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SUPPLÉMENT DU PARISIEN CODE ÉTUDE ACPM Reportage Avec les sauveteurs de baleines en Méditerranée Entretien Jean-Michel Aulas dévoile les ambitions des Bleues pour le Mondial de foot Cahier spécial été Projets, secrets, clashs… La famille, que d’histoires !  La Fr ance à l  ’épreuve de la sécheresse  CETTE ANNÉE-LÀ oldkeypdf


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4. Édito 6. En bref 8. L’image de la semaine 10. Livres Stéphanie des Horts LE GUIDE ESTIVAL 12 PHOTO COLORISÉE © LAURENT MAOUS/GAMMA-RAPHO - PHOTOS © GUILLAUME RUOPPOLO/WALLIS.FR, GILLES COULON – COUVERTURE COLORISÉE © AFP – 566 RÉCIT ENTRETIEN REPORTAGE Sommaire VENDREDI 21 JUILLET 2023 Sorties, balades, food... Nos bons plans pour les vacances partout en France. Forme C’est l’heure de l’aquagym! Tourisme En voyage comme à l’écran... Sur les traces de votre série ou film fétiches. Bande dessinée Simenon, l’Ostrogoth, de J. deLoustal, J.-L. Bocquet et J.-L. Fromental. Jeux La chronique culturelle de Claire Chazal. 41 46 47 50 54 58 Ensemble, c’est mieux Un bus fait maison. Clash chez les people Christopher, frère ennemi de Madonna. La nouvelle de l’été, signée Mélissa Da Costa. Clans en séries Drôle de smala pour Éric Judor dans Week-end Family. Un si lourd secret La « faute » de l’abbé Delarue Prise de bec Quand la politique s’invite en vacances... LA FAMILLE DANS TOUS SES ÉTATS 28 32 34 35 36 40 Quand les canicules étaient rares… Tout l’été, nous revenons sur des événements qui ont marqué les esprits. Cette semaine, la grande sécheresse de 1976. «Notrefootféminin rivaliseraavec celui desmeilleuresnations» Les projets de Jean-Michel Aulas pour les Bleues. Leurmission,sauver lesgéantsdesmers Nous avons suivi l’ONG WWF en Méditerranée, où elle protège les cétacés. 12 18 22 22 28 oldkeypdf


PHOTO © PHILIPPE LAVIEILLE/LP LA RÉDACTION Directrice de la rédaction Rédactrices en chef Chefs de service Grand reporter Reporters Rédactrice Cheffe d’édition Premiers SR Secrétaires de rédaction Directrice artistique DA adjoints Maquettiste Directeur photo Rédacteurs photo Assistante administrative Assistante de la rédaction E Elle restera notre Anglaise préférée. À elle seule, elle occultait mille ans de rivalités exacerbées : oubliés, la guerre de Cent Ans, les raclées au rugby et les conflits autour des zones de pêche… Dans sa bouche, « Rosbifs » et « Froggies » sonnaient comme deux bonbons acidulés. Depuis cinquante ans, la délicieuse Jane B. nous accompagne, et les images d’elle se superposent dans notre mémoire collective. Jane des années 1970, ses longs cheveux, sa robe en crochet et son panier, irrésistible baby doll dont le charme s’exerçait sur les hommes comme sur les femmes, toute jalousie annihilée par sa candeur, son naturel et ce franglais dont elle a fait une langue si personnelle. Jane des années 1980,tee-shirt blanc, veste d’homme et jean, pionnière d’un style androgyne qui deviendra son uniforme,tellement copié depuis. Jane chantant les textes ciselés de Gainsbourg, faisant vivre ses chansons depuis sa mort, il yatrente-deux ans, les réinventant avec de nouvelles orchestrations. Jane à jamais associée à ce compagnon qui l’a façonnée, autant qu’elle l’a façonné, lui. Jane traversant les décennies, chanteuse, actrice, réalisatrice, citoyenne engagée, jeune femme, mère, grand-mère acceptant ses rides et ses cheveux grisonnants, n’occultant ni les douleurs de ses séparations, ni la maladie, ni le drame de la perte de sa fille aînée, réussissant ce tour de force de devenir une icône en restant accessible et proche de nous. Nous avons été nombreux, ce dimanche de juillet, à laisser échapper un « oh, non… » en apprenant sa mort, et à se repasser une de ses chansons pour « se dire qu’il y a over the rainbow, toujours plus haut le soleil above, radieux ».n Christine Monin Bénédicte Alaniou (news) Yolaine de Chanaud (magazine) Airy Aubry (art de vivre) Gwénaëlle Loaëc (culture) Gaëtane Morin (sport, politique) Julien Solonel (société, éco) Benjamin Jérôme Chloé Belleret Aurélie Sipos Marine Brugeron Julie Dufour Philippe Cotten Sébastien Ruszniewski Geoffroy Buisson Caroline Fleur Anne-Claire Gras Valérie Bier-Eudier Mathieu Gelézeau Déborah Rousseaux Maud Taylor Xavier Lucas Marie-Anne Méhay Francis Rieth avec Anne Doublet Valérie Costesêque Lucie Gouze LE PARISIEN LIBÉRÉ Président et directeur de la publication Principal associé Directrice générale déléguée Directeur des rédactions Éditrice Éditrice adjointe Délégué à la protection des données personnelles PUBLICITÉ Présidente Directeur général Directrice du pôle culture loisirs ABONNEMENT Le Parisien Week-End FABRICATION Directrice de production Responsable de fabrication Photogravure Impression 10, bd de Grenelle, 75738 Paris cedex 15. Tél. : 01 87 39 71 00. Pierre Louette Ufipar (LVMH) Sophie Gourmelen Nicolas Charbonneau Mélanie Monsaingeon Hélène Sellier Xavier Genovesi Les Échos Le Parisien Médias Corinne Mrejen Philippe Pignol Emmanuelle Astruc [email protected] 01 76 49 11 11 (coût d’un appel local) Catherine Massabuau Amandine Charbonnel avec Eva Lesage Keygraphic Maury, Malesherbes. Newsprint, Lieusaint Supplément au « Parisien » n° 24540 et à«Aujourd’hui en France » n° 7911 du 21 juillet 2023. Ne peut être vendu séparément. Disponible en France métropolitaine. Commission paritaire LPWE n° 2001 C 85979. Commission paritaire AEFWE n° 2001 C 8033. Origine du papier principal : Allemagne. Taux de fibres recyclées : 33 %. Le papier de ce magazine est issu de forêts gérées durablement et porteur de l’Écolabel européen sous le numéro FI/011/007. Eutrophisation : Ptot 0,008 kg/tonne de papier. Ce magazine est conçu et réalisé par la société L.P.M. pour le compte de l’éditeur Le Parisien Libéré, RCS 332 890 359. Société par actions simplifiées. N° ISSN Aujourd’hui en France Week-End 2558-2135. N° ISSN Le Parisien Magazine 2263-2506. Mail : initiale du prénom puis [email protected] Suivez-nous sur @LeParisienWE Par Bénédicte Alaniou Rédactrice en chef 4 ÉDITO oldkeypdf


Cinéma en plein air, ateliers, contes, animations… www.quaibranly.fr Le jardin du musée conçu par le paysagiste Gilles Clément a été réalisé grâce au mécénat de la Fondation d’entreprise ENGIE. © musée du quai Branly–Jacques Chirac, photo Eric Sander. DA: g6 design. SPÉCIAL JAPON Tous les jours du 8 juillet au 27 août 2023 oldkeypdf


PHOTOS © PA IMAGES/ICON SPORT, PHILIPPE DE POULPIQUET/LP, TOOLATE STREET ARTIST, LUIS VILLALOBOS/EFE/MAXPPP Sur les réseaux Des tapettes géantes attrape-touristes Pour sensibiliser le public au tourisme de masse, le street-artiste niçois TooLate a élaboré des pièges à souris XXL, déposés dans divers endroits de la cité azuréenne. Ces tapettes géantes, garnies d’un cornet de glace pour « attirer » les vacanciers, sont vite devenues virales sur les réseaux sociaux. Du paracétamol bien de chez nous À partir de 2026, 3 000 tonnes de cet antalgique bien connu sortiront chaque année de la nouvelle usine de la société Ipsophene. Située dans l’agglomération toulousaine, cette unité de production 100 % française – une première – fabriquera de quoi répondre au tiers de la demande de paracétamol dans l’Hexagone. Début des travaux prévu pour 2024. À retenir ENVIRONNEMENT CULTURE SPORT SOCIÉTÉ La personnalité Carlos Alcaraz, nouveau boss du tennis À tout juste 20 ans, l’Espagnol vient de réaliser un exploit: celui de détrôner, à Wimbledon, le septuple vainqueur serbe, Novak Djokovic. Le 16 juillet, à l’issue d’un combat de près de cinq heures, le plus jeune numéro 1 mondial du tennis a décroché son deuxième titre du Grand Chelem. Des méduses tous les ans ? Depuis juin, les pêcheurs ont observé la prolifération de ces espèces gélatineuses, notamment dans le golfe de Gascogne, favorisée parla température de l’eau, plus élevée que la normale. Les méduses envahissement la France désormais chaque année, au lieu d’une fois tous les quatre ans, constatent les scientifiques de l’Ifremer. Gros succès pour la plateforme anti-arnaques Lancée il yapeu, l’appli SignalConso permet de déclarer des anomalies ou des arnaques à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qu’il s’agisse d’un achat en magasin ou en ligne. En quelques semaines à peine, ce service du gouvernement, qui débouche sur des enquêtes quand de graves escroqueries sont constatées, a déjà été téléchargé plus de 100 000 fois. L ui s’appelle Victor Hugo Sosa. Elle se prénomme Alicia Adriana. Le 30 juin dernier, le maire de San Pedro Huamelula, une petite ville du sud du Mexique, a dit « oui »àune épouse pas comme les autres puisqu’il s’agit d’une… femelle caïman. Et pourtant, ce rite destiné à demander prospérité et abondance pour les habitants est vieux de près de deux cent trente ans. Selon la tradition, cette célébrationcommémorelejour où deux ethnies de la région, les Huaves et les Chontales, se sont unies grâceàun mariage, mettantfin aux différends qui les opposaient. Depuis, la coutume est rigoureusement perpétuée. Avant la noce, Alicia a été affublée d’une jupe verte, d’une chasuble noire et d’une coiffe. La femelle caïman a alors été emmenée de maison en maison, afin que les habitants dansent avec elle, la gueule de l’animal bien attachée pour éviter tout incident! La « petite princesse », comme on la surnomme, a ensuite été habillée d’une robe de mariée blanche, puis conduite à la mairie. Après la cérémonie, l’édile a dansé avec son épouse au rythme de la musique traditionnelle de la ville. Les noces se sont terminées par un baiser, qui a scellé l’union entre le roi et la princesse aux écailles. n Emma Calvet Le mariage du maire et de la princesse caïman L’HISTOIRE DE LA SEMAINE 6 EN BREF oldkeypdf


PHOTOS © GUILLAUME BARDET, PAKIN SONGMOR/ISTOCK/GETTY Notre-Dame de Paris dans ses meubles Monseigneur Ulrich, archevêque de Paris, a confié la réalisation du futur mobilier liturgique de la cathédrale Notre-Dame de Paris au designeur Guillaume Bardet. Bronze brun foncé et chaises en chêne massif viendront orner le monument pour sa réouverture, prévue le 8 décembre 2024. Connu pour son style épuré, l’artiste a notamment travaillé sur un ensemble de bronzes pour le couvent Sainte-Marie de LaTourette, à Éveux (Rhône). Les 12-18 ans auront un JT rien que pour eux C’est le nouveau projet de France Télévisions. Dès la rentrée, le groupe va lancer sur les réseaux sociaux un journal télévisé spécialement destiné aux 12-18 ans. YouTube et Snapchat sont les principales plateformes concernées pour le moment. Objectif ? Ne « pas abandonner » les jeunes générations « au simplisme, à l’absence de nuances » et à « la désinformation », explique le directeur de l’information du groupe, Alexandre Kara. Outre le JT, France Télévisions va également proposer un « nouveau magazine sur Franceinfo », en partenariat avec Brut, ce média 100 % vidéo et essentiellement diffusé sur les réseaux sociaux, très prisé par les jeunes. L’autoroute va prendre en charge les véhicules électriques Assiste-t-on à une révolution dans l’industrie automobile ? Le réseau Vinci – spécialisé notamment dans la concession d’infrastructures autoroutières – va tester, sur des poids lourds, la recharge électrique en roulant. Deux tronçons de 2 kilomètres chacun, sur l’autoroute A10 – non loin du péage de SaintArnoult, en région parisienne –, permettront d’essayer deux solutions de recharge dynamique pour les camions. L’une repose sur la technologie par induction, c’est-à-dire sans contact, l’autre sur la technologie par rail conducteur. Les chargeurs ne s’activeront qu’avec les véhicules compatibles. L’expérience s’étalera sur trois ans, pour un budget de 26 millions d’euros. Un nouveau look pour les euros Vous préférez les oiseaux ou les fleuves ? Les habitants de la zone euro sont invités à choisir le thème graphique de leurs prochains billets. La BCE (Banque centrale européenne) a lancé, lundi 10 juillet, une consultation citoyenne qui se terminera fin août. Sept thèmes variés – oiseaux, futur, rivières, culture… – ont été sélectionnés, avec l’objectif d’« humaniser » davantage les futurs billets, selon Christine Lagarde, la présidente de la BCE. La nouvelle monnaie verra le jour en 2029 ou en 2030. PAR LA RÉDACTION. TÉLÉCHARGEZ L’APPLI oldkeypdf


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Jane Birkin, inoubliable « baby doll » La petite Anglaise préférée des Français nous a quittés à l’âge de 76 ans, le 16 juillet dernier. Apprenant son décès, les fans de l’actrice et chanteuse ont été nombreux à se rendre devant l’hôtel particulier qu’elle a occupé rue de Verneuil, à Paris (7 e ), avec Serge Gainsbourg, son pygmalion de dix-huit ans son aîné. Ils auront une fille, Charlotte, en 1971. On voit ici le couple, en 1969, sur le plateau de l’émission « Tous en scène », interprétant le sulfureux 69, année érotique , qui deviendra un tube. Les obsèques de Jane Birkin se tiendront lundi 24 juillet à l’église Saint-Roch, à Paris (1er). JEAN-PIERRE LELOIR/ GAMMA-RAPHO 9 oldkeypdf


