~I ÏI ~i Îfil i~Îli1~~f11l1ii~111111i
5 0 M M A 1RE
De Gaulle et le gaullisme
4 32 52
Actualité de l'histoire
Les années de formation Traversée du désert
PA R M ACHA M ANSKI et complots réussis
PAR F RANÇOIS- GEORGES D REYFUS
7 PAR G UY C HAMBA RLAC
34
Agenda de l'histoire Échec devant Abbeville 59
La tragédie algérienne
PA R ÉRI C COUTANCES PAR H EN RY DE WAILLY
PAR F ABIEN Q UESNAY
10 36
Éditorial: Guerre motorisée 62
Une destinée contradictoire et aviation d'assaut La politique africaine
PAR D OMI NIQUE V ENNE R PA R C HARLES VAUGE OIS PAR CLAUDE W AUTHIE R
38 65
De Gaulle-Pétain : les racines Portrait d'un écrivain
d'une grande querelle PAR PHILIPPE 8 ARTHELET
PA R C HARLES VAUGEOIS
40
De la rébellion à la légitimité
(1940.1944)
PAR D OMINIQUE V ENNER
46
L'Épuration
PAR D OM INIQUE VENNER
Le saint-cyrien Winston Churchill << Vive l'Algérie française ! »
12 47 68
De Gaulle et Churchill Les équivoques de la
Chronologie (1890·1970) république gaullienne
PA R F RANÇO IS K ERSAUDY
PAR PHILIPPE CONRAD PAR G ILB ERT COMTE
50
22 Nationalisations et réformes 74
Où sont passés les gaullistes ?
Le nationalisme du Général économiques, 1944-1946
entretien avec Alain Peyrefitte PAR P HILIPPE DE SA INT R OBERT
PA R F RANÇOIS-GEORGES DREYFUS
PROPOS RECUEILLIS PAR É RI C VATRÉ 77
23 Les livres et l'histoire
1967 : Le défi 82
du " Québec libre " La parole est aux lecteurs
PA R P AUL S ÉRANT En couverture :
26 Le Général
Brève anthologie gaullienne
27
Un imposteur génial
PAR J ACQUES LAURENT
28
Une famille d'Europe
CNdlt photo : AFP. Associated Press, ECPA, Gamma. Giraudon. Keystone, J. Marquis, L Momer, Musée de la Manne. Rapho, J . Ribière, RMN, Roger-Viollet. SIPA, Talland1er, UsiS.
Actualité de l'histoire
INFOH;VL\TIONS Une part d'entre elles (livres, avant notre ère. Elles se révèlent Elections
périodiques, audiovisuel) ainsi les plus anciennes peintures
Des blasons déménageront prochainement à rupestres connues à ce jour. Le site M. Guy Pedroncini, professeur à la
ou des logos Tolbiac. C'est la première fois que la orné de peintures rupestres le plus Sorbonne, spécialiste de la Première
Bibliothèque renonce à son principe ancien était jusqu'à présent la grotte Guerre mondiale, a été élu président
La logomanie sévit chez nos de centralisation. Cosquer, près de Marseille ; or le du Comité national du Souvenir de
contemporains. L'on ne compte plus fameux dessin d'une main en négatif Verdun.
les communes françaises qui Légendes celtes avait été daté de 27 000 ans avant M. Michel Zink, spécialiste de la
abandonnent leurs armoiries notre ère. Les célèbres sites littérature médievale française a été
séculaires pour un logo insipide. La L'Université d'été de Bretagne a d'Altamira en Espagne et de élu au Collège de France.
ville de Limoges, qui pourtant organisé à Lorient durant J'été deux Lascaux en France, qui remontent à
pouvait s'enorgueillir depuis 600 ans semaines de rencontres autour de 15 000 ans, sont ainsi largement .Jansénisme
d'un blason original, l'a troqué à son l'histoire du monde celtique - sa dépassés. Une exposition consacrée
tour contre un logo bleu, vert, blanc naissance, sa religion, ses à 1'art préhistorique des gorges de Mère Angélique Arnauld
interchangeable. Un universitaire de survivances -, puis autour de la 1'Ardèche commémore la découverte. par Philippe de Champaigne
la capitale limousine, Alain Texier légende arthurienne - ses origines,
(auteur d'un ouvrage sur la noblesse sa symbolique. Jusqu'au 15 septembre. Mairie de Vallon· Succès de l'exposition Philippe de
paru chez Tallandier) s'en est ému et Pont·d'Arc, 07150 Vallon-Pont-d'Arc. Champaigne et Port-Royal qui s'est
à la tête de l'association Blason est Renseignements: BP 251,56102 Lorient Tél: (16) 75 3717 68. tenue durant l'été au Musée national
parti en campagne pour la Cedex. Tél: (16) 97 6419 90. des Granges de Port-Royal en vallée
sauvegarde de nos armoiries Le musée des de Chevreuse.
traditionnelles qui, rappelle-t-il, Nouvel Ouest Monuments Philippe de Champaigne (1602-
« conjuguent la modernité de leur 1674), peintre officiel de Louis XIII
graphisme avec l' immémorialité de Une équipe de rédacteurs bretons fran~ais et du cardinal de Richelieu, auteur
leur signification. >> entend proposer aux organes de de quelques-uns des plus beaux
presse des articles << clés en mains >>. Créé en 1792 pour sauver les décors de la moitié du XVII' siècle,
Blason. BP 1079, 87051 Limoges Cedex. Les compétences de ces journalistes sculptures des débordements avait noué des liens étroits avec les
sont multiples : leurs reportages révolutionnaires, le musée des religieuses de Port-Royal-des-
La Très Grande traitent tant d'économie, de culture, Monuments français fut l'un des Champs. Éprouvé dans sa vie
Bibliothèque que de faits de société. Mais surtout, premiers musées de France. Les familiale, il avait su trouver auprès
de Charles V leur approche est originale : comme encombrantes et invendables œuvres d'elles le réconfort et leur avait
cette étude consacrée à une nouvelle de pierre et de bois, pour la plupart confié l'éducation de ses filles
Le déménagement de la Bibliothèque variété de pomme de terre conçue en confisquées au clergé - les -l'une d'elles y prit d'ailleurs le
nationale dans les quatre tours du laboratoire, qu'ils relient tombeaux des rois de France, voile. Et lorsque débutèrent les
nouveau quartier Tolbiac engendre astucieusement à sa lointaine aïeule, aujourd'hui à Saint-Denis, faisaient persécutions, le peintre demeura
un bouleversement sans précédent. la parmentière, rendue célèbre par partie du butin- avaient ainsi été l'allié fidèle des gens de Port-Royal.
En six siècles d'existence, la Louis XVI qui, en 1786, la veille de recueillies par un passionné de L'exposition a évoqué ces liens
vénérable institution fondée par la Saint Louis, en arbora la fleur à sa muséographie qui avait entrepris de privilégiés à travers des tableaux que
Charles V n'en avait pas connu de boutonnière. les mettre en scène. Sous Louis XVill,
semblable. À sa création, en 1368, le musée ferma ses portes, et 1'ordre
elle occupait trois étages d'une tour Nouvel Ouest. Jean-Pierre Le Marc, rue de fut donné de resti tuer aux familles
du palais du Louvre, mais ne Prat An Askel, Larvor, 29750 Loctudy. Tél: spoliées leurs monuments, et aux
comptait que 917 manuscrits. Depuis (16) 98 87 40 63. lieux de culte leurs statues et
1724, la Bibliothèque amassait les tombeaux. Rouvert pour
collections rue de Richelieu. C'est Les plus anciennes 1'Exposition universelle de 1878, le
François l" qui instaura en 1537 le peintures musée s'étendait aux deux ailes du
dépôt légal. La Bibliothèque devint rupestres palais du Trocadéro, et exposait des
ainsi le principal conservatoire du reproductions. En 1937, relogé dans
patrinnoine national imprimé. Le soir de Noël 1994 des le palais de Chaillot de Carlu, il
Épargnée par le vandalisme pendant spéléologues amateurs découvraient devenait le musée des Monuments
la Révolution, la bibliothèque doubla sur les parois d'une grotte à Vallon- français. Un vaste projet le ranime
paradoxalement son fonds : Pont-d'Arc (Ardèche)- baptisée aujourd'hui. Il va s'étendre en
confiscations et prises de guerre depuis grotte Chauvet-, un surface, chasser la fondation
vinrent l'enrichir. Au XX' siècle, on exceptionnel bestiaire : plus de trois Danielle Mitterrand, la
assiste à une inflation de cents animaux dont certains jamais Cinémathèque, le musée du Cinéma,
publications. Les collections observés dans l'art préhistorique - et intégrer à son domaine
deviennent trop volumineuses pour hyènes, hiboux, panthères... Les l'architecture et l'urbanisme- des
être conservées dans un lieu unique. analyses au carbone 14 réalisées sur temps modernes au milieu du XX'
des échantillons prélevés sur la siècle. Le nouveau grand musée
grotte Chauvet font remonter français de 1'Histoire de 1'architecture
l'origine des peintures à 30 000 ans ouvrira ses portes en 1998.
ACTUALITÉ DE L'HISTOIRE
l'artiste exécuta pour l'abbaye: des Musée Colette d'apothicaires, des instruments somptueux bijoux, revêtements
peintures sacrées, mais aussi les chirurgicaux anciens, des ouvrages d'armes... ressuscitent ces cavaliers
portraits des moniales, de leurs Un musée littéraire consacré à médicaux d'époque illustrent les casqués et cuirassés, armés de lances
directeurs spirituels, ou des solitaires Colette vient d'être inauguré dans progrès d'une médecine qui devint et d'épées, qui firent trembler
qui faisaient retraite aux Granges. l'Yonne, à Saint-Sauveur-en- dès le XIX' siècle plus rationnelle. 1'Occident et dont les descendants, les
Puisaye, le village natal de l'auteur Et bien sûr les travaux de prestigieux Alains, se seraient fondus en Bretagne.
' de Sido. Souhaité dès 1974 par Bretons, comme Laennec, sont
Colette de Jouvenel, surnommée évoqués. Entre Asie et Europe, l'Or des Sarmates.
EX POSITIONS Bel-Gazou, la fille de l'écrivain, ce Jusqu'au 29 octobre. Abbaye de Daoulas,
musée aura mis vingt ans à voir le Les Bretons et leur santé : 1500-1900. 29460 Daoulas. Tél: (16) 98 25 84 39.
Filmer la guerre jour. Une première tentative, dans Jusqu'au 31 octobre. Château de Kerjean,
1'appartement de Colette au Palais- 29440 Saint-Vougay. Tél: 98 69 93 69. Histoire militaire
L'Historiai de la Grande Guerre ne Royal, à Paris, avait échoué. En
pouvait manquer de célébrer le 1987, les héritiers de Colette firent Musée du Cheval Un château fort provençal datant du
centenaire du cinéma. La guerre de don à la commune de Saint-Sauveur XI' siècle, acquis après la Révolution
1914-1918 a suscité une grande d'un ensemble de meubles, livres et En 1719, Louis-Henri de Bourbon, par la ville de Salon, abrite depuis
diversité de productions objets qui lui avaient appartenu. Ils prince de Condé, fit élever à une vingtaine d'années l'un des plus
cinématographiques: films ont pris place dans une aile du Chantilly des écuries dignes de son beaux musées militaires français. Le
d'actualité, de reportage, mais aussi château de Saint-Sauveur récemment rang. En 1982, à l'initiative d'Yves château de 1'Empéri expose une
films de fiction, de divertissement, restauré. Et de la fenêtre, on aperçoit et Annabel Bienaimé, et ce sans la collection d'armes et d'armures du
de propagande ... Pour la première le jardin de la maison natale de moindre subvention, ce fleuron de XIV' au XVII'. Le fleuron de ses
fois le cinéma assurait la couverture Colette. 1'architecture du XVIII' siècle a été collections est sans nul doute
médiatique d'un conflit. Lors de la aménagé en Musée Vivant du l'ensemble de 200 armes à feu qui
grande bataille de la Meuse, en Musée Colette. Château de Saint-Sauveur, Cheval. L'univers du cheval et de retrace l'histoire de l'armement
1916, des images furent même 89520 Saint-Sauveur-en-Puisaye. l'équitation à travers les âges y est portatif français de 1650 à 1918.
tournées en première ligne. Au Tél: (16) 86 45 61 95. présenté. Les visiteurs peuvent Dans les salles réservées à 1'Empire,
travers d'affiches, de photographies, découvrir des expositions aussi des mannequins revêtus de
de programmes de projection, Templiers et variées que le « Cheval et la soie », l'uniforme d'officier de hussard, de
d'extraits de films, l'exposition hospitaliers « le Cheval dans la mythologie ». grenadier à pied de la garde, de sous-
présente un panorama des différents Tous les premiers dimanches de officier de chasseur... voisinent avec
types d'images proposées au public Dès le XI' siècle, les pays chrétiens chaque mois, de février à novembre des souvenirs de 1'Empereur et de
entre 1914 et 1918. d'Europe se couvrirent d'un réseau inclus, les spectateurs peuvent, au ses maréchaux. Le musée évoque
de domaines ruraux dont l'essentiel cours du spectacle équestre, aussi la Grande Guerre : des débris,
Filmer la guerre de 1914-1918. Jusqu'au 30 des revenus était destiné à soutenir apprécier une quinzaine de tableaux, reliques percées, tordues et éclatées,
septembre. Historiai de la Grande Guerre, la mission des ordres de moines- où tant la beauté et 1'originalité des ramassées sur le front, des écriteaux
Château de Péronne, BP 63, 80201 soldats qui à Jérusalem assuraient la costumes que le travail équestre sont de tranchées, au côté d'un canon de
Peronne Cedex. Tél: (16) 22 831418. protection des Lieux saints. À la tête remarquables. A noter, le spectacle 75 français, ne peuvent manquer
de ces domaines, les Templiers et les spécifique de Noël tous les d'émouvoir.
Au service Hospitaliers placèrent un dimanches de décembre et le
de l'épopée commandeur, membre de l'ordre. premier dimanche de janvier. Musée de I'Empéri. Château de I'Empéri, 13300
Les lieux-dits<< La Commanderie >>, Salon-<le-Provence.Tél: (16) 90 56 22 36.
L'exposition retrace 1'histoire de «Le Temple», «L'Hôpital» Musée Vivant du Cheval, 60631 Chantilly.
l'épopée napoléonienne à travers la marquent encore aujourd'hui cette Tél: (16) 44 571313, Ouvert tous les jours, Les Normands aux
faïence fine des grandes survivance. L'exposition témoigne à sauf le mardi, de 10h30 à 18h00 XIe et XIJe siècles
manufactures du XIX' siècle (Creil, travers les vestiges qui subsistent en
Montereau, Gien ... ) Déjà utilisés Touraine de l'importance de ce L'or des Sarmates L'époque romane a marqué l'apogée
sous le Consulat comme mouvement. de 1'histoire des Normands. Les
propagande, ces pièces de faïence Les Sarmates étaient un peuple héritiers du duché fondé par les
populaires, essentiellement des Les commanderies templières et hospitalières nomade venu des steppes d'Asie Vikings deviennent des conquérants,
assiettes, mais aussi des pichets, des en Touraine. Jusqu'au 30 novembre. Hôtel centrale qui au III' siècle avant notre fondateurs de nouveaux royaumes.
bols, des sucriers, même des Goüin, 25 rue du Commerce, 37000 Tours. ère franchirent la Volga, et, Ils entreprennent la conquête de
lavabos, connurent une grande Tél: (16) 47 66 22 32. progressant vers l'Ouest, refoulèrent l'Italie méridionale. Sous leur
vogue sous la Monarchie de Juillet les Scythes, pour atteindre les portes emprise, le Mezzogiorno italien
et contribuèrent à répandre la Les Bretons des cités grecques de la mer Noire. devient une puissance européenne.
légende napoléonienne. Elles et la médecine Les 200 pièces réunies pour Une civilisation originale, à la
reproduisent les effigies de 1'exposition -et provenant des musées croisée de l'Orient et de l'Occident,
Napoléon et Joséphine, le château de L'exposition présentée au château de d'Azov et de Rostov-sur-le-Don-, voit alors le jour entre Capoue et
la Malmaison, les scènes des plus Kerjean, une demeure seigneuriale pointes de flèches, cruches d'argile, Palerme. À la même période, une
célèbres batailles, 1'exil à Sainte- du XVI' siècle, illustre quatre siècles nouvelle lignée, connue sous le nom
Hélène, ou le Retour des Cendres en d'histoire et de pratiques médicales de Plantagenêt, s'impose à la tête de
1840. Et parfois elles s'inspirent en Bretagne. Fontaines guérisseuses, 1'empire anglo-normand. Ses terres
directement des tableaux des grands statues de saints réputés protecteurs, s'étendent du nord de l'Angleterre à
peintres, comme David ou Girard. ex-voto peints ... témoignent d'un 1'Aquitaine, mais sa prédominance
temps où la maladie était considérée ne durera pas.
Des assiettes pour l'Empereur. Jusqu'au 2 comme un châtiment de Dieu. La
Jctobre. Musée national des Châteaux de reconstitution d'un jardin de plantes Italie des Normands, Normandie des
1.1almaison et Bois-Préau, avenue du médicinales rappelle leurs vertus Plantagenêts. Jusqu'au 25 septembre.
~hâteau de Malmaison, 92500 Rueil- thérapeutiques. Des objets Musée de Normandie, salle de l'Echiquier et
\1almaison. Tél: (1) 41 29 05 55. Eglise Saint-Georges du Château,
14000 Caen. Tél: (16) 31 86 06 24.
TUALITE DE L'HISTOIRE
LJVHES ANNONCl~S 11 y a cinquante ans, Biographies Correspondances,
Pierre Laval, mémoires
Essais, documents par Yves-Frédéric Jaffré. Hannibal, par Serge Lance!.
En septembre, chez Albin Michel. En octobre, chez Fayard. Journal (tome 1), par Léon Bloy.
L'Épopée des Croisades, par René En septembre, à L'Âge d'Homme.
Grousset (réédition). La Bataille d'Alger, par Pierre Pélissier. Brunehilde, la première reine de
En septembre, chez Perrin. En septembre, chez Perrin. France, par Roger-Xavier Lanteri. Cher Maître- 300 lettres inédites à
En septembre, chez Perrin. Charles Maurras- préfacé par
Libérer Jérusalem , la première La V' République 1958-1995 Pierre-Jean Deschodt.
croisade, par Jacques Heers. de De Gaulle à Chirac, Réhabilitation de Jeanne d'Arc, la En septembre, chez Bartillat.
En septembre, chez Perrin. par Arnaud Teyssier. reconquête de la France, par Régine
En septembre, chez Pygmalion- Pernoud. En septembre, au Rocher. Le Combat d'une vie,
Histoire et dictionnaire de la Gérard Watelet. parHélie Denoix de Saint-Marc.
France classique, par René Marie de Médicis, par André En octobre, chez Plon.
Pillorget. En novembre, chez Le Secret des jours Castelot. En septembre, chez Perrin.
Laffont, collection Bouquins. - une chronique sous Contre les Galiléens, par l'empereur
la V' République, Henriette d'Angleterre :duchesse Julien, introduction et traduction de
Cours au collège de France par Philippe de Saint Robert. d'Orléans, par Jacqueline Duchêne. Christopher Gérard.
(1838-1851 ), deux tomes, En septembre, chez Lattès. En octobre chez Fayard. En septembre, aux Éditions Ousia
par Jules Michelet. (Bruxelles, distribution J. Vrin.
En septembre, chez Gallimard. Le Dîner des Mousquetaires, trente Christine de Suède, par Françoise Paris) .
ans de vie littéraire,- recueil Kermina. En septembre, chez Perrin.
Le Roi, mythe, symbole et réalité, d'articles et chroniques-, Le Voyageur entre deux mondes, par
par Jean-Paul Roux. par Gabriel Matzneff. Louis Xl, par Emmanuel Bourassin. Walter Rex, introduction et
En septembre, chez Fayard. En septembre, à la Table Ronde. En septembre, chez Tallandier. traduction de Robert Steuckers.
En septembre, au Porte-Glaive.
La Grande histoire de la Seconde La Légion française des combattants Louise de Prusse, par Joël Schmidt.
Guerre mondiale, mai 1945- (nouvelle édition), En octobre, chez Perrin. Mythes
septembre 1945,- tome 9-, par par Jean-Paul Cointet. et peuples
Pierre Montagnon. En août, chez En octobre chez Albin Michel. Chronique de la France de Louis
Pygmalion-Gérard Watelet. XVI (1774-1789), par Pierre Rétat. Dracula, collectif sous la direction de
Dictionnaire historique, par En octobre chez Fayard. Charles Grive!.
Dominique Vallaud. En octobre, à L'Herne.
En septembre, chez Fayard. Bourdaloue, par Aimé Richardt. En
octobre, chez In Fine. Contes et légendes de Flandres et
EmU CIORAN Picardie, réunis et présentés par
(1911-1995) Le Duc de Morny, par Jean-Marie Marguerite Lecat et Eric Vanneufville.
Rouart. En septembre, chez Gallimard. En septembre, chez France-Empire.
Jeune écrivain roumain des années trente, Cioran vint à Paris peu
avant la guerre. Il y resta toute l'occupation, et ce qu'il apprit sur ce qui Desaix, le sultan de Bonaparte, Histoire des Goths, par Jordanes
se passait dans son pays ne l'incita pas à y rentrer : rebelle aux idéologies par Gonzague Saint-Bris. (traduit et présenté par Olivier
y compris au marxisme, il y aurait probablement perdu la vie. En septembre, chez Perrin. Devilliers).
En septembre, aux Belles Lettres.
Son exil fut une chance pour la France : il devint l'un des écrivains Vivant Denon, le cavalier du Louvre,
les plus audacieux et les plus profonds, après avoir décidé de par Philippe Sollers. Histoire de/' Espagne, par Joseph
poursuivre son œuvre directement dans notre langue, il vécut longtemps En octobre, chez Plon. Perez.
dans la précarité : quand je l'ai connu, il habitait un modeste hôtel du En septembre, chez Fayard.
Quartier latin. Sa situation s'améliora progressivement grâce à son Raspoutine, par Paul Mourouzy.
audience internationale et à ses travaux de traduction (c'était aussi un En septembre, au Rocher. Histoire des Arabes, sous la
linguiste exceptionnel), mais il se tint toujours à l'écart des honneurs et direction de Dominique Chevallier
des fonctions . Albert Schweitzer, par Pierre Lassus. et André Miquel.
En septembre, chez Albin Michel. En septembre, chez Fayard.
Je partageais son goût de la marche : nous nous sommes souvent
promenés ensemble, surtout au Luxembourg. Il avait la simplicité des Un Français nommé Pétain, par Histoire de la Lorraine, des temps
grands. Je ne me souviens pas qu'au cours de ces promenades, il ait fait Philippe Alméras. En octobre, chez anciens à nos jours, par Jean-Marie
une seule fois allusion à 1'un de ses livres. Il parlait de ce qui confirmait chez Robert Laffont. Cuny. Editions Jean-Marie Cuny.
son pessimisme, mais aussi de ce qu'il aimait : tel écrivain, telle 19 rue Saint-Michel, 54000 Nancy.
rencontre, telle ville, tel pays. C'est pourquoi je ne peux pas le Jacques Soustelle, par Bernard
considérer exclusivement comme le philosophe du désespoir et du Ullmann. En octobre, chez Plon. La France et/'Afrique, d'un Empire
néant. Il a certes connu plus d'une fois la tentation du suicide, mais il ruineux à une coopération inutile.ln
est mort de mort naturelle. C'est qu'en dépit de tout ce qu'il rejetait, il Giono, /'Italien, par Claude L'Afrique Réelle, n° 8-9, sous la
avait un goût profond de bien des choses, et j'ai eu parfois l'impression Mourthé. En septembre, au Rocher. direction de Bernard Lugan.
qu'une sorte de pudeur l'empêchait d'avouer que son désespoir n'était B.P. 6-03140 Charroux.
pas total. Faulkner, par Edouard Glissant.
En septembre, chez Stock. '
PAULSÉRANT
Jean Monnet, par Eric Roussel. Pagt•s réalist-f•s pm·
Gallimard a réuni les Œuvresde Cioran en un volume de sa nouvelle oollection En septembre, chez Fayard. Macha Manski
• Quarto ", 1820 pages, 175 F.
Juillet Agenda de 23 juillet
1er juillet !~histoire 1945- Ouverture à Paris du procès
du maréchal Pétain, âgé de 89 ans. Il
1863 - Premier jour de la bataille de 9 juillet 15 juillet sera condamné à mort le 14 août. Sa
Gettysburg en Pennsylvanie entre les peine ayant été commuée en
armées sudistes du général Robert E. 1762- La future Grande Catherine 1099 - Prise de Jérusalem par les détention à perpétuité, il mourra en
Lee et les armées nordistes du est portée sur le trône par un coup Croisés de Godefroy de Bouillon. 1951 sans avoir retrouvé la liberté.
général Meade. Contre leur attente, d'État de la Garde, conduite par les
les Sudistes furent vaincus. Cette frères Orlov qui assassinent le tsar 16 juillet 24 juillet
bataille marque le tournant capital de Pierre III.
la guerre de Sécession qui se 622 - Mahomet, poursuivi par les 1936 - Le colonel Moscardo,
terminera deux ans plus tard par la Le général RobertE. Lee, magistrats de la Mecque, est obligé commandant l'école des cadets de
victoire du Nord et l'écrasement du chef des armées sudistes de se retirer à Médine. La date de ce Tolède, assiégée depuis le 22 juillet
Sud . départ appelée << hégire » (de 1'arabe par les troupes du Front populaire,
10 juillet hidjra, expatriation) est le début de refuse de rendre 1'Alcazar en
2 juillet l'ère musulmane. échange de la vie de son fils pris en
1637 -Enregistrement des lettres otage. La tragique conversation
1035- Mort de Robert, dit le Diable patentes portant création de 17 juillet téléphonique entre le père et le fils
ou le Magnifique, duc de 1'Académie française. est restée célèbre. Luis Moscardo
Normandie, père de Guillaume le 1676 - Exécution de la marquise de sera fusillé le 14 août.
Conquérant. 11 juillet Brinvilliers. Les crimes de la
Marquise (son père, deux de ses 25 juillet
3 juillet 1302- Bataille de Courtrai, dite des frères et une de ses sœurs étaient
Éperons d'or. Victoire des milices morts empoisonnés en quatre ans), 1524 - Mort au château de Blois de
323 -Constantin l" remporte sur flamandes sur la chevalerie française furent découverts à la mort du sieur la reine Claude de France, première
l'Empereur Licinius la bataille conduite par Robert d'Artois. de Sainte-Croix qui lui avait appris épouse de François l", son cousin.
d' Andrinope (Hadrianapolis). Après L'anniversaire est devenu la fête 1'art des poisons. Elle était fille de Louis XII et d'Anne
le partage de 313, la partie orientale nationale flamande . de Bretagne. Elle laissa son nom à
de 1'Empire avait échu à Licinius 18 juillet une prune.
dont la politique religieuse était 12 juillet
hostile au christianisme. Constantin 387 av. JC- Les Gaulois, sous le 26 juillet
le fera étrangler en 325. La bataille 1790- L'Assemblée Constituante commandement de Brennus,
:l'Andrinople marque le triomphe du vote la Constitution civile du clergé. s'emparent de Rome. 1793- Établissement des premières
«parti chrétien». lignes télégraphiques par la
13 juillet 19 juillet Convention. La première expérience
4 juillet du télégraphe, conçu par Jean
1946- Condamnation à mort à 1896 -Obsèques du marquis de Chappe, avait eu lieu le 12 juillet
1904- Vote à la Chambre des Belgrade, par un tribunal titiste du Morès au cimetière Montmartre. 1793. Une dépêche avait été
1éputés de la loi interdisant le droit chef nationaliste et monarchiste serbe Saluant sa mémoire, Maurice Barrès transmise à quarante-huit lieux de
l'enseigner aux congrégations Mikhailovitch, abandonné par déclara : « Sur l'union de l'idée distance en treize minutes et quarante
·eligieuses. 1'Angleterre. socialiste et de l'idée nationaliste,je secondes.
ne crains jamais d'insister. Je crois
5 juillet 14 juillet que nous aurons servi la mémoire du Marie Thérèse d'Autriche
héros que nous honorons si nous
1801 - Victoire de la flotte française 1920- Promulgation de la Loi établissons fortement la puissance 30 juillet
1Algésiras sur la flotte anglaise. Maurice Barrès qui institue convergente des deux principes
officiellement la fête nationale de auxquels il dévoua ses efforts et sa 1683 - Mort de Marie-Thérèse
5 juillet Jeanne d'Arc. d'Autriche, reine de France.
vie. >> Fille de Philippe IV, roi d'Espagne et
1535- Exécution de Thomas More, d'Élisabeth de France, elle épousa
~rand chancelier d'Angleterre. Par 21 juillet Louis XIV en 1660, conformément
~râce spéciale du roi Henri VIII, la au traité des Pyrénées et contre sa
Jendaison fut remplacée par la 1921 - Désastreuse défaite espagnole renonciation au trône d'Espagne.
lécapitation. Sa tête resta exposée dans les défilés d' Anoual, au Maroc. Bossuet et Fléchier prononcent son
1uatorze jours sur le pont de Les dissidents rifains capturent oraison funèbre.
"ondres. 12 000 soldats espagnols.
7 juillet 22 juillet
.614- Mort de Pierre de 1306- Philippe le Bel ordonne
lourdeilles, seigneur de Brantôme. 1'expulsion des juifs et la saisie de
:es écrits et biographies d'hommes tous leurs biens sur le territoire du
t femmes célèbres ne furent publiés royaume.
]U'après sa mort.
J juillet
797- Proclamation de la république
:isalpine.
ENDA DE L'HISTOIRE
Août Journée du JO août 1792. Attaque des Tuileries et a"estation de la famille royale. 20 août
À droite, on voit le massacre des gardes suisses.
l er août 1949 - Rakosi, secrétaire général du
6 août 13 août Parti communiste hongrois, proclame
1469- Institution par Louis XI de la « République populaire hongroise >>.
l'ordre de Saint-Michel. Selon la 1552 -Arrêt du Parlement de Paris 1876 -Première représentation de la Les élections de novembre 1945
tradition, toutes les fois que les frappant d'interdiction les « écoles Tétralogie de Wagner au n'avaient donné que 17% des voix
Anglais s'approchaient du Mont buissonnières >>.L'origine de cette Festspielhaus de Bayreuth. aux communistes. Mais la présence
Saint-Michel, des orages éclataient expression remonte à l'époque où les de 1'Armée rouge imposera la prise
sur terre et sur mer. luthériens craignant d'être 14 août de pouvoir par les seuls communistes
découverts, allaient tenir leur cours quatre ans plus tard.
2 août d'enseignement dans la campagne. 1844- Bataille de 1'Isly. Capture de
la smala d' Abd-el-Kader par le duc 21 août
1546- Exécution d'Étienne Dolet, 8 août d'Aumale et le général Bugeaud.
imprimeur accusé d'athéisme. 1922- Michaël Collins, 1'un des
Condamné une première fois par une 1793- La Convention décide la 15 août chefs de l'Ira, est tué au cours d'une
chambre ardente, dont la mission suppression des académies et des embuscade dans la région de Cork.
était la condamnation au feu des universités. 1947 -L'Empire des Indes cesse
hérétiques ou des protestants, il fut officiellement d'exister. Le 3 juin, 22 août
sauvé par François l" qui lui accorda 9 août Lord Mountbatten, vice-roi des
des lettres de rémission. Le 2 août, il Indes, avait annoncé à la radio que le 1806 - Mort du peintre Nicolas
fut repris, jugé, condamné au feu par 1945- Lancement par les États-Unis gouvernement britannique avait Fragonard.
un tribunal ecclésiastique et brûlé vif de la deuxième bombe atomique sur accepté de considérer l'Inde comme
avec ses livres, place Maubert. la ville japonaise de Nagasaki. indépendante. 23 août
Guy de Maupassant 10 août 16 août 1914- Bataille de Charleroi. Le
caporal Pierre Drieu La Rochelle, du
3 août 1792- À 1'appel de Danton, la 1792- Décret fixant la majorité des 5' RI est blessé à la tête par un éclat
populace envahit le palais des Français à 21 ans. d'obus. Vingt ans plus tard, il
1919- L'armée roumaine entre dans Tuileries. Après le massacre des publiera La Comédie de Charleroi.
Budapest et met fin à la dictature gardes suisses qui, sur ordre du roi, 17 août
communiste de Béla Kun qui s'enfuit ont cessé le feu, Louis XVI et sa 24 août
en Russie. Accusé de famille sont placés en état 1987 - Mort par strangulation, à la
<< cosmopolitisme », il disparaîtra d'arrestation. Cette journée marque prison de Spandau de Rudolf Hess. 1972- Mort subite de Lucien
dans les grandes purges staliniennes la fin de la monarchie. Son fils accusera les autorités Rebatet, écrivain de race, polémiste
et sera réhabilité par Khrouchtchev anglaises de 1'avoir fait assassiner. redoutable et fasciste littéraire
en 1958. nullement repenti.
