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Mag rock pop metal indus avec KULA SHAKER, IGGY POP, FILTER, SUNN O))), EXSONVALDES, PSYKUP, BEN HARPER, ABYSSE, L’ESPRIT DU CLAN, WHY MUD, ULAN BATOR, THE OCEAN, NO ONE IS INNOCENT, LE BAL DES ENRAGÉS, DANKO JONES, BLACK BOMB Ä, FRED ALERA, BIRTH OF JOY, FLYING DONUTS, KICKING RECORDS, KLONE & ANNEKE, PORN....

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Published by team W-Fenec, 2016-06-06 10:14:13

W-Fenec Mag #23

Mag rock pop metal indus avec KULA SHAKER, IGGY POP, FILTER, SUNN O))), EXSONVALDES, PSYKUP, BEN HARPER, ABYSSE, L’ESPRIT DU CLAN, WHY MUD, ULAN BATOR, THE OCEAN, NO ONE IS INNOCENT, LE BAL DES ENRAGÉS, DANKO JONES, BLACK BOMB Ä, FRED ALERA, BIRTH OF JOY, FLYING DONUTS, KICKING RECORDS, KLONE & ANNEKE, PORN....

Keywords: KULA SHAKER, IGGY POP, FILTER, SUNN O))), EXSONVALDES, PSYKUP, BEN HARPER, ABYSSE, L’ESPRIT DU CLAN, WHY MUD, ULAN BATOR, THE OCEAN, NO ONE IS INNOCENT, LE BAL DES ENRAGÉS, DANKO JONES, BLACK BOMB Ä, FRED ALERA, BIRTH OF JOY, FLYING DONUTS, KICKING RECORDS, KLONE & ANNEKE, PORN

TEXTE

EDITO
Qu’est-ce que la prog d’un bon fest ?

TEEDIXTOE Il me semble quand même que la plupart des festivaliers
se sont au moins posé la question une fois dans leur vie,
peut-être même chaque année en fait : Qu’est-ce qu’une
bonne programmation de festival ? Ou à quoi ressemble
la programmation d’un bon festival ?

Généralement, la question, qui d’ailleurs se transforme
vite parfois en débat houleux avec certains, est lancée
lorsqu’on se prend en pleine face les programmations
des festivals dits «mainstream», qui auparavant
savaient répondre à une certaine demande du public,
le même qui te rembourse tous tes frais et qui te fait
gagner de l’argent (en principe !). Ouais, c’est con à
dire comme ça, mais c’était ça. On savait pourquoi on
claquait sa bourse pour tel festival plutôt qu’un autre
car il faut le rappeler, se taper 3, 4 voire 5 jours de
festival, ça coûte une blinde ! Faut pas se louper.

Pour avoir une bonne prog, un festoche se doit de C’est un bon principe car tu sais où tu fous les pieds,
répondre à plusieurs impératifs : avec ses avantages comme ses inconvénients. Et c’est
-> Avoir des têtes d’affiche. d’ailleurs souvent dans ces festivals de niche qu’on fait
Mais pas n’importe lesquelles... Des reformations qui les meilleures découvertes.
créent l’exclusivité ? Des mastodontes qui jouent -> Une sélection «pertinente» et cohérente, même si
avec notre sainte nostalgie ? Des légendes vivantes elle est resserrée.
qui n’ont plus rien à nous proposer depuis 15-20 ans Le prix est souvent moins cher (quoique, encore une
? Ceux qui sont présentes sur tous les gros festivals fois...), et tu prends le temps de profiter de tout ce qui
? Les formations qui rameuteront les yeux fermés passe, un bon compromis qui ne remplace toutefois
les festivaliers sans se soucier de l’aspect artistique pas l’ambiance d’un gros festival et ses sempiternels
derrière ? Les groupes les plus chers ? déplacements entre chaque scène.
-> Proposer des découvertes. -> Des groupes pour contenter le public le plus large
Celle-là, on nous la fait souvent ! La fameuse découverte possible.
qui a déjà 3 albums à son actif et qui est déjà connu des On vous le dit tout de suite, ça peut vite être casse-
services de la plupart des médias spécialisés dont les gueule. Et le choix du festivalier se porte davantage sur
webzines comme le W-Fenec. En fait, au passage, on tel artiste sur telle journée que l’intégralité du festival. À
sert à ça. Et les groupes tournent déjà pas mal dans moins d’être vraiment motivé.
les salles avant de poser leurs matos sur la scène des Tu l’as compris, faire une prog’, ce n’est pas simple, et
festivals. C’est obligatoire. Encore faut-il se bouger le encore, on ne parle que de l’artistique, tu peux ajouter
cul, aimer la musique et vivre sa passion à fond. Sinon, les impératifs financiers et la disponibilité des groupes
comme beauco up, tu profites juste de l’ambiance d’un à cette liste de contraintes... Ça doit pas être facile tous
festival en t’allongeant sur l’herbe fraîche ou sur ta nana les jours de préparer un festoche, alors bravo à tous
avec une bière à la main et autre chose dans l’autre. ceux qui en organisent et dont ce n’est pas le métier !
-> Faire de l’éclectisme...
C’est vrai que pour les gens qui écoutent beaucoup Ted
de genres, t’as moins de chance d’être déçu, quoique.
Mais au moins t’as le choix ! Et c’est un critère qui fait
te prendre rapidement ta décision sur ta venue ou non.
-> ... ou tenter le pointu et/ou se loger dans une
niche musicale.

2

SOMMAIRE SOTMEMXTAEIRE

04 - KULA SHAKER kula shaker
10 - IGGY POP
14 - FILTER EXSONVALDES
15 - SUNN O)))
16 - ULAN BATOR BLACK BOMB Ä
17 - EXSONVALDES
22 - PSYKUP why mud
25 - BEN HARPER
28 - ABYSSE 3
34 - L’ESPRIT DU CLAN
36 - WHY MUD
50 - THE OCEAN
52 - NO ONE IS INNOCENT
54 - LE BAL DES ENRAGÉS
55 - DANKO JONES
56 - BLACK BOMB Ä
64 - FRED ALERA
68 - BIRTH OF JOY
71 - FLYING DONUTS
76 - KICKING RECORDS
78 - KLONE & ANNEKE
80 - EN BREF
94 - IL Y A 10 ANS
96 - INTERVI«OU» PORN
98 - DANS L’OMBRE
100 - CONCOURS

INTERVIEW

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INTERVIEW

KULA SHAKER

R encontrer kula shaker et son frontman crispian mills en t ê te à t ê te
n ’ est pas une chose commune tant l ’ homme , m ê me malade , d é gage une aura
incroyable et , guid é par la passion , devient un vrai moulin à paroles .
V oici quelques extraits de nos é changes , quelques heures avant un concert
qu ’ il devait donner à la maroquinerie à paris ...

J’ai appris ce matin que le show de ce soir était Et bien, j’ai écrit et co-réalisé avec Chris Hopewell (réa-
annulé... lisateur de clips dont celui de «There there» de Radio-
Ouais, j’ai un peu trop forcé sur la voix à Bruxelles, elle head) un film qui s’appelle «A fantastic fear of eve-
est complètement déchirée comme tu peux le constater. rything», ca m’a pris 3-4 ans en tout quand même. Il y
Le docteur m’a conseillé de me reposer encore 24h. Il se a les gamins, ça prend du temps, et puis il fallait qu’on
trouve que ça tombe en pleine tournée et donc à Paris. soit prêt tous ensemble. On a senti que c’était le bon
Mais, les Parisiens n’ont pas à s’inquiéter puisqu’on est moment pour le faire. Tu sais, écrire un disque, c’est
de retour le 8 mars pour assurer ce show. un long processus. On est plus du genre à se dire qu’il
faut absolument sortir un album tous les 2-3 ans, on a
A ce sujet, les billets se sont très vite vendus, beau- dépassé ce stade là. On est désormais beaucoup plus
coup sont assez frustrés de ne pas pouvoir venir faute libéré sur les choses contraignantes liées à la musique,
de place. Pourquoi ne pas avoir choisi une salle un peu on ne se met pas de pression comme à l’époque où cela
plus grande ? nous avait mené à arrêter tellement on avait laissé nos
Tu sais, on ne s’occupe pas vraiment des plannings vies à l’industrie musicale. On fait tous des choses à côté
de tournée ou du choix des salles. Et puis, des fois, ça de Kula Shaker qui nous équilibrent.
tombe comme ça, suivant les propositions. Je regrette
évidemment que toutes les personnes qui souhaitaient Le titre de votre nouvel album, c’est juste pour nous
venir nous voir ne puissent le faire, mais le plus impor- rappeler que K à 20 ans cette année ?
tant c’était d’assurer ses arrières. Je préfère que ça soit Oui, c’est une grosse blague en fait. C’était un jeu avec
complet dans une petite salle qu’à moitié vide dans une le nombre d’anniversaires de l’album qui nous a fait
grande. connaître de tous. On voulait en quelque sorte marquer
le coup car, à vrai dire, on se s’était pas vraiment rendu
Votre nouvel album K 2.0 est sorti la semaine dernière, compte que nous avions commencé il y a 20 ans. C’est
six ans après Pilgrims progress. Quelle est l’explication un de nos potes qui nous l’a fait remarquer, on était un
de cette pause aussi longue ? peu choqué, le temps passe si vite. K 2.0 marque un

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INTERVIEW nouveau départ, une sorte de renaissance... ou une évo- crire toute cette énergie et cette excitation sur ce disque.
lution comme le 2.0 (rires).
Vous avez intégré pas mal de styles musicaux dans ce
Qu’est-ce qui différencie K 2.0 de K ? nouveau disque : folk, rock 60’s, americana, des plans
Je dirais l’expérience, tout simplement. A tous les ni- funk, et j’en passe. Est-ce que c’est la direction choisie
veaux, en tant que musicien d’une part, et en tant que au début du processus d’écriture ?
producteur d’autre part. Depuis nos débuts, nous avons Si tu connais bien Kula Shaker, tu remarqueras qu’on
pas mal appris sur l’ensemble des aspects de la vie d’un a toujours aimé confronter les genres musicaux et les
musicien, y compris le business. Maintenant, on est cultures. C’est la base même de ce groupe.
complètement indépendant en se produisant. En fait, on
a fait le truc à l’envers : quand on a commencé avec K, on Oui je sais, mais là j’ai l’impression que c’est un peu
était sur une major (Columbia), tout était plus facile, on plus poussé.
ne manquait pas de budget pour faire vivre le groupe. On C’est possible, mais tu sais, en réalité on ne calcule pas
a notamment bossé avec John Leckie et Bob Ezrin, deux trop ce genre de choses. Il n’y a pas de concept musical
des producteurs historiques du rock, mais en revanche, derrière Kula Shaker, on a toujours eu cette liberté de
on avait la mauvaise contrepartie d’être des «pop- nous exprimer tel que nous le souhaitions. Et on ne se re-
stars». Tout ce qu’on hait dans ce milieu de la musique. fuse rien, on fera peut-être une chanson reggae un jour,
qui sait ? On est influencé par beaucoup de cultures, de
Le premier single «Infinite sun» a quelque chose de styles, on se nourrit de notre environnement. L’Inde et
spécial car il date du début du groupe, même d’avant l’Asie en font partie, c’est dans l’ADN du groupe. Il ne faut
je crois. Tu peux me dire pourquoi ce titre refait surface pas oublier que les textes aussi donnent une couleur à la
plus de deux décennies après ? chanson, Kula Shaker est au delà des styles musicaux.
En effet, c’est une chanson avec laquelle on jammait au
tout début. On n’avait même pas 20 ans, Kula Shaker «High noon» est définitivement une chanson qui pour-
n’existait pas encore. C’est un air qui nous suit depuis rait coller sur une BO d’un film de Tarantino. Quel genre
longtemps, c’est comme un mantra. Je me souviens de relation entretiens-tu avec le cinéma ?
qu’on la jouait dans des festivals gratos et qu’on la chan- Comme je te disais tout à l’heure, je suis assez connec-
tait avec les dévots de Krishna. Quand je te parlais de re- té avec le monde du cinéma en tant que réalisateur et
naissance tout à l’heure, on n’en est pas loin ! En réalité, compositeur. Et puis, ma mère était actrice aussi. Je
cette chanson est une réadaptation d’un chant de tribu suis assez touché par les films d’auteur comme ceux
d’indiens d’Amérique. de Truffaud, par exemple. Et puis, mes goûts en matière
de cinéma ne sont pas qu’une question de genre mais
Ça a pris combien de temps pour produire K 2.0 ? aussi de réalisation et de photographie, l’image compte
Attends, laisse moi calculer... On a débuté en avril 2015 beaucoup.
et on a mis la touche finale à l’album en novembre, donc
8 mois. Mais ce n’était pas à temps plein. Il y a visiblement un intérêt certain concernant le retour
de Kula Shaker. Comment vous l’expliquez ? Car vos
Et ces chansons, comment ont-elles été mises en place derniers albums n’ont pas fait des ventes extraordi-
? Parce que je crois savoir qu’Alonza habite en Belgique. naires...
Oui, il habite à la frontière franco-belge dans un trou Une partie de la réponse doit se trouver dans le fait que ce
paumé en pleine campagne près des bois. Ce n’est pas sont les 20 ans de K et qu’on l’honore lors de la tournée.
évident à distance mais on se débrouille en fonction des Le petit sentiment nostalgique ne doit pas être étranger
contraintes. Je lui envoie par mail des démos puis on se à tout ça. De plus, on a la chance d’avoir plutôt de très
fait des sessions de travail dans des studios équipés de bons retours sur le nouvel album. Nous ne décidons
belles machines vintage et analogiques à Londres, puis pas du nombre de ventes, ça c’est le public. Et quand le
en Belgique dans son studio qu’il a mis en place et qu’il public ne te suis plus ou ne te considère plus comme un
gère. Bref, c’est assez classique, on échange pas mal et groupe dans le coup... A chaque fois qu’on enregistre un
comme on est de bons vieux potes, ça roule tout seul. disque de Kula Shaker, tu peux être sûr qu’on essaye de
La deadline était si stricte pour la sortie de K 2.0 que ça donner le meilleur.En tout cas, on n’a jamais triché sur
a renforcé nos liens et notre motivation pour donner le nos intentions artistiques.
meilleur. Je pense qu’on a plutôt bien réussi à retrans-

6

INTERVIEW

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INTERVIEW

Je trouve le nouvel artwork très joli, ça renoue un peu Alors que tu as des groupes vraiment intéressants, qui
avec l’esprit de K justement. Qui l’a réalisé ? font leurs trucs sans passer en radio comme la plupart
C’est Rob O’Connor de Stylo Rouge qui a mené la direc- de ceux qui jouent en première partie de nos concerts.
tion artistique de la pochette - comme il l’avait fait avec K Regarde Edith Piaf, c’était une artiste entière qui chan-
- et qui a fait confiance à une jeune artiste nommée Kate tait avec le cœur, elle était unique et cultivait sa person-
Baylay pour la réalisation de illustration. C’est très réussi nalité pour la rendre exquise. Pourquoi ne sert-elle pas
je trouve. d’exemple à tous ? Le «music business» a tout foutu en
l’air, c’est d’une tristesse !
Kula Shaker était à ses débuts en pleine vague Brit-Pop. Pour terminer, parlons du futur...
Que reste-t-il de cette période ? Et que pensez-vous de Pour l’instant, le futur c’est d’abord la tournée. Elle se
la nouvelle scène anglaise ? met en place progressivement, on prévoit de jouer live
La vague brit-pop, c’est quelque chose qui est figé dans toute l’année. Pour le reste, on verra...
le temps. Musicalement, c’est une période qui ne nous
concerne pas. En plus, nous n’avons eu que très peu de Merci à Elodie et Charles d’H.I.M Media et à Maurice.
contact ou de partages avec les formations qui compo-
saient cette vague. Et quand on en a eu, c’était avec Pro- Ted
digy, rien à voir avec la pop ! On a été étiqueté comme ça Photos : © Guillaume Vincent / Studio Paradise Now
à l’époque pour que les gens ne soient pas trop perdus,
surtout aux États-Unis. C’est comme ça... Sérieusement,
comment pourrait-on être associé à un courant musical
qui a quand même compté dans ses rangs de sacrés
champions de l’égotrip ? (rires)
Au final, au Royaume-Uni, la recette n’a pas réellement
changé. A part un petit noyau, on a toujours affaire à
des formations rock - ou pas d’ailleurs - qui ne durent
qu’un temps, qui passent par des télé-crochets à la con.