Écrits sur le sable Essai. Certains romanciers n’écrivent que chez eux. D’autres uniquement dans les cafés. Grégory Le Floch, lui, n’écrit qu’à la plage. Au fil de ses voyages le long des rivages, son amour est animal. « On peut la voir dormir, bouger, arrondir le dos, s’effrayer. » Des « plages noires » d’Islande à celles d’Elbe ou de Groix, l’auteur s’allonge sur le ventre pour sentir « leur migration, millimètre après millimètre ». Dans ce panoramique éloge, il est question d’Histoire, de peinture, de littérature, de société, de cinéma… Et, malheureusement, d’ici à 2100, en France, d’un inexorable rétrécissement. En attendant que le sablier fasse son œuvre, cet absolu plaisir de lecture nous ouvre tant d’horizons. Pierre Vavasseur « Éloge de la plage », de Grégory Le Floch, Rivages, 240 p., 19 €. Stéphanie des Horts et l’espionne de guerre La romancière française nous embarque avec elle dans l’entre-deux-guerres, au cœur d’un récit insolite, guidé par une femme au charme implacable. PAR LÉONARD DESBRIÈRES. Les tisseuses de liberté Roman. Qui se souvient d’elles ? Toia, la Piémontaise, Rosalie Plantavin, la Drômoise, Marie Maurier, la Haut-Savoyarde, et Clémence Blanc, la Lyonnaise. Quatre jeunes filles arrachéesàleur famille pour devenir ouvrières ovalistes, en 1868, dans un atelier de soierie lyonnaise. Quatre travailleuses sous-payées, qui participeront à la première grève de femmes connue, en 1869. Les grévistes demandent que la durée des journées de travail soit de dix heures ; que les femmes soient payées 2 francs et les hommes, 3. Cette requête sera jugée exagérée pour elles, pas pour eux. De son écriture haletante, Maryline Desbiolles rend justice à ces insoumises oubliées de l’Histoire. Yolaine de Chanaud « Il n’y aura pas de sang versé », de Maryline Desbiolles, Sabine Wespieser Éditeur, 152 p., 18 €. PHOTOS © ASTRID DI CROLLALANZA, SP L es héroïnes sulfureuses, scandaleuses, les intrigantes, les femmes puissantes qui, en refusant de se plier aux lois du monde des hommes, ont marqué l’Histoire, voilà la matière ébouriffante de l’œuvreàpart de Stéphanie des Horts. Biographies libres et romancées, romans vrais des existences brisées, fresques historiques et artistiques d’une époque tragique, chahutée... Sa littérature féminine et féministe nous emmène depuis des années sur les traces de certaines icônes du XXe siècle. Après l’actrice Rita Hayworth, incarnation du glamour hollywoodien dans les années 1940, après Jackie et Lee Bouvier, deux sœurs envoûtantes, dont une aînée faite pour briller, après Sara Murphy, la séductrice qui inspira à Francis Scott Fitzgerald son roman Tendre est la nuit, après Doris Delevingne, la reine des Années folles anglaises qui, depuis son lit, gouvernait le Royaume-Uni, la romancière ajoute une pièce à sa collection. La version féminine de 007 Derrière le pseudonyme Cynthia, qui prête son nom au titre de ce roman fascinant, se cache une femme aux innombrables identités, une redoutable espionne américaine travaillant pour les Alliés, qui a fait basculer la seconde guerre mondiale de notre côté. Amy Elizabeth Thorpe, Betty Thorpe, Betty Pack – appelez-la comme vous voulez –, Stéphanie des Horts s’applique méticuleusement à la démasquer. Elle retrace la folle ascension de cette fille d’officier qui, remarquée lors de la guerre d’Espagne, fait alors ses premières armes. L’autrice raconte sa rencontre avec celui qui deviendra son mentor, la légende de l’espionnage britannique, William Stephenson, alias L’Intrépide. Elle s’amuse de sa capacité à séduire les diplomates étrangers pour obtenir des informations clés sur la machine Enigma, ou sur les forces de l’Axe en Méditerranée. D’une plume enflammée, où les fantasmes de la romancière viennent se mêler aux vérités de l’historienne contrariée, Stéphanie des Horts dessine l’envoûtant portrait d’une femme prête à tout pour voir son pays triompher. James Bond peut aller se rhabiller. n «Cynthia », de Stéphanie des Horts, Albin Michel, 320p.,20,90€. 10 LIVRES oldkeypdf


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Quand les canicules étaient rares… Tout l’été, nous revenons sur des événements culturels, sportifs, politiques ou sociétaux qui ont fait couler beaucoup d’encre, et marqué durablement les esprits. En 1976, dès juin, après des mois sans précipitations, une sécheresse historique s’abat sur toute la France. La terre craquelle, les forêts brûlent, les travailleurs sont en surchauffe et le gouvernement sonne la mobilisation générale. PAR AURÉLIE SIPOS. PHOTO COLORISÉE © JEAN-PIERRE TARTRAT/GAMMA-RAPHO 12 EN COUVERTURE oldkeypdf


EnNormandie et ailleurs, moins de 10 % des pluies habituellement mesurées tombent entre avril et juillet 1976.   13 oldkeypdf


L es pieds dans les herbes roussies, une vingtaine de fidèles affrontent les rayons mordants du soleil de ce 28 juin 1976. Le mercure affiche 35 °C, les hommes étouffent sous leur chemise blanche, comme les femmes sous leur coquette robe, sortis à l’occasion de cette messe singulière en bord de chemin. À Lesparre-Médoc (Gironde), l’instant est solennel. Tous s’en remettent au crucifix qui les surplombe, et au prêtre qui agite son goupillon, Bible ouverte en main, face au Christ planté en plein cagnard. « Dieu, à qui nous devons de naître, nous dépendons de toi en toute chose, accorde-nous les pluies dont nous avons besoin, afin qu’étant rassurés pour les fruits de la terre, nous puissions mieux rechercher les biens d’éternité », déclame l’aumônier. En chœur, l’assemblée fait monter la supplique vers le ciel. C’est de là que viennent tous les maux du pays. Depuis des semaines, il refuse de faire pleuvoir sur la France quelques gouttes d’eau, et de mettre fin aux ravages de la sécheresse. Ce jour-là encore, les cieux resteront sourds à cette nouvelle prière. À des centaines de kilomètres de là, un agriculteur du Pas-de-Calais se tire une balle dans la tête de désespoir. Arrivé au bout de ses ressources, dans l’incapacité de nourrir ses quatorze vaches et porcs, Léon Lemaire, 49 ans, installé sur la commune de Cuinchy, ne supporte pasl’idéedelesenvoyer àlamort.Lesabattoirstournentà plein dans le pays, alimentés par des bêtes faméliques. Partout, des bétaillères surchargées arpentent les routes au son des beuglements désespérés et patientent, en longues files, devant les établissements. Les champs ne produisent plus de quoi remplir les auges des troupeaux. Certains fermiers arrachent les branches des arbres pour faire manger les feuilles aux vaches, parcourent des centaines de kilomètres pour trouver quelques grains de maïs, ou tentent de donner des bananes aux bovins. Depuis le mois de décembre précédent, la sécheresse creuse son sillon. L’hiver est passé sans précipitations, et le printemps l’a imité. Selon les météorologistes, il a été le plus sec depuis au moins cent ans sur une grande moitié nord du pays. En mai, un anticyclone a achevé de faire suffoquer la France, et accentué encore le phénomène. Les 7 et 8 mai, il a fait plus de 30 °C en Normandie, Picardie, région parisienne, Champagne et Lorraine. Les cultivateurs marchent sur des terres toujours plus dures. L’inquiétude grandit. De septembre 1975 à mi-mai 1976, au nord de la Loire, les pluies nourricières pour les sols on baissé de 25 %. Les régions méditerranéennes, elles, ont le droit à un temps plus humide que la moyenne. La France a la tête à l’envers. Les orages font l’effet d’étincelles Les producteurs de blé sonnent l’alerte. Ils préviennent que « la récolte sera inférieure de 2 millions de tonnes aux prévisions les plus optimistes ». Les prix des fruits et des légumes s’envolent.D’une semaine à l’autre, le kilo de tomates passe de 4,30 francs à 7,20 francs, soit près de 70 % d’augmentation. Les mares, les cours d’eau et les puits se vident, les poissons morts flottent à la surface de ce qu’il reste des rivières. Dans certains villages, l’eau ne coule plus du robinet. « La Franceasoif », écritLe Figaro en une. Le 16 juin, les habitants de Saint-Mard, en Seineet-Marne, occupent la mairie pour réclamer de quoi boire. Le gouvernement décide de taxer l’exportation de paille et de fourrage, et accorde une aide de 146 millions de francs (l’équivalent de 110 millions d’euros d’aujourd’hui) aux éleveurs, et de 50 millions de francs (environ 38 millions d’euros) aux départements qui LES ABATTOIRS TOURNENT À PLEIN DANS LE PAYS, ALIMENTÉS PAR DES BÊTES FAMÉLIQUES Le 25 juin 1976, en plein cagnard, un thermomètre affiche 39 °C à Paris, lors d’un épisode caniculaire exceptionnel qui semble voué à ne jamais s’arrêter. 14 EN COUVERTURE oldkeypdf


manquent d’eau. Cette dernière devient une ressource précieuse et le Premier ministre, Jacques Chirac, appelle les Français à la « modération des consommations individuelles et à la suppression du gaspillage ». En ville, la chaleur attire les badauds aux terrasses des cafés. Au « hit-parade des remèdes contre la soif, le demi pression»remporte la mise, s’enthousiasment les bistrotiers. Elle réjouit aussi les Parisiens, venus bronzer sur les bords de Seine en petite tenue. Avant de devenir insoutenable. Car la canicule s’installe dans la durée, du 23 juin au 7 juillet. Derrière leur volant, les chauffeurs d’autobus cuisent. « On est presque assis sur le moteur et on se retrouve, dans le milieu de l’après-midi (...), avec des 55 °C, voire 60 °C à conduire notre bus », raconte un conducteur, début juillet. « Mon service commence à 5 h10, finit à 9h 42, je remets ça à 15 heures pour aller jusqu’à 18h 40, sans compter le retard que nous prenons aux heures de pointe le matin et le soir. Ma semaine va avoisiner les cinquante-six heures de travail », déplore un autre. Pour protester contre ces conditions extrêmes, les salariés de la RATP se mettent en grève. La ligne 65 pour la gare d’Austerlitz est en partie paralysée. Des dépôts tournent au ralenti. Le mouvement gagne d’autres secteurs de l’économie. Les salariés de la Samaritaine débrayent à leur tour. Face à la grogne, certaines entreprises adaptent leurs horaires. Ainsi,àl’usine Noël de Vitré (Ille-et-Vilaine), les ouvriers embauchent exceptionnellement à5heures, pour terminer à 13h30. En déplacement à Angers (Maine-et-Loire), le 30 juin, le président Valéry Giscard d’Estaing suffoque lui aussi. Le thermomètre passe, ce jour-là, la barre des 36 °C dans les Pays de la Loire. Venu parler du développement économique du pays, il ne peut éviter le sujet du moment. Il évoque avec gravité la « calamité nationale » qui frappe la France, à laquelle doit répondre la « solidarité nationale ». Il réquisitionne l’armée pour récolter et transporter le fourrage vers les régions qui en réclament. Dès le lendemain, des uniformes s’activent pour charger des remorques. Les soldats de l’École de l’aviation légère de l’armée de terre (Esalat) de Dax, dans les Landes, font partir quotidiennement vers la Bretagne un train d’une dizaine de wagons remplis de 4à8tonnes de paille. La mobilisation donne un peu de souffle aux agriculteurs. Mais les prévisions, elles, ne bougent pas d’un degré Celsius. « Du côté du ciel, pas de changement. Cet aprèsmidi, de la Normandie à l’Alsace, le temps sera ensoleillé et chaud. Il fera environ 35 °C », annonce, las, Yves Mourousi sur TF1, début juillet. Pis, les quelques orages qui ont éclaté dans la moitié ouest font l’effet d’étincelles. Toutes les nuits, des camions, sirènes hurlantes, PHOTOS © KEYSTONE FRANCE/GAMMA-RAPHO Fin juin, l’armée française est mobilisée pour ramasser les fourrages et alimenter les départements touchés par la sécheresse depuis le printemps, dans le nord et l’ouest du pays, comme ici, à Fontenay (Indre), le 9 juillet 1976. 15 oldkeypdf


