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La Sweat Lodge est la cérémonie qui précède tous les autres rites sioux, grands ou petits. Ce qui est aisé à comprendre puisque, qu'il s'agisse du départ pour la quête de vision ou de la danse du soleil, par exemple, le passage de l'état profane à l'état de réceptivité au sacré est condition sine qua non de la bonne évolution de ces autres rites. Cet exposé introduit la symbolique de la Hutte de Sudation ainsi que son mythe d'origine, puis la construction et le rituel.

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Published by Michel Nachez, 2020-05-16 19:02:37

La Hutte de Sudation Sioux-Lakota - Construction et Cérémonie

La Sweat Lodge est la cérémonie qui précède tous les autres rites sioux, grands ou petits. Ce qui est aisé à comprendre puisque, qu'il s'agisse du départ pour la quête de vision ou de la danse du soleil, par exemple, le passage de l'état profane à l'état de réceptivité au sacré est condition sine qua non de la bonne évolution de ces autres rites. Cet exposé introduit la symbolique de la Hutte de Sudation ainsi que son mythe d'origine, puis la construction et le rituel.

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LES SOURCES

a) Les sources écrites indiennes Lakota

1) Hehaka Sapa (Wapiti Noir)

Un chapitre dans les "Rites secrets des Indiens Sioux" est
consacré à la Sweat Lodge. Cet ouvrage date de
1947.L'auteur est mort en 1950. Il était Sioux Oglala de
la réserve de Pine Ridge, Sud Dakota. Il était medicine-
man et Holy Man, c'est à dire était considéré comme
ayant atteint le plus haut stade du medicine man, stade
englobant tous les autres. C'est à dire que le Holy Man
possède et pratique à l'un ou l'autre moment de son
existence chaque spécialité de chaque sorte de medicine
man. Brièvement : il y a 6 sortes de medicine man :

• pejuta wicasa : le medicine man qui pratique avec
les herbes et les plantes

• yuwipi wicasa : celui qui pratique avec les pierres
• waayatran wicasa : celui qui interprète les rêves

et les visions
• wapyia wicasa : le sorcier lorsqu'il est dans sa

facette "noire" et le conjureur lorsque dans sa
facette "blanche"

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• heyoka wicasa : le "contraire", qui a pouvoir sur le
climat

• winkte wicasa : le travesti, qui peut lire l'avenir.
• Le 7ème : wicasa wakan : le holy man, l'homme

sacré.

2) Tahka Ushte (John Fire Lame Deer – en
français : Cerf Boiteux)

Un chapitre sur la Sweat Lodge dans "De mémoire
indienne". L'auteur était Sioux Minneconjou de la
réserve de Rosebud - Sud Dakota. Il est mort en 1976. Il
était chef et également, comme Hehaka Sapa, medicine
man et holy man.

De ces sources indiennes, un autre auteur indien, Vine
Deloria Junior dit, dans son ouvrage "God is red" (1973)
que le livre de Lame Deer est un des livres majeurs
concernant la religion amérindienne. Je cite : "… il y a
dans ce livre une sagesse que l'on trouve dans bien peu
de livres traitant de religion..." (pages 51-52).

Sioux Minneconjou (Rosebud), fils de John Fire Lame
Deer, Tahca Ushte. Il est successeur de son père dans les
fonctions de medicine man et de chef. Il voyage en
Europe depuis quelques années pour y parler de la

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spiritualité amérindienne dans la vision Lakota et cela
avec l'accord de nombre de chefs religieux lakota.

b) Sources écrites non indiennes :

1) Danielle Vazeilles
Ethnologue, professeur à Montpellier. A vécu et travaillé
en tant qu'enseignante dans la réserve Lakota de
Cheyenne River et a voyagé sur le terrain, c'est à dire
dans les réserves sioux du Sud Dakota. A publié "Le
cercle et le Calumet". Dans un manuscrit non encore
publié, elle cite pour ses sources d'information quant à
la Sweat Lodge : Tahca Ushte et Hehaka Sapa.
2) Robert Jaulin
Ethnologue ("La mort Sara"). Dans ses "Notes d'ailleurs",
il évoque brièvement la Sweat Lodge Lakota. On peut
noter que, dans cet ouvrage, il apparaît "allergique" à
Lame Deer père et fils, au point de mal orthographier
leur nom !

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LES LIMITES DE CET EXPOSE

1) Il ne sera évoqué que la SWEAT LODGE Lakota, telle
que pratiquée dans la réserve de Rosebud, Sud Dakota.
Mais il faut savoir que la Sweat Lodge est répandue dans
tout le continent nord-américain. Avec des différences
que l'on dira apparentes, mais avec un sens religieux
analogue.

2) la Sweat Lodge est un rite religieux, se veut une
expérience religieuse. Le langage, fut-il poétique, ne
peut épuiser le sens d'un rite religieux. Car le rite et
l'expérience religieuse font appel au symbole et au
mythe, et par là au vécu total.

Quelques définitions du sens dans lequel seront
employés certains mots :

- le mythe est une explication du monde par
l'irruption du sacré dans le monde à un moment
donné. Il est chargé de "numinosum" (du latin
numen = être surnaturel). Numinosum et l'adjectif
dérivé numineux, dans le sens jungien du terme
désigne ce qui est : indicible, mystérieux,
terrifiant, merveilleux, « tout autre », chargé de
sacré, qui n'appartient qu'au sacré, qu'au divin. Et

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cela en tant qu'expérience vécue dans la totalité
de l'être, sur les 4 plans de l'être :

• physique
• émotionnel
• mental
• spirituel.
- le symbole sera aussi compris dans le sens
jungien : c'est un signe, un objet ,dont le sens total
ne peut être exprimé par le langage, car il est
chargé de "numineux", de sacré. Et là aussi, en
tant qu'expérience vécue dans la totalité de l'être.

3) il y a, bien sûr, les limites du savoir dont on dispose
actuellement. Car, si beaucoup de choses ont été dites
sur la Sweat Lodge, beaucoup de choses ont été tués,
sans doute. Archie Lame Deer dit que, pour comprendre
réellement la Sweat Lodge, il faut la pratiquer.