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LIVE

KULA SHAKER

L a date é tait marqu é e au fer rouge sur notre agenda concert , qui plus
est depuis une annulation due à un probl è me de sant é de son chanteur
quelques semaines plus t ô t . K ula S haker , venu d é fendre son nouvel album
V 2 .0, a foul é en mars dernier les planches d ’ une M aroquinerie bond é e
pour un concert de patron .

Prenant le pouls l’après-midi lors d’une séance photo tique de l’hindouisme. Kula Shaker réveille les fantômes
décontractée avec le groupe, nous sentons instantané- de Jimi Hendrix, Love ou même les Beatles avec un son
ment chez eux la motivation de donner au public parisien rock sixties plein de chaleur et de solo endiablés. Un véri-
un show dont il se souviendra un bon moment. Encore table appel à l’exaltation des sens.
un peu pris de remords de n’avoir pu assurer la date du
20 février, Crispian Mills est dans une forme olympique La foule est terriblement conquise et le rend bien à
et se plait d’être à Paris, une ville qu’il apprécie beaucoup une formation qui a su mettre en valeur son répertoire
selon ses propres dires. d’antan en minimisant l’impact de son petit dernier
(seul «Infinite sun» et l’entraînante «Mountain lifter»
Ayant été retardés par la sélection de nos photos, nous représente K 2.0 sur la setlist) même si sur la papier, il
arrivons de manière étonnée au changement de plateau se veut être le petit frère de K. Une heure et demi après
entre The Loved Drones et Kula Shaker (le temps passe leur arrivée sur scène, les Anglais closent la séance par
si vite !). Pas de première partie pour nous donc, juste le un «Govinda» anthologique. Classique mais inévitable
temps de trouver l’angle parfait pour vivre intensément pour une soirée mémorable. «Tu l’as voulu, tu l’as eu, un
ce show qui, d’après des images tournant sur le tube et grand coup dans ton...»
les setlists des précédents concerts, met pas mal l’ac-
cent sur les deux premiers albums. Ca promet ! Set list :
Sound of drums / Gokula / Hurry on sundown (Hawkind
L’audience intergénérationnelle est plongée dans le cover) / Grateful when you’re dead / Jerry was there /
noir, l’introduction de «Sound of drums» se diffuse telle Temple of everlasting / Infinite sun /Shower your love /
la fumée d’un bâton d’encens de nag champa. Comme 303 / Mountain lifer / Peter Pan R.I.P / Ophelia / Mystical
une impression de retourner 15-20 ans en arrière. Et machine gun / 108 battles (of the mind) / Tattva / Hush
c’est le sentiment qui prédominera tout au long de ce (Joe South cover)
show impeccable. Sans inhibition, le groupe enchaîne Rappel:
ses tubes («Grateful when you’re dead», «303», «Mys- Great Hosannah / Govinda
tical machine gun», «Tattva») entrecoupés de quelques
reprises («Hurry on sundown» de Hawkind et l’inévi- Merci à Élodie et Charles d’HIM Media, Maurice
table «Hush» de Joe South). Cette soirée organisée et Guillaume Vincent.
par le magazine Gonzaï fait la part belle aux ambiances
psychédéliques et nous invite à prendre le chemin mys- Ted
Photos : © Laurent Besson - Caribou-Photo.fr

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LES DISQUES DU MOMENT IGGY POP

Post pop depression (Loma Vista)

Avec presque cinquante ans de carrière, l’Iguane aura L’Iguane est dans la traversée du désert. Il cherche la
vu des virages, des abysses et de l’excellence. Géni- rencontre. Un autre musicien qui pourrait - à l’instar de
teur du mouvement punk, il est dans les années 70 le l’homme derrière Ziggy Stardust - lui donner le souffle
leader charismatique et provocateur de The Stooges. sacré nécessaire à sa résurrection. Dans le plus grand
Encouragée à ses débuts par John Cale (The Velvet des secrets, il se rapproche de Josh Homme (Queens
Underground), la formation vient rapidement poser sa of the stone age, Eagles of the death metal, Them Croo-
marque brûlante dans l’histoire du rock avec des mor- ked Vultures, Kyuss). Armé d’une boite de souvenirs
ceaux tels que «I wanna be your dog», «Raw power», qu’il a pris en regardant par dessus son épaule, il lui
«Gimme danger» ou encore «Search and destroy». En demande d’être son nouvel associé, son producteur.
trois albums, The Stooges touchent un sommet puis Joshua fourmille d’idées. Le projet est aussi beau que
se déchirent. Iggy tombe au fond du trou. David Bowie délicat. Il faut puiser intelligemment et raisonnable-
- déjà producteur de Raw Power (1973) - rattrape son ment dans les mouvements punk et stoner que repré-
ami par la main et l’emmène en Allemagne. Pendant les sentent ces deux hommes sans trop forcer. Créer autre
années Berlinoises, Bowie propose à Iggy de rester aux chose qui permettrait à Iggy Pop de renaître. Alors, il
commandes. Cette association le remet sur les rails et faut s’entourer de musiciens d’expériences. Homme
le relance dans une carrière solo très riche jusque dans fait appel à Dean Fertita (Queens of the stone age, The
les années 90 où des groupes tels que Nirvana et Sonic Dead Wheather) et à Matthew Helders (Artic Monkeys).
Youth revendiquent son héritage. Mais l’artiste s’es- Voilà, on peut remonter du trou, le groupe est fin prêt à
souffle et s’enlise dans des créations dont une bonne enregistrer. Quel nom pour ce nouvel album ? Post pop
discographie se passerait aisément. Un retour à sa depression, tout naturellement.
première formation lui permet de sauver la face avec le
très réussi Ready to die (2013). Après un ultime album, Dans une ouverture aérienne, Iggy Pop annonce «I’m
David Bowie décède laissant son pote de toujours avec gonna break into your heart/I’m gonna crawl under your
ses vieux Stooges. Mais que devient le «Iggy Pop» ? skin». L’Iguane veut ramper sous notre peau jusqu’à
nous en toucher le cœur. La patte de Homme est bien
présente. Des mélodies taillées sur mesure d’une qua-
lité certaine. Des riffs électriques qui swinguent pour
contraster avec la voix de crooner. Josh Homme n’in-
tervient sur les voix qu’en fond pour donner une dimen-
sion plus planante. Second titre de l’album, «Gardenia»
évoque dans son premier sens une fleur. Pour Iggy, il
s’agit d’une belle plante qui, dans des temps plus mar-
ginaux, a partagé sa vie. Elle était un doux poison, une
fleur du mal. Dean Fertita fait une entrée donnant du
relief au chant parlé et poétique avec une belle ligne de
basse. Les refrains s’envolent à l’arrivée des chœurs en
me portant sur les paroles «All I wanna do is tell, Garde-
nia what to do tonight» remplies d’une certaine nostal-
gie. Retour à un côté plus avant-gardiste avec «In the
lobby» dans laquelle Iggy semble être entouré par les
ténèbres, cerné par la mort. Toutes lumières éteintes,
le chanteur pousse le cri du désespoir.

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Derrière les fûts, Matthew Healders s’agite et emmène LES DISQUES DU MOMENT
la formation vers des rythmes plus funky, plus en phase
avec le rock des années 70. Et puis surprise ! Le mor-
ceau finit à la manière d’un rêve : passage instrumental
approchant la grandeur de la musique classique. Pas
le temps de s’allonger, Iggy Pop balance un «Vulture»
dont la tension fait apparaître de grandes effluves
punk. Emmené par une nouvelle ligne de basse bien
grasse et une guitare lancinante, le chanteur pose des
mots dispersés dans «German days» évoquant entre
les lignes ses années aux côtés de Bowie. «Chocolate
drops» et «Paraguay» font apparaître des mélodies à
tomber, agrémentées de paroles plus lumineuses que
le reste de l’album. Pour qui n’en aurait pas eu assez, le
rideau tombe tandis que des airs rageurs retentissent
jusqu’au dernier instant.

Josh Homme a montré l’étendue de son talent en
écrivant pour l’Iguane avec une justesse impression-
nante. Grâce à lui, Iggy Pop a pu se percher une nou-
velle fois dans les hauteurs. «Il faut prendre des leçons
de l’abîme» disait J.Verne. Iggy - cet amoureux de la
langue française - avait du noter cela dans sa boite à
souvenir. Après un passage à vide dans sa carrière
solo, il signe un véritable retour avec Post pop depres-
sion. Au delà d’être une création aboutie, cet album est
un sommet de son œuvre discographique.

Julien

11

LES DISQUES DU MOMENT HYPNO5E

Shores of the abstract line (Pelagic Records)

Les amateurs de métal léché, réfléchi et prenant sont Je risquerais de rompre le charme.
servis ces temps-ci puisque s’ils ne sont pas repus par
le magnifique album d’Abysse, ils peuvent aussi se Alors je choisis de me taire. De me laisser porter par
plonger dans la nouvelle offrande d’Hypno5e : Shores les émotions, de savourer chaque seconde, qu’elle soit
of the abstract line. Alors certes, ces deux formations délicate ou hurlée, éthérée ou condensée, d’une clarté
ne sont pas très prolixes mais quand elles sortent un limpide ou harmoniquement déchirée. De passer du
album, on en a pour un bout de temps avant d’en faire bleu nuit au blanc éclatant, de rougir de plaisir à appré-
le tour (si jamais c’est possible), 4 ans après Acid mist cier une pop hypnotique, de laisser des écrits finale-
tomorrow, nous revoilà fasse à une épreuve : devoir ment transparents comparés à une telle maestria.
mettre des mots pour «parler» de l’album au lieu de
simplement en profiter. Production parfaite, artwork parfait, qualité des com-
positions parfaites, instruments et voix parfaits, tout
Je devrais donc me lancer dans une tentative de dis- est parfait sur ce Shores of the abstract line sur lequel
section de ce qui fait la magie des Montpelliérains il n’y a finalement rien à dire et qu’il suffit d’écouter.
pour te donner envie de rejoindre leur bataillon de fans
(parce que si tu les connais déjà, tu n’as pas attendu Oli
ces lignes pour te procurer ledit opus). Faut-il parler de
leur technique irréprochable, de ces breaks bien sentis,
des incursions hispanisantes, des montées prog jouis-
sives, des passages post-rock dialogués, du tabassage
monumentale quand ça envoie ? Faut-il vraiment aller
éplucher chaque mesure, chaque enchaînement de
riffs, chaque sonorité ? Faut-il irrémédiablement explo-
rer chaque rivage ? Suivre tous les chemins indiqués
par la boussole pour cartographier leurs territoires ?

12

Red GloveS LES DISQUES DU MOMENT

Night gap (Vouhvoue records)

Après deux EP chroniqués jadis dans ces pages par Stories) ? Je me le demande. Clairement, Red Gloves
le regretté Aurélio (non, je vous rassure, il n’est pas évolue dans un registre cher à ses quatre musiciens,
mort, il est même bien en forme) et avoir fait tourner une scène qui avait naguère les faveurs de la presse et
son répertoire sur différentes scènes d’Europe, il était du public. Et la fraîcheur de ce Night gap dissimule un
temps pour Red Gloves de franchir le pas de l’album. amour pour l’indie rock joué par des passionnés.
C’est chose faite avec Night gap. C’est surtout chose
bien faite. Très bien faite même. La formule gagnante peut paraître simpliste (guitares
au son clair et fluide, basse rugueuse et batterie auda-
Red Gloves n’a pas changé son fusil d’épaule, et il s’agit cieusement en place), mais les mélodies soignées, les
bien là d’une recette que le groupe maîtrise à la per- ambiances tendues et le travail des voix (qui, pourtant,
fection : l’indie power pop rock qui a fait tant de bien dans ce style catalogué il y a une dizaine d’années «
dans les 90’s de l’autre côté de l’Atlantique. Le quatuor emo », avait tendance à me rendre un peu réfractaire
bisontin, toujours composé d’Hervé, Thomas, Buen du style) font de ce premier effort longue durée une
et Macst (soit deux Jack And The Bearded Fishermen réussite totale. Enregistré au Cube Studio et mixé par
et deux Irradiates), régale pendant plus d’une demie Brian Mc Ternan (Hot Water Music, Texas is the Rea-
heure en nous rappelant à notre bon souvenir d’atmos- son), Night gap ne pourra que ravir les amateurs de
phères et de sonorités qui ont bercé l’adolescence de rock aux accents atmosphériques et aux lignes épu-
nos sales gueules de trentenaire. Du coup, comment rées.
ne pas succomber au tube en puissance « Flight tur-
bulence », au mélancolique « Story », au dérangeant « Gui de Champi
Sideways » (avec ce riff de guitare qui, en version satu-
rée, conviendrait tellement aux JTBF), à la basse mus-
clée de « Love reaction » ou au rythmé « Secret dream
» mené vocalement par l’indispensable guest bisontin
Sylvain Bombled (Second Rate, Generic, Cab Driver

13

LES DISQUES DU MOMENT FILTER

Cazy eyes (Wind-Up Records / Spinefarm Records)

Staind...) sont bien entendu irréprochables. Côté
nostalgie, son vieil ami Danny Lohner (NIN, A Perfect
Circle...) est également passé filé un coup de main et
dès «Mother E», titre introductif, tu sais que le Filter
dérangeant et incisif est bel et bien de retour !