quittent la caserne de Vannes (Morbihan). Plus de 4 000 hectares de lande partent en fumée en soixantedouze heures. « Le Morbihan: gigantesque brasier », s’alarme, le 3 juillet, un journal local. Au même moment, dans une salle aux volets fermés de l’hôtel Matignon, les membres du gouvernement, de hauts fonctionnaires, les préfets et élus locaux réunis sont, eux aussi, en surchauffe. Cigarette collée aux lèvres, Jacques Chirac anime ce « conseil de guerre ». Quelques brins d’air viennent timidement rafraîchir les fronts humides grâce au ventilateur installé au milieu de la pièce. Dans la moiteur générale et la pénombre, l’assemblée en costume-cravate dresse un premier bilan de l’épisode en cours.À la sortie de la réunion, le Premier ministre se veut rassurant sur les stocks de fourrage. « Nous avons renforcé les dispositifsàl’attention des agriculteurs, de façonàvenir en aide aux exploitations agricoles qui auraient des difficultés particulières », assure-t-il aux journalistes. Mais le ton est grave lorsqu’il évoque les incendies en cours dans le pays : « Il y a là un danger qui est grand, et l’ensemble de la population, les campeurs, ceux qui se promènent pendant leurs vacances doivent être extrêmement prudents. Nous avons renforcé sensiblement les moyens de préventiondétection et de lutte contre l’incendie, et je voudrais rendre hommage à l’action de nos pompiers.»Fin juillet, des orages apportent enfin la pluie tant espérée. Mais leur violence est telle qu’ils inondent les rues, et abîment les cultures au lieu de les ranimer. Surtout, ils n’éteignent pas les feux, qui continuent de ravager les massifs français. Après le geste d’un pyromane, la forêt de Palmyre, en Charente-Maritime, s’embrase fin août. Un sixième de sa surface est détruit. Des centaines de vacanciers, coincés entre les flammes et l’océan, sont évacués depuis la plage par bateau. L’année 1976 décroche un nouveau record, inégalé depuis : 80 000 hectares partent en fumée durant l’été. Un taux de mortalité en hausse de plus de 10 % On chiffre les pertes pour l’économie :4milliards de francs (environ 3 milliards d’euros actuels) en moins dans la balance commerciale, une baisse d’un demipoint de la croissance annuelle du produit intérieur brut… La sécheresse coûte très cher et la crise devient politique. Le 25 août, le gouvernement de Jacques Chirac décide d’une aide exceptionnelle de 2,2 milliards de francs pour les agriculteurs, financée en partie par un « impôt sécheresse » – très impopulaire –, basé sur une majoration de l’impôt sur le revenu pour plus de 2 millions de Français. Un dernier bilan, sur les conséquences sanitaires de cet épisode caniculaire, passe, lui, complètement inaperçu. Pourtant, entre juin et juillet 1976, le taux de mortalité d’une vingtaine de départements a grimpé de plus de 10 % par rapport aux chiffres habituels en cette saison: 6000 personnes perdent la vie dans l’indifférence générale, une hausse éclipsée par les calaAvril Apple sort du garage Testé et assemblé dans le garage de Steve Jobs, le cofondateur de la firme, l’« Apple 1 » est le premier ordinateur de la marque à la pomme. Le kit nécessaire à son fonctionnement comprenait un boîtier et un clavier que l’on reliait à un moniteur vidéo. Seuls 200 exemplaires sont produits et écoulés sur le marché américain, au prix de 666,66 dollars. 18 septembre Le premier Marathon de Paris Dans une indifférence quasi générale, une centaine de passionnés – dont une femme – s’élancent du stade Jean-Bouin pour la première édition du Marathon de Paris. À l’issue de boucles dans le bois de Boulogne, c’est un professeur de français, Jean-Pierre Eudier, qui devient champion de France, en 2h20’57”. 14 octobre Marée noire en Bretagne Le Boehlen, avec ses 9 800 tonnes de pétrole, est pris dans une tempête en mer d’Iroise et coule par 100 mètres de fond. Sur les 36 hommes d’équipage, 25 périssent. Quelque 400 tonnes d’un amalgame visqueux seront ramassées surles plages de l’île de Sein, 7000 sur les côtes. Un quart de la cargaison sera pompé, le reste brûlé en mer. 12 novembre Téléphone se forme sur le fil Ce soir-là, Richard Kolinka (à g.) et Jean-Louis Aubert (à sa g.) n’ont personne pour les accompagner à un concert au Centre américain de Paris. Ils parviennent in extremis à trouver deux musiciens : Corine Marienneau (à dr.) et Louis Bertignac (à sa dr.). Sur fond de compositions et de reprises d’Aubert, l’alchimie du quatuor est immédiate. Ça s’est aussi passé en 1976 16 EN COUVERTURE oldkeypdf


mités agricoles et la sécheresse. En 2003, les récoltes de blé seront également fortement affectées, mais c’est bien le drame humain qui passera au premier plan: près de 15000 personnes mourront à cause de la chaleur. L’entrée supposée de la planète... dans une ère glaciaire Pour expliquer le phénomène de 1976, les regards ne se tournent pas encore vers le réchauffement climatique. Bien au contraire. Les médias se passionnent pour une thèse scientifique populaire, aux antipodes de la canicule: l’entrée supposée de la Terre dans une nouvelle ère glaciaire. « En prévision, le refroidissement d’un degré de la planète », titre Paris Match. « La sécheresse en France pourrait n’apparaître que comme une fluctuation climatique de plus. Mais bien des scientifiques estiment aujourd’hui que ces variations climatiques locales et annuelles masquent une évolution amorcée il yaune trentaine d’années. Depuis 1940, en effet, la Terre se refroidit peu à peu », insiste Le Monde, le 19 juin 1976. Alors ingénieur à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), depuis trois ans, lorsque la sécheresse survient, Bernard, 75 ans aujourd’hui, se souvient: « C’était vu comme une sécheresse centennale, pas comme la manifestation du changement climatique. Ça ne faisait pas partie du discours public. On organisait des réunions au ministère pour savoir comment s’en sortir, c’est tout. On était à la fin des Trente Glorieuses. L’idée, c’était de nourrir la France. Beaucoup étaient fiers de la transformation agricole du pays », raconte le retraité. Scientifiques, experts et société civile sont-ils passésàcôté d’une alerte climatique importante? « Depuis quelques années, on a tendance à s’imaginer que l’épisode de 1976 s’inscrivait dans une période de réchauffement que nous aurions négligée, ignorée, aveuglés que nous étions par l’envie de consommer toujours plus. La réalité est tout autre, car l’été 1976 fut une véritable exception dans le panorama de cette fin des années 1970 », balaie le naturaliste Bruno David, dans son livre Le Jour où j’ai compris (Grasset). « C’était une anomalie », confirme Matthieu Sorel, climatologue à Météo France. Comme celle qui avaitfaitde 1956un été particulièrement frais. « Il faut voir la météo et le climat comme un yo-yo constant, c’est ce qu’on appelle la variabilité météorologique. Désormais, le signal du réchauffement climatique s’y superpose: ces fluctuations se font à partir de températures de plus en plus hautes », explique-t-il. De ce point de vue, on pourrait presque regretter 1976. « La vague de chaleur de cette année-là semblait exceptionnelle àl’époque,etellel’était.Maissielleseproduisait aujourd’hui, elle ne nous semblerait pas incroyablement chaude », insiste Françoise Vimeux, climatologue et directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement. Car l’épisode de 1976 a, depuis, été largement balayé par des étés avec d’autres vagues de chaleur, plus nombreuses, plus intenses et plus précoces. « Si l’on compare avec tous les étés de 1991à2020, l’été 1976 se situe en dessous de la moyenne et est donc plutôt frais ! » résume la chercheuse. « Il n’est pas comparable avec les données d’aujourd’hui. En 1976, Météo France n’avait pas relevé de températures supérieures à 39 °C, alors que, en2022,onamesuréjusqu’à42,9°Cetpléthorede40°C, rappelle Matthieu Sorel. L’an dernier, il y a eu un total de trente-trois jours en vague de chaleur. Un record qui le place devant 2003. » Aussi étonnant que ce soit pour ceux qui l’ont vécu, l’exceptionnel épisode de 1976 est donc devenu la norme avec le réchauffement climatique. Et les prières de Lesparre-Médoc n’ont rien pu y faire. n La semaine prochaine : en 1985, l’affaire du Rainbow Warrior. « AUJOURD’HUI, CETTE VAGUE DE CHALEUR NOUS SEMBLERAIT PRESQUE BANALE!» Françoise Vimeux, climatologue, directrice de recherche à l’IRD À Saint-Mard (Seine-et Marne), des habitants sont allés jusqu’à occuper la mairie, à la mi-juin, pour enfin être approvisionnés en eau. PHOTOS © ROUGET/DALLE, KEYSTONE FRANCE/GAMMA-RAPHO 17 oldkeypdf


Jean-Michel Aulas « Le foot féminin français va rivaliser avec celui des meilleures nations » Membre du comité exécutif de la Fédération, l’ex-président de l’Olympique lyonnais est chargé de la transformation du football féminin de haut niveau. Le statut des joueuses, la diffusion à la télévision de la Division 1, les objectifs de l’équipe nationale, qui s’apprête à disputer le Mondial en Australie et en Nouvelle-Zélande... Il fait le point avec enthousiasme sur le travail accompli et les projets à venir. PROPOS RECUEILLIS PAR HUBERT ARTUS. Avec les JO à Paris en ligne de mire, les Bleues viseront déjà le titre lors de leur 5e participation au Mondial, qui a débuté le 20 juillet. 18 ENTRETIEN oldkeypdf


L e 13 mai dernier, les Lyonnaises remportaient une nouvelle Coupe de France en battant le Paris Saint-Germain. À l’issue du match, la capitaine Wendie Renard lui fit brandir le trophée en premier, et Jean-Michel Aulas ne chercha pas à ravaler ses larmes. Il venait de quitter la présidence du club, après trente-six ans passés à sa tête, et son émotion devint celle de toutes et tous. Ce pionnier a par ailleurs créé, dès 2004, une section féminine à l’Olympique lyonnais (OL), dont l’équipe première a régné en France et en Europe: quatorze titres nationaux entre 2007 et 2020, sept victoires en Ligue des champions de 2011 à 2020. La quasi-totalité des meilleures joueuses françaises portent ou ont porté ce maillot, ainsi que les plus grandes stars mondiales, de l’Américaine Megan Rapinoe à la Norvégienne Ada Hegerberg. Chargé du foot féminin à la Fédération française de football (FFF), Jean-Michel Aulas veut le faire entrer dans une nouvelle dimension. Quel est l’objectif des Bleues pour cette Coupe du monde? Jean-Michel AulasAvec ma collègue Aline Riera (ex-joueuse internationale, trésorière de la FFF, NDLR), j’ai la charge d’encadrer et de représenter l’équipe de France féminine. Le premier objectif, c’est d’aller le plus loin possible dans ce tournoi. Mais celui qui nous a vraiment été assigné, c’est de gagner une médaille, si possible en or, lors des Jeux olympiques 2024, qui auront lieu en France. Notre ministre des Sports en fait une priorité. Entre 2011 et 2015, le foot féminin français avait rattrapé son retard en matière de résultats, de structures et d’organisation. Depuis, peu de choses ont bougé, et la professionnalisation tarde, alors que bien des pays ont franchi le cap. Que comptez-vous faire dans ce domaine? Fin 2021, Noël Le Graët, alors président de la FFF, m’a confié la responsabilité d’une commission du football féminin de haut niveau. Depuis 2023, la deuxième phase est enclenchée. J’ai obtenu un nouveau contrat de six ans avec Canal+ pour diffuser le championnat féminin de première division, la Division 1. PHOTOS Dès la rentrée, des matchs seront © R. MOUILLAUD/PHOTOPQR/LE PROGRES/MAXPPP, ICON SPORT Jean-Michel Aulas a quitté, en mai, la présidence de l’Olympique lyonnais, qu’il dirigeait depuis 1987. 19 oldkeypdf


retransmis en prime time le vendredi et le dimanche. Soit en même temps que le Top 14 de rugby, et que la Ligue 1 masculine.On va montrer qu’on peut rivaliser ! Pour ça, on a restructuré le championnat. De quelle façon? Jean-Michel Aulas Désormais, il yaune première division, une deuxième divisionàune seule poule au lieu de deux auparavant, et nous allons professionnaliser la troisième division. En ce qui concerne l’équipe de France, nous sommes allés chercher Hervé Renard, un entraîneur de renom. Cela va de pair avec une redéfinition de nos ambitions : faire un bon Mondial et décrocher la victoire aux JO. Le foot féminin français va changer de dimension et rivaliser avec celui des meilleures nations européennes et mondiales. Mais, j’insiste : contrairement à ce qu’on entend beaucoup, les joueuses en France ont déjà un contrat pro. Ce n’est pas tout à fait le même que celui de leurs homologues masculins de Ligue 1 ou de Ligue 2. Mais plutôt un contrat comme celui qui a cours en troisième division, un secteur entre le monde pro, semi-pro et amateur… Pour être précis, il part de ce contrat fédéral dont vous parlez, mais inclut des négociations supplémentaires avec les clubs. Nous sommes en discussion avec les partenaires et les joueuses afin d’intégrer encore plus de spécificités, comme les congés maternité. En juin, l’assemblée générale de la fédérationadécidé de créer, d’ici un an, une véritable ligue professionnelle féminine, comme celle qui existe chez les hommes. Mais, déjà, avec le système de licences que nous avons mis en place au printemps dernier, les clubs vont devoir remplir de hautes exigences pour leurs sections féminines : conditions d’encadrement, staffs sportifs et médicaux, terrains... On a réformé le foot féminin vers la professionnalisation ! Hormis les matchs Lyon-PSG, la retransmission des rencontres de Division 1 laissait à désirer : peu de caméras et de ralentis, pas de statistiques. Cela va changer? Ces défauts sont réglés dans le contrat de diffusion avec Canal+, qui impose à la FFF et aux clubs un certain nombre d’obligations. Les matchs du vendredi et du dimanche auront le même niveau de retransmission que les OL-PSG. De plus, les clubs aurontl’obligation de jouer un certain nombre de matchs dans le stade principal, et non plus dans un stade annexe, plus petit ou lointain, comme ce fut longtemps le cas pour les équipes « Nos ambitions, c’est de faire un bon Mondial, et la victoire aux JO! » Jean-Michel Aulas Le patron intuitif, Alfred Frankland (1882-1957) En Angleterre, en 1917, les hommes sont au front et les femmes ont pris leur place dans les usines. À Preston, la Dick, Kerr & Co., qui fabrique des locomotives, s’est reconvertie dans la production de munitions. Et comme les ouvriers aimaient jouer au foot le dimanche, les ouvrières veulent faire de même. Alfred Frankland, administrateur de la firme, organise un match entre les hommes encore présents, et une équipe de femmes… qui gagne! Le Dick, Kerr’s Ladies Football Club naît, et enchaînera les matchs des deux côtés de la Manche. Le journaliste visionnaire, Pierre Geoffroy (1939-1994) Le 9 juillet 1968, à L’Union, quotidien de Reims, ce journaliste sportif passe une annonce:« Union Sport désire mettre sur pied un match inédit entre deux équipes féminines de football. Les jeunes filles désirant participer sont priées de se présenter à la rédaction. » Trente étudiantes, factrices ou ouvrières répondent et s’entraînent sous la houlette de Geoffroy. Elles fondent le Football Club Féminin de Reims, et seront à l’origine de la création du championnat, en 1974. Lui deviendra le sélectionneur des Bleues de 1971 à 1978. Ils ont marqué le football féminin 20 ENTRETIEN oldkeypdf


