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Mon enquête dans le milieu alchimique dans l'Est de la France.
L'alchimie n'a pas disparu de notre monde. Elle est toujours vivante et pratiquée.
En approchant ce milieu bien particulier des alchimistes, je me propose de mieux comprendre leurs aspirations et leur vision du monde. Et, également, leur position vis-à-vis du monde moderne occidental.
Ma recherche se compose d'une enquête de terrain, et d’une étude bibliographique.

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Published by Michel Nachez, 2021-03-24 10:11:25

Alchimie et Modernité - enquête

Mon enquête dans le milieu alchimique dans l'Est de la France.
L'alchimie n'a pas disparu de notre monde. Elle est toujours vivante et pratiquée.
En approchant ce milieu bien particulier des alchimistes, je me propose de mieux comprendre leurs aspirations et leur vision du monde. Et, également, leur position vis-à-vis du monde moderne occidental.
Ma recherche se compose d'une enquête de terrain, et d’une étude bibliographique.

Keywords: alchimie,michel nachez,ethnologie,pierre philosophale,spagyrie,pierre végétale,iatrochimie

Michel NACHEZ

juin 1991

Institut d’Ethnologie
Université de Strasbourg

Sous la direction de
Isabelle Bianquis et Colette Méchin

SOMMAIRE

INTRODUCTION....................................................................... 4
GENÈSE DE CETTE RECHERCHE.......................................... 5
L’ALCHIMIE AUJOURD'HUI...................................................... 8
LES INFORMATEURS ............................................................ 14
L’ALCHIMIE VUE PAR LES INFORMATEURS ....................... 20
LES BUTS DE L'ALCHIMIE ..................................................... 22
HYPOTHESES........................................................................ 24
LES DIFFICULTÉS DE L’ENQUÊTE ....................................... 26
MÉTHODE .............................................................................. 31
LES RÉSULTATS.................................................................... 32
CONCLUSION ........................................................................ 36

INTRODUCTION

L'alchimie n'a pas disparu de notre monde. Elle est
toujours vivante et pratiquée.

En approchant ce milieu bien particulier des
alchimistes, je me propose de mieux comprendre leurs
aspirations et leur vision du monde. Et, également, leur
position vis-à-vis du monde moderne occidental.

Ma recherche se compose d'une enquête de
terrain, et d’une étude bibliographique. Dans le présent
rapport, je rends compte de mon enquête, de son
déroulement et des difficultés rencontrées. Les
personnes sur lesquelles j'ai enquêté seront également
présentées.

Mais avant d'aborder cela, il convient d'évoquer la
genèse de cette recherche.

GENÈSE DE CETTE
RECHERCHE

Tout a commencé pendant l'enquête que j'ai
effectuée pour mon mémoire de licence (sur les maisons
hantées). À cette époque, en 1989, j’ai eu la chance de
rencontrer une personne qui m'a ouvert les portes du
monde des alchimistes. Jusqu'à cette date, l'alchimie
était pour moi un art souterrain et inaccessible,
plongeant ses racines dans un passé, plus ou moins
mythique. Elle a toutefois toujours attisé ma curiosité :
j'ai toujours été attiré par le mystère. Une occasion
comme celle-ci ne devait pas être manquée.

Grâce à cette personne, j'ai appris beaucoup de
choses :

 les alchimistes ne sont pas une espèce en voie
de disparition,

 il y a des groupements, des rencontres, des
axes de recherches, des échanges, des
publications...

J'ai donc décidé de m'y intéresser de plus près et
de contacter ce milieu. Grâce aux portes ouvertes par
cet ami, j’ai pu entrer en relation avec quelques
alchimistes de la région, sympathiser avec eux. Et ce,
depuis février 1990.

Certaines de mes lectures m'avaient déjà
familiarisé avec l'alchimie auparavant : Eugène
Canseliet1, Fulcanelli2, et bien sûr, Carl Gustav Jung3 - qui
a beaucoup étudié la question du point du vue
psychologique Également Mircéa Eliade4. Ces lectures
m'avaient confirmé dans mon idée : l'alchimie est une
discipline difficile, et accessible uniquement à quelques
privilégiés.

L'ouvrage d'Armand Barbault 5 ne m'était pas
inconnu non plus. Alchimiste de nos contrées, je pensais
qu'il était un "oiseau rare", et, qu'après sa mort, il ne
devait plus guère rester d'alchimistes dans cette terre
d'Alsace.

Mais l'enquête a révélé qu'il en allait autrement.
En fait, il en existe un certain nombre.

J'y ai ajouté, en cours d'enquête, les ouvrages
d'alchimistes contemporains allemands : Manfred

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1 - Alchimie. Études diverses de symbolisme hermétique et de pratique
philosophale, Montreux, Jean-Jacques Pauvert Éditeur, 1964.
2 - Le mystère des cathédrales, Paris, Chastel, 1927.
3 - Psychologie et alchimie, Paris, Buchet Chastel, 1970.
4 - Forgerons et alchimistes, Paris, Flammarion, 1977.
5 - L ‘or du millième matin, Paris, Dervy Livres, 1987.

