Archie Fire Lame-Deer - portrait - Erica Nachez

ARCHIE FIRE LAME DEER

Erica Guilane Nachez
1987

Éditions Neo Cortex – 7 place d’Austerlitz
F-67000 Strasbourg – France

Creative Commons – Strasbourg 1987-2020

ISBN : 978-2-918535-84-3

https://www.cd-de-relaxation.com/

https://neo-cortex.net/
http://www.nachez.info/

Podcast
https://djpod.com/michelnachez
Formations Chamanisme et ENOCs
https://michel-nachez-formations.thinkific.com

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Commerciale - Pas de Modification

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Commons, PO Box 1866, Mountain View, CA 94042, USA.

SOMMAIRE

Table des matières

Sommaire ................................................................................................................................................2
Première partie ......................................................................................................................................4

Au commencement. . ...................................................................................................................5
Deuxième partie ................................................................................................................................11

Être et dires : Archie Fire Lame Deer ..................................................................................... 11
Lame Deer, tel qu'en lui-même (peut-être).......................................................................... 12
La "peau de grenouille verte"................................................................................................... 14
Archie Fire Lame Deer "medicine-man" ................................................................................ 17

1°) Les mots..............................................................................................................................17
2 ) Guérir ..................................................................................................................................17
Archie Fire Lame Deer, fils de son père ................................................................................ 19
Archie Fire Lame Deer et le christianisme............................................................................ 19
Archie Fire Lame Deer et la femme ....................................................................................... 20
Archie Fire Lame Deer et sa femme....................................................................................... 20
Archie Fire Lame Deer, tel qu’en lui-même... il était.......................................................... 21
Troisième partie..................................................................................................................................25
Êtres et dires : les autres au fil du temps et des rencontres – 1984 - 1987................ 26
Et ces rencontres ? Grandeurs et dificultés de l'enquête. ............................................... 27
Quatrième partie ...............................................................................................................................32
Methode ......................................................................................................................................... 33
1*) le guide d’entretien........................................................................................................ 33
2°) les "instruments"...............................................................................................................35
3°) des données......................................................................................................................35
4°) le choix des informateurs.............................................................................................. 35
"Me regarder faire de l'ethno"............................................................................................ 38
Bilan ? ........................................................................................................................................39
Conclusion ........................................................................................................................................... 40

Avant-Propos

• Cette enquête a été écrite dans le cadre d’un
travail universitaire. En effet, dans le cursus d’Ethnologie
de l’Université de Strasbourg, les étudiants doivent
rédiger un compte-rendu d’enquête et un mémoire
chaque année. Cela fait partie de la formation
d’ethnologue depuis des lustres.

• Ceci est donc le compte-rendu d’enquête de Erica
Guilane-Nachez. Il est daté de septembre 1987. Le style
en est nerveux, lapidaire et écrit au lance-pierre.

• Il reste néanmoins un document intéressant car, à
ma connaissance, il n’y a pas de portrait d’Archie Fire
Lame Deer dans la littérature française (tout du moins à
ma connaissance).

• Ce document dresse donc un portrait à la
machette de cet homme, medicine-man sioux qui a
parcouru le monde pour enseigner la hutte de sudation
à des blancs « incultes » (du point de vue de Lame Deer).

• Erica et moi étions à l’époque tous les deux
étudiants en Ethnologie.

• Je vous laisse maintenant découvrir ce texte.
• Michel Nachez, septembre 2020

•

PREMIÈRE PARTIE

•

• Ce rapport d'enquête est conçu comme une sorte
de "journal de bord à posteriori".

• Historique, grandes étapes, réflexions
personnelles et discours d'autrui s'entremêlent et
parfois s'entrechoquent.

• Car rester neutre : impossible.
• M'investir : nécessaire.
• Je n'ai ni le regard, ni la patience de
l'entomologiste. Et ARCHIE FIRE LAME DEER n'est pas un
insecte à observer de haut (Et cela, indépendamment de
mon mètre 65 et de son presque 2 mètres !!)

•

AU COMMENCEMENT...

•

• Les racines de l'enquête : lointaines.
Probablement trouvent-elles leur profondeur dans les
profondeurs de l'enfance ; bandes dessinées, westerns,
imageries et extrapolations enfantines et adolescentes.
Toute une mythologie de l'Indien qui en fait osciller
l'image, du sauvage-pas- civilisé ("il n'est de bon indien
que l’indien mort" - Custer -) à l'homme nature
(Fenimore Cooper) ; du guerrier-héros au sanguinaire
coupeur de scalps ; du sublime barbare à plumes et à

cheval au titubant alcoolique ; du Sage, calme et apaisé
(Karl May) au tumultueux accusateur de la civilisation
occidentale (l'American Indian Movement
d'aujourd'hui).

• Et puis : la conscience du génocide physique,
culturel, cultuel... (la "mauvaise" conscience ?).

• Voilà pour les origines.
• Les faits, à présent.
• Septembre 1984. Près de Paris a lieu le "Premier
Congrès International du Chamanisme". Parmi les
intervenants, des gens intéressants et des "farfelus".
• Pour les farfelus (ce jugement n'engageant que
moi), je citerais :

•

• Mario Mercier, prétendu chaman "initié à
plusieurs traditions". Il a publié une resucée
simplifiée du "Chamanisme" d'Eliade. A renoncé,
dans l'intervalle, au titre de chaman pour se dire
"voyant-visionnaire". Complètement démago.

• Margit Bohdalek, "chamanesse viennoise" (yeux
charbonneux, ongles vernis de noir, ne respirant
pas l’équilibre), également "initiée à plusieurs
traditions chamaniques" (africaine, amérindienne
et je ne sais trop quoi d'autre). S'occuperait
beaucoup des âmes des trépassés que l'un néglige
trop sous nos latitudes !!

• Elie Hien, chaman africain, dont on apprendra qu'il
pratique des guérisons par téléphone (!!!) ; qui
parle beaucoup (trop) de l'"amour du prochain" ;
et qui rate sa tentative de guérison en public sur
une jeune femme.