féminines. Ce sont donc des stades que les équipes de télévision connaissent déjà. Selon vous, les choses évoluent donc dans le bon sens... À l’Association européenne des clubs (ECA), dont je suis administrateur depuis l’origine, j’ai pris la responsabilité du développement du foot féminin. Quand j’ai commencé à dire qu’il fallait que tous les grands clubs français aient une équipe féminine, je n’étais pas suivi. Aujourd’hui, tous les clubs importants en ont une. L’ECAaobtenu beaucoup pour les joueuses, qui sont maintenant couvertes par une assurance lorsqu’elles sont sélectionnées en équipe nationale. Et les clubs qui mettent leurs joueuses internationales à disposition sont, depuis l’année dernière, indemnisés, comme c’est le cas chez les garçons. C’est un grand progrès. Il va maintenant falloir lancer des discussions sur d’autres sujets, dont la mutualisation. Pour abolir la frontière entre foot masculin et féminin, mutualiser permettrait de disputer les grandes compétitions au même endroit en même temps, sur le modèle des tournois du Grand Chelem en tennis. Beaucoup sont contre. Qu’en pensez-vous ? Évidemment que la mutualisation des grandes compétitions hommes et femmes est la solution ! Cela fait partie intégrante de mon engagement, et je suis prêt à défendre cette position au niveau des organismes mondiaux et européens. Choisir de retransmettre des matchs féminins en prime time, en même temps que des matchs de championnats masculins sur d’autres chaînes, est une première étape dans ce sens. n Jean-Michel Aulas brandit la Ligue des champions féminine remportée par les Fenottes, surnom des joueuses de l’OL, contre le FC Barcelone, le 21 mai 2022, au Juventus Stadium, à Turin (Italie). Le président précurseur, Louis Nicollin (1943-2017) Ses postures exagérées et ses propos outranciers ont souvent caché ses talents de précurseur. Le tonitruant « Loulou » Nicollin, président du Montpellier Hérault Sport Club depuis 1974 jusqu’à sa mort,acréé une section féminine en 2001, mettant tout son poids pour recruter des joueuses connues et internationales, telles Camille Abily, Sonia Bompastor, puis Louisa Necib, Élodie Thomis, ou Sakina Karchaoui. Résultat : deux titres de championne de France en 2004 et 2005, et trois victoires en Coupe de France, entre 2006 et 2009. Le sélectionneur néophyte,Hervé Renard (né en 1968) Il n’avait jamais entraîné de footballeuses lorsqu’ilaété nommé sélectionneur des Bleues, le 30 mars dernier, après une fronde des joueuses cadres ayant abouti à l’éviction de sa prédécesseure, Corinne Diacre. Ilaassis son autorité en Afrique comme sélectionneur de plusieurs équipes nationales masculines, remportant deux Coupes d’Afrique des nations, en 2012 avec la Zambie, et en 2015 avec la Côte d’Ivoire. Dans l’Hexagone, iladéjà dirigé Sochaux (2013-2014) et Lille (2015), en première division. PHOTOS © MARCO CANONIERO/SIPA, CAPTURE ÉCRAN SPARTACUS-EDUCATIONNAL.COM/DR, COLLECTION FOOTOFEMININ.FR, NIVIERE/SIPA, S. MORCEL/FFF 21 oldkeypdf


Leur mission, sauver les géants des mers Depuis vingt ans, le WWF France étudie les grands cétacés vivant en Méditerranée. L’ONG engagée pour la préservation de l’environnement a identifié un dispositif qui permettrait de les protéger des collisions avec les gros navires, responsables de la mort d’une quarantaine de baleines chaque année. Nous avons suivi l’équipage, qui expérimentait cette innovation pour la première fois. PAR SOPHIE STADLER, PHOTOS GUILLAUME RUOPPOLO/WALLIS.FR, ENVOYÉS SPÉCIAUX EN MÉDITERRANÉE. Nous avons embarqué, fin juin, à bord du Blue Panda, le voilier du WWF France, avec des bénévoles et scientifiques de l’ONG, spécialistes des grands mammifères marins. Au large de Nice, nous avons croisé un dauphin de Risso (page de droite), une espèce protégée très difficile à observer. 22 REPORTAGE oldkeypdf


L a mer est calme et le soleil à son zénith en ce début d’après-midi, au large de la Côte d’Azur. Quelques rares « moutons » blancs s’agitent çà et là au sommet des vagues, mais rien de bien méchant. Sauf qu’ils peuvent brouiller l’observation, au loin, des animaux marins, très nombreux à peupler cette vaste zone du sanctuaire Pelagos, espace maritime protégé, aux frontières des eaux françaises, italiennes et monégasques. Nous sommes à bord du Blue Panda, le voilier de l’ONG engagée pour la préservation de l’environnement WWF France (Fonds mondial pour la nature), et avons gagné le large en quelques heures depuis notre départ de Nice, ce matin aux aurores. Alors que nous naviguons à quelque 65 kilomètres des côtes et que nous avons déjà croisé de nombreux dauphins de Risso et Stenella, soudain, à environ 1 500 mètres du bateau, Isabelle Tinarrage, marin de profession, l’une des bénévoles aguerries de ces expéditions en pleine mer, repère un discret jet d’environ un mètre de haut. « Un souffle à 13 heures ! » indique-t-elle immédiatement à Nicolas Bin, capitaine du Blue Panda, ainsi qu’aux dix membres d’équipage et scientifiques qui habitent le navire jour et nuit depuis déjà presque un mois. Leur but : mieux connaître les cétacés de Méditerranée, en particulier les baleines, et trouver des solutions techniques afin de les préserver des activités humaines, notamment de l’intense trafic maritime. La Grande Bleue abrite 1700 spécimens Peu de gens le savent, mais cette zone compte d’assez nombreux spécimens de deux espèces de baleines, le rorqual commun et le cachalot, désormais classées « espèces en danger ». La plus grande, le rorqual, y chasse dans le grand courant liguro-provençal, chargé de phytoplanctons et de zooplanctons, comme le krill, pour se nourrir, à raison d’une tonne et demie engloutie par jour, au large de Nice ou dans le golfe du Lion. Le cachalot, grand carnivore pourvu de dents et non de fanons, dévore quant à lui calamars, gros poissons et crustacés. Au total, la population de grands cétacés – rorquals et cachalots – est estimée à près de 1 700 individus en Méditerranée nord-ouest. Cependant, tous les ans, une petite quarantaine sont retrouvés morts, leur corps présentant des traces de collision. Les baleines ne donnant naissance qu’à un petit tous les trois ans en moyenne, il y a urgence à les protéger de ces accidents. Le bateau dévie instantanément de son cap pour se rapprocher de ce mystérieux souffle, quasiment imperceptible pour des observateurs non initiés. « C’est celui d’un rorqual commun », précise Denis Ody, responsable du programme cétacés au WWF France. C’est le deuxième plus grandmammifère dumonde, aprèsla baleine bleue ! « Il mesure jusqu’à plus de 20 mètres, pèse 70 tonnes, et on estime qu’il peut vivre jusqu’à 90ans », précise l’océanologue de 64 ans, les yeux pétillant d’admiration pour ces animaux, même après une vie entière passée à les observer sur toutes les mers et océans. D’abord auprès du commandant Cousteau, puis très vite pour des ONG, surtout pour leWWF, depuis vingt ans. En un clin d’œil, l’annexe du majestueux voilier tout en bois est mise à l’eau. Aux commandes de ce Zodiac, rapide et agile, Denis Ody. Isabelle Tinarrage embarque également. Sa mission : prendre des photos qui serviront à identifier les baleines. Enfin, le biologiste marin Sébastien Personnic saute à bord lui aussi. À 44 ans, il est expert de la pose des balises GPS et des biopsies prélevées sur le dos de géants des mers. L’attention des scientifiques se concentre essentiellement sur les rorquals. 23 oldkeypdf


« LES BIOPSIES NOUS RENSEIGNENT SUR LE SEXE, LA FERTILITÉ ET LES LIENS FAMILIAUX ENTRE ANIMAUX » Anouck Ody, en charge du conditionnement des prélèvements Très discrets, plongeant à de plus vastes profondeurs et bien plus longtemps, les cachalots sont nettement plus difficiles à observer, et donc à étudier. Alors que la petite embarcation à moteur d’environ 6 mètres fonce dans la direction des souffles repérés quelques minutes plus tôt, Sébastien Personnic arme son arbalète, ajuste sa visée malmenée par la houle, et tire, atteignant quasiment à chaque fois son objectif, la (relativement petite) nageoire caudale de l’animal, gros comme trois fois le bateau semi-rigide. « Les biopsies ne sont pas douloureuses pour un rorqual, elles équivalent à une minuscule piqûre, compte tenu de leur taille, rassure-t-il. Et les balises munies de caméras et de multiples instruments de mesure – enregistrant vitesse, profondeur et position GPS – sont fixées à l’aide de ventouses pour ne pas traumatiser les baleines avec des crochets enfoncés dans leur peau. » Ni leur rappeler de bien mauvais souvenirs… Jadis, dans les années 1930, très prisés pour leur graisse – qui était l’ingrédient de base dans la fabrication des savons, de la margarine ou de la glycérine –, les rorquals communs étaient largement chassés, et jusqu’à 30 000 spécimens pouvaient être tués chaque année à travers le globe. Aujourd’hui, même si le Japon, l’Islande et la Norvège poursuivent plus ou moins régulièrement leurs campagnes de chasse, ces mammifères etleurs cousins les grands cachalots, les globicéphales (toujours tués en masse aux îles Féroé, au Danemark) et les dauphins, sont protégés en Méditerranée, particulièrement dans le sanctuaire Pelagos. Même si les baleines sont ici plutôt tranquilles, elles ne sont pas totalement hors de danger. Les navires, première cause de mort non naturelle des grands cétacés « Le problème, c’est que 30 % du trafic maritime mondial est actuellement concentré en Méditerranée. Résultat, la première cause de mort non naturelle des grands cétacés provient des collisions avec les navires commerciaux, ferries, yachts ultra-rapides ou énormes bateaux de croisière, qui pullulent, surtout l’été, et naviguent à des vitesses supérieures à 16 nœuds (30 km/h). À cette allure, le choc est quasiment toujours fatal », déplore Denis Ody. « Nous estimons que, chaque année, dans cette zone, les baleines sont confrontées à environ 3 500 situations de collisions avec des navires potentiellement mortelles, ou entraînant de graves mutilations, ajoute l’océanographe. Mais ce que nous voulons comprendre, avec le programme Stop Collision, lancé par le WWF et l’Office français de la biodiversité, c’est pourquoi ces géants des mers, capables d’accélérer à plus de 30 km/h en trois coups de queue et de plonger à plus de 200 mètres de profondeur, se font régulièrement percuter. Pourquoi ne parviennent-ils pas toujoursàéviter les bateaux ? » Sont-ils inattentifs parce qu’ils sont en train de se nourrir ? Dorment-ils en surface quand ils sontfrappés? Sont-ils perturbés par le bruit des moteurs tournantàplein régime ? Et font-ils le tour du bâtiment ou plongent-ils en dessous, quand ils parviennent à esquiver les navires? Pour l’heure, et malgré deux décennies d’observation, ces mystères restent entiers. Mais peut-être plus pour très longtemps. Une fois en place, les balises restent ventousées jusqu’à vingt-quatre heures sur le dos des baleines, avant de se décoller naturellement, le temps de leur«voler » images et précieuses informations. « Elles collectent des dizaines de données sur le comportement et les déplacements de ces grands animaux encore peu étudiés, expose Denis Ody, tout en pilotant l’annexe pour regagner le Blue Panda. Avec les caméras, nous avons réussiàenregistrer des images inédites de rorquals en train de se nourrir en groupe, par exemple, et nous avons constitué, ces vingt dernières années, la plus grande base de données et d’informations sur les baleines de Méditerranée. » 100%des rorquals sont contaminés par des polluants chimiques Grâce aux biopsies et aux échantillons de peau et de graisse, les scientifiques du WWF ont non seulement pu identifier plus de 500 individus, mais également enregistrer et analyser leur ADN. « Cela nous renseigne sur leur sexe, cela nous dit si les adultes sont fertiles, et cela nous permet de recouperleursliens familiaux », ajouteAnouck Ody, scientifique et fille de Denis Ody, en charge du conditionnement des prélèvements avant leur envoi pour analyse, au laboratoire du Centre vétérinaire de la faune sauvage et des écosystèmes, à Nantes.« Cette saison, nous avons réalisé 31 biopsies en un mois de mission depuis débutjuin. » Butin précieux, qui offre de quoi décrypter le comportement et l’état de santé de ces mammifères marins. « Nous savons, par exemple , que 40 % des femelles sont gestantes et qu’elles se portent plutôt bien, souligne Denis Ody.Malheureusement, nous savons aussi que 100 % des rorquals sont désormais contaminés par des polluants chimiques et reprotoxiques, comme les phtalates (issus du plastique et des cosmétiques), sans connaître encore les conséquences de ces contaminations sur leur santé ou leur fertilitéàlong terme. » Mais, ces dernières années, leWWF a surtout découvert que les rorquals passent 30 % de leurs journées à moins de 10 mètres de profondeur, la zone plus propice aux collisions avec les bateaux, où ils évoluent aussi 80 % de la nuit, aux heures où le krill est le plus abondant. C’est pourquoi les traversées nocturnes des ferries restent les plus dangereuses, d’autant qu’il est alors presque impossible de détecter la présence des animaux en observant les flots. 24 REPORTAGE oldkeypdf