Junius6, Alexandre von Bernus7 , Ulrich Jürgen Heinz8 ; et
français : Patrick Rivière 9 . Ainsi que des revues :
Tempête Chymique10 et Petit Philosophe de la Nature11.

Avant de présenter les personnes qui m'ont
permis de réaliser cette enquête, je pense qu'il est
intéressant d’aborder, dans les grandes lignes, le
dynamisme de l'alchimie en France.

-------------------------------------------
6 - Praktisches Handbuch des Pflanzen-Alchemie, Interlaken, Ansata
Verlag, 1982.
7 - Médecine et alchimie, Paris, Belfond, 1977.
8 - Spagyrik - Die medizinische Alternative, Freiburg im Breisgau,
Hermann Bauer Verlag, 1985.
9- L'alchimie, science et mystique, Paris, Éditions de Vecchi, 1990. Et : La
médecine de Paracelse, Paris, Éditions Traditionnelles, 1988.
10- Premier cahier. Octobre 1984.
11- N°66 de mai 1989 à N°86 de mai 1991.

L’ALCHIMIE AUJOURD'HUI

Au stade de mes connaissances actuelles, il existe
des groupements – "Les Philosophes de la Nature"12,
"Spagy-Nature" – qui se sont donné comme objectif de
permettre aux personnes intéressées d'aborder le
monde alchimique sans trop de mal. Ce sont des
associations qui proposent des stages et des cours –
théoriques et pratiques – afin de faciliter l'accès à
l'alchimie. Mais ce sont également des groupes de
recherches qui étudient les textes et les pratiques
anciennes afin d'en comprendre le sens, perdu par suite
de rupture de la tradition alchimique, du fait du
changement de mentalités et de croyance, et de
l'avènement de la science.

Nous sommes à une époque où la crédibilité de la
science est parfois remise en cause, et où le rêve d'un
"paradis terrestre", gagné grâce aux sciences
appliquées, s'effrite.

L'on peut donc comprendre un certain "retour aux
sources", un nouveau développement de pratiques que
l'on croyait mortes, et dont il était – et est encore – de
bon ton de se gausser.

Le retour à ces sources s'exprime dans une activité
intense. Dans le sujet qui m'occupe actuellement, il est

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12- Leur publication mensuelle est Le Petit Philosophe de la Nature.

intéressant de relever le fait que ce ne sont pas
seulement des personnes nostalgiques de l'ancien
temps (où alchimie, astrologie et magie étaient encore
des piliers de la Connaissance), qui s'y intéressent. On
rencontre des médecins, pharmaciens, biologistes,
physiciens, qui, pour des raisons diverses, se penchent
sur cet art hermétique. J'ai en effet, lors de mon
enquête, assisté à deux réunions annuelles
d'alchimistes. J'ai été étonné d'y rencontrer des
personnes issues de ces milieux. Vu le caractère spécial
de ces rencontres, il ne m'a pas été possible
d’interviewer longuement ces personnes, mais j'ai
quand même pu converser avec elles.

J'ai ainsi appris que l'alchimie était avant toute
chose une pratique, nécessitant un laboratoire et des
instruments de laboratoire. L'alchimie vise, à travers
diverses manipulations, à modifier la matière dans des
buts qui lui sont propres : soigner, guérir, évoluer...

Il ressort de ces contacts que l'intérêt des
professions médicales et paramédicales pour l'alchimie
est clair : l'alchimie permettrait donc de "fabriquer" des
élixirs, capables non seulement de soulager les malades,
mais aussi de les guérir. Ces élixirs seraient des produits
puissants, dont la fabrication serait extrêmement
longue : de plusieurs mois à un an, ou plus, ce qui ferait
de cette médecine une médecine élitiste, réservée
seulement à quelques privilégiés.

Cette médecine spagyrique – interdite en France,

Ordres des Médecins et des Pharmaciens obligent –
existe en Allemagne, où des laboratoires spécialisés', en
tenant compte des contraintes spécifiques à l'alchimie,
produisent tout de même des remèdes "grand public".
Je pourrai citer, à ce titre : Laboratoire Soluna,
Laboratoire Staufen-Pharma, Solaris Laboratorium.

Il existe donc une médecine alchimique. Ceci
suppose que des médecins, au moins en Allemagne,
utilisent ces remèdes et diagnostiquent les maladies
d'après les méthodes de l'alchimie : le principe de
similitude ré-énoncé par Paracelse – le semblable guérit
le semblable ; ou, "l'astre est guéri par l'astre" –. Ainsi,
les alchimistes s'occupent aussi d'astrologie, laquelle
leur permettrait, en étudiant les positions planétaires
d'un individu, de déterminer les remèdes à utiliser.

Ce que font de l'alchimie les médecins et les
pharmaciens français qui s'y livrent, je ne le sais. Mais ce
que personne ne peut leur interdire est de se soigner
eux-mêmes, et d'utiliser l'alchimie dans une de ses
autres optiques : l'évolution spirituelle.