La carrière de Filter joue aux montagnes russes, après Et la locomotive Patrick emmène ses wagons sur des
une ascension fulgurante (oui, Title of record est pour territoires assez modernes où les guitares crasseuses
moi le sommet), le groupe de Richard Patrick a soit des- affrontent des machines électro («City of blinding
cendu, soit regrimpé dans notre estime. Après The sun riots»), ce qui ravira les fans de Trent Reznor et nous
comes out tonight, la logique voudrait qu’on remonte la ramène 20 ans en arrière ! Filter, c’est avant tout
pente... Si on ne sait pas trop quoi penser de l’artwork un groupe de rock et la dynamique de la plupart des
(si ce n’est qu’il colle bien au titre Crazy eyes), ce n’est titres est clairement dans le registre «alternatif des
qu’après plusieurs écoutes qu’on peut affirmer que la années 90’s» amalgamant avec brio les parties les
collection de titres envoyés par le Filter de 2016 est plus sourdes et froides aux plus acoustiques et cha-
plutôt du genre à repropulser la machine vers le haut ! leureuses (cette voix !). Bref, depuis Title of record, on
tient peut-être là le meilleur opus de Filter, tout simple-
ment. Impensable ? Ecoute «Nothing in my hands», il
aurait pu être enregistré à cette époque-là !!!

Oli

A part le frontman, tous les membres ont changé, bien-
venu donc pour quelques mois (voire plus si affinités)
à Oumi Kapila (guitare), Ashley Dzerigan (basse), Chris
Reeve (batterie) et Bobby Miller (machines) qui ont du
aimé le Filter des débuts plus que le récent car ils n’ont
pas découragé Richard Patrick dans sa volonté de re-
tourner vers le futur et dans l’ambiance de ses débuts,
celle d’un rock alternatif sombre et industriel. Pour l’ac-
compagner dans ce voyage, Richard a fait appel à Ben
Grosse, déjà derrière la production de Title of record et
Michael «Blumpy» Tuller connu pour avoir bossé avec
Nine Inch Nails. Le mixage de Brian Virtue (30 Seconds
To Mars, Deftones) ou le mastering d’Howie Weinberg
(Soundgarden, The Mars Volta, Smashing Pumpkins,

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SUNN O))) LES DISQUES DU MOMENT

Kannon (Southern Lord / Differ-Ant)

La relation que j’entretiens avec Sunn O))) est quasi tion festival, alors que la nuit n’est pas encore tombée.
inexistante, nourrie par quelques mauvaises expé- A aucun moment, je ne rentre dans cette énergie libé-
riences d’écoutes approfondies piochées ci et là dans ratrice tant vantée par les afficionados. Pire, j’ai juste
la riche discographie du duo, seul ou avec les copains l’impression d’assister à la plus grosse arnaque artis-
die-hard fans qui d’ailleurs ne comprennent pas tou- tique du siècle ! Encore une occasion perdue d’appré-
jours pourquoi on ne se délecte pas d’un bon drone- cier cette messe noire.
métal expérimental, et qui aiment toujours te raconter Kannon, le petit nouveau, est sorti l’hiver dernier.
leurs oppressantes et étonnantes expériences live C’était annoncé quelques mois avant. Après une occa-
avec le groupe. sion ratée de les voir au Palais de Tokyo à Paris entouré
Et puis pas mal de ressentis frustrant (des préjugés ?) de bons bobos parisiens élitistes (annulation post-
ont émergés au fil des écoutes, comme par exemple : 13 novembre), et de profiter de ça pour me plonger
- beaucoup de bruit pour pas grand chose dedans en avant-première, je reçois le disque. Juste
- des morceaux sans début, ni fin (Mais pourquoi pas ?) le disque, ni pochette, ni boitier. Ca commence bien.
- des enregistrements de réglages de guitares L’album se compose de 3 pièces (Kannon 1, 2 et 3),
- un délire d’initiés mystico-occulte qui peut malheu- élaborées par O’Malley, Anderson, tous deux accompa-
reusement être mal compris/interprété, être assez gnés du chanteur hongrois de black métal Attila Csihar,
repoussant voire saoulant à la longue, surtout lorsque déjà présent auparavant sur plusieurs œuvres de Sunn
les morceaux atteignent parfois les quasi 20 minutes... O))), qui vient poser pour l’occasion ses grognements,
Bref, autant de raisons qui ne facilitent pas l’adhésion hurlements et incantations sur des plages fortes en
au drone-doom de Stephen O’Malley et Greg Anderson. saturation et larsens.
Et puis en 2014 sort Terrestrials, un split avec Ulver, Ce septième album, dont le nom fait référence à une
une formation que je respecte au plus haut point. C’est déesse bouddhiste de la compassion qui entend les
le moment de la réconciliation, surtout que l’album cris du monde, est un hymne supplémentaire au bour-
n’est pas loin du coup de maître. En 2015, j’ai l’occasion don vibrant de basses ascendantes et descendantes.
de voir Sunn O))) pour la première fois à Dour en condi- Une atmosphère à la fois tendue et méditative où il est
difficile de discerner les différentes teintes sonores qui
le composent, tant l’ensemble qui transparaît se veut
monolithique. A la limite, seule la voix se démarque
quand elle n’est pas trop dissimulée par les ondes
galopantes des guitares et basses. Au sein de ses 35
minutes, Sunn O))) travaille toujours sur la recherche
d’un minimalisme plombant doté de répétitions tel un
râga indien dévoilant sa propre expérience mystique.
Il vous faudra de nombreuses écoutes pour éviter de
passer à côté du lot de subtilités que contient la ten-
sion permanente de ce Kannon. Si le résultat reste
pour le moins non surprenant, hormis peut-être le fait
qu’il soit le plus accessible de sa discographie (mais
ça reste à prouver), le duo de Seattle reste néanmoins
toujours autant digne de curiosité.

Ted

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ULAN BATOR

Abracadabra (Acid Cobra Records / Overdrive Records)

cadabra se tient de bout en bout et contient ses zones
de climax total, comme c’est le cas avec l’un de ses
meilleurs titres qu’est «Coeurrida» dans lequel est
invité à s’exprimer l’orgue de James Johnston (ex-Bad
Seeds). Ce morceau illustre l’aise qu’à son géniteur à
faire cohabiter les contrastes sans tomber dans les
extrêmes, tout en gardant une cohésion sur l’ensemble
de l’œuvre. Une vague d’émotions s’extirpe de son
écoute, surtout lorsque qu’à mi-chemin apparaissent
des lueurs diaphanes. Sublimé aussi est «Ether», titre
épique qui suit dans la foulée et qui porte bien son
nom. Une caresse dépressive aux relents pop qui se
dévoile progressivement dès l’apparition d’une répéti-
tion vocale déclamant les quatre éléments de l’univers
par Amaury et Raffaela Matrisciano.

Fin janvier, Ulan Bator révélait au public l’intégralité de Bien que souvent (bien) entourés dans son projet
son tout nouvel album, Abracadabra, via un streaming (notons le mastering de Douglas Henderson qui a tra-
exclusif sur notre site internet. Passé par un crowdfun- vaillé avec les Swans, John Zorn ou encore System Of A
ding pour le sortir, le groupe donnait en parallèle aux Down), il n’en reste pas moins qu’Abracadabra ressort
«financeurs» l’opportunité de le découvrir quelques comme une œuvre personnelle, celle d’Amaury Cambu-
jours avant la sortie officielle. Normal, me direz-vous. zat. Une entreprise déjà bien amorcée avec sa précé-
Chapeauté depuis quelques temps déjà par son front- dente sortie discographique qui n’était autre que des
man, Amaury Cambuzat (composition, écriture, enre- reprises acoustiques d’Ulan Bator au sein de laquelle
gistrement, mixage et production), séparé depuis de la voix avait déjà une place importante. Comme sur ce
longues années de son ancien acolyte Olivier Man- petit dernier qu’on vous recommande, si vous avez des
chion (Permanent Fatal Error), ce disque continue de accointances avec le milieu des transes poétiques.
faire perdurer la magie (noire) d’Ulan Bator.
Ted

Trois ans après l’excellent En France/En transe, album
dominé grandement par un hypnotisme sombre et
captivant, Abracadabra est le témoignage actuel des
convoitises musicales de son leader. A savoir la créa-
tion d’un univers sonore intimiste mais glaçant dont le
dessein est de vous happer pour ne plus vous lâcher,
à condition d’aimer la langue de Molière lorsqu’elle co-
pule avec le rock ! Doté d’une écriture au style épuré
et délicat manifesté d’une voix frêle et de chœurs mys-
tiques, ce onzième album est une marche somnambule
jalonnant le krautrock, le folk-rock dit «expérimental»,
la pop arty et un peu de noise rock par moments. Abra-

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Exsonvaldes LES DISQUES DU MOMENT

Aranda (Interferences)

la bulle indé pour s’éclater sur des territoires plus syn-
thétiques, comme si les années 80 venaient percuter
le train-train des compositions évidentes, histoire de
transformer quelques wagons. Soyons honnêtes, ce ne
sont pas les plages qui me plaisent le plus, je suis bien
davantage capté par les chansons un peu plus rock
(«Horizon», «Judging hand», «Walls») ou jouant avec
les rythmes pour nous faire planer («White fires»).
Simon est à l’aise avec l’anglais mais de nouveau,
c’est quand il s’exprime en français qu’il nous touche
le plus, «Horizon» et «Cyclop» étant parmi les mor-
ceaux phares de cette nouvelle galette avec quelques
phrases qui restent en tête (comme «Et si je ne suis
pas encore fou, je souhaite le devenir») et une certaine
forme de poésie (qui me rappelle par moments un des
maîtres en la matière qu’est Arman Melies).

Difficile d’enchaîner après un album lumineux ? Abso- Les notes de Lights ont amené Exsonvaldes plus au
lument pas quand on s’appelle Exsonvaldes et qu’on Sud, ils se sont acclimatés, ont su profité de ce que
cisèle les moindres détails de ses titres en suivant pouvait leur apporter cet air chaud et ont intégré de
le chemin le plus évident, celui du coeur. Quelques nouveaux éléments à leur musique sans la dénaturer.
concerts en Espagne ont permis au groupe de s’y créer Toujours en évolution, en mutation, en mouvement, la
un groupe de fans actifs et d’y retourner, de participer pop des Parisiens continue de nous séduire et s’affirme
à des festivals et de faire des rencontres. L’histoire disque après disque comme un édifice incontournable
d’amour s’est logiquement poursuivie avec ce pays, dans le paysage sonore européen.
le fruit de cette «union», c’est Aranda. Le diminutif du
nom du lieu où ils sont allés enregistrés (à 200 km au Oli
Nord de Madrid) avec Jose Caballero (entre autres) sert
de titre à ce nouvel opus pas si marqué que ça par l’in-
fluence ibérique. Exsonvaldes reste un groupe d’indie
pop qui chante d’abord en anglais, un peu en français
et ne se met à l’espagnol qu’à travers le renfort d’He-
lena Miquel («En silencio» qui est l’un des plus beaux
morceaux de l’album, la version bonus de «Cyclop»).

Aux lignes mélodiques limpides, aux accords accro-
cheurs, aux rythmiques entraînantes, Exsonvaldes
ajoute quelques expérimentations comme le mélange
avec l’espagnol, l’abandon d’une construction clas-
sique («Beyond repair») ou des claviers aux sonorités
qui tranchent avec l’acoustique des guitares («Stories
in reverse», «Les angles morts»), on s’éloigne alors de

17

INTERVIEW

18

INTERVIEW

EXSONVALDES

C ’ est S imon , chanteur et guitariste che z E xsonvaldes qui r é pond à nos
questions gr â ce au cyber - espace , on aborde forc é ment le th è me de
l ’ E spagne qui est en train de nous ravir notre p é pite mais é galement
l ’ é criture dans d ’ autres langues que l ’ anglais ou les vid é os que le groupe
affectionne particuli è rement . ..

Vous jouez en Espagne, vous enregistrez en Espagne C’est l’éternel mystère. Pourquoi est-ce que ça marche
avec un Espagnol, vous invitez une Espagnole, vous plus dans tel ou tel pays que dans tel autre ? Notre mu-
donnez au nom de l’album le nom d’un lieu espagnol, sique n’a pas grand chose d’espagnol (à part peut-être
vous jouez plus en Espagne qu’en France, bref Ex- le nom), mais je crois qu’on a su en Espagne saisir les
sonvaldes est devenu un groupe espagnol ? bonnes opportunités qui se présentaient à nous. Mais
Pas vraiment non (rires). Mais c’est clair qu’on un lien il y a une grande part de hasard.
de plus en plus fort avec l’Espagne : on a commencé à
y enregistrer l’album, et c’est là-bas qu’on donne main- Maintenant que l’Espagne est conquise, l’Amérique
tenant la grande majorité de nos concerts. Un est un latine est dans la ligne de mire ?
groupe français ... et espagnol d’adoption. Pas à court terme, mais on aimerait bien, oui.