1. En ce jour de juin, MicrObs, petit engin unique au monde, fait sa première descente à 2500 mètres de profondeur. Il restera immergé quarante jours pour récolter des données précises sur les animaux. 2. Le biologiste Sébastien Personnic vise un rorqual afin de faire une biopsie. 3. Le prélèvement de peau et de graisse récupéré sera envoyé à Nantes pour analyses. 4. Denis Ody, responsable du programme cétacés, consulte les relevés de MicrObs. 5. En attendant le développement, à moyen terme, de ce petit bijou de technologie, l’équipe pose des hydrophones flottants, en surface: ces micros sous-marins permettent de localiser les animaux grâce à leurs vocalises. 1 2 3 4 5 25 oldkeypdf


transmet des données précises, il confirmera que notre projet est viable et déployable à grande échelle d’ici moins de dix ans, ici et ailleurs dans le monde. » Car, au Canada, dans l’estuaire du Saint-Laurent ou dans la baie de Vancouver, ou aux États-Unis, au large de Boston, les baleines sont aussi victimes de collisions. Quant au financement de ces petits concentrés de technologie qui coûtent, pour l’heure, autour de 30 000 euros l’unité, l’océanologue a, là encore, sa petite idée. « La taxe Barnier – sorte d’écotaxe prélevée depuis 1995 sur les billets de transport maritime dans les espaces protégés français, et renforcée en 2020–pourrait obliger l’État et les compagnies maritimesàfinancer l’installation des hydrophones afin de créer des “autoroutes” des mers sécurisées, comme cela existe sur terre pour les hérissons et autres animaux sauvages, souligne Denis Ody. Nous sommes en “zone maritime particulièrement vulnérable”, les acteurs du tourisme, du transport et les autorités sont donc contraints de trouver et de financer des solutions concrètes à court terme pour protéger la faune locale. » L’intérêt grandissant des touristes pour l’environnement pourrait jouer en leurfaveur En quittant la haute mer pour rejoindre le port de Toulon, le Blue Panda semble tout à coup devenu une coque de noix. Face à ce voilier aux dimensions pourtant respectables – 26 mètres – se dressent par dizaines, sur plusieurs étages, ces fameux mastodontes mécaniques, peinturlurés en jaune ou rouge criards. De véritables murs à moteur qui avancent sur l’eau. Dans leur sillage s’affiche alors toute la (dé)mesure du trafic maritime méditerranéen. En cette fin juin, les ferries, yachts et cargos se croisent déjà en très grand nombre aux abords de la côte. Ils vont et viennent, le plus souvent à destination de la Corse, mais aussi de la Sardaigne, de la Sicile et des Baléares, ou bien se dirigent vers les grands ports de Marseille, Barcelone ou d’Afrique du Nord. Ces buildings des mers de plus de 170 mètres de long sur des dizaines de mètres de haut peuvent embarquer jusqu’à 2 800 passagers et 500 véhicules. Ils foncent entre 16 et 30 nœuds, formant des vagues surpuissantes. On devine alors combien il est difficile pour les cétacés de les éviter. « Et à bord de ces monstres de fer, impossible pour les équipages et les capitaines de s’apercevoir qu’ils ont percuté quoi que ce soit, même une grosse baleine », constate Jean-Noël Druon, autre bénévole et scientifique, spécialiste de l’habitat des grands cétacés. Heureusement, l’intérêt grandissant des touristes pour l’environnement et ses animaux pourrait jouer en faveur des baleines et convaincre les compagnies de réduire leur allure pour les préserver. Elles seront peut-être sauvées par leurs chants enregistrés grâce aux MicrObs et leurs images postées sur les réseaux sociaux, ou même grâce à l’envolée des prix du carburant. Drôle de monde dont, depuis les fonds sous-marins, elles n’ont heureusement aucune conscience. n « L’urgence est donc de tester et de déterminer quels dispositifs techniques nous pourrions mettre en place, pour permettre aux navires de géolocaliser les baleines en temps réel et de les contourner, sans avoiràréduire leur vitesse, donc leur rentabilité commerciale », explique Thomas Folegot, président et fondateur de l’entreprise Quiet-Oceans, spécialiste de l’acoustique sous-marine et partenaire du WWF pour ce projet. S’il existe, depuis quelques années déjà, le dispositif Repset, qui permet aux navigateurs de signaler à leurs confrères – sur la base du volontariat – les cétacés repérés au large, il n’équipe aujourd’hui qu’une trentaine de bateaux, exclusivement français. Un chiffre nettement insuffisant. D’autant que, du haut de leurs cabines de pilotage, les marins ne voient pas toujours les animaux, qui ne sont évidemment pas leur préoccupation principale. L’idée simple serait donc d’immerger, dans les principaux couloirs de navigation, des dizaines de bouées dotées d’hydrophones (micros sous-marins) afin de localiser les baleines en temps réel, grâce à leurs vocalises, et de les signaler à tous les navires, français comme étrangers. Depuis quatre ans, Quiet-Oceans teste des hydrophones flottants lors de ses missions avec le Blue Panda, et parvient à retracer avec précision les parcours des animaux. « Après différents essais, nous pensons aujourd’hui que des capteurs immergésàplus de 2 500 mètres seraient plus efficaces pour intercepter les sons à 15 kilomètres à la ronde », ajoute Thomas Folegot. Dans ce but, la PME installée à Brest a donc acheté le MicrObs. Cet engin orange, unique au monde et pas plus gros qu’une bouée classique, fait justement, ce jour-là, sa première descente dans les abysses au large de Toulon. Les ingénieurs et l’équipage le font quitter le pont du Blue Panda à l’aide d’un palan et, en quelques instants, il est directement plongé dans les eaux cristallines. Tous l’observent effectuer lentement, mais sûrement sa descente. « Dans une heure, il touchera le fond et y restera quarante jours, commente Denis Ody. C’est l’espoir des baleines de Méditerranée. Si le MicrObs résiste et nous Le rorqual a beau être l‘un des plus grands mammifères du monde, il ne fait pas le poids face aux immenses navires, qui ne s’aperçoivent pas toujours qu’ils en percutent un. En 2012, un cargo rentre ainsi au port de Marseille, une baleine échouée sur sa proue. PHOTO © CYRIL SOLLIER/LA PROVENCE/MAXPPP 26 REPORTAGE oldkeypdf


LA FAMILLE DANS TOUS SES ÉTATS L fi   fi #ffifl ffifl# ffi$  fl $fi $    p p ffi$fi fi#fiffi$%fi  pffi#ffi  %  fl , g # %ffi$ ffififi $fl ffi$  flffi # gff Spécial été 28. Ensemble, c’est mieux Maurad, Anne et leurs enfantsse font une maison dans un vrai bus anglais. 32. Clash chez les people Se sentant rejeté, le frère de Madonna a réglé ses comptes avec elle dans un livre. 34. La nouvelle La romancière Mélissa Da Costa nous conte un mois d’août très étrange. 35. Clans en séries Dans Week-end Family, Éric Judor doit gérer une drôle de smala. 36. Un si lourd secret Au début du XXe siècle, leur mystérieux grand-père était un curé défroqué. 40. Prise de bec Même en vacances, le ton monte quand la politique s’invite dans la discussion. PHOTO © COLLECTION PERSONNELLE/DR oldkeypdf


Maurad (en haut), Anne, Isaak et Noor (de g. à dr.), sa sœur, nous ont fait visiter leur future maison, en cours d’isolation, dans le sud de la France. 28 oldkeypdf


S tationné derrière un champ de broussailles émaillé de pétales bleus, rouges ou violets, il se devineàpeine. Son jaune pâle complète l’ensemble fleuri qui borde l’entrée de cette zone résidentielle de Pérols, à quelques kilomètres de Montpellier (Hérault). Lorsqu’on emprunte le passage qui dessert les habitations méridionales, le monstre de métal dévoile peu à peu ses dimensions hors norme : 10 mètres de long, 2 mètres de large et 4 mètres de haut. Dans le jardinet, ce bus scolaire anglais de deux étages, pare-brise géant et volant à droite, est le voisin un peu encombrant de Maurad, Anne et leurs deux enfants. Posé devant le portail, il toise la maison blanche qu’ils occupent pour quelques mois encore. Depuis deux ans, la petite famille retape ce qui va devenir leur nouveau cocon, où ils espèrent fêter Noël cette année. En ce samedi caniculaire de juin, l’autocar peut regretter son crachin britannique.Àl’intérieur, malgré l’isolation en cours, la chaleur est intense, constate Maurad, 44 ans, en faisant la visite. La bâche anti-UV qui le recouvre n’a pas résisté longtemps aux rayons du soleil du Sud et doit être changée. Cet après-midi, il faut aussi aller chercher de la laine de verre avant l’arrivée d’un copain de classe d’Isaak, 11 ans, qui joue avec sa petite sœur, Noor, 7 ans, dans la piscine attenante. Le bus rythme désormais le quotidien de la famille. « On y passe au moins deux heures par jour pour les travaux », estime Anne, infirmière de 37 ans. Sans compter le temps passé à tourner et monter les vidéos de leurs avancées, qu’ils partagent sur les réseaux sociaux, avec leur importante communauté : quelque 5000 personnes sur Facebook, 15000 sur YouTube et plus de 50 000 sur Instagram se passionnent pour ce projet atypique.«Pendant le confinement, nous aussi, on avait regardé beaucoup de vidéos de gens qui s’installaient dans des tiny houses (maisons minuscules, en anglais, NDLR) et ça nous a donné des envies », raconte Anne. Ils se projettent dans des logements conteneurs, avant de tomber, un soir, sur une annonce en ligne:«Vends bus anglais. » Ses courbes impressionnantes tapent dans l’œil de la mère de famille. Maurad, lui, est sceptique. « J’ai une déformation professionnelle, comme je travaille dans le bâtiment. J’ai d’abord dit non, c’est un véhicule, ça ne pourra pas être une maison. » Curieux, ils vont quand même voir de près cet ovni métallique, à une heure et demie de route de chez eux. À l’intérieur, les boutons rouges montés sur de grandes barres jaunes qui permettaient de demander l’arrêt au chauffeur sont toujours là, et des papiers de bonbons jonchent le sol sous des sièges à l’assise rouge élimée. « J’ai eu un vrai coup de cœur, on sentait la vie qu’il y avait eu dedans », se souvient Maurad. Après négociation, le bus est à eux pour 10000 euros. En enlevant les sièges, ils découvrent la première déconvenue Sur le trajet retour, en traversant les villages, le véhicule décroche quelques mâchoires de passants interloqués, et les branches des arbres entre lesquels il se faufile. Un ami du couple, titulaire du permis poids lourd, a pris le volant. Maurad, lui, doit se familiariser avec ce géant des routes, inconnu des garagistes et des professionnels. « Quand on l’a eu, j’ai dû chercher son mode d’emploi sur Internet. C’était un livret de 800 pages, uniquement en anglais. Ça obligeàsortir de sa zone de confort », se souvient-il. Derrière lui, un panneau d’information réglementaire indique le nombre de places disponibles. « 78 standing, 47 upper deck, 31 lower deck. »Autrement Un bus fait maison Ensemble, c’est mieux (3/8). Depuis fin 2020, Maurad, Anne et leurs deux enfants transforment en habitation ce véhicule anglais à deux étages. En décembre, ils quitteront le confort de leur domicile de Pérols, près de Montpellier, pour vivre dans ce logement aménagé à la sueur de leur front. Une aventure qu’ils voient comme un retour à l’essentiel. PAR AURÉLIE SIPOS, PHOTOS GILLES COULON, À PÉROLS (HÉRAULT). SPÉCIAL ÉTÉ 29 oldkeypdf


1. Les enfants aussi sont ravis de participer aux travaux. « Ce sera une nouvelle vie », résume Isaak (3e en partant de la g.). 2. L’étage accueillera la salle de bainsàl’avant du véhicule (ici au dernier plan), et les chambres des enfants. 3. Le bus jaune est actuellement garé dans le jardin de la maison que 1 la famille occupe 2 3 à Pérols (Hérault) pour quelques mois encore. Ils ne savent pas encore où ils l’installeront quand il sera prêt. 4. Maurad, ancien danseur de hip-hop reconverti dans le bâtiment, supervise le chantier lui-même. 5. Dans le futur salon, au niveau inférieur, des canapés prendront place au-dessus des grosses roues. 4 5 30 oldkeypdf


Le bus deviendra bientôt le laboratoire de leur nouvelle vie. « L’idée, c’est d’être autonome, de consommer moins d’eau et d’électricité, d’avoir à terme des panneaux solaires, de pouvoir peut-être puiser notre eau si le futur terrain le permet. Cela n’empêche pas de choisir des matériaux de qualité, durables. Car ce n’est pas un van aménagé, mais une vraie maison. » Ainsi transformé, le bus ne pourra pas passer aux mines, le contrôle technique des véhicules lourds, et arpenter les routes, comme il le faisait par le passé.À terme, selon les conditions imposées par la loi, le couple aimerait donc trouver un grand terrain où déplacer leur maison roulante, une dernière fois. « On pourrait avoir une ferme avec des chevaux », rêve Noor, qui pratique l’équitation. Quid de la maison familiale actuelle ? La vendre, ou la louer, rien n’est encore défini. Seule certitude pour l’instant, Thanos, le grand chien un peu foufou sera évidemment du voyage, avec les chats, recueillis en nombre par la famille. « Nous voulons vivre aussi dehors, comme cela se fait beaucoup dans le Sud », ajoute Anne. Elle rêve d’un potager, plus grand que celui aménagé aujourd’hui à l’entrée de son jardin, pour tendre vers l’autonomie alimentaire. Alors qu’il n’est même pas encore terminé, le projetfait déjà des émules Si certains les ont comparés à des hippies, Anne précise ne pas vouloir « rentrer dans le moule ». Loin des beatniks, Maurad s’est peu à peu mué en véritable « influenceur » du BTP pour financer les travaux du bus. Tous les jours ou presque, via ses comptes Kom1pro, il montre ses avancées, chez lui ou sur ses chantiers, donne des conseils aux internautes, participe à des défis avec d’autres figures des réseaux sociaux, et ainsi décroche des partenariats avec des entreprises qui lui offrent des matériaux : fenêtres, outils… « On voulait montrer aux enfants qu’avec pas grand-chose, on peut se construire un toit, qu’on ne dépend pas forcément d’une banque ou d’un prêt. Qu’ils ne sont pas obligés de suivre une voie classique, qu’ils peuvent devenir artistes s’ils le veulent. » Même pas terminé, le projet fait déjà des émules. « Un ami m’en a commandé un pour accueillir les journalistes dans le cadre d’un festival, s’amuse Maurad. Un autre m’a demandé combien je le vendais. » De quoi, peut-être, transformer ce projet insolite en une vraie petite entreprise. n dit, « 78 assises, 47 niveau supérieur, 31 niveau inférieur ». Ils commencent par enlever les sièges, et sont confrontés à la première déconvenue.«J’ai découvert qu’une fois à nu le plancher était complètement voûté », raconte, toujours souriant, Maurad. Le quadragénaire, cheveux courts et bras musclés, a gardé l’énergie qui guidait ses pas de danseur professionnel de hip-hop. Reconverti dans le bâtiment après une blessure au genou, il est aujourd’hui le chef de ce chantier pas comme les autres, qu’il mène en parallèle de son activité. « Depuis des années, je me suis spécialisé dans la rénovation haut de gamme de résidences dans la région », précise-t-il. « L’idée, c’est d’être autonome, de consommer moins d’eau et d’électricité » Deux plans scotchés sur l’escalier, dessinés de ses mains, définissent les contours de la maison. Au plafond, un fil lumineux traverse l’habitacle. Si tout est clair pour la famille, le grand établi en bois posé au milieu de la future pièce principale empêche un peu le visiteur de se projeter. Selon les croquis, d’ici à décembre, elle deviendra le coin salon avec, au fond, une « suite » parentale, assez sommaire. À l’étage, la salle de bains prendra place à l’avant et le reste de l’espace sera réservé aux enfants, avec deux chambres en enfilade, ouvertes ou séparées, selon les envies. « Isaak et Noor partagent déjà leur chambre. Ce sera plus adapté pour eux, puisqu’on fait du sur-mesure », assure Anne depuis la terrasse de leur maison actuelle. Progressivement, cette dernière s’est vidée du superflu, avec moins de meubles et de jouets. L’intérieur, blanc, est simple, « minimaliste », aime à dire la mère de famille. Pour que tous puissent se fondre, le jour venu, dans l’espace réduit du bus de 50 mètres carrés, un tri minutieux s’impose. « Il ne faut garder que l’essentiel, mais c’est possible. Cette façon de vivre plus simplement permet de subir moins de charge mentale, c’est moins de ménage, et moins de prise de tête », résume cette brune fluette, qui a quitté, après la crise sanitaire, la clinique où elle était cheffe de service pour exercer comme infirmière libérale, et retrouver sa liberté. À côté d’elle, Isaak et Noor donnent une friandise au chat étendu de tout son long sur la table. « On a beaucoup d’étagères, quand même, glisse le garçonnet, conscient, comme sa petite sœur, des changements à venir. Personne n’a vraiment eu cette idée avant nous, ça sera une nouvelle vie », résume-t-il, lucide et ravi. Lui aussi a vu de près les évolutions du bus. « On a appris à se servir d’une perceuse, fait de l’encollage, aidé pour la salle de bains », énumère Isaak, sous les yeux approbateurs de Noor. « Au début, ils étaient vraiment petits, c’était une façon de les intégrer et de les surveiller. Maintenant qu’ils ont grandi, on leur propose toujours de venir quand on est sur le chantier, mais ils aident surtout à acheminer le matériel, ajoute leur mère, qui n’a pas eu à les convaincre longtemps. Ce mode de vie leur va très bien, ce projet évoque l’enfance. » « On voulait montrer aux enfants qu’ils ne sont pas obligés de suivre une voie classique » Maurad, 44 ans, à Pérols (Hérault) SPÉCIAL ÉTÉ 31 oldkeypdf