C'est ce que fait cette dame d'une quarantaine
d'années, biologiste de profession, également
rencontrée lors d'une de ces réunions annuelles. Elle m'a
expliqué qu'elle n’avait pas beaucoup de place dans son
appartement : elle avait installé son appareillage dans sa
cuisine, en attendant de trouver une autre solution,
voire de déménager. Ses acquis professionnels lui
facilitent, m’a-t-elle dit, son approche du point de vue

de la pratique. En effet, pour tout ce qui concerne les
manipulations de laboratoire, son savoir-faire
professionnel- lui - permet d'éviter toutes les erreurs
inévitables du néophyte, et de gagner ainsi un temps
précieux dans les longues opérations alchimiques. Mais,
à part cela, son savoir théorique de biologiste, ne lui sert
pas à grand-chose.

J'ai encore pu dialoguer avec un physicien, qui
s'est dit scientifique peu orthodoxe, et qui porte un haut
intérêt à l'alchimie. Lui, en tant que spécialiste, est
surtout intéressé par les transmutations. L'alchimie
n'opérerait pas seulement la transmutation du plomb en
or, mais il existerait de multiples autres transmutations.
Et c'est cela qui le fascine. Car, ce qui est supposé
impossible en physique est possible en alchimie13. Et
puis, il m‘a avoué avoir été surpris par certaines choses
dans son milieu professionnel : le fait, par exemple, de
ne pas trouver la formule de l'”eau régale" (un acide)
dans ses livres de chimie, alors qu'il en a besoin pour sa
pratique professionnelle au CNRS, et de devoir la
rechercher dans des traités anciens. La raison de cela ?
Simplement le fait que cette formule, n'étant pas
comprise par les scientifiques, n'a plus sa place dans la

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13- Dans la mesure où les physiciens atomiques qualifient certaines
manipulations atomiques de transmutations, certains alchimistes
seraient favorables à l'utilisation d'un autre terme – encore à découvrir
La transmutation en alchimie recouvre un processus différent de la
transmutation des physiciens, disent-ils.

science : elle est éliminée des manuels de chimie. Il m'a
raconté cette anecdote avec un sourire qui en disait
long...

Pour les alchimistes présents, ces rencontres avec
des représentants des sciences exactes sont
importantes. Car l'alchimie actuelle ne rejette pas la
physique, la chimie, et d'autres disciplines. Elle se sert
de leurs acquis pour mieux comprendre les phénomènes
alchimiques.

J'ai été agréablement surpris, lors de cette
enquête, par cette ouverture vers le monde actuel. Il
semble, et cela est mon sentiment personnel découlant
de mon contact avec cet ethnos, que l'alchimie prenne
un nouvel essor. Et que, tout en restant dans l'ombre –
car ces cercles sont fermés – elle fasse preuve d’un
bouillonnement qui peut augurer d'une vitalité
croissante.

Combien peut-il y avoir d'alchimistes pratiquants
en France ? D'après les informations dont je dispose, il
devrait y en avoir environ deux cent cinquante, dont une
dizaine dans l'Est.

Il y a différentes écoles et différentes pratiques.
Comme partout une certaine concurrence existe.

Les personnes qui m'ont aidées lors de mon
enquête reflètent cela. Et pour mieux le faire
comprendre, il est temps de les présenter.



LES INFORMATEURS

Mon enquête s'est concentrée sur quatre
personnes. Les seules dont j'ai obtenu plusieurs
entretiens prolongés.

Je ne les ai pas rencontrées en même temps. C'est
PP que j'ai rencontré en premier. Cela s'est passé
pendant l'hiver 1990. Je l'ai vu six fois en tout, le soir,
moment propice à de longs échanges.

Puis j'ai rencontré JS, ami de PP. Il habite dans les
environs de Metz, j'ai dû me déplacer. Avec lui, cela a
particulièrement bien "accroché". Aussi, ai-je pu être
présent lors d'opérations alchimiques, et pu
comprendre de visu ce qu'impliquait cette démarche.
Grâce à lui, j'ai pu participer aux deux réunions
annuelles, l'une en mai 1990, l'autre en avril 1991. Là,
j'ai rencontré d'autres personnes, comme évoqué, plus
haut.

JS m'a beaucoup appris, les techniques
spagyriques14, entre autres. JS est un homme aimable,
gentil, serviable, ouvert. Sa femme OD également, plus
discrète mais non moins efficace. Je suis allé sept fois en
Lorraine, en week-end ; sauf la première fois, où j'ai
passé deux heures pour entrer en contact. Je n'ai jamais

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14 - La spagyrie est l'alchimie végétale.

dormi chez eux, mais chez mes parents qui habitent à
une trentaine de kilomètres de là. Voici le calendrier de
ces rencontres : premier contact en mars 1990, puis trois
week-ends pendant l'été 1990, et trois week-ends en
février, mars et avril 1991.

C'est JS qui m'a parlé de IS, et m’en a donné les
coordonnées. C'est une dame qui habite dans les
Vosges. Le contact a été difficile. J'ai d'abord écrit pour
me présenter. Je n'ai pas eu de réponse. J'ai donc
téléphoné : ce fut une véritable négociation. J'ai
finalement réussi à décrocher un rendez-vous. J'y suis
allé en voiture et je me suis perdu, car elle habite dans
une zone isolée en montagne, avec des petits chemins
sans panneaux indicateurs. En plus, il faisait mauvais,
pluie, vent... Je suis donc arrivé très en retard. Et elle
n'était pas très ravie.