• Juan Camargo, chaman péruvien, qui se livre à
quelques tours de passe-passe en public
("guérison" par l'œuf, retrait-rendu de la force
d'un homme, etc.). Ridicule.

• et quelques intervenants tels que Jacques d'Arès,
plus "ésotérisant" qu'historien des religions.

• Parmi les gens passionnants, des intervenants
tels :

→ Francis Huxley, ethnologue
→ Jacques Lemoine, ethnologue
→ Jean During, ethnomusicologue.
• Et puis :
• Tchou Yao, chaman Hmong, impossible à
approcher car ne parle que le hmong. Ce qu'il dit est
interprété par Jacques Lemoine, l'ethnologue français
qui s'est spécialisé dans la culture Hmong. Et qui
éprouve une visible admiration, et pour les Hmong, en
tant que peuple, et pour ce chaman, qu'il dit être parmi
les meilleurs (le nombre d'offrandes qu'il reçoit, sous
forme d'animaux, le prouverait).
• Et ARCHIE FIRE LAME DEER, chaman Lakota

(Sioux), auquel s'attache cette enquête.

•

• Ce 1er congrès sur le chamanisme dure 3 jours et
environ 200 à 300 personnes y assistent. Il est suivi d'un
"séminaire post congrès" de 5 jours, auquel vont assister
une trentaine de personnes. Dont nous sommes, Michel
Nachez et moi. Ce séminaire est animé par ARCHIE FIRE
LAME DEER.

• Participer à l'ensemble, congrès et séminaire post
congrès, n'est pas donné. Ces huit jours coûtent
plusieurs milliers de francs par personne. Et, bien sûr,
l'on se demande si ça vaut la peine d'investir cette
somme et ce temps.

• Car, en raisonnant, je trouve quelques inconnues.
• Le chamanisme, je connais. Comme le connaît qui
a lu Eliade, Tahca Ushte, Hehaka Sapa, Talayesva et
quelques autres. C'està dire guère, de l'extérieur.
Curieusement, je n'ai d'ailleurs trouvé nulle part une
définition du chamanisme qui me satisfasse.
• Mais ce que je sais, c'est que cette approche du
monde doit faire partie, pour les cultures qui en
participent, de ces "perles à ne pas jeter aux pourceaux".
"Chamaniser" est affaire de vocation personnelle,
d'élection ou de filiation. Chamaniser est affaire de
Sacré.

•

• Question : qu'est-ce qu'un chaman peut donner
(vendre ?) du chamanisme aux petits Blancs curieux,
sans vocation particulière, ni élus, ni "fils de"... ?

• Question complémentaire ; qu'est-ce qu'un
chaman Indien d'Amérique, dont le peuple, la religion,
l'être et l'identité ont été si malmenés par... nous, les
Blancs (mettre tous les Blancs, ici et là, passés et
présents, dans le même sac, c'est humain, somme
toute), pouvait accepter d'apporter de réel dans la
connaissance de sa vision du monde, et du Sacré qui s'y
attache, aux Blancs d'Europe ?

•

• Ou était le "truc" ?

•

• Possibles réponses (j'ai l'esprit critique et j'aime à
ne pas être surprise, donc je cherche tous les possibles) :
charlatan, imposteur ; commerçant qui « fait son
beurre » grâce à la crédulité et à l’appétit de mystère(s)
de certains Européens, nourris de Michael Harner et de
Carlos Castaneda. Si on ne rentre pas assez de dollars, le
franc français, suisse, et le DM (Deutschmark) font aussi
l’affaire, sans doute.

•

• J’ignorai – inattention – à ce moment-là que
Archie Fire Lame Deer était de fils de Tahca Ushte. Et il
est probable que, de le savoir, n’aurait nullement réduit

ces possibles-là.

•

• Qui ne risquant rien n'ayant rien, et la curiosité
l'emportant, c'est avec ces préventions-là que nous
décidâmes de nous inscrire à ces manifestations. Et, de
toutes façons, cela prolongeait nos vacances : excellent
prétexte à ne nous réatteler à la tâche que le plus tard
possible...

•

DEUXIÈME PARTIE

ÊTRE ET DIRES : ARCHIE FIRE LAME DEER

•

• Une des premières choses qu'a dit ARCHIE FIRE
LAME DEER est "Vous n'aurez pas appris à marcher sur
l'eau à la fin de ce séminaire. Si vous êtes là pour ça,
partez !..."

• Et puis :
• "Michael Harner, je ne connais pas". (Harner,
ethnologue américain dans la foulée de Castaneda, a
écrit "Chamane" et a fondé des groupes de
"développement de la personnalité" par de prétendues
pratiques chamanistiques. Telles que le "voyage
chamanique", genre de rêve éveillé collectif sur fond de
battement de tambour).
• Comme j'avais une opinion négative sur Harner,
pour moi, c'était OK. Pas pour tout le monde, c'est le
moins qu'on puisse dire !
• "Castaneda a écrit sa thèse à une époque où le
"lieu" privilégié des étudiants en anthropologie
américains étaient les cultures amérindiennes. Il est
descendu dans le Sud, son imagination a fait le reste. Ça
s'est tellement bien vendu qu'il a fait d'autres livres pour
exploiter le filon. Castaneda, je l'ai rencontré. Ce n'est ni
sérieux ni réel." (Là aussi, ça tombait bien : le seul livre

de Castaneda 1 que j'ai lu m'a agacée. Ça "sonnait"
comme Rampa pour le Tibet : faux. Par contre, mon mari
avait bien "accroché". Ainsi en est-il des goûts et des
couleurs...).

• Pour moi, donc, OK. Mais pour certains
participants : dur, dur (ils étaient là, précisément pour
trouver quelque chose du style Castaneda. "Petite
fumée" peut-être comprise...).