Ritchie (qui va lui coûter des dizaines de millions d’euros). À 50 ans, la chanteuse se trouve à un tournant de sa longue carrière, après en avoir atteint le sommet. Il estime que le mari de sa sœur est homophobe Christopher, son cadet de deux ans, a longtemps été le plus proche d’elle parmi ses cinq frères et sœurs. Il danse à ses côtés dès ses premiers succès, au début des années 1980, puis devient son directeur artistique à partir de 1990, contribuant à la mise en scène de ses tournées et de ses clips les plus emblématiques. Il la conseille également sur ses costumes et sur la décoration de son appartement new-yorkais. Bref, pour tout ce qui n’est pas directement lié à la musique, le jeune Ciccone est son homme de goût, son confident, son consigliere. Mais, au fil des ans, des divergences créatives et financières détériorent leur relation. Christopher se considère insuffisamment rémunéré et souffre de vivre dans l’ombre de la superstar. Il est tourmenté par certains souvenirs du passé, comme le choix de Madonna de s’allonger sur la tombe de leur mère (décédée très jeune d’un cancer, en 1963) dans le seul but de produire une belle image pour son documentaire In Bed with Madonna, en 1991. Un sacrilège aux yeux du cadet, qu’il taira cependant pendant des années. La première véritable brèche survient en août 2000, lors du mariage de Madonna et de Guy Ritchie, en Écosse. Christopher, ouvertement gay, n’apprécie pas certaines remarques de son beau-frère, qu’il juge homophobe, et reproche à sa sœur Clash chez les people (3/8). Dans la famille Ciccone, le cadet s’est senti trahi, au début des années 2000, par sa sœur, la Reine de la pop. Au point d’étaler ses états d’âme dans un livre-confessions sulfureux. PAR JACKY GOLDBERG. CHRISTOPHER, FRÈRE ENNEMI DE MADONNA A ppelle-moi. » L’email que Madonna envoie à son petit frère Christopher, en juillet 2008, trois semaines avant la publication de son livre sur la face sombre de la Reine de la pop, intitulé Ma sœur, la plus grande star du monde..., est aussi bref que cinglant. Ces quelques mots chargés de tension annoncent un point de nonretour dans leur relation déjà fragilisée par des années de distance. Christopher Ciccone, qui réside incognito dans un hôtel en Floride, ruminant sa vengeance, décide de ne pas y répondre. « Qu’elle aille au diable!»pense-t-il. Ce silence agace encore davantage la star, épuisée par une année particulièrement intense. Madonna vient d’être admise au Rock & Roll Hall of Fame Museum, a sorti son onzième album, Hard Candy, qu’elle s’apprête à promouvoir lors d’une tournée monumentale, et est en pleine négociation d’un divorce douloureux avec le réalisateur anglais Guy « 32 SPÉCIAL ÉTÉ oldkeypdf


Quand Madonna était au sommet de sa gloire, dans les années 1990, son jeune frère Christopher était son directeur artistique, mais aussi son confident. C’est lorsque la star s’est mariée avec le réalisateur Guy Ritchie que leur relation s’est dégradée. touché et juge le moment plutôt agréable, il perçoit cette démarche comme une tentative « calculée » de sa sœur. Malgré les menaces, les lettres d’avocats et l’intervention de leur père, Christopher Ciccone décide, deux ans plus tard, de vider son sac dans un livre explosif. La brouille est désormais publique. Dans Ma sœur, la plus grande star du monde..., il décrit cette dernière comme une femme machiavélique, tyrannique, égoïste, autoritaire et méchante. En plus d’être une mauvaise actrice. Au grand dam de la chanteuse, l’ouvrage connaît un certain succès, figurant dans la liste des best-sellers du New York Times, et suscite l’intérêt des médias – y compris en France, où Christopher est invitéàl’émission « On n’est pas couché », sur France 2. Certains voient en lui un traître cherchant à profiter de la renommée de sa sœur, lorsque d’autres saluent son courage de révéler la vérité derrière le glamour… Face aux accusations, Madonna demeure silencieuse – et continue de l’être aujourd’hui. La hache de guerre semble aujourd’hui enterrée En 2011, c’est Anthony, le frère aîné, qui s’épanche dans les médias pour dénoncer l’avarice de la Reine de la pop. SDF et alcoolique, celui-ci se plaint de ne jamais avoir reçu d’aide de sa « pétasse » de petite sœur, qu’il n’a, admet-il par ailleurs, jamais portée dans son cœur. Un constat discutable, puisque Madonna a tenté de venir à son secours en lui offrant une cure de désintoxication. En vain. Quand il meurt, en février 2023, d’un cancer de la gorge, sa sœur publie un post sur Instagram où elle le remercie de l’avoir « impressionnée quand elle était petite fille » et de lui avoir « apprisàpenser hors des clous ». Malgré les tumultes familiaux, la hache de guerre semble aujourd’hui enterrée entre Madonna et Christopher, pour le bien de leur père vieillissant. Longtemps honni par ses enfants, le patriarche Silvio, âgé de 92 ans, a réussi à les réunir autour de lui, pansant les blessures familiales. Une paix fragile s’est installée, marquant la fin des conflits publics et PHOT l’acceptation des différences. n O©KEVIN MAZUR/WIREIMAGE/GETTY de ne pas prendre son parti. L’année suivante, il apprend par voie de presse qu’il n’est plus son directeur artistique. À partir de ce moment, comme il le confiera, en 2008, au quotidien britannique The Guardian, « tout est devenu un peu flou, une période sombre et assez négative pour moi ». La rupture est consommée, mais elle reste encore cantonnée à la sphère intime. En 2006,Madonna tente de renouer avec Christopher en l’invitant à son concert à Miami pour son Confessions Tour. Elle lui dédie même une chanson. Mais il estime que c’est trop peu, trop tard. Même s’il est 33 oldkeypdf


PHOTO © PASCAL ITO/SP sur la rabane, ensablés et inutiles.Avantle grand départ, Maman blondissait ses cheveux et les raccourcissait. Le trajet était interminable, et quand, enfin, nous arrivions, Papa devait « passer au centre ». Maman se renfermait chaque fois que ces mots étaient prononcés. Elle plaquait son mouchoir brodé contre sa bouche, et déclarait: «Vas-y sans moi, je reste avec Gaston. » Nous prenions notre chambre tous les deux. Maman mettait un temps infiniàvider nos valises. Elle repoussait le moment de l’affronter. « Onyva?» Mon impatience finissait par avoir raison d’elle. La plage se situait à cinq minutes de marche. C’était le temps nécessaire à Maman pour se préparer à ces retrouvailles. Elle ne semblait ni m’entendre, ni me voir pendant ces cinq minutes. Nous trouvions Papa debout, une main en visière, etle garçon aux coquillages, accroupi, les mains dans le sable. Maman posait une main sur son crâne et disait dans un souffle : « Bonjour Olivier. » Lui fuyait son contact, d’un mouvement vif et léger, continuant de creuser. Il n’avait jamais un regard pour nous. J’installais mon seau près de lui. Je ne m’en souciais pas. « Dis bonjour à ton frère chéri », me sommait Papa. Et je récitais :«Bonjour mon frère. » Alors, comme en écho, une octave plus bas, le garçon aux coquillages répondait : « Bonjour-bonjour mon-mon frère-frère. » Il envoyait une pelletée de sable dans l’écume, puis tapait dans ses mains, et je l’imitais joyeusement.Maman, gênée, baissait les yeux. Il ramassait les coquillages par centaines, du matin au soir, et les disposait sur la grande serviette rose de Maman. Je l’aidais. De temps en temps, nos mains se frôlaient et il ne me repoussait pas. J’étais le seul dont il supportait le contact. Ses paumes étaient fraîches, fines et diaphanes. Il était d’eau et de sel, d’écailles et d’infini.Le soir,Maman m’entraînait derrière elle, pressée. Nous le laissions avec Papa, sans que je sache où il disparaîtrait. Papa nous retrouvait à l’hôtel, et nous dînions face à une piscine d’un bleu trop turquoise et sans nuances. Je l’imaginais sur la plage, rejetant à la mer ses coquillages, poussant un de ses rires de mouette, puis foulant l’écume, pas à pas, jusqu’à disparaître dans les flots. Il avait les yeux de l’océan, les cheveux de la couleur du sable et l’odeur du sel. Il ne pouvait venir que de là: des profondeurs les plus insondables. » n Pire, artificiel. Pour moi, il a toujours été le garçon aux coquillages. Il avait l’odeur de la mer, le regard insaisissable de l’océan, son rire était celui des mouettes. Il appartenait à cette baie, à ces vacances bercées par la galerne. Il était de cet autre univers, celui que j’entrevoyais trois semaines par an, en aoûttoujours, en compagnie de Papa et Maman qui étaient, alors, plus silencieux que d’ordinaire. C’était chaque année le même rituel : Papa remplissait des valises de nos vêtements. Mais aussi de cadeaux : macarons, madeleines et nougats, qu’il achetait à La Grande Épicerie de Paris. Les jouets, le garçon aux coquillages ne s’y intéressait pas. Ils restaient « Olivier. Son prénom, je l’ai si peu utilisé qu’il ne me semble pas naturel. La nouvelle (3/8). Chaque semaine, nous donnons carte blanche à un écrivain sur le thème des vacances d’été en famille. Mélissa Da Costa nous conte un mois d’août fait de retrouvailles étranges. Mélissa Da Costa Aussi discrète que prolifique, cette autrice, est un phénomène de librairie. Son sixième roman, Les Femmes du bout du monde, est paru chez Albin Michel. Une histoire de femmes en Nouvelle–Zélande. Une lecture d’été, à coup sûr! 34 SPÉCIAL ÉTÉ oldkeypdf


1. Fred, le papa overbooké Cet ostéopathe incarné par Éric Judor, très porté sur la vanne, adorerait que ses trois filles adaptent leurs humeurs et plannings à son histoire d’amour avec sa nouvelle petite amie. Elles n’en ont aucunement l’intention, et c’est l’inverse qui se produit. Son grand jeu? Les classer par ordre de « préférence » : « Tu redescends à la troisième place. » 3. Clara, l’aînée Militante écologiste convaincue et fille de Laurence, Clara (Liona Bordonaro) a 15 ans et rêve de voyages humanitaires au Maroc. Ses convictions très affirmées et son caractère rebelle donnent des maux de tête à son paternel, surtout quand il aggrave son cas en achetant un sapin en plastique pour Noël. Heureusement, elle peut toujours compter sur sa meilleure amie, Ouria (Jessyrielle Massengo). 4. Victoire, la cadette La fille de Marie-Ange, Victoire (Midie Dreyfus), a 12 ans. Méfiante, elle est persuadée que sa belle-mère se sert d’elle comme « cobaye » pour terminer sa thèse en psychologie de l’enfance. Passionnée de natation synchronisée, elle est aussi confrontée à une coach tyrannique. « Week-end Family », saisons 1 et 2 disponibles sur Disney+. Drôle de smala pour Éric Judor dans « Week-end Family » Clans en séries (3/8). Quinquagénaire parisien, Fred est père de trois filles, issues de mères différentes qui l’ont toutes quitté. Déjà dépassé par les revendications et les émois de ses enfants, qu’il garde les week-ends, ce papa poule blagueur tombe amoureux d’Emmanuelle, une Québécoise de passage à Paris. Difficile de concilier amour et vie de famille au XXIe siècle. PAR BENOÎT FRANQUEBALME. PHOTO © RUDY WAKS/DISNEY+/2021 6. Helena, 7. Marie-Ange, 8. Laurence, les ex Helena (Anabel Lopez), MarieAnge (Jeanne Bournaud) et Laurence (Annelise Hesme) ont chacune eu une fille avec Fred et ont chacune eu, un jour, une bonne raison de le quitter. Elles voient arriver Emmanuelle avec méfiance. À ne pas rater: le cinquième épisode de la saison 2, qui se concentre sur leurs rencontres respectives avec Fred. On y apprend que ce dernier portait à cette époque des dreadlocks et un bandana. 2. Emmanuelle, la nouvelle compagne Alors qu’elle ne devait faire qu’un bref passage à Paris, cette Québécoise s’y installe pour les beaux yeux de Fred. Emmanuelle (Daphnée Côté-Hallé) n’est pas encore mère, mais gère ses belles–filles et leurs mamans. Étudiante en psychologie de l’enfance, elle comprend que la théorie enseignée à la fac a peu à voir avec la vraie vie de belle-mère, rôle qui dissuaderait même la plus motivée d’enfanter à son tour ! 1 3 2 7 5 4 5. Romy, la petite dernière À 9 ans, Romy (Roxane Barazzuol) n’a pas la langue dans sa poche et veille jalousement sur son statut de benjamine. Elle vit mal le fait qu’Helena, sa maman, soit enceinte de son amoureux. Espiègle, elle transforme son goûter d’anniversaire de 10 ans en boum incontrôlable. 6 8 SPÉCIAL ÉTÉ 35 oldkeypdf