J’ai quand même pu avoir cette entrevue, mais
écourtée. Elle m'a fait comprendre qu'elle avait du
travail et que je devais partir. Ceci, au bout d'une demi-
heure de conversation. J'étais découragé. Mais j'ai
rappelé, et, ô miracle, cette fois elle a accepté de me
recevoir. Je l'ai vue quatre fois à ce jour, chaque fois
pendant un après-midi. Je n'ai jamais pu entrer dans son
laboratoire. Il me semble que, de toutes les -personnes
que j'ai vues, elle est sûrement la seule qui peut
pratiquer dans des conditions optimales : disponibilité,
isolement, espace...

Quant au quatrième personnage, BH, c'est aussi

un ami de PP. Il vit à Strasbourg et il n'y eut aucune
difficulté majeure pour entrer en contact avec lui. Je l'ai
vu cinq fois. Le contact a été bon, nous avons très vite
sympathisé.

Revoyons ces personnes plus en détails :

JS : est guérisseur et alchimiste praticien, c'est à
dire qu'il possède son propre laboratoire, chez lui. Il y
mène ses expériences, et est aidé en cela par sa
compagne, OD. Il partage son temps entre son activité
de thérapeute et celle d'alchimiste. Il vit à proximité de
Metz où il habite une maison avec jardin et
dépendances, toutes choses utiles dans ses activités. Il
ne mêle pas l'alchimie à son activité professionnelle.

Pour JS, c’est une expérience mystique ayant eu
lieu dans sa jeunesse, pendant un office religieux, qui a
tout déclenché. Mais cette expérience est restée
pendant longtemps enfouie à l'intérieur de lui-même. En
effet, il s'est très vite engagé dans l'armée où il a fait
carrière – par nécessité –. Il a terminé son contrat dans
les îles. Puis a pris sa retraite. Ce n'est que là que son
expérience de jeunesse est revenue à sa conscience, et
où il a réalisé l'importance que revêtait pour lui cet
évènement. Il s'est découvert des dons de guérison, puis
tout en pratiquant cela, s'est engagé sur le “chemin
hermétique" dans un but d'évolution spirituelle.
Accompagné en cela par sa compagne, OD. Ils travaillent
ensemble dans le laboratoire, se partagent les tâches et
avancent petit à petit sur ce chemin.

PP : est un érudit. Son domaine de prédilection est
l'alchimie dont il connaît profondément la philosophie,
les pratiques, la littérature. Il ne possède pas de
laboratoire, préférant la "méditation philosophique" à
l'aspect pratique. Travaille dans le social. Est marié. Vit
dans la banlieue de Strasbourg.

PP a toujours été attiré par le secret. C'est un
personnage renfermé, un véritable "rat de
bibliothèque". Ce n'est que grâce à une sympathie
mutuelle que j'ai pu entrer dans "son monde". Il est
étonnant. Il connaît beaucoup de langues mortes :
araméen, copte, latin, grec, égyptien, hébreux. Il les lit
dans le texte, et adore décrypter les traités anciens,
particulièrement ceux de magie et d'alchimie. C'est sa
passion. C’est ainsi qu'il a acquis une connaissance
approfondie des courants alchimiques et magiques. Il
m'a été d'une grande aide pour comprendre le monde
alchimique. Ce n'est pas un praticien de laboratoire, il
n'est pas assez manuel pour cela. C'est un érudit, un
homme pour qui le savoir est une voie spirituelle. Un
homme qui pense que les Anciens avaient une profonde
connaissance de l'univers, et qu'ils ont transmis cette
connaissance aux générations futures. À elles de savoir
suivre le fil d'Ariane, et de déchirer le Voile d'Isis.

BH : pratique ce qu’il appelle la magie verte, qui
est une forme dérivée de l'alchimie végétale (spagyrie).
Son domaine est la pratique, ce qui relève de la théorie
ne lui sied guère, il préfère expérimenter et utiliser "ce

qui marche". Travaille dans la création publicitaire et vit
à Strasbourg.

BH a été tout jeune attiré par la nature. Il s'est
beaucoup intéressé aux plantes. A fait des herbiers, des
collections d'insectes... En grandissant, il s'est orienté
vers un métier qui lui permettrait de vivre. C'est ainsi
qu'il a délaissé pendant un moment sa passion. Mais un
jour, en lisant un article dans une revue ésotérique, son
intérêt s'est à nouveau réveillé. Mais cette fois, pour la
manipulation des plantes. Il avait découvert la spagyrie,
l'alchimie végétale, qu'il appelle magie verte. Il a
longtemps étudié, il a longtemps médité, il a longtemps
expérimenté. Aujourd'hui, il affirme ne plus avoir besoin
de médecin, il est capable de se soigner tout seul. Pour
lui, la nature a tout donné à l'homme : tous les remèdes.
Et bien plus, la manière de les préparer pour en tirer des
élixirs prodigieux. Pour cela, il suffit d'être à l’écoute de
la nature et de son for intérieur, par où s'expriment les
esprits de la nature, et les anciens.