Pourquoi ce silence ? Il faut dire que les rares Lakota qui
ont parlé ou écrit ont toujours été fortement critiqués
par certains des leurs ; qui estimaient que ces choses
sont trop sacrées pour être communiquées à ce peuple

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destructeur et matérialiste que s'est révélé être le
peuple des blancs.

Et n'oublions pas : les Sioux ont subi, au cours de ces
150 dernières années toutes sortes de pressions,
tentatives d'acculturation et d'assimilation (Théodore
Roosevelt, président des États Unis de 1901 à 1908 a dit
que les lois américaines entendaient fracasser - son
expression a été : "pulvériser la masse tribale" - la
culture indienne). Sans compter bien sûr : invasions
militaires, oppression politique, parcage dans les
réserves. Viol de leur mère la Terre. L'interdit de
pratiquer leurs rites. Et aussi, tentatives d'éradication de
la culture et des croyances par le retrait des jeunes aux
familles pour les éduquer dans les écoles
gouvernementales, et j'en passe.

Alors, peut-on s'étonner de ce que, pendant longtemps
la règle du silence - ou du "dire-faux"- ait été appliquée
? Et qu'il y ait eu - et qu'il y a encore - des résistances
face à une ouverture ? Car la foi, les croyances, les
mythes, symboles et rites sont vécus par les Sioux qui en
participent et par leurs chefs religieux, les medicine
men, comme sacrés, comme trésor à ne pas jeter en

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pâture aux hommes dé-spiritualisés ou mal-sipritualisés
que sont les blancs pour eux.

Hehaka Sapa éprouve le besoin de se justifier d'avoir
parlé, puisqu'il fait mettre en préface aux "Rites secrets"
; "J'ai dicté ce livre sans autre désir que celui d'aider mon
peuple à réaliser la grandeur et la vérité de notre propre
tradition et aussi pour favoriser la venue de la paix sur
terre, non seulement entre les hommes, mais en eux et
avec toute la Création...".

Aujourd’hui, une plus grande ouverture se fait, avec
l'accord de medicine men de premier plan, sinon avec
l'accord de tous les medicine men. Des blancs peuvent
être invités à participer au rituel de la Sweat Lodge ou à
assister à la sundance. Après avoir prouvé son intérêt
profond et non pas dicté par une curiosité
ethnographique, un blanc pourra être préparé à la quête
de la vision, etc...

Ici, il faut dire un mot sur le pourquoi de cette évolution
vers une plus grande ouverture. Les Lakota qui en sont
conscients, sont réellement épouvantés face à la
destruction de la nature. La Terre est leur Hère
nourricière et leur Grand-Mère dans l'ordre de la

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spiritualité. La Terre, avec tout ce qu'elle comporte sur
elle et en elle. L’eau, l’air et le feu sont, avec la Terre, les
quatre éléments jet sont sacrées et vivants. Les rochers
aussi bien que les arbres, les plantes, les animaux et les
hommes sont sacrés. Lit tout cela fait partie d'une même
famille, sont apparentés et indissoluble -ment liés dans
l'ordre de la Création opérée par le Créateur, WAKAN
TANKA, Grand'Père et Père de cette famille. Ainsi, les
arbres, les animaux, les pierres...sont frères avec les
hommes. Et, dans sa prière, l’indien dira : "pardonne-
moi, ma sœur glycérie, de te cueillir. J'ai besoin de toi
pour prier...".

Le Lakota ancré dans sa religion et dans cette parenté
tout à fait concrète avec tout ce qui existe dans la
nature, souffre de voir les lacs se dépeupler, les forêts
mourir, souffre de voir que l'on arrache aux entrailles de
sa mère la Terre minéraux et métaux. C'est, pour lui,
arracher des organes à un ventre vivant.

Alors, ouvrir leur religion, leur vision du monde à
l'homme blanc est, pour les Lakota, une tentative pour
arrêter le processus de destruction de leur mère nature.

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Il faut donc se souvenir, lorsqu'on évoque la Sweat
Lodge qui est une figuration, un symbole de la Terre -
Mère (qui est la Terre-Mère), de l'immense charge de
sacré, de numinosum, s'attachant à la Terre-Mère,
précisément.

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LA RELIGION ET LES GRANDS
SYMBOLES LAKOTA

Il n'est pas question, ici, d'être exhaustif, bien sûr, et de
réduire un sujet aussi vaste à quelques pages écrites et
à une heure de discours. Je parlerai donc surtout de ce
qui concerne directement la Sweat Lodge.

Dans toute culture traditionnelle est posée la sacralité
du monde, car créé par le Créateur qui est le Sacré
Absolu. Donc, au-dessus de tout, il y a le Créateur. Pour
le Lakota, le Créateur est WAKAN TANKA (Wakan : sacré,
incompréhensible, mystérieux, numineux - Tanka :
grand), le Grand Esprit.

Pour le Lakota, la Création est un tout, totalité chargée
de sacré, dont l'homme est une partie et n'est, de loin,
pas le premier venu dans le temps de la Création. Il n'y a
pas de supériorité d'une des parties sur l'autre, ce qui
entraine la nécessaire humilité de l'homme face, non
seulement au Créateur, mais face aussi aux autres
créatures. Toutefois, étayé par les mythes, il y a une
sorte de pouvoir de l'homme sur les plantes et les
animaux, lui permettant d'assurer sa subsistance en
cueillant et en tuant. En contrepartie, l'homme est le

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frère à qui a été donné l'intellect, la pensée, la
conscience et il est, de ce fait, celui qui doit assurer par
la prière et les rites, la communication entre la totalité
du créé et le Créateur. Donc, l'homme maintient ainsi la
sacralité du monde et empêche la retombée dans le
chaos d'avant la Création.

Ainsi, le monde réel et visible, et tout ce et ceux qu'il
comporte, sont (Perçus comme une seule et même
famille, avec tous les liens affectifs et émotifs que cela
inclut. Ce monde réel et visible, c'est aussi bien la Terre,
la végétation,1 a faune, les pierres que les astres du jour
et de la nuit, les étoiles, la Voie Lactée. Tout ceci compris
comme un tout vivant global, dont chacune des parties
est aussi un véhicule du sacré.