Il août 18 août
4 août 25 août
1804- François II, dernier empereur 1847 -Assassinat de la Duchesse de
1922- Mort d'Enver Pacha, du Saint Empire romain germanique, Choiseul-Praslin, née Farmy Sébastiani. 1807- Mort du comte de Portalis.
chargeant seul, sabre au clair, une renonce à son titre millénaire. Son mari Théobald, duc et pair de Avocat renommé, il contribua à
formation arménienne de 1'armée Désormais, il sera appelé François l", France, est soupçonné de lui avoir porté 1'édification du Code civil napoléonien.
rouge au Turkestan. empereur héréditaire d'Autriche. Le les 29 coups de couteau qui 1'ont tuée.
traité de Luneville en 1801 avait Malgré ses déclarations embarrassées et 26 août
5 août décidé la dissolution du vieil Empire contradictoires, le Duc de Choiseul-
germanique. Praslin nie toute responsabilité dans ce 1232 - Les Mongols brûlent Moscou.
1850- Naissance de Guy de crime. Arrêté puis incarcéré, il
Maupassant. Encouragé par son 12 août s'empoisonne dans sa cellule le 21 août 28 août
compatriote Flaubert, il devint et meurt sans avoir parlé.
célèbre à la publication de Boule de 1687- Deuxième bataille de 1789 - Dans le cadre de la discussion
suif (1880). Mohacs, revanche sur les Turcs qui 19 août sur les futures institutions du
avaient écrasé 160 ans plus tôt royaume, 1'Assemblée constituante
l'am1ée hongroise au même endroit 14- Mort du premier empereur aborde la question du veto royal. À
(29 août 1526) et conquis la Hongrie. romain, Octave-Auguste. droite du président de séance se
regroupent les partisans du veto, à
gauche ses adversaires. La division
droite-gauche est née ce jour-là.
29 août
1825- Reconnaissance par le
Portugal de 1'indépendance du Brésil.
31 août
881- À Sancourt-en-Vimeu, Louis III
(Ludwig), roi des Francs, inflige aux
Vikings la seule défaite sérieuse
qu'ils aient essuyée au cours de leur
conquête. Ses soldats composeront
sur le champ de bataille le
Ludwigslied, dernier texte connu
rédigé en francique.
•
AGENDA DE L'HISTOIRE
Septembre 10 septembre
1er septembre 1525- Naissance de Pierre de
Ronsard au château de la
1785 - Bonaparte est nommé Possonnière, près de Vendôme.
lieutenant en second. Cette date
marque Je début de la carrière 11 septembre
militaire du futur empereur.
1885- Naissance à Eastwood dans le
2 septembre Nottinghamshire de l'écrivain David
Herbert Lawrence, auteur de
1898- Bataille d'Omdurman au L'amant de Lady Chatterley. À sa
Soudan. Les forces anglo-égytiennes publication en 1928, le roman fut
du général Kitchener écrasent les interdit par la prude Angleterre.
Derviches de Khalifa. Un lieutenant
du 21' lancier, Winston Churchill, 12 septembre
participa à la charge, l'une des
dernières de l'histoire. 1764- Mort du compositeur
français, Jean-Philippe Rameau.
3 septembre
13 septembre Vaincu à Alésia, Vercingétorix se rend à César.
1783- La France, l'Espagne, la
Grande-Bretagne et les États-Unis 1515- Bataille de Marignan. Les 1 7 septembre inventeur du procédé de
d'Amérique signent à Versailles le troupes du roi de France, François 1", champagnisation.
traité de paix qui reconnaît rencontrent les piquiers suisses dans 1665- Mort de Philippe IV
J'indépendance de ces derniers. cette petite ville proche de Milan. d'Espagne. Ce sera la cause de la 25 septembre
L'Angleterre restitue à la France Après un essai de négociation, les guerre de Dévolution. Louis XIV
Tobago, Gorée et Je Sénégal. Mais Suisses attaquent. Le roi qui était à réclame pour sa femme Marie- 1902- Naissance à Kiel de l'écrivain
cette guerre a ruiné les finances de table, se lève et s'écrie « Qui Thérèse, fille aînée du défunt, les Ernst von Salomon. Sa mère était née
France, provoquant la Révolution. m'aime, me suive ! » L'artillerie provinces flamandes et la Franche- en Russie, son père en Angleterre.
Elle a également suscité la haine française aura raison des Suisses Comté. Cette guerre prend fin à la Un de ses ancêtres français, Louis-
inexpiable de l'Angleterre qui fera réputés invincibles. Le lendemain . paix d' Aix-La-Chapelle,le 2 mai Frédéric Cassian de Salomon avait
tout, jusqu'en 1815 et au-delà, pour François l" est armé chevalier par 1668. Louis XIV restitue la Franche- participé au complot de Pichegru
prendre sa revanche. Bayard sur le champ de bataille. Comté mais conserve une partie de la contre Napoléon.
Flandre espagnole.
4 septembre 14 septembre 26 septembre
19 septembre
1456- Le prince hongrois Jean Hunyadi 1792- Philippe, duc d'Orléans, 52 - Vaincu à Alésia, Vercingétorix
contraint les Turcs de Mohamed II à cousin de Louis XVI dont il avait 1919- Traité de Saint-Germain se rend à César. La Gaule tombera
lever Je siège de Belgrade après une voté la mort, s'affuble du nom de imposant le dépeçage de l'Autriche pour longtemps sous l'influence de
résistance de 40 jours. Philippe-Égalité et baptise ses jardins des Habsbourg et de la Hongrie. Rome et de l'Orient.
du Palais-Royal « Jardin de la
5 septembre Révolution ». Il sera guillotiné le 6 20 septembre 2 7 septembre
novembre 1793.
1661 -Arrestation par le chevalier 1703- Déposition de Mustapha II, 1736- Mort de Duguay-Trouin,
d'Artagnan, capitaine des 15 septembre empereur ottoman. Son frère, marin français. La hardiesse et le
mousquetaires, du surintendant Achmet lui succéda. courage de ce malouin firent de lui
Fouquet, sur ordre du jeune Louis XIV. 1943- Proclamation par Mussolini une des figures de la marine
ll mourra incarcéré à Pignerol, le 23 de la République sociale italienne en 21 septembre française. À sa mort, il était chef
mars 1680, victime de la vindicte Lombardie. d'escadre, commandeur de J'ordre de
royale et de la haine de Colbert. 1832- Mort du romancier écossais, Saint Louis et lieutenant-général.
16 septembre Sir Walter Scott. Magistrat de
6 septembre profession, il avait écrit Quentin 29 septembre
1809- Les Il officiers du corps- Dwward en 1823, créant le genre
1948- Couronnement de la reine franc du major von Schill, capturés nouveau du roman historique. 1820- Naissance du duc de
Juliana, à Amsterdam. Sa mère, la reine peu avant, sont fusillés par les Bordeaux, futur comte de Chambord,
Wilhelmine, avait abdiqué en sa faveur Français à Wesel. Leur exemple 22 septembre fils posthume du duc de Berry et
à cause de son grand âge Je 30 juin. galvanisera le nationalisme prussien. petit-fils de Charles X.
1253- Mort de Wenceslas III, roi de
8 septembre Duguay- Trou in Bohême, à la suite d'un accident de 30 septembre
chasse. Il avait déjà perdu un œil au
1380- Première victoire des Russes cours d'une partie de chasse 1928- L'Anglais Alexander Fleming
sur les Tartares remportée par le précédente... découvre la pénicilline.
grand-prince de Moscou Dimitri
Donskoï sur la Horde d'Or à 24 septembre Pa;H·~ r·e, al'll'iC, ('S par·
Koulikovo (champs des bécasses).
1715- Mort à l'abbaye de EI'Ïc Coutaru·t·s
9 septembre Hautvilliers, près d'Épernon, du
moine bénédictin Dom Pérignon,
~-Arminius (Hermann) défait
l'armée romaine de Varus à Teutoburg.
Une destinée
A près l'avoir beaucoup brocardé, critiqué, combattu, Dix-huit ans après, la même logique nourrit une impitoyable
admiré aussi de son vivant, les Françaisen sont venus vindicte contre les pieds-noirs, les officiers et tous ceux que
à chérir la figure posthume de l'homme intraitable révoltait la duplicité de la politique algérienne.
que ne cesse de grandir la comparaison avec le temps présent.
Quelle fut la vérité de ce personnage d'exception et quelle sera À moins de vingt ans de distance, les deux périodes de
sa place dans l'Histoire ? N'est-il pas trop tôt encore pour gouvernement du général de Gaulle furent ainsi marquées par
répondre? ce qu'il faut bien appeler une guerre civile. Dans ces deux cir-
constances, une sorte de malédiction voulut qu'il s'opposât à
Le chef de bataillon de Gaulle avait quarante-deux ans, en des hommes appartenant à sa famille de pensée. Les traitant en
1932, quand il exaltait à la dernière page du Fil de l'épée, 1'un ennemis, il s'appuya pour les vaincre sur les courants du
des livres où il s'est le mieux livré,« les ambitieux de premier « relâchement et de la médiocrité ». À deux reprises, il les
rang [...] qui ne voient à la vie d'autre raison que d'imprimer brisa, ouvrant la voie sans le savoir aux germes putrides de la
leur marque aux événements et qui, de la rive des jours ordi- décadence et de la nuit. Un jour de mai 1968, apparut soudain
naires, ne rêvent qu'à la houle de l'histoire ». Mais il avait à ses yeux stupéfaits et impuissants une « chienlit » dont il
quinze ans quand, en 1905, au collège des jésuites de l'Imma- avait involontairement préparé le triomphe. Cet homme si
culée-Conception, il consigna sur un carnet brun un récit
d'anticipation dans lequel il se voyait déjà en « général de
Gaulle » sauvant la France.
Bien d'autres adolescents ont ainsi rêvé de jouer un grand
rôle. Mais lui réalisa ce rêve jamais abandonné. C'est toute la
différence. Jamais il ne douta de ses talents supérieurs, tirant
de cette certitude orgueilleuse une assurance, une autorité cas-
sante, une suffisance même qui le rendirent souvent insuppor-
table à ses camarades officiers et odieux à ses subordonnés
(ceux, par exemple, de la 4• DCR).
Le général André Laffargue, qui fut le camarade du capi-
taine de Gaulle à l'École de Guerre en 1922, prit le parti d'en
sourire : « À la réunion d'ouverture, dans l'amphithéâtre des
conférences, je vis un grand, très grand capitaine en bleu
horizon descendre les gradins pour rejoindre sa place. Il mar-
chait très droit, raide, grave, en se regorgeant, comme s'il
déplaçait sa propre statue. [...] Je ne pus m'empêcher de
m'écrier en moi-même : "Eh bien, en voilà un qui ne se prend
pas pour peu de chose !" »
Ce trait de tempérament, associé à un caractère profondé-
ment rancunier et vindicatif, mais aussi à des qualités rares,
servit son étonnante carrière et soutint son intransigeance
exemplaire face aux alliés. Malheureusement il fut également
la cause de drames épouvantables.
Dès lors que, dans les premières semaines de l'été 1940, de
Gaulle, par un effort héroïque, eut commencé de s'identifier à
la France, toute contestation visant sa personne, ses propos ou
ses actes, fut assimilée à une offense faite à la France même.
Cette logique, inséparable de celle de la« légitimité », précipi-
ta les persécutions dont furent victimes, en 1944 et au-delà,
tant de Français qui avaient eu le malheur d'être pétainistes.
ÉDITORIAL
~ontradictoire
/ cnt1que des sophismes idéologiques, le primat de l'intérêt
national, le « politique d'abord ». Il s'en distingua cependant
lucide par ailleurs et d'une moralité personnelle inattaquable, par une vision beaucoup plus ouverte, barrèsienne en quelque
n'avait pas entendu l'avertissement d'Henry de Montherlant sorte. Celle d'une histoire nationale unitaire, acceptant la
dans La Guerre civile, pièce donnée à Paris en 1965 : «Qui a République comme un fait acquis. Plus tard, il y ajoutera la
ouvert l'égout, périra par l'égout... » perception d'une communauté de destin européenne ancrée sur
un môle franco-germanique.
Vingt-cinq ans après la mort du Général, le temps ayant fait
son œuvre, la cruauté des conflits entre frères ennemis s'est Dès les années trente, de Gaulle a déjà placé ses ambitions
estompée. Subsiste la trace d'une philosophie politique, nationa- bien au-delà de sa carrière militaire. Celle-ci est un tremplin, pas
le et nietzschéenne, opposée aux miasmes de l'époque. Et les le but. Ce qui l'attire est d'ordre politique. Dans Le Fil de l'épée,
disciples actuels de cette pensée sont souvent les cadets ou les le portrait qu'il dresse de l'ambitieux de haute stature n'est pas
fils d'hommes qui avaient le plus violemment combattu le fon- seulement celui d'un soldat. C'est celui d'un soldat qui prend en
dateur de la V' République à l'époque de l'Algérie. charge les affaires de la nation, un Louvois ou un Carnot. Et il
souligne : « On ne fait rien de grand sans de grands hommes, et
Charles de Gaulle était un homme de droite issu d'une ceux-ci le sont pour l'avoir voulu. » Proposition plus proche de la
famille légitimiste proche de l'Action française. Lui-même philosophie mussolinienne que de la vulgate démocratique telle
avait été fortement marqué par l'enseignement maurrassien, la qu'on la professe alors sur les bords de la Seine ou de la Garonne.
Bien entendu, le lieutenant-colonel de Gaulle n'est pas fas-
ciste. Sa vision des choses n'est pas celle d'un révolutionnaire.
Il est conscient des graves défaillances de la III' République,
mais il ne songe pas à la renverser, tout au plus à la réformer.
Il ne rêve pas à la dictature, mais à un grand ministère placé
sous son autorité, qui coifferait à la fois la Guerre et dans une
certaine mesure les Affaires étrangères, le futur « domaine
réservé » du président de la V' République.
Dans cet espoir, il multiplie les contacts avec les hommes
politiques capables de lui ouvrir les portes du gouvernement.
Ce que fera, fmalement, son protecteur, Paul Reynaud, dans
les dramatiques circonstances de juin 1940.
Tel il se définit lui-même dans ses livres, tel il apparaîtra
bientôt sous les projecteurs. De Gaulle n'est pas un idéologue.
C'est un homme d'action prêt à faire son miel de tout. Son
ambition n'est pas de changer le monde, mais d'utiliser les cou-
rants qui le font changer.
Sa vision machiavélienne de l'État lui interdit de voir au-
delà. De voir qu'en ce siècle il n'y a pas de redressement natio-
nal sans pédagogie nationale. Ce qu'il veut, c'est le pouvoir, la
maîtrise de 1'État, un État stable et fort pour exercer la grande
politique à laquelle il se sent destiné. Être la France dans le jeu
des puissances, ce qu'il appelle « la grandeur » voilà son ambi-
tion et ses limites. Mais, contrairement à tant de velléitaires ou
d'ambitieux médiocres, le général de Gaulle possède les qualités
de ses ambitions. Ce qui, plus tard, fascinera tant André Mal-
raux.
DOMINIQUE VENNER
UNE CHRONOLOGIE
Charles de Gaulle
1890-1970
PAR PHILIPPE CONRAD
22 novembre 1890. Naissance à Saint-cyrien en 1910 Avril 1919. Le capitaine de Gaulle est
Lille de Charles, André, Joseph, Marie de détaché près de l'armée polonaise et chargé de
Gaulle, fils de Henri de Gaulle et de son épou- 1916. Il est blessé et fait prisonnier le 2 cours à l'École d'application de l'infanterie de
se Jeanne, née Maillot. mars à Douaumont. Il sera détenu en Alle- Rembertov.
1896·1900. Le jeune Charles effectue ses magne pour la suite de la guerre. Il est enfermé 30 juillet-20 août 1920. Il participe
études primaires à Paris, à l'école Saint-Tho- successivement à Osnabrück, Neisse, Ingol-
mas-d'Aquin. stadt, Rosenberg, Passau et Wurtzburg. Sa aux opérations engagées par l'armée polonaise
Octobre 1900-juin 1907. Études captivité durera trente-deux mois au cours des- sur la Vistule pour contenir l'Armée rouge qui
quels il tentera à cinq reprises de s'évader. a envahi la Pologne.
secondaires à l'école libre de l'Immaculée 1921. Il est affecté à Saint-Cyr comme pro-
Conception de Paris-Vaugirard. fesseur d'histoire en février puis épouse le 6
1907. Charles s'inscrit en classe préparatoi- avril Yvonne, Charlotte, Anne-Marie Ven-
re à l'École centrale à l'école libre du Sacré- droux, née en 1900, fille d'un industriel de
Cœur d'Antoing, en Belgique. Calais.
Octobre 1908. Il entre au collège Sta- 28 décembre 1921. Naissance d'un
nislas de Paris, en classe préparatoire au fils prénommé Philippe en 1'honneur du maré-
concours de 1'École spéciale militaire de chal Pétain.
Saint-Cyr. 1922. Il entre en novembre à l'École supé-
1909. Reçu 119' à Saint-Cyr, il rejoint le rieure de Guerre.
33' régiment d'infanterie cantonné à Arras. 1924. Il publie un premier ouvrage, La Dis-
191 O. Il entre comme élève officier à corde chez l'ennemi, qui rend compte des der-
l'École spéciale militaire au sein de la promo- niers mois de la guerre mondiale dans le camp
tion« Fez». allemand.
1911. Il est promu, le 1" octobre, au grade 15 mai 1924. Naissance d'une fille, Éli-
de sous-lieutenant. sabeth.
1912. Il sort de Saint-Cyr en octobre, au Octobre 1924. Il sort de 1'École supé-
treizième rang sur une promotion de 211 rieure de Guerre avec mention « Bien ».
élèves officiers. Il est affecté au 33' régiment 1925. Stagiaire au 4' bureau de l'état-major
d'infanterie que commande alors le colonel de l'armée du Rhin, il est détaché en juillet à
Philippe Pétain. l'état-major du maréchal Pétain, alors vice-
1913. Il est promu au grade de lieutenant. président du Conseil supérieur de la Guerre, en
1914. Il est blessé à Dinant, le 15 août, tant qu'« officier de plume ».
alors que va s'engager la bataille des fron- 1927. En présence du maréchal Pétain qui
tières. l'a imposé, il présente à l'École de Guerre
1915. Décoré de la croix de guerre en jan- trois conférences remarquées, respectivement
vier, il est blessé à la main dans la Somme au intitulées« L'action de guerre et le chef»,« Du
cours du mois de mars et se retrouve promu au caractère >> et « Du prestige ». Il est promu en
grade de capitaine le 3 septembre. septembre au grade de chef de bataillon et part
CHRONOLOGIE
DE GAULLE ET PAUL REYNAUD
prendre le commandement du 19' bataillon de Récemment promu général de brigade à titre temporaire, de Gaulle entre dans le gouverne-
chasseurs en garnison à Trèves. ment Paul Reynaud (deuxième en partant de la gauche) le 5juin 1940 en qualité de sous-secrétaire
1928. Naissance de sa fille Anne, qui reste- d'État à la Guerre. De ce modeste portefeuille ministériel, il fera, grâce à un drame national excep-
ra handicapée. tionnel, le piédestal de son ascension future.
1929. Il part pour 1'armée du Levant, où il
servira aux 2' et 3' bureaux. C'est le 5décembre 1934 que le lieutenant- remportée dans la plus difficile conjoncture qu'on
1931. Il publie, avec le chef de bataillon colonel de Gaulle rencontre pour la première fols puisse imaginer. Veuillez me tenir, Monsieur le
Yvon, une Histoire des troupes du Levant. Il Paul Reynaud, l'un des leaders de l'Alliance Ministre, demain comme hier, pour résolu à vous
est nommé en novembre à la 3' section du démocratique qui, député de Paris, aété ministre servir. » Le 16 juillet il adresse à Reynaud un
secrétariat général de la défense nationale. des Finances en 1930. L'auteur de Vers l'Armée de argumentaire qui doit lui permettre de défendre
1932. Publication du Fil de l'épée. métier sait qu'il ne peut guère attendre de la haute devant Daladier, ministre de la Défense nationale,
Décembre 1933. Il est promu au grade hiérarchie militaire la mise en œuvre de ses projets le projet de corps cuirassé. Un mois plus tard, il
de lieutenant-colonel. de force mécanisée. Il suscite généralement chez présente sa candidature à un portefeuille
1934. Publication en mai de Vers l'armée ses supérieurs la méfiance, voire l'irritation. C'est ministériel : " La France n'apas un jour à perdre
de métier. Acquisition à Colombey-les-Deux- tout naturellement sur un leader politique pour entreprendre une politique militaire nouvelle.
Églises, en Haute-Marne, de la propriété de La apparemment plein d'avenir qu'il reporte ses Qui lui donnera le ministre assez clairvoyant pour
Boisserie. Première rencontre en décembre espoirs, au moment où Hitler s'apprête à réarmer comprendre, assez hardi pour entreprendre, assez
avec Paul Reynaud qui se fera devant la l'Allemagne. Le jour même où le chancelier du ferme pour exiger ?•.. » Deux ans plus tard, en
Chambre le porte-parole des thèses défendues Reich annonce sa décision, Reynaud défend pleine crise tchécoslovaque, une semaine avant la
par de Gaulle. devant la Chambre et contre l'avis du signature des accords de Munich, flatteur et
1936. Il est affecté, comme chargé de cours, commandement le projet de formation d'un corps empressé, de Gaulle affirme à Paul Reynaud " voir
au Centre des hautes études militaires. Il de bataille cuirassé fort de sept divisions, venir, sans nulle surprise, les plus grands
explique sans succès en octobre au président directement inspiré des théories de De Gaulle. Le événements de l'Histoire de France et je suis
du Conseil Léon Blum l'urgence de la création futur général entretient des relations régulières assuré que vous êtes désigné pour yjouer un rôle
d'une armée blindée et mécanisée mais il n'est avec son interlocuteur privilégié dans le milieu prépondérant. Laissez-moi vous dire qu'en tout
pas entendu. politique. Il se sent proche de cette personnalité cas je serai, à moins d'être mort, résolu à vous
1937. Affecté en juillet au 507' régiment de atypique de la droite libérale, hostile à l'Italie servir, s'il vous plaît. " Devenu président du
chars de Metz, il est promu au grade de colo- mussolinienne puis aux accords de Munich. En Conseille 21 mars 1940, Reynaud s'attribue le
nel en décembre. mai 1936, de Gaulle félicite Reynaud pour le ministère de la Défense nationale et de la Guerre à
1938. Publication de La France et son succès qu'il vient de remporter à l'occasion des partir du 18 mai et fait entrer le 5juin dans son
armée, ce qui va le brouiller définitivement élections qui ont vu la victoire du Front populaire : gouvernement le colonel de Gaulle, qu'il nomme
avec le maréchal Pétain. " C'est avec une joie profonde que je vous adresse général de brigade à titre provisoire...
1939. Il est nommé commandant par inté- mes respectueuses félicitations pour votre victoire
rim des chars de la V' armée, à la veille de la Ph.C.
déclaration de guerre.
Janvier 1940. Il rédige un mémoran- moyens navals de continuer la lutte en Afrique 18 juin 1940. Il lance son premier appel
dum consacré à l'Avènement de la force méca- du Nord. sur les ondes de la BBC.
nique qu'il fait parvenir à des parlementaires à 16 juin 1940. De retour à Bordeaux, il 22 et 24 juin 1940. Signatures à
et diverses personnalités. apprend la démission de Paul Reynaud et la Rethondes et à Rome des armistices conclus
26 avril 1940. Commandant par intérim constitution imminente d'un cabinet Pétain. avec 1'Allemagne et 1'Italie.
de la 4' division cuirassée de réserve. 17 juin 1940. Il quitte Bordeaux pour 28 juin 1940. Le gouvernement britan-
17 au 30 mai 1940. La 4' DCR est Londres en compagnie du général Spears. Il nique reconnaît de Gaulle comme « chef des
engagée contre les forces allemandes qui est reçu par Winston Churchill. Français libres »
débouchent de la trouée de Sedan, à Montcor-
net (17 mai), à Crécy-sur-Serre (19 mai), enfin
à Abbeville (à partir du 27 mai). Le 25 mai, le
colonel de Gaulle est nommé général de briga-
de à titre temporaire.
5 juin 1940. Devenu président du
Conseil le 19 mars précédent, Paul Reynaud
remanie son ministère et nomme de Gaulle
sous-secrétaire d'État à la Guerre.
9 juin 1940. De Gaulle se rend à
Londres et y rencontre Churchill, mais
n'obtient pas les renforts anglais espérés.
14 juin 1940. Nouvelle mission à
Londres pour obtenir des Britanniques les
Le général de Gaulle, à Londres, au micro de la BBC. ÉCHEC DEVANT
DAKAR
3 juillet 1940. Attaque anglaise contre 23· 25 septembre 1940. Échec de
Mers el-Kébir, 1 300 marins français sont tués. l'opération franco-britannique contre Dakar où Les 7 et 8 juillet 1940, les appareils du
Le lendemain, à la BBC, de Gaulle justifie cet le gouverneur Boisson, fidèle à Vichy, résiste porte-avions britannique « Hermès »avaient
acte de guerre. victorieusement. attaqué Dakar et endommagé le cuirassé
Juillet-août 1940. Ralliement à la 24 septembre 1940. Ralliement à la « Richelieu"· Il s'agissait pour les Anglais
France libre des Nouvelles-Hébrides, de Tahi- France libre de la Nouvelle-Calédonie. -comme à Mers ei·Kébir- d'écarter tout
ti, du Tchad, du Cameroun, du Congo et de 24 octobre 1940. Entrevue de Mon- danger de mainmise des forces de l'Axe sur
1'Oubangui-Chari. toire entre Pétain et Hitler. les navires de guerre français. Moins de
2 août 1940. De Gaulle est condamné 9 novembre 1940. Ralliement du trois mois plus tard, une nouvelle opération
par contumace à la peine de mort et à la dégra- Gabon. est lancée contre le grand port français
dation militaire par un tribunal militaire fran- 17 novembre 1940. Institution de d'Afrique occidentale. Les Anglais veulent
çais présidé par le général Frère. l'ordre de la Libération. s'emparer de cette position stratégique. Ils
7 août 1940. Accord de Gaulle-Chur- 1er janvier 1941. Arrestation par les convoitent des Installations précieuses pour
chill consacrant la reconnaissance de la France Anglais de l'amiral Muselier. le ravitaillement et les réparations des
libre par l'Angleterre et assurant son finance- 1er mars 1941. Prise de Koufra (Libye) navires empruntant la route du Cap. Pour de
ment. par la colonne Leclerc. Gaulle, il s'agit avant tout de donner à la
France libre une véritable base territoriale,
LE PROCÈS DE 1940 au moment où quatre des cinq colonies
d'Afrique équatoriale l'ont déjà ralliée.
Le 4juillet 1940, un tribunal militaire formé de concentration du Struthof. Une condamnation à Accessoirement, de Gaulle ne pouvait
sept généraux convoqués àToulouse "en tenue de mort que les partisans du régime de Vichy ignorer la présence à Dakar de l'or de la
campagne et casque "condamne le colonel de présenteront après coup comme symbolique et banque de France ainsi que celle de l'or
Gaulle (il est cassé de son grade de général de simplement destinée àtromper les Allemands polonais et belge mis à l'abri outre-mer au
brigade àtitre provisoire depuis le 22 juin) àquatre quant aux intentions du Maréchal d'appliquer les moment de l'invasion. Ce qui ne devait être,
ans de prison et cent francs d'amende. On lui clauses de l'armistice. Le chef de l'État amême joint dans l'esprit des Français libres, qu'une
reproche d'avoir quitté la France pour l'Angleterre une note manuscrite suffisamment explicite au simple formalité allait toutefois très mal se
sans autorisation et d'avoir invité les militaires àla dossier, mais on ne sait s'ille fit tout de suite après terminer. La flotte de l'amiral Cunningham se
désobéissance. Une condamnation jugée présenta devant Dakar à l'aube du 23
insuffisante après l'affaire de Dakar et la le jugement ou plus tard, peut-être en 1943. Elle septembre mais les diverses actions
« dissidence » de plusieurs colonies d'AEF. Un était rédigée en des termes qui ne pouvaient prêter envisagées aboutirent toutes à des échecs :
nouveau procès est donc organisé le 3 août à àéquivoque : « Le jugement du général de Gaulle le petit groupe chargé du coup de main
Clermont-Ferrand, suite àla manifestation de " faits contre l'aéroport de Ouakam se retrouva en
nouveaux». Le rebelle de Londres est désormais s'est imposé: 1°) par une nécessité de discipline prison. Les Français libres débarqués sur la
accusé de trahison, d'atteinte à la sûreté extérieure militaire, 2°) comme valeur d'exemple afin d'arrêter plage de Rufisque furent repoussés.
de l'État et de désertion en temps de guerre. Autant un mouvement d'exode d'officiers français vers Boislambert, qui devait rallier des
de chefs d'accusation dont la gravité justifie la l'étranger, 3°) il est évident que ce jugementpar sympathisants dans Dakar fut lui aussi
condamnation àmort de l'intéressé par un tribunal contumace ne peutêtre que de principe.//n'a arrêté, enfin Thierry d'Argenlieu, envoyé en
militaire convoqué par le général de Lattre de jamais été dans ma pensée de lui donner une suite, parlementaire, ne put débarquer et essuya
Tassigny et présidé par le général Frère, futur héros 4°) je suis prêt au contraire àm'associer aux actes même des tirs au moment de son repli. Pour
de la Résistance qui mourra au camp de qui faciliteront le retour de l'ordre en France et la France libre, c'était l'échec total mais les
l'union des cœurs entre tous les Français..• » Anglais décidèrent alors de prendre l'affaire
en mains. Ils n'eurent pas plus de chance,
Ph.C. perdirent plusieurs avions torpilleurs de
l'Ark Royal, le cuirassé " Resolution " fut
gravement endommagé par un sous-marin et
les salves du « Richelieu »contraignirent le
« Barham » à la retraite. L'amiral
Cunningham dut admettre son échec et
replier sa force " M». Pour de Gaulle l'échec
se révélait particulièrement cinglant. On dit
même qu'il aurait songé un instant au
suicide. Sa " légitimité " se trouvait toujours
limité aux colonies d'importance secondaire
d'Afrique centrale et du Pacifique.
Ph. C.