IS : est à la retraite, autrefois commerçante. Elle vit
seule dans une maison isolée dans la région de St Dié.
Elle y a installé un laboratoire dans une vaste pièce de sa
maison. Elle passe la majeure partie de son temps à
expérimenter. Elle pratique l'alchimie minérale et
métallique. Elle cherche la Pierre Philosophale.

IS est une personne difficile à cerner. Pendant
toute la période où elle exerçait une activité
professionnelle, elle a fréquenté les milieux ésotériques

de différentes obédiences – elle n'a pas voulu me dire
lesquels –. Elle a l'air d'avoir du mépris pour ces gens : le
culte du maître, les "grands initiés invisibles", les
adeptes manipulés... C'est une des raisons pour
lesquelles elle s’est retirée. L'autre raison, et c'est la plus
importante, est qu'elle désire étudier la voie hermétique
en s'y consacrant à plein temps. Elle vit seule
apparemment, et semble avoir une vie sociale
restreinte, d'après ce qu'elle m'a laissé entendre. Mais il
semblerait tout de même qu’elle rencontre de temps en
temps d'autres alchimistes. Dans quelles conditions, je
ne sais. C'est une expérimentatrice qui se donne pour
but la Pierre Philosophale en suivant la Tradition au plus
près, dit-elle.

Rien, de l'extérieur, ne distingue ces quatre
personnes rencontrées – JS, BH, PP et IS – des hommes
et des femmes que l'on rencontre tous les jours. De la
même manière que d'autres pratiquent le Yoga ou le
Zen, ils pratiquent ce qu'ils appellent un "Art
Hermétique".

Après cette présentation des personnes sur
lesquelles j'ai enquêté, il me faut présenter brièvement
les stades du travail alchimique, afin de replacer ces
personnes dans ce contexte.

L’ALCHIMIE VUE PAR LES
INFORMATEURS

L'alchimie est une discipline complexe, qui
regroupe plusieurs niveaux. En gros, on peut la diviser
en trois parties :
 Alchimie végétale ou spagyrie
 Alchimie métallique et minérale
 Alchimie animale.

L'alchimie animale est très secrète. La littérature
n'en fait mention que de manière allusive. Un voile de
mystère l'entoure. D'après les informations recueillies
jusqu'à présent, elle ne serait pas pratiquée pour des
raisons d'éthique (elle utiliserait le sang). Mes
informateurs n'ont pas pu ou voulu me donner
d'informations supplémentaires à ce sujet.

L'alchimie minérale ou métallique est pratiquée
par JS et IS. C'est celle qui mène au Grand Œuvre, après
un travail long et pénible. Elle nécessite un équipement
lourd. Les gros fours sont à l'honneur, et ils doivent être
suffisamment efficaces pour fondre les métaux. Des
appareils de distillation spécifiques sont nécessaires
également, pour distiller du mercure, par exemple.

L'alchimie végétale est celle qui a été développée
par Paracelse, et qui a, dit-on, ouvert la voie à la

biochimie moderne. Mais, si elle est considérée (avec
dédain) par les biochimistes comme l'ancêtre de la
chimie pharmaceutique, elle repose, en fait sur des
préceptes tout à fait différents, basés sur une autre
vision de l'homme et de la maladie. JS et BH, m'en ont
longuement parlé. J'ai pu suivre des expériences et voir
comment on traite les plantes de ce point de vue. Pour
eux, la spagyrie est une bonne introduction à l'alchimie
minérale. Elle permet de se familiariser avec les
principes alchimiques sans trop de danger. Car l'alchimie
métallique est dangereuse. Dans l'histoire de l'alchimie,
nombre d'opérateurs ont succombé, soit aux vapeurs
toxiques dégagées par les manipulations, soit aux
explosions. Pour IS, la spagyrie n'est pas digne d’intérêt,
elle ne peut mener à la Pierre Philosophale, et le but
d'un alchimiste n'est pas de guérir autrui. Un' a que faire
de cela, bien qu'il le puisse.

L'alchimie est un art très ancien. Elle plonge ses
racines dans Sumer et traverse les cultures Égyptienne,
Grecque, Arabe, Chinoise, Indienne, Européenne...

D'après mes informateurs, la science a balayé
plusieurs millénaires de recherches, travaux assidus et
découvertes, considérant que l'alchimie et ses sœurs –
l'astrologie et la magie – n'étaient qu'un amas de
superstitions. Les alchimistes contemporains cherchent
quant à eux à retrouver cette connaissance.

LES BUTS DE L'ALCHIMIE :

On peut en dénombrer plusieurs :

 L'amélioration de la santé. Le but ultime est
l'allongement de la vie. Mais, avant d'arriver à cela, il
faut remettre le corps humain en état. Guérir les
maladies, améliorer la résistance aux infections,
stress... Il existe donc une pratique alchimique
thérapeutique. Cette pratique est décrite comme
efficace, reposant sur une vision de l'"énergétique
humaine" différente de celle de la médecine
officielle. On peut plutôt la décrire comme une vision
holistique de l'homme. Elle se différencie aussi
d'autres techniques telles l'homéopathie,
l'acupuncture, la phytothérapie, etc...