Qu’est-ce qui vous plaît tant en Espagne ? Il y a de nouveau quelques titres en français, le do-
L’énergie. L’enthousiasme. On ne retrouve ça nulle part sage français/anglais (voire espagnol), c’est quelque
ailleurs. Ca nous porte, et on y fait des supers concerts. chose de réfléchi ?
Ce n’est pas une réflexion absolue sur le public espa- Pas vraiment. Ce qui est réfléchi et conscient, mainte-
gnol ou le public français, c’est vraiment dans notre cas nant qu’on sait qu’on en est capables, c’est d’avoir plu-
particulier : pour un ensemble de raisons (radio, tv, les sieurs langues sur le disque. On pense que c’est une
bons festivals, les bons concerts au bon moment, etc.) richesse et une originalité. C’était donc logique pour
on est plus excitants en Espagne qu’en France, et on le nous d’inclure les morceaux en duo avec Helena Miquel
ressent. Heureusement, il y a des contre-exemples : on sur l’album, et d’avoir ainsi 3 langues différentes. De
a retrouvé cette énergie lors de notre dernier concert à renforcer l’identité culturelle européenne du disque.
Paris, à la Maroquinerie. Ça fait du bien !
Pourquoi avoir fait deux versions de «Cyclop» ?
Qu’est-ce qui plaît tant aux Espagnols chez Ex- Contrairement à «En silencio», le titre «Cyclop» exis-
sonvaldes ? tait déjà avant l’intervention d’Helena. On aimait les

19

INTERVIEW

deux versions, on avait de la place sur le disque. Et Les «lyrics» en jaune, c’est en hommage à Arte ?

donc voilà... Oui exactement.

L’album sorti en Espagne a la même track-list ? La lyric video de «En silencio» était assez sympa-
Oui, c’est le même disque. thique, vous travaillez beaucoup le support vidéo,
à part le nombre de vues, vous avez des retours
J’ai l’impression qu’il y a un peu plus d’expérimenta- concrets ?
tions sur Aranda que par le passé, que vous tentez On fait toujours attention aux vidéos oui, on essaye de
davantage de choses musicalement, me trompe-je ? proposer quelque chose d’original et/ou de personnel.
C’est possible. On se pose moins de questions, on hé- Et on sait que notre public le remarque, on nous en
site moins et on a tendance à plus suivre notre instinct. parle souvent.
Ça nous fait sans doute prendre plus de risque, essayer
de nouvelles choses. De quoi êtes-vous le plus fier dans Exsonvaldes ?
Des chansons. C’est ça l’important.
Les premières notes de l’album sont très sombres,
assez sourdes, il y a eu débat au moment de choisir Vous êtes sur Facebook, Instagram, Twitter... les ré-
l’ordre des morceaux ? seaux sociaux sont indispensables ?
Un peu mais pas tant que ça. Aranda est un disque C’est indispensable d’avoir un outil, un lien, pour com-
sombre, on s’en est rendu compte en l’ayant terminé, muniquer avec son public. Après l’outil peut changer
et c’est bien de l’assumer dans le tracklisting. Il corres- selon l’époque.
pond à une période très précise de notre vie de groupe,
à des doutes, l’éventualité de la fin et finalement la Et les webzines alors ? Passage toujours obligé ?
décision de continuer. Donc sombre mais avec une Et oui, la preuve, même si je réponds très en retard à
renaissance. cette interview (rires).

L’artwork me rappelle un peu l’esthétique du clip de Il y a beaucoup de monde qui écrit sur internet, c’est
«L’aérotrain» avec davantage de surréalisme, vous possible de répondre à toutes les demandes ? Quel
avez laissé carte blanche à Edward Barrow ? est le principal filtre ?
Oui, on connaissait et appréciait son travail, on lui a Il suffit de ne pas répondre aux mails !
envoyé les morceaux et les textes et il nous a proposé
plusieurs idées. La quatrième était la bonne, ça a fait On se donne rendez-vous quand ?
l’unanimité. Très bientôt. On a des concerts en prévision, des side-
projets, et on sort très prochainement des albums
Le clip pour «Horizon» est assez particulier, je ne suis d’amis sur notre label nouvellement créé : Finalistes.
pas certain d’avoir saisi l’idée avec les DJs, vous pou-
vez m’éclairer ? Merci Simon et Exsonvaldes, merci également à la
Je ne sais pas s’il y a un quelque-chose à saisir (rires). team Modulor. A très bientôt donc...
On adore les vidéos de Boiler Room ou Mixmag, surtout
pour tout ce qui s’y passe en arrière-plan : une multi- Oli
tude d’histoires. Photos : © D.R.

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LES DISQUES DU MOMENT PSYKUP

Le temps de la réflexion : réédition (Klonosphère)

Encore un groupe qui nous file un coup de vieux... Encore Pour l’occasion, je remixe également l’article écrit par
un groupe qu’on suit depuis ses débuts et qui vient de Gui de Champi avec un peu de compression histoire
fêter ses 20 ans (et presque toutes ses dents), bientôt d’en faire ressortir encore davantage le côté punchy et
ce sera notre tour mais on ne sortira pas de DVD live ou barzingue. Tout en reprennant les 4 titres de son EP en
de réédition exceptionnelle des premières pages du W- version améliorée, les Toulousains allaient plus loin, se
Fenec, ce ne serait pas sympa pour vos yeux... Psykup voulant les plus perturbants et percutants possibles
a donc fêté ses 20 ans l’an dernier et a décidé de nous avec des ambiances crispantes, où le métal croisait le
offrir en cadeau une réédition de son premier album Le jazz pour entrer dans une fusion magistrale. Les deux
temps de la réflexion en version remastérisée, agré- voix surréalistes s’imposaient comme la signature du
mentée d’un disque bonus et d’un nouvel artwork. Pour combo, deux chants capables d’endormir avec des mé-
les aider dans cet entreprise, les Toulousains ont fait lodies enivrantes ou de reveiller les morts avec des cris
appel à leurs fans via une campagne de crowdfunding stridants et des hurlements d’outre tombe. L’influence
qui a été un gros succès puisque qu’ils ont atteint de sieur Patton était évidente mais Psykup avait déjà
plus de 150% de leur objectif. Il faut dire qu’avec le réussi à créer sa patte perso, une patte inimitable.
pack vinyle + double CD +version digitale + l’affiche à
25 euros, il faudrait être idiot d’attendre la sortie pour En bonus de cette réédition déjà bien classe, on a le
ouvrir le porte-monnaie... Si le mastering fait sonner droit à un CD qui nous ramène encore plus loin, avant
davantage l’opus, ce qui nous marque d’abord, c’est la même le nouveau millénaire, si les quatre titres de
superbe déclinaison de la pochette, dans les mêmes l’EP Sors la tête (qui apparaissent dans leur prime ver-
teintes, dans le même esprit, avec des rappels de la sion) ne nous sont pas inconnus. Là aussi, Gui avait su
version sortie il y a 15 ans c’est un magnifique laby- trouvé les mots... J’en laisse quelques uns sans remas-
rinthe qui nous est proposé, tellement en adéquation tering : Bien que changeant de style toutes les quatre
avec la musique du combo que ça en fait certainement mesures, le tout est si fluide qu’on en reste interloqué.
leur plus belle pochette. Les parties techniques s’enchaînent et se déchaînent

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pour créer des titres uniques. Deux guitares incisives LES DISQUES DU MOMENT
et explosives, une section rythmique basse batterie à
couper le souffle, et ces lignes vocales partagées entre
un hurleur strident et un chanteur mélodique n’ayant
pas peur de monter dans les graves à chaque cri.
Pour les trois morceaux «live 99», il faut avoir les
oreilles très ouvertes et pas trop capricieuses pour ac-
cepter le son (sourd et disons-le assez pourrave). C’est
donc du bonus «remplissage» pour «Time & space»
et «Insipid», ça a un peu plus d’intérêt pour «Syk’ your
mind», un des morceaux de leur premier album, une
démo d’une quarantaine de minutes enregistrée en
février 98 sans bassiste... Sans le net, il est très diffi-
cile de pouvoir écouter ces titres (et la toute toute pre-
mière version d’»Insipid») et «Syk’ your mind» peut
donc presque paraître comme un inédit. Si aujourd’hui,
on pense à System Of A Down, dis-toi que les América-
no-Arméniens ne sortiront leur premier album qu’au
mois de juin 98, ont-ils été influencés par Psykup ?

Au final, si tu es fan de l’autruche-core, tu vas vouloir
posséder le vinyle, si tu étais passé à côté du phéno-
mène, on t’accorde quelques secondes, Le temps de la
réflexion, pour te jeter dessus.

Oli

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LES DISQUES DU MOMENT REFUGE

Broken bird (Autoproduction)

pas spécialement évidentes (un des chants masculins
est même pas tout à fait doux, faisant ressortir la pureté
de celui de Louise), un ton parfois proche du Aaron des
débuts, voilà l’ossature de Refuge. Les rythmes, très
lents, sont assez synthétiques, colorant l’ensemble
d’un petit arrière-goût d’électro pas désagréable alors
que les instruments (guitare, clavier, basse, violon...)
ajoutent des petites touches de soie, de coton, de lin,
bref de douceur et de classe. Les ambiances varient en
cristallinité, en chaleur, en occupation de l’espace so-
nore. La seule constance, c’est l’anglais, avec des tona-
lités qui rappellent aussi Radiohead («Where are you
know») et il est clair qu’on a vu pire comme référence.

Il faut se rendre à l’évidence, après une bonne dizaine L’album (ou plutôt le EP car il n’y a que 6 «vrais» titres,
d’années de télé-crochets sur toutes les chaînes, de «Helena» étant une interlude) sort le 1er avril mais ce
recyclage d’émissions sans idée, sans oreille, sans n’est pas une blague ! On peut faire un long parcours
goût et surtout sans intérêt, on trouve enfin un mec qui à la Nouvelle Star et sortir un bon disque. Après, on
sort un album plus que potable. Le gars en question a trouvera toujours des grincheux pour ne pas aimer
fait la finale de la «Nouvelle star», pas si star que ça cette pop qui voue un culte au dénuement mais on ne
vu qu’à part les gens qui ont suivi l’émission sur une peut ni reprocher aux titres un manque de sincérité
chaîne de la TNT, personne ne le connaît. Et encore, ni un manque de travail. Avec en bonus une très belle
combien sont-ils à savoir écrire son nom : Florian Ber- pochette, Refuge pourrait bien faire sensation dans
tonnier. Toujours est-il qu’avec un pote de fac, Jean- l’underground...
Baptiste Caterino (qui joue aussi dans un petit groupe
de Troyes dénommé Les Perfides), il monte un «duo» Oli
appelé Refuge (à ne pas confondre avec les ex-Rage ou
un groupe de country américain ou certainement plein
d’autres groupes de part le monde). «Duo» avec les
guillemets puisque le groupe est à géométrie variable,
Florian se produisant seul, parfois avec d’autres com-
parses comme Louise Lhermitte et Max Moro.

Si en concert ils ont repris du Muse et du Daft Punk,
ce qui peut aussi être inquiétant, je te rassure tout de
suite, ce premier opus n’a pas grand chose à voir ni
avec ces deux gros vendeurs, ni avec de la variétoche,
Broken bird fait dans la pop minimaliste avec quelques
ambiances trip hop. Des chants posés, des mélodies

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Ben Harper LES DISQUES DU MOMENT

Call it what it is (Stax Records)

Au fil de sa carrière musicale, Ben Harper s’est entouré ty». Ben Harper avait mis ce titre de côté en pensant
de trois groupes. Dans les années 90, il se fait décou- le jouer avec The Innocent Criminals. C’est effective-
vrir par l’album Welcome to the cruel world (1994) ac- ment un rock classique bien senti qui correspond tout
compagné des Innocent Criminals. Le succès de cette à fait à la formation. Guitares, percussions, basses se
époque se confirme avec Burn to shine (1999) et Live mélangent pour signer intensément le come back dès
from Mars (2001). Ben Harper prend ensuite d’autres les premières minutes. Le côté pop des refrains - dirigé
directions musicales avec notamment The blind boys par des «NaNa, NaNa, NaNa» à la voix - parait un peu
of Alabama puis Relentless7. En 2007, le chanteur re- facile mais le titre est suffisamment entraînant pour
noue brièvement avec The Innocent Criminals pour Life que cela passe au second plan. Sur «Deeper and dee-
line. Plusieurs années se passent ensuite sans qu’ils per», Le clavier est de sorti et tranquillise son monde
ne se produisent ensemble. L’année dernière, Harper qui est bientôt bercé par la mélodie chanté par Mr Har-
rappelle ses vieux copains. Bien sûr, ils pourraient tout per. Sur le titre suivant, c’est une teinte plus bluesy qui
aussi bien faire une tournée sur leurs tubes. Mais ils pointe le bout de son nez. Puis l’album prend un virage
veulent plus. Alors direction les studios... et décolle sincèrement. «How dark is gone» part et le
rythme colle à la peau des musiciens. Les percussions
Le retour d’un groupe que l’on a aimé est toujours africaines claquent et l’âme du chanteur est enfin mise
perturbant. La nostalgie nous rappelle à ces disques à nu : c’est beau de simplicité. Par ses apports funky et
que l’on peut écouter toute une vie, à cette heure où soul, «Shine» répond véritablement à son titre par une
pour nous, il existait chez le musicien un génie qui lui ambiance plus lumineuse. Justement, «All that has
avait permis d’atteindre des sommets. Le nouvel opus grown» radoucit les mœurs. Cette fois-ci, c’est Ben et
devient une menace dans laquelle réside le pouvoir de sa guitare qui nous invite à fermer les yeux pour nous
détrôner une icône. Pour autant, la curiosité l’emporte offrir un voyage. L’esprit joyeux qui habite «Pink bal-
toujours. Alors, on se risque à tendre une oreille... lon» relance la machine. Plutôt pop, La dynamique de
ce morceau lui permettra certainement d’être diffusé
Première piste de la galette : «When the sex was dir- largement. Si «Finding our way» détone par son reg-
gae, «Bones» nous remet dans le bain d’un son made
in Innocent Criminals. Sur la fin de l’album vient l’entraî-
nant «Dance with fire» qui pourrait être une chanson
des débuts.

Alors ce retour avec The Innocent Criminals ? Les pre-
mières écoutes souffraient certainement de compa-
raison avec les premières productions de la formation.
Cela dit, Call it what it is est un album qui convainc dans
le temps. La formation garde son identité en affichant
la diversité de ses premières influences et une note de
fraîcheur. Dans tous les cas, ce disque m’aura donné
envie de ré-écouter les anciens. C’est un bon indica-
teur...