CHRONOLOGIE
L'AFFAIRE DE SYRIE L'ASSASSINAT
DE DARLAN
Après l'échec de Dakar, le général de Gaulle
espère un ralliement du Levant à sa cause car Il Juin 1941. Les forces anglo-gaullistes La présence fortuite de l'amiral Darlan à
mesure l'Intérêt que présentent les forces pénètrent en Syrie et au Liban restés fidèles à
militaires non négligeables qui s'y trouvent Vichy. La campagne se termine avec l'armisti- Alger au moment du débarquement anglo-
concentrées. Mais les efforts de De Gaulle et ce de Saint-Jean d'Acre, conclu entre les
Anglais et les autorités fidèles à Vichy, accords américaln du 8 novembre 1942 avait créé une
ceux du général catroux, promu au rang de rejetés par de Gaulle qui se méfie des tentatives
haut-commissaire pour l'Orient restent sans de mainmise britannique sur le Levant français. situation Inattendue. SI l'Armée d'Afrique,
résultats. L'armée française du Liban et de Syrie Grave conflit avec Churchill. Dix jours plus
tard, les accords de Gaulle-Lyttleton reconnais- foncièrement pétainlste, et l'opinion
demeure loyale au gouvernement du maréchal sent les droits de la France libre au Levant,
Pétain. Les Anglais ne sont guère mais l'indépendance de la Syrie et du Liban est algérienne étalent disposées à accepter
enthousiasmés par les projets gaullistes dans la proclamée quelques semaines plus tard par le
mesure où Ils ont déjà fort à faire en général Catroux, délégué de De Gaulle. l'autorité de l'Amiral soutenu par les
Méditerranée orientale et où ils craignent les 24 décembre 1941. Ralliement de
réactions d'un monde arabe travaillé par la Saint-Pierre-et-Miquelon à la France libre : Américains, divers clans lui étaient
propagande de l'Axe. C'est la révolte début de la tension avec le gouvernement amé-
déclenchée en Irak par Rachid Ali qui va les ricain. radicalement hostiles. Le " Groupe des
convaincre de s'engager, pour protéger SUez. Janvier 1942. Jean Moulin est chargé
En effet, les Allemands utilisent brièvement par de Gaulle de coordonner en zone libre Cinq »,qui avait collaboré à la préparation du
certains aérodromes français de Syrie pour 1'action des différents mouvements de résis-
ravitailler les rebelles irakiens et cette tance. débarquement allié et comptait sur le général
Intervention peut bouleverser l'équilibre proche- 5 mai 1942. Débarquement des Anglais
oriental au moment de l'invasion des Balkans et à Madagascar. Giraud. Le comte de Paris, qui rêvait, depuis
de la prise de la Crète par les parachutistes du 26 mai-11 juin 1942. Bataille de Bir
Reich. L'accord anglo-gaulllste pour l'action Hakeim. le Maroc espagnol, à une possible
contre le Levant qui va se déclencher dans la 10 juin 1942. « J'ai la charge des inté-
nuit du 7au 8juin 1941 est lourd de sous- rêts et du destin de la France, déclare-t-il à restauration. Les milieux gaullistes, qui
entendus puisque les Anglais annoncent leur Winston Churchill. C'est trop lourd et je suis
Intention d'accorder l'indépendance à la Syrie et trop pauvre pour me coucher. » refusaient pour leur part d'entendre parler
au Liban sous caution britannique. De Gaulle 9 juillet 1942. Le Comité national fran-
entend pour sa part maintenir la souveraineté çais est reconnu par les États-Unis comme d'un homme Issu du régime de Vichy. On
française. Ce sera la source d'un grave conflit symbole de résistance française à 1'Axe.
avec Churchill. La rivalité féroce qui aopposé 14 juillet 1942. La France libre prend Imagine aisément que l'assassinat de
Français et Anglais en Orient, pendant et après le nom de France combattante.
la Première Guerre mondiale, est toujours 28 septembre 1942. L'URSS recon- l'amiral, perpétré le 24 décembre 1942 par le
vivace. Les 20 000 hommes engagés par le naît la France combattante et le Comité natio-
général Wavell et la 1... Division Française Libre nal français qui la dirige. jeune Fernand Bonnier de la Chapelle
du général Legentllhomme vont se heurter à 8 novembre 1942. Débarquement
une farouche résistance des Français du Levant anglo-américain en Afrique du Nord. De Gaul- - exécuté lui-même moins de quarante-huit
demeurés fidèles à Vichy, sous l'autorité du le, qui n'a pas été averti, confie au colonel
général Dentz.ll faudra l'engagement Billotte : «J'espère que les gens de Vichy vont heures plus tard -allait ouvrir la vole à de
d'Importants renforts pour que Dentz, Isolé, les foutre à la mer. »
coupé de tout ravitaillement, consente 11 novembre 1942. Discours de multiples hypothèses quant aux
finalement, avec l'accord de Vichy, à demander l'Albert Hall au cours duquel de Gaulle
un armistice, signé à Saint.Jean-d'Acre le 12 dénonce les négociations entre Darlan et les commanditaires et aux bénéficiaires de cet
Américains.
juillet. Ala grande colère du général de Gaulle, 24 décembre 1942. Assassinat de attentat. L'affaire est maintenant bien connue
l'amiral Darlan, remplacé par le général
les Anglais réservent les droits de Vichy sur les Giraud. dans ses grandes lignes. Bonnler de la
territoires concernés et les troupes vichystes 23 janvier 1943. De Gaulle rencontre,
reçoivent les honneurs de la guerre. Des à la conférence d'Anfa, Churchill, Roosevelt Chapelle aprétendu avoir agi seul mais ce
volontaires pourront rallier la France Libre, et Giraud.
(3 000 sur 35 000), les autres étant rapatriés sur 27 mai 1943. Première réunion du CNR jeune exalté s'est ouvert de ce projet en
des navires français. Ils seront salués à leur (Conseil national de la Résistance) à Paris
arrivée à Tunis, le 12 octobre 1941 par le général sous la présidence de Jean Moulin. Dans une confession à l'abbé Cordier, lui-même officier
de Lattre de Tassigny : « Rapatriés de Syrie, motion, le CNR reconnaît l'autorité du général
regagnez vos foyers, confiants dans tes de Gaulle à l'exclusion de tout autre. de renseignement et proche d'Henri d'Astier
destinées de ta France, et portez vos regards de la Vigerle, l'un des leaders du « groupe
vers l'Image sereine et magnfflque du maréchal des cinq», Le jeune homme va tomber sous
Péfaln, notre guide et notre sauveur.•. »
Emprisonné à la Libération dans des conditions l'influence de cet abbé Cordier qui croit lui·
épouvantables, le général Dentz mourra de froid
dans sa cellule le 13 décembre 1945. même agir au bénéfice du comte de Paris,
Ph.C. arrivé à Alger au début du mois de
décembre. On promet en tout cas au jeune
assassin qu'il pourra s'enfuir et bénéficier
d'une totale Impunité. Or, Henri d'Astier a un
frère, le général François d'Astier de La
Vlgerie, émissaire gaulliste, qui arrive à Alger
le 19 décembre et y rencontre le comte de
Paris avant de déclarer au président du
conseil général d'Oran que Darlan « va
dlsparaitre physiquement». Le 21 décembre,
le comte de Paris demande à ses partisans
(Henri d'Astier et l'abbé Cordier) d'éliminer
l'amiral. Le 22, le même abbé Cordier confie
à Mario Faivre, l'un des jeunes acteurs du
complot, que c'est François d'Astier qui a
transmis l'ordre d'en finir avec Darlan. On
connaît la suite et la justice expéditive
voulue par le général Giraud, soucieux de
faire un exemple. Désabusé, Henri d'Astier
pouvait tirer un peu plus tard la leçon de
l'affaire : « De Gaulle s'est servi de l'un pour
abattre l'autre "·
Ph.C.
L'AMIRAL MUSELlER, Au lendemain de kl libération de Paris, le 26 août 1944, descente des Champs-Élysées, sous les
L'INVENTEUR DE t A acclamations de la foule. Le Général a fait reculer d'un pas Georges Bidault (à droite), président du
CROIX DE LORRAINE CNR, et André Le Troquer (à gauche), délégué à l'administration des territoires libérés.
Ancien des combats de l'Yser et de 30 mai 1943. De Gaulle arrive à Alger. 6 juin 1944. Débarquement allié en Nor-
Champagne, Émile Muselier est un marin 3 juin 1943. Constitution à Alger du mandie. De Gaulle a été tenu hors du secret.
atypique à beaucoup d'égards.C'est un Comité français de libération nationale, copré- 14 juin 1944. De Gaulle débarque pour
« politique » qui aservi au cabinet de Painlevé et sidé par de Gaulle et Giraud. quelques heures près de Courseulles, prononce
de Clemenceau et ses pairs de la Royale lui 21 juin 1943. Arrestation de Jean Mou- à Bayeux son premier discours sur le sol de
reprochent une sensibilité " républicaine " très lin à Caluire. France libérée et met en place le premier com-
marquée.li acommandé dans les années trente 12 septembre 1943. Débarquement missaire de la République, ce qui fait échec au
les forces navales de Tunisiepuis une division français en Corse. plan américain de placer la France sous une
de croiseurs mais laguerre est à peine 3 octobre 1943. De Gaulle seul prési- administration militaire d'occupation (Amgot).
commencée, quand sa promotion au grade de dent du CFLN. Giraud définitivement écarté 26 juin 1944. Ordonnance créant les
vice-amiral est immédiatement suivie de sa mise de toutes fonctions politiques. cours de justice de 1'Épuration pour juger les
à la retraite. li refuse l'armistice de juin1940 et 3 novembre 1943. Séance inaugurale faits postérieurs au 18 juin 1940.
rejoint Gibraltar, puis Londres où, dès le de 1'Assemblée consultative provisoire. 5·12 juillet 1944. Voyage aux États-
1• juillet, de Gaullelenomme commandant des 9 novembre 1943. Remaniement du Unis et au Canada. Il est reçu par Roosevelt.
maigres forces navales de la toute jeune France CFLN dont Giraud, entre-temps blessé lors 15 août 1944. Débarquement de
libre. C'est alors qu'il imagine de frapper ses d'un mystérieux attentat, a du se retirer. Provence. Développement de l'épuration sau-
pavillons de la Croix de Lorraine. Bientôt, celle-ci 30 janvier 1944. Ouverture de la vage.
sera adoptée par de Gaulle comme emblème de conférence de Brazzaville. Discours d'ouver- 25 août 1944. De Gaulle arrive à Paris
la France libre. L'agression anglaise contre la ture du Général, qui annonce l'autonomie dont la garnison allemande vient de déposer
flotte de Mers ei-Kébir ne faciliteguère le future des colonies françaises. les armes.
ralliement des officiers de marine. D'un caractère 1•• février 1944. Création des Forces 26 août 1944. Descente des Champs-
ombrageux, Muselier entre rapidement en conflit françaises de 1'intérieur. Élysées envahis par la foule.
avec de Gaulle quand il décide de négocier 20 mars 1944. Exécution « pour raison 9 septembre 1944. Installation à
directement des accords navals avec les d'État » de Pierre Pucheu. Paris du premier gouvernement provisoire
Britanniques. Ses rapports avec ces derniers 4 avril 1944. Entrée des communistes au constitué sur le sol métropolitain.
sont également difficiles puisqu'il est même CFLN. 30 septembre 1944. Ordonnance
incarcéré quelque temps sous le soupçon 21 avril 1944. L'ordonnance sur l'orga- créant la Sécurité sociale.
(injustifié) d'avoir informé Vichy des préparatifs nisation des pouvoirs publics en France après 28 octobre 1944. Dissolution des
de l'expédition anglaise contre Dakar. S'il la libération prévoit d'accorder le droit de vote milices (principalement FTP) constituées au
parvient à doter la France libre d'un embryon de aux femmes . cours de l'été, qui imposaient leur loi en plu-
marine de guerre, il n'entend pas se limiter à 3 juin 1944. Le CFLN prend le nom de sieurs régions de France. Un voyage du Géné-
cette fonction militaire et souhaite la mise en Gouvernement provisoire de la République ral dans le Midi permet d'y rétablir progressi-
place d'un système constitutionnel qui limiterait française . vement l'autorité de l'État. Contacts difficiles
l'autorité de son chef. C'est l'occasion d'un
conflit ouvert qui éclate en septembre 1941 mais
de Gaulleimpose finalement sa volonté et la
tentative de soustraire les forces navales à son
autorité fait long feu. Muselier n'en réunit pas
moins autour de lui une coteriequi constitue un
ferment de dissidence et au sein de laquelle on
remarque notamment André Labarthe qui,
compagnon de route des Soviétiques, deviendra
après la guerre un chroniqueur scientifique
écouté. li exécute endécembre19411e
débarquement à Saint-Pierre-et-Miquelon mais
démissionne en mars 1942 du Comité national
tout en prétendant conserver le commandement
des Forces navales françaises libres. De Gaulle
le met alors à la retraited'office. Parti pour
l'Algérie en 1943, il se range dans le camp du
général Giraud et poursuit de sa vindicte ses
anciens amisgaullistes. Après lavictoire, des
déboires électoraux scellent en 19461a finde ses
ambitions militaires et politiques.
Ph. C.
•
CHRONOLOGI
avec les résistants locaux qui n'apprécient pas Devant une énorme foule massée à Mostaganem, le 6 juin 1958, le Général s'écrie
les manières hautaines du général. « Vive l'Algérie française ! »
18 novembre 1944. Institution de la
contre l'avis de De Gaulle, à une faible majo- RPF qui acceptent de participer à divers gou-
Haute Cour qui doit juger les responsables du rité lors d'un scrutin marqué par une forte abs- vernements de la IV' République.
gouvernement de Vichy. tention. 9 mai 1954. De Gaulle est à 1'Arc de
23·25 novembre 1944. Libération 16 janvier 1947. Vincent Auriol est Triomphe pour rendre hommage aux défen-
seurs du camp de Diên Biên Phu qui vient de
de Strasbourg par la 2' DB de Leclerc. élu premier président de la IV' République. tomber.
1··11 décembre 1944. Voyage à 30 mars 1947. De Gaulle prononce le 28 août 1954. Rejet définitif par
1'Assemblée du projet de CED.
Moscou en compagnie de Georges Bidault, discours de Bruneval pour appeler les Français Octobre 1954. Publication du premier
ministre des Affaires étrangères. Signature au rassemblement. Propos confirmés à Stras- tome des Mémoires de guerre.
d'un traité d'alliance franco-soviétique. bourg une semaine plus tard. Janvier 1956. Les Républicains sociaux
23 décembre 1944. Nationalisation 7 avril 1947. Création à Strasbourg du
Rassemblement du Peuple Français (RPF). issus du RPF n'obtiennent que 4,7% des voix
des usines Renault, dont l'ancien patron, Louis 19 et 26 octobre 1947. Raz de aux élections législatives qui voient la victoire
Renault, a été semble-t-il assassiné en prison. du Front républicain (socialistes et radicaux).
4 février 1945. Ouverture de la confé- marée RPF aux élections municipales (envi- 13 mai 1958. Soulèvement d'Alger,
rence de Yalta, d'où la France est absente. ron 40 % des voix et la plupart des grandes création d'un Comité de salut public quipous-
22 février 1945. Ordonnance instituant villes). se le général Salan au pouvoir. Celui-ci fait
les comités d'entreprise. Février 1948. Mort d'Anne de Gaulle. appel à de Gaulle.
7·8 mai 1945. Capitulation allemande 17 juin 1951. Le RPF obtient 118 sièges 19 mai 1958. Tandis que gonflent les
signée à Reims et à Berlin.
26 juin 1945. Ordonnance nationalisant de députés sur 625 lors des élections législa- menaces d'une intervention des paras, confé-
les transports aériens. tives mais il est largement défavorisé par la loi rence de presse au cours de laquelle le Général
23 juillet 1945. Ouverture du procès des apparentements. Lors de réunions pu- précise qu'il ne reviendra au pouvoir que dans
bliques, le Général a proclamé que c'était la légalité.
du maréchal Pétain. « une honte » de laisser mourir en prison le 29 mai 1958. De Gaulle est reçu par le
2 août 1945. Fin de la conférence de maréchal Pétain.
21 décembre 1951. De Gaulle rejette président René Coty, qui lui demande de
Potsdam complétant les accords de Yalta. La constituer un gouvernement.
France en a été exclue. la Communauté européenne de défense (CED) 1•• juin 1958. L'Assemblée nationale
21·30 août 1945. Voyage aux États- et prend position contre la Ceca.
Unis où de Gaulle rencontre Truman. 6 juin 1952. Nouvelle dénonciation de la investit son gouvernement par 329 voix sur
9 octobre 1945. Création de l'École 553 votants.
nationale d'administration. CED. 2 juin 1958. L'Assemblée lui accorde le
15 octobre 1945. Création du Com- 6 juillet 1952. Exclusion des 26 députés pouvoir de proposer aux Français une nouvelle
Constitution, qui sera soumise à référendum.
missariat à l'énergie atomique. RPF qui ont voté la confiance à Antoine Pinay 3·7 juin 1958. Voyage en Algérie où de
21 octobre 1945. Référendum et élec- lors de la formation de son gouvernement.
tions à la première Assemblée nationale 6 mai 1953. De Gaulle met un terme à Gaulle s'engage en faveur du maintien de la
constituante. présence française.
13 novembre 1945. De Gaulle est l'aventure du RPF.
élu à l'unanimité président du Gouvernement Mars 1954. Création du groupe des
provisoire par les députés de la Constituante.
19 novembre 1945. Formation d'un Républicains sociaux composé d' anciens du
gouvernement tripartite comprenant des socia-
listes SFIO, des communistes et des démo-
crates-chrétiens du MRP.
2 décembre 1945. Nationalisation de
la Banque de France et des grandes banques
de dépôt.
20 janvier 1946. Dans l'impossibilité
de gouverner face aux partis, de Gaulle quitte
le pouvoir.
5 mai 1946. Le projet de constitution
voté par la Constituante est rejeté par référen-
dum .
16 juin 1946. Le discours de Bayeux
précise les conceptions de De Gaulle en matière
constitutionnelle.
13 octobre 1946. Le deuxième projet
de constitution est accepté par référendum,
OLOGIE
BASTIEN-THIRY
" L'action dont nous répondons Les nég~ciateurs des accords d'Évian (18 mars 1962). De gauche à droite :Robert Buron et Louis
aujourd'hui devant vous présente un Joxe avec M1chel Debré, Premier ministre, et Jean de Broglie.
caractère exceptionnel et nous vous
demandons de croire que seuls des motifs, 20·29 août 1958. Voyage en Afrique 24 janvier-2 février 1960. Semai-
également exceptionnels, ont pu nous ~oire et à Madagascar pour y présenter le pro- ne des barricades à Alger.
déterminer à l'entreprendre... Jet de la Communauté. 13 février 1960. Explosion de la première
4 septembre 1958. Discours de la bombe atomique française à Reggane au Sahara.
Nos motifs d'action sont liés au danger place de la République au cours duquel de 23 mars-3 avril 1960. Voyage offi-
que court actuellement ce pays, par suite Gaulle présente le projet de constitution. ciel en France de Khrouchtchev.
des conditions dans lesquelles aété obtenu 28 septembre 1958. Le projet est
ce qu'on aosé appeler " le règlement du approuvé lors du référendum par 80 % des LE MASSACRE
problème algérien » ; des principes et des Français. Outre-mer, seule la Guinée de Sékou DES HARKIS
lois qui sont, ou qui devraient être, à la base Touré rejette le projet de Communauté appelée
de la vie nationale ont été mis en question... à se substituer à l'Union française. En 1960, j'avais le commandement militaire
Le danger que court le pays ne vient pas 3 octobre 1958. Création de l'Union et j'exerçais les pouvoirs de préfet à Sétif ;
d'un risque de destruction physique ou pour la nouvelle république (UNR). peu après, j'ai été nommé à Orléansville.
matériel : il est plus subtil et plus profond 30 novembre 1958. Les formations Partout où je suis passé, où j'ai commandé,
car il peut aboutir à la destruction des qui soutiennent l'action du gouvernement de j'ai, sur ordre, rallié les populations.
valeurs humaines, morales et spirituelles qui Gaulle obtiennent la majorité absolue lors des
constituent le patrimoine français... élections législatives. L'inspecteur régional de Constantine m'a
21 décembre 1958. De Gaulle est même dit que j'étais épatant. Parce que j'al
Nous n'avons pas transgressé les lois élu président de la République et de la Com- obéi, tous les harkis, tous les notables que
morales ni les lois constitutionnelles, en munauté française par 78,5 % des grands élec- j'ai approchés, ont été massacrés par le FLN
agissant contre un homme qui s'est placé teurs. dès les accords d'Évian signés. À Ouarza, à
lui-même hors de toutes les lois... 1er janvier 1959. Entrée en vigueur du Sélika, à Serara, à Ferraoun, je buvais le thé
Marché commun. de la paix. Tous, tous ont été égorgés. Dans
Le pouvoir de fait a la possibilité de nous 8 janvier 1959. Michel Debré est I'Orléansvillois, actuellement, SI·Hassène
faire condamner, mais il n'en a pas le droit. nommé Premier ministre. fait la loi. J'ai dans mes dossiers une photo
Les millions d'hommes et de femmes qui ont 6 mars 1959. La scolarité obligatoire de lui en train de couper à l'un de ses frères
souffert dans leur chair, dans leurs cœurs, est prolongée jusqu'à 16 ans. la langue avec une paire de ciseaux ! Les
et dans leurs vies, de la politique 7 mars 1959. Les forces navales fran- journalistes nous le présentent aujourd'hui
abominable et souverainement injuste qui a çaises de la Méditerranée sont soustraites au comme l'un des hommes forts de l'Algérie
été menée, sont avec nous dans ce prétoire commandement intégré de l'Otan. nouvelle, et homme, je le connaissais
pour dire que nous n'avons fait que notre 16 septembre 1959. Discours pré- comme l'un des pires bourreaux de la
devoir de Français. Devant l'histoire, devant sentant aux Français la politique « d'autodéter- rébellion.
nos concitoyens, et devant nos enfants, mination » désormais voulue par de Gaulle en
nous proclamons notre innocence, car nous Algérie. GÉNÉRAL CAZENAVE
n'avons fait que mettre en pratique la grande 4 janvier 1960. Mise en circulation du Déposition au procès de Bastien-Thiry.
et éternelle loi de la solidarité entre les nouveau franc (Pinay).
hommes. .,
Extraits de la déclaration du colonel
Jean-Marie Bastien-Thiry à son procès
devant la Cour militaire de justice,
le 28 janvier 1963.
CHRONOLOGIE
DISSUASION ET Viv•
ARME NUCLÉAIRE
l'Europe
Le 13 février 1960, la première bombe
atomique française a explosé à Reggane, au 16-17 mai 1960. Conférence de Paris eurf>Pi
Sahara ; puis une autre le 1" avril, alors que réunissant les « quatre Grands », Eisenhower,
Nikita Khrouchtchev est en visite officielle Khrouchtchev, Macmillan et de Gaulle, mais les ~
en France. En 1962, l'Armée française Soviétiques exploitent J'affaire de l'avion
dispose d'une première arme opérationnelle. d'observation américain U2 abattu au-dessus de En 1962, le général de Gaulle et le chancelier
leur territoire pour faire échouer la Conférence. Adenauer célèbrent l'amitié franco-allemande.
La v• République met alors méthodiquement 25·29 juin 1960. Entretiens de Melun
avec les représentants du FLN algérien. 12 septembre 1962. Annonce d'un
en œuvre la réalisation d'un système de 29 juillet 1960. Entretiens de Gaulle- référendum portant sur l'élection du président
dissuasion rendu possible par l'effort Adenauer à Rambouillet, à propos des ques- de la République au suffrage universel.
scientifique entamé dès les lendemains de la tions européennes. 5 octobre 1962. Motion de censure
Libération. Pour le général de Gaulle, "Il n'y 4 novembre 1960. Au cours d' une contre le gouvernement de Georges Pompidou
a pas d'Indépendance imaginable pour un allocution télévisée, de Gaulle emploie le qui propose sa démission le lendemain. Le 10
pays s'il ne dispose pas d'un armement terme d' « Algérie algérienne ». octobre, le président de la République dissout
nucléaire car, s'il n'en apas, il est forcé de 8 janvier 1961. Les Français approu- la Chambre des députés.
s'en remettre pour sa sécurité et par vent par référendum, à 75 % des voix, le prin- 22·28 octobre 1962. À l'occasion de
conséquent pour sa politique à un autre qui cipe de l'autodétermination en Algérie. la « crise des fusées » à Cuba, de Gaulle appor-
en a "· Une justification présentée à l'École 22 avril 1961. Tentative de putsch à te son soutien au président Kennedy.
de Guerre en février 1963, qui reprend les Alger, qui échoue quelques jours plus tard, avec 28 octobre 1962. Le référendum sur
arguments du discours prononcé à la reddition des généraux Challe et Zeller. Le l'élection du président au suffrage universel donne
Strasbourg le 2 novembre 1961 devant général Salan décide de poursuivre le combat 62,25 % de oui à de Gaulle qui l'emporte ainsi
plusieurs milliers d'officiers réunis pour dans la clandestinité avec le général Jouhaud. contre un « cartel des non » qui va de l'extrême
reprendre en main une armée gravement 20 mai-1er juin 1961. Première gauche aux tenants de 1'Algérie français~.
traumatisée par l'issue de la guerre conférence d'Évian avec le FLN qui a consti- 18·25 novembre 1962. Elections
d'Algérie. Le général avait alors expliqué tué un Gouvernement provisoire de la Répu- législatives. Majorité absolue pour l'UNR et
qu'il était nécessaire " de posséder des blique algérienne (GPRA). ses alliés républicains indépendants regroupés
projectiles nucléaires stratégiques et 19-22 juillet 1961. Affrontements sur autour de Valéry Giscard d'Estaing.
tactiques et des engins pour les lancer"· la base de Bizerte entre Tunisiens et Français. 28 novembre 1962. Georges Pompi-
L'analyse gaullienne repose sur la certitude 8 septembre 1961 . Échec de 1'atten- dou confirmé au poste de Premier ministre.
qu'il est impossible de s'en remettre pour la tat de Pont-sur-Seine, préparé par des militants 19 décembre 1962. Création de la
sécurité de la France et de l'Europe au de I'OAS. Cour de sûreté de l'État.
parapluie nucléaire américain, les États-Unis 14 janvier 1962. Extension du Marché 14 janvier 1963. Conférence de presse
ne pouvant accepter de risquer New-York commun aux produits agricoles. au cours de laquelle le Général explique son
pour Hambourg ou Paris (ce que reconnaîtra 8 février 1962. Manifestations anti- refus de l'entrée de la Grande-Bretagne dans
d'ailleurs clairement Henry Kissinger dix ans OAS à Paris. 8 morts au métro Charonne. le Marché commun et son rejet du projet amé-
plus tard). Une force de dissuasion nationale 12·18 février 1962. Pourparlers fran- ricain de force multilatérale.
est d'autant plus indispensable que le co-algériens aux Rousses. 22 janvier 1963. Signature du traité
"pouvoir égalisateur de l'atome» interdit 7 mars 1962. Ouverture de la seconde d'amitié et de coopération franco-allemand .
toute agression d'une superpuissance telle conférence d'Évian, qui aboutit à l'accord de 11 mars 1963. Le colonel Bastien-
que l'Union soviétique, menacée de cessez-le-feu du 18 mars. Thiry, chef des conjurés du Petit-Clamart est
destructions insupportables que ne saurait 26 mars 1962. À Alger, l'armée tire sur fusillé au fort d'Ivry.
compenser une « victoire " aux allures de une manifestation pacifique des Européens : Août 1963. De Gaulle refuse d'associer la
semi-suicide. De Gaulle entend également 63 morts et 200 blessés. France au traité soviéto-américain interdisant
prendre ses distances vis-à-vis du 8 avril 1962. 90 % des Français approu- les expériences nucléaires dans l'atmosphère.
« protecteur " américain et échapper ainsi à vent par référendum les accords d'Évian
une sujétion qui condamne toute liberté (abandon de l'Algérie).
d'action pour une France bien décidée à 14 avril 1962. Démission de Michel
revenir au premier plan dans le concert des Debré. Georges Pompidou Premier ministre.
nations. Enfin celui qui a prévu dans les 20 avril 1962. Arrestation du général
années trente la guerre mécanique à venir Salan à Alger.
entend également doter la France des armes 3 juillet 1962. De Gaulle reconnaît
décisives de la seconde moitié du siècle. En l'indépendance de l'Algérie, tandis qu 'aug-
trouvant peut-être là le moyen de régler ses mente le flot des rapatriés qui fuient les tue-
comptes avec une armée de terre jugée ries, les enlèvements sans que l'armée inter-
Insoumise. vienne pour les défendre. Massacre des harkis.
22 août 1962. De Gaulle échappe à
Ph. C. 1'attentat du Petit-Clamart.
DE GAULLE Mai 1968 à Paris. La<< chienlit». 7 mars 1966. De Gaulle annonce par
ET ISRAËL lettre au président américain Lyndon B. John-
LA CRISE DE 1967 27 janvier 1964. Annonce de 1'établis- son sa décision de retirer la France de l'Otan.
sement prochain de relations diplomatiques 11 mai 1966. Un accord intervient à
Après les accords d'Évian (1962) et la fin entre la France et la République populaire de Bruxelles sur la politique agricole commune.
de la guerre d'Algérie, la politique Chine. 20 juin-1•• juillet 1966. Voyage en
d'indépendance du général de Gaulle à 15·24 mars 1964. Voyage au Mexique
l'égard des deux blocs le pousse à adopter et aux Antilles. Union soviétique.
une position de stricte neutralité dans les 20 septembre-16 octobre 1964. 1.. septembre 1966. Discours de
conflits du Proche-Orient. Le 2 juin 1967, au
plus fort de la crise qui précède la guerre Voyage en Amérique du Sud. Phnom Penh critiquant l'intervention améri-
des six jours, il s'engage à condamner 19 décembre 1964. Transfert des caine au Viêt-nam.
l'agresseur. Ce qu'il fera en dénonçant, à cendres de Jean Moulin au Panthéon. 11 septembre 1966. De Gaulle
travers le mythe de " David contre Goliath», 4 février 1965. De Gaulle suggère le
Israël "peuple d'élite, sûr de lui et retour à l'étalon-or. assiste à Mururoa à l'explosion d'une bombe
dominateur ». Dans une lettre à David Ben 30 juin 1965. En conflit avec ses parte- atomique.
Gourion en décembre 1967, il justifie ainsi naires européens, la France entame sa poli- 5 et 12 mars 1967. Élections législa-
sa politique : " Je ne conteste aucunement tique de la « chaise vide ». Elle ne renouera tives. L'alliance de l'UNR et des républicains
que te fâcheux blocus du golfe d'Aqaba était avec les cinq qu'après la conclusion, le 29 jan- indépendants conserve de justesse la majorité.
unilatéralement dommageable à votre pays vier 1966, du compromis de Luxembourg qui 29 mars 1967. Lancement à Cherbourg
et je ne méconnais pas que celui-ci eût lieu exclut l'application, au sein de la CEE, de la du premier SNLE (sous-marin nucléaire lan-
de se sentir menacé, étant donné la tension loi de la majorité. ceur d'engins), le« Redoutable ».
où était plongée ta région palestinienne par 12 juillet 1965. Vote d'une loi pré- 7 avril 1967. Quatrième gouvernement
suite du flot d'invectives prodiguées à voyant la participation des salariés aux béné- de Georges Pompidou.
l'encontre d'Israël en même temps que le fices des entreprises. 13 avril 1967. Lancement du « plan cal-
sort lamentable des Arabes réfugiés en 29 octobre 1965. Enlèvement, à cul » qui vise à donner à la France son indé-
Jordanie ou relégués à Gaza. Mais je Paris, de l'opposant marocain Mehdi Ben pendance dans le domaine de l'électronique.
demeure convaincu qu'en passant outre aux Barka qui ne sera jamais retrouvé. 2 juin 1967. De Gaulle décrète l'embar-
avertissements donnés, en temps voulu, à 26 novembre 1965. Mise en orbite go sur les exportations d'armes en direction du
votre gouvernement par celui de la du premier satellite artificiel français. Proche-Orient et condamne par avance tout
République française, en entamant tes 5 décembre 1965. Face à François pays agresseur. Évoquant Israël, il parle d'" un
hostilités, en prenant, par ta force des Mitterrand, à Jean Lecanuet et à Jean-Louis peuple d'élite, sûr de lui et dominateur », ce
armes, possession de Jérusalem et de Tixier-Vignancour (avocat du général Salan), qui soulève une vive indignation dans les
maints territoires jordaniens, égyptiens et de Gaulle est mis en ballottage au premier tour milieux juifs.
syriens, en y pratiquant la répression et tes des présidentielles, en n'obtenant que 44,6 % 15-26 juillet 1967. Voyage officiel au
expulsions qui sont inévitablement tes des voix. Québec, au cours duquel il lance, à Montréal,
conséquences d'une occupation dont tout 19 décembre 1965. Il est réélu prési- le fameux « Vive le Québec libre ! », ce qui
indique qu'elle tend à l'annexion, en dent de la République contre François Mitter- l'oblige à écourter son séjour du fait des réac-
affirmant devant le monde que le règlement rand, avec 54,5 % des suffrages. tions du gouvernement fédéral canadien.
du conflit ne peut être réalisé que sur la 8 janvier 1966. Formation du troisième 18 août 1967. Promulgation de l'ordon-
base des conquêtes acquises et non pas à gouvernement Pompidou. nance relative à la participation des salariés
condition que celles-ci soient évacuées, aux bénéfices des entreprises.
Israël dépasse les bornes de la modération 19 décembre 1967. La France rejette
nécessaire. Je le regrette d'autant plus que,
moyennant le retrait de ses forces, il de nouveau la candidature britannique à
apparaÎt qu'une solution comportant la l'adhésion au Marché commun.
reconnaissance de votre État par ses 27 janvier 1968. De Gaulle parle de ,,
voisins, des garanties de sécurité de part et
d'autre des frontières qui pourraient être stratégie tous azimuts » à ses auditeurs du
précisées par arbitrage international, un sort Centre des hautes études militaires.
digne et équitable assuré aux réfugiés et 2-30 mai 1968. « Événements de mai »
aux minorités, la libre navigation pour tous
dans le golfe d'Aqaba et te canal de Suez, qui voient la révolte des étudiants gauchistes
serait aujourd'hui possible dans le cadre de Nanterre se transformer en une crise géné-
des Nations unies, solution à laquelle la rale du système universitaire, puis en une
France est éventuellement disposée à vaste explosion sociale qui paralyse le pays,
concourir, non seulement sur te plan tandis que le pouvoir politique semble anéanti.
politique, mais encore sur te terrain ». 29 mai 1968. De Gaulle se rend à
Baden-Baden, au QG des Forces françaises en
Allemagne pour s'assurer de la fidélité des
militaires.
30 mai 1968. Il annonce la dissolution
de 1'Assemblée nationale alors que ses parti-
1
CHRONOLOGIE
L'ÉQUIPÉE DE BADEN De Gaulle reçu à Madrid par le général 2 mars 1969. Premier vol de « Concor-
Franco en juin 1970. de » à Toulouse-Blagnac.