 Une autre des finalités de l'alchimie est de percer les
secrets de la nature et les secrets de la vie pour
accélérer et transcender les processus naturels.
L'alchimiste veut parfaire le travail de la nature pour
la sacraliser, en conformité avec les lois divines (l'or
est la substance la plus parfaite). À l'inverse, disent
les alchimistes, de la science moderne qui veut
dominer la nature, percer ses secrets pour la
supplanter.

 L'alchimie peut aussi être une pratique d'évolution
spirituelle (pas à la portée de toutes les bourses
toutefois, puisque le matériel de laboratoire est

onéreux). La transmutation des métaux vils en or
n'est, là, qu'un élément du Grand Œuvre dont le but
est la transmutation spirituelle de l'alchimiste. Cette
transmutation des métaux n'est pas, ainsi, un but en
soi, mais seulement une étape.

HYPOTHESES

Au départ, je suis entré en contact avec ces
personnes par intérêt personnel : attrait pour le
mystère.

Puis, à la recherche d'un sujet de maîtrise, je me
suis dit : "Et pourquoi pas les alchimistes ?"

Cela n'a pas été une décision facile à prendre, dans
la mesure où il me semblait difficile d'adopter une
attitude strictement objective, c'est à dire détachée du
sujet de l'enquête.

Au bout d'un certain temps de réflexion, j'ai tout
de même décidé de tenter l'expérience.

Mon hypothèse de départ : compte tenu de ce que
j'avais déjà pu apprendre, je me suis demandé si
l'alchimie, en tant que démarche non conventionnelle,
ne tendait pas à faire des alchimistes des inadaptés à
notre monde moderne. L'alchimie me semblait une
survivance d'un monde dépassé, les alchimistes, comme
des nostalgiques du passé. Là, l'homme avait sa place,
celle d'un instrument divin chargé de parfaire l'Œuvre
que le Créateur avait laissé inachevée.

Mais au fur et à mesure que l’enquête progressait,
je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout le
cas. Les alchimistes me semblent au contraire être des
gens parfaitement intégrés, qui ont « pied » dans le
monde moderne – avec, peut-être une nuance pour IS.

Il m’a alors paru plus intéressant d’aborder le sujet
sous un autre angle : celui des interrelations entre le
monde actuel et le monde alchimique. Comment ces
deux pôles s'articulent.

Je me suis très vite aperçu, pendant l'enquête, que
cette interrelation s'établit à deux niveaux :

 au niveau théorique et philosophique

 au niveau de la pratique concrète.

D'où la problématique "alchimie et modernité".
Ou comment l'alchimie intègre les apports de la
physique, de la chimie, de la médecine du XXème siècle
pour optimiser sa pratique.

Car, à l'heure actuelle, il ne s'agit pas uniquement
pour les alchimistes d'essayer de reproduire les
opérations des anciens traités, mais aussi de les
optimiser, de les comprendre intellectuellement, de les
traduire dans un langage moderne. De façon à ce que
tout alchimiste puisse suivre les mêmes voies. Travail
énorme.

LES DIFFICULTÉS DE
L’ENQUÊTE

 Tout d'abord, il s'est surtout agi, pour moi, d'un
problème de connaissances. Il m'a fallu me
familiariser, non seulement avec le "jargon"
alchimique (pierre végétale, spiritus vini, solve
coagula, elixir, teinture, menstrum...) et avec les
différents stades de l'Œuvre, mais aussi avec des
détails pratiques concernant des procédés de
laboratoire (qu'est-ce qu’une distillation, une
extraction, une putréfaction, une imbibition...), et
des objets (qu'est-ce qu'un ballon, une cornue, un
soxhlet, une sphère de Kjedahl...).

Une fois ces données à peu près claires, j'ai dû les
ordonner, de manière à pouvoir comprendre le discours
des alchimistes. Cela a pris du temps.

 - Une autre difficulté : arriver à convaincre, à – mettre
suffisamment en confiance pour qu'on me parle et
qu'on me permette de voir certaines choses. Pour
certains (JS, PP et BH), cela n'a pas été trop difficile.
Certainement parce que ce qu'ils m'ont dit et montré
ne portait pas à conséquences et ne devait pas
interférer trop dans leurs travaux. Mais ça, je ne le
savais pas au début.

En fait, je pense n'avoir pas encore pu observer un
véritable travail alchimique, dans les conditions

spécifiées par les Anciens. J'ai vu des opérations, dont
certaines m'étaient présentées comme réelles, et
d'autres dont il était clair qu'elles n'étaient que des
démonstrations.

Parmi ces opérations réelles, il est toujours
possible qu'elles n'aient été, en fait, que des
démonstrations. Sachant l'énorme importance, en
alchimie, de l'équation personnelle de l'opérateur, ma
présence pouvait être un facteur d'incertitude quant à
la réussite de l'opération. En ce sens, bien que JS (car il
s'agit d'opérations effectuées par lui), m'ait assuré que
cela ne pouvait pas être pas le cas, je ne puis écarter le
doute. Toutefois, juger de cela est en dehors de mes
compétences. Le seul moyen d'acquérir une certitude
est d'entrer dans la pratique réelle.