LAME DEER, TEL QU'EN LUI-MÊME (peut-être)

•

• Ce bonhomme - pas si bonhomme que ça - me
convient. C'est un colosse (1,93 m, 135 kg) et il est sans
concessions. Contrairement à d'autres (Mario Mercier,
par exemple), il ne "passe pas la main sur la joue", ne
pratique pas la démagogie et se fiche visiblement de
plaire, d'avoir l'accord des gens. Il dit ce qu'il pense et ne
joue pas au "gourou". Il a beaucoup d'humour, pas cet
humour sophistiqué et parfois méchant des "intellos" -
il n'est pas intello pour deux sous -, Mais un humour
simple, et parfois simpliste, qui le fait partir dans de
grands éclats de rire pour presque rien : un bol de soupe
renversée ou autre chose d'analogue. De cet humour
bon enfant qu’Éric Navet2 décrit comme étant typique

--------------------

1 L’herbe du diable et la petite fumée.
2 Professeur en Ethnologie, Université de Strasbourg, Institut d’Ethnologie, à
la retraite maintenant – (note de Michel Nachez, 09-2020).

des populations amérindiennes.
• Bon. Ceci dit, ça ne répond pas à mes questions.

Que vient-il vendre ?
• Voilà les réponses que j'ai collationnées au fil du

temps :
• "Ma Mère la Terre est en danger. La pollution,

ainsi que le pillage des ressources mettent en péril toute
la Création. Il faut arrêter cela avant qu'il ne soit trop
tard".

• "Vous, les hommes d'Europe, vous avez perdu vos
anciennes traditions. Elles remontent aux peuples
celtiques. Ces traditions perdues sont les mêmes que les
nôtres. Elles enseignent La Terre-Mère. Vous devez
retrouver ces traditions pour votre équilibre, pour
l'équilibre entre les peuples et avec le reste de la
Création3. Pour l'avenir du monde. Sinon, peut-être n’y
aura-t-il plus de futur".

• Au fil de ces 3 ans - de 1984 à 1987 - il y a eu Union
Carbide, Tchernobyl, "Tchernobâle". Intéressant : la
centrale de Tchernobyl flamba (Mai 1986) alors que
nous étions à un séminaire avec Lame Deer en Lorraine
- et l'Alsace et la Lorraine prirent le nuage de plein fouet

--------------------

3 Cf. ce que dit Hehaka Sapa en introduction à "Les Rites Secrets des Indiens
Sioux", Éd, PBP Paris 1975, page 32 ; "J'ai dicté ce livre sans autre désir que
celui d'aider mon peuple à réaliser la grandeur et la vérité de notre propre
tradition, et aussi pour faciliter la venue de la paix sur terre, non seulement
entre les hommes, mais en eux et avec toute la Création."

et lorsque "Tchernobâle" eut lieu (novembre 1987),
nous étions à un séminaire avec Lame Deer au-dessus de
Colmar ! Rien ne se passa au séminaire suivant, en
Bretagne. Ouf ! : nous avions comme une irrationnelle
appréhension de quelque chose comme l'Amoco
Cadiz !!!

• "Je serai mieux avec ma famille et mes enfants, et
à pêcher près de ma maison, plutôt que de venir en
Europe pour y enseigner la Terre-Mère !!"

LA "PEAU DE GRENOUILLE VERTE"4

•

• J'ai vite cherché à savoir combien Lame Deer était
payé par séminaire. En 1984 : 3000 frs par jour, frais de
séjour pris en charge et le prix du voyage USA - Europe
et retour réparti entre les différents organisateurs de
séminaires. Cela fait 12000 frs d'honoraires pour 4 jours,
tous frais payés. Pas mal. Pour beaucoup, cela vaudrait
de prendre la peine de "vendre sa salade".

• Ayant pu "jeter un œil", sur son planning, j'ai
estimé à environ une dizaine les séminaires en Europe,
moitié au printemps et moitié en automne - jamais en
été, époque où Lame Deer dirige des danses du soleil
dans le Sud Dakota5.

--------------------

4 C’est ainsi que Tahca Ushte, le père, appelle le dollar.
5 Robert Jaulin (ethnologue français) l'y a rencontré et en parle, dans ses
"Notes d'ailleurs", Ed. Bourgois, Paris, 1980.

• Les pays accueillant • la Suisse (Zurich) la Suède

Lame Deer sont : l'Allemagne, la France, principalement.

• Dix séminaires à 12 000 frs = 120000 frs. C'est

bien. Mais ça ne suffit tout de même pas à couvrir les

besoins annuels d'une famille avec 3 enfants, vivant à

Santa Barbara, Californie, une de ces « villes de

milliardaires »… D’où vient le reste ?

• Au fil de mes interrogations, j'obtiens les

renseignements suivants :

• – Il touche les royalties du livre de son père (c'est

un best-seller mondial)

• – Il est régulièrement appelé - et payé - pour

pratiquer diverses cérémonies, telles que mariages, rites

funéraires, don du nom aux -bébés, huttes de sudation.

Et cela dans tous les États-Unis, puisque les Indiens ne

sont plus, actuellement, parqués dans des réserves. Il

assiste ceux qui partent en quête de vision. Il est

"voyant-guérisseur" dans la droite ligne de son père et

interprète aussi les rêves et les visions.

• – Il reçoit divers dons de personnes riches : des

voitures (dont une Porsche que personne ne conduit, si

on l'en croit, car "c'est un bolide", entre autres). Un

généreux donateur lui aurait construit une maison dans

le Sud Dakota, dont il envisagerait de faire un "home"

d'enfants. "Avec une cheminée centrale ouverte aux 4

directions de l'espace" et qu'il m'a décrite

minutieusement un jour (sans pour autant que je
parvienne à bien visualiser l'objet, d'ailleurs). Il raconte
qu’à Lyon, où il a fait une conférence en 1983, un
dentiste lui a soigné sa seule dent malade en y mettant
un renfort en or, et cela gratuitement.