En pleine émeute, alors que le pouvoir 27 avril 1969. Le référendum portant
s'évanouissait, pendant quelques heures, au 21 août 1968. De Gaulle condamne sur la réforme du Sénat et sur la décentralisa-
cours de la journée du 29 mai 1968, on apu 1'intervention soviétique en Tchécoslovaquie. tion régionale se solde par un échec pour le
penser que l'aventure gaullienne était en 24 août 1968. Explosion de la première général qui n'obtient que 47,6 % de oui. Dès
train de se terminer sur une fuite vers bombe H française en Polynésie. que cet échec est confirmé, il annonce dans un
l'étranger assimilée à celles des derniers 11 octobre 1968. L'Assemblée natio- communiqué qu'il cesse d'exercer ses fonc-
monarques chassés par l'émeute. Alors que nale adopte à l'unanimité des votants la loi tions de président de la République et se retire
le conseil des ministres qui devait se tenir le Edgar Faure relative à l'enseignement supé- immédiatement.
matin à l'Élysée aété reporté, on apprend rieur. 10 mai-19 juin 1969. Un voyage
que le général parti "prendre l'air " a 23 novembre 1968. La mise en privé en Irlande l'éloigne de France pendant
disparu entre Paris et Colombey. À l'Élysée œuvre d'une politique de rigueur budgétaire et toute la campagne électorale présidentielle qui
comme à Matignon, c'est l'affolement. En fin d'un strict contrôle des changes vise à empê- verra finalement, le 15 juin, l'élection de
d'après-midi, on apprend que le général cher une dévaluation du franc. Georges Pompidou.
s'est rendu à Baden, au quartier général du 3 janvier 1969. À la suite d'un raid Avril-septembre 1970. Publication
corps d'armée d'Allemagne que commande israélien contre l'aéroport de Beyrouth, de des Discours et Messages suivie en octobre de
le général Massu. Dès qu'elle est connue, la Gaulle décide un embargo total sur les ventes celle des Mémoires d'espoir.
nouvelle fait le tour de Paris et suscite de d'armes à Israël. Juin 1970. Durant un séjour privé en
multiples interprétations. Prélude à un Espagne, de Gaulle est reçu au Prado par le
abandon du pouvoir, appel à l'Armée dans la général Franco qu'il décrit comme « un
perspective d'un recours à la force, souci homme intelligent, d'un esprit très fin ». Pro-
d'échapper à la colère du peuple insurgé... testations de Mauriac et de Malraux.
Toutes ces hypothèses sont émises pour 9 novembre 1970. Le général s'éteint
rendre compte de l'énorme effet de surprise à 19h30 à La Boisserie.
causé par cette extraordinaire escapade à 12 novembre 1970. Cérémonie offi-
l'étranger... Pour la plupart des cielle à Notre-Dame et obsèques à Colombey-
observateurs, de Gaulle, fatigué et déprimé, les-Deux-Églises.
aurait finalement songé à partir. Le général
Massu l'aurait dissuadé de recourir à une PHILIPPE CONRAD
telle extrémité, obtenant, dit-on, la promesse
d'une libération des prisonniers de l'CAS
encore détenus à l'époque. C'est bien
décidé à réagir que le Général aurait
regagné Paris pour y lancer l'appel
radiophonique qui, combiné avec la grande
manifestation rassemblant ses fidèles aux
Champs-Élysées, allait renverser la
situation. Dans son Histoire de la
République gaullienne, Pierre Viansson-
Ponté aprésenté une toute autre hypothèse,
qui apparaît solidement argumentée.
Àaucun moment de Gaulle n'aurait perdu
les pédales et le secret entourant le départ
pour Baden n'aurait eu pour but que de
créer la dramatisation nécessaire au sursaut
gaulliste du jeudi 30 mai.
Ph.C.
sans envahissent les Champs-Élysées à l'appel Porté par une auto-mitrailleuse, le cercueil du général de Gaulle quitte la Boisserie pour le cimetière
des comités de défense de la République. de Colombey-les-Deux-Églises.
3 et 30 juin 1968. Les élections légis-
latives donnent à l'UDR 293 sièges sur 485.
10 juillet 1968. Maurice Couve de
Murville devient Premier ministre. Titulaire
du portefeuille de 1'Éducation nationale, Edgar
Faure introduit une réforme de l'Université et
de l'enseignement inspirée par les « idées de
mai 68 ».
ENTRETIEN AVEC ALAIN PEYREFITTE
Le nationalisme
du Général
PROPOS RECUEILLIS PAR ÉRIC VATRÉ
Alain Peyrefitte fut député
gaulliste à 33 ans. En tant que
ministre ou comme porte-parole,
entre 1959 et 1969, du général
de Gaulle, il eut avec ce dernier
trois cents entretiens en tête-à-
tête. Questions à un témoin
exceptionnel.
Enquête sur l'histoire : Votre livre Le général de Gaulle et Alain Peyrefitte. En politique étrangère, révèle ce dernier, le premier principe
C'était de Gaulle qui rapporte au jour le du Général était moins le nationalisme qu'un pan-nationalisme applicable à tous les pays.
jour les paroles et les actes du général de
Gaulle dont vous avez été l'interlocuteur pri- celle que le maître passe à son disciple et que ser passer trente ans, durée qui est habituelle-
vilégié, constitue une sorte de « bréviaire » du celui-ci, à son tour, passe à d'autres. Le second ment considérée dans les démocraties occiden-
gaullisme. En publiant ce document unique devoir, celui de la réserve, car on ne peut pas tales comme le temps du secret des archives. Il
en son genre, n'y a-t-il pas une intention tout dire tout de suite. En effet, on trouvera reste que la substance de l'ouvrage est tirée de
pédagogique à l'usage des politiques qui se des choses rudes dans ce livre, notamment en mes archives personnelles et que les seules
réclament du gaullisme sans avoir été mar- ce qui concerne la tragédie algérienne et les limites que je me suis assignées sont celles de
qués par l'empreinte de celui qui s'est voulu le pieds-noirs, que je ne pouvais rendre ma conscience. En un mot, je n'ai rien censu-
« sculpteur de l'État » ? publiques sur le moment. J'ai donc tenu à lais- ré, sinon les jugements à l'emporte-pièce que
Alain Peyrefitte : Je n'ai pas du tout la
prétention de faire la leçon à des hommes poli-
tiques. Mais il est vrai que, comme la plupart
de ceux qui ont été les intimes du général de
Gaulle et ont eu droit à ses confidences, je suis
pris entre deux devoirs. Le premier, un devoir
de reproduction de la pensée- ce que les Chi-
nois appellent la transmission de la lampe,
1
ENTRETIEN
le Général portait volontiers sur les hommes, invita donc nos anciennes colonies, notamment Mais le plus difficile fut d'inscrire dans les
notamment de son entourage. Il pouvait avoir celles d'Afrique, à s'émanciper de la tutelle de faits l'indépendance de l'Algérie. Ce qui
la dent dure... la République française. Ce fut, entre autres, le n'allait pas de soi, d'une part parce que les
cas du Gabon qui, au moment du référendum Français y vivaient très nombreux - c'était
- Le général de Gaulle était hostile à du 28 septembre 1958, ayant demandé à béné- notre seule colonie de peuplement, où l'on
l'idée d'un « programme politique ». En ficier du statut de département d'outre-mer, se comptait un million de ressortissants de
revanche, il estimait indispensable d'avoir vit opposer une fin de non recevoir. souche européenne-, d'autre part parce que le
des principes et des objectifs. S'agissant de la
«grande politique », c'est-à-dire de la poli- 1967: LE DÉFI DU« QUÉBEC LIBRE>>
tique étrangère qui, selon ses vues, devait
permettre à la France de renouer avec sa - " Je vais vous confier un secret que vous Louis Rougier, Alfred Fabre-Luce et Gabriel
grandeur et de jouer un rôle dans le monde, ne répéterez pas... Ce soir ici, et tout au long de Marcel, dont les positions « anti-épuratrices ,
pouvez-vous nous rappeler quels en étaient ma route, je me trouvais dans une atmosphère effarouchaient les éditeurs parisiens...
les grands principes ? du genre de celle de la Libération... "
Cette page est toumée, et c'est l'enthousiasme
- Au premier rang, le principe des natio- Et le général de Gaulle, qui parle du balcon pour de Gaulle qui domine au Québec en cet été 1967.
nalités. Lequel s'applique à la France comme de l'hôtel de ville de Montréal ajoute aussitôt :
aux autres pays et ne se confond pas avec le Sans doute, en dépit des grands progrès du
nationalisme - on pourrait parler, en revanche, - " Vive Montréal ! Vive le Québec ! Vive le parti indépendantiste, la majorité des
de pan-nationalisme, puisqu'il s'applique à Québec libre ! Vive le Canada français et vive la Québécois estime que l'appartenance de leur
tous les pays. France!" pays au Canada fédéral vaut encore mieux
qu'une indépendance qui risquerait de les faire
La France, aux yeux du général de Gaulle, La foule massée sur la place et dans les rues tomber sous la coupe des États-Unis. Mais,
n'était déjà plus indépendante depuis bien adjacentes lui répond par un tonnerre qu'ils soient indépendantistes ou fédéralistes,
longtemps. Elle n'avait pas les coudées d'acclamations. les Québécois sont passionnément attachés à
franches entre les deux guerres, car sa poli- leur identité, à leurs racines, à leur culture. Et
tique étrangère était inféodée à celle de la L'année précédente, le général de Gaulle ils comprennent que le défi lancé par de Gaulle
Grande-Bretagne - ainsi, lorsqu 'Hitler décida avait fait savoir qu'il voulait visiter l'exposition à Ottawa renforce la position de leur pays.
de réarmer, la France voulut s'y opposer mais universelle de Montréal en 1967. Le
Londres était d'avis contraire, aussi nous gouvernement canadien lui avait alors adressé Ottawa le comprend aussi. Le temps où un
sommes-nous abstenus ; quand Hitler réoccu- une invitation officielle à venir au Canada. Québécois qui demandait du travail en français
pa la rive gauche du Rhin, le président Albert Quelque temps avant son départ, le général s'entendait répondre « Speak White » (parle
Sarraut, malgré qu'il en eût, ne bougea point, avait manifesté le désir de commencer sa visite comme un Blanc, pas comme un sauvage) est
car Londres était résolu à ne pas bouger ; nous par le Québec. Assez mécontent, le déjà révolu. Mais Ottawa veut aller plus loin, et,
consentîmes aux accords de Munich, à contre- gouvernement canadien, qui l'attendait d'abord tout en accordant une considération accrue à la
cœur, car Lord Chamberlain les voulait. Bref, àOttawa, la capitale fédérale, s'était quand spécificité québécoise, il va favoriser
nous n'avions pour politique étrangère que même incliné. l'application d'un bilinguisme souvent resté
celle du gouvernement britannique. théorique dans l'ensemble du Canada (où l'on
Et voilà qu'après avoir tenu des propos déjà compte un million de francophones hors du
Depuis son départ du pouvoir, en janvier un peu surprenants lors de son voyage entre Québec). De son côté, le gouvernement
1946, le Général estimait que la politique Québec et Montréal, il ose comparer la joie de la québécois adoptera une loi pour obliger les
étrangère de la France se plaçait dans l'étroite population québécoise àcelle de la France immigrés àfaire apprendre en priorité le
dépendance de Washington. Nous étions deve- libérée ! Voilà qu'il crie " Vive le Québec libre "• français (et non l'anglais) àleurs enfants.
nus un protectorat américain, comme tous les slogan du parti indépendantiste ! Ottawa est
pays membres de 1'Otan. Cette situation, le évidemment stupéfaite- et furieuse. Elle Comme dira René Lévesque, président du Parti
Général entendit y mettre fin. Aussi adressait- annonce dans un bref communiqué que, vu québécois (indépendantiste) et devenu Premier
il à Washington et à Londres, en septembre l'attitude "inacceptable" de De Gaulle, ministre du Québec en 1976 : «avant de Gaulle,
1958, un mémorandum aux termes duquel il l'invitation qui lui avait été adressée pour venir personne dans le monde ne savait qui nous
préconisait la création d'un condominium à au Canada britannique est annulée. étions. Maintenant on nous connaÎtpartout"·
trois - États-Unis, Angleterre, France - , pro-
position dont il savait qu 'elle entraînerait en En 1940, de Gaulle avait lancé à la radio un La situation aégalement d'heureuses
toute probabilité le refus des Américains, mais appel aux Canadiens français : mais il n'avait répercussions pour l'ensemble de la
présentait l'avantage de lui permettre de pas été plus chaleureusement accueilli que francophonie dans le monde. Pour les Français,
prendre progressivement ses distances avec dans son pays. C'est que, comme la majorité pour les pays d'ethnie française hors de
l'organisation intégrée de l'Atlantique Nord. des Français eux-mêmes, la majorité des France, et aussi pour les pays qui ont adopté le
Canadiens français éprouvaient une vive français comme langue de culture. Tous
Le deuxième principe gaullien voulait que admiration pour le maréchal Pétain. C'est dans comprennent qu'ils doivent resserrer leurs
cette indépendance que la France réclamait la presse québécoise que Saint-Exupéry a liens, s'ils veulent éviter que la langue française
pour soi, elle eût à cœur de la respecter ou de publié ses articles appelant à la réconciliation soit remplacée par le « basic english "·
la proclamer chez les autres. Ce qui impliquait des Français, qui provoquèrent ses ennuis
une politique de décolonisation. Le Général ultérieurs àAlger. Et après la Libération, des PAULSÉRANT
éditeurs québécois ont accueilli des livres de
Image symbolique de la réconciliation franco-allemande voulue par le général de Gaulle, celui-ci aux fondements de la politique de la France,
passe en revue une garde d'honneur à Stuttgart, en compagnie du ministre-président du Bade-Wurten- même s'il y a de grandes différences dans
berg, Kurt Georg Kissinger. l'exécution.
statut juridique stipulait que les départements l'époque, les Américains s'obligeaient à la Je crois que Je couple franco-allemand est
d'Algérie faisaient partie intégrante du territoire convertibilité du dollar et de 1'or. Pourtant, Je devenu une constante de la politique de la
national. Général avait prévu qu'un jour viendrait où le France. Ce que le général de Gaulle a voulu
billet vert ne serait plus convertible en or et faire c'est, d'une part, provoquer une réconci-
Un troisième principe était d'inciter les créerait une situation spoliatrice à l'encontre liation en profondeur de ces deux peuples. Il
pays à prendre eux-mêmes en main leur indé- du reste des monnaies. aimait à dire que les Français et les Allemands
pendance et de former une société de nations devaient devenir frères, qu'ils ne sont pas des
affranchies des zones d'intl uence constituées -De Gaulle n'eût donc point marqué de ennemis héréditaires - ils ne se sont combattus
par les Américains et les Soviétiques. En effet, réticence de principe face à la création de qu 'en l'espace de trois guerres, étalées sur
la Guerre froide ·avait eu pour double consé- « l'écu » ou de toute autre monnaie euro- soixante-quinze ans. L'ennemi héréditaire de
quence non seulement de creuser un fossé péenne? la France, c'était l'Angleterre, qui n'eut de
entre l'Est et l'Ouest, mais de cimenter un cesse depuis le XIV' siècle jusqu'au XX'
bloc de l'Est face à un bloc de l'Ouest, au - Je ne saurais vous répondre catégorique- siècle, de guerroyer contre nous. Chaque fois
détriment de l'indépendance et même de ment ; il ne faut pas faire parler les morts sur que l'occasion s'est présentée, Albion a fait
1'identité des pays satellisés. des situations qu'ils ne pouvaient pas prévaloir ses intérêts contre ceux de la France.
connaître. De même, je ne puis affirmer qu'il Elle a, par exemple, entre les deux guerres,
- Le Général s'est ouvert auprès de vous eût accepté de signer les accords de Maas- entravé nos tentatives de faire respecter Je trai-
de la nécessité qu'il ressentait de la construc- tricht. La seule chose que je peux rapporter té de Versailles. Lors de la dernière guerre, elle
tion politique de l'Europe. Vous lui prêtez parce qu'il me l'a dite, c'est qu 'à ses yeux a mordu sur nos intérêts en Syrie et à Mada-
cette formule : « L'Europe, c'est la façon de l'Europe pouvait être pour la France un levier gascar. Pour le Général, 1'Angleterre privilé-
résister aux États-Unis. » Que dirait-il d'Archimède. giait toujours le « Grand large » sur le conti-
aujourd'hui? nent européen ; tandis que l'Allemagne était
- Le général de Gaulle a déclaré en diffé· contrainte par la géographie et l'histoire de
- Eh bien, je suppose qu 'il constaterait rentes circonstances que l'Europe ne pour- s'entendre avec la France. Enfin, parce qu'il
que ce qui se passe aujourd'hui confirme ce rait prendre forme qu'autour d'un « noyau avait symbolisé la lutte contre 1'Allemagne
qu'il pensait alors : la France à elle seule, le dur» formé par le couple France-Allemagne. nazie, il se sentait désigné pour réconcilier les
franc à lui seul, ne peuvent faire échec à Estimez-vous que ses successeurs ont partagé deux nations. D'où le traité franco-allemand
l'hégémonie américaine, ni à la puissance du ce point de vue et qu'ils ont tenté de l'inscrire de l'Élysée, de janvier 1963.
dollar. En revanche, la monnaie unique euro- dans les faits - nonobstant les réticences
péenne aurait une capacité de résistance à marquées par François Mitterrand lors de la - Pouvez-vous rappeler quelle était la
l'égard du dollar parce qu'elle serait de force réunification allemande ? conception gaullienne d'une Europe politique ?
équivalente. La monnaie américaine se trouve
habituellement dans la situation paradoxale de -Qu'il s'agisse du couple franco-allemand - Pour le Général, l'Europe politique ne
vouloir être la devise internationale de référen- ou du reste de la politique étrangère, le général pouvait être le résultat d'une construction
ce, sans s'imposer en retour la moindre règle. de Gaulle a creusé le sillon si profond qu 'il est technocratique de type supranational. Il était
Cet état de fait apparaît encore plus vivement difficile de s'en écarter. Ses successeurs, mal- hors de question que le pouvoir d'un organisme
aujourd'hui qu'au temps du Général. Car, à gré divers effets d'annonce, n'ont pas touché apatride se substituât à celui des gouverne-
ments légitimes. Il ne croyait donc qu'à
l'Europe de nations souveraines, dont les
chefs, responsables devant leur peuple,
devaient se rapprocher de plus en plus en vue
d'accéder à l'unité.
- Dans ses Mémoires, de Gaulle écrit :
« À mon sens, ce qui au fond domine sur-
tout dans le comportement de Moscou, c'est
le fait russe au moins autant que le fait
communiste. » Sans doute discernait-il en
filigrane de la politique soviétique des
constantes géopolitiques de la Russie éternel-
le, mais comment s'accommodait-il du totali-
tarisme communiste?
- Parmi les principes fondamentaux aux-
quels croyait de Gaulle, il y avait cette idée que
les peuples sont immortels, inaltérables, incom-
•
ENTRETIEN
parables. Le peuple russe constituait donc pour
lui une donnée permanente, irrécusable, cepen-
dant qu'il tenait le communisme pour un avatar
idéologique transitoire. Il ne croyait pas au
triomphe final de l'« homo sovieticus »,mais à
celui de l'âme russe. Les cinq dernières années,
depuis 1990, auront, me semble-t-il, confirmé
la justesse de l'analyse, notamment par le
regain manifeste des nationalités.
- Quelle eût été, à votre sens, la réaction
du Général devant la dérive d'inspiration
moralisatrice et américaine, imprégnée de
l'idéologie des droits de l'homme, et revendi-
quant le droit frda'innçgaéirsensc'eesthpurmêtaénicteasired'erà-
laquelle l'E' tat
nières années ?
- Cette dérive me paraît radicalement
contraire à la pensée du Général. II considérait
qu'il n'y a pas d'ordre mondial possible sans
respect de l' indépendance d'autrui. Or, ce , Su~~ pass~relle du De Gras~e feu après la troisième explosion nucléaire française dans le Pacifique.
A ses cotes, A/am Peyrefitte, le general Billotte et Pierre Messmer.
n'est pas respecter cette indépendance que de
s'arroger un droit d'ingérence dans les affaires -De Gaulle croyait en la nécessité d'éta- -Quelle attitude, selon vous, eût adoptée
blir des relations avec les Chinois afin, le Général devant les conflits armés eth-
intérieures d'un autre État. Il aurait plutôt disait-il, de « leur permettre de sortir de niques et nationaux nés de l'éclatement de
leurs murailles ». Pensez-vous que le temps l'ex-Yougoslavie?
parlé, dans certains cas extrêmes, d'un passé ait confirmé cette intuition? Les Chi-
nois ont-ils« bu» le communisme? - La manière dont nous sommes intervenus
«devoir d'assistance à population en danger ». en Bosnie me trouble. Je n'imagine pas le géné-
- Je crois que les Chinois, comme les ral de Gaulle se lançant dans une aventure
Il parlait plus en termes de devoirs que de Russes mais d' une autre façon, ont absorbé et pareille, lui qui répétait que, pour toute opération
digéré le communisme. En Russie, l'appareil militaire, il importait de réunir trois éléments : un
droits. Cela n'empêche évidemment pas les du parti léniniste a disparu ; en Chine, le parti chef, une mission, des moyens. En Bosnie, il n'y
est l'unique reliquat de l'ère maoïste. Tout le a pas de chef- qui commande : l'Égyptien Bou-
médias, les moralistes, les écrivains de stigma- reste a été dissipé, à commencer par le dogme tros-Ghali, le Japonais ou l'Anglais? II n'y a pas
selon lequel la Chine devait compter sur ses de mission - le rôle des Casques bleus est de
tiser tel ou tel pays pour le régime qu'il s'est seules forces , et son économie être entière- « maintenir la paix », alors que la guerre fait
ment collectiviste. Depuis les dix dernières rage. Il n'y a pas de moyens -les Casques bleus,
donné ou telle exaction qui y est commise. années, Deng Xiaoping a conduit le parti à s'ils sont attaqués, n'ont pas les moyens ni même
s'ouvrir au monde, à se moderniser, partant à le droit de se défendre, à plus forte raison
Cependant, les États, ces monstres froids, s'occidentaliser. De Gaulle trouvait souhai- d'engager efficacement une contre-offensive.
table de ne pas laisser les Chinois « mijoter Insuffisance de réflexion à la base de la décision,
n'ont pas vocation à porter des jugements dans leur jus ». Malheureusement, on observe caractère flou et anonyme des responsabilités,
que nos gouvernements de gauche ont suivi l'action hésitante du« machin» en Bosnie est le
moraux sur la nature du gouvernement des une politique beaucoup moins favorable à ce type même de 1'opération qui eût provoqué la
pays de gauche, que ne l'était celle des gou- réprobation du Général.
pays auxquels ils ont affaire. vernements dits « de droite ». Car les relations
franco-chinoises furent excellentes - malgré - Quand comptez-vous publier le pro-
- Que reste-t-il de la politique arabe vou- un léger froid lors de la Révolution culturelle chain volume de C'était de Gaulle?
lue par le Général ? La contribution françai- - entre 1964 et 1981 , puis se détériorèrent gra-
se à la guerre américaine menée contre vement après les événements de 1989, au - Le deuxième volume - il y en aura un
l'Irak n'a-t-elle pas hypothéqué les ultimes point que nous fîmes un véritable renverse- troisième - couvrira la période de 1963 à
possibilités d'application de cette politique? ment d'alliance en nous mettant à vendre des 1966. J'espère que ce livre paraîtra en 1996.
armes offensives à Taiwan. Nous étions en état
- Je ne vois pas bien le Général s'enga- de rupture de fait. Nous sommes heureusement PROPOS RECUEILLIS
geant dans une opération sous commandement sortis de cette impasse, grâce à l'action de PAR ÉRIC VATRÉ
américain sans avoir la certitude que la France M. Balladur.
en tirerait un avantage important. Le président L'ouvrage d'Alain Peyrefitte, C'était de
de la République d'alors, M. Mitterrand, Gaulle est publié par les Éditions de
expliqua que la France entrait dans la guerre Fallois/Fayard, 600 pages, 150 F.
du Golfe afin d'être présente dans la paix. Or,
nous avons été proprement évincés des pour-
parlers de paix !
S'agissant de notre politique arabe - au
centre de laquelle le Maroc jouait un rôle-clef
- elle reposait sur la confiance mutuelle entre
la France et les pays arabes. Depuis lors, je
crains que nous ne nous soyons aliéné l'opi-
nion de ces pays qui sont nombreux et en pleine
phase d'émancipation.
THOLOGIE
BRÈVE ANTHOLOGIE GAULLIENNE
ALGÉRIE. « Qu'on ne se raconte pas d'histoires ! Nous voulions être une république de cent la France ne serait plus la France. Nous sommes
Les musulmans, vous êtes allé les voir ? Vous les millions de Français interchangeables. Voilà quand même avant tout un peuple européen de
avez regardés, avec leurs turbans et leurs pourquoi les Français vivent la décolonisation race blanche, de culture grecque et latine et de
djellabas ? Vous voyez bien que ce ne sont pas comme un déchirement. »(20 octobre 1959). religion chrétienne. " (5 mars 1959).
des Français ! Ceux qui prônent l'intégration ont
une cervelle de colibri, même s'ils sont très COMBAT. « Dites-vous que la faute, c'est celle des NATION. " Voyez-vous, l'Europe est composée de
savants. Essayez d'Intégrer de l'huile et du autres ! Si nous ne nous convainquions pas de vieilles nations qui ont des siècles et des siècles
vinaigre. Agitez la bouteille. Au bout d'un moment, cette vérité, nous serions sans cesse en train de derrière elles. Des langues différentes. Des cultures
ils se sépareront à nouveau. Les Arabes sont des nous frapper la poitrine. Nous n'oserions rien différentes. Les Italiens seront toujours des Italiens,
Arabes, les Français sont des Français.(..•) entreprendre ! Si nous n'avons pas confiance en les Allemands seront toujours des Allemands, les
Si nous faisions l'intégration, si tous les Arabes et nous-mêmes, comment voulez-vous que les Polonais seront toujours des Polonais. Je veux
Berbères d'Algérie étaient considérés comme Français aient confiance en nous ? (...) Il faut dire : « S'ils restent agglomérés. " On peut assimiler
Français,(.••) mon village ne s'appellerait plus toujours avoir des adversaires pour pouvoir les un Polonais, une famille polonaise, quelques
Colombey-les-Deux-Églises, mais Colombey-les· combattre. Le combat, c'est la vie. On a besoin groupes de Polonais, on ne peut pas assimiler le
Deux-Mosquées!» (5 mars 1959). d'adversaires pour exister. »(23 mars 1963). peuple polonais. On ne peut pas assimiler le peuple
allemand. C'est pourquoi j'ai encouragé les
ALLEMAGNE. «l'essentiel, c'est que les deux DÉMOCRATIE. « Les démocraties sont toujours Allemands à être eux-mêmes ; à condition que les
peuples (les Français et les Allemands), dans leurs plus ou moins fragiles. Tout le monde ne peut pas Allemands respectent le sentiment national des
profondeurs, exorcisent les démons du passé ; qu'ils s'offrir le luxe d'un régime fragile. Ce genre de autres, c'est-à-dire respectent les autres nations. »
comprennent maintenant qu'ils doivent s'unir pour pays (le Maroc), il vaut mieux qu'ils ne cherchent (10 septembre 1962).
toujours. (•.•) les Français et les Allemands doivent pas à être trop démocratiques. L'important, c'est
devenir des frères. La fraternité des deux peuples, ça que le pouvoir y soit légitime, c'est-à-dire qu'il OTAN. " Les Américains s'obstinent à maintenir
doit devenir quelque chose d'élémentaire. le populo corresponde au sentiment profond du peuple. La leur système d'intégration dans l'Alliance
en est encore àvoir dans les Allemands l'ennemi démocratie et la légitimité ne vont pas forcément atlantique ; c'est-à-dire le système qui, sous une
héréditaire. En réalité, les Allemands n'ont été ensemble. »(5 juin 1963). apparence de participation collective, laissait aux
vraiment nos ennemis que depuis 1870. Ça ne fait seuls Américains la responsabilité de la défense
DISSUASION NUCLÉAIRE. « La force de de l'Europe. Il se justifiait en 1949, quand ils
que trois guerres et trois quarts de siècles, pour les dissuasion n'est pas faite seulement pour jouissaient du monopole de la bombe. Il ne se
Germains et les Gaulois qui ont connu tant de dissuader un agresseur. Elle est faite aussi bien justifie plus du tout. Depuis que la Russie comme
guerres et tant~ siècles. »(27 juin 1962). pour dissuader un protecteur abusif. C'est pour ça l'Amérique sont capables de s'anéantir, les deux
qu'elle doit être tous azimuts. forces de dissuasion s'équilibrent et s'annulent.
AMÉRIQUE. «Tant que les Américains prétendent D'ailleurs, on ne sait jamais d'où peut venir la menace, Vous pensez bien que les Américains ne vont pas
que le dollar et l'or c'est la même chose, il nous faut ni d'où peut venir le pression ou le chantage.Il ne faut risquer leur survie pour défendre l'Europe. Ils ne
les prendre au mot. Nous échangerons nos dollars pas que les esprits chavirent. Un jour ou l'autre,il peut l'on jamais fait, ils ne le feront jamais.(...)
contre de l'or. Mais je suis sûr qu'un jour, ils se produire des événements fabuleux, des Pourquoi voudriez-vous qu'ils acceptent d'être
mettront fin à ce mythe ; le dollar cessera d'être retournements incroyables.Il s'en est produit rayés de la carte, sous prétexte qu'un pays
convertible en or. On verra alors que les Américains tellement dans l'histoire ! L'Amérique peut exploser du européen menacé par la Russie les appellerait au
prétendront substituer l'étalon-dollar àl'étalon-or. secours ? Jamais ils n'emploieront leurs bombes
On s'apercevra qu'ils veulent étendre leur fait du terrorisme, ou du racisme,que sais-je, et dans un cas pareil! •• (9 mai 1962).
hégémonie sur le monde entier. le bandeau
tombera des yeux des Européens. On verra la loi du devenir une menace pour la paix. L'Union soviétique PEUPLES. " Chaque peuple est différent des
plus fort s'imposer brutalement. Il dépend de nous, peut exploser, parce que le communisme s'effondrera, autres, incomparable, inaltérable. Il doit rester lui·
les Européens, que les Américains ne soient pas les que ses peuples se chamailleront. Elle peut redevenir même, tel que son histoire et sa culture l'ont fait,
plus forts. Encore faut-il qu'il y ait des Européens, et menaçante. Personne ne peut dire d'avance où se avec ses souvenirs, ses croyances, ses légendes,
qu'ils soient décidés à ne pas se coucher. Ce qui situera le danger. Et comme il faut vingt ans pour se sa foi, sa volonté de bâtir son avenir. Si vous
n'est pas évident. "(19 décembre 1962). mettre en mesure d'y parer, alors nous prenons tout voulez que des nations s'unissent, ne cherchez
de suite nos dispositions. »(9 mal1962). pas à les intégrer comme on intègre des marrons
ANGLETERRE. «Notre plus grand ennemi dans une purée de marrons. Il faut respecter leur
héréditaire, ce n'était pas l'Allemagne, c'était ÉTAT. « La justification essentielle des États et par personnalité. Il faut les rapprocher, leur apprendre
l'Angleterre. Depuis la guerre de Cent Ans jusqu'à conséquent des gouvernements, c'est de défendre àvivre ensemble, amener leurs gouvernants
Fachoda, elle n'a guère cessé de lutter contre le pays dont ils ont la charge. »{11 juillet 1962).
nous. Et depuis, elle a bien du mal à ne pas légitimes à se concerter, et, un jour, àse
opposer ses intérêts aux nôtres. " (27 juin 1962). EUROPE. «Il n'y a pas beaucoup de véritables
Européens. Je me demande quelquefois si je ne confédérer, c'est-à-dire à mettre en commun
COLONISATION. «Nous avons fondé notre suis pas le seul. Il y a des gens qui cherchent des certaines compétences, tout en restant
colonisation, depuis les débuts, sur le principe de places et des avantages(...) Tous, ils ne veulent indépendants pour tout le reste. C'est comme ça
l'assimilation. On aprétendu faire des nègres de de l'Europe que parce que ça arrange leurs petites qu'on fera l'Europe. On ne la fera pas autrement. »
bons Français. On leur afait réciter : « Nos affaires. Moi, je veux l'Europe pour qu'elle soit (12 janvier 1960).
ancêtres les Gaulois " ; ce n'était pas très malin. européenne, c'est-à-dire qu'elle ne soit pas
Voilà pourquoi la décolonisation est tellement plus américaine. » (12 janvier 1960). RUSSIE. « La Russie boira le communisme comme
difficile pour nous que pour les Anglais. Eux, ils le buvard boit l'encre. »(10 septembre 1962).
ont toujours admis les différences de races et de FRANCE. • C'est très bien qu'il y ait des Français
culture. Ils ont organisé le self-government. li leur jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils • Toutes ces citations sont extraites d'Alain
suffit de distendre les liens pour que ça montrent que la France est ouverte à toutes les Peyrefitte, C'était de Gaulle, Editions de
fonctionne. Nous, nous avons nié ces différences. races et qu'elle a une vocation universelle. Mals à Fallois/Fayard, 1994. Elles rapportent à leur date
condition qu'ils restent une petite minorité. Sinon, les propos tenus à l'auteur par le général de
Gaulle, dont il fut un interlocuteur privilégié.