La communication avec le sacré se réalise/pour
l'homme, à travers 7 grands rites. En voici l'énumération
rapide :

• la Sweat Lodge : INIPI (abrégé dans ce texte :
Sweat Lodge) - la Garde de l'Âme

• la Quête de Vision
• la Danse du Soleil
• l'Apparentage

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• la Préparation de la jeune fille aux devoirs de la
femme

• le Lancement de la Balle.

(pour informations, lire "Rites Secrets" - Hehaka Sapa).

WAKAN TANKA Grand'Père et Père/et
MARA Grand'Mère et Mère :

Wakan Tanka, Grand'Père, dans la spiritualité Lakota
fait référence au Sacré Absolu, le Créateur, le Grand
Esprit, l'essence même du Sacré. C'est le Sacré en tant
qu’essence, que principe. Il est, en Soi. Il est donc
indépendant de sa Création.

Wakan Tanka, Père, fait référence à un aspect plus
proche du Créateur. À la manifestation de Lui qu'est le
Créé. À sa relation avec la Création et la Créature. À son
Pouvoir agissant dans et sur le Créé.

Maka (Terre), Grand'Mère - aussi appelée Unci - est
l'aspect le plus abstrait de la Terre en tant qu'ayant en
elle la potentialité de la vie et de tout ce qui croît. En
quelque sorte, elle est l'essence même de la vie.

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Maka, Mère est la Terre considérée comme productrice
de toutes choses qui poussent et vivent. Et donc comme
Mère nourricière entretenant la vie.

LES PRINCIPAUX SYMBOLES

Les symboles de l'espace et du temps :

À partir du Point Central (cf. plus bas), l'espace se
développe, en vision horizontale, en 4 directions
appelées les 4 directions du vent ou les 4 directions de
l'espace. Chacune de ces directions correspond à une
étape dans la chronologie de la Création, le point où le
Soleil se couche, l'Ouest, ayant été créé tout d'abord.

Ainsi, chaque opération touchant au sacré - prière,
invocation, rite - commencera par l'Ouest. Le Nord ayant
été créé en second, l'officiant se tournera ensuite vers le
Nord ; puis vers l'Est, créé en troisième ; puis vers le Sud,
créé en quatrième. Puis il reviendra vers l'Ouest pour y
prier le Créateur et la Terre-Mère.

Ces 4 directions signent donc aussi bien une subdivision
en 4 de 1'espace sacré et symbolisent, rappellent,
actualisent les 4 temps, les 4 époques de la Création.
Ainsi, l'attention portée à la prise de consciente des 4

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directions implique la prise de conscience du temps, du
flux de la durée. C'est aussi une communication avec
l'irruption du Sacré "en ce temps-là", in illo tempore.

Ces 4 directions de l'espace enclenchent donc aussi la
notion de temps. D'abord parce que ces 4 directions ont
été créées dans le temps et ensuite parce que cette
subdivision dans le temps signe et symbolise les 4 Âges
du Monde - du Commencement des Temps jusqu'à la Fin
des Temps, de la Création jusqu'à la Destruction du Cycle
(cf. le taureau Dharma en Inde et le bison aux portes de
l'Ouest pour les Lakota).

Et aussi, signe et symbolise les 4 âges de la vie humaine
: l'enfance, la jeunesse, la maturité, la vieillesse. La Roue
Médecine symbolise à la fois les 4 directions de l'espace
et les 4 temps du monde, et les 4 temps de la créature...

Et tout ceci est présent, actualisé, dans la Sweat Lodge.

Le chiffre 4 :

C'est le grand chiffre-Symbole des Lakota. Tout rituel
inclut le chiffre 4, avec ce qu'il véhicule,
symboliquement, de temps sacré - de l'aube à la fin des
temps - et d'espace sacré - la totalité du monde en
dernière analyse -. Chez les Lakota, tout va par 4 : il y a

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4 qualités premières pour l'homme et pour la femme, 4
éléments, 4 couleurs principales. Les menstruations
féminines sont considérées comme durant 4 jours (cf
plus bas). Le temps de la préparation aux rites de la
danse du soleil dure 4 jours, autant que dure la
cérémonie elle-même. La quête de vision sur la
montagne dure également 4 jours et est précédée de 4
jours de jeune et de chasteté...

Le chiffre 6, ajoutant au 4 le haut et le bas - la
Transcendance et la Terre-Mère, est également sacré. Le
chiffre 7 est celui du monde des hommes, intermédiaire
entre le haut et le bas.

Le point central :

Le symbolisme de ce point central, qu'il soit matérialisé
par l'homme qui prie, ou par la fosse de vision, ou par le
centre de la Sweat Lodge, ou par l'arbre de la Sundance,
en fait le point de contact entre les 3 plans de la
verticalité :

• le bas
• le monde des hommes
• et le haut, la Transcendance

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• et, étant cela, est également le point de
rencontre des 4 directions de l'espace et donc
du temps, des temps.

Ce point central est toujours, où qu'il se place, un Centre
du Monde, vécu comme axe vertical, lieu privilégié où le
Créateur est présent, où, à tout le moins, la
communication avec lui est possible.

Ce Centre du Monde, à la fois synthèse du Temps, "sens"
de l'espace et axe vertical, - est le foyer à l'intérieur de
la Sweat Lodge.

ANIMAUX — SYMBOLES

Ils sont nombreux. Je n'en citerai que 2, présents avec
évidence dans la Sweat Lodge.

L'Aigle Tacheté (wambli galeska)

Un des chants chantés pendant la cérémonie de la Sweat
Lodge est le Chant de l'Aigle. En voici la traduction :

"J'ai été le premier créé sur cette Terre et je vole plus
haut que toute la Création. Je suis l'Aigle Tacheté. Je suis
le messager de votre Grand'Père, le Grand Esprit...".

Un autre chant dit :

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"Mon frère, va et implore l'enseignement de l'Aigle
Tacheté... Car rien n'est plus sacré sur cette Terre que
l'Aigle Tacheté...".

L'aigle étant l'oiseau qui vole le plus haut est, non
seulement messager entre les hommes et le Créateur,
mais symbole même du Créateur. L'Aigle Tacheté est
présent dans tous les rites par ses plumes. Il représente
également la liberté des peuples ailés.