 Autre difficulté : la mémoire. Ce sont des personnes
qui attachent beaucoup d’importance à la mémoire.
Aussi, j'ai pu écouter, voir, prendre des notes. Mais je
n’ai pu photographier ni enregistrer. Aussi, ai-je dû
faire un effort supplémentaire pour mémoriser un
maximum de choses. Mes outils étaient donc le
papier, le crayon, ma mémoire et mon sens de
l'observation.

 Le problème du secret : j'ai constaté que la
sympathie ne suffit pas. Le secret existe bel et bien
(telle ou telle attitude envers moi pendant les
réunions annuelles, un signe de connivence entre JS
et OD, un silence de PP, un signe ou un regard

profond de IS...). Je n'ai pu percer ce voile. Bien sûr, il
est relativement facile d'avoir accès à une certaine
somme de connaissances. Après tout, beaucoup de
choses sont publiées, et je n'ai pas eu de difficultés
majeures à entrer en contact avec les personnages de
mon enquête.

On a accepté de me montrer certaines opérations
alchimiques. Et, si j'ai bien compris globalement ce que
j'ai vu, je ne puis donner une description exacte des
processus observés, tout simplement parce que je n'ai
pas accès aux secrets. On m'a expliqué, certes, mais est-
ce vrai ? Il n'y a pas toujours de littérature claire pour
vérifier, et même s'il y en a, dans quelle mesure est-elle
digne de foi ? C'est ça, l'alchimie.

Pour être sûr des résultats obtenus, il faut soi-
même pratiquer, me dit-on. Car, en fait, le but est atteint
grâce à l'expérience de l'opérateur. Tout le reste, livres,
manuels, conseils..., ne représente qu'une somme de
guides.

Donc, même si mes informateurs m'ont affirmé
que, grâce au langage scientifique, on pouvait faciliter la
compréhension et l'échange d'informations pratiques
entre les alchimistes, les résultats, eux, demeurent
secrets : "Travailles, investis-toi, et tu verras…".

L'alchimie, en fait et depuis toujours, est une voie
initiatique – cela n'a pas changé –.

Il y a certes une volonté de clarification, mais elle

ne s'adresse pas au monde "profane". Ni à moi,
ethnologue. Et ça, je l'ai bien senti. La sympathie, voire
l'amitié, ne signifient pas que le savoir me soit
accessible.

Ne peut parvenir à comprendre que celui-là qui est
sur la voie, comme me l'a expliqué PP. Ce n'est qu'à force
de travail que la "révélation" arrive. Car la transmutation
est avant tout intérieure, même si on peut l'expliquer
psychologiquement15. Et même s'il y a transmutation
aussi de la matière, la vraie révolution est intérieure.

Celui qui est sur le chemin n'a de compte à rendre
à personne, et nul autre alchimiste ne le juge. Seul le
travail personnel est déterminant. Et il n'y a personne
pour décider que tel ou tel est indigne de suivre la voie.

Le secret ne se maintient que pour celui qui ne
pratique pas, qui ne s'implique pas.

En conclusion, je mentionnerai que j'ai souvent
été perdu, ne sachant s'il y avait un fond de vérité en
alchimie. Après maintenant près de deux ans d’enquête,
je ne puis, en tous cas, douter de la sincérité de ces
alchimistes.

Je constate les efforts développés dans leur
travail, leur patience, l'argent investi (car certains
dispositifs coûtent chers) et la somme d'ingéniosité
développée pour mettre au point des mécanismes

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15 - voir Carl Gustav Jung, Psychologie et alchimie. Op.cit.

spéciaux. Il me paraît douteux que ces gens, intelligents,
n'obtiennent rien du tout dans leurs manipulations de
laboratoire...

MÉTHODE

J'ai essentiellement utilisé l'entretien non-directif.

Bien sûr, au début, je me suis présenté, avec ma
recommandation. Et j'ai posé mes questions :

 que fais-tu ?
 qu'est-ce qui t'a amené à pratiquer cela ?
 qu'y trouves-tu ?
 comment est-ce que ça marche ?
 quelle est la finalité ? ...

La conversation s’enchaînant, je prenais les
informations comme elles venaient, en demandant de
temps à autre des précisions.

J'ai pris des notes, fais des croquis.

Je n'ai pas fait de questionnaires ni de guide
d'entretien. J'ai laissé libre cours à mon inspiration, et
c'est bien ainsi, car je ne voulais surtout pas devenir
ennuyeux de peur de bloquer ces moments privilégiés.

Au cours des interviewes successives, j'ai pu
demander des précisions sur ce qui avait été dit
antérieurement, fait développer certains points :
l'utilisation de tels matériels plutôt que de tels autres,
équivalents ; pourquoi privilégier tel alcool plutôt que tel
autre ; mis l'accent sur les informations pratiques afin
d'éviter d'entrer dans des discours trop abstraits ; etc.

LES RÉSULTATS

Il y en a. La méthode a été payante.