•
Un imposteur génial
En 1965, renouant avec sa verve de PAR JACQUES LAURENT être permis à bien des pieds-noirs de demeu-
polémiste exercée jadis aux dépens rer sur la terre qu'ils aimaient et qu'ils consi-
de Jean-Paul Sartre, Jacques Laurent d'Algérie dura plus longtemps que sous la déraient comme leur patrie, et à des harkis de
publiait Mauriac sous de Gaulle (La IV' République. Un Roosevelt, un Staline, un survivre.
Table ronde) en réponse à l'homélie Hitler, un Churchill sont historiques parce
dévote de l'auteur de Génitrix. Ce qu'ils ont infléchi le mouvement de l'histoire De Gaulle a assaisonné ces événements
pamphlet valut à Jacques Laurent un - et même Pétain quand il prend le comman- sans jamais les modifier en profondeur mais
procès et une condamnation pour dement au lendemain du Chemin-des-Dames. en leur donnant la saveur de guerre intestine
offense au chef de l'État. N'ayant rien De Gaulle, non. La prospérité économique qui convenait à sa gourmandise. D'emblée il
oublié ni rien pardonné, l'écrivain se dont bénéficiait la France était le fruit d'un avait compris que la France n'était plus une
souvient, persiste et signe. effort entrepris par la IV' République, elle assez grande puissance pour remporter de
était en outre commune à toute l'Europe de véritables batailles; il s'est spécialisé dans le
J'admirais de Gaulle et son génie l'Ouest, elle ne devait rien à la réforme triomphe intestin. Si on relit ses appels de
comme on peut admirer un imposteur constitutionnelle de De Gaulle. De Gaulle 1944, on trouve souvent deux lignes contre
s'il est génial. Aux yeux de ses compa- était pour moi génial parce qu'il avait réussi à Hitler et Mussolini, cent lignes contre Pétain.
triotes et même de l'opinion étrangère, il devenir historique sans modifier 1'histoire ; De préférence, il combattait ses collègues,
avait réussi à s'imposer comme une person- en 1'assaisonnant. Par exemple, en encoura- ses cousins. Certes peu de généraux ont ter-
nalité historique. Lorsque Mauriac écrivit sa geant les préliminaires du 13 mai, en en rassé autant de chefs militaires que lui.
biographie, il commença par énoncer comme exploitant l'explosion, en lançant des procla- Quand Mauriac le comparait à Napoléon, il
une vérité première que si de Gaulle avait été mations qu'il devait renier bientôt, il a contri- avait raison mais il omettait un détail : la
tué à Douaumont au lieu d'être blessé, l'His- bué à entretenir chez les pieds-noirs et dans nationalité des vaincus. C'est sur son inspi-
toire aurait été une autre histoire. Or, de l'armée l'exaltation d'un espoir qui, déçu par ration, avec sa collaboration ou son approba-
Gaulle mort ou de Gaulle sauf, la guerre celui-là même qui l'avait hypostasié, tourna à tion que l'amiral Gensoul fut vaincu à Mers
aurait fini le Il novembre. De Gaulle mort la révolte. Sans lui, la séparation de la France el-Kébir, le gouverneur général Boisson
ou de Gaulle sauf, le traité de Versailles eût et de 1'Algérie se serait sans doute déroulée assailli à Dakar, le général Dentz écrasé en
porté les fruits que Jacques Bainville avait dans un climat moins passionnel. Un Pinay Syrie et réduit à périr sous les chaînes, que
vus en 1920 et Hitler mené aussi vite sa car- ou un Mendès, il est imaginable de supposer tomba l'amiral Darlan, que fut capturé l'ami-
rière. Ensuite? Ensuite c'est la même chose. que le style de leurs négociations aurait peut- ral Decoux, que tant d'autres amiraux, Mar-
On sait que de Gaulle a appris le débarque- quis, Laborde, Robert s'abîmèrent dans les
ment des Anglo-Américains en Afrique du bagnes, et un maréchal que le Kronprinz
Nord dans le journal et la crise de colère qui n'avait pu vaincre à Verdun ni Ludendorff
s'ensuivit. Que de Gaulle ait approuvé ou dans l'Oise. Et les deux dernières victoires
critiqué les modalités du débarquement allié de De Gaulle frappèrent le général Challe et
en Europe, il eut lieu le jour choisi par Roo- le général Salan.
sevelt et par Churchill. De Gaulle mort ou de
Gaulle vivant, le premier coup de canon eût Ce prétendu prophète des chars qui, au
tonné au même instant en Normandie et moment où le général Étienne édifiait la doc-
l'accord de Yalta eût été signé le même jour. trine de leur emploi, défendait la thèse de la
fortification à outrance, ce prétendu théori-
L'Algérie et l'Afrique française auraient cien de la liaison aviation-char qui, pour le
sans de Gaulle obtenu leur indépendance faire croire, a fraudé froidement en ajoutant
d'un Mollet, d'un Faure, d'un Gaillard, d'un un paragraphe à son livre Vers l'armée de
Pinay ou d'un Mendès France, parce que la métier dans une réédition postérieure aux
décolonisation se trouvait dans le courant événements, s'il n'a remporté qu'une préten-
suivi par les nations occidentales. À la veille due victoire à Montcornet, il en a remporté
du 13 mai 1958, la IV' République n'était de bien réelles, la première à Mers el-Kébir,
plus à la recherche que des modalités d'une dont il avait été l'un des inspirateurs, et la
négociation, ce qui justement provoqua, pour dernière rue de l'Isly. Mais toujours sur des
y parer, le 13 mai et le retour de De Gaulle Français. Et j'ignorais qu'il avait encore à
sous le régime duquel, on l'oublie, la guerre livrer sa dernière bataille, celle du boulevard
Saint-Michel, une bataille à la grenade lacry-
mogène, donc bien décevante, où il vit le
signe de son déclin.
J.L.
UNE FAMILLE D ., EUROPE
Aux origines de
Charles de Gaulle
Travail, famille, religion, patrie, PAR PHILIPPE BACCOU
quatre valeurs inculquées dès Élève au collège Stanislas à Paris en 1909.
l'enfance à Charles de Gaulle. •
Elles vont contribuer à faire de ce
fils du Nord ce qu'il sera.
De Gaulle : ce patronyme désonnais
associé, plus que tout autre au xx·
siècle, à la destinée de la France,
n'avait guère brillé dans l'histoire avant
l'homme du 18 juin. Selon une ancienne tradi-
tion familiale, les premiers porteurs du nom
auraient été normands. Un sire de Gaule, pos-
sessionné en pays de Caux, était gouverneur
de Vire en 1417. Il tenta de repousser l'inva-
sion des Anglais mais dut capituler avec sa
garnison. Sommé de se rallier à Henri V
d'Angleterre, il déclara rester fidèle au roi de
France, fut aussitôt exilé et privé de tous ses
biens. Un siècle plus tard réapparaissent en
Bourgogne des Gaules, puis de Gaules, capi-
taines-châtelains de Cuisery, près de Louhans.
De là, ils essaiment à Dijon où ils occupent
des charges au Parlement.
Les généalogistes n'ontjamais pu établir la
jonction entre ces petits seigneurs bourgui-
gnons et le premier ascendant prouvé du Géné-
ral, un certain Jehan de Gaulle, bourgeois de
Châlons-sur-Marne, cité dès 1643. Son fils
Claude et son petit-fils Antoine furent tous
deux marchands. À la génération suivante, la
famille grimpe dans l'échelle sociale : Jean-
UNE FAMILLE D'EUROPE
Mme ]eanne de Gaulle, née Maillot, le 28 avril1860, M. Henri de Gaulle, né à Paris le 22 novembre 1848,
mère de Charles de Gaulle. père de Charles de Gaulle.
Baptiste de Gaulle vient s'installer comme 1830, son neveu Julien-Philippe, grand-père Petit, tous marchands brasseurs, les premiers à
avocat à Paris où il devient bientôt procureur de Charles de Gaulle, vint enseigner à Lille, Dunkerque, et les autres à Lille ; des Creuze,
au Parlement, laissant à sa mort une coquette puis dirigea un pensionnat à Valenciennes. Cet originaire de Quesques et Lottinghen en Bou-
fortune évaluée à 841 000 livres, soit 15 à 20 intellectuel, grand amateur d'archives, consa- lonnais, brasseurs puis marchands de tabacs ;
millions de nos francs actuels. De 1756 à 1768, cra l'essentiel de ses forces à des travaux des Sagnier, autres Boulonnais, eux aussi taba-
il aura quatre enfants d'une Orléanaise, qu 'il d'érudition dont le plus connu, la Nouvelle quiers. Très peu de paysans parmi tous ces
épousera en 1770. L'aîné d'entre eux, Jean- histoire de Paris, parut de 1839 à 1842. Il noms : artisans, commerçants, entrepreneurs
Baptiste-Philippe, est l'arrière-grand-père du épousa en 1835 Joséphine Maillot, fille de ou hommes de loi, les ancêtres flamands et
Général. Ces de Gaulle champenois, puis pari- Charles, qui partageait sa passion d'écrire. picards de Charles de Gaulle, bien avant les
siens n'eurent pas de lien particulier avec les Pour subvenir aux besoins du ménage, celle-ci
pays de langue flamande : rien n'autorise à devint femme de lettres. Polygraphe proli- migrations du xrx· siècle, occupaient déjà
voir dans leur nom, comme certains l'ont cru, fique , journaliste, directrice de revue, elle pro-
la francisation d'un hypothétique de Waulle ou duisit une impressionnante quantité de romans massivement le pavé des villes.
van de Walle, « du rempart ». édifiants et d'opuscules religieux ou histo-
riques parmi lesquels on distingue, outre Descendant du fier
La bourgeoisie urbaine et Adhémar de Belcastel, qui fut un succès de clan McCartan
patricienne du Nord librairie, des vies de saints et de personnages
illustres comme Chateaubriand ou Daniel Cet enracinement dans les provinces du
Si sa lignée paternelle n'est point O'Connell, le libérateur de l'Irlande. Leur fils Nord n'excluait pas de temps à autre quelques
1amande, de Gaulle n'en reste pas moins pro- Henri prendra femme à son tour dans le même alliances plus exotiques dont le souvenir
'ondément homme du Nord par sa généalogie. cercle en s'alliant à sa cousine issue de ger- demeura vivace dans la mémoire familiale des
..es trois quarts de ses trisaïeux sont nés, ou mains, Jeanne Maillot. Delannoy et des Maillot, et qui apparentaient
mt vécu l'essentiel de leur vie à Lille, à Dun- le futur chef de la France libre à plusieurs
~erque et à Valenciennes. La liaison des de Ces mariages successifs rattachaient soli- peuples d'Europe. Battus en 1690 par les
}aulle avec cette région s'établit dès le début dement les de Gaulle à la communauté des troupes de Guillaume III d'Orange, les soldats
lu XIX' siècle, époque à laquelle Auguste- grandes familles du Nord, une bourgeoisie catholiques irlandais restés fidèles à la cause
\lexandre de Gaulle, arrière-grand-oncle du urbaine et patricienne, austère, pieuse, instruite des Stuarts s'enfuirent nombreux vers la Fran-
}énéral, devint garde-magasin des tabacs à et entreprenante, fondatrice de puissantes ce dans ce que 1'on appela le « vol des oies
jlle. Il entra en relation avec les frères dynasties aux innombrables branches. sauvages ». L'un deux, le colonel de cavalerie
:harles et Henri Maillot, de Dunkerque, issus John McCartan, s'engagea dans un régiment
l'une famille de négociants et eux-mêmes Parcourant l'arbre généalogique du Géné- étranger du roi. Son fils Anthony, lui aussi
ngagés dans l'administration des tabacs. Vers ral, nous y voyons apparaître des Delannoy, militaire, est peut-être le même que cet
présents à Lille dès le XVII' siècle, qui furent « Antoine Macartane » qui, le 23 mars 1716,
maître piqueur de grès, notaire, négociant et fit baptiser à Valenciennes le fils illégitime,
avocat réputé ; des Provoost, des Coisne et des
E FAMILLE D'EUROPE
prénommé Antoine-Joseph, qu'il avait eu de La famille de Gaulle réunie en 1904 dans la cour de la maison natale de Charles, 9, rue Princesse à
Catherine Hayez. Cet enfant naturel engendra Lille. Charles est l'avant-dernier à droite.
une dynastie de médecins. Son petit-fils
Andronic Mac Cartan émigre à Londres sous plus que les domiciles parisiens de ses parents, même éloignés. De Gaulle ne se distinguait
la Révolution. Là, en 1798, lui naît une fille de son point d'ancrage demeura sa maison natale, pas en cela de cette bourgeoisie nordiste que
Françoise-Anne Fleming, jeune protestartte la grande demeure lilloise du 9, rue Princesse l'on repère par ses noms à trait d'union, ses
sans doute originaire d'Écosse, qu'il épousera aux six baies et aux douze fenêtres. On reve- interminables faire-part et ses copieuses
civilement en 1813, après leur retour en Fran- nait à chaque occasion, vacances, fêtes, céré- notices dans l'Annuaire Ravet-Anceau.
ce. Cet enfant, prénommée Marie-Angélique, monies familiales, parfois simples week-ends,
sera plus tard l'épouse du bâtonnier Henri fréquenter cette bâtisse acquise en 1872 par le Une omniprésence
Delannoy et la bisaïeule du Général. Malgré grand-père Jules Maillot, alors fabricant de de la guerre
les incertitudes qui subsistent sur la filiation, tulle, dans un quartier encore très populaire,
de Gaulle ne doutait pas de descendre du clan traversé par le canal de la Basse-Deûle, où Bon fils, bon père, bon mari, frère affec-
McCartan et, par là, de ce peuple irlandais résonnaient le bruit des abattoirs et celui des tueux, cousin attentionné, on ne lui connaît, du
comme lui catholique, orgueilleux et rebelle. péniches que l'on décharge, mêlés aux échos moins dans sa jeunesse, guère d'amis : sa
des estaminets. Là continuait d'habiter la propre famille lui suffisait amplement. Et
Les ancêtres allemands de Charles de grand-mère Maillot, en compagnie de l'une de quelle famille ! Dans le monde urbain de la fin
Gaulle sont encore mieux connus. Pasteurs, ses filles, de son gendre Gustave de Corbie et du XIX' siècle, où travaillaient déjà de puis-
chirurgiens, maîtres d'école mais aussi bar- de leurs enfants. En 1947, selon André Fros- santes forces de dispersion, la nombreuse
biers, cordonniers, bouchers et maçons, ils ont sard, le Général aurait eu le projet de racheter parenté du Général resta étonnamment unie et
vécu de tout temps en pays de Bade et en Wur- cette demeure, mais il y aurait renoncé, faute solidaire. Elle le demeurera en se ralliant en
temberg, autour de Karlsruhe, Pforzheim, d'argent. « La conversation la plus émouvante masse, dès 1940, à l'homme du 18 juin.
Stuttgart et Tübingen. À la fin du XVIli' siècle, que j'aie eue avec de Gaulle, écrit-il, est celle
le Badois Ludwig Kolb entre au service du roi où j'ai su qu'il y avait, chez lui aussi, le souve- Plus que beaucoup d'autres provinces, la
de France dans le régiment des gardes suisses nir d'une maison : la rue Princesse à Lille, le Flandre, Je Hainaut, 1'Artois, Je Boulonnais
de Reinach. Devenu Louis-Philippe Kolb, il seul endroit du monde où il aurait peut-être sont terres d'invasions et de combats.
épouse en 1790, à Maubeuge, une demoiselle recouvré ce droit d'être lui-même que sa fonc- Romains, Francs, Saxons, Vikings, Anglais,
Nicot, fille d'un grenadier du même régiment. tion lui avait retiré, où il savait, me dit-il, qu'il Espagnols, catholiques et protestants, Hollan-
Pour obtenir la dispense du pape, le futur mari, ne retournerait jamais. » dais, Autrichiens, Prussiens, Allemands les ont
resté luthérien, promit de laisser élever ses parcourues en tous sens, ravagées, rançonnées,
enfants dans la foi catholique. Louis-Philippe Les aïeux parisiens, picards, irlandais et assujetties tour à tour, laissant un chapelet de
quitte bientôt l'armée, s'installe à Dunkerque allemands de Charles de Gaulle ne méritent souvenirs funestes : Azincourt, le siège de
où il entame une nouvelle carrière dans pas seulement d'être cités par curiosité. Ces Boulogne (1544), la ruine de Thérouanne
l'industrie des tabacs. C'est là qu'il connaîtra hommes et ces femmes, croyons-nous, ont (1553), Malplaquet (1709), les bombarde-
le régisseur Henri Maillot auquel il mariera sa constamment fait partie de 1'imaginaire du ments d'Arras, de Calais, de Lille, de Dun-
fille Louise, arrière-grand-mère du Général. Général. Ils ont peuplé son panthéon familial, kerque... L'histoire de sa région natale ensei-
Devenu chef de l'État, l'illustre descendant du piqué sa curiosité d'enfant, relié sa propre per- gnait à Charles de Gaulle J'omniprésence de la
soldat Kolb saura tirer parti de l'histoire de son sonne à tout un vaste réseau généalogique. Ses guerre. Son environnement familial et J'esprit
lointain aïeul quand sonnera l'heure de la lettres et ses carnets témoignent de la connais- du temps n'ont pu que renforcer cette vision.
réconciliation franco-allemande. sance étendue qu'il avait de son lignage et de Patriotes fervents , les de Gaulle et les Maillot,
l'intérêt qu 'il porta toujours à ses parents, s'ils n'ont point souvent pratiqué le métier des
Des aïeux picards,
irlandais et allemands
Attiré vers le Nord par ses racines fami-
liales, de Gaulle y revint assez fréquemment
dans son enfance pour que se grave en lui la
marque d'une certaine façon de vivre et la
mémoire de certains lieux. S'il est vrai, selon
le mot d'Olivier Guichard, que la vraie patrie
des enfants est celle des vacances heureuses, la
terre d'élection du jeune Charles se situe sur la
Côte d'Opale, quelque part entre Boulogne-
sur-Mer et la Belgique, à Wimille, Wimereux,
Malo-les-Bains et Rosendaël, près de ces
immenses plages battues par les vents et de ces
promontoires crayeux où Je regard embrasse à
perte de vue d'infinies perspectives. À la ville,
•
UNE FAMILLE D'EUROPE
armes, respectaient profondément la chose Mariage du capitaine Charles de Gaulle et maient ses élèves, fut un personnage attachant.
militaire. Le père, Henri de Gaulle, fut admis- d'Yvonne Vendroux, le 7 avril 1921, en l'église Cet homme qui, outre son propre fils, forma
sible à Polytechnique mais dut renoncer à sa Notre-Dame-de-Calais. tour à tour Bernanos, le cardinal Gerlier et les
vocation de soldat pour raisons financières. En futurs maréchaux Leclerc et de Lattre, aura
juillet 1870, il est appelé comme garde mobi- famille n'était pas insensible aux idées peut-être exercé, grâce à quelques-uns de ses
le. Le manuscrit qu'il a rédigé sur l'histoire de sociales et à un certain ouvriérisme, que justi- disciples, une emprise intellectuelle et morale
sa famille garde la trace de ses souvenirs de fiait la tradition de l'Église, hostile au libéra- hors du commun. Ce qu'enseigne le père de
guerre. Mal équipées, mal entraînées, les lisme et à ce que nous appelons aujourd'hui la Gaulle dans ses conférences d'histoire, c'est
troupes de réservistes sont mobilisées dans le société marchande. Ce catholicisme social avant tout la continuité de la France. Rien de
plus grand désordre. Le jeune homme assiste pèsera lourd dans la formation du fondateur de plus étranger à J'esprit de ce monarchiste que
impuissant à J'effondrement de J'armée impé- la V' République. l'idée de la Révolution qu'il juge, comme
riale. Nommé sous-lieutenant, il participe à la Joseph de Maistre, « satanique dans son essen-
défense de Paris, subit Je siège de la capitale et L'influence forte du ce». Pour lui, au contraire, l'unité de la France
la honte de la capitulation, << déguisée sous le cc père de Gaulle » résulte de la politique patiente, réaliste et prag-
nom d'armistice ». matique des Capétiens. Les ruptures, les cli-
Puissante fut aussi l'influence du père. vages entre Français ne peuvent que l'affaiblir.
Ces événements, qui dataient tout juste de Catholique intransigeant, Henri de Gaulle À cinquante ans de distance, ce credo préfigure
vingt ans à la naissance de Charles, conti- consacra une bonne part de sa vie au service de déjà les grands thèmes gaulliens.
nuaient de nourrir sans cesse les conversations J'école libre. On Je trouve d'abord professeur,
familiales : « Rien ne m'émouvait autant, écrit puis préfet des études au collège de l'Immacu- Vers quinze ans, semble-t-il, nous voyons
de Gaulle au début de ses Mémoires de guerre, lée-Conception à Paris, professeur au collège se fixer la personnalité du jeune de Gaulle. Cet
que le récit de nos malheurs passés : rappel Sainte-Geneviève, enfin fondateur et directeur adolescent sûr de lui-même et dominateur a
par mon père de la vaine sortie du Bourget et du cours Fontanes, lorsque les congrégations paru jusque-là se chercher : il s'ennuie au collè-
de Stains, où il avait été blessé ; évocation subirent l'interdiction d'enseigner. Conserva- ge, s'essaye à la poésie. C'est à ce moment que
par ma mère de son désespoir de petite fille à teur jusqu'au bout des ongles, adepte en toutes s'affirme sa vocation de devenir officier. On lui
la vue de ses parents en larmes : "Bazaine a circonstances du chapeau haut-de-forme, fait comprendre qu'il faut pour cela travailler.
capitulé!"». Il n'était pas difficile d'en tirer la farouche adversaire du stylographe et de De Gaulle va tout à coup devenir un bûcheur
leçon : vaincue par la défaillance de son 1'automobile, mais aussi merveilleux péda- aux brillants résultats. En 1905, il rédige un
armée, la France devait la reconstruire. gogue, le père de Gaulle, comme le surnom- texte étonnant: «En 1930, imagine-t-il, l'Euro-
Charles de Gaulle, avec toute sa génération, pe, irritée du mauvais vouloir et des insolences
fut élevé dans cette idée-là. Garçon turbulent, du gouvernement, déclara la guerre à la France».
adorant faire manœuvrer les soldats de plomb Dans ce récit, tout proche des rêves et des jeux
et mimer, avec ses frères et ses cousins, les de l'enfance, s'entremêlent le souvenir de ses
grandes batailles du passé, Je futur auteur du lectures d'histoire et la topographie de ses lieux
Soldat et du Fil de l'épée se pare dès son plus de vacances. Là paraît pour la première fois un
jeune âge de J'uniforme du combattant. certain général de Gaulle, lequel, « mis à la tête
de 200 000 hommes et de 518 canons », va
Si l'on croit à la vertu de J'exemple fami- enfoncer les armées allemandes. Le personnage
lial, ce militaire en herbe aurait pu devenir est déjà constitué. Reste à attendre que 1'Histoi-
'lussi bien homme d'Église. On gardait encore re lui donne vie.
tout proche, dans les jeunes années du Géné-
~al, le souvenir d'un arrière-grand-oncle PHILIPPE BACCOU
naternel. Charles Kolb-Bernard (1798-1888),
1ui fut président de la chambre de commerce Bibliographie :
ie Lille, député puis sénateur du Nord. Ce - Joseph Valynseele et Nicole Dreneau, La
nonarchiste et chrétien convaincu, bienfaiteur parentèle de Charles et Yvonne de Gaulle (Intermé-
les écoles catholiques et fondateur, dans sa diaire des chercheurs et curieux, 1990).
1ille, de la société de saint Vincent de Paul, fut -Michel Marcq, Charles de Gaulle, la légende
tppelé de son vivant 1'« évêque laïc de Lille ». du Nord (Renaudot et Cie, 1988).
)eux tantes religieuses, Marguerite et Marie -Georges Cattaui, Charles de Gaulle, l'homme
11aillot, moururent en odeur de sainteté. Du et son destin (Ch 1, Les morts qui parlent, Fayard,
:ôté paternel, on n'était pas loin non plus de 1960).
enir pour un saint l'oncle Charles (1837- -Jean-Raymond Toumoux, Jamais dit (Ch.! et
880), pauvre paralytique devenu éminent cel- annexes, Plon, 1971 ).
isan et poète breton, auteur d'un Appel aux -Jean Lacouture, De Gaulle, vol. 1, Le Rebelle
eprésentants actuels de la race celtique et (Ch 1et 8, Éd. du Seuil, coll. Points Histoire, 1990).
l'une Pétition pour les langues provinciales, - De Gaulle, fils du Nord, 1 - L'essor (n° spé-
t qui avait ramené à la pratique de la religion cial de Nord-Éclair dirigé par André Caudron,
on propre père, J'érudit Julien-Philippe. Cette 1986).
- Charles de Gaulle, Lettres, notes et carnets
(tome 1, 1905-1918, Plon, 1980).
Il
E/ LE' VE DE BAINVILLE ET DE /
PEGUY
Les anne~ es
de formation
PAR FRANÇOIS-GEORGES DREYFUS
Homme de droite, de gauche ou jacques Bainville (1879-1936). Historien par Les sources de la pensée politique du
tempérament, il considérait le passé comme une général sont multiples. Elles proviennent
du centre ? Nourri de la pensée expérience permettant d'entrevoir l'avenir. De généralement de ce qu'il est convenu d'appe-
1908 à 1935, il donna presque quotidiennement ler la pensée de droite.
maurrassienne et de la doctrine un article à l'Action française, y gagnant une
influence à laquelle ne devait pas échapper le Il ne faut pas oublier tout d'abord que le
sociale chrétienne, le futur général jeune Charles de Gaulle. général de Gaulle est un catholique, profondé-
ment marqué par l'enseignement de l'Église.
s'imprégna aussi des idées de la pendant un bon demi-siècle le philosophe Celle-ci, jusqu'à sa mort en tout cas, était plus
Alain. C'est tout cela qui permet à de nom- à droite qu'à gauche. Il suffit de penser à
« Révolution conservatrice » alle- breux gaullistes de déclarer que le gaullisme l'influence qu'ont eu sur de Gaulle les idées
allait bien au-delà du clivage gauche-droite. institutionnelles de La Tour du Pin. Celui-ci
mande et des non-conformistes proposait dès les années 1880 la création d'une
En réalité la pensée gaullienne, en raison seconde chambre à dominante socio-profes-
français des années trente. Mais ce même de ses origines, est bien davantage une sionnelle, ce que le général suggérera dans le
pensée de droite que de gauche : et cela demeu- discours de Bayeux et tentera en vain de faire
disciple de Bergson ne fut-il pas rera jusqu 'à sa disparition quoique puissent dire avaliser aux « parrains » de la constitution de
nombre de ses admirateurs ou de ses adversaires. 1958. Et l'on sait que c'est sur la réforme du
aussi celui de Nietzsche ? sénat qu 'achoppera le référendum du 27 avril
1969 qui amènera le général à démissionner.
0 n peut faire du général de Gaulle un
homme de gauche (ce qu'a pensé Jean Catholique, il a été certainement sensible à
Lacouture), un homme de droite, ce l'enseignement social de l'Église. Rerum
qu 'ont fait socialistes, communistes et radi- novarum en 1891, Quadragesimo Anno en
caux, un homme du centre, ce à quoi nombre 1931 , Mater et Magistra en 1961, ont incon-
de gaullistes se sont attachés. testablement influencé, en particulier sur les
rapports entre le capital et le travail, sa manière
Disons simplement que le général de Gaulle de voir les choses. Dès lors, il n'est pas éton-
a peut-être été tout cela en même temps. nant que dans le tome 1 des Mémoires de
guerre le Général fasse l'éloge des réformes
Homme de gauche dans la mesure où il économiques et sociales de Vichy, largement
prône une troisième voie entre le marxisme et inspirées, elles aussi, par la pensée catholique.
le libéralisme, où il préconise la participation, Le Général, lui, les récusant simplement parce
où il engage la France dans la politique des qu'elles avaient été promulguées dans une
nationalisations. France envahie.
Homme de droite, le Général le montre Au reste c'est dans le catholicisme que le
bien dans sa conception du pouvoir qui a peu à Général puise sa vision hiérarchique de la
voir avec la tradition républicaine que défendit société, vision commune à 1'Église et à
l'Armée et c'est le gallicanisme qui inspire
SA PENSÉE POLITIQUE
1
visiblement son comportement à l'égard du regroupent autour de la revue Plans : ce grou- UN BRÉVIAIRE
Saint-Siège. À cet égard il est plus proche de pe, lui, récuse le malthusianisme de la Répu- NIETZSCHÉEN
Bossuet que de Fénelon. blique radicale, regarde avec faveur le progrès
technique : et si parmi les hommes qui appar- • Sans la force, pourrait-on concevoir la
Charles de Gaulle est né en 1890 : il se tiennent à Plans on trouve des Vichyssois vie ? Qu'on empêche de naître, qu'on
forme au temps de la splendeur de Barrès, au comme René Belin ou Yves Bouthellier, des stérilise les esprits, qu'on glace les âmes,
:emps où Maurras tient dans l'intelligentsia collaborateurs comme Déat, on y rencontre qu'on endorme les besoins, alors, sans
'rançaise une place de premier ordre. Même si aussi nombre de résistants qui auront une doute, la force disparaîtra d'un monde
;on père Henri de Gaulle est un catholique influence souvent considérable sur le Général, immobile. Sinon, rien ne fera qu'elle ne
:lreyfusard, la famille du Général est plus tels Philippe Lamour, Louis Vallon ou même demeure indispensable. Recours de la
Jroche du nationalisme barresso-maurrassien Jules Moch.· Les « non conformistes » ont des pensée, instrument de l'action, condition du
1ue du radicalisme de la ligue des Droits de positions · .parfois divergentes, mais il y a mouvement, il faut cette accoucheuse pour
'Homme. « Toute ma vie je me suis fait une consensus entre eux sur un certain nombre de tirer au jour le progrès. Pavois des maîtres,
:ertaine idée de la France » est une expres- thèmes que l'on retrouve chez le Général, qui a rempart des trônes, bélier des révolutions,
;ion reprise à Barrès. Et le nationalisme de été en contact avec eux par son mentor Je colo- on lui doit tour à tour l'ordre et la liberté.
:harles de Gaulle ne se puise pas seulement nel Mayer. D'ailleurs La France et son armée Berceau des cités, sceptre des empires,
:hez Barrès, Bainville ou Maurras mais natu- est publié par Plon en 1938 dans une collection fossoyeur des décadences, la force fait la loi
·ellement chez Péguy comme 1'a très bien que dirige le « non conformiste » Daniel-Rops. aux peuples et leur règle leur destin.
nontré Alain Larcan. Après tout Péguy dans • On ne fait rien de grand sans de grands
es dernières années des Cahiers de la Quin- La << Révolution hommes, et ceux-ci le sont pour l'avoir
aine développe plusieurs « idées forces » conservatrice » voulu.(..•) Puissent être hantés d'une.telle
pour reprendre une formule judicieuse ardeur les ambitieux de premier rang,-
l'Alain Peyrefitte) l'ordre, la liberté, la « per- On pourrait ajouter à ces éléments qui ont artistes de l'effort et levain de la pâte,- qui
onne France » qui se retrouvent continuelle- profondément marqué le Général, une source ne voient àla vie d'autre raison que
nent dans les textes du général. dont on ne parle guère : la « Révolution d'imprimer leur marque aux événements et
conservatrice » allemande. Ce mouvement qui, de la rive où les fixent les jours
Outre Péguy, il y a aussi Maritain, le réno- d'idées est né dans le Reich vers 1910. Mais ordinaires, ne rêvent qu'à la houle de
·ateur du thomisme, l'un des maîtres à penser entre 1916 et 1918, époque où le général de l'Histoire.
les « non conformistes des années trente ». En Gaulle est en captivité et dépouille systémati- • Il faut que les maîtres aient des âmes de
)Ut cas Péguy sous-tend son nationalisme par quement la presse allemande, paraissent tour à maîtres, et c'est un calcul bien mauvais que
! socialisme proudhonien. Nationalisme tour l'essentiel de l'œuvre de Walter Rathenau d'écarter de la puissance les caractères
éguiste et socialisme proudhonien conjugués contre le parlementarisme et sur la mécanisa- accusés sous prétexte qu'ils sont difficiles.
onduisent, non pas au Roi comme le pensait tion du monde, les Considérations d'un apoli- • L'homme d'action ne se conçoit guère
1aurras, mais au refus de la République parle- tique de Thomas Mann, violente critique de la sans une forte dose d'égoïsme, d'orgueil, de
1entaire : pensons au dialogue entre de Gaulle démocratie, Le Style prussien de Moeller van dureté, de ruse. Mais on lui passe tout cela
t Christian Pineau, en avril 1942, chef de den Bruck. Or ces divers ouvrages des « doc- et, même, il en prend plus de relief s'il s'en
Libération Nord », : « Ne me demandez pas trinaires de la Révolution allemande » glori- fait des moyens pour réaliser de grandes
'approuver une République sans autorité, un fient la germanité, s'en prennent au libéralis- choses.