• – Il a fondé, aux USA, la "Lame Deer Society", issue
d'un souhait de son père Tahca Ushte, association à but
non lucratif qui collationne des fonds. Ce qui doit
permettre de créer un organisme pouvant retirer des
orphelinats les enfants indiens afin de leur donner
ensuite une éducation traditionnelle indienne. Et puis,
pour en revenir aux honoraires : en 1985, ils n'étaient
plus que de 1000 dollars par séminaire. Dans l'intervalle,
'Gabriel Loison, le "rythmanalyste" de Montpellier, avait
proposé ce montant. Accepté apparemment sans
problème par Lame Deer. Là, ce n'était vraiment pas
cher (un animateur de stage d'informatique touche
couramment 2000 à 3000 francs d'honoraires par jour).

•

• En 1985, mon mari, Michel Nachez, et moi
organisons un séminaire en Alsace.

• En mai 1986, le séminaire de Lorraine n'avait
dégagé que peu d'argent. Lame Deer est reparti avec
4500 frs pour 4 jours. Et là aussi sans problèmes.

• Ainsi, si toute tâche mérite salaire, Lame Deer ne
semble ni "dur en affaires" ni exigeant. "La peau de

grenouille verte" n'est apparemment pas le but ultime
de sa vie !...

ARCHIE FIRE LAME DEER "MEDICINE-MAN"

•

1°) Les mots

•

• Il n'aime pas le mot "medicine-man" : "Medicine-
man sort tout droit de Hollywood".

• Pareil pour le mot chaman ; "c'est un mot sibérien.
Ça n'a pas de sens, pour nous les Indiens".

• Il dit qu'il faut employer les mots lakota :
• Pejuta (pour guérisseur par les herbes)
• Yuwipi (pour guérisseur par les pierres)
• Vaayatan (pour guérisseur par les visions)
• Vapiya (le "conjureur")
• Heyoka (le "contraire")
• Winkte (le travesti)
• Wicasa Wakan (l'homme sacré)
• Il emploie tout de même le mot "medicine-man"
par commodité de langage, tout en le refusant.

2 ) Guérir

•

• Sur le plan de la guérison, il raconte surtout des
anecdotes sur son père :

• Comment celui-ci guérit une femme paralysée, par
exemple.

• Comment il allait chercher la plante, la seule de
son espèce, qui guérirait le ma1ade.

• Comment il fit venir la pluie lors d'une danse du
Soleil particulièrement torride.

• Etc.

•

• Quant à lui, il dit :
• "L'aide du Créateur et la volonté de guérir du
malade, voilà ce qui guérit. [...] Dans le monticule que
forment les taupes se trouve le remède contre le cancer.
À vous de le trouver."
• À Françoise F. qui avait un problème de santé, il
conseille des cataplasmes de tabac frais (qu'elle ne
trouve pas dans sa région : le Sud).
• À Michel N., qui a des problèmes de foie, il
conseille des tisanes d'ortie fraîche.
• Et puis il mène des sweat lodge de guérison (rituel
de la hutte de sudation) - mais je n'ai encore rencontré
personne qui se dise guéri à la suite d'une de ces
cérémonies, sauf : René F. dont les analyses sanguines
accusaient depuis plusieurs années un excès de
cholestérol avant la sweat lodge de guérison et un taux
normal après. J'ai vu ces résultats d'analyse de mes yeux.

ARCHIE FIRE LAME DEER, FILS DE SON PÈRE

•

• Pour ça, il l'est !! Il exprime une très grande
déférence et respect chaque fois qu'il parle de son père.
Cela, sans doute d'autant plus, qu'il a dû être, pendant
une période de sa vie, le désespoir de ce père (cf. la
biographie de Lame Deer). Sans doute aussi parce que le
respect aux anciens est une note constitutive de la
tradition et de l'éducation indiennes.

• Par ailleurs, en bien des points, son discours est
exactement le même que celui de son père dans "De
mémoire indienne" (sur la prison, l'alcool, etc.). Faut-il
trouver cela curieux ?

ARCHIE FIRE LAME DEER ET LE CHRISTIANISME

•

• Aïe !!! "La Bible, c'est excellent à brûler pour se
chauffer les mains en hiver." "Le Pape n'est qu'un
politicien, comme Reagan" (qui n'est, lui, qu'un "bouffon
de Hollywood").

• Ça choque, ça choque. ARCHIE FIRE LAME DEER
n'est, décidément, pas démago !

• "Nous n’avons rien contre le Christianisme, mais...
(tout est dans le "mais") :

• il n'apprend pas le respect de la Terre
• ni des animaux

• ni des plantes
• ni des autres religions et cultures.
• (ça, on l'a bien vu !).
• Anecdote : à Baccarat, Lame Deer a voulu aller
voir- les cristalleries et acheter une croix en cristal pour
son épouse Sandie. J'ai été suffoquée de voir qu'il
s'agissait d'une croix chrétienne. "Elle aime ce genre de
choses ?", je lui demande. Il répond oui...

ARCHIE FIRE LAME DEER ET LA FEMME

•

• Ah, la femme... c'est tout juste si elle n'est pas au-
dessus de l'homme sur le plan de la spiritualité.
D'ailleurs, elle y est. Le mythe d'origine des grands rites
les fait remonter à l'enseignement par la Femme bison-
blanc.

• Donc : "On ne doit pas abaisser, asservir nos sœurs
les femmes comme le font la plupart des hommes dans
le monde". Etc. Bien. Mais :

ARCHIE FIRE LAME DEER ET SA FEMME

•

• J'ai vu Sandie, sa femme, une métisse, en Juin
1987, lors de leur passage en Lorraine. Seulement
quelques heures, ce qui est court poux- me faire une
opinion. Mais je l'ai perçue comme peu présente,

s'intégrant mal au groupe, en retrait.
• Visiblement derrière son (immense) mari.
• Sans doute la respecte-t-il. Mais la valorise-t-il ?
• En tous cas, impossible de prendre contact avec

elle pendant ce laps de temps, car je dois servir de
traductrice. Dommage.

ARCHIE FIRE LAME DEER, TEL QU’EN LUI-MÊME... IL ÉTAIT

•

• Intéressante biographie. Il aime assez à parler de
son passé.