Julien

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LES DISQUES DU MOMENT SINGE DES RUES

Plus le temps (Autoproduction)

suinte le malaise ambiant, ça décalque du flow impé-
tueux et vomit la période qui nous est offerte comme
incontournable. Le duo de vocalistes, qui invite Sid
Nomiak le temps d’une «Dernière danse» macabre,
aborde nombre de thématiques contemporaines, pro-
voquant à la fois malaise et incitations à la réflexion ou
à la révolte même si la couleur générale est, à l’instar
de la pochette, d’une profonde noirceur. Tant qu’il y a
du noir, il y a de l’espoir.

Leur univers est fait de «monkey», comprenant des La mort rôde souvent, tout le long de textes percutants,
«guenons» (les femmes), des «macaques» (les parfois impitoyables, toujours incisifs. Et lorsque la
hommes) et des «rhésus» (les potes). Et cela fait vie ou ses lambeaux qui nous sont accordés ici ou là
trois ans que leur album a investi les distros et stands est scandée par APE 1 et APE 2, elle est faite de flics
appropriés, ceci alors qu’il a mis près d’une décennie à et de psychiatrie, de chômage et de travail pourri, de
être confectionné avant de voir le jour. Un temps long rapports de force et de trahisons, de prison et de rêves
qui a permis à Singe Des Rues de mettre au monde un évanouis, de précarité et d’addictions, de crises de
album mâture et infaillible. A placer très haut dans la nerfs et d’armes, aussi. Sans compter que SDR sait
gamme des autoproductions que le rap indé et politi- envoyer avec véhémence des critiques d’une quoti-
quement explicite diffuse depuis une quinzaine d’an- dienneté ennuyante et des déclarations de guerre aux
nées. Comparaison n’est pas raison mais si on se met à systèmes de dominations. L’ambiance, dark à sou-
compter en Calavera, il n’est pas impossible de penser hait, d’où s’échappe une certaine urgence («Plus le
qu’un Plus le temps n’est pas loin d’équivaloir à un A temps») d’en découdre laisse aussi place à des instrus
travers spleen & mascarades, aux décalages temporel futuristes, plus entraînantes («Moins de barreaux»).
(2007-2013) et géographique (Saint-Etienne vs Noisy- S’ajoutent sur quelques titres, les scratchs de DJ Staz
le-Sec) près. Rien que ça. Et pas étonnant qu’eux et une parfaisant à planter un décor orwellien, oppressant,
vingtaine d’autres MC’s (parmi lesquels Nergal, E.One en contact complet avec un réel trop peu dépeint par
de Première Ligne ou le Kyma) doivent se retrouver sur d’autres formes d’expressions ou d’autres groupes,
un titre-brûlot à paraître prochainement, «18’05 pour même de hip-hop.
dire que ça sert pas à rien». Un style direct et sans concession, ni grande illusion,
Influencés par «NTM, Django et les Bérus» («Authen- le duo de Noisy-le-Sec s’annonce être «ni bourreau ni
tique produit de l’époque #1»), Singe Des Rues «fait du martyr et tout l’inverse d’un artiste» et «kiffe l’acous-
rap à la punk, no future et no fun» («Peu de choses à tique des squats et les micros qui saturent». Peut-
perdre»). On aura vite compris qu’on a à faire à du très être que sans bande-son, les aphorismes pré-cités
bon et qu’ici, ça ne triche pas. Ca transpire l’urbain, ça ont du mal à te parler mais dès que Plus le temps aura
effectué quelques rotations chez toi, à commencer
par «L’adversaire», tu auras du mal à décoller de son
écoute et te sentiras certainement aussi Singe Des
Rues à chaque réveil.

Rémiii

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POLIÇA LES DISQUES DU MOMENT

United crushers (Memphis Industries)

Poliça a sorti au mois de mars United crushers, son troi- sonore des thèmes abordés par Channy. Plaqués sur
sième album, après deux ans de tournée et Raw exit, des sujets tantôt socio-politiques, tantôt personnels,
un EP venant compléter l’œuvre de Shulamith, disque les titres déploient, selon leur univers, une ardeur ryth-
légèrement difficile à digérer au départ mais relevant mique jusque là inégalée au sein de la formation de
une autre facette pas forcément mauvaise du groupe. Minneapolis. Pour ainsi dire, les meilleurs morceaux
«Lime habit», titre censé annoncer la couleur de ce de ce nouvel album sont ceux dont les travaux des bat-
nouvel opus, surgissait sur le web avec un clip coloré teurs Drew Christopherson et Ben Ivascu sont les plus
habillé de formes bigarrées au sein desquelles appa- élaborés en terme de motifs rythmiques et les plus
raissait le visage de Channy. Une sorte de spectre où puissants en terme d’ampleur. Sans occulter la qua-
la chanteuse se livre façon journal intime. Sans pour lité de chansons un peu plus anecdotiques en terme
autant être le titre phare de ce nouvel album, il enle- d’intérêt («Lately», «Baby sucks», «Kind»), Poliça
vait les doutes sur la capacité du groupe à continuer n’a jamais été aussi bandant lorsqu’il pond des titres
à renouveler ses explorations mélodiques à travers comme la suite «Someway», «Wedding», «Melting
des synthés aux notes à la fois sombres et mélanco- block» et «Top coat». Et quand le groupe allie l’élé-
liques troublés d’effets surprenants. Une fois la décou- gance et la douceur vocale plus les arrangements, cela
verte intégrale de United crushers effectuée, on est nous donne une œuvre grandement plaisante. Entre,
en mesure de vous l’annoncer : c’est une tuerie ! Mais s’introduisent des titres tendant vers un registre pro-
seulement si vous laisser à vos esgourdes un temps posé par la formation sur ses anciennes productions
d’écoute relativement raisonnable pour l’apprécier. («Lime habit», «Lose you»). La boucle est bouclée
avec 12 pistes qui s’équilibrent.

La magie opère car Poliça évolue sereinement dans sa
pop inclassable. Le groupe gère son statut et garde ses
marques sans relâche, même visuellement comme sur
cet artwork où le rouge et l’humain perpétuent la tra-
dition entre la beauté et la vie d’un côté et la violence
et le gore de l’autre. Quand tout fonctionne, à quoi bon
changer ?

Ted

Enregistré à El Paso pendant une semaine d’hiver dans
le désert vers la frontière mexicaine au Sonic Ranch
Studio (Beach House, At The Drive-In, Prong...), dans
une zone où la violence et les trafics sont monnaie cou-
rante, United crushers revêt quelque peu l’ambiance

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INTERVIEW ABYSSE

A bysse a livr é un des meilleurs
albums de l ’ ann é e ( encore ), il nous
é tait impossible de ne pas en savoir
davantage sur sa conception , on
a donc pos é quelques questions à
J é r é my , le bassiste du groupe qui
g è re aussi bien d ’ autres choses ...

Félicitations pour l’artwork et le digipak, il est sublime.
C’est encore Sébastien (Hades design) qui a réalisé ce
travail, comment ça s’est déroulé ? Ce sont les idées
du groupe ou uniquement les siennes ?
Vu que le dit Sébastien - Hades Design est le batteur
du groupe, ça simplifie grandement les choses dans la
communication et le processus de création. On a fait
l’artwork après avoir trouvé le nom de l’album, donc on
est parti sur un Loup, sans faire groupe de Heavy Sym-
pho ni faire Johnny cliché... Seb fait toujours plusieurs
propositions vu qu’il a toujours beaucoup d’idées, et on
avance petit à petit.

C’est plus simple de créer un morceau ou de créer un
artwork ?
Vu que c’est le seul qui sait magner les outils de créa-
tion visuel, c’est beaucoup plus rapide que 4 gus avec
des instruments de musique entre les mains.

Vous faites presque tout vous mêmes, ce n’est pas
trop pesant ?
C’est un peu la philosophie de Abysse, faire ce qu’il nous
plait dans notre coin à notre rythme sans aucune pres-
sion extérieure. J’ai poussé ce DIY tellement loin que je
suis devenu producteur de concerts, j’ai une boite de
promo spécialisée métal / Hardcore et je fais du pres-
sage de CDs... Cette liberté nous permet d’articuler une
sortie d’album en fonction de nos vies personnelles, de
s’y retrouver financièrement car on a tout investi nous-
mêmes, dans le retour sur investissement est à 100 %.

Il y a eu presque 2 ans entre l’enregistrement et la sor-
tie du disque, pourquoi autant de temps ?

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INTERVIEW

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INTERVIEW Le temps pour certains de partir à l’étranger, ou bien de préférés, ses périodes, dans l’ère du temps à la mode,
ne pas être dispo tout simplement. On a quand même ou bien à contre courant. On a échappé à la vague Me-
sorti une réédition double vinyle de notre premier al- talcore Deathcore Modern Metal, pour nous, c’est déjà
bum, plus précisément un split vinyl avec Orpheline, le principal. Quant au public, je pense que le Hellfest l’a
un duo acoustique composé de... nos deux guitaristes ! bien «éduqué» avec ses scènes alternatives (Valley,
Altar...), enfin, tout du moins il a mis à la portée de tout
Depuis, vous avez du composer, devra-t-on attendre le monde des groupes qui tuent dans des niches musi-
longtemps avant la suite ? cales inaccessibles.
Et bien nan, pas du tout (rires). On ne s’y attaque que
maintenant. On est un groupe du dimanche qui aime Votre processus créatif est-il toujours le même ou il
bien faire les choses correctement en fait. Comme on n’y a pas de règle pour écrire un nouveau morceau ?
est éparpillés dans la France, une simple date (le Moto- On se retrouve à 3 ou 4, on jamme, on trouve des
cultor Fest en 2015 par exemple) te prend tout l’été idées, on les enregistre pour ne pas les oublier - c’est
pour répéter et être au top sur scène. arrivé tellement de fois - et on les retravaille à la répète
d’après. A raison de une répète tous les mois et demi,
Vous avez démarché des labels ou le sortir sur votre on n’avance pas très très vite... Pour le premier album,
structure est une évidence ? on avait préparé l’artwork et tout le concept avant la
On a démarché des labels assez gros, mais même sur composition, pour I am the wolf, c’était l’inverse.
un gros label, si t’es en bas de catalogue, on ne s’oc-
cupe pas forcément bien de toi, donc finalement, à Vos influences appartiennent beaucoup au passé
part 2-3 e-mails à Roadrunner et Relapse Records, la ou des groupes actuels sont également des sources
recherche est allée très vite. d’inspiration ?
On écoute, grosso merdo, du Death / Grind, du Hip Hop,
Ce «loup» est le personnage central de l’album, le du Thrash, des BO de film, du Hardcore, de l’electro, du
sample et la phrase «I am the wolf» viennent de Max Néo Métal... Un peu de tout en fait, dans tous les styles,
Payne, un jeu vidéo qui ne colle pas tout à fait à l’uni- il y a des artistes de qualité. Et avec du recul, même
vers graphique du groupe, pourquoi ce choix ? les «artistes» qui pourrissent les télés et les radios
«On aime bien, ça sonne cool». Il ne faut pas chercher peuvent avoir un intérêt musical. Finalement, chacun
plus loin avec nous. En fait, on aime bien changer de écoute ce qu’il veut, et personnellement, enchaîner Pig
registre visuel, de brouiller les pistes, de finalement Destroyer et Katy Perry ne me choque pas.
faire ce qu’il nous plait avant tout.
Est-ce que parfois vous vous censurez pour des rai-
Un loup, l’hiver qui arrive, un monde fantastique, c’est sons autres que musicales ?
parce que je suis fan de Games of Thrones que je vois La seule mesure exceptionnelle qui pourrait nous faire
un lien ou j’extrapole ? mettre un riff à la poubelle, c’est que finalement il ne
Sache que le titre «Frozen flesh» s’est presque appelé nous plait pas ou qu’on le trouve chiant. La musique
«Winter flesh», mais le côté trop Games of Thrones doit évoluer naturellement avec les influences person-
nous a poussé à ne pas garder l’idée. Sinon, la moitié nelles et les envies.
du groupe n’a pas regardé cette série, donc non Jean
Neige ne nous a pas influencé, c’est plus qu’on est Est-ce que vous connaissez quelqu’un qui n’a pas ap-
tombé dans le cliché Loup / Hiver en y ajoutant notre précié ce nouvel album ?
pointe de mystère. Oui, et on l’a égorgé et jeté dans un fossé.

Entre les débuts d’Abysse et aujourd’hui, le métal a Bosser pour le cinéma, ça vous tenterait ?
connu une grosse vague de groupes post-hardcore Si ça rapporte un max de blé, oui pourquoi pas (rires).
avec la mise en avant des instruments et des am- En vrai, on a déjà fait un projet autour du cinéma.
biances, ça vous a servi ? Vous avez vu une différence On a fait une soirée diffusion du clip «Forest monu-
avec le public qui s’est ouvert à un métal moins «ba- ment» qu’on avait tourné avec un cool (et vrai) réali-
nal» ? sateur Yoann Luis. Le clip a été diffusé dans l’une des
En fait, on écoute très peu de truc post hardcore am- grandes salles du cinéma et après, on a fait un concert
biance mes couilles, chaque membre a ses groupes dans une salle de cinéma nue, pas encore aménagée.

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INTERVIEW

C’était un chouette projet. Vous aviez joué au Hellfest pour l’album précédent
De là à faire des BO de film... pas sûr que notre musique mais pas pour celui-ci, c’est un oubli de leur part ou il y
s’y prête vraiment finalement. a une autre explication ?
Tu sais, il y a tellement de groupes de dispo pour ouvrir
Très peu de concerts sont programmés, il semble qu’il l’une des scènes du Hellfest que la place est compli-
soit de plus en plus dur de trouver des dates... quée à avoir. Rien n’est acquis et on espère un jour
On a pas mal de propositions de concert, et surement la retourner la Valley comme il se doit.
possibilité de faire une chouette tournée, mais on n’est
pas disponible pour tourner, donc dès qu’on trouve une Merci Jérémy et merci Abysse.
grosse semaine, on repose nos culs dans un van de Oli
tournée fissa fissa.
Photos : © D.R.

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ABYSSE LES DISQUES DU MOMENT

I am the wolf (Autoproduction)

mélodie, de dynamique, de créativité, d’expérimenta-
tions pour plaire à chacun tout en restant cohérent du
début à la fin. Des sons dantesques (celui de la basse
est - aaaargh - un délice, succulent quand il est couplé
au voyage aventureux des guitares de «Frozen flesh»),
des rythmiques infernales (le break très post hard core
de «Architecture of bones»), des envies de headbang
et de danse porte-nawakesque («Reality & secret»),
on trouve de tout dans cet album millimétré d’une
richesse infinie et ultra captivant bien que dénué de
chant (à part les quelques mots samplés qui donnent
son titre à l’album I am the wolf), preuve s’il en fallait
encore que certains groupes feraient bien de passer
plus de temps sur leurs riffs que sur leurs vocalises.