~gime de partis » et de Gaulle réitère quand me, récusent le capitalisme anglo-saxon, • La passion d'agir par soi-même
n lui demande d'affirmer sa fidélité à la appellent à la régénération de 1'Allemagne par s'accompagne, évidemment, de quelque
.épublique et à la démocratie : « Pas le nationalisme, seul moyen de lutter contre la rudesse dans les procédés. L'homme de
'importe lesquelles ! pas de retour à la licen- décadence. caractère incorpore à sa personne la rigueur
~ d'avant-guerre. J'entends condamner le propre à l'effort. Les subordonnés
!gime qui nous a amenés où nous sommes.. . » On le voit, il y a aux origines de la pensée l'éprouvent et, parfois, ils en gémissent.
out cela devient dans le message de juin du Général des sources variées qui le conduisi- D'ailleurs, un tel chef est distant, car
~42 à la Résistance : La III' République, « un rent à exalter la nation, à y restaurer la liberté l'autorité ne va pas sans prestige, ni le
:gime moral, social, politique [qui] a abdi- dans 1'ordre et 1'autorité, à tenter d'y instaurer prestige sans éloignement. Au-dessous de
~é dans la défaite après s'être lui-même une discipline fondée sur les valeurs tradition- lui, l'on murmure tout bas de sa hauteur et
1ralysé dans la licence ». Ne l'oublions pas nelles dont les Écritures sont la source. de ses exigences. Mais, dans l'action, plus
s « non conformistes des années trente », de censeurs ! Les volontés, les espoirs
mmanuel Mounier, Robert Aron, Thierry FRANÇOIS-GEORGES DREYFUS s'orientent vers lui comme le fer vers
!aulnier, Daniel-Rops sont à ce point pétris l'aimant. Vienne la crise, c'est lui que l'on
: la pensée de Barrès et de Péguy qu'ils pré- François-Georges Dreyfus est professeur à la suit, qui lève le fardeau de ses propres bras,
misent un système politique antilibéral, anti- Sorbonne (Paris IV) après avoir enseigné à dussent-ils s'y rompre, et le porte sur ses
trlementaire (pensons à ce qu 'écrit Emma- l'Université des sciences juridiques politiques et reins, quand même ils en seraient brisés.
lei Mounier après les journées de Février sociales de Strasbourg. Auteur de nombreux
134 dans Esprit) plébiscitaire et régionaliste. ouvrages, il a notamment publié en 1982 De CHARLES DE GAULLE
; sont plus que réticents devant la société Gaulle et le gaullisme : essai d'interprétation Le Fil de l'épée, 1932
dustrielle à l'exception de ceux qui se (PUF). Il prépare actuellement une histoire de la
Résistance.
E" CHEC DE V A'· N T ABBEVILLE
Le mythe et la réalité
PAR HENRY DE WAILLY
De Gaulle aurait voulu laisser
une trace dans l'histoire militaire,
être le Rommel français. La
bataille d'Abbeville lui en four-
nissait peut-être l'occasion. Histoi-
re d'un échec oublié.
L orsque le 10 mai se déclenche l'attaque Le 23 octobre 1939, le président Lebrun visite la formation de chars commandé par le colonel
allemande, la silhouette de De Gaulle de Gaulle. Celui-ci n'a pas encore subi l'épreuve du feu à la tête d'une unité blindée.
est déjà nettement découpée : ce colo-
nel a une image, une réputation, un style et de là où on ne l'attend pas, il anime ses hommes. Les conditions d'engagement de la divi-
l'allant. Dans cette armée toute engoncée, Du 12 au 31 mai il va faire montre d'un éton- sion devant Montcornet et Crécy-sur-Serre ne
encombrée de généraux cacochymes, ce chef nant sang-froid, d'une impavidité au feu stupé- sont pas celles dont un chef peut rêver : le
de 49 ans apparaît comme un animateur. Dès le fiante pour ses proches. Blessé en 1916, il sait colonel de Gaulle n'avait ni l'initiative du
12 il est convoqué à La Ferté où fonctionne le que « le feu tue », mais on le voit, comme moment, ni celle des moyens, à peine celle de
Grand Quartier et se voit confier la 4' division Guderian, circuler derrière les chars presque sa propre organisation. Les chars allemands de
cuirassée de réserve, la 4' DCR. Doumenc, au contact dans une berline Renault de touris- Guderian, fonçant plein ouest, défilaient au
major général, a pour lui ce mot fameux : me non camouflée. Il ne peut pas être touché. nord devant lui. Il les attaqua de flanc, lançant
Il se croit, dirait-on, entouré d'un cercle ses unités au fur et à mesure qu'elles débar-
« -Allez, de Gaulle ! Pour vous qui avez, magique impénétrable aux balles et s'il porte quaient des trains. Faisant pivoter, devant cette
depuis longtemps, les conceptions que l' enne- quelquefois le casque, c'est sur l'insistance de menace française, une force d'artillerie en
mi applique, voilà l'occasion d'agir! » ceux qui l'accompagnent. Spontanément il flanc-garde et lançant des Stukas, Guderian,
porte le képi. Seul geste de prudence, un soir sans même ralentir ses chars, stoppera les
Du 12 mai au 5 juin, de Gaulle va com- qu'à Huppy, près d'Abbeville, le bombarde- Français, obligeant de Gaulle à se retirer der-
mander la plus puissante des huit grandes uni- ment d'artillerie allemand sur son PC devient rière 1'Aisne avec de très lourdes pertes. Mont-
tés blindées alliées. II devient maître de ses précis, il demande, restant assis, s'il y a une cornet, dont s'emparera la légende, on ne sait
décisions, sinon de ses approvisionnements et cave. pourquoi, n'aura été à tout prendre qu'une
de ses équipements. C'est l'occasion : il va
montrer ce qu'il faut faire.
De Gaulle soldat est exemplaire. Tout au
combat, ne dormant pas, autoritaire, surgissant
partout pour pousser les attaques, apparaissant
•
ABBEVILLE
reconnaissance blindée très coûteuse et sans Avance des Panzers suivant la méthode longuement expérimentée et mûrie par le général Guderian.
lendemain. Mais comment de Gaulle, dans de
telles conditions de désordre et d'urgence, kern, klotzen » ne cesse de répéter, en face, 29, on reprend l'attaque. Devant la pression
aurait-il pu développer « les théories que Guderian : « Ne pas s'éparpiller, faire bloc. » des F~ançais J'infanterie allemande s'enfuit en
l'ennemi appliquait » ? C'est ce que fait Chome!. panique, mais l'artillerie, continuant de tirer,
masque leur fuite. Un régiment français -
Réduite de moitié, la 4' DCR va être De Gaulle, pourtant, écartera ce plan, 1 200 dragons portés- attend en réserve qu'on
reconstituée à Pierrefonds. Elle va y être ren- imposant une formule classique d'attaque l'engage mais, faute de transmissions sans
forcée par des unités de cavalerie non entraî- char-infanterie. Disposait-il de renseignements doute, de Gaulle ignore la fuite allemande et
nées, mais dotées d'excellents blindés, si bien particuliers, se demandera Chome! ? C'est ne saisit pas l'occasion. L'attaque commence à
que lorsqu'il s'avance le 27 mai vers Abbevil- possible. De Gaulle dira seulement, décou- piétiner. En face, les 88 mm, redoutables
le, le « groupement de Gaulle » constitue cette vrant son plan : canons antiaériens tirant à l'horizontale, ont
fois-ci un puissant ensemble, bien coordonné, stoppé les chars français. Le soir, on n'a pas
de deux cents blindés accompagnés de leur « -Ce n'est pas cela du tout : on attaque- pris les ponts, ni même conquis la position.
infanterie, de leur artillerie, dépourvus pour- ra par l'Est. » Les Allemands, par petits groupes, commen-
tant de moyens aériens de reconnaissance ou cent à contre-attaquer. Demain, on reprendra
d'appui, de Génie et de Transmissions. Sa Une attaque l'offensive. Même dispositif char-infanterie,
mission consiste à détruire une large tête de à l'ancienne mode même objectif, même axes.
pont installée par l'ennemi depuis une semaine
au sud de la Somme et à saisir les ponts De Gaulle dispose ses forces en trois fais- Facile à dire ! Les coloniaux ont perdu 600
d'Abbeville, qu'elle protège : l'objectif est ceaux distincts et attaque de façon concen- hommes et la OCR ne dispose plus le 30 mai
stratégique. Ces ponts - les derniers avant la trique. Il ne fixe pas les ponts comme objectif que de 8 chars lourds et de 90 légers. « Cette
Manche - commandent en effet les accès à la mais la hauteur qui les protège, au cœur de la division peut être considérée comme dépensée »,
Normandie, face à 1'Angleterre qu'Hitler tête de pont. Division des forces, difficultés de estime le général Delestraint commandant
compte attaquer après la France. progression sur un terrain difficile et non l'échelon supérieur technique. Est-il encore
reconnu, coupé de bosquets et de talus, il mul- possible de supprimer cette tête de pont qu'hier
Une division blindée anglaise a essuyé tiplie les handicaps. Nul ne s'explique pour- encore, beaucoup plus forts, on n'a pu prendre?
hier, 27 mai, un cuisant échec en attaquant quoi le colonel de Gaulle n'applique pas les De Gaulle, qui a déjà donné ses ordres, estime
cette position mais les Français considèrent principes du commandant de Gaulle. que c'est possible, mais pour étudier cette nou-
que le faible blindage des tanks britanniques velle offensive, une conférence d'officiers
suffit à l'expliquer. Les gros BI-bis de 32 L'offensive rencontre d'abord un indiscu- supérieurs est organisée par l'armée.
tonnes, les solides petits chars Renault, les table succès : après de très vifs combats, les
Somua et les Hotchkiss de cavalerie résiste- lignes allemandes sont bousculées, un matériel Cette réunion est impromptue. Elle n'a pas
ront mieux, c'est sûr. Cette attaque, dit l'état- important est détruit, plusieurs centaines de pri- été souhaitée par de Gaulle. Le chef de la 4'
major de l'armée, sera une promenade ! Dans sonniers sont faits. De Gaulle, à la nuit, télé- DCR, qui ne consulte personne, n'admet pas
la pensée du haut commandement, « la réduc- phone de son PC la nouvelle à Reynaud : il veut davantage les conseils, d'où qu'ils viennent.
tion de la poche d'Abbeville n'est qu'une petite que le gouvernement apprenne le premier son Abbeville, c'est son affaire. Or il a conçu son
affaire, un simple aller et retour de la DCR ». succès. Son objectif est à Paris autant qu'ici. attaque. Qu'attendre de cette conférence?
Mais l'ordre, qui vient du général Weygand,
est impératif : << Il faut réduire immédiatement Le mouvement, entamé en fin d'après- Le général Chanoine, commandant une
les têtes de pont. Impossible d'accorder un midi, est interrompu par la nuit. Le lendemain, division voisine, y participe. Ce cavalier
délai à la division. »
De Gaulle dispose, à la tête de sa grande
unité, d'un chef d'état-major qu'il a choisi lui-
même, le commandant Chome!. Arrivé sur le
terrain avant son chef, Chome! a préparé un
plan d'attaque : ayant lu de bons auteurs, il
veut attaquer de vive force en groupant ses
moyens.
« - J'avais prévu, dira-t-il, un dispositif
1'attaque sur l'axe de la principale pénétran-
te, la grand-route Rouen-Abbeville. » Tous les
;hars, ainsi groupés, devaient forcer les
jéfenses allemandes, roulant sur terrain plat,
diant droit vers les ponts, évitant les vallées
1ui, à droite et à gauche, constituaient de
arges fossés difficiles à traverser.
Le plan Chome! prévoit une attaque
;oncentrée, puissante et brève. « Nicht kle-
1
GUERRE MOTORISÉE ET AVIATION D'ASSAUT
L'écrasante victoire allemande de 1940 est le Le général Heinz GudeTÜln (1888-1954), théo· étudia attentivement les travaux des théoriciens
résultat d'un effort acharné entrepris dès le ricien et praticien génial de la guerre motorisée. anglais, Fuller, Martel et Liddell Hart qui avalent
lendemain de la défaite de 1918 pour tirer les formulé très tôt le concept de grandes unités
enseignements du conflit mondial en tenant mais le compilateur de théories développées blindées. Les Allemands devaient y ajouter
compte des nouvelles armes, le char et l'avion. longtemps avant lui. Il s'efforça, en revanche, de d'emblée une dimension essentielle :celle de
Les officiers d'état-major allemands eurent sensibiliser le monde politique à la nécessité l'aviation. Durant l'hiver 1923·1924, Guderian se
assez d'Imagination, d'audace et de réflexion d'une armée motorisée. vit confier par le lieutenant-colonel von
pour concevoir et mettre en forme une nouvelle Les réflexions françaises ne devaient pas sortir Brauchitsch la direction d'un Kriegspiel sur
formation de combat articulée sur des divisions du domaine des idées générales. Une fois le l'emploi des unités motorisées en liaison avec
blindées (Panzer-divis/onen) appuyées par une conflit de 1914·1918 terminé, la société dans son l'aviation tactique. L'idée totalement nouvelle
Imposante aviation d'assaut. ensemble, épuisée par le carnage, aspirait à la d'une organisation tactique bâtie autour du
L'Idée de telles formations motorisées, paix. L'armée semblait devoir être reléguée couple char-aviation était née. Elle reçut un
soutenues par un appui aérien, n'avait pas parmi les anachronismes inutiles et dangereux. début de confirmation pendant la guerre
échappé aux Français. Dans un~ note pour les Maginot, ministre de la Guerre en 1929, fit d'Espagne sous le commandement du général
grandes unités datée du 13 février 1918, le adopter le projet de fortifications qui portera son von Thoma, puis en Pologne en septembre 1939,
général Pétain (commandant en chef) écrivait : nom (loi du 4janvier 1930), préparé depuis 1925 sans ébranler pour autant les certitudes
« L'action du canon sera prolongée par toute par Painlevé. Ainsi, tandis que l'Allemagne, toute périmées des responsables français de la
l'aviation disponible : à coups de bombes et de bruissante d'énergies travaillait en secret sur le Défense.
mitrailleuses, nos avions s'acharneront, de jour concept offensif d'armée blindée, la France, elle, Au sein du Haut Commandement allemand, les
et de nuit, sur les colonnes en marche, les s'endormait à l'abri illusoire d'une partisans de l'arme blindée et de l'aviation
convois, les bivouacs et les parcs[...] La " imprenable » ligne fortifiée. d'assaut avaient du reste eux-mêmes rencontré
surprise tactique sera obtenue par la soudaineté Les premiers tanks, comme on les appelait alors, force oppositions. En 1935, le général Beek, chef
du déclenchement de l'attaque, soit à la faveur avaient été engagés par les Anglais à Flers, le 15 d'état-major de l'armée allemande, concevait
d'une préparation par l'artillerie et par l'aviation septembre 1916. Un an plus tard, ils avaient failli encore le char comme un engin
de bombardement, aussi brève et aussi violente obtenir la décision lors de l'offensive de d'accompagnement de l'infanterie. C'est Hitler
que possible, soit sans préparation, à la faveur Cambrai, les 19 et 20 novembre 1917. Les qui fit la décision. À Kunersdorf, en 1935, au
de l'action de rupture des chars d'assaut Allemands ne devaient pas l'oublier. Une cours d'un exercice, il comprit immédiatement,
ouvrant la voie à l'infanterie et à l'artillerie[...] inspection des troupes automobiles fut avec son étrange intuition, la portée de l'arme
Le r61e de l'aviation est de la plus haute constituée dès l'origine dans la Reichswehr, et nouvelle. Devant Guderian qui commandait la
Importance. » on y affecta, le 1" avril1922, un officier d'état· manœuvre, il laissa exploser son enthousiasme :
Leçon vite oubliée après la victoire, les major, le capitaine Heinz Guderian. Celui-ci " C'est ce qu'il me faut ! »
gouvernements successifs, qui décidaient de la L'arme blindée et l'aviation d'assaut coïncidaient
politique militaire française, Imposant, en effet parfaitement avec le type d'homme que
conformément au vœu de l'opinion, une le national-socialisme avait porté au pouvoir.
stratégie purement défensive (ligne Maginot). " Ceux qui dirigent le Reich d'alors, remarque
Le général Estienne, " le père des chars » avait Bertrand de Jouvenel, sont d'anciens
développé dès 1930 l'idée d'une armée blindée combattants, des aviateurs, des chefs de
autonome de 100 000 combattants et de 4000 détachements d'assaut, des aventuriers. Ils
chars. Peine perdue. Pourtant, dans ces mêmes connaissent la vertu de la surprise, du choc
années, la Revue militaire française publia subit qui étourdit et paralyse l'ennemi.
plusieurs études fouillées sur les expériences En 1940, l'irruption des Panzerdivisionen en
anglaises en matière d'unités mécanisées longues colonnes savamment articulées, sur les
autonomes, notamment sous la signature du routes des Ardennes, de Picardie et de
capitaine Cammas et sous celle du capitaine Champagne, stupéfiera les généraux français.
Morel, futur résistant, mort au camp de L'état-major allemand, stimulé par Hitler, afait de
Buchenwald. Les pages consacrées aux chars la division blindée l'instrument destiné non
par le colonel de Gaulle dans son percutant seulement àopérer la rupture du front, chose
essai, Vers l'armée de métier(1934), reprirent relativement facile, mais aussi et surtout à
ces idées avec un talent littéraire qui déjà exploiter stratégiquement cette rupture. C'est à
s'affirmait. Le colonel négligeait cependant le elle qu'il aconfié la mission d'opérer en
rôle essentiel de l'aviation d'assaut. Les lignes profondeur et d'interdire toute réaction utile de
évoquant celle-ci ne figureront que dans les l'adversaire en multipliant la surprise sur des
compléments de l'édition de 1943, soit points essentiels, en jetant le désordre sur les
longtemps après l'apparition des Stukas dans le arrières, coupant les liaisons, semant la panique,
ciel de France... étouffant dans l'œuf les contre-attaques.
Contrairement à un pieux mensonge, le colonel
de Gaulle ne fut pas le "prophète des chars », CHARLES VAUGEOIS
•
ABBEVILLE
connaît de Gaulle, qui fut son élève à 1'École Au lendemain de son échec devant Abbeville, le général de Gaulle est appelé à siéger au sein du gou-
de Guerre, en 1922. Il s'exprime donc sans vernement comme sous-secrétaire d'État à la Guerre.
détour : la même attaque, prononcée selon les
mêmes axes avec des forces inférieures De Gaulle sait la bataille perdue. Il a dit de prend ses officiers. Si la plupart continueront
~onduira forcément à l'échec. Chanoine sug- ses hommes : la guerre, aucun ne rejoindra la France Libre.
gère une manœuvre différente : en quittant la
plaine, en se glissant par la vallée, on masque- << - Ce sont des braves, mais ce sont des La seconde personne qui l'accompagne
ra les canons ennemis et l'on coupera la tête couillons ! » était un journaliste. Le Général l'avait amené
ie pont à sa racine. avec lui pour écrire, témoigner, assurer les liai-
De Gaulle, soldat, aurait naturellement sons avec Paris. Présent à Laon comme à Abbe-
De Gaulle a écouté, fermé dans son mutis- aimé laisser une trace dans l'histoire militaire, ville, ce témoin avait vécu tout près de lui un
ne. Tous le regardent. Enfin il répond à Cha- mais ce ne sera pas le cas. Le théoricien de chapitre crucial de la carrière du grand homme.
loine: Vers l'armée de métier n'aura pas été le Rom- Quel privilège ! S'il n'a pas écrit, c'est proba-
mel français. D'ailleurs il n'y en eut aucun. blement sur ordre. Sinon, pourquoi n'avoir pas
« -Mon général, mes ordres sont donnés : Montcornet, comme Abbeville, montre un raconté de Gaulle soldat au quotidien ? Sans
:e n'y changerai rien. » caractère, une puissante volonté, une ardeur doute Charles de Gaulle aura-t-il préféré parler
exceptionnelle dans une armée qui se défait, soi-même de soi, rester maître de sa légende. Il
Tous restent cois. Aucun n'insiste : que mais à aucun moment le chef de la mieux donne dans 1'Appel un éclairage favorable pour
>ourrait être la suite d'un tel échange ? Il équipée de nos unités n'aura montré ce qu 'il lui de la bataille. Il double les distances
nterdit toute discussion. L'attaque aura donc aurait fallu en faire. Sans doute les circons- conquises, multiplie le nombre de prisonniers,
ieu comme de Gaulle l'a voulue, à peine tances ne s'y prêtaient-elles pas. Les troupes, donne son action en exemple. César en avait
nodifiée par Delestraint. La OCR s'y épuise, courageuses, n'étaient pas entraînées. Il man- fait autant pour des raisons également poli-
aissant en plaine l'essentiel de ses derniers quait à la OCR des moyens techniques essen- tiques. Si le mémorialiste n'avait pas poursuivi
noyens. L'échec est sanglant. Ce soir, à 19h30, tiels, notamment des transmissions. Le temps, l'œuvre du moraliste, de l'historien, du théori-
a X' armée, dont le secteur dépend, donne à 1'évidence, avait manqué pour la former. cien, qui aurait construit le mythe ?
'ordre de stopper l'offensive. De Gaulle, en Quand de Gaulle, le 5 juin, devient sous-secré-
'apprenant, pousse une violente colère : taire d'État à la guerre, << il rejoint son emploi », HENRI DE WAILLY
écrit justement Jean Lacouture.
<< - C'est maintenant, j'en suis certain, Henri de Wailly est historien, auteur notam-
1ue les Allemands sont en train de repasser Lorsqu'il quitte son unité, il emmène Cho- ment de De Gaulle sous le casque, Perrin 1990. Il
es ponts ! C'est maintenant qu'il faudrait y me!. Privée d'un seul coup de son chef et de vient de publier La Victoire évaporée, Abbeville
rller! » son chef d'état-major, la OCR est décapitée. 1940, Perrin.
Cette ultime entorse aux usages militaires sur-
Son état-major le presse. Il refuse d'abord
le donner 1'ordre de décrochage et c'est « à
oree » qu'il se laisse persuader. Finalement,
.vec un geste d'impatience, il donne son
ccord à Chome! :
<< -On s'en va ! »
Il se retire, très contrarié. L'échec est
·atent. S'il ne l'était pas, Weygand n'aurait
as relancé derrière de Gaulle une autre divi-
ion cuirassée, la 2', pour finir la besogne, ce
u'elle ne réussira d'ailleurs pas.
La bataille perdue
31 mai. De Gaulle dort : depuis le 27 il ne
'est pas déshabillé. Dès qu'il est restauré il
art pour Paris voir Reynaud, le politique.
leygand, le militaire, il ne le verra qu'ensui-
:. Abbeville, au regard de l'avenir du pays,
'est pour lui qu'un épisode. L'avenir est
.lieurs. Qu'importe Abbeville et ses ponts?
Qu'importe ? Mais la bataille continue !
'autres assauts, au même endroit, se prépa-
:nt ! Pour une raison que l'on ignore il n'y
1ra aucune liaison d'aucune sorte entre la
ivision qui se retire et celle qui vient, sur le
ême terrain, reprendre le même effort. Les
!UX unités se succéderont sans contact et le
ix à payer sera réglé en sang.
DE GAULLE PE" TAIN
Les racines d->une
grande querelle
PAR CHARLES VAUGEOIS
On connaît le mot tardif prêté à
de Gaulle : « Pétain était un grand
homme : il est mort en 1925. »
Rien ne laisse supposer qu'en
1925 ni même dans les années sui-
vantes le capitaine puis le com-
mandant de Gaulle ait eu
conscience d'une telle« mort».
L e duel qui opposera le rebelle du 18 juin En septembre 1927, à l'occasion d'une cérémonie franco-belge, le maréchal Pétain et son protégé,
au Maréchal a fait oublier que ce dernier le capitaine de Gaulle. Cinq ans plus tard, ce dernier dédiera encore au chefadmiré Le Fil de l'épée.
avait été en 1912 le premier colonel d'un
jeune sous-lieutenant nommé de Gaulle et qu'il
fut pendant vingt ans son modèle admiré et le
protecteur actif de sa carrière, usant de son pou-
voir, qui était grand après 1918, pour faire recti-
fier - contre tous les usages - les notes jugées
injustes infligées à son protégé (en 1924),
l'imposant - également contre les usages -
comme conférencier à l'École de Guerre (en
1927), le faisant nommer (en 1931) au secrétariat
général du Conseil supérieur de la Défense
nationale où le commandant de Gaulle pourra se
familiariser avec les rouages de l'État et se faire
d'utiles relations politiques. Entre-temps, une
rupture irrémédiable s'est pourtant produite,
dont les conséquences historiques seront incal-
culables. Elle est 1'effet d'une querelle purement
personnelle et pour tout dire assez mesquine.
•
DE GAULLE ET PÉTAIN
'
Appelé en 1925 auprès du Maréchal, vice- sera la déception, la rupture, la rancune. Une ran- que l'ambition de J'écrivain efface la réserve
président du Conseil supérieur de la Guerre, cune mortelle et jamais lassée, comme de Gaulle de J'officier : « Sans épiloguer sur les raisons
en qualité d' « officier de plume », ce qu'en en aura le secret. qui vous firent , voici onze ans, mettre fin à ma
langage moins noble on appelle un « nègre », collaboration, il ne vous échappera certaine-
le capitaine de Gaulle est chargé de rédiger les La rancune mortelle ment pas qu'au cours de ces onze années, les
articles, les discours et même un livre du chef de la vanité froissée éléments de cette affaire ont changé pour ce
vénéré. Ce sera la source du drame. Ce livre qui me concerne. J'avais trente-sept ans; j'en
doit être une sorte d'histoire du soldat à tra- Dans sa biographie louangeuse du général ai quarante-huit. Moralement, j'ai reçu des
vers les âges. Le capitaine de Gaulle va y tra- de Gaulle (Le Seuil, 1984), Jean Lacouture a blessures - même de vous, Monsieur le Maré-
vailler pendant deux ans à l'exclusion de toute fort bien décrit la naissance et 1'évolution de ce chal - , perdu des illusions, quitté des ambi-
autre tâche. Le Maréchal lit sa prose crayon en conflit sur plusieurs années. Il a dit comment de tions. Du point de vue des idées et du style,
main, et, à son habitude, corrige. Cela, le capi- Gaulle, avec amertume et colère, apprit, en 1928, j'étais ignoré, j'ai commencé à ne plus l'être.
taine ne va pas le supporter. Il est étonnant que que « son » travail avait été confié à un autre Bref, il me manque, désormais, à la fois la
Pétain, qui connaît les hommes et ne peut officier pour être remanié. TI a retracé la carrière plasticité et « l'incognito » qui seraient néces-
ignorer le caractère suprêmement orgueilleux de l'homme de lettres militaire qui s'ébaucha saires pour que je laisse inscrire au crédit
de son jeune subordonné, n'ait pas senti le avec la publication de plusieurs ouvrages, dont d'autrui ce que, en matière de lettres et d'his-
danger. Mais sans doute était-ce la première le très machiavélien Fil de l'épée (Berger- toire ,je puis avoir de talent ».
fois que se manifestait à son service une révolte Levrault, 1932) dédié au maréchal Pétain (« car
due à la vanité d'auteur. rien ne montre, mieux que votre gloire, quelle Tout est dit. L'ancien disciple s'est éman-
vertu l'action peut tirer des lumières de la pen- cipé. Le fils spirituel s'avance à pas rapides
Écrire, pour qui sent en soi la vocation littéraire, sée »). Il a raconté enfin comment, en 1938, le vers le« meurtre du père ». Les deux hommes
est l'acte créateur et personnel par excellence. Et lieutenant-colonel de Gaulle décida fmalement, que séparent désormais le dépit et J'amour-
la création est unique. L'auteur tient à son œuvre contre tous les usages et bravant résolument le propre blessé, ne se reverront plus, briève-
plus qu 'à sa vie, parce que c'est l'œuvre qui vieux Maréchal, de publier le fameux manuscrit ment, qu'en juin 1940. Ce sera cette fois à la
donne un sens à la vie. Dans l'acte d'écrire, il du Soldat mais sous sa propre signature et sous veille d'un affrontement d' une autre ampleur.
donne tout et en retour, il en attend l'essentiel, à Je titre La France et son armée (Plon, 1938). L'armistice de 1940 en sera la raison, sinon le
savoir la flatteuse considération de ceux dont le prétexte.
jugement lui importe. Le drame a voulu que de Averti cavalièrement par l'intéressé
Gaulle, en écrivant ce livre découvre sa vocation quelques jours avant la publication, le Maré- CHARLES VAUGEOIS
d'écrivain. TI découvrira aussi que Pétain, le chef chal réagit pour Je principe, s'attirant une
tant admiré, et pour cette raison celui dont il réplique cassante dans laquelle de Gaulle Sur le sujet, voir aussi l'article de Jean-Jacques
attend le plus, a peu d'estime pour son œuvre. Ce signifie avec insolence à son ancien protecteur Mourreau publié dans le no 4 (1992) d'Enquête sur
/'histoire intitulé « Pétain devant l'histoire».
DE GAULLE-PÉTAIN : LE GLAIVE ET LE BOUCLIER
Un soir d'hiver de l'année 1947, le général de pas pesé bien lourd dans la balance ! Le Maréchal fonder en France au mois de novembre 1940, j'ai pu
Gaulle me fit l'honneur de me convier à dîner en sa serait rentré à Paris sur son cheval blanc. » me convaincre, avant de les quitter, que le chemin
compagnie et celle de son aide de camp Claude Le bouleversement que provoqua chez moi ce qu'il faut frayer pour amener les Français de mon
Guy à l'Hôtel la Pérouse. Il nous proposa en se propos tenu par l'homme sous les ordres duquel camp à fraterniser avec ceux de l'autre sera bien
levant de table une promenade sur l'avenue Foch. j'avais la fierté de servir depuis le mois de juin 1940 long, bien ardu, et bien difficile.
Pendant notre promenade, la conversation porta allait modifier ma destinée. Ce qu'il venait de dire Je suis bien obligé de penser que cette sorte de
sur le mois de juin 1940, et le général de Gaulle m'incitaà réviser de près des notions qui me passion furieuse qui les animait provenait d'une
m'entendit parler du maréchal Pétain avec une semblaient définitives. Révision déchirante, intoxication intellectuelle dont ils continuaient, à
profonde amertume. S'arrêtant soudain dans sa puisqu'elle me sépara d'un chef que j'admirais, en leur insu, de subir les effets. Il faut en rechercher
marche, il posa sa main sur mon bras par un geste même temps que d'un bon nombre de camarades l'origine dans une propagande qui ne saurait,
tout à fait inhabituel de sa part. du combat clandestin qui m'étaient très chers. aujourd'hui que la guerre est terminée, continuer à
« Voyez-vous Rémy !dit-il. Il faut que la France ait le 11 avril1950 je rapportais les confidences du tenir lieu de parole d'évangile.
toujours deux cordes à son arc. En juin 1940, il lui général de Gaulle dans l'hebdomadaire Carrefour
fallait la corde Pétain, aussi bien que la corde de sous le titre «La justice et l'opprobre ». COLONEL RÉMY
Gaulle. » Chacun sait que jefaisais partie de l'entourage immédiat Dans l'ombre du Maréchal,
la foudre fût tombée sur ma tête qu'elle ne m'aurait du général de Gaulle,ce qui fit que mon article dans
pas laissé plus étonné. Sans me laisser le temps de Canefourconnut un retentissement considérable. li Presses de la Cité, 1971
recouvrer mes esprits, le Général ajoutait déjà : provoqua de la part du Général, dès le lendemain de sa
« Je ne comprendrai jamais pourquoi le Maréchal parution, la diffusion d'un communiqué déclarant : «Je Gilbert Renault (• Rémy •) rallia le général de Gaulle
n'est pas parti pour Alger au mois de novembre ne puis admettre sur ce sujet l'opinion qu'exprime à à londres dès le 18 juin 1940. Il devint le plus
1942. Les Français d'Algérie l'eussent acclamé, les présent le colonel Rémy... • fameux des agents secrets de la France libre.