• "Les expériences que l'on a soi-même faites
permettent de comprendre celles des autres hommes."

• "J'ai fait de la prison, ainsi je comprends les
prisonniers et ils le sentent bien” (il a milité pour
l'implantation, dans les prisons américaines, de sweat
lodge pour les prisonniers indiens, afin que ceux-ci
retrouvent leur humanité. Ces sweat lodge sont
ouvertes aux blancs également sous certaines
conditions. Et il a réussi son action.)

•

• "Et également, je comprends les alcooliques, les
drogués, les bagarreurs et les haineux, parce que j’ai été
tout cela."

• Voici cette biographie : (ces détails ont été relevés
en novembre 1986, juste après un séminaire. Nous
étions trois : Archie Fire Lame Deer, moi et mon mari.)

• Première Époque :
• né en avril 1935 (affirme que cette date est exacte)
• son grand-père, medicine-man, décide qu'il sera le

continuateur de la lignée et prend -en charge son
éducation et son apprentissage de medicineman
(c'est ainsi, dans la tradition).
• rencontre son premier blanc (homme roux,
chauve sur le dessus du crâne, fumeur de pipe) à
l'âge de 10 ans (en 1945, est-ce vraisemblable ?)
• adolescent, se bagarre souvent et connaît la prison
• (s'engage à 17 ans dans l'armée (1952). Part pour
la guerre de Corée qui s'achève, pour les
américains, en 1953. Se dit violent, à cette
époque : "Taper sur du jaune" lui convenait (tous
les non-rouges : dans le même sac !)
• revient aux USA et quitte l'armée en 1954. De
1954 à 1964 : bagarres, alcool et drogues.
Fréquemment en prison. Période
hollywoodienne : figurant (dans "Les Dix
Commandements", en particulier) lorsqu'il n'est
pas à l'"ombre". Se marie en 1960 et a deux
enfants. À part les épisodes Hollywood : ne
travaille pas. Le couple ne marche pas fort.

• se réengage dans l'armée en 1965 et est envoyé
au Viêtnam. Il a 30 ans. On lui apprend à torturer,
faire parler les gens, et résister à la torture. Est
dans les "Bérets Verts", les forces spéciales
(tatouages). Il est fait prisonnier et torturé (mis
dans une cage style Louis XI. Dit que son
endurance d'Indien lui a permis de résister au
"crash" psychique, là où d'autres ont
complètement craqué.) Puis libéré et hospitalisé
quelques temps. Refuse de retourner au Viêtnam
et est envoyé en Allemagne pour y entraîner les
troupes. A un fils d'une Allemande en 1967.

• sa femme meurt aux USA en 1967. Ses enfants se
sont éloignés de leur père.

• quitte l'armée en 1969. Retourne dans la réserve -
Hollywood, c'est fini pour lui - et recommence ;
bagarres, prison, alcool. "J'étais fou, je n'avais
peur de personne. Je provoquais les bagarres".
("To fight was funny for me").

• se remarie avec son épouse actuelle, Sandra
(Sandie) en 1972. (En aura 3 enfants : en 1973,
1975 et 1981).

• au total : 14 ans de prison et d'armée, par bouts.

Deuxième Époque
• en 1973 décide brusquement d'arrêter ce mode

de vie. Personne ne le croit lorsqu'il affirme que
l'alcool, la drogue, la bagarre : c'est fini. Mais cela
se révèle vrai. À partir de 1973, il devient le
medicine-man qu'il était voué à être, selon son
grand-père (mort depuis longtemps).
• au fil des années suivantes, devient un des
medicine-man et chef religieux les plus importants
chez les Sioux. Il est consulté en cas de difficultés
d'ordre moral par les autorités. Il milite pour la
reconnaissance officielle de la religion
amérindienne et parvient à l’imposer - l'AIM
œuvrant dans le même sens -. Il milite pour que la
cérémonie de la sweat lodge soit autorisée dans
les prisons, pour les Indiens - et les Blancs qui le
souhaitent -. Et y parvient.
• il milite pour la révision du procès de Léonard
Peltier, Indien accusé de meurtre, et innocent du
point de vue de ARCHIE FIRE LAME DEER.
• son père Tahca Ushte meurt en 1976. Il devient le
continuateur du nom.
• en 1982 : dans une quête de vision, a une vision
qui, interprétée par deux de ses pairs, lui enjoint
d'aller enseigner la sweat lodge - et nulle autre
cérémonie - dans le monde. D'où ses voyages en
Europe (et ailleurs).
• À ce jour (1987), il partage son temps entre les USA

et l'Europe ; conférences, séminaires,
cérémonies... Et puis, repos et pêche, chez lui, soit
à Santa Barbara, soit dans la réserve de Rosebud
d'où il est originaire, dans le Sud Dakota.

TROISIÈME PARTIE

ÊTRES ET DIRES : LES AUTRES au fil du temps et des
rencontres – 1984 - 1987

• septembre 1984 : congrès et séminaire. J’y
rencontre Roland B., Maïté M., René F., Gabriel L.,
Françoise F. et José P.. Tutoiement évident.

• novembre 1984 : séminaire près de Lodève, chez
Gabriel L.

• novembre 1985 : séminaire, chez nous, en Alsace.
Rencontré Anne A. et Guy P. Je sers d'interprète.
Passé 2 jours, seuls avec ARCHIE FIRE LAME DEER,
à Strasbourg après le séminaire.

• mars 1986 : virée dans les Vosges : ARCHIE FIRE
LAME DEER, nous, Anne et Guy et quelques autres.
Hébergement chez nous, à Strasbourg.

• mai 1986 : séminaire en Lorraine, chez Anne et
Guy.

• novembre 1986 : séminaire chez nous. Nous allons
chercher ARCHIE FIRE LAME DEER chez Anne et
Guy en Lorraine. Passons par Baccarat et les
cristalleries. Je suis l'interprète. Lors de ce
séminaire, Anne et Guy sont mariés par ARCHIE
FIRE LAME DEER. Après le séminaire, dîner au
resto : ARCHIE FIRE LAME DEER, nous et René.