On s’en doutait un peu mais I am the wolf est un chef Après un très classe En(d)grave, Abysse enchaîne
d’oeuvre. Abysse n’est pas le genre de groupe à compo- donc avec une nouvelle pièce maîtresse qui pourrait
ser les albums à la chaîne et à garder toutes les idées même séduire ceux qui détournent leur chemin quand
pour envoyer une dizaine de nouveaux titres tous les ils entendent les adjectifs «prog» ou «instrumental».
deux ans, non, ils sont plutôt du genre à prendre leur Ne perds pas davantage de temps avec cette lecture et
temps pour écrire le plus bel album possible. Et c’est ce file les écouter, on ne t’en voudra pas.
qu’ils ont (encore) fait. J’ai beau écouter et réécouter
cet opus et je ne lui trouve pas le moindre défaut. Tout Oli
est simplement parfait.

Si tu trouves que l’artwork qui sert de pochette est ex-
cellent (et pas uniquement parce qu’il rappelle Ghost,
le loup de Jon Snow), ouvre le digipak et prends une
deuxième claque, celle qui t’invite à ouvrir les portes de
l’esprit («Animi limina») avant de te faire découper par
la troisième lame, un tombeau inquiétant et son pas
tout à fait squelette pas tout à fait humain, pour para-
phraser la locution latine, toutes les pages blessent,
la dernière tue. Même si, «ça tue» à tous les niveaux.
Bluffant. C’est qu’on n’a pas l’habitude de se foutre de
la gueule du monde chez Abysse...

Musicalement, c’est une démonstration de ce que doit
être un album de métal instrumental moderne, avec ce
qu’il faut de progressif, de tranchant, de technique, de

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LES DISQUES DU MOMENT L’Esprit du CLAN

Chapitre VI (Verycords)

Décembre 2012, dans un message adressé à ses fans, scander EDC) et sa ville endolorie (Paris est à l’honneur
L’Esprit Du Clan annonçait se mettre en pause et en- directement sur «Rat des villes» et indirectement sur
voyait un «n’espérez donc pas que nous reviendrons «Des volcans»). Les premiers riffs sont massifs, on
vite...» qui laissait présager d’un split qui ne disait pas ne fait pas dans le détail ou le petit effet dernier cri, ça
son nom. Mais les Franciliens ont presque tous retrou- envoie du parpaing, ce son brut de décoffrage est si-
vé de la motivation et n’ont pu aussi facilement se gné Sylvain Masure (producteur apprécié chez Ravin)
débarrasser de ce démon qu’est leur groupe. Presque et bénéficie du travail de Chris Zeuss Harris (pro de ce
tous car Clément privilégiant désormais Hangman’s genre de mixage/mastering que Hatebreed, Madball
Chair, c’est Julien qui a pris le poste de bassiste alors ou Soulfly connaissent bien). Le tempo se ralentit de
que Shiro se consacre à d’autres activités et laisse seul temps à autres avec de beaux passages plus cools
Arsène au micro. Revoilà donc le Clan avec un nouveau mais toujours aussi pesants et si le Clan n’a pas forcé-
chapitre qui n’a pas de titre (si ce n’est Chapitre VI). ment l’habitude des fioritures, quand ils s’y essayent,
ça fonctionne terriblement bien (le début de «Le roi est
mort» avec une deuxième guitare qui sonne comme du
Gojira), ces petites respirations donnent de l’ampleur
à l’ensemble et évitent de subir une simple grosse dé-
rouillée...

L’Esprit Du Clan est revenu aux affaires pour continuer
de délivrer son message avec intelligence et puis-
sance, avec The Arrs, ils sont largement au-dessus de
la mêlée grâce à leur écriture et leur sens de l’équilibre
entre lumière et pénombre.

Oli

Les premiers mots font honneur au «soleil», un mot qui
revient de temps à autre sur l’album («Céleste», «Le
dernier homme», «Le roi est mort») et qui fait écho
au divin, autre thème récurrent (que le Dieu amène la
mort dans «Le dernier homme» ou que les divinités
servent à illustrer le discours sur «Mélasse»). Dans
la phrase qui entâme l’album, il est également ques-
tion du phoenix renaissant de ses cendres, clin d’oeil
à la résurrection bien terrestre du combo. L’Esprit Du
Clan se partage donc entre le Ciel et la terre, parlant
des autres mais aussi de lui («Testa dura» ou «Sur
les murs» ou Shiro repointe le bout de son nez pour

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FLAYED LES DISQUES DU MOMENT

Monster Man (Klonosphère)

quelques fois devant l’orgue pour mieux réapparaître
sur des rythmes sudistes ou des solos bien sentis.
L’intention donnée sur ce disque est tout simplement
monstrueuse. Une bonne découverte qui doit ravir son
public en live. Au plaisir...

Julien

A l’instar de Green Day, un petit paquet d’artistes se sont
cassés les dents à vouloir reprendre du Guns N’Roses.
Et pourtant, dans le nord de l’Isère des membres de
Flayed ont relevé le défi avec brio sur «Sweet child
o’mine». Pourquoi ? D’abord parque les images, enre-
gistrées avec les moyens du bord, montrent des mu-
siciens qui font ça sans prétention et avec beaucoup
d’humour caricatural. Ensuite, parce que le chanteur
autant que le guitariste enregistrent un son fidèle au
titre original. Ni plus ni moins et c’est déjà bien quand
on parle de reprendre les Guns ! En tout cas, c’est cette
vidéo qui m’a donné envie de creuser un peu et de
connaître davantage Flayed.

Depuis sa création en 2013, La formation viennoise
a déjà enregistré deux albums qui sont sortis avec à
peine un an d’écart. Remontant à l’année dernière,
Monster man est leur deuxième disque. Revendiquant
les groupes hard rock des années 70, le groupe nous
baigne dans cet univers par la présence d’un orgue
Hammond qui impose des mélodies bien cadencées.
C’est donc en trombe que se joue cette production. Pas
de doute, le chanteur avec sa voix rocailleuse incarne
une énergie puissante remontant au rock n’roll par son
swing. Véritable pilier de Flayed, le guitariste s’efface

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INTERVIEW WHY MUD

W hy M ud , c ’ est quatre garçons plein d ’ avenir ! D é tenteurs d ’ une formule
pop - progressive un brin psych é , à la fronti è re entre un R adiohead premi è re
p é riode agr é ment é e de touches à la J eff B uckley sans occulter l ’ influence
des l é gendaires P ink F loyd , les P arisiens nous accueillent juste avant
leur concert dans leur petite loge au S ilencio , un lieu é nigmatique tr è s
select o ù le prix des cocktails s ’ é l è ve à 18 euros ...

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Vous n’échapperez pas à l’épreuve des présentations. la communication de notre groupe, quand notre album INTERVIEW
Qui est Why Mud ? a été terminé, pour le présenter au public. On a fait une
Roland (guitare chant) : Why Mud, au départ, ça vient sorte de release party au Bus Palladium, mais ça n’a pas
de moi. Pendant un voyage en Australie qui a duré deux marché. La communication n’est pas vraiment notre
ans, j’ai imaginé une histoire sous forme d’un concept- métier. Maintenant, nous avons une petite équipe qui
album que l’on sort aujourd’hui. Quand je suis revenu, nous accompagne dans notre développement parce
j’ai contacté Camille (batterie) et Antoine (guitariste- que ces gens croient en nous.
claviériste) avec qui je jouais dans un groupe de rock Roland : Ils y croient même plus que nous ! (rires) C’est
au lycée. Loïc, notre bassiste, s’est greffé dans le projet ahurissant qu’ils mettent autant de temps de leur vie
trois mois après les débuts en février 2013. Why Mud, pour un projet qu’ils n’ont pas créé. On en est tellement
c’est vraiment un groupe de potes, une forte amitié liée reconnaissant, c’est une sorte de cadeau inconce-
par la musique. vable.
Camille : Ouais, faut surtout pas qu’on loupe le coche
Vous êtes tous de Boulogne-Billancourt ? là parce que notre manager bosse gratos, il perd de
Camille (batterie) : Le 92 plus généralement, Vélizy, l’argent depuis un an avec ce projet. Il ne faut pas qu’il
Boulogne et Sèvres. Boulogne, c’est là où on était au ait fait tout ça pour rien. C’est pareil pour les mecs qui
lycée, où on répète, c’est un peu notre QG. Mine de font nos vidéos, c’est du quasi gratos. A un moment
rien, c’est aussi la ville qui nous soutient, on a gagné donné, il va bien falloir que tout ce réseau soit rému-
un tremplin là bas, elle nous a soutenu financièrement néré, même si on sait très bien que ce n’est pas une
pour qu’on mixe l’album. musique commerciale.
Antoine : C’est bien d’être accompagnés de personnes
Il y a le festival BB Mix là bas... qui ont du recul sur le projet, et qui nous donnent des
Camille : Exactement, mais on n’y a pas joué. On aurait avis et conseils car on est tellement dedans qu’on ne
pu mais il fallait faire un choix suite au tremplin. Soit sait même plus ce qui est bon ou pas. Ca nous libère et
on prenait la thune, soit on jouait dans ce festival. Mais ça donne de l’élan.
ils nous ont néanmoins permis de jouer une date avec
Elefant au Carré Bellefeuille, la salle qui accueille le BB Vous êtes liés à l’association Gadoue, en quoi vous
Mix. C’était vraiment cool cette soirée. aide t-elle ?
(Rires général) Camille : Je vais t’expliquer en deux
Ce soir, vous jouez au Silencio, club select élitiste scé- secondes. Tu vois le BB Mix ? Celui qui l’organise,
nographié par David Lynch et ouvert aux arts. Même c’est mon chef, c’est un musicien qui s’appelle Pascal
moi, je ne pensais pas un jour foutre les pieds dans Bouaziz, chanteur de Mendelson depuis une vingtaine
cet endroit. Comment est-on arrivé à se retrouver ici d’années. Il m’a dit : «Si tu veux gagner de l’argent en
ce soir ? faisant de la musique, oublie tout de suite, mais par
Camille : D’abord, il faut trouver un super pote motivé contre, il te faudra une structure pour toucher tes ca-
qui vient du milieu du spectacle et qui prend bénévole- chets de session». Gadoue, c’est le résultat de ça, c’est
ment un rôle de manager. Ensuite, ce mec trop stylé ar- notre association, et c’est la traduction de Mud.
rive à te dégoter une attaché de presse qui elle-même, Roland : Et Pascal est donc le régisseur du studio dans
par ses relations, te fait jouer dans un endroit pareil. lequel on joue.
Loïc (basse) : Elle a fait connaître Triggerfinger, entre
autres. Adam & Joe est votre premier album, un album-concept
Camille : On a cette chance qu’Ophélie ait vraiment comme vous l’évoquiez. L’histoire tourne donc autour
aimé l’idée du concept-album et l’ambiance qui s’en de deux frères, c’est bien ça ?
dégageait. Elle s’est débrouillée pour nous trouver un Roland : C’est ça. C’est une histoire avec beaucoup de
lieu ayant la particularité d’avoir un certain style dans détails qui représente une personnification de l’âme et
lequel les professionnels du milieu artistique pour- de l’esprit. Ca raconte la dualité humaine, le perpétuel
raient nous découvrir. Parce qu’il faut savoir qu’appa- combat entre l’âme et l’esprit d’un corps humain, les
remment, il y a pas mal de salles à Paris où les pros conséquences et la différence entre penser avec l’âme
ne viennent plus, par lassitude du lieu ou le choix des et penser avec l’esprit. Et ce combat épique est repré-
programmations. senté par ces deux frères, Adam & Joe. Ca fait un peu
Antoine (guitariste-claviériste) : On a essayé de gérer tragédie grecque exagérée et l’élément déclencheur de