Tout d'abord, je peux dire que les alchimistes ne
sont pas des surhommes – je n'ai pas rencontré le Comte
de St Germain ! –, emplis de mystères insondables,
même s'ils laissent planer un large secret sur leurs
pratiques.

Aujourd'hui les alchimistes utilisent les techniques
modernes de laboratoire, et les maîtrisent. Ils savent
aussi adapter des objets de la vie courante en les
détournant de leur utilisation première :

 réfrigérateurs transformés en couveuses,
 friteuses en chauffe-ballons,
 compresseur de réfrigérateur en pompe à vide,
 four à émaux en four à calcination de produits

végétaux,
 tourne-disque en centrifugeuse, pour n'en citer

que quelques-uns.

Je sais, par ailleurs, qu'ils commandent du matériel
chez les mêmes fournisseurs que les laboratoires
scientifiques : Prolabo, Bioblock Scientific, Poly Labo...
Quand ils ne le font pas, ils cherchent dans les greniers
ou dans les marchés aux puces, ou par annonces.

Je n'ai pu dégager de symbolique attachée à ces
instruments-là (dans le passé, chaque objet de
laboratoire avait sa symbolique propre). Par contre, les
instruments plus proches de la tradition (ballons, tubes,
entonnoirs, ampoules...) semblent plus riches
symboliquement. L'enquête portant sur ces points est
encore en cours.

En ce qui concerne les matières utilisées :

 les plantes sont soit cultivées, soit achetées chez
les herboristes, soit ramassées à la campagne.

 les minéraux sont soit achetés, soit ramassés
dans la nature.

 les métaux sont achetés. Il est très difficile
d'avoir accès aux mines, actuellement. Aussi,
quand une occasion se présente, il y a parfois des
achats groupés.

 les produits chimiques. Ils sont soit fabriqués de
manière alchimique quand cela est nécessaire,
soit achetés aux mêmes sources que les
laboratoires officiels (Prolabo). Également en
pharmacie, ou en droguerie.

En fait, tout dépend des opportunités et des prix.
Il n'est pas rare de devoir attendre de longs mois avant
d'avoir le produit requis pour une expérience. Il n'est pas
rare, non plus, de rater cette expérience et de devoir à
nouveau faire preuve de patience.

Du point de vue de la vie de tous les jours, rien de

spécial à signaler. En gros, les alchimistes se nourrissent
tous de manière normale, pas de jeûnes, pas de régimes
particuliers. Du point de vue de l'habillement, rien de
spécial non plus. Je n'ai pas remarqué de signes
distinctifs. Chacun s'habille suivant son niveau social et
ses goûts.

Sur le plan social, JS a eu des ennuis avec ses
voisins, à cause des odeurs nauséabondes provoquées
par ses expériences. Il a eu du mal à leur en expliquer la
cause. Chose qu'IS n'a pas eu à affronter : elle a tout de
suite choisi de s'isoler. J'ai relevé certaines données
familiales et sociales qui seront développées dans le
mémoire.

Au niveau des croyances religieuses : ils sont tous
croyants. L'alchimie n'est pas une pratique profane.
C'est un art sacré. À côté du laboratoire, il y a souvent
un oratoire, pour la méditation et les prières. Chez
certains alchimistes l'oratoire sert à des pratiques
magiques, souvent fondées sur la Qabal. PP, qui ne
pratique pas en laboratoire, dispose tout de même d'un
oratoire. Ce qu'il y fait, je ne le sais. Pour JS, son oratoire
et son laboratoire sont identiques - cumulant encore
une fonction : celle de cuisine 16 -. IS dispose d'un
laboratoire et d'un oratoire séparés - elle a beaucoup de
place : une ferme rénovée, avec dépendances -. BH,

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16 - Il y a des analogies entre la cuisine et l'alchimie.

vivant dans un appartement dit ne pas avoir besoin
d'oratoire : son oratoire est la nature toute entière, dit-
il.

CONCLUSION

L'alchimie est une pratique complexe qu’il est
difficile de cerner dans sa globalité.

Déjà, parmi les personnes que j'ai interrogées,
aucune ne pratique de la même manière. L'alchimie
semble être une affaire personnelle, adaptable aux
aspirations et aux buts de chacun, tant du point de vue
de la technique que du point de vue de la finalité.

C'est aussi un engagement à long terme. Ce qui fait
qu'il est difficile, par les quelques heures passées avec
les alchimistes, de cerner correctement la
problématique.

On en revient ainsi forcément à l'éternel
problème : où arrêter l'enquête ? J'ai pu remarquer que
les zones du secret sont vites atteintes. Les dépasser
nécessiterait davantage de participation, voire
d'implication – et où serait alors la distanciation de
l'ethnologue ? –.

Mais l'objectif de ce travail n'est pas de dévoiler
les secrets alchimiques, mais de mieux comprendre le
fonctionnement d'éléments de cet ethnos si particulier :
les alchimistes.

Licence Creative Common 2020

Éditions Neo Cortex – 7 place d’Austerlitz
F-67000 Strasbourg – France
ISBN : 978-2-918535-88-1

https://hutte-de-sudation.nachez.fr/

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