Rencontré Michel L.. Puis ARCHIE FIRE LAME DEER
passe deux jours à Strasbourg, chez nous, en
attendant d'être cherché par des Belges.
• Pâques 1987 : séminaire en Bretagne. La "clique"
s'y retrouve et il y a des "nouveaux".
• juin 1987 : passage en Lorraine. Avons vu Sandie,
sa femme et John, son fils aîné, futur medicine-
man, continuateur du nom (LAME DEER - Cerf
Boîteux = Tahca Ushte). Mais pas de "rencontre" :
Sandie, hermétique, John, 14 ans inapprochable :
parle américain comme un américain, je ne
comprends rien à ce qu'il dit !!! (Alors que
j'interprète son père sans problème.).

ET CES RENCONTRES ? GRANDEURS ET DIFICULTÉS DE
L'ENQUÊTE.

•

• 1°) "Et pourquoi tu veux savoir tout ça ? "
(Bretagne - Printemps 1987)
• "Pour la fac", Méfiance, méfiance. La fac !! Qu'est-
ce que ce "machin", qui a bien l'air d'une structure
étatique, peut bien avoir à investiguer dans leurs
pensées profondes ?...
• "J'ai des exams à passer. J'ai besoin de ton aide
pour avoir une bonne note".
• Ça, ils comprennent ! (Encore que : "Toi, à la fac, à

ton âge ? ..."). Bon : le besoin d'aide facilite les choses.
Sauf...

• Pour Annie (Pâques 1987)
• "Ah non. À toi je veux bien répondre, mais pas à la
fac ! (Ah ?) ... En fait, je préfère t'écrire. Oui, je t'écrirai"
(Refrain connu : on vous écrira. - À ce jour, septembre
1987, je n'ai rien vu venir).
• Fin du dialogue (?) sur Lame Deer. Mais par contre,
j'ai droit à un long monologue sur un Rimpoché
Thibétain et à l'initiation - rare - qu'il allait diriger l'été
prochain. Ah, si j'avais su, j’aurais, pour la fac, enquêté
sur ce Rimpoché et sûrement obtenu un monologue sur
ARCHIE FIRE LAME DEER !...
• Je n'ai pas insisté. Pourtant, Annie m'aime bien, je
crois. Mais pas au point de vaincre sa répugnance face à
la "fac" (dont je n'ai pas cherché à savoir d'où elle vient.
Un tort ?).
• 2°) La dithyrambe : les "tout-pour". (Michel L.,
Françoise F. et José P. – Alsace, Lorraine, Bretagne.
1986-1987).
• Le concert uniformément louangeur face à l'image
de ARCHIE FIRE LAME DEER m'agace. J'essaye d'aller
"sous" cette image, en posant quelques questions
insidieuses. Du genre : "Lame Deer et le Christianisme ?"
J'en ai vu, pourtant, des gens qui estimaient qu'il y allait
fort : le coup de la Bible-combustible, entre autres. Mais

je n'ai pas dû interroger ceux-là, apparemment. Car
nulle réaction négative. À croire que l'"aura", le
charisme de l'homme fait oublier bien des choses. À
croire que mes informateurs ne refoulent
soigneusement le négatif, de peur d'avoir à se demander
pour quelle raison ils suivent quelqu'un qu'ils pourraient
critiquer ?

• 3°) Les "tout-contre".
• Roland B. et Maïté M. (septembre 1984) ont
détesté ARCHIE FIRE LAME DEER tout de suite.
• Maïté : "Prétentieux, mégalo !!!"
• "Démolit tout le monde sauf lui, et son père, et sa
religion".
• "Se permet de juger sans savoir". Roland, le soir, à
table, désemparé et rageur (avait payé 4000 frs pour
s'entendre dire du mal de Harner !)
• Car : "On ne peut dire du mal de Harner, puisque
des gens que j'estime beaucoup en disent grand bien !".
• Robert Jaulin, dans "Notes d'Ailleurs", a
visiblement détesté ARCHIE FIRE LAME DEER, lui aussi.
• 4°) Les "sans-opinion". (J'en ai vu à toutes les
rencontres).
• Ceux qui ne savent pas pourquoi ils sont là, ceux
qui font tout séminaire et n'importe quoi, pourvu que ça
sorte de l'ordinaire. Je récolte des : "Ah oui, il est bien,
ARCHIE FIRE LAME DEER". Et puis plus rien !

• 5°) La "gloire" (la mienne).
• Ceux qui s'intéressent à "moi", à ce que je fais à la
fac, à pourquoi, à comment. Et qui, admiratifs, ont un
"rendez-vous" urgent lorsque j'ai fini de répondre
(succinctement pourtant). "C'est passionnant, ce que tu
fais. Bonne chance. Salut, à la prochaine." (René F.
Printemps 1987).
• 6°) Les un-peu-critiques-émotifs (qui suivent
ARCHIE FIRE LAME DEER depuis des années et qui
néanmoins trouvent un peu à y redire).
• Anne A., (sa fille, Isabelle, a épousé Clark, un neveu
de ARCHIE FIRE LAME DEER. Le couple est
complètement éclaté : Clark "court la gueuse", voyage
avec de belles blondes et fait des dettes. Pendant que
Isabelle, l'épouse, finit ses études et paye les dettes avec
ce que lui rapportent les remplacements qu'elle fait) :
"Les Indiens sont tous complètement déséquilibrés, non
fiables, jamais à l'heure, sans parole... Lame Deer est
encore ce que j'ai rencontré de mieux : au moins, lui, il a
une parole. Mais je l'ai déjà vu parfaitement infect. Entre
ce qu'il dit et comme il est, il y a parfois une sacrée
marge...".
• Guy P. : "Ses enfants sont absolument
insupportables et mal élevés. Il leur laisse faire ce qu'ils
veulent".
• (Curieusement, ce sont ceux-là, les quelque peu

critiques, qui sont toujours présents lorsque ARCHIE
FIRE LAME DEER est "dans le coin").

