS[ ]CADRE de Tokyo, 2019, Courtesy de différents lieux de la ville O. Kervern, J. Lempert, L. Nagler, Centre d’art contemporain de ➤ « L’été on en fait des glacées »
49 rue Joubert l’artiste & Sandy Brown, Berlin ➤ « Élévée en bouclier » E. Peñafiel Loaiza, J. Russ, F. Torzo : Pontmain Mathilde Ganancia :
89000 Auxerre © Aurélien Mole S. Cherpin, J. Moynot et 15/07 - 27/09/20 8 Rue de la Grange 19/09/2020 – 15h à 19 h
tél. 06 88 97 42 26 M. Pincour : 24/06 - 30/08/20 53220 Pontmain ➤ « Je suis avant, je suis presque,
ouvert du mer. au sam. Double page intérieure : ➤ « La Maison Cueco, dessins montbéliard tél. 02 43 05 08 29 je suis jamais » C. Granara,
de 14h à 18h Une Assemblée choisis » 19/09 - 15/11/20 ouvert du mer. au dim. M. Martinovich, M. Tschiember,
➤ « Éloge du pas de côté » 20.05-20.06.2020, Avenue de Le 19 de 14h30 à 17h30, à partir de la I. Wilson : 26/09/20 - 24/01/21
Philippe Ramette : Montchoisi 9, Lausanne, 2020 châteaugiron 19 avenue des alliés rentrée du mer. au ven. de 14h30
12/09 - 07/11/20 25200 Montbéliard à 17h, dim. de 14h30 à 17h30 saint-étienne
➤ « Paradise » K. Attia, BP, Impression : ICO Centre d’art Les 3 CHA tél. 03 81 94 43 58 ➤ « Résider, voyager »
Erró, P. Ramette, J.-P. Raynaud, 17 rue des Corroyeurs - Dijon Le Château ouvert du mar. au sam. de 14h Régis Perray : 4/07 - 30/08/20 L’Assaut de la Menuiserie
M. Rothschild : Tirage 5000 exemplaires Bd J. et P. Gourdel à 18h et le dim. de 15h à 18h ➤ Lise Gaudaire et Marc Loyon : (org. Le Bel Ordinaire)
21/11/20 - 16/01/21 ISSN : 1289-9518 - semestriel 35410 Châteaugiron ➤ « La suée du dindon » Aurélie 11/10 - 29/11/20 11, rue Bourgneuf
Dépôt légal : juillet 2020 tél. 02 99 37 08 24 Ferruel et Florentine Guédon : 42000 Saint-Étienne
belfort ouvert mer. et ven. de 14h à 17h, jusqu’au 23/08/20 rennes tél. 09 73 12 72 43
Publié avec le soutien de sam. de 11h à 13h et de 14h ➤ « L’œil extravagant, 40 ans ouvert les mer., ven., sam.
GRRRANIT l’ensemble des structures à 18h et le 1er dim. du mois de dessins » Christian Lhopital : Frac Bretagne de 14h à 18h et sur rendez-vous
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ouvert du mer. au sam. Poivilliers : 27/06 - 30/08/20 ouvert du mar. au dim.
de 14h à 18h, sauf jours fériés, Le Bel Ordinaire ➤ « Inverse » Philippe Frac Occitanie Montpellier de 12h à 19h & hors expositions
les soirs de spectacles et sur rdv les Abattoirs, allée Montesquieu Desloubières : 19/09 - 28/11/20 4 rue Rambaud du mar. au ven. de 12h à 18h
➤ « Et si les choses tournaient 64140 Billère 34000 Montpellier ➤ « Prix libre du Frac Bretagne -
sans nous ? » Fabien Zocco : tél. 05 59 72 25 85 dijon tél. 04 99 74 20 35 Art Norac » :
18/09 - 07/11/20 ouvert mer. au sam. de 15h à 19h ouvert du mar. au sam., de 14h 16/10/20 - 16/01/21
➤ « Muses algorithmiques - ➤ « Voir et faire voir » Interface à 18h, fermé les jours fériés ➤ « PARRATHON »
Nouvelles perspectives narratives » George Hardie : 12 rue Chancelier de l’Hospital ➤ « CASA » Jimmy Richer Martin Parr : jusqu’au 27/09/20
D. Aubert, O. Bémer, E. Brout 26/08 - 12/09/20 21000 Dijon Une fiction de l’Évolution :
& M. Marion, C. Coutant, ➤ « Les champs sémantiques » tél. 03 80 67 13 86 15/07 - 31/10/20
Disnovation.org, S. Fanchon, Sophie Cure : œuvres visibles depuis la rue de