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INTERVIEW la rixe c’est leur père qui incarne le corps humain. La production, changer son pédale board, tester tout ces
dissociation de l’âme et de l’esprit rend le père fou. sons entre nous, ça nous a pris pas mal de temps aussi.
Camille : En fait, Adam c’est le cadet. Il a cinq ans de Antoine : Un projet tel que celui que nous avons porté,
moins que Joe et le quatrième personnage, qui n’est doit être crédible. Et ça commence par le son.
pas vraiment présent dans l’histoire, c’est la mère qui Roland : A ce sujet, ça me rappelle notre premier concert
est morte en le mettant au monde. Le gros problème au Chesnay, on avait fait zéro répète ensemble, on
c’est que le père et l’aîné eux ont un manque mais pas n’avait aucun son, aucune cohésion. Je suis arrivé
Adam, qui représente l’âme et la pureté, puisqu’il n’a avec une seule pédale et c’était la pédale d’accordeur...
jamais connu sa mère. Son seul problème, c’est d’être (rires).
né en fait. Antoine : On a gardé l’enregistrement de ce live qui
Roland : On a établi des actes dans l’histoire qui repré- comporte cinq chansons d’Adam & Joe, et quand tu
sentent chacun des saisons. On s’est mis en mode réécoutes ça et que tu vois le résultat final, c’est le jour
Vivaldi pour l’occasion. On aime bien partir en caca- et la nuit. Ça donne envie de se taper dessus, on est
huètes... des gamins qui ont mûris.
Roland : Tiens, on l’a jamais dit en interview mais pour
Justement, je suis assez curieux de savoir par quel les geeks musiciens, pour une raison totalement obs-
processus vous êtes arrivé à effectuer une narration cure, on est accordé en Ré, La, Ré#, Sol, La, Ré. Je sais
en musique ? même pas pourquoi, surement pour faire chier.
Roland : Par la manière d’écrire en donnant du sens Loïc : Quand j’ai commencé avec eux, j’ai dû carrément
aux paroles. Ce qui est curieux, c’est que les chansons réapprendre mon manche de basse, déjà que leurs
n’ont pas été écrites dans l’ordre de l’album. Elles sont compositions étaient des labyrinthes du Minotaure de
nées par nécessité d’un détail dans l’histoire. J’ai la merde. J’avais envie de les tuer !
trame générale et j’intègre les morceaux en fonction de
leurs rôles. On ressent dans Adam & Joe pas mal d’influence dont
Camille : On peut dire aussi qu’il y avait beaucoup plus celle de Radiohead, et de Jeff Buckley...
de chansons dans ta tête au début, quelques une ont Roland : Radiohead, je kiffe, mais ce qui est étrange
été écrémées, d’autres se sont greffées soit à leur c’est que pour Jeff Buckley, on me l’a dit bien après.
place, soit qui ont retrouvé leur place comme tu le sou- C’est certain que dans le processus créatif, on essaye
lignais. d’imiter, et c’est de ça que vient une originalité. L’inten-
Roland : Ouais, et c’est marrant parce que les choses ont tion de Why Mud n’est pas de se pomper un artiste,
pour habitude de prendre sens un peu après. Quelque d’autant plus que notre accordage bizarre ne nous per-
chose qui n’avait pas de sens marqué à la base finit par met pas trop de faire des reprises, par exemple. Même
en trouver un qui est complètement logique. Je pense dans le son, je n’ai pas l’impression d’imiter.
à la première chanson que j’ai écrite qui s’appelle «In- Loïc : Non mais inconsciemment, tu mets forcément
side is out», elle est venue se greffer dans le moment tes influences dans ta musique.
clé de l’histoire et quand j’ai réécouté les paroles après Roland : Je n’ai pour habitude de réécouter beaucoup
coup, ça m’a parlé direct. ce qu’on enregistre, mais quand je le fais, je vois autre
Loïc : C’est inconscient des fois, il y a tellement d’auto- chose que des influences. C’est plutôt des images, des
persuasion dans l’histoire au sein du groupe. On a eu souvenirs liés au studio et à l’enregistrement.
des coaches scéniques qui nous ont forcés à lire et à Antoine : C’est après coup qu’on se rend compte que
comprendre l’histoire, de ressentir chaque chanson certaines choses sonnent comme untel ou untel, sur-
sur scène que c’est devenu inconscient, peut-être pas tout quand tu commences à faire écouter aux potes et
dans la composition mais au moins dans le chant. qui te disent : «Là, ça ressemble à du Radiohead !»
Roland : En parlant de pote, ça me rappelle Alexandre
Et combien de temps cela a t-il pris pour mettre en qui un jour me dit après avoir écouté un nouveau mor-
œuvre cet album ? ceau : «Putain, ça sonne tellement Why Mud !» (rires)
Roland : Sans prendre en compte le fait que certaines
chansons ont été faites en Australie, je dirais deux La pochette, c’est un photomontage ou une vraie pho-
ans à partir de la constitution du groupe. Mais au delà to ? Et où a t-elle été prise ?
même de la composition, le dilemme c’était surtout Roland : C’est une vraie photo qui a été prise par un
de se trouver un son, une patte sonore. Donc le côté ami photographe en Écosse. Je l’avais vue sur sa page

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INTERVIEW

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INTERVIEW Facebook, ses couleurs un peu pastel, la maison com- fallait qu’il le soit pour la fameuse release party. On a du
plètement paumée et le paysage m’ont tout de suite avoir une quinzaine d’articles sur les webzines pour le
parlé. moment, on a vendu une centaine de téléchargement.
Loïc : Ce qu’était rigolo c’est que cette photo là, tu nous Antoine : C’est encore trop tôt pour le dire car notre
l’avais montré peut-être 6 mois ou un an avant qu’on communication est désormais gérée par des profes-
réfléchisse à un artwork. On s’est pris la tête, même sionnels. Jusqu’à présent, c’était un peu à l’arrache, on
engueulé pour savoir ce qu’on devait faire pour cette vendait les disques sous le manteau en concert, c’était
pochette. On a essayé de dessiner des trucs, faire ap- du bouche à oreille. Faut rappeler qu’on est pas label-
pel à des gens. Et 3 semaines avant la sortie, Roland a lisé, on est pas distribué, donc pour les retours, on va
ressorti cette photo et on s’est demandé pourquoi on attendre un peu, même si jusqu’à présent c’est pas mal
s’était finalement pris la tête alors que cette solution positif.
était évidente. Le photographe s’appelle Julien Soulier,
et il commence à bien se faire connaître. OK, donc votre intention, c’est de tendre vers la pro-
fessionnalisation ?
Vous passez par pas mal de concours-tremplins dont Roland : Il y a un peu de ça, ouais. On reste des musi-
le Ricard SA Live Music, c’est indispensable selon ciens qui n’ont jamais réellement d’angoisse, on sait ce
vous pour avancer ? qu’on a à faire, que ça plaise ou non. On est forcément
Roland : On a d’ailleurs totalement loosé le Ricard SA touché dans les deux situations. Notre désir, c’est
Live Music. Non, ce n’est absolument pas indispen- d’aller de l’avant. Tu vois, on vient de sortir le disque, et
sable de passer par des tremplins. on est déjà en train de penser au suivant, car plusieurs
Antoine : Ça nous a notamment aidé pour avoir des morceaux sont déjà prêts. Trois ans, c’est long quand
fonds pour mixer l’album. On ne peut pas totalement même.
cracher dessus.
Roland : Moi, ça me rend complètement fou de deman- Mais il faut bien que votre nouvel album vive sur scène
der à mes potes de passer par tout un processus pour quand même !
voter pour nous à un concours. Ca me gonfle totale- Camille : Bien sûr ! On ne demande qu’à se barrer de
ment ce genre de truc. Paris et voyager, aller dans les hôtels et s’enculer, par
Loïc : Tout en sachant qu’à la fin, ce sont des mecs qui la force des choses (rires).
choisissent. On s’était fait niqué avec mon groupe de Roland : On a déjà eu un avant-goût de tournée en par-
l’époque. Non, mais pour le Ricard SA Live Music, t’as tant pour une date à Bordeaux. Repartir à Paris sans
une première sélection où les mecs votent subjective- avoir dormi, on veut carrément revivre ça.
ment. Tu ne sais même pas s’ils écoutent les sons réel- Antoine : Faut se mettre en quête d’un booker, c’est le
lement vu la masse de groupes présents, c’est ridicule. premier objectif.
Je me souviens que Joey Starr disait que pour jouer il
n’a jamais passé de concours et qu’il emmerdait les Roland, est-ce qu’il y a une bonne scène musicale à
groupes qui étaient passés par des concours pour faire Sydney ?
sa première partie. Ca m’a fait tilter parce qu’à l’époque Mais grave ! Curieusement, Sydney même, ce n’est
d’NTM, c’était encore plus chaud de percer. Les trem- pas la joie en terme de concerts, comparé à Paris. Mais
plins et concours, c’est un truc à la mode où t’as l’im- comme il y a beaucoup moins de gens sur une super-
pression que tout le monde se sent obligé de les faire. ficie bien plus grande, tu vois beaucoup plus les musi-
Camille : En fait, les concours existent parce que les ciens qu’à Paris. Il n’y a pas de salles de concerts de
groupes sont noyés dans la masse. Encore aujourd’hui, malade à Sydney, à part l’opéra bien sûr. Là bas, tu as le
on nous parle de faire Fallenfest et Emergenza. Merde, label Modular Records (NDR : Architecture In Helsinki,
j’ai 30 piges, pas 17 ! Wolfmother, The Rapture, Movement) qui est mondia-
Roland : Aucun groupe n’a besoin de ce concours, ça lement connu. Ils ont lancé Tame Impala entre autres.
fait juste de la pub à Ricard et aux labels et partenaires Et ce qui est marrant c’est qu’à Sydney, les gens sont
qui participent à l’événement. beaucoup plus accessibles. Si les gars de Modular Re-
cords étaient à Paris, ils seraient intouchables, inabor-
Quels sont les retours vis à vis de ce premier album ? dables. Je les croisais régulièrement dans le bar où je
Roland : L’album sort le 8 avril officiellement, mais il est bossais, «Ca va Roland ?» et tout, et il y a même un
prêt depuis octobre en physique parce qu’à l’époque il gars de chez eux qui faisait aussi barman dans mon

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bar. A Sydney, il y a vraiment la place pour se dévelop- INTERVIEW
per en tant qu’artiste, même si tu n’es pas encore tota-
lement confiant.
Pour terminer, pour ceux qui aimeraient se procurer
l’album, c’est par où que ça se passe ?
Camille : Je peux donner mon 06 !
Antoine : Déjà, tu viens au concert si t’habites Paris. Et
sinon, directement sur Internet à partir du 8 avril.
Camille : Tu trouveras les contacts sur notre page Fa-
cebook/whymud ou notre site internet whymud.co.
Sinon, pour le streaming, on peut être écouté sur les
plateformes Spotify, Deezer, Bandcamp (Why Mud) et
Soundcloud.
Merci à Ophélie Surelle et Guillaume@studioparadise-
now ainsi qu’aux Why Mud !

Ted
Photos : © D.R.

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LES DISQUES DU MOMENT WHY MUD

Adam & Joe (Autoproduction)

géniteurs dans l’interview qu’ils nous ont donnée dans
ce numéro.

En terme de style, parce qu’il s’agit tout de même de
musique, Why Mud soigne sa copie de manière éton-
nante pour un aussi jeune groupe. Même si Radiohead,
Jeff Buckley, Pink Floyd et bien d’autres laissent une
empreinte importante sur la musique du combo, la réa-
lisation fait preuve d’un professionnalisme certain. Les
arrangements exigeants présents sur l’album donnent
du crédit à ce groupe qui ne se fait pas maître dans l’art
du gros déballage technique, ni d’ailleurs dans l’abon-
dance stérile. Leur pop-rock progressif tout en retenue
sent l’extrême humilité pour servir un travail d’écriture
rigoureux.

Why Mud est une jeune formation résidente dans les Malgré l’addition de 15 titres pouvant paraître une éter-
Hauts-de-Seine comptant dans ses membres Roland nité, si on ne prend pas le temps de forcer l’écoute et
(chant et guitare), Camille (batterie), Antoine (guitare de la placer dans un contexte narratif, Why Mud réussit
et clavier) et Loïc (basse). C’est après un voyage de le tour de force de débuter sa discographie de manière
deux années en Australie, que Roland monte le groupe presque culottée avec un album-concept qui tient la
après avoir imaginé une histoire déclinable en concept- route de bout en bout. On leur souhaite de développer
album. Un gros challenge mais surtout une ambition davantage leur son et leur identité artistique pour s’im-
sans faille pour une formation sans véritable expé- poser sur le long-terme sur la scène rock en France.
rience qui mettra deux ans à travailler et parfaire Adam
& Joe, son premier album de 15 titres. Ted

Cet opus introduisant, on l’espère, la longue aventure
de ce quatuor rock, nous embarque dans une histoire
tragique mêlant deux frères, Adam et Joe, dont l’un
et l’autre représente la personnification de l’âme et
de l’esprit. Des épisodes se suivent (d’où le nombre
important de plages) racontant la dualité humaine, le
combat permanent entre l’âme et l’esprit sur un fond
musical se soumettant aux soubresauts et aux flotte-
ments de la narration. C’est ainsi que des titres comme
«Eager to burn» et «Fugue» évoquent la fuite et l’éva-
sion par leur côté posé et aérien, ou à contrario, que
«The core» ou «Apotheose interlude» représentent la
colère et l’animosité par des guitares grondantes. Voilà
un peu pour le concept, expliqué plus en détail par ses

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CaB Driver Stories LES DISQUES DU MOMENT

Free myself from you (Shot Down / My Home Run Records)

Cab Driver Stories est le nouveau groupe de Sam Guille- Durant les trente-six minutes de ce premier opus, je ne
rand et Sylvain Bombled. Oui, les types de Second Rate, peux m’empêcher de penser au sabordage en plein vol
ce groupe que j’aimerai de tout mon cœur jusqu’à la fin de Second Rate, définitivement parti trop tôt. Et peut
de ma vie. Voilà, c’est dit. Power trio de Besançon avec être que le « reunion show » de mai 2014 a redonné
dans le rôle du quatre cordistes un certain Mike (Shoot des idées aux deux anciens Rate qui ont, depuis 2003,
The Singers), Cab Driver Stories propose via les labels exploré d’autres routes musicales (horror rock, surf,
Shot Down et My Home Run Records pour la version CD noise...). Ce retour aux premières amours du rock alter-
et Some Produkt pour la version LP Free myself from natif démontre que les gaziers ont toujours (mais qui
you, son premier album enregistré l’été dernier au Cube en doutait ?) ce sens inouï de la composition quasi
Studio. Et qu’est-ce que j’en pense ? Du bien pardi ! parfaite. Les brûlots s’enchaînent sans répit (le mélan-
colique et magnifique mid tempo « Three truths in a
Dès l’entame de ce disque avec le titre éponyme, mes story », l’énergique « Everyone watches everyone »,
poils s’hérissent et mon front commence à perler. En le Back Zombien « Greed », l’ultra mélodique « Finally
moins de trente secondes, je suis déjà tombé amou- abducted ». Le groupe rend le plus bel hommage pos-
reux du groupe ! Démarrer un disque par un tube qui sible à ses aînés comme Jawbreaker ou Texas Is A
trotte dans la tête dès la première écoute, c’est définiti- Reason (mais pas que) tout en développant sa propre
vement du grand Art. Le délire est aussi simple qu’effi- identité. Incontestablement, ce groupe a une âme. La
cace : une plongée sans retenue dans les années 90, production gorgée de guitares inspirées et le joli travail
des références assumées à la musique alternative, des voix (et notamment des chœurs) servent de fort
une déclaration d’amour sonore à la power indie pop belle manière un disque compact (sans mauvais jeu de
US, avec son lot de morceaux puissants et sa pano- mots), sans fioriture et sans remplissage inutile, mais
plie de mélodies. Pour « Free myself from you », tous avec classe et détermination. Avec ce premier album,
ces éléments sont réunis, avec en superbonus la voix Cab Driver Stories va à l’essentiel sans se prendre le
écorchée et inimitable de Sylvain. La magie opère. Et le chou, sans surenchère aucune et surtout sans autre
cocktail est explosif. prétention que de crier son amour au rock qui nous a
fait vibrer il y a vingt piges. Chapeau.