• 7°) Les "critiques-raisonnées".
• Michel Nachez : "Lame Deer, lorsqu'il fait son
travail d'apporter sa tradition ici, le fait pour quelque
chose qui est plus important que simplement les intérêts
de son peuple ou les nôtres, ou les siens propres, mais
plutôt pour l'humanité dans son ensemble ou la
Création, ou le futur des choses. Car, pour lui, la Terre
est menacée de mort par nos systèmes de pensée et
notre système économique "contre nature"".
• Mais il critique : "Au fil de tous les séminaires
auxquels j'ai participé, le discours de Lame Deer est
toujours le même, comme s'il n'en savait pas plus ou ne
voulait pas en dire plus. C'est frustrant et agaçant. Mais
il doit avoir ses raisons" [...] "Dans son message : il
donne l'impression de chercher à sauver les meubles de
sa tradition, plus qu'à nous apporter en cadeau ses
rituels, etc. Un peu comme si lui et les Indiens avaient
l'impression qu'aux USA il n'y a plus d'avenir pour eux :
les Indiens sont d'une part les parias de l'Amérique et
d'autre part on veut les démolir car ils possèdent des
richesses : pétrole, uranium."
• "Les Indiens n'en ont rien à faire des Blancs, qui
sont des nuls pour eux. On peut donc être étonné de voir
qu'il livre des choses qui, pour eux sont sacrées (d’autant

plus qu'on sait qu'ils ont l'habitude de gruger les
ethnologues : le passé l'a prouvé)."

• "Si je suis Lame Deer, c'est parce que je pense tout
de même qu'il apporte des choses réelles, malgré cela.
En fait, pour moi il n'y a aucun doute : Lame Deer ne
triche pas avec ce qu'il nous apporte".

QUATRIÈME PARTIE

METHODE

1*) LE GUIDE D’ENTRETIEN

•

• J'aime assez la non-directivité, mais je me suis vite
aperçue qu'une attitude de ce type, avec pour seule
induction "parle-moi de LAME DEER" ne donnait rien, le
discours de l'informateur tournant vite court (tout du
moins pour ce qui concerne le "regard" des autres sur
ARCHIE FIRE LAME DEER.)

• J'ai donc préparé une série d'inductions, à ordre
variable, me permettant de relancer l'entretien.

• ARCHIE FIRE LAME DEER étant l'"objet" de
l'enquête, j'ai cherché à faire préciser différentes
facettes du personnage.

• Mes questions ressemblaient à ceci :
• Et ARCHIE FIRE LAME DEER dans son rapport
• à d'autres courants religieux que le sien,
• à l'argent
• a Hehaka Sapa
• à sa famille
• au(x) Blanc(s)
• à son poids
• etc.
• Pour ce qui concerne Lame Deer lui-même, pas de

guide d'entretien. Il vient pour parler, précisément.
Donc, il parle. Et, dans son discours, passent des tas de
choses de lui, de ses convictions, de sa modestie-fausse
modestie, de son dédain de bien des choses : de la
culture de l'homme blanc (et des Blancs en sous-
jacence). Et aussi de son sens du vivant, de son rapport
au vivant. De sa lassitude, (souvent), "ras-le-bol" de
devoir seriner la même chose à ces pires sourds qui ne
veulent pas entendre. Tout un jeu d'attitudes faciles à
décoder lorsqu'on le connaît un peu.

• Les mêmes phrases, les mêmes anecdotes, les
mêmes plaisanteries reviennent à chaque séminaire. Le
"registre" est court. (Pourquoi les gens persistent-ils à
assister à toutes les rencontres, puisqu'au-delà de la
première, ils n'apprennent plus rien, sur un plan
intellectuel en tous cas ? Un "charisme" certain existe,
manifestement - qui alimente la "dithyrambe").

• Mimiques et expressions peu nombreuses, mais
claires :

→ hochement de tête "attristé"
→ le regard qui "s'en va"
→ sourire
→ (gros) rire
→ plissement des lèvres, commissures vers le
bas.
• La voix, posée, calme, le débit lent. N'élève jamais

la voix.
• Le geste rare, parfois de la main.
• J'observe tout cela et le note lorsque je peux.

2°) LES "INSTRUMENTS"

•

• Classiques :
• Le magnétophone à bandes pour les séminaires en
Alsace et le magnétocassette pour les séminaires
ailleurs - et les entretiens avec les informateurs (sauf
exception) -.
• La caméra vidéo pour un petit bout de film
amateur, plutôt raté.
• L'appareil photo.
• Mes cahiers sur lesquels je prends à toute vitesse
ce qu'il dit, pour le traduire en français ensuite. Et sur
lesquels je prends quelques autres notes quand je peux,
sur les expressions, mimiques.

3°) DES DONNÉES

•

Dans des livres et des articles de journaux - films
vidéo.

4°) LE CHOIX DES INFORMATEURS

•

• Pour Maïté M. et Roland B., je me borne à les citer
de mémoire (en ayant conscience du risque d'altération

que cela représente). Mais j'ai été la "cible" privilégiée
de leurs états d'âme, étant à leur table lors du séminaire
de septembre 1984. Je ne les ai jamais revus depuis ce
séminaire.

• Anne A., Guy P. et Michel N. ont organisé des
séminaires. Anne A. et Guy P. ont été mariés par ARCHIE
FIRE LAME DEER en 1986. Leur opinion m'a semblé
intéressante à étudier. Guy P. est le plus proche de Lame
Deer en France. Se fait chahuter souvent par Lame Deer
("Obélix"). S'est fait "ramasser" plusieurs fois pour avoir
fait des choses inadéquates. Plusieurs entretiens en
Lorraine, Bretagne, Alsace.

• Gabriel L. a également organisé un séminaire. Puis
il y eut un problème de "manquement à la parole
donnée", par Gabriel L.. J'ai voulu voir son attitude après
cela. Mauvaises conditions pour l'enquête : le
téléphone, après 22h.