Le bison (Tatanka)

Le bison est symbole de l'homme. Pour le Lakota,
Nation-Bison veut dire l'humanité.

Voici la traduction d'un chant chanté lors de la
cérémonie du lever du soleil :

" La Nation-Bison s'avance. Ton Grand'Père a dit : je te
donne cette Terre magnifique sur laquelle tu vivras et te
multiplieras. Et tu la respecteras. La Nation-Bison
s'avance. Je te donne cette Pipe Sacrée. Avec elle tu iras
jusqu'au Centre de la Terre (cf. ci-dessus) et tout ce que
tu demanderas te sera accordé. C'est ce que ton
Grand'Père a dit...".

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Le bison, c'est aussi un animal sacré par excellence
puisque, du temps des chasses, le cheminement annuel
du peuple Lakota suivait la migration des troupeaux de
bisons. Absolument toutes les parties du bison étaient
alors utilisées : soit pour la nourriture, soit en tant
qu'outils, couvertures, vêtements, objets rituels.

Un Lakota ne tuait jamais son frère, dans le plein sens du
terme, le bison, sans avoir prié auparavant pour que
l'animal tué revienne ensuite dans le grand cercle de la
vie.

Autrefois, c'étaient des peaux de bison qui recouvraient
la Sweat Lodge. Actuellement, un crâne de bison,
orienté vers le Sud - qui est le chemin que prennent les
indiens morts pour aller dans leur propre cercle de vie -
devrait être présent sur le Mont Sacré (cf. plus loin)
pendant la cérémonie.

Il est d'autres animaux - symboles : un certain cerf
symbolise l'unité de l'Univers ; l'ours symbolise la
sagesse, par exemple. Mais je ne les évoquerai pas ici.

Le cercle

Forme sacrée par excellence. Le carré n'existe pas en
tant que symbole chez les Lakota d'après Archie Lame

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Deer. Pour mémoire : on trouve un rectangle dans une
certaine cérémonie : la Yuwipi cérémonie.

Le temps et l'espace sont compris dans le cercle ; le
commencement des temps rejoint la fin des temps et les
4 directions de l'espace s'inscrivent, à partir du point
central dans un cercle : comme l'horizon visible se
circonscrit à un cercle.

Soleil et Lune sont ronds, ainsi que les Étoiles, et ils sont
sacrés. Toute chose va en rond :

Le ventre de la mère est rond et il est lieu de création
par excellence. De l'enfance à la vieillesse, la vie va en
rond. L'émergence du ventre maternel, la naissance, est
semblable symboliquement au retour dans le ventre de
la Terre-Mère. Ces cercles-là, ces ventres, sont des lieux
de passage d'un état à un autre, d'un cercle de vie à un
autre.

Ainsi, la Sweat Lodge est cercle et est vécue comme un
lieu de vie, de renaissance, de passage d'une vie à une
autre : comme l'actualisation en un lieu précis, du ventre
totalement sacré de la Terre-Mère.

Le foyer central, dans la hutte de sudation, est à la fois
Centre, donc point de jonction des 3 mondes dans le

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sens de la verticalité et donc aussi lieu de la
communication possible entre ces 3 mondes ; et aussi
cercle, donc symbole de la totalité du créé - espace et
temps - et donc du Créateur lui-même, implicite
évidemment dans cette totalité du créé.

La Pipe Sacrée

Je ne m'étendrais pas trop sur la Pipe Sacrée. Comme la
Sweat Lodge, elle est symbole de la totalité du crée et
englobe en elle cette totalité par les éléments qui la
composent :

• le fourneau en pierre rouge est la Terre et le
monde minéral (et aussi le sang des créatures)

• le tuyau est en bois de frêne et est tout ce qui
pousse sur Terre,

• le monde végétal
• les plumes d'aigle qui y sont attachées sont celles

de l'Aigle Tacheté et sont ; présence du Créateur
et signe de toutes les créatures ailées
• les gravures dessinant le bison sont les
quadrupèdes et aussi l'homme, puisque bison et
homme sont la même essence -les 7 cercles gravés

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sont les 7 grands rituels mettant l'homme en
communication avec le sacré...

La tige bourre-pipe qui l'accompagne est en lui-même
également porteur de tout le créé...

Et tout ceci est présent et re-lié à celui qui prie avec la
Pipe Sacrée.

Le souffle de la fumée est prière de tout ce qui vit et est
représenté par la Pipe : de la Terre, de tous les végétaux,
de tous les animaux, des hommes, des minéraux...Ce
souffle, expiré 4 fois dans chacune des 4 directions de
l'espace à partir de ce centre du monde qu'est l'officiant,
va à la fois être prière de toute la Création, prière se
mêlant à toute la Création, au temps, à l’espace, pour
sacraliser tout cela et monter vers le haut, Wakan
Tanka...

Si j'évoque ici la Pipe Sacrée c'est qu'en plus d'être en
elle-même un des "objets" les plus puissamment
chargés de "numinosum", elle est utilisée pendant la
cérémonie de la Sweat Lodge.

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QUELQUES PLANTES
utilisées pendant la cérémonie de la

sweat lodge

Le kinickinick (cornus sotlonifera) :

On l'appellera tabac mais c'est en réalité le cornouiller
ou l'aulne rouge. Les Lakota traduisent en anglais
kinickinick par : red willow, saule rouge - mais ce n'est
pas un saule.

La totalité de la plante est réduite en fragments, cette
totalité étant composée des 4 parties :

• l'écorce intérieure
• l'écorce extérieure
• les racines
• et les feuilles.

Il faut préciser qu'il n'y a aucune substance
hallucinogène dans le kinickinick.

Cet arbuste a pour particularité de présenter au
printemps et en été une écorce extérieure jaune pâle qui
change de couleur vers 1'automne pour devenir rouge
foncé.

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Les racines symbolisent le pouvoir de renaître et les
feuilles, la réceptivité à l'énergie d'en haut, donc au
Créateur.

Le cèdre (juniperus horizontalis - cedrus ?
chamaecyparis ?)