Fleuryfontaine, T. Fournier, 09/12/20 - 20/02/21 jusqu’à fin août 2020, puis mouthier-haute-pierre
H. Knowles, A. Schmitt : ➤ « Melting Point – le carrefour des ouvert du mer. au sam. de 14h à
20/11/20 - 16/01/21 internet)s( – Festival accès)s( #20 : 19h ou sur rdv, fermé les jrs fériés Le Manoir de Mouthier-Haute-Pierre
➤ Princia Itoua : 09/10 - 12/12/20 ➤ « fenêtres sur rue #2 » 25 Grande Rue
29/01 - 27/03/21 Angélique Jacquemoire : 25920 Mouthier-Haute-Pierre
bourges jusqu’au 26/07/20 tél. 06 12 17 59 19
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FRAC Franche-Comté 26 route de la Chapelle 01 - 30/08/20 ➤ A. Arquint, A. Château,
Cité des arts 18000 Bourges ➤ « no limits » C. Bart, L. Fournier, H. Pernet, A. Renaud,
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25000 Besançon ouvert du mer. au dim. de 14h30 J. Hilliard, P.-Y. Magerand,
tél. 03 81 87 87 40 à 18h30, sauf jours fériés A. Malagrida, C. Parmiggiani, mulhouse
ouvert du mer. au ven. ➤ « Even the rocks reach out to kiss A. Prvacki, C. Rutault,
de 14h à 18h et you » L. Bourget, C. Calderwood, E. Werth : 12/09 - 07/11/20 La Kunsthalle Mulhouse
sam. & dim. de 14h à 19h M. Cueco, G. Choisne, ➤ « sound&vision » : La Fonderie
➤ « Dancing Machines » O. Davaadorj, E. Di Orio, 20/11 - 19/12/20 16 rue de la Fonderie
E. Antille, H. Bellmer, A. et V. Gastaldon, L. Grandpré, 68100 Mulhouse
B. Blume, R. Breer, G. Conilh de B. Heisch, S. Husky, Ï. Larue, Le jardin de la Banque de France tél. 03 69 77 66 47
Beyssac, n + n Corsino, J. Emard, N. Verena Marcin, M. Mihindou, rue des Godrans ouvert du mer. au ven.
C. Familiari, E. Ferrer, D. Firman, E. Moaty, P. Paeonia, S. Paléatchy, 21000 Dijon de 12h à 18h, du sam. au mar.
W. Forsythe, La Ribot, Les Frères A. Sprinkle & B. Stephens, ➤ « Point de vue sur la Banque de 14h à 18h
Lumière, A. Geoffray, L. Goldring, T. Rezaire, A. Rodado, K. Rougier, France » P. Ramette & J. Dupuy : ➤ « Petit Programme » E. Ladoire,
J. Klauke, M. Laury, S. Nengudi, L. Wonderland, Z. Bo. : jusqu’à l’automne 2020 A. Byskov, C. Hriech, L. Eriksson,
T. Oursler, G. Paté et S. Argillet, 09/10/20 - 17/01/21 M. Maric, P. Petrov, É. Alloin,
M. Raetz, O. Schlemmer, P. Mpagi joigny K. Ströbel, G. Barborini, J. Kopp,
Sepuya, V. Stratmann, E. Wurm: Suzanne Husky, Sacred earth air re S. M. Jacobsen, Y. Tabti :
jusqu’au 16/08/20 water temple draft - «Symbol System Espace Jean de Joigny jusqu’au 23/08/20
➤ « Rose Gold » Cécile Bart : Cannot, Just Be Rejected They Have To Place Jean de Joigny ➤ « Le monument, le labeur
19/09/20 - 03/01/21 Be Replaced» (citation de Starhawk) – 89300 Joigny et l’hippocampe » V. Arnold,
2020 (Frac Nouvelle Aquitaine – MECA) tél. 03 86 91 49 61 H. Bleys, T. Boukal, I. Botera &
Cécile Bart, Silent Show, 2017, CCC OD, ouvert ven. et sam. de 14h à 18h, J. Dean, I. Grubic, Z. Kadyrova :
Tours, 8 décembre 2017 - 13 mai 2018 dim. de 14h à 17h 17/09 - 15/11/20
© Cécile Bart : Photo : CCCOD, Tours ➤ « Aéroport à insectes » ➤ « La Régionale 21 » :
du LAAB : 27/06 - 23/08/20 27/11/20 - 10/01/21
➤ « Un dessin, mille couleurs.
Mille couleurs, un dessein »
Olivier Nerry :
12/09 - 13/11/20

Si vous souhaitez que vos manifestations soient annoncées
dans l’agenda du prochain numéro, une participation de
30 Euros minimum est demandée.

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