• José P. et Françoise F. : seront mariés bientôt par
ARCHIE FIRE LAME DEER (fin 1987). José P. s'apprête à
faire une "quête de vision". M'ont semblé intéressants
tous deux car "dans le trip" à fond. Plusieurs interviews,
en Lorraine, Bretagne, Alsace (1986-1987).

• Michel L., le plus apparemment dans la "norme"
de tout ce monde. J'aurais aimé avoir un entretien avec
Isabelle, son ex-compagne (qui n'a jamais vu ARCHIE
FIRE LAME DEER), pour essayer d'appréhender ce qu'elle

pouvait penser-percevoir, à travers le discours de Michel
L.. Ce ne fut pas possible. Quant à lui, nous l'avons invité
à plusieurs reprises, chez nous à la maison, en soirée, et
c'est là que je l'ai interrogé.

• Annie L., venue avec Pierre, son compagnon
(printemps 1987). Les seuls à boire de l'alcool lors des
séminaires. Avec un rien de culpabilité (l'alcool et les
amérindiens, ça pose problème). Impossible d'en tirer
quelque chose.

• René F., le plus âgé de tous. À la ville : BCBG. À la
campagne : jeans délavés et vieux pulls.

• Vieux = sage, pour Lame Deer.
• Qu'est-ce qu'un tel "sage" pouvait penser de
ARCHIE FIRE LAME DEER ? J'ai eu plusieurs entretiens
avec lui, lors de deux séminaires. Entretiens courts, ou il
s'exprimait en phrases hachées. Je n'ai pas pu en tirer
grand-chose.
• Marie Thérèse K. : pas "dans le coup". N'a jamais
vu ARCHIE FIRE LAME DEER ni n'est branchée sur le
chamanisme. Mais j'ai souhaité chercher comment
quelqu'un dans ce cas pouvait percevoir ARCHIE FIRE
LAME DEER. Et son interprétation personnelle de ouï-
dire. Je l'ai interrogée chez elle, dans son salon, après
dîner en famille (moi et mon mari ainsi qu'elle et ses
deux grands enfants) (été 1987).
• J'ai été frappée par le côté "nostalgie du Gourou"

exprimé par ses paroles. Alors qu'elle "fonctionne" sans
guère d'attirance visible face au plan du religieux, du
spirituel.

"ME REGARDER FAIRE DE L'ETHNO"

•

• 1°) Difficile d'être extérieure, car après tout, mon
mari et moi sommes présents à pratiquement tous les
passages de Lame Deer dans ce coin d'Europe. Et nous
faisons partie des "organisateurs", donc des
relativement proches de Lame Deer.

• De ce fait, plusieurs possibles
→ On me parle plus facilement "à cœur
ouvert", car je suis "dans le coup". - mais on n'ose peut-
être pas aller au bout des pensées, car après tout, je ne
suis pas supposée être neutre. Et je pourrai peut-être
trouver à redire à certains propos (d'où,
éventuellement, la "dithyrambe").
→ On n'a pas peur d'exprimer devant moi des
choses relevant du religieux, de l'écologique, de la
contestation.
→ Mais on en rajoute peut-être, pour "m'en
mettre plein la vue".
→ On n'ose pas me refuser les entretiens (sauf
Annie, mais ce n'est pas à moi qu’elle refusait, disait-elle,
c'est "à la fac").
→ Mais on peut n’y prendre aucun intérêt et

liquider là "corvée"’ n'importe comment (René F.).
• 2°) Me contenter, parfois, de mauvaises

conditions, pour les entretiens ; car tout ce beau, monde
est disséminé aux 4 coins de la France. C'est donc
parfois, entre deux points du programme, lors d'un
séminaire, que l'entretien a eu lieu. Avec, donc ce
sentiment de pouvoir être rapidement interrompue qui
rend plus difficile, et la communication, et la sincérité,
et 1'approfondissement.

BILAN ?

•

• Là, se trouve le point du chapitre "me regarder
faire de l'ethno".

• Car en fait, au fil de l'enquête, j’ai pris conscience
- à tort ou à raison - que ce n'étaient pas la personnalité
et l'être de ARCHIE FIRE LAME DEER - perçus
globalement comme "monolithiques" - qui m'étaient
intéressants à étudier.

• Mais bien plutôt l'"ethnos" représenté par les gens
du groupe : leurs motivations, leurs présupposés, leurs
intérêts, leurs convictions, etc. L’amalgame de ces
éléments au niveau individuel créant une sorte de
conscience de "groupe privilégié", se sentant détenteur
de quelque chose d'unique relevant, à un niveau non-
formulé, d'un sens quasi eschatologique.

• J'ai donc été confrontée à un désintérêt progressif

de ma part quant au motif de l’enquête : ARCHIE FIRE
LAME DEER lui-même. D'autant plus que je n'ai pu voir
Lame Deer qu'en dehors de chez lui et pas dans sa
famille ou dans sa tribu, parmi son peuple. D'où un
sentiment d'incomplétude, de frustration.

• J'ai persisté, toutefois, dans cette direction, ce
travail étant un "entraînement" à l'enquête. Si tel n’avait
pas été le cas, j’aurais sans nul doute modifié mon
approche de l'enquête en posant ARCHIE FIRE LAME
DEER non pas comme sujet, mais comme révélateur-
catalyseur de cette "conscience de groupe privilégié". Et,
sur cela, j'aurais axé ma recherche.

CONCLUSION

•

• À cause de cette évolution de mon intérêt au fil de
l'enquête, je ne puis me dire pleinement satisfaite.

• Mais, mieux armée, à présent, et mieux consciente
des presqu'inévitables modifications du regard porté sur
les choses, je me sens pour la suite mieux à même de
faire preuve de souplesse et d'adaptation face aux aléas
de l'enquête ethnographique.

• Et, somme toute, c'était bien cela, ce me semble,
le but de ce travail...