C'est un arbre à feuilles persistantes, donc vert toute
l'année. Il est, pour cette raison entre autres, considéré
comme l'Arbre de Vie par les Lakota. L'Arbre de Vie, c'est
le pilier vertical au symbolisme analogue à celui du point
central : point de jonction entre le bas, le milieu et le
haut.

La glycérie (flouve odorante)

C'est une graminacée commune. Elle sent très bon. Sa
fumée, lorsque la plante se consume, a pour
particularité d'être agréable à l'odorat de toutes les
créatures, aussi bien positives que négatives. Ceci
permet, au début de la cérémonie de la Sweat Lodge,
d'allier, de mettre en communication toutes les choses
et toutes les forces, aussi bien positives que négatives,
donc. Afin que rien de la Création ne soit absent ou
rejeté. J'ouvre une parenthèse pour dire brièvement ce
que sont les Pouvoirs négatifs : ce sont des entités

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mythiques chargées de jouer des tours à l'homme, de
manière à lui permettre de tremper son caractère et de
grandir ainsi psychologiquement. Et en aucune manière
des démons ou des créatures diaboliques susceptibles
de mener l'homme à sa perte, concepts qui sont
étrangers à la spiritualité proprement Lakota.

La sauge

C'est une plante très sacrée. Sa fumée a le pouvoir de
purifier - donc de permettre la mise en contact avec le
sacré. Elle permet de chasser les forces négatives et
d'attirer les forces propices. C’est aussi une plante qui
représente tout ce qui est vert et vivant, elle est en
quelque sorte l'essence des herbes et des plantes. La
sauge permet aussi de mieux comprendre, entendre, ce
que les être des autres plans - esprits - peuvent avoir à
communiquer.

La menthe

La menthe féminine et la sauge féminine peuvent
tapisser le sol de la Sweat Lodge, à l'état de plante
fraîche naturellement. Elles sont représentantes des
plantes médicinales. Seules les plantes féminines sont
utilisées de manière curative, les plantes masculines

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servant de boissons sans vertus médicinales reconnues :
les plantes féminines, porteuses des graines, sont
porteuses de vie.
Par ailleurs,104 sachets de tabac dans des tissus des 4
couleurs - noir, rouge, jaune, blanc - représentent
également, dans la Sweat Lodge, la totalité des plantes-
médecine.
Les "ingrédients" viennent d'être décrits. J'évoquerai à
présent, d'une part la construction de la Sweat Lodge -
qui doit être d'une rigoureuse justesse rituelle -. Et
ensuite, brièvement, la cérémonie en elle-même pour ce
qui pourra en être dit : puisque le propre d'une
cérémonie religieuse est d'être vécu, non raconté.

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LA CEREMONIE

Le fireman apporte tout d'abord 6 pierres à l'intérieur de
la hutte :

• 1 pour la Terre
• 1 pour chaque direction de l'espace : Ouest, Nord,

Est, Sud,
• 1 pour le Créateur.
• La 7ème, aujourd'hui, pour le renouveau de la

spiritualité Lakota.

Puis, il entasse autant de pierres que le souhaite celui
qui dirige la cérémonie, dans le trou central.

L'officiant bénit les pierres avec du cèdre, et la fumée du
cèdre brûlé emplit la Sweat Lodge et en fait un espace
sacré.

Les participants, dévêtus - car on est nu dans le ventre
de sa Mère - entrent un à un dans le sens de la marche
du soleil et s'accroupissent autour du trou empli de
pierres brûlantes. Le fireman amène l'eau. L'officiant fait
brûler de la glycérie à l'odeur aimable à tout ce qui a été
créé et convie ainsi tous les Pouvoirs positifs et aussi

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négatifs à être présents dans la Sweat Lodge. Puis il brûle
de la sauge qui chasse le négatif.

Le rabat de la porte se referme, l'obscurité totale se fait.
De l'eau est versée sur les pierres, la vapeur brûlante se
répand. Prières. Enseignements. Chants.

4 fois la porte s'ouvrira et se fermera.

Ce n'est qu'après s'être déjà purifié lors de la première
"porte" que l'on est assez ouvert au sacré pour pouvoir
toucher la Pipe. Au cours de la 2ème "porte'' - 2ème partie
de la cérémonie -, la Pipe passe, toujours de gauche à
droite. Chaque participant tire 4 bouffées - sans l'inhaler
la fumée -, et son souffle, qui est prière et offrande,
concerne et emplit le monde entier présent dans la
Sweat Lodge. Et entre en communication avec le Centre
où est présent Wakan Tanka. Puis il passe la Pipe à son
voisin de droite en disant "Mitakuye Oyasin" (je prie
pour toute ma Famille). Lorsque le tour complet est fait,
la Pipe passe au fireman qui finit de la fumer, accroupi
sur le sentier qui va de la terre au feu.

Lorsque.la cérémonie s'achève, les participants sortent
de la Sweat Lodge, purifiés, s'étant ouverts au sacré, ce

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qui signifie aussi nouvellement nés, neufs. Et apte, à ce
moment-là, à pratiquer un autre rituel s'il y a lieu.

Paroles d'un prisonnier indien ayant retrouvé sa
tradition de la Sweat Lodge :

"Dans cette cérémonie, je ressens une communion avec
autrui, cela me donne un point de référence. C'est une
perpétuation de ma culture. La danse du soleil et les
autres cérémonies sont conduites comme autrefois.
Cela m'a personnellement aidé à arrêter de boire. C'est
une des raisons qui font que je continuerai à pratiquer
la hutte de sudation tout le reste de ma vie... La hutte
permet à tous les Indiens de communiquer : Chippewa,
Creek, Sioux, etc. Tous comprennent la hutte de
sudation... On ne peut pas mentir dans la hutte, cela est
impossible. Seule la vérité peut y être présente.

Cette cérémonie est un moyen de comprendre la Terre-
Mère et de se comprendre soi-même.

Je n'irai pas plus loin dans la description de la cérémonie,
car, comme le dit Lame Deer, il faut y participer pour
sentir -non pas intellectuellement, mais avec la totalité
de l'être - tout ce que signifie, tout ce qu'est le rituel de
la Sweat Lodge.