LA « FAUTE » DE L’ABBÉ DELARUE Un si lourd secret (3/8). Le curé de Châtenay, petit village d’Eure-et-Loir, disparaît dans la nuit du 24 au 25 juillet 1906. Si les autorités pensent d’abord à un meurtre, c’est finalement pour fuir avec sa maîtresse que l’homme s’est volatilisé. Cet amour défendu, un « péché » que la société de l’époque ne pouvait comprendre, marque de son tabou l’histoire familiale. PAR JULIEN SOLONEL. R econnaissables entre toutes, les lettres bleu, rouge, vert et jaune de Google s’affichent sur l’écran de l’ordinateur portable. Attablés en cette matinée de mai 2010 dans le salon d’un pavillon des environs de Libourne (Gironde), Thiébault Delarue, 49 ans, et son petit-cousin Cédric, 32 ans, comptent sur le géant d’Internet pour avancer dans leurs recherches généalogiques. L’oncle de Thiébault les a pourtant prévenus quand ils lui ont demandé de l’aide quelques années plus tôt:«On ne sait jamais si on a dans l’arbre de sa parentèle des Landru ou des saints. » Malgré cette fin de non-recevoir, les deux cousins sont déterminés à obtenir des informations sur leur énigmatique grandpère Delarue. Seul – et maigre – élément à leur disposition: selon une légende colportée dans la famille, leur aïeul aurait répondu en latin au prêtre venu lui donner l’extrême-onction le jour de sa mort, en mars 1963. « Il se disait aussi que des objets liturgiques avaient été retrouvés chez lui. Nous ne savions absolument rien d’autre », relate Thiébault treize ans plus tard. Au moment de taper « Joseph Delarue » dans la barre de recherche, celui qui est alors juriste dans l’administration est à mille lieues d’imaginer qu’il va exhumer un secret enterré depuis plus d’un siècle. Les deux cousins voient apparaître une kyrielle d’articles de presse du début du XXe siècle aux titres chocs : « La disparition de l’abbé Delarue », « Le mystère de Châtenay », « Les spirites à la rescousse »... En les parcourant, ils découvrent que, en 1906, leur aïeul était un prêtre au cœur d’un scandale retentissant, et qu’il a eu une fille dont personne ne sait rien. Pour Thiébault, « celaaété un énorme choc, une stupéfaction. Nous qui étions si discrets, une famille sans histoires, comme on dit… J’ai essayé d’en apprendre plus, sans résultat ». Un individu est inculpé pour assassinat Il lui faudra attendre 2021, et la parution du Roman vrai du curé de Châtenay (Ella Éditions), d’Alain Denizet, pour connaître enfin toute la vérité. Dans son livre, l’historien raconte par le menu la disparition soudaine de Joseph Delarue, abbé de cette petite commune d’Eureet-Loir, le 24 juillet 1906. Nous sommes sept mois après l’adoption de la loi de séparation des Églises et de l’État. Comment un prêtre modèle, apprécié autant par ses ouailles que par ses supérieurs, a-t-il pu se volatiliser? Le sujet passionne une France secouée par l’affrontement entre cléricaux et anticléricaux. Rapidement, le fait divers fait les gros titres des quotidiens nationaux, qui tirent à l’époque à plusieurs millions d’exemplaires. Les journaux reconstituent précisément l’emploi du temps de l’abbé. Parti pour affaires à Paris le 23 juillet, il revient à Étampes par le train le 24, récupère son vélo à la consigne de la gare. Puis, après un dîner chez une fidèle âgée, enfourche sa bicyclette pour regagner son presbytère, à 20 kilomètres. C’est là, dans la nuit, que l’on perd sa trace. Lesrecherchesofficielless’avèrentdifficiles.On croit voir le disparu partout:àParis, consultant l’indicateur des chemins de fer, à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), avec une femme et vêtu d’un costume de cycliste, ou même à PHOTOMONTAGE © COLLECTION PERSONNELLE/DR - ILLUSTRATION © DÉBORAH ROUSSEAUX 36 SPÉCIAL ÉTÉ oldkeypdf


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Oran (Algérie), en tenue de légionnaire. Le 7 août, LePetit Parisien annonce que son chapeau a été retrouvé non loin d’Étampes (Essonne) et portant des traces de sang. Pour beaucoup, plus de doute, l’ecclésiastiqueaété victime d’un crime crapuleux. L’affaire prend alors une tournure rocambolesque. Lancés dans une course au scoop, les titres de presse se livrent à une surenchère pour garder leurs lecteurs en haleine. Le 12 août 1906, Le Matin met le visage à la mâchoire carrée de l’abbé en une, et promet « 1000 francsàcelui qui nous le retrouvera ». Quelques jours plus tard, le traitement médiatique franchit une nouvelle étape lors de ce qu’Alain Denizet appelle « la semaine grand-guignolesque ». Pour dénicher le cadavre du curé, des journaux font venir des devins hindous – et même une hyène ! – dans la campagne eurélienne. Sans succès. Mi-septembre, l’instruction fait enfin une avancée décisive. Après une déposition tardive, un individu est inculpé pour assassinat. L’affaire est close. Le 24 septembre, deux mois jour pour jour après qu’il s’est évanoui dans la nature, une cérémonie funèbre a lieuàl’église de Châtenay, en hommage au regretté abbé Delarue. « Notre lignée a toujours vécu dans la honte » À l’heure même où on l’enterre, l’homme d’Église ressuscite à Bruxelles. Il se présente en tenue civile dans un commissariat de la capitale belge, où il s’était enfui avec Marie Frémont, l’institutrice du village, sa maîtresse, enceinte de six mois. Un prêtre qui fugue pour un amour défendu! En une semaine, la nouvelle occupe 60 fois la une des quinze principaux journaux français. Les titres « laïcards » jubilent, les caricaturistes s’en donnent à cœur joie. « Le scandale a été retentissant, même la presse internationale s’y est intéressée », rappelle Alain Denizet. Pendant trois ans, le professeur agrégé d’histoire a notamment ratissé les archives diocésaines et celles des jésuites de Vanves (Hauts-de-Seine). Il y a retrouvé des correspondances privées, dont quelques lettres du curé à sa dulcinée. « Leur parcours est presque tragique, puisque le couple s’est séparé, sous la pression de l’Église, deux semaines avant l’accouchement.À partir de là, Joseph Delarue ne verra plus Marie Frémont. Il ne rencontrera jamais sa fille, Jeanne, qu’il appelle “mon petit chérubin” dans ses courriers », souligne l’historien, ému. Contraint par sa hiérarchie de partir expier sa faute sous une fausse identitéàl’abbaye de Bonnecombe (Aveyron), puis dans un monastère en Espagne, il finit par renoncer à la soutane en 1917, pour se marier avec une autre femme, Marthe P., qui lui donnera trois nouveaux enfants : Jean, Jeanine et Henri. Marie Frémont, elle, épouse en 1909 Gabriel Droal, un ancien marin au long cours qui reconnaît Jeanne comme sa fille légitime. Ils auront ensemble deux fils. Quand il referme le récit d’Alain Denizet, Thiébault Delarue, le fils d’Henri, comprend enfin d’où venait ce poids sur ses épaules. « Notre lignéeatoujours vécu dans la honte. Comme si une faute avait été commise, dont À L’HEURE MÊME OÙ ON L’ENTERRE, L’HOMME D’ÉGLISE RÉAPPARAÎT À BRUXELLES, OÙ IL S’ÉTAIT ENFUI AVEC SA MAÎTRESSE, L’INSTITUTRICE DU VILLAGE, ENCEINTE DE SIX MOIS 38 SPÉCIAL ÉTÉ oldkeypdf


Saint-Laurent-du-Var. Dans son enfance, elle ne se pose pas de questions sur cette grand-tante qui adore les enfants, mais n’enapas eu. Lorsque la descendante de Marie Frémont se lance, à 40 ans, dans la création de son arbre généalogique, sa mère, gênée, lui révèle que son arrière-grand-mère a eu une relation avec un curé. Mais dit ne pas connaître son nom. Pour la thérapeute, qui en entend beaucoup dans les murs de son cabinet, c’est là « le propre du secret de famille : on n’en parle pas. Par honte, pour la protéger... Mais c’est ça qui fait du mal. Car, malgré tout, le secret suinte. Jusqu’à ce que quelqu’un le mette au jour ». Là aussi, c’est le livre d’Alain Denizet qui a permisàSylvie de combler les vides de la biographie familiale. « Il m’a beaucoup touché, car il m’a fait ressentir la souffrance de mon arrière-grand-mère en tant que femme, et aussi celle de Joseph. Ils se sont aimés, vraiment. J’ai ressenti leur tristesse, leur déception, l’emprise de l’Église. » Après la parution de l’ouvrage, en 2021, les descendants de Joseph Delarue et de Marie Frémont se sont contactés. « C’est un dénouement totalement inattendu et une aventure humaine extraordinaire », reconnaît l’auteur, qui a intégré leurs témoignages dans une édition enrichie de son livre. Le 24 septembre prochain, quelques-uns d’entre eux, parmi lesquels Thiébault Delarue et Sylvie Gerbault, se rencontreront lors d’un pique-nique à Ymonville, le lieu de naissance de l’abbé, en Eure-et-Loir. Alain Denizet, qui a permis de renouer le fil défait il y a plus d’un siècle entre les deux branches de la famille, figure évidemment parmi les invités. n « Le Roman vrai du curé de Châtenay, 1871-1914 », d’Alain Denizet, Ella Éditions, 380 p., 22,50 €. www.alaindenizet.fr nous devions nous cacher », se souvient le petit-fils du curé. Qui remarque que beaucoup de ses aïeuls ont choisi des métiers du social: sage-femme, assistant social, syndicaliste… « On sauve le monde, nous! Comme s’il fallait compenser l’écart de l’abbé Joseph », interprète-t-il. Pour lui, le livre rétablit la vérité, celle « d’une belle histoire d’amour, une passion, qui se termine mal à cause de l’institution religieuse ». Thiébault voit alors sa propre existence sous un nouveau jour. « Je suis issu d’un milieu très catholique. Je suis homosexuel, et je ne pouvais pas vivre mes amours à cause de la morale religieuse. J’ai fait le parallèle avec mon grand-père, et je me suis senti en connivence avec lui », se livre cet ancien novice dans un monastère, dont le rapport à l’Église a«profondément changé »àla suite de ces révélations. « C’est une aventure humaine extraordinaire » A contrario, cette histoire a conforté Sylvie Gerbault dans son rejet de « toute forme de prêt-à-penser ». Cette psychothérapeute de 65 ans est l’arrière-petite-fille de Marie Frémont, l’institutrice de Châtenay. Elle n’a aucun souvenir de son aïeule, décédée en 1961, alors qu’elle avait seulement 2 ans. Mais garde en mémoire les bons moments passés avec sa grand-tante Jeanne – le « petit chérubin » de l’abbé. Les châteaux de sable, les déjeuners du dimanche, les vacances d’été à Saint-Palais (Pyrénées-Atlantiques)… « Quand j’avais 4 ans, ils m’ont emmenée avec son mari à la montagne, à la Chapelle d’Abondance (Haute-Savoie), pour soigner mes angines à répétition. Nous étions dans un hôtel, j’étais la petite reine, c’était merveilleux », raconte, en visioconférence, Sylvie, sourire aux lèvres, depuis sa maison de L’ancien abbé Joseph Delarue (photo de gauche, au centre), ici à la fin des années 1950, a finalement épousé Marthe (à dr.), qui lui a donné trois enfants, dont Henri (à gauche). Mais son histoire d’amour avec Marie est à l’origine de nombreuses caricatures (photo de dr.). PHOTOS © COLLECTION PERSONNELLE DR 39 oldkeypdf


L ’heure est à l’apéro, sous le soleil déclinant du Sénégal. Clothilde, enseignanteàParis, la quarantaine, a suivi son mari Jean pour des vacances chez son beaupère.Michel, 70 ans passés,afait fortune dans les affaires en France et vit désormais en Afrique, avec sa femme, plus de six mois de l’année. « Pour payer moins d’impôts et profiter à peu de frais des services d’employés de maison », fanfaronne le retraité, qui répète à l’envi qu’il se sent plus en sécurité ici que dans l’Hexagone. Pour la dernière soirée du séjour, Clothilde voulait aller à la plage mais, sans prévenir, beau-papa a convié des voisins, de riches expatriés comme lui. Impossible de s’éclipser. Alors, Clothilde a choisi de rester positive. Sous un parasol, elle boit du soda, déguste des verrines et échange avec l’invité à côté d’elle. Discussion conviviale mais sérieuse : la France, les arguments en faveur de l’expatriation… Peu à peu, la conversation dévie sur le terrain miné des liens entre immigration et délinquance. « De toute façon, toi, on sait ce que tu penses », interrompt soudain Michel, qui écoutait jusque-là en silence, assis sur sa chaise de jardin. « On n’enajamais parlé ensemble », se défend Clothilde. La bru s’est justement imposé une règle : ne pas discuter politique avec son beau-père. Trop risqué. Elle s’agace de la propension du patriarche à mettre les gens dans des cases. Pour lui, tous les fonctionnaires sont de gauche et votent Anne Hidalgo. Devant la petite assemblée, sur la terrasse de sa belle ILLUSTRATIONS © FREEPIK.COM Prise de bec (3/8). En vacances au Sénégal chez son beau-père, Clothilde se trouve coincée dans une discussion politique qu’elle voulait éviter… et le ton monte. PAR BENJAMIN JÉRÔME. demeure, il s’entête : « Je sais ce que tu penses », obligeant son fils Jean à réagir, lui qui évite en général d’affronter son père. « Vous me traitez de menteur? » s’échauffe le retraité. Il décide toujours de tout pourtout le monde Pas besoin d’être au Sénégal pour que l’ambiance soit bouillante entre l’enseignante au caractère affirmé et son beau-père « vieille école ». Lui a grandi dans le respect des anciens : défense de couper la parole aux aînés et interdiction de les contredire. À la tête de son entreprise, ce patron dirigeait des centaines de personnes. D’ailleurs, il décide toujours de tout pour tout le monde, louant des villas pour les vacances ou réservant des restaurants sans vérifier d’abord la disponibilité de ses proches. Après tout, c’est lui qui paie. À ses deux fils de se débrouiller pour être là. Michel a aussi imposé des invités à leurs mariages respectifs, qu’il a financés en partie. Il n’y a que Clothilde pour s’agacer. Mais le patriarche estime que, là, c’en est trop. Lui, un menteur ? Il se lève, empoigne sa chaise dans un geste théâtral et contourne la table basse où attendent des petits fours auxquels personne n’ose plus toucher. « De toute façon, elle n’a jamais pu me blairer », lâche-t-il,àla façon d’un enfant vexé, avant de se rasseoir le plus loin possible d’elle. Michel n’adressera plus la parole du repas à son fils ni à sa bru. Il boude. n « VOUS ME TRAITEZ DE MENTEUR? » 40 SPÉCIAL ÉTÉ oldkeypdf


guide de l’été SORTIES BALADES ADRESSES FOOD TOURISME FORME PHOTO © NIGOLAND/SP 1 COUP DE CŒUR LOISIRS À NIGLOLAND, ON A LE SENS DE L’ATTRACTION ! Ils s’appellent Niglo et Niglotte. Avec leurs bouilles rigolotes, les deux mascottes de Nigloland donnent le ton de ce parc de loisirs 100 % familial. Situé au cœur de la forêt d’Orient, dans l’Aube, il a été élu Meilleur parc d’attractions de France en 2022. Les attractions spectaculaires, du Donjon de l’extrême, façon chute libre, aux Chaises volantes, réparties sur quatre villages thématiques, ne manquent pas. Le point fort ? Les montagnes russes,ycompris en version aquatique (Krampus Expédition) ou l’attraction spécial juniors Noisette Express. Dans cet espace verdoyant et fleuri de 45 hectares, les enfants sont d’ailleurs à la fête avec quantité de manèges et d’expériences uniques, comme Le Voyage en montgolfières. Cette année, il serait dommage de passer à côté de la balade musicale et parfumée qu’offrent les flots tranquilles de la Rivière des fées. Entièrement rénovée, elle clôt la journée en beauté. Isabelle Calabre Dolancourt (Aube). www.nigloland.fr 41 oldkeypdf