Américains l'eussent embrassé, les Anglais Allant expliquer les raisons de mon action aux Compagnon de la libération, il resta toujours fidèle
auraient suivi, et nous, mon pauvre Rémy, n'aurions camarades du réseau que j'ai eu l'honneur de au général de Gaulle, mais se consacra à partir de
1950 à la réhabilitation du maréchal Pétain.
LE l 8 JUIN ET LA RE" SISTANCE
De la rébellion
à la légitimité
PAR DOMINIQUE VENNER
«Il faut qu'un maître apparais-
se », écrivait le lieutenant-colonel
de Gaulle en 1934. La guerre, la
défaite, le choix rebelle du 18
juin, la lutte contre Vichy vont le
révéler. Portrait d'un ambitieux
qui avait les moyens de ses ambi-
tions.
L e général de Gaulle n'a sans doute L'Exode et la débâcle de juin 1940. Cinq millions de Français se sont jetés sur les routes, fuyant
jamais nourri de grandes illusions sur l'avance allemande dans une lamentable cohue. Près de deux millions de soldats ont déjà été faits pri-
le soutien que lui accorda Churchill. sonniers quand l'armistice est signé, qui met un terme à la chute vers l'abîme.
Dans ses Mémoires de guerre, il écrit en effet :
« Il m'avait soutenu aussi longtemps qu'il me
prenait pour le chef d'une faction française qui
lui étaitfavorable et qui pouvait lui servir. »
Appelé au gouvernement le 5 juin 1940
par Paul Reynaud comme sous-secrétaire
d'État à la Guerre, l'ancien protégé de Pétain
s'est envolé pour Londres le 17 juin, jour de la
démission de Paul Reynaud et de la formation
du gouvernement Pétain. Il voyage dans
l'avion du général Spears, représentant per-
sonnel de Churchill, avec 100 000 F remis par
Reynaud sur les fonds secrets. Le lendemain,
18 juin, il est autorisé par le cabinet britan-
nique à lancer un appel à la radio. C'est le pre-
mier. L'histoire a retenu la date mais s'est
trompée sur le texte.
•
LE 18 JUIN ET LA RÉSISTANCE
L'essentiel est dans la phrase finale : « La 1 rous LES FRDÇAIS UN ESPRIT
flamme de la résistance ne doit pas s'éteindre La F~a"ce • peniN _,. IHitMUe 1 MILITAIRE
et ne s'éteindra pas. » Le mot résistance est Mala la Franee "'a , . . perdM la g~terre 1
encore écrit avec une minuscule. II est pris dans Je crois que l'esprit militaire agissait sur
son sens courant. Et cette idée de résister passi- Deo fODYO-tO do NDcoatn -· .. lui d'une façon profonde et limitée : parce que
vement ou activement à l'ennemi vainqueur, oQUw.lol', ~t à la paal. .o, oüUUt
elle ne sera pas le monopole de ceux qu'on l'lloaaou, UYnat lo pa'f• à la Mrrit11... l'armée, lorsqu'il yentra, était promise au
n'appelle pas encore les « gaullistes ». Le 17 Cepoadaat, rioa a'oet pol'dal
juin, jour de l'annonce de la demande d'armis- combat et parce que cet esprit lui semblait
tice, Le Petit Journal, organe du PSF (Parti alea a'oot pol'da, puce ... cotte pono oot suggérer des méthodes de gouvernement
social français), a titré, lui aussi, sous la signa- aao gaono moatUalo. Daao 1'aaiYon W.l'9, supérieures aux méthodes civiles. Organiser
ture du colonel de La Rocque : « Résistance ! » doo fOI'CIOO l.mmoDMO a'oat pu oDCION ...... l'action est la première tâche de l'homme
Vajoal',coofoi'COO~I'Oatl'oaa...t. Dfaat d'État, comme d'Alexandre ou de César.
En ce 18 juin, le général de Gaulle ne parle ... la Fnaco, co jou-la, IIOJt pNMato à la Les méthodes les plus efficaces, dans ce
pas encore en chef politique d'une « France 'rictoln. Alon, oUo I'Otnann oa W.OI'Ü ot oa domaine, ont été celles de l'armée et de
libre » à venir. C'est un officier qui s'adresse à fnDdou. 'l'oloetaaoaltat,m-MDIItatl l'Église, reprises par les partis totalitaires, et
d'autres officiers afin de poursuivre le combat. même, à un moindre degré, par les grandes
Pourtant son appelle fait déjà basculer dans le Voila po.....ot jo coa'rio toao ln Fnacau, sociétés capitalistes et communistes. Mals
rôle de grand rebelle qui va être le sien. os ..·uo •• ll'oanat, à o'..U à mot .... Napoléon n'a pas fait gouverner la France
Échappant à la norme commune, il se place l'octl-,daa•l• oacriAoo ot daaol'oopénaoa, par ses maréchaux, il a créé la plus forte
dans une sorte d'absolu de l'honneur et de la administration civile que la France ait
grandeur. En invitant les officiers et les soldats Jfotn patrie m •• pull .. aut. connue. Le général de Gaulle, en 1958
à se joindre à lui, il brise avec la règle tradi- comme en 1944, voulait créer l'appareil qui
tionnelle et fondamentale du fonctionnement Lattoao t... pou la oaaYOI' 1 servît la France dans la paix, comme une
des armées. Il introduit la notion « révolution- armée moderne l'eût servie dans la guerre.
naire » du droit au libre examen par opposition vm: LI FIDCE! Sa pensée avait hérité, de sa formation
au devoir de discipline. Vingt ans plus tard, à ~d-f--5· militaire, d'autres caractères. D'abord,
la fin de la guerre d'Algérie, ce droit sera concevoir le gouvernement comme
invoqué par les officiers et les soldats qui refu- IIIIIUL Dl UULLI l'instrument d'un combat pour le
seront les choix à leurs yeux criminels du développement de la France. S'il n'a jamais
général de Gaulle devenu entre-temps prési- QUAIIt. ., . . . ,.. tenu celle-ci pour une caserne ou une
dent de la République. Mais ce dernier les fera O.CMLTOII~ armée, il atenu les commissaires du
alors condamner au nom de la règle tradition- LOimOIII. a.W.L Gouvernement provisoire, puis les
nelle de discipline qu'il avait en son temps ministres, pour un état-major et surtout, plus
transgressée. Affiche placardée à Londres au mois d'août tard, son collaborateur direct, qu'on
1940: «La France a perdu une bataille! Mais la l'appelât directeur de son cabinet ou
Un ambitieux France n'a pas perdu la guerre!» Contrairement Premier ministre, pour un chef d'état-major
de premier rang à la légende, cette formule ne figurait pas dans général.
l'appel du 18 juin.
Au cours des années à venir, le chef des Autre caractère militaire : la certitude
« Français libres » rencontrera des difficultés Vers l'armée de métier, ouvrage-programme qu'une décision ne doit pas être différée.
constantes dans ses relations avec ses protec- dans lequel il développe une thèse fracassante Parce que la promptitude fait partie de la
teurs britanniques bien décidés à l'utiliser au pour l'époque, se désignant lui-même pour décision, parce que le lièvre ne repassera
mieux de leurs intérêts. Mais ce général au une sorte de dictature de salut public : « Il faut pas, mais, d'abord, parce que la décision
physique ingrat, quasi inconnu et désespéré- qu'un maître apparaisse, indépendant en ses historique est inséparable du moment où
ment seul en ces jours fatidiques de juin 1940, jugements, irrécusable dans ses ordres, crédi- elle aété prise•..
ne sera pas aussi facile à utiliser que l'imagine té par l'opinion. Serviteur du seul État,
Churchill. C'est un être d'exception, ce que dépouillé de préjugés, dédaigneux des clien- ANDRÉ MALRAUX
chacun va découvrir peu à peu. Un être tèles ; commis enfermé dans sa tâche, pénétré Antimémolres, Gallimard, 1967
d'exception mais certainement pas un modèle de longs desseins, au fait des gens et des
de vertu. C'est un personnage qui nourrit choses du ressort ; faisant corps avec l'armée, ge, c'est une haute fonction gouvernementale,
depuis longtemps sinon depuis toujours une dévoué à ceux qu'il commande, avide d'être à la charnière de l'armée et de la politique.
immense et haute ambition. La défaite de son responsable ; homme assez fort pour s' impo-
pays lui offrit soudain l'occasion imprévue et se/; assez habile pour séduire, assez grand Dans cet espoir, il multiplie les contacts
peut-être inespérée de la réaliser avec une pour une grande œuvre, tel sera le ministre, avec des hommes politiques, de Léon Blum à
mdace dont il existe peu d'exemples. soldat ou politique, à qui la patrie devra Marcel Déat. Les étiquettes ne l'intéressent
l'économie prochaine de sa f01-ce ... » pas, ce qu'il veut, c'est atteindre au pouvoir,
En 1934, un an après l'arrivée d'Hitler au peu importe avec qui.
Jouvoir, le lieutenant-colonel de Gaulle publie « Un maître... faisant corps avec l'armée...
avide d'être responsable... assez fort pour De Gaulle n'est pas un idéologue, c'est un
s'imposer... ministre, soldat ou politique..." » homme d'action prêt à faire son miel de tout.
Bigre ! tout cela sent furieusement son bona- Son ambition n'est pas de changer le monde
partisme! mais d'utiliser les courants qui le font changer.
Avec réalisme, il voit qu'en France, vieux
Pourtant, son rêve à l'époque n'est sans pays bourgeois et formaliste, on doit respecter
doute pas encore de s'emparer du pouvoir,
mais d'y participer avec un rang exceptionnel,
de devenir le Louvois ou le Carnot dont il
pense que la France a besoin.
Dès ce moment de Gaulle a placé ses
ambitions politiques au-dessus de sa carrière
militaire. Celle-ci est un tremplin, elle n'est
pas le but. Ce qui l'attire et vers quoi il se diri-
•r•t•J'f'1•.,;,nt7 tlG'tm•
les formes pour atteindre au pouvoir. Il sera Paul Reynaud (1878-1966). Partisan d'une dédié et dédicacé tant de livres. Cela, jusqu'au
toujours extrêmement attentif à couvrir guerre préventive contre l'Allemagne, il dirige le jour où une querelle assez sordide d'homme
d'apparences légales ses actes et ses décisions gouvernement quand la vraie guerre commence, de lettres a transformé l'admiration du cadet
les moins orthodoxes. Son ralliement formel à en mai 1940. Démissionnaire le 16 juin pour ne en haine inexpiable.
la démocratie au temps de la France libre sera pas supporter des responsabilités « trop lourdes
tardif. Il conservera toujours la plus grande pour ses faibles épaules », suivant le mot du géné- Quand il parle pour la première fois à la
répugnance pour le régime des partis et pour la ral Weygand. BBC, le soir du 18 juin 1940, de Gaulle se voit
« chienlit » parlementaire. Mais, comme Henri IV, encore dans ce rôle de Louvois ou de Carnot
il est convaincu que Paris vaut bien une feuille de sous-secrétaire d'État à la Guerre. Le
messe. Que lui importe la messe démocratique rêve se réalise, mais dans quelles conditions ! du xx· siècle que, depuis longtemps, il avait
si elle lui livre Paris ?
De Gaulle ne s'est pas trompé en plaçant l'ambition d'incarner. Son appel est celui d'un
Dans le sillage son ambition sur le terrain politique. Là, il chef militaire s'adressant à d'autres militaires.
de Paul Reynaud brillera de façon incomparable, alors que ses Ce n'est pas encore le langage d'un chef poli-
aptitudes militaires se sont révélées médiocres. tique. La mutation va s'effectuer très rapide-
En 1936, il rencontre Paul Reynaud. Ren- ment, durant ces quelques journées de la fin du
contre décisive pour sa carrière et son destin. Pourtant son échec devant Abbeville (28 au mois de juin 1940 si dramatiques pour tous les
Depuis 1936, la guerre se dessine à l'horizon 30 mai 1940) à la tête de la 4' DCR ne l'a pas Français. Des journées de désastre qui voient
et Paul Reyaud fait figure en France d'homme atteint. Il n'a sans doute pas même conscience s'effondrer le monde dans lequel ils avaient
de la guerre contre l'Allemagne, comme 1'est d'avoir échoué. Avec lui, par la magie de son jusqu'alors vécu.
Churchill en Grande-Bretagne. imagination et de son verbe, un revers se trans-
forme en succès. « Nous n'avons pu liquider Le Général désigne
De Gaulle va s'amarrer à cet homme entièrement la tête de pont d'Abbeville », écrit- son ennemi
comme plus tard il s'amarrera à Churchill. De il dans ses Mémoires de guerre. De fait, elle
1936 à 1940, il lui écrira soixante fois, usant n'a pas même été écornée... Dans cette mutation, Churchill a sa part. La
de flagornerie, lui soufflant des arguments à constitution du gouvernement Pétain et
l'occasion des débats au parlement sur les Le 5 juin 1940, de Gaulle est donc appelé l'annonce officielle, le 17 juin, d'une demande
questions militaires. Ainsi devient-il peu à peu à Paris pour entrer au gouvernement. Il laisse d'armistice par la France n'ont pas entraîné de
son conseiller en la matière. sans regret le commandement de la 4' DCR. la part des Anglais une rupture des relations
Aucun soldat, aucun sous-officier, aucun offi- diplomatiques. Néanmoins, Churchill a besoin
Appelé à diriger le gouvernement en pleine cier de cette unité ne le suivra et ne rejoindra de maintenir la fiction d'une France en lutte. Le
guerre, le 21 mars 1940, Reynaud ne perd pas par la suite la France libre. C'est un signe. 23 juin, il fait monter la tension. Dans une
de vue son conseiller militaire qui passera plus déclaration publique, il condamne le principe
de temps à ses côtés qu'avec son régiment de La suite, on la connaît. Au gouvernement, de l'armistice : « Le gouvernement de Sa
chars en Basse-Alsace. Le colonel fait partie de pendant quelques jours, il reverra le maréchal Majesté considère que les termes de l'armistice
l'entourage. Il participe aux dîners à trois ou Pétain. qui vient d'être signé, en violation des accords
quatre autour du président du conseil, donnant solennellement conclus entre les gouvernements
son avis sur tout, jusqu'à se rendre insuppor- Un atout pour Churchill alliés, placent le gouvernement de Bordeaux
table aux gens les mieux disposés, comme en dans un état d'assujettissement complet à
témoignant les mémoires des proches de Paul Pétain et de Gaulle. Pour cette période on l'ennemi et le privent de liberté et de tout droit
Reynaud(!). On y découvre un autre de Gaulle ne peut échapper à ces deux grandes figures, de représenter de libres citoyens français.»
sans ce masque de hauteur qu 'on lui voit sur les deux faces du destin français . Longtemps,
les photos et dans ses écrits. Toujours incroya- la carrière du futur général avait bénéficié, on Toute la rhétorique future du général de
blement sûr de lui, il se révèle à l'occasion mal le sait, de la protection affectueuse et tenace Gaulle au cours de sa lutte contre le gouverne-
embouché. Le 2 août 1940, quand Dominique du Maréchal, son premier colonel au 33' ment et la personne du maréchal Pétain est là.
Leca, chef de cabinet de Reynaud lui apprend d'infanterie à Arras en 1912, et auquel il a Elle lui ouvre de nouvelles perspectives. Il
l'accident dont vient d'être victime Mme de écrit aussitôt à Churchill pour l'inciter à
Portes, égérie de l'homme politique, il lance : rompre les relations diplomatiques avec la
<< J'espère qu'elle est crevée la salope ! » Dans France et à le reconnaître, lui, comme seul
son livre, Leca a montré comme beaucoup représentant des Français décidés à poursuivre
d'autres témoins ce mépris des hommes qui la guerre avec 1'Angleterre.
n'abandonnera jamais de Gaulle, ne faisant que
se renforcer dans les épreuves. La proposition de ce général encore incon-
nu ne suscite aucun enthousiasme au sein du
Le 25 mai 1940, Reynaud nomme son pro- cabinet britannique. On aimerait attacher de
tégé général de brigade à titre temporaire à plus gros poissons au navire solitaire de
compter du l" juin. li lui a confié le comman- l'Angleterre...
dement de la plus belle unité blindée française,
la 4' DCR. Quelques jours plus tard, le 5 juin, il Au cours des jours suivants, les émissaires
le fait entrer au gouvernement avec le porte- britanniques, secondés par des missives du
général de Gaulle, s'efforcent d'inciter les gou-
verneurs et chefs militaires des colonies fran-
çaises à refuser l'armistice et à mettre leurs ter-
•
LE 18 JUIN ET LA RÉSISTANCE
1
1
ntorres à la disposition des forces anglaises Le général Weygand avec le général Wavell en 1939. Appelé au commandement en chef (il a 73 ans)
contre l'Allemagne. Aucun ne donnera suite. alors que la bataille de France est déjà perdue, il tente une ultime résistance sur la Somme et devant son
Seul le silence répond aux efforts des envoyés échec recommande la recherche d'un armistice. Après la conclusion de celui-ci, à la tête de l'armée
de Churchill qui reviennent bredouilles. d'Afrique, il prépare la revanche tout en s'opposant aux gaullistes considérés comme des « rebelles ».
Arrêté par les Allemands et déporté à la fin de 1942, il sera derechef arrêté sur ordre du gouvernement de
L'échec de ces tentatives de débauchage Gaulle, en 1945, à son retour de déportation, puis il bénéficiera d'un non-lieu. À sa mort, en 1965, le
conduira 1'Angleterre à miser sur de Gaulle, général de Gaulle, devenu président de la République, refusera à sa dépouille les honneurs d'un service
faute de mieux. religieux à Saint-Louis-des-Invalides.
Le soir du 26 juin, le cabinet britannique peut aller jusqu'à nier la réalité écrasante de la 1943-1944 et à la condamnation des présumés
l'autorise à s'exprimer à la radio qui lui était défaite. Il lui reste comme ressource d'affirmer, coupables. Elle sera le socle de la future épu-
interdite depuis une semaine. Il va reprendre sinon de démontrer, la volonté du Maréchal de ration. Il se trouvera un juriste, le professeur
l'argumentation anglaise du 23, mais dans des livrer la France « pieds et poings liés » à l'enne- de droit René Cassin, pour en rédiger l'acroba-
termes autrement durs et blessants. Ce soir-là, mi. Pour que de Gaulle soit légitime, il faut que tique mise en forme juridique.
il a décidé une fois pour toutes de brûler ses le monde croit en la trahison de Pétain.
vaisseaux. Ensuite, il ne lui sera plus possible Pendant quatre ans, de Gaulle ne se
de revenir en arrière. C'est une déclaration de Ce sera la charte fondamentale de l'entre- trompera jamais d'adversaire. Il s'acharnera
guerre. Une guerre personnelle entre lui et le prise, le dogme politique qui lui servira d'assise. à démolir l'image de Pétain. Alors que
vieux maréchal. Une charte qui conduira inexorablement par d'autres s'en prennent à l'entourage, lui-
voie de conséquence à la guerre civile de même concentre ses accusations contre
Ce discours contient toute la thématique
qui sera inlassablement reprise contre Vichy, LE GAULLISME VU PAR DRIEU LA ROCHELLE
non seulement jusqu'en 1944, mais au-delà.
En juillet 1943, Pierre Drieu La Rochelle note fonction des disputailler/es d'Alger».
D'emblée, de Gaulle vise la tête. Alors dans l'hebdomadaire parisien Révolution Après avoir remarqué que, pour signifier qu'ils
que les Français, dans leur quasi-unanimité, nationale que si le gaullisme s'est imposé à
sont remplis de dévotion pour le vainqueur de Alger, il a les mêmes faiblesses et les mêmes ne veulent ni de Giraud ni de De Gaulle, les
Verdun qui semble les protéger de son prestige tares que Vichy : communistes d'Alger ont adopté le slogan" Ni
encore intact, c'est lui que de Gaulle dénonce, Bazaine, ni Boulanger "• Drieu ajoute : " On voit
procureur impitoyable d'un futur procès, " De même que Vichy a été éminemment déjà la belle campagne qui serait menée contre de
l'accusant même de complicité dans la défaite. parlementaire (et académique, ce qui est la Gaulle, peu de temps après son débarquement.
même chose) sans Parlement, le gaullisme Général fasciste ! Général fasciste ! Général
S'il est inutile de renouveler la discussion rassemble des Notoriétés, des Compétences, fasciste !cela volerait de bouche en bouche, cela
historique de l'Armistice, dont la nécessité, des Anciennes Figures, des Personnages s'étalerait bientôt sur tous les murs et dans toutes
aujourd'hui, n'est plus sérieusement contestée, Représentatifs, et naturellement autant les colonnes de journaux"·
en revanche, il faut souligner l'audace de d'anciens parlementaires qu'il se peut de la
l'homme seul prophétisant une future victoire plus vieille droite comme de la plus vieille De fait, avant même la fondation par de
qui, dans le monde de 1940, apparaît des plus gauche, sans oublier les généraux, les Gaulle du Rassemblement du peuple français
hypothétiques. Bien entendu, il y est encoura- académiciens, les évêques, les rabbins, les (RPF) en 1947, de Gaulle devint pour les
gé par l'assurance dont font preuve les Britan- techniciens de tout acabit, pour savoir ce qu'on communistes et leurs alliés un
niques, encouragés en sous-main par Roose- fera ou qu'on ne fera pas. Cela sent son Vichy à "général fasciste "· Le PC fit même apposer
velt. Et il est plus facile de tenir un tel dis- plein nez, et une effroyable odeur de Juin 40 lors d'une campagne électorale des papillons
cours dans la sécurité insulaire de l'Angleterre circule entre Alger et les séances fort peu présentant de Gaulle comme "le général à la
que dans l'absolue précarité où la défaite a secrètes qui se multiplient en France en croix gammée "·
plongé la France. Malgré cela, il fallait un
tempérament peu commun pour se lancer ainsi P.S.
dans l'aventure.
Par sa déclaration du 26 juin et par la créa-
tion du Comité national français, organisme
gouvernemental en exil, le général de Gaulle
nie la légalité et la légitimité du gouvernement
formé à Bordeaux par le maréchal Pétain à la
demande du président de la République et
confirmé le 10 juillet par le vote régulier des
deux Chambres réunies à Vichy. Il ne cessera
plus de le faire. Pour que l'initiative du Géné-
ral soit légale, il faut que soit illégal le gouver-
nement du Maréchal.
Démontrer juridiquement 1'illégalité du
gouvernement constitué à Bordeaux le 17 juin
est impossible. Il faut donc que cette illégalité
procède d'une infamie éclatante. De Gaulle ne
';=rt•J''• 11&'nt1tlAB'tl•
POINT DE VUE Débarqué le 14 juin 1944 en Normandie, le Général reçoit un accueil triomphal à Bayeux pour son
D'UN RÉSISTANT premier contact avec la population française libérée.
J'écris ce soir ces quelques pages parce l'homme qu'autrefois il avait immensément Cet effort atteint son terme avec la création à
que, pour la première fols, je me sens admiré, privilégiant les attaques personnelles Alger du Comité français de libération nationa·
réellement menacé, et, qu'en tout cas, les volontiers insultantes, les accusations de le (CFLN), le 3 juin 1943. À l'origine, de Gaul-
semaines à venir vont apporter, sans doute sénilité. Vieillard et vieillesse, ces mots le en partage la présidence avec le général
au pays tout entier, et certainement à nous, reviennent constamment dans ses discours Giraud. Étant parvenu à évincer ce concurrent,
une grande, sanglante et, je l'espère, pour déconsidérer le vieux Maréchal qui, en il assurera seul la présidence de ce véritable
merveilleuse aventure. Au cas où après la 1940, porte allégrement ses 84 ans. gouvernement provisoire à partir du 9
libération, je ne pourrais me faire entendre, novembre 1943.
je veux que ce papier apporte à quelques- Le discours du 18 juin 1941 , pour l'anni-
uns le " point » de quelques-unes de mes versaire du premier appel, est un condensé de Dès lors, la victoire sur l'Allemagne ne
réflexions récentes et actuelles [...] toutes les accusations qu'il affûte depuis un an faisant plus de doute, la croix de Lorraine,
contre les dirigeants de Vichy : « Le 17 juin emblème donné au mouvement gaulliste par
C'est à la carence des services dont c'est 1940, disparaissait à Bordeaux le dernier l'amiral Muselier en 1940, est assurée de flot-
la tâche no 1, sinon la seule, qu'est due la gouvernement régulier de la France. [...] Un ter un jour sur la France.
chute d'amis ou de camarades nombreux vieillard de 84 ans, triste enveloppe d'une
que je n'énumérerai pas Ici car la liste risque gloire passé, était hissé sur le pavois de la La longue marche de la France libre avec
de s'allonger d'un jour à l'autre. C'est à cette défaite pour endosser la capitulation et trom- ces jalons brillants que sont la prise de Koufra
carence qu'ont été dues mes principales per le peuple stupéfait... etc. » par Leclerc (1" mars 1941) ou les combats de
difficultés [...] Bir-Hakeim soutenus par Koenig (mai-juin
Le test de 1942), ne s'est pas faite sans de grandes diffi-
Enfin, m'adressant à Charles (de Gaulle), Mers ei-Kébir cultés internes ni échecs cuisants telle la tenta-
je le mets en garde contre trois graves tive de débarquement à Dakar de septembre
erreurs qui risquent de coûter cher, non À cette époque, la situation de la France 1940, repoussée par les troupes françaises ou
seulement à lui (c'est son affaire) mais à la libre a été depuis longtemps clarifiée avec le encore l'opération de Syrie en juillet 1941 qui
France qui espère en lui. gouvernement britannique. Par l'accord des se heurtera aussi à la résistance obstinée de
Chequers du 7 août 1940, de Gaulle a obtenu le J'armée du Levant. Cela ne s'est pas fait non
1° Contrairement à ce que pense de concours fmancier de 1'Angleterre sur des bases plus sans conflits avec les Anglais. Ce sont
Gaulle, le choix des hommes a une bien définies. Le 27 octobre, à la suite du rallie- pourtant ces derniers qui ont permis et favorisé
Importance extrême et ce bon choix, ment ou de la saisie de plusieurs colonies (AEF, son développement une fois que Churchill eut
minutieux, révisable, patient, est le devoir n• 1 Océanie, Tchad, Nouvelle-Calédonie, Gabon), décidé d'accorder sa confiance à de Gaulle.
et la charge d'un vrai chef. Un homme n'en ces territoires sont placés sous l'autorité d'un
vaut pas un autre 1Tous ne sont pas Conseil de défense de l'Empire, dont il assume L'événement qui est à la source de cette
également méprisables. La" fidélité, n'est la présidence. L'appareil politique se renforce le confiance c'est le bombardement des navires
pas toujours un signe de dévouement vrai. 24 septembre 1941 par la création à Londres (4, français désarmés à Mers el-Kébir, le 3 juillet
Carlton Gardens) du Comité national, préfigu- 1940. Cette affaire va modifier les rapports de
2o On ne peut pas être novateur, ration d'un futur gouvernement. Le socialiste force au sein du cabinet britannique et accor-
" révolutionnaire »,et être obnubilé par les André Philip y entrera en juillet 1942 et le com- der un pouvoir illimité à Churchill. Mers el-
titres officiels comme l'est de Gaulle. Un muniste Fernand Grenier, le 12 janvier 1943. Kébir est également un test de première gran-
général, un évêque, un ambassadeur, un deur pour mesurer la fiabilité du général de
conseiller à la Cour des comptes, un ancien Gaulle. Test concluant qui permettra à Chur-
ministre... méritent tout au plus un préjugé chill de lui apporter son soutien.
favorable, et cela dans certains postes et pas
dans tous.
3° Que de Gaulle ne se croie pas attendu
comme le Messie. Certes, il sera, àjuste
titre, très bien reçu ici, et les espoirs de
millions de Français et Françaises sont
attachés à ce qu'il fera. Mais son crédit n'est
pas illimité, loin de là.[...]
JACQUES BINGEN
Jacques Blngen, délégué général pour la
zone sud, se savait menacé par les fautes des
services secrets de Londres. Arrêté le 12 mai
1944, Il se suicide aussitôt avec une pilule de
cyanure pour ne pas parler. Un mois
auparavant, Il avait écrit cette lettre émouvante
qui dit ses craintes pour l'avenir.
•
LE 18 JUIN ET LA RÉSISTANCE
Survenant deux semaines après son arrivée Le drame révélé par Mers el-Kébir c'est DE GAULLE,
à Londres, l'affaire de Mers ei-Kébir a placé le celui de la France et des Français de ce temps- LA RÉSISTANCE ET
général de Gaulle dans une situation dangereu- là. La défaite les tiendra jusqu'à la fin à la
se qui le contraint à un choix déchirant. Il n'a merci de puissances étrangères plus ou moins LE GAULLISME
été averti qu'après coup. hostiles ou indifférentes à leur sort.
Le général de Gaulle était entré quatre ans
L'amiral Muselier a témoigné de l'intensi- De même que l'espace de liberté du gou- plus tôt dans l'histoire, ce qui était digne
té de son trouble : « De Gaulle était effondré. vernement de Vichy sera restreint, de même d'éloges, mais il était aussi entré dans nos
Nous abordâmes immédiatement le problème celui du général de Gaulle restera étroit. Le mœurs, ce qui était inquiétant. ÀLondres, et à
qui se posait pour nous et nous envisageâmes gouvernement français vivra sous la menace Alger, il s'était entouré d'une équipe attachée
de demander au gouvernement britannique de permanente des représailles allemandes. De à sa personne et à ses pas perinde ac
nous faire transporter dans une partie de même la France libre vivra sous la menace cadaver.ll n'avait confiance qu'en elle pour
l'empire français non soumis aux Allemands... » permanente de son étranglement par les Bri- peu qu'il eût jamais fait confiance à personne.
tanniques qui ne se feront pas faute jusqu'à la
Mais le lendemain, de Gaulle annonce fin, de le lui faire redouter. Du jour au lende- Revenu à Paris, il avait pour règle
qu'il a décidé de rester dans la guerre avec main Churchill peut lui couper les vivres, lui d'écarter les dirigeants de la Résistance
1'Angleterre. interdire la radio, lui refuser ses avions, inter- intérieure, jugés par lui peu sûrs pour avoir
rompre ses communications avec la résistance aimé et servi leur pays hors de son contrôle
Le 8 juillet 1940, sur les ondes de la BBC, intérieure. et sans sa permission. Rien de plus
il va se livrer à ce qui sera sans doute l'un des dangereux à ses yeux que le patriotisme non
exercices les plus difficiles et les plus contro- « J'ai la charge, lui dit de Gaulle le 10 estampillé par la croix de Lorraine.
versés de sa carrière : justifier publiquement juin 1942, des intérêts et du destin de la France.