29

La Sweat Lodge est la cérémonie qui précède tous les
autres rites sioux, grands ou petits. Ce qui est aisé à
comprendre puisque, qu'il s'agisse du départ pour la
quête de vision ou de la danse du soleil, par exemple, le
passage de l'état profane à l'état de réceptivité au sacré
est condition sine qua non de la bonne évolution de ces
autres rites.

J'ai surtout parlé de la cérémonie de purification. La
Sweat Lodge sert également à des buts thérapeutiques,
comme je l'ai évoqué plus haut. Le rituel de guérison,
dans ce cas, est toujours précédé du rite de purification
et ainsi, la cérémonie de guérison durera plus longtemps
que celle de purification. Je ne développerai pas ici cet
aspect de thérapeutique.

Qui entre dans la Sweat Lodge ?

Tout le monde doit avoir accès au sacré. Ainsi, le bébé
d'une semaine aussi bien que le vieillard, homme ou
femme, entre dans la Sweat Lodge, et tous les âges
intermédiaires. Avant toute action ou entreprise
importante, ou tout autre rite, l'on pratique la Sweat
Lodge de purification.

30

À cela toutefois, quelques exceptions : celui qui a tué ou
torturé, donc commis un acte qui a gravement lésé
autrui - ceci en-dehors des actes de guerre reconnus
socialement - ne devrait pratiquer la Sweat Lodge que
seul et pas avec d'autres personnes. Le passage
ontologique du profane au sacré ne lui est pas interdit,
bien sûr, car rien ne doit se mettre entre l'homme, quel
qu'il soit et son Créateur. Mais il peut se produire que
des "vibrations" négatives, émises par cet homme
puissent, dans la Sweat Lodge, se communiquer aux
autres participants. D'où la recommandation de
pratiquer le rite seul, pour cette personne.

Il est une autre catégorie de personnes qui ne peut, en
aucun cas, approcher de la Sweat Lodge ou toucher les
objets sacrés et encore moins participer au rite : ce sont
les femmes pendant leurs règles.

De plus haute tradition même les femmes ne pouvaient
jamais participer au rite pendant leur période de
fécondité, mais seulement avant leurs premières
menstruations et après la ménopause. Peut-être aussi
pendant la grossesse ?

31

Actuellement, l'interdit touche seulement les quelques
jours - l'on dit 4 jours - de la menstruation (mais il est
possible que cette latitude ne dure pas au-delà de l'été
prochain).

Il ne faut pas voir dans cet interdit un quelconque "
racisme " à l'égard de la femme, ou de dévalorisation de
celle-ci. Car, dans la vision Lakota de la femme, celle-ci
est naturellement plus proche du sacré que ne l'est
l'homme.

C'est une femme qui a apporté, directement ou
indirectement, les grands rituels lakota. Cette femme
sacrée a été la messagère envoyée par le Créateur aux
hommes afin qu'elle leur apprenne comment
communiquer, se mettre en relation, avec le sacré.

Pour le Lakota, le temps des règles est, pour la femme,
la période pendant laquelle elle se purifie - dans le sens
vu plus haut -. C'est à dire que la nature même de la
femme la fait entrer spontanément en contact avec le
sacré tous les mois et pour la durée de 4 jours, chiffre
sacré.

Donc, la femme, de par sa nature même, entre en
contact avec le sacré chaque mois. L'homme, de par sa

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nature même, ne dispose d'aucun processus naturel
pour cela. La femme a donc donné à l'homme la Sweat
Lodge pour qu'il puisse également se purifier.

Pendant le temps des règles, traditionnellement, les
femmes se rendaient dans un tipi spécial - le tipi de la
lune - qui leur était spécialement réservé et duquel
n'approchait jamais aucun homme. Là, elles vivaient 4
jours de prières. Et cela pour leur propre bien et aussi
pour celui de la communauté. Et elles y recevaient les
enseignements des vieilles femmes (les vieux étaient
considérés comme dépositaires de la sagesse).

Pendant ce temps, leur mari devait s'occuper des
enfants, les nourrir, les soigner, faire la cuisine et
entretenir l'habitation. Et théoriquement, les autres
femmes de la famille venaient s'assurer de la bonne
facture de tout cela et houspillaient le mari si c'était mal
fait (?).

Il y a une autre façon d'expliquer l'interdit et qui rejoint
tout à fait ce qui précède : le sacré est, bien sûr, chargé
de puissance, de pouvoir, de forces. La femme est
considérée, pendant ses règles, comme le lieu d'un
maëlstrom de forces pouvant être contradictoires. Et, de

33

ce fait, il pourrait advenir, si elle se trouve à proximité
d'autrui - mari inclus - que des émanations de ces forces
en viennent à influencer, à affecter autrui ou elle-même,
de manière négative. Or, la Sweat Lodge est, tout
particulièrement, un lieu de communication, aussi entre
les participants au rite. Les barrières y tombent et
chacun y est ouvert à chacun. Ce maëlstrom de forces
pourrait être dangereux dans la Sweat Lodge pour les
participants.

La femme ishnati - "qui habite seule " - serait ainsi le
siège d'un pouvoir connecté au sacré pendant les 4 jours
de son isolement. Ce pouvoir, n'ayant rien à voir avec
l'état d'être profane, peut y être néfaste.

Un des 7 grands rituels Lakota est celui qui prépare une
jeune fille à être une femme (il n'y a pas de grand rituel
préparant un jeune homme à être homme, puisque la
quête de vision n'est pas spécifiquement réservée aux
hommes). Cette cérémonie prend place tout de suite
après les premières règles de la jeune fille, concerne la
communauté entière, se clôt par un festin et un "give-
away", dans la joie.

34

Ainsi, il ne faut pas mal comprendre l'interdit de la Sweat
Lodge aux femmes ishnati. C’est bien là une prise en
compte de la sacralité inhérente à la femme - qui est
celle qui donne la vie. Et pas un ostracisme lié à une
quelconque conception de saleté ou d'impureté.
Il est dit : "La femme sera comme la Terre-Mère".
Aucune formulation analogue n'existe pour l'homme, à
ma connaissance.