PHOTOS © ALEXKITESURF.COM, VINCENT BRAMARY/SP, UNIVERSAL PICTURES LE COIN DES ENFANTS MONTER À BORD D’AVIONS DE LÉGENDE Tout près de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, le musée Aeroscopia dévoile une collection d’avions remarquable. L’occasion de pénétrer dans le cockpit du mythiqueConcorde, de grimper dans un cargo Super Guppy et de découvrir l’univers de la construction aéronautique à bord d’un A380. Le plus ? Son circuit famille, très ludique. Ingrid Pohu Aeroscopia, Blagnac (Haute-Garonne). www.aeroscopia.fr 4 GRAND ÉCRAN « OPPENHEIMER » En février 1943, Robert Oppenheimer, un scientifique de génie au tempérament imprévisible, est engagé par l’armée américaine pour concevoir l’arme nucléaire. Qui était vraiment cet homme mystérieux, connu pour ses sympathies communistes et qui, après la guerre, a subi les foudres du maccarthysme ? Le talentueux Christopher Nolan (Interstellar, Tenet) tente de répondre à la question dans ce foisonnant biopic de trois heures où, fidèle à lui-même, il mélange les époques et les registres : la politique, la science, l’Histoire, l’intime… Portée par l’excellent Cillian Murphy (photo), dans le rôle principal, cette superproduction ambitieuse, malgré ses outrances, passionne de bout en bout. Olivier De Bruyn Biopic de Christopher Nolan, États-Unis (3h01). Avec Cillian Murphy, Emily Blunt, Matt Damon… 3 ON PREND L’AIR DU KITESURF DANS LE BASSIN D’ARCACHON La petite ville de Gujan-Mestras (Gironde) est la capitale ostréicole du bassin d’Arcachon, mais elle est aussi célèbre pour ses sept ports pleins de charme, qui se succèdent en enfilade, et ses paysages entre mer et forêt. Bordée de tamaris et de pins francs, sa plage de la Hume est un spot réputé pour les kitesurfeurs. Débutants et plus expérimentés, locaux et vacanciers s’y rendent toute l’année, sauf au mois d’octobre, lors de la chasse aux oiseaux marins. Ce plan d’eau tranquille, à l’abri des vagues, donc moins dangereux que l’océan, est apprécié pour ses vents de secteur nord, très favorables. Autre avantage : les baigneurs se font rares, rebutés par le sol vaseux. On peut avoir pied sur plus de 1 kilomètre, pratique pour faire décoller sa voile en toute sécurité. Place ensuite à la vitesse, aux sauts et aux figures dans un cadre de toute beauté! Clémence Levasseur Gujan-Mestras (Gironde). Cours et stages de kitesurf de tous niveaux à partir de 14 ans. www.alexkite.com 2 42 ENVIES oldkeypdf


L’EXPO DE LA SEMAINE « MAX ERNST » L’exposition estivale de l’Hôtel de CaumontCentre d’art, situé au cœur d’Aix-en-Provence, est consacréeàMax Ernst (1891-1976), un artiste d’une grande polyvalence. Peintre et sculpteur né en Allemagne, il est lié au mouvement dada, et au surréalisme d’André Breton, dont il fut l’un des premiers membres. Cette double filiation explique son rapport expérimental à la création. Adepte du collage, il invente le frottage, qui consiste à passer une mine de plomb sur un papier lui-même posé sur une surface rugueuse. Cette technique lui permet de réaliser des paysages et des animaux aux formes inattendues. Près de 120 œuvres illustrent les grands thèmes qui l’ont habité : l’amour (Deux jeunes filles en de belles poses), la métamorphose, les mythes et la littérature (Œdipus Rex, photo), les quatre éléments (l’eau, la terre, l’air et le feu)… Plus qu’un terrain de jeu, l’art est pour Ernst une révolution, un monde perpétuellement en train de se réinventer. On quitte le parcours émerveillé. Sarah Belmont Jusqu’au 8 octobre à l’Hôtel de Caumont-Centre d’art, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). 5 COMME UN TOURISTE MARCHER AVEC UN ÂNE DANS LES CÉVENNES Le GR70, qui s’étend sur 272 kilomètres du Puy-en-Velay (Haute-Loire) à Alès (Gard), est un chemin mythique de randonnée. Il suit le trajet qu’avait parcouru Robert Louis Stevenson, l’auteur de L’Île au trésor, en 1878. On peut revivre cette épopée tout entière – en traversant les paysages volcaniques du Massif central, les forêts du Gévaudan, les Cévennes profondes… –, ou par tronçons. Mais toujours avec un âne. En espérant qu’il sera plus docile que Modestine, l’ânesse qui accompagnait l’écrivain écossais. Gwénaëlle Loaëc www.chemin-stevenson. 6 PHOTOS © COLLECTION PARTICULIÈRE, SUISSE, DR © ADAGP, PARIS 2023, VANESSA CHAMBARD/LPM 43 oldkeypdf


ROYAL Les jeudis, vendredis et samedis soir, au Trianon Palace, le chef Frédéric Larquemin propose, sur la terrasse jouxtant le château de Versailles, un superbe barbecue. On y déguste légumes et fruits de mer avec, entre autres, gambas, poulpes et brochettes végétariennes (menu 65 euros). 1, boulevard de la Reine, Versailles (Yvelines). SYMPATHIQUE Direction l’hôtel Le Donjon, à Étretat. Son restaurant, le Bistrot Saint Clair, organise un barbecue en terrasse, les samedis et dimanches midi, où l’on se régale, en toute simplicité, de brochettes de bœuf mariné, de poitrine de cochon confite ou de poissons entiers (plats de 23 à 28 euros). Chemin de Saint-Clair, Étretat (Seine-Maritime). BUCOLIQUE C’est sous les glycines que Christophe Chiavola, nouveau chef du Prieuré Baumanière, à Villeneuve-lèsAvignon, cuisine, dans une ambiance bistrot, du jeudi au lundi. Au menu, pour le déjeuner, viandes maturées, poissons sauvages, coquillages et légumes (comptez 60 euros). R. D. 7, place du Chapitre, Villeneuve-lès-Avignon (Gard). PHOTOS © EMANUELA CINO ET VALÉRY DROUET , SP - PICTO © PCHVECTOR_FREEPIK.COM L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION. 3 ADRESSES pour un barbecue 7 LA BOUTEILLE DE LA SEMAINE Parmi les côtes-de-provence rosés, ceux élaborés sur les rivages de la Grande Bleue se distinguent par la fraîcheur de leurs arômes fruités. Ils affichent aussi, le plus souvent, une salinité qui en fait des vins particulièrement gourmands, toujours très agréables avec la cuisine estivale. Cette excellente cuvée produite par le Domaine La Courtade, situé sur la magnifique île de Porquerolles (Var), en est le parfait exemple. L’été est le moment idéal pour visiter les lieux, en réservant sur Lacourtade.com. Ce sera peut-être aussi l’occasion de découvrir la Fondation Carmignac, consacrée à l’art contemporain. Installée juste à côté, elle appartient au même propriétaire. Rémi Dechambre Rosé Les Terrasses de La Courtade 2022, Domaine La Courtade, 17 €. 8 C’EST DE SAISON LE TABOULÉ, UN RETOUR AUX SOURCES Aujourd’hui encore, le chef libanais Alan Geaam, 49 ans, s’amuse de sa réaction lorsque, à son arrivée en France, il y a un peu plus d’une vingtaine d’années, il a découvert cette salade de semoule que l’on vend sous le nom de taboulé. « Le “taboulé à l’orientale” que l’on trouve ici est probablement une création française mâtinée d’influences maghrébines. Et n’a vraiment rien à voir avec ce que l’on connaît au Liban. J’en avais été tellement étonné que j’avais appelé ma mère pour lui en parler!» On ne le sait pas forcément, mais c’est dans une région qui engloberait aujourd’hui le Liban, la Syrie, la Jordanie et la Palestine qu’est né le taboulé. Son nom vient d’ailleurs du verbe arabe tabbala, signifiant«assaisonner ». Là-bas, la popularité de cette recette est due à sa richesse aromatique, mais elle n’en est pas moins facile à réaliser, selon notre expert. Pour cela, il suffit de hacher au couteau une grosse botte de persil plat et quelques feuilles de menthe, d’y ajouter une belle tomate bien mûre, coupée en petits dés, ainsi qu’un oignon nouveau ciselé. On mélange ensuite le tout en incorporant une cuillère à café de préparation « sept épices » et une cuillère à soupe de boulgour. Puis, juste avant de servir, on y verse deux cuillères à soupe d’huile d’olive et le jus d’un citron, on sale, on poivre, et on mélange bien le tout une dernière fois. Pour finir avec une touche personnelle, le chef aime parsemer celui qu’il propose dans ses bistrots Qasti, à Paris (3e ) et Marseille (7e ), de graines de grenade, et le décorer de quelques feuilles de sucrine (photo). Fraîcheur et authenticité garanties ! R. D. 9 44 ENVIES oldkeypdf


PHOTOS © SP OÙ ACHETER ? UN FAUTEUIL DE CAMPING Initialement conçu pour les campeurs, le fauteuil pliable fait également le bonheur des pêcheurs, des boulistes ou encore des spectateurs plantés le long des routes pour attendre le peloton du Tour de France. Les années passant, il a su trouver sa place dans le quotidien des Français durant les vacances, et séduit désormais un large public. Chez Decathlon, c’est l’un des produits stars de l’été. Son succès s’explique par son prix très abordable (18 euros, photo, modèles bleus) et son côté fonctionnel : il est facile à ranger dans le coffre d’une voiture, très léger, et doté d’un porte-gobelet intégré. A. A. 11 130 rue du Faubourg Saint-Honoré, Paris 8 canada-culture.org Miromesnil / St. Philippe du Roule EXPOSITION / EXHIBITION JUSQU’AU 14 NOVEMBRE 2023 UNTIL NOVEMBER 14, 2023 Emmanuelle Léonard LE DÉPLOIEMENT DEPLOYMENT 10 L’OBJET DU DÉSIR LE PANAMA Ce couvre-chef synonyme d’élégance et de décontraction est issu d’un savoir-faire artisanal, car entièrement réalisé à la main, à partir de fibres d’une variété de palmier cultivée sur la côte équatorienne, d’où il tient ses origines. Contrairement à ce que son nom laisse penser, le Panama vient donc d’Équateur. Après avoir protégé les ouvriers pendant la construction du canal du même nom, il fait son apparition en Europe lors de la première Exposition universelle française, à Paris, en 1855. Souvent imité, le modèle original se reconnaît à la rosace formée sur le dessus au début du tissage. Chez le chapelier Courtois Paris, de nombreux modèles, tel le Riobamba (photo, 260 euros), sont ainsi fabriqués selon la tradition. Airy Aubry oldkeypdf


L’été est la saison idéale pour s’entraîner dans l’eau. En bassin ou dans la mer, cette activité permet de garder la forme et de tonifier l’ensemble de ses muscles, en douceur et sans risquer de se blesser. PAR GEORGIA DIAZ. C’est l’heure de l’aquagym ! modalités d’une préparation physique aquatique ». Les principaux avantages de l’aquagym?«Elle s’adapte à tout type de profil, poursuit-il, et, grâce aux propriétés de l’eau, elle limite les risques de traumatisme. » Car un corps immergé jusqu’au cou ne pèse que 10 % de son poids sur terre. Dans l’eau, toujours, le corps refroidit bien plus vite. Il dépense donc plus d’énergie pour se maintenir à 37 °C. Et, parce que le liquide est 800 fois plus dense que l’air et qu’il oppose donc plus de résistance, l’intensité de chaque exercice est accrue, alors même que la sensation d’effort est atténuée, notamment parce qu’on ne sent pas que l’on transpire. En bonus, nos mouvements dans l’eau font office de massages, favorisant ainsi le retour veineux et lymphatique. Pas besoin de savoir nager, ni d’être très à l’aise dans l’eau Petit footing, séries de fentes, de sauts, de pas chassés, de montées de genoux ou de talons-fesses sont autant d’exercices faciles à réaliser en milieu aquatique pour travailler le bas du corps. Ils peuvent être « couplés à des mouvements de bras, de type brasse ou extension vers le ciel », détaille Loïc Martini. L’usage de frites de piscine se révèle utile pour tonifierles abdominaux. Glissez-les sous vos bras pour assurer votre flottaison en position assise, suspendu(e) dans l’eau. Montez ensuite les genoux au niveau de la poitrine, puis allongez les jambes devant vous et enchaînez les flexions-extensions : effectuez quatre séries d’une minute, entrecoupées de trente secondes de récupération. « Veillez à garder le dos droit et à maintenir une légère rétroversion du bassin (pubis vers l’avant, NDLR) afin de protéger vos lombaires », reprend le coach. Installé au Pradet, dans le Var, Loïc