Mers ei-Kébir. Ille fera en s'efforçant de reje- C'est trop lourd et je suis trop pauvre pour me Le récit reste à écrire de la savante
ter la responsabilité sur le gouvernement fran- courber. » Il lui faudra pourtant s'incliner dans élimination de la Résistance intérieure par la
çais : « En vertu d'un engagement déshono- l'affaire de Syrie durant l'été 1941 et en Résistance de Londres et d'Alger. Il révélera
rant, le gouvernement qui fut à Bordeaux d'autres occasions. Les difficultés avec Roose- comment le chef de la France libre parvint à
avait consenti à livrer nos navires à la discré- velt, le moment venu, seront plus grandes confisquer le capital de sacrifices, de
tion de l' ennemi. ll n'y a pas le moindre doute encore. Le président américain éprouvera tou- souffrances et de dignité amassé par le
que, par principe et par nécessité, l'ennemi jours aversion et méfiance à l'encontre du peuple obscur des soldats de la nuit. Le
les aurait un jour employés, soit contre Général. Il ne verra en lui qu'un ambitieux dictionnaire gaulliste, imitant en cela le
l'Angleterre, soit contre notre propre Empire. sans scrupule, prêt à tout pour parvenir au dictionnaire stalinien, a regratté les pages qui
Eh bien! je dis sans ambages qu'il vaut mieux pouvoir. C'est l'une des raisons qui pousseront racontaient la véritable histoire de la lutte
qu'ils aient été détruits ». de Gaulle à se tourner vers l'URSS dans contre l'ennemi et identifié les services
l'espoir d'y trouver un appui capable de faire rendus au général de Gaulle aux services
cc Je suis trop pauvre équilibre aux Anglo-Saxons. Ceux-ci ne man- rendus à la France, tandis que les services
pour me courber » queront pas jusqu'à la fin de lui faire sentirsa rendus à la France sans avoir contribué à la
dépendance. Jamais il ne sera invité à prendre gloire du général de Gaulle ont été tenus pour
Le seul engagement jamais pris par le gou- part aux grandes décisions. Il ne sera informé négligeables, sinon suspects.
vernement français était justement de ne ni du débarquement de 1942 en Afrique du
jamais livrer la flotte. Le général de Gaulle ne Nord, ni du débarquement de 1944 en Nor- C'est ainsi qu'après avoir éliminé toute
1'ignorait pas. Son approbation implicite de mandie. Il ne sera convié ni à la conférence de concurrence, le gaullisme put faire du
l'agression et de la mort froidement infligée à Yalta ni à celle de Potsdam. Toujours il sera patriotisme, érigé en monopole, un fonds de
1 297 marins français inspire plus que du tenu à l'écart, ce qui alimentera jusqu'à la fin commerce florissant et qui a rapporté
malaise. Le moment venu, dans un an et plus, de sa vie son ressentiment à 1'encontre des longtemps de solides bénéfices.
il sera tentant d'établir un parallèle avec les Anglais et des Américains.
déclarations contrites du gouvernement de Mals le général de Gaulle valait bien son
Vichy après l'exécution d'otages dont celui-ci Lors du débarquement de Normandie, en destin et beaucoup mieux que ses
s'indignera secrètement sans jamais pouvoir juin 1944, le gouvernement américain avait méthodes. li avait eu l'honneur du premier
exprimer ouvertement sa réprobation. prévu de traiter la France comme un territoire refus, du premier cri d'espoir. Il avait arraché
occupé soumis à une administration militaire, la France aux ambitions et aux dédains de
Le parallèle est plus profond qu'il n'y I'Allied Military Government of Occupied ses alliés anglo·saxons. Il lui avait rendu ses
paraît. Ce que fut la rage et le désarroi du Territories (AMGOT). Il faudra alors tout le chances et sa foi en elle-même. Grâce à lui,
général de Gaulle dans les instants qui ont génie et l'audace du Général pour mettre en pour une large part, elle était vivante et
suivi Mers ei-Kébir, on peut les imaginer. échec ce plan et imposer, contre la volonté de présente au jour de la victoire. Il avait aimé
Devant le colonel Passy, il s' insurge : « Ces Roosevelt, un gouvernement français indépen- le pouvoir avec assez de passion pour le
imbéciles d'Anglais, ces criminels' Ils font dant restauré dans ses droits souverains. prendre quand il n'était qu'épreuve et
couler le sang français. Et ils trouvent encore solitude, assez de passion pour le garder
le moyen d'apporter de l'eau au moulin de la DOMINIQUE VENNER quand toute décision était hasard, tout acte
capitulation 1 Ils ne peuvent pas résister à Dominique Venner vient de publier Histoire piège, tout événement menace, assez de
l'envie d'abaisser la puissance maritime de la critique de la Résistance (Éditions Pygmalion- passion pour le rejeter quand l'heure était
France 1» venue de tout perdre afin de le reconquérir.
Gérard Watelet).
FRANÇOIS MITTERRAND
Ma part de vérité, 1967
'r'''''f'?ls'Ot1t1GBŒ=.
LOGIQUE, AMPLEUR ET CONSÉQUENCES DE L'ÉPURATION
L'Epuration ades causes multiples. D'abord un de l'accusé et son indiscutable patriotisme dans les offices publics et corps constitués ; le
désir légitime de vengeance à la fin d'une ruinèrent le projet de faire de ce procès celui de prive de la possibilité d'être juré, expert, arbitre,
occupation toujours plus dure et brutale, dont les Vichy. Condamné sans preuves, Pierre Pucheu fut avocat, notaire, avoué, enseignant ou surveillant,
«collaborateurs» (ou supposés tels) furent tenus à exécuté le 20 mars 1944 par " raison d'État "• directeur ou simple salarié d'une entreprise de
tort ou à raisons pour complices. Ensuite le climat suivant la formule du général de Gaulle. presse, de radio ou de cinéma, journaliste, gérant
de guerre civile des années 1943-1944. Enfin la L'épuration légale, judiciaire et administrative fut ou dirigeant de société. Près de 50 000 " indignes
logique même de la rhétorique gaulliste qui, dès instituée par l'Assemblée provisoire d'Alger lors de nationaux •, cela signifie 250 000 personnes
1940, avait nié la légalité du gouvernement de Vichy ses séances des 11 , 12 janvier et 10 juillet 1944. directement touchées, réduites à la pauvreté,
et dénoncé comme traîtres ses dirigeants et ses L'ordonnance signée par le général de Gaulle le parfois à la misère, par la perte du travail de celui
partisans. 26 juin 1944 instituait déjà, au chef-lieu de chaque qui assurait leur subsistance.
ressort de cour d'appel, des cours de justice ayant
L'ÉPURATION SAUVAGE pour objet de juger les faits postérieurs au STATISTIQUES DE L'ÉPURATION LÉGALE
16 juin 1940 et antérieurs à la Libération. Il pouvait
Des résistants authentiques ne seront pas à s'agir de simples délits d'opinion ou d'actes ne Les statistiques de l'épuration légale sont mieux
l'abri des coups. Déjà, pendant les derniers mois de relevant pas du droit courant. tenues que celles de l'épuration sauvage. Quand la
l'occupation, lorsque s'instaurait le climat pré- L'épuration administrative fut réglée par les dernière Cour de Justice cessa ses activités en
Insurrectionnel, des heurts sanglants ont opposé ordonnances des 27 juin et 28 novembre 1944 qui 1951, le nombre d'affaires jugées s'élevait à 57 954,
les FTP communistes aux maquis de l'AS. créaient des commissions d'épuration. auxquelles il faut ajouter 69 797 autres réglées par
L'épuration sauvage ne revêt pas la même intensité 11 343 fonctionnaires feront l'objet de mesures les Chambres civiques ou qu'eut à connaître
dans toutes les réglons. Le Midi et le Centre sont disciplinaires allant jusqu'à la révocation sans solde. (membres du gouvernement et assimilés) la Haute
les plus touchés, le Nord et l'Est relativement De toutes les catégories professionnelles, c'est la Cour. Le bilan suivant ne tient pas compte des
épargnés. Mals il suffit de peu de chose pour que, presse qui sera le plus rudement frappée. La condamnations à mort prononcées par les cours
dans une région calme, un maquis se transforme en proportion d'écrivains et de journalistes fusillés, martiales :
bande de « chauffeurs», échappant à toutes les emprisonnés ou interdits d'exercer leur métier
règles et à tous les interdits du droit et de la morale. dépasse celle de toutes les autres catégories. - Condamnations à mort
L'estimation des exécutions sommaires de 1943 à en présence des accusés : ............................... 2853
1945 est Impossible. Cinquante ans après les faits, Pierre Pucheu (1899-1944)
la loi du silence et de la peur continue de sévir. - Condamnations à mort
Selon le colonel Passy, chef de la OGER (services LE CRIME D'INDIGNITÉ NATIONALE par contumace : ................................................. 3 910
spéciaux) en 1951, le ministre de l'Intérieur
socialiste Adrien Texler, se basant sur les rapports Une ordonnance signée par le général de Gaulle, - Condamnations à mort
des préfets, évaluait à 105 000 les exécutions le 26 août 1944, institue rétroactivement un crime suivies d'exécution : ............................................ 767
sommaires commises entre juin 1944 et février 1945. inédit, celui d'indignité nationale, et une sanction, la
Dans son Histoire de l'Épuration, Robert Aron estime dégradation nationale. Cette loi légitime la m- Travaux forcés à perpétuité : ......................... 2
ce chiffre excessif et le ramène àenviron 40 000 répression non plus d'actes mais d'attitudes,
exécutions. d'adhésions, d'opinions manifestées à partir du - Travaux forcés àtemps : ...............................1 0 434
16 juin 1940...
Divers auteurs ont voulu le réviser encore à la - Réclusion : ....................................................... 2 173
baisse. Le Comité d'histoire du temps présent a Ses conséquences seront dramatiques pour
entrepris une enquête qui reste partielle et ne tient l'honneur de quantité de braves gens et pour leur - Dégradation nationale : ................................ 49 723
pas compte des meurtres perpétrés par des famille. La dégradation nationale prive le condamné
« bandes » sans lien officiel avec la Résistance, ni de tout droit civique. Elle lui fait perdre son grade (peine principale d'une cour de justice : 3 578 ; par Chambre
des exécutions faisant suite aux jugements dans l'armée, le destitue ou l'exclut des emplois civique : 46145, dont 3 184 condamnés relevés)
sommaires des cours martiales de la Libération,
avant l'institution de tribunaux réguliers. De son côté, la Haute Cour a examiné 108
Au terme d'une analyse minutieuse et impartiale, affaires, prononcé 8 condamnations à mort, dont 3
Henri Amouroux parvient, par des voies différentes appliquées (Laval, Darnand, Brinon), 42 non-lieux,
et en s'appuyant sur des documents plus sûrs, à 17 peines d'emprisonnement, 14 peines d'Indignité
une évaluation semble-t-il assez proche de celle nationale, dont 7 relevées " pour services rendus à
faite en son temps par Robert Aron. la Résistance , .
Ces statistiques ne tiennent pas compte des
L'ÉPURATION LÉGALE innombrables enfermement légaux ou illégaux en
détention préventive, dans des locaux
Le premier grand procès de l'Épuration fut administratifs, dans des prisons privées ou dans
organisé à Alger au début de 1944 par décision du des camps d'internement.
général de Gaulle pour juger Pierre Pucheu, ancien Au début de septembre 1944, les arrestations
ministre de l'Intérieur de Vichy, qui, après avoir légales semblent toucher 100 000 personnes. Le
tenté d'entraîner le maréchal Pétain, était venu maximum sera atteint au début de 1945 avec
volontairement en Afrique du Nord en 1943, avec un 200 000 internés. Il faut naturellement ajouter à ces
sauf-conduit du général Giraud, afin de s'engager chiffres ceux des arrestations illégales.
dans une unité combattante. La forte personnalité Dans sa Lettre aux directeurs de la
Résistance, l'écrivain et ancien résistant Jean
Paulhan écrit : " Il n'est pas exagéré d'évaluer à
1500 000 ou 2 000 000 de personnes le nombre de
Français touchés d'une façon ou d'une autre par
des crimes d'épuration. »
DOMINIQUE VENNER
•
UNE ALLIANCE CONFLICTUELLE
De Gaulle et
Churchill
PAR FRANÇOIS KERSAUDY
Que pouvait faire de Gaulle
sans l'Angleterre après 1940 ?
Rien ou peu de chose. Mais Chur-
chill lui-même n'avait-il pas
besoin du Général ? Histoire
d'un mariage orageux frisant
souvent le divorce. Churchill en décembre 1940, ayant à sa gauche le général de Gaulle et à sa droite le général Sikorski,
chef du gouvernement polonais en exil. Ce dernier sera victime en 1943 d'un accident d'avion dont on a
' est un général bien solitaire qui pu penser qu'il était le camouflage d'un assassinat.
brandit 1'étendard de la France
ses compatriotes un choc terrible ; en mettant du général de Gaulle, elle continue Je combat
C libre à l'été de 1940. Depuis une en avant ce général énergique et résolu, Chur- aux côtés de 1'Angleterre. Churchill a souvent
chill peut en quelque sorte nier l'évidence: la pris ses désirs pour des réalités... Il s'est rare-
terre menacée d'invasion, de Gaulle défie à la France n'est pas vaincue, puisqu'en la personne ment trompé.
fois l'Allemagne victorieuse et l'autorité d'un
maréchal de France. Aucun politicien de
renom ne s'est rallié à sa cause, et il n'a der-
rière lui que quelque 7 000 hommes mal équi-
pés, recrutés à la hâte parmi les vainqueurs de
Narvik et les vaincus de Dunkerque, une com-
pagnie de chars, quelques navires et
pratiquement pas d'avions.
Dans ces conditions, que pourrait faire le
général de Gaulle sans 1'aide de l'Angleterre ?
Absolument rien, ainsi qu 'ille reconnaîtra lui-
même plus tard (1). Ni le War Office, ni l'Ami-
rauté, ni même le Foreign Office n'étaient dis-
posés à lui venir en aide. Mais Winston Chur-
chill, politicien avisé et propagandiste de
génie, a saisi d'emblée l'intérêt que représente
pour 1'Angleterre la présence du général de
Gaulle : la capitulation de la France a été pour
CHURCHILL EN 1941: En conséquence, et considérant en outre ce envers l'allié britannique, qui l'opposera
JE COMPRENDS LE l'extrême dénuement de la France libre com- constamment aux prétentions hégémoniques
MARÉCHAL PÉTAIN paré aux atouts décisifs d'autres gouverne- de Winston Churchill et à son attitude paterna-
ments en exil à Londres - les Norvégiens et liste, pour ne rien dire de son tempérament
Le 14 juin 1941, le colonel Groussard, leurs mille navires marchands, les Polonais et colérique et de sa propension légendaire à se
envoyé secrètement à Londres par le leurs centaines de pilotes de chasse, les Hol- mêler à ce qui ne le regarde pas...
général Huntzinger, ministre de la Défense landais avec le prestige de leur reine et les
de Vichy, avec l'assentiment du maréchal richesses des Indes néerlandaises -on est plei- Qu'on en juge. Si les premiers désastres
Pétain, est reçu par Winston Churchill qui lui nement en droit de s'attendre à une certaine -Mers ei-Kébir et Dakar- n'ont en rien enta-
déclare: docilité de la part des Français exilés. Chur- mé la cordialité et la confiance mutuelle entre
chill ne 1'entend pas autrement : 1'Angleterre les deux grands hommes, si même les contacts
" Dites à ceux qui vous ont envoyé ici étant de facto à la tête de la coalition contre initiaux de Churchill avec Vichy ne les ont pas
que je comprends la situation pénible qui Hitler, Churchill est en droit d'exiger que affectés davantage, la tension va monter pro-
est la vôtre, dans cette malheureuse France toutes les forces en exil se subordonnent à gressivement à partir du printemps de 1941.
saignante, pressurée, coupée en deux... Je l'autorité britannique. En tant que chef du C'est que la campagne du Levant, et plus
sais que la tâche de vos chefs est presque gouvernement et ministre de la Défense de Sa encore l'armistice de Saint-Jean-d'Acre qui y
surhumaine ; je les approuve de vouloir Majesté, il s'attend tout aussi naturellement à mettra fin, sont ressentis par le Général
protéger le plus possible la France et les ce que les chefs des gouvernements en exil comme un impardonnable affront : les Anglais
Français : mais je leur demande de ne pas acceptent en tout point ses directives. << Tout ont mené les opérations assez mollement, en
oublier que leurs Alliés continuent à se ce que je demande, a-t-il coutume de dire, faisant un minimum de place aux Français
battre ; je leur demande d'avoir foi en c'est qu'on se plie à ma volonté, après un libres - et un maximum de concessions aux
l'avenir... Moi aussi, si je gouvernais votre temps de discussion raisonnable ». À tout cela Français de Vichy lors des négociations
pays, je ne dirais pas aux Allemands: "Je s'ajoute qu'ayant personnellement << lancé » d'armistice. À cela, de Gaulle réagit selon un
vous déteste !"parce qu'ils faut toujours de Gaulle et son mouvement à l'été de 1940, mode qui va rapidement devenir familier :
éviter le pire, avec acharnement... Moi aussi Churchill s'estime en droit d'attendre de son après avoir ruminé l'affront et s'être << enve-
je biaiserais, je chercherais à gagner du « protégé » un minimum de reconnaissance - et loppé de glace » (3), il va prendre très rude-
temps, à propos de tout : mais j'aiderais par un maximum de subordination. D'autant que ment à partie les officiers britanniques, présen-
tous les moyens possibles ceux qui restent le Premier Ministre britannique a personnelle- ter aux diplomates et aux ministres de Sa
mes compagnons d'armes... Dites à Vichy ment connu jusque-là des dirigeants français Majesté des ultimatums et des mises en
que je respecte profondément la personne assez peu combatifs, comme Albert Lebrun ou demeure assortis de menaces de rupture, et
du maréchal Pétain. Jamais je n'ai cru que Paul Reynaud, les généraux Gamelin, Georges enfin prononcer des discours vengeurs pour
cet homme puisse souhaiter la victoire ou Weygand. prendre à témoin l'opinion publique. Le tout
allemande. " premier de ceux-ci sera diffusé à Brazzaville
Témoignage du colonel Georges Groussard, De Gaulle menace le 15 juillet 1941, accompagné d'une furieuse
de déclarer la guerre dénonciation de l'armistice de Saint-Jean-
Service secret 1940-1945, La Table Ronde. d'Acre et suivi d'une interview accordée à un
aux Anglais correspondant américain, au cours de laquelle
C'est ainsi que de Gaulle va pouvoir lan- il déclare notamment : « En fait, l'Angleterre
cer son entreprise : 1'Appel du 18 juin, la Il ne faudra pas longtemps à Churchill a conclu avec Hitler une sorte de marché pour
reconnaissance par la Grande-Bretagne pour constater qu 'il a désormais affaire à une la durée de la guerre, dans lequel Vichy sert
comme chef des Forces françaises libres dix personnalité d' une toute autre envergure. d'intermédiaire. » (4)
jours plus tard ; la propagande faite dans la D'une part, depuis juin 1940, de Gaulle res-
presse britannique en faveur de son mouve- sent la défaite de la France comme une humi- Churchill, tout en admettant que de Gaulle
ment et de sa personne ; le recrutement de liation personnelle, et sa conception très parti- << avait sans doute quelques raisons d'être
nouvelles troupes ; la collaboration des divers culière de l'honneur de la France lui fait consi- indigné », n'en considère pas moins que les
ministères britanniques ; rien de tout cela dérer toute subordination de la France libre propos « immodérés et anglophobes » du
n'aurait pu se faire sans le soutien constant et comme un scandaleux affront, et toute conces- Général effacent entièrement les lourdes
les interventions répétées de Churchill. À quoi sion aux Britanniques comme un abaissement erreurs britanniques qui les ont suscités (5).
il faut ajouter qu 'en vertu des accords Chur- inacceptable. Et pourtant, ne faudrait-il pas Cette attitude de la part du Premier Ministre
chill-de Gaulle du 7 août 1940, les dépenses tirer les conséquences politiques de 1'état de sera également tout à fait typique de ses réac-
engagées pour la constitution et l'entretien des faiblesse et de dépendance dans lequel se trou- tions futures aux opérations de « guerre psy-
FFL seront « à la charge des ministères inté- ve la France libre ? À cela, de Gaulle répond chologique » menées par le général de Gaulle
ressés du gouvernement de Sa Majesté » (2). invariablement par une phrase qui laissera durant le reste de la guerre. Mais pour l'heure,
On dépend également de la bonne volonté des Churchill sans voix : << Nous sommes trop elle est directement à l'origine de 1'orageuse
Anglais pour faire entrer des agents en France faibles pourfaire des concessions!». entrevue du 12 septembre 1941, qui se termi-
occupée et pour les en extraire, pour assurer nera fort bien après avoir très mal commencé.
les communications avec les fractions de C'est cette intransigeance peu commune, Bien d'autres par la suite se termineront désas-
l'Empire d'outre-mer ralliées à la France libre, jointe à une sensibilité d'écorché vif, à un treusement. Ainsi, en septembre 1942, de
et bien sûr pour permettre aux FFL de mener à orgueil chatouilleux et à une profonde méfian- Gaulle, révolté d'avoir été tenu à 1'écart lors
bien les opérations de ralliement en Afrique et
au Levant.
•
DE GAULLE ET CHURCHIL
de l'opération de Madagascar, scandalisé par Entrevue d'Anja (Maroc), le 24 janvier 1943, entre les généraux de Gaulle et Giraud à l'initiative du
les « exactions » britanniques au Levant, et président Roosevelt (assis à gauche) et de Churchill. Entre les deux adversaires, la poignée de main sera
informé en outre qu'une nouvelle opération se toute protocolaire.
prépare en Afrique du Nord dont la France
libre est également exclue, a vertement tancé publique britannique, bien sûr, mais aussi du nue! d'Astier le Il novembre 1944, à l'Hôtel
M. Casey, ministre d'État britannique au ministre des Affaires étrangères Anthony Eden de Ville de Paris « Allons, tout de même... Il
Caire, tandis qu'il menaçait peu après de et de nombreux autres membres du gouverne- faut suivre de Gaulle, c'est la seule voie... ))
déclarer la guerre aux Anglais (6). Churchill, ment, de membres du parlement plus nom- (12).
dûment informé, est saisi une fois encore d'un breux encore, et même du roi George VI lui-
accès de gaullophobie aiguë, et à l'issue de même, qui est personnellement intervenu FRANÇOIS KERSAUDY
l'entrevue du 30 septembre 1942, on se sépare auprès de Churchill en faveur du Général
au bord de la rupture. L'entrevue d'Anfa en lorsque les relations entre les deux grands * François Kersaudy est professeur à la
janvier 1943 se déroulera plus mal encore- à hommes étaient au plus bas (10).
supposer que ce soit possible ; Churchill, très Sorbonne. Il a publié plusieurs ouvrages,
« remonté » contre de Gaulle par le président Il y a enfin une dernière raison, et c'est notamment De Gaulle et Churchill, Plon,
Roosevelt, qui a toujours considéré le chef des peut-être la plus surprenante : quelle que soit 1982.
Français libres comme un apprenti dictateur, l'intensité de ses colères, ou même de sa
menace le Général de le dénoncer aux Com- haine, Churchill, qui a toujours eu un faible (1) Charles de Gaulle, Mémoires de guerre,
munes et à la radio, à quoi ce dernier lui pour les héros romantiques et les figures de L'Appel, p. 70.
répond qu '« il est libre de se déshonorer » (7). légende, ne peut s'empêcher d'admirer de
«De toute la guerre, écrira de Gaulle, ce fut la Gaulle et son invraisemblable intransigeance. (2) ln F. Kersaudy, De Gaulle et Churchill, p. 76.
plus rude de nos rencontres. » (8) C'est ainsi qu'à Anfa, après l'une de leurs plus (3) C. de Gaulle, Mémoires de guerre, L'Appel,
rudes confrontations, Churchill confie à son p. 165.
La plus rude? Que dire alors de l'entretien médecin en désignant le Général : « Son pays (4) Chicago Dai/y News, 27 août 1941.
du 4 juin 1944, et de l'extraordinaire affronte- a abandonné la lutte, lui-même n'est qu'un (5) Prem 3 121/5, WP (43) 341, 7/8/43
ment par personne interposée qui en a résulté, réfugié, et si nous lui retirons notre appui, (Archives du Premier Ministre).
quelques heures seulement avant le débarque- c'est un homme fini. Eh bien, regardez-le ! (6) Middle East Center (Oxford), Spears Diary
ment en France ? De Gaulle, pour protester Non mais, regardez-le ! On croirait Staline, Ill' 23/8/42.
contre l'absence d'un accord sur l'administra- avec 200 divisions derrière lui. » (Il) (7) J. Soustelle, Envers et contre tout, vol. 2, p. 124.
tion civile dans les territoires libérés, a pris (8) C. de Gaulle, Mémoires de guerre, L'Unité,
quelques mesures de représailles qui ont pro- Ce sont sans doute tous ces éléments qui pp. 84-85.
voqué la fureur du Premier Ministre, et l'ont expliquent qu'un partenariat aussi singulier ait (9) A. Gillois, Histoire secrète des Français à
même amené à donner l'ordre de renvoyer survécu à la guerre. Ils expliquent peut-être Londres, p. 23.
de Gaulle à Alger, « enchaîné si c'est néces- aussi ce propos réticent de Churchill à Emma- (10) J.W. Wheeler-Bennett, King George VI, p. 560.
saire ».. . (9) (Il) C. Moran, Struggle for survival, p. 81 .
(12) Emmanuel d'Astier, Les Dieux et les
Au vu de l'âpreté de certains affronte- Hommes, p. 164.
ments, on peut évidemment s'étonner qu'il n'y
ait jamais eu de rupture définitive entre de
Gaulle et Churchill au cours de la guerre. En
fait, on peut trouver à ce phénomène un cer-
tain nombre d'explications. D' une part, Chur-
chill n'a jamais pu trouver une personnalité
susceptible de supplanter le général de Gaulle.
Ce n'est pourtant pas faute d'avoir cherché :
Catroux, Weygand, Giraud, Darlan, Léger,
Peyrouton, Muselier, Georges, Noguès ont
tour à tour été sondés, pressentis ou soutenus,
plus ou moins discrètement, pour assumer le
rôle du Général - avec des résultats uniformé-
ment désastreux. Du reste, dès lors que la
résistance française s'était ralliée explicite-
ment à de Gaulle, il devenait impossible de
rompre avec lui sans rompre aussi avec la
France - ce qui, pour un vieux francophile
comme Churchill, n'était même pas pensable.
Par ailleurs, il s'est révélé très rapidement
que le Général bénéficiait en Angleterre d'un
soutien considérable ; auprès de l'opinion
DIRIGISME A' LA FRANÇAISE
Nationalisations et
réformes économiques
1944-1946
PAR FRANÇOIS-GEORGES DREYFUS
Surprise : le dirigisme voulu France Allemagne Grande-Bretagne manence dans la politique menée au plan éco-
nomique et sociale.
par le Général en 1945 fut un 1929 125 124 120
1932 101 65 75 Même si Keynes est peu connu, des idées
succès pour l'économie. Les 1939 103 170 135 proches des siennes se développent un peu
partout en Europe occidentale : nécessité de
nationalisations y avaient contri- indice 100 en 1913 l'intervention de l'État dans l'organisation de
l'économie par une sorte de planification, poli-
bué. Analyse d'une expérience Très particulièrement en Allemagne, c'est tique de grands travaux pour lutter contre le
l'État qui dirige dorénavant l'économie tout en chômage, redistribution des revenus par la fis-
mal connue. maintenant les structures du capitalisme. C'est calité. Ces thèmes, le général de Gaulle les a
ce modèle qui marque Charles de Gaulle développés dans un article que l'on a bien peu
Comme nous l'avons montré dans notre comme les jeunes technocrates de plans des étudié : « Mobilisation économique à l' étran-
étude sur les sources de sa pensée, Nouveaux cahiers ou de X-Crise. Il est sans ger » paru le 1" janvier 1934 dans la Revue
Charles de Gaulle est comme beau- doute judicieux de rappeler quelques noms en militaire française. Dans cette étude, Charles
coup dans son milieu et sa génération, un les classant : de Gaulle examine les industries d'armement
homme profondément marqué par l'enseigne- et leur place dans la préparation de leur nation
ment social de l'Église. II est donc réticent Gaullistes Pétainistes Collaborateurs à un conflit : il examine trois cas, les États-
devant le libéralisme que Pie XI, à la suite de Unis, l'Italie, la Belgique, et préconise une
Léon Xlll, a fermement condamné, voyant et Résistants et Vichyssois législation permettant l'organisation de la
d'ailleurs en lui une des sources de ce commu- nation en temps de guerre : là, de Gaulle sera
nisme « intrinsèquement pervers » que vise Blocq-Mascart J. Barnaud M. Déat entendu puisque cette idée deviendra la loi du
particulièrement l'encyclique Divini Redemp- R. Courtin R. Belin J. Bichelonne Il juillet 1938.
toris de 1937. R. Lacoste G. Bergery
J. Moch A. Deteuf Planification et dirigisme
Comme ses contemporains, il est frappé R. Pleven J. Jardin au programme de
par l'atonie de l'économie française, demeurée L. Vallon F. Perroux la Résistance
très libérale, face à 1'essor de l'économie alle-
mande, la renaissance des économies britan- On constate combien ces technocrates, Bien plus qu'on ne le croit, Charles de
nique et américaine. Que l'on songe à l'évolu- collaborant aux mêmes organes ou associa- Gaulle, dès avant la guerre, a réfléchi aux pro-
tion de l'indice de production industrielle en tions avant-guerre, ont pu diverger pendant la blèmes économiques et dès 1942 il est
Europe entre 1929 et 1939 : période de la guerre et de l'occupation mais conscient que la reconstruction de l'économie
combien aussi de 1940 à 1950, il y a une per- française doit se faire sous le contrôle et la
•
RÉFORMES ÉCONOMIQUES
qui l'emportent avec Georges Boris, André Phi- Le rythme de croissance française, même
lip, Jules Moch, Pierre Mendès France ou s'il est inférieur à certaines périodes, aux
Daniel Mayer contre les néo-libéraux que sont rythmes allemands, est devenu analogue à
avec René Courtin, Maxime Blocq-Mascart, celui des grandes puissances industrielles. Au
André Lepercq, René Pleven ou Etienne Husch. reste les calculs de Madison pour l'OCDE
concernant le PIB sont tout à fait significatifs.
C'est dans ce contexte que seront prises Les taux de croissance français avant 1950
les mesures qui vont dominer la vie socio-éco- sont faibles et inférieurs à la moyenne de
nomique de notre pays de 1945 à... 1985 : pla- l'OCDE, ce n'est plus le cas après 1950:
nification (Jean Monnet, commissaire général
Périodes France Allemagne Italie Royaume-Uni États-Unis OCDE
1900-1950 1,3 1,7 1,8 13, 3,1 2,2
3,2 3,9
1950-1987 4,0 4,4 4,3 2,5
Source A. Madison, L'Économie mondiale au XA" siècle, OCDE 1989.
« [Il faut que] les principales sources de la du Plan, décembre 1945) et nationalisations. Il est évident que durant toute la période
richesse commune soient ou bien administrées ou De 1944 (nationalisation des houillères) à de reconstruction de l'économie française (les
tout au moins contrôlées par la nation » (Charles 1946 (nationalisation de l'électricité et du gaz) vingt années qui suivent la guerre) le « dirigis-
de Gaulle, 27 mars 1943). les nationalisations vont placer sous le contrô- me » de la Résistance, 1'« interventionnisme »
le de l'État : les sources d'énergie (charbon, gaullien ont eu des effets bénéfiques. À cet
direction de 1'État. Ille dit nettement à Londres gaz, électricité), les banques et les assurances, égard la politique de Michel Debré obligeant à
à plusieurs reprises, fin 1942 et début 1943. les usines Renault, l'essentiel des « moyens de la concentration d'entreprises industrielles
production » complétant les mesures prises par (Elf, Saint-Gobain, BNP, Thomson, Alcatel,
Or, le Général rejoint ici la pensée quasi le Front populaire (SNCF, construction aéro- etc.) entre 1966 et 1968 et la politique énergé-
unanime de la Résistance. Que ce soit Combat nautique). Et rappelons que pour Charles de tique de Pierre Messmer convertissant la Fran-
qui, dans un article du 25 décembre 1942 inti- Gaulle ce Plan est « une ardente obligation ». ce à l'énergie nucléaire ont été particulière-
tulé « Préparons la liberté économique », Quels vont être les résultats ? ment efficaces et sont significatives de ce diri-
affrrme « le droit de l'individu à un minimum gisme économique qui est au moins autant
vital », critique véhémentement le régime Des résultats positifs gaullien que socialiste. Ne l'oublions pas, pour
capitaliste qui exploite les faibles au profit des Georges Pompidou, c'était à l'État de jouer un·
forts, I'OCM qui proclame : « Nous voulons Ils seront incontestablement très positifs : rôle déterminant : il est vrai que l'expérience
que l'État dirige l'économie » ou les mouve- alors que l'économie française avait vu sa pro- libérale que la France avait connue de 1870 à
ments de gauche Libération, Libé-Nord, duction multipliée par 2,5 de 1870 à 1939 1940 avait été, économiquement, particulière-
Franc-Tireur et naturellement les organisations (Reich allemand 7), la reconstruction achevée, ment maléfique : si on lit le tableau précédent
liées au PCF, tous proclament des idées socia- la croissance normale va être très forte comme sur la production industrielle en prenant 100
listes. Cela explique 1'unanimité avec laquelle le montre 1'évolution de 1'indice de la produc- comme indice de base en 1870 on aurait les
seront approuvées les propositions du Conseil tion industrielle : résultats suivants :
national de la Résistance qui vont devenir la
Charte économique de la France libérée. Allemagne France Rapport
Seul à ce moment, le Comité général France Allemagne France/Allemagne
d'études mis en place par Jean Moulin, est infi-
niment plus mesuré. Le rapport de René Courtin 1870 38 21 1913 498 263 189
doutant en effet qu'un « système véritablement 1913 100 100 1938 758 252 300
dirigiste pût fonctionner efficacement en temps 1919 56 67 1974 1813 BOO 226
de paix et de prospérité ». Mais Courtin estime 1928 125 124
lui aussi qu'il faut << évincer les monopoles 1938 96 153 Dès lors on ne peut que souligner combien
capitalistes ». Toutefois, pour lui, « une entre- 1944 38 180 planification et dirigisme voulus par de Gaulle
prise nationalisée devrait fonctionner dans le 1950 123 119 et la Résistance non marxiste en 1942/1943,
cadre des règles commerciales courantes ». 1955 142 184 maintenus de 1958 à 1974 ont été importants
Mais l'aile néo-libérale est très minoritaire dans 1958 160 199 dans la construction d'une France moderne.
la France libérée et ce sont les « socialisants » 1965 216 245 L'économie mixte de type gaullien n'a pas été
1974 304 370 un échec.
NB : en 1970, les productions industrielles en FRANÇOIS-GEORGES DREYFUS
France el en Allemagne sont équivalentes.
Source : F.-G. Dreyfus, Histoire des Alle-
magnes et INSEE.