35

LA SWEAT LODGE AUJOURD'HUI
(1987)

Avec le renouveau de la conscience indienne, les Lakota
se sont mis à la recherche de leurs racines. Bien des
choses ont été perdues à travers un siècle et demi
d'oppression et une certaine acculturation. Bien sûr,
nombre de Lakota sont aujourd'hui plus blancs
qu'indiens dans leur façon de vivre, de penser. Le roi
dollar et la grosse américaine sont convoités, et l'alcool
aussi, d’ailleurs - qui permet d'oublier.

Il y a nombre de métis, un quart, un demi, trois quarts
indiens. Les Lakota "full-blood" ou "four-blooded" ne
sont pas les plus nombreux.

Depuis les années 1970, toutefois, un mouvement de
reviviscence des traditions, de l’indianité, s'est fait jour.
Les Lakota ont commencé à apprendre à se battre avec
les armes des blancs : la loi et les procès, la contestation,
l'utilisation des médias, la politique...

Les Lakota ont ainsi obtenu la reconnaissance de leur
religion comme religion autochtone américaine, et
surtout la libre pratique de cette religion.

36

Sur cette base, des Sweat Lodge ont été introduites dans
des prisons, afin que les prisonniers indiens - et pas
uniquement Lakota -puissent pratiquer ce rite et ainsi
retrouver leur identité.

Un prisonnier non - indien pourra également y
participer, à condition d'avoir postulé pendant assez
longtemps pour que l'on puisse être sûr que ce n'est pas
une curiosité vaine qui le motive.

Aujourd’hui, donc, il y a une Sweat Lodge dans la plupart
des prisons américaines. Il y en a également quelques-
unes en Europe : France, Suisse, Hollande, Allemagne,
Suède, principalement.

Et, bien sûr, avec le renouveau de la conscience de
l'indianité, il y a des Sweat Lodge dans les réserves
indiennes.

L'on sait que les 4 directions de l'espace, générant le
chiffre 4 et la notion de Centre du Monde, sont des
éléments -absolument fondamentaux dans la vision du
monde Lakota. Et que toute prière, tout rituel, prend en
compte l'espace et s'y inscrit. Cette prise en compte de
l'espace fait, du lieu de la prière, du rite, le Centre du
Monde.

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Pour l'Homo Religiosus, le point de référence au Centre
du Monde est universel. Ce Centre du Monde, dans
l'expérience religieuse, est vécu comme le point de
rencontre de l'homme avec le Numineux, le Sacré. C'est
le lieu privilégié qui permet la communication des 3
niveaux : le monde d'en-dessous, le monde des
hommes, la transcendance.

Cette notion est archétypique et l'on peut en trouver
pour preuve son extension universelle.

Pour donner quelques exemples, à travers les
continents, les cultures, les époques :

• le néophyte Kwakiutl - population amérindienne
du Pacifique -s'écrie : " Je suis au Centre du
Monde".

• la Palestine, Jérusalem, le Temple de Jérusalem
sont ressentis, de manière de plus en plus
"pointue" comme l'ombilic du monde par la
tradition juive (jusque dans le sionisme moderne),
-le Centre du Monde, pour l'Islam, c'est la Kaaba

• pour les chrétiens, c'est le Golgotha - et aussi la
cathédrale, l’église, lieux de la présence divine

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• le palais du souverain chinois se trouve au Centre
du Monde -en Iran : Airyanam Vaejah, le pays
iranien, est le Centre et le Cœur du monde et, de
manière plus spécifique : la ville de Shiz, ville
natale de Zarathoustra.

• le temple bouddhique de Borobudur, dans l'Ile de
Java -aussi bien qu'au Cambodge : Angkor Vat

• Babylone avait des noms tels que : Maison de la
Base du Ciel et de la Terre. Ou : Lien entre Ciel et
Terre

• à Bali et dans d'autres régions d'Asie, pour
construire un village, on partait d'un croisement
naturel où se coupent perpendiculairement 2
axes, matérialisant l'espace divisé en 4 horizons et
naissant à partir de ce centre. Sur ce point central
sera élevée la maison cultuelle, point de rencontre
du sacré et du monde de l'homme

• en Guinée, au milieu du village, se trouve une
construction dont le toit représente la voûte
céleste et les 4 parois : les 4 directions de l'espace.

• on retrouve cette notion de Centre du Monde en
Italie ancienne sous la forme du Mundus romain

• chez les anciens Germains
• et aussi dans le Mandala tibétain

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J'arrête là l'énumération qui nous a mené en Afrique
aussi bien qu'en Asie, en Europe et en Amérique. Et nul
doute qu'en Australie également...

(cf Mircea Eliade : "Le sacré et le profane" - Gallimard
- 1965)

J'arrête donc cette énumération, mais il serait aisé de
retrouver partout et jusque dans nos cathédrales, aussi
bien la référence au commencement des temps, la
matérialisation symbolique de l'espace et du temps, de
l'horizontalité et de la verticalité, le symbolisme
reposant sur des animaux et sur des plantes...Partout, et
jusque dans l'homme de la civilisation moderne, qui se
veut matérialiste et qui a dit : "Dieu est mort...". Et qui,
néanmoins, rêve...

Le symbole est la seule voie d'approche de cette autre
dimension de l'être qu’est, aussi, le rêve...

Et, peut-être, faut-il penser que, malgré certaines
apparences actuelles, l'homme est, toujours, homo
religiosus ?

Erica Haddouf - Guilane

40

LE MYTHE DE LA CRÉATION DU
MONDE

Au Commencement était… (au Centre était…) le
Créateur et le Créateur créa l'Ouest et les 4 Esprits
Supérieurs :

1) WI, le Soleil
2) SKAN, le Mouvement (non point les "objets"
matériels)
3) MAKA, la Terre (mais 1'"essence" de ceux-là)
4) INYAN, la Pierre
Après des millions d'années, les 4 Esprits Supérieurs
créèrent le Nord et les 4 Esprits Associés, qui devaient
les servir :

5) Le Soleil créa HANVI, la Lune
6) Le Mouvement créa TATE, le Vent (1'"essence" de
ceux-là)
7) La Terre créa HUNK, la Joie (non leur matérialité)
8) La Pierre créa VAKINYA, les Êtres Ailés (Anges,
Oiseaux-Tonnerre et l'Aigle Tacheté)

Et passèrent des millions d'années.