Gui de Champi

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LES DISQUES DU MOMENT LODY KONG

Dreams and visions (Mascot records)

«Burné» et «ultra saturé», voilà ce que j’ai écrit sur enregistrée à la cave avec les moyens du bord, pour ce
la liste des «cds reçus» à côté de Lody Kong avec la Dreams and visions, c’est la volonté des musiciens qui
précision «à chroniquer». C’était avant même de com- se sont amusés à peaufiner ces sonorités et à jouer sur
prendre que c’était un des projets de Zyon Cavalera l’intensité des distorsions (et des larsens qui occupent
autant fils de Max que neveu d’Igor... Il fonde ce groupe des mesures entières) pour faire ressortir les instrus
en 2011 avec son frère Igor Jr, ils ont alors 18 ans et sur certains passages et donner davantage de reliefs à
17 ans et viennent de saborder Mold Breaker. Avec des des compositions qui ne manquent pourtant pas d’ac-
potes de Phoenix, ils montent Lody Kong et, n’ayant croche. Du côté du style, ça pioche du côté où ça bas-
peur de rien, acceptent d’embarquer sur le «Maximum tonne, entre punk pour certaines structures («Chillin’,
Cavalera Tour» en 2012 où l’on retrouve le groupe de killin’», «The dangerous quest»), grunge nirvanesque
papa (Soulfly) et celui du demi-frère (Incite), l’occasion (pour «Some pulp» et son parcours de mec bourré)
pour Zyon de démontrer son talent de batteur pour et métal pour l’ensemble («Rumsfield», «Smashed
devenir celui de Soulfly. Un premier EP, No rules sort en and blasted»). Vu le pedigree des loustics, on ne peut
février 2013 mais comme Soulfly bossait sur Savages, s’empêcher de faire quelques corrélations (mais pas
le projet a été mis entre parenthèses. Au printemps si nombreuses) avec la grande époque de Sepultura
2016, le premier album Dreams and visions déboule (Arise / Chaos A.D. où on peut d’ailleurs entendre les
dans les bacs, il est produit par John Gray (au hasard battements du coeur de Zyon).
producteur de Soulfly et Cavalera Conspiracy) et porte
la patte de la famille avec un artwork presque dégueu- Lody Kong n’aurait pu être qu’un des groupes des «fils
lasse. de» mais les gamins (ok, ils ont la vingtaine mais çà
reste des gamins, non ?) ont décidé de faire autre
chose, de jouer sur un registre peu emprunté, de sortir
des sentiers battus, de soigner leur son, leur identité et
de tout nous balancer à la tronche. Alors peut-être que
dans la composition, on tourne un peu en rond avec les
mêmes bons plans qui ont tendance à revenir et qu’on
peut reprocher un chant qui ne varie que très peu, se
contentant de très bien faire ce qu’il sait faire mais au
final, je donne du crédit à ce Dreams and visions sur-
prenant et qui surpasse l’éventuelle attente de savoir
ce que ça pouvait donner.

Oli

«Presque dégueulasse», c’est ainsi ce qu’on pourrait
penser du son de l’opus tant il est saturé mais ici, c’est
plutôt un compliment car si pendant longtemps, un
son aussi gras et cradingue était synonyme de démo

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LES DISQUES DU MOMENT The And

The and (Autoproduction)

En parallèle de Cannibales et Vahinés, G.W. Sok (ex-The notamment officié dans le groupe De Kift. Gardées
Ex) et Nicolas Lafourest, respectivement chanteur et dans leur langue originelle, les paroles sont dures pour
guitariste, ont formé The And. L’année dernière, le duo notre oreille latine plus habituée à des prononciations
a sorti un single puis un album au mois d’octobre. Plus chantantes. De la guitare sort une mélodie métallique,
posé que le Songs for a free body des Cannibales et cyclique et inattendue qui aurait pu être empruntée à
Vahinés, ces deux productions s’en approchent par un Sonic Youth. The And fait ensuite une pause dans les
son similaire et un engagement poétique aussi saisis- reprises et autres interprétations. Nous voilà parti pour
sant. deux titres composés par ce duo de rock expérimen-
tal. «Writer’s blog» grandit les espaces. G.W. Sok est
Composé de six titres, l’album éponyme commence sur à deux doigts de parler complètement son texte sans
une reprise de «Rock n’roll suicide» qui clôturait en 72 pour autant relâcher son envoûtement. Les notes de
The rise and fall of Ziggy Stardust and the spiders from guitare sont si espacées que le calme s’impose de lui-
Mars de David Bowie. Ramené à la surface quelques même. L’ambiance posée se poursuit sur «Around the
mois avant la mort de son auteur, elle est interprétée corner». Cela dit, la mélodie est nettement plus rapide
dans un univers qui ressemble à celui de Lou Reed : et se montre très riche en variations. Pour faire tomber
calme et troublant. Comme pour nous ancrer dans la le rideau sur cette opus, The And aborde avec gravité
musique avant-gardiste des années soixante-dix, The la célèbre «Master of war» de Bob Dylan sur des sono-
And s’attaque ensuite à un «Love lies» du Captain Bee- rités plus dissonantes qu’à sa conception. Une petite
fheart. La guitare tourne ses riffs hypnotiques tandis rallonge ne serait pas de refus...
G.W. Sok fait planer ses mots. L’instant d’après, on
peut palper l’urgence pour le chanteur de clamer son Tiens justement, j’ai gardé le single «Straw» / «Town
poème. Nicolas Lafourest quant à lui, fini de faire trem- of stone» sous le coude. «Straw» est également un
bler la terre en se plongeant dans un rock plus noisy. texte de Jan Arends mais cette fois-ci les paroles sont
L’exploration continue par la mise en musique du texte en anglais. Le guitariste parachute tour à tour des in-
«Stroo» de l’écrivain Néerlandais Jan Arends ayant terruptions et des grincements dans la mélodie. Par
décalage, la diction de G.W. Sok n’en prend que plus de
volume, plus de place. Entièrement de leur composi-
tion, «Town of stone» fait du bien par ce fait. Le titre
montre ce que The And sait faire de mieux : invoquer la
poésie dans une atmosphère hallucinante.

Julien

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SCARLEAN LES DISQUES DU MOMENT

Ghost (Autoproduction)

des mesures très marquées, le côté net et sec étant
contrebalancé par quelques riffs orientalisant. Les
guitares aiguisées de «Need no refrain» allume la réfé-
rence Tool dans mon cerveau de fan mais, si ce n’est
par quelques rythmiques ou quelques passages de
gratte, on en restera là pour la référence aux groupes
de MJK (ajoutons A Perfect Circle dans le lot) étant
donné que la voix étant assez éloignée de la sienne. S’il
fallait rapprocher Scarlean d’un autre combo, ce serait
plutôt Evenline, avec un goût plus marqué pour l’élec-
tronique (de petites décorations samplées passent
par les oreilles de temps à autres).

Entre la formation du groupe (en juillet 2012) et son pre- Les compositions de Ghost sont assez équilibrées,
mier album (en janvier 2016), il se sera écoulé un peu entre titres tranquilles («Between the line», «Life-
moins de 4 ans. Il faut préciser que certains membres time») et belliqueux («Get away from me», «Try
de Scarlean ont déjà un peu d’expérience, ayant connu like everyone tries»), avec bien entendu ceux qui ne
d’autres groupes précédemment (Alexandre au chant savent pas trop de quel côté ils tendent, jouant sur la
et Geoffrey à la guitare jouaient même déjà ensemble). construction classique du refrain qui tranche avec les
Originaires de Valence et Avignon, ils enregistrent et couplets («Miracle lovers»). Mais du début à la fin,
sortent un premier EP éponyme en 2013, s’organisent on reconnaît la touche Scarlean grâce à leur son (très
pour progresser (avec Jay, le bassiste, ils montent un propre) et à leur volonté de proposer un rock/métal
studio), font des concerts, préparent un album dés agréable à écouter sans tomber dans la simplicité. En
2014 mais sa sortie est retardée du fait de change- bonus, le groupe joue la carte acoustique, offrant une
ments de line-up. Après avoir trouvé un nouveau bat- version unplugged, dépouillée (et live) de «Get away
teur (Sylvain) et un deuxième guitariste (Arnaud), ils from me», avec ses percussions chaleureuses pour
délivrent ce premier album très abouti (rien que le digi- principal support, c’est une très belle relecture qui dé-
pak...) intitulé Ghost. montre que le combo ne rechigne pas à la tâche et a foi
en ses compositions. À suivre.

Oli

Après un «Prelude» instrumental, c’est avec «Am I this
one» qu’on découvre la musique de Scarlean (sans du
coup savoir si c’est vraiment eux puisqu’ils se posent
la question) : rythmes saccadés, sonorités métal,
respirations cassantes, chant clair habité qui change
quelque peu de registre pour gagner en harmonie alors
que le son s’adoucit lui aussi quelque peu, le chant
adopte alors ce ton propre au post-grunge (Creed
par exemple) alors que musicalement, on reste sur

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LES DISQUES DU MOMENT YOUNGHUSBAND

Dissolver (ATP Recordings)

de 10 titres dream-pop aux influences psyché-rock
dans les guitares, pour un résultat sans réelle prise
de risques, proposé par le label ATP Recordings (Tall
Firs, The Mars Volta, Fuck Buttons). Car Younghusband
joue à fond la carte de la séduction grâce à des com-
positions mélodiques et entêtantes, sans se soucier
d’avoir une patte artistique qui ferait de lui l’un des fleu-
rons de la psych-pop anglaise. Mais peu importe pour
Euan et sa bande, car la production aux petits oignons
sublime leurs morceaux tantôt énergiques (mais tou-
jours avec une retenue assumée, comme sur «Waverly
street», «Blonde blending» ou «Dissolver»), tantôt
suaves («Broken girls», «Orange flare») voire neuras-
théniques («Heavy expectations», «Only for you»).

L’histoire des anglais de Younghusband donne beau- Dissolver est le genre de bande son à partager avec soi-
coup d’espoir aux jeunes générations de musiciens même, idéale dans de grands moments de solitude,
qui tentent de percer, souvent avec difficulté, la faute lors d’une psychanalyse introspective ou pour lire un
à un carnet d’adresses pas très étoffé. Après plusieurs bouquin. Un peu comme celles d’American Analog Set
années de galère et un premier EP nommé Crystal E.P («Better times» aurait pu être l’un de leurs morceaux),
sorti en 2011 sur le label shoegaze Sonic Cathedral d’Elliott Smith (Écoutez «Orange Flare», c’est dingue)
(Yeti Lane, Lorelle Meets The Obsolete, Odd Nosdam), voire de Troy Von Balthazar (qui cultive l’art de la voca-
Euan Hinshelwood, le frontman de la formation londo- lise fragile et tristoune).
nienne, envoie des démos à Nicolas Vernhes, membre
de Deerhunter et producteur plutôt bien côté (Dirty Ted
Projectors, Animal Collective, Wild Nothing, Daughter).
Comme ça, sans jamais l’avoir rencontré auparavant et
surtout en ayant aucun budget pour arriver à ses fins !
Le tout paye puisque, séduit par leur style, il s’occupe
de la production de leur premier disque Dromes sorti
en 2013. Ce dernier leur vaut d’être décrit comme un
mélange entre The Jesus & Mary Chain, Yo La Tango et
Spacemen 3, entre autres. Rien de moins que ça !

A la fin du mois d’octobre 2015, Dissolver débarque
dans les bacs avec une guest-list pas dégueulasse
dans ses crédits, jugez plutôt : production et mixage
par Geoff Barrow de Portishead et Robert Hampson des
Loop et arrangements des cordes (pour 3 morceaux)
de Warren Ellis et Nick Cave (tout deux dans Nick Cave
And The Bad Seeds). Une équipe dédiée pour un projet

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The Texas Chainsaw Dust Lovers LES DISQUES DU MOMENT

Me and the Devil (Besta Records)

TTCDL c’est un peu comme un pilote qui roule sur le
désert, sensé avancer tout droit mais qui se disperse
dès qu’il voit un lézard dans les steppes : le groupe ne
reste pas en place, quitte à nous péter la nuque dans
des virages méchamment serrés. Tout ça avec une es-
pèce d’enthousiasme juvénile qui suintent tout autant
les hormones adolescentes que l’innocence du gamin
qui veut ressembler au bad guy.

Le chanteur se la joue crooner ou gourou évangéliste
avec des vocalises très graves, les guitares elles s’en-
volent toujours en gardant les pieds sur terre, la section
rythmique enfin semble n’avoir de comptes à rendre à
personne et surf avec aisance sur le sillon bouillant de
ses camarades.

Je m’en voudrais longtemps de les avoir loupés lors Les Parisiens foncent à 200 à l’heure vers la modernité
de leur passage à la machine à vapeur à Nancy, car mais ont gardé un peu de rock à papa dans leur rétro.
The Texas Chainsaw Dust Lovers a de la classe et de C’est une remarque que l’ont fait souvent sur les forma-
l’énergie bien communicative à revendre. Me and the tions stoner, mais là le mélange passe quasi inaperçu.
Devil est déjà le deuxième album pour ces amoureux Ils ont ainsi le talent de raconter de temps à autre des
de la tronçonneuse dont on peine à croire qu’ils sont chevauchées épiques sans pour autant ennuyer la
Parisiens. Leur musique se situe quelque part entre super blonde en mini-short sur la banquette arrière.
Queens Of The Stone Age pour les riffs ensablés et The Parfois ils s’autorisent un petit clin d’oeil au vieux biker
Eighties Matchbox B-Line Disaster pour le coté baston resté à l’arrière ou un signe de main au vieux joueur de
à la queue de billard. Un bon gros Hard Rock moderne et blues qui sèche sous le porche d’une station essence
volubile et méchamment fun. au bord de la route. Les vieux acquiescent et adoubent,
ils savent qu’ils ne pourront plus suivre.

« Vas-y, fiston, fonce ! »

Bref, Me and the Devil c’est la bonne surprise du mois Elie
pour votre cher serviteur qui même s’il avait été plutôt
accroché par le patronyme et l’artwork malicieux n’en
demandait pas tant. TTCDL joue, le sourire en coin, avec
vos pulsions de bordel tout en vous prenant régulière-
ment à contre-pied histoire que vous ne vous sentiez
pas non plus trop à l’aise dans votre veste en cuir.
C’est ainsi que des brûlots incandescents déboulent
au détour d’un break sur un hommage appuyé à Ennio
Morricone ou sur une jam mexicaine sur laquelle Vince
Gilligan n’aurait pas craché.

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INTERVIEW

THE OCEAN

T he O cean , collectif europ é en qui tourne avec les J aponais de
M ono et en profite pour sortir un split remarquable , c ’ est le style
d ’ aventure qu ’ internet a rendu possible . R etour avec les E urop é ens
sur cette exp é rience particuli è re ...

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