41

La troisième phase vit la création des Esprits
Subordonnés et de l'Est :

9) TATANKA OYATE, l'Homme, assimilé à la Nation
Bison

10) TOB TOB, l'Ours ou plutôt l'Esprit-Ours, c'est à dire
la Sagesse (Tob Tob signifie aussi 4 fois 4 et cette
phase de la Création amène les êtres à 4 pattes)

11) VANI, les 4 Directions du Vent (qui sont appelés les
"Vitaliseurs" : la neige, la pluie, la grêle...)

12) YUM, le Tourbillon (tout ce qui se déplace en
cercle : les étoiles, les galaxies, les corps célestes...
et aussi les jeux, l'amour, le sport...)

Au cours des millions d'années qui suivirent, des
désordres apparurent :

HANVI regarda SKAN, bien qu'elle ait été créée par
WI
MAKA regarda VAKIFYA, bien qu'elle ait créé UNK...

Le Créateur s'en aperçut. Il prit :

MAKA et créa la Terre matérielle
WI et créa le Soleil matériel
HANWI et créa la Lune matérielle

42

et, de même, tous les autres Esprits reçurent leur état
matériel :

WANI devint l'eau agitée par les Vents
VAKINYA devint l'Aigle Tacheté
YUM devint les Etoiles et les Galaxies...
TATANKA OYATE, l'Homme, fut placé sur la Terre,
ainsi que : les animaux, les plantes, les rochers...

Et, pour l'Homme, le Créateur réalisa la quatrième phase
de la Création :

Il créa le Sud et les 4 Esprits Inférieurs :

13) NAGI, Âme éternelle de l'Homme, afin qu'il
comprenne le sens de sa vie
14) NAYI, son Esprit temporaire, son "Ombre"
15) SICUN, son intellect afin qu'il puisse résoudre ses
problèmes matériels, inventer
16) YUMNI, le corps et les objets matériels dont
l'Homme a besoin pour vivre.

Ainsi furent créés les 16 grands mystères.

Furent créés aussi : les 8 Etoiles du Matin, pouvoirs
positifs et les 8 Esprits Surnaturels, pouvoirs négatifs

Ainsi se termina la Création du Monde…

43

(Pour le mythe de la Création du Monde : cf. Mythen der
Oglala, Karl A. Nowotny, Dokumente der
Geistesgeschichte, 1979.)

-oOo-
Les 7 grands rites des Sioux-Lakota :
- la Sweat Lodge : INIPI, la Garde de l'Âme
- la Quête de Vision
- la Danse du Soleil
- l'Apparentage
- la Préparation de la jeune fille aux devoirs de la
femme
- le Lancement de la Balle.
(Source : "les Rites Secrets des Indiens Sioux" - Hehaka
Sapa)

44

LES 16 GRANDS MYSTERES DANS LA
HUTTE DE SUDATION

45

46

LE MYTHE D'ORIGINE DE LA SWEAT
LODGE

(Cf. Le même mythe dans De Mémoire Indienne, Tahca
Usthte, Pion, Paris, 1977, page 194 et suivantes.)

La sweat lodge, lieu du Pouvoir :
Au (presque) commencement étaient...
Une jeune fille et ses 5 frères. Ils vivaient près d'une
rivière. Tous les jours, les frères partaient chasser, dans
des directions différentes, pendant que la jeune fille
s'occupait des tâches de la femme et restait près du tipi.
Or, un soir, il advint que l'un des frères ne rentra pas. Le
lendemain matin, les 4 jeunes hommes partirent à la
recherche du frère disparu et au soir de ce jour-là,
seulement 3 d'entre eux revinrent. Le lendemain matin,
ils s'en allèrent et au soir, seulement 2 revinrent. Et
pareillement le jour suivant ou un seul revint. Qui partit
à la recherche de ses 4 frères. Et ne revint pas...
La jeune fille, de désespoir, décida de mourir et pour
cela avala une pierre.
Mais au lieu de mourir, elle enfanta un garçon qu'elle
appela "Fils de la Pierre".

47

Il grandit en quelques jours et, apprenant la cause du
chagrin de sa mère, décida de partir à son tour à la
recherche de ses oncles.

Au premier soir de son voyage, il parvint à un tipi devant
lequel était assise une horrible vieille sorcière, la Mort.
Il réussit à la tuer et trouva 5 sacs dans lesquels il
ressentit les esprits de ses oncles. Ceux-ci lui donnèrent
l'inspiration de construire une hutte avec des branches
de saule et des peaux pour les couvrir ; de creuser un
trou au centre et d'allumer un feu à petite distance ; de
faire rougir des pierres dans ce feu et de les amener dans
le trou au centre de la hutte ; d'y entrer ensuite avec les
sacs, de fermer l'ouverture et de verser de l'eau sur les
pierres chauffées...

Et, une fois tout ceci fait, lorsque, pour la quatrième fois,
il versa de l'eau sur les pierres, les 5 oncles reprirent vie.

Et Fils de la Pierre dit : "... de ce jour, la hutte de
sudation, INIPI, sera sacrée. Elle nous donnera la santé
et nous purifiera..."

Ce fut le premier INIPI...

INIPI a ensuite été donné aux hommes par les femmes.

La femme se purifie tous les mois pendant les 4 jours de
son flux menstruel.

L'homme n'a rien de tel pour se purifier.

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Alors, la sweat lodge fut donnée aux hommes afin qu'ils
puissent également se purifier physiquement,
émotionnellement, mentalement, spirituellement.

-oOo-

Nota : Un chapitre est consacré à la sweat lodge dans
Les rites secrets des indiens sioux, page 65 et suivantes ;
"Dans le rite (...) interviennent tous les Pouvoirs de
l'Univers : la Terre (...), l'eau, le feu et l'air. L'eau
représente les Êtres-Tonnerres (...). La loge à transpirer
est construite avec 12 ou 16 jeunes saules ; ceux-ci aussi
ont un enseignement à nous donner, car à l'automne,
leurs feuilles meurent et retournent à la Terre, et au
printemps, elles reviennent à la vie." Nous verrons plus
loin que le kinickinick, mis dans les trous recevant les
saules, a pour symbole le pouvoir de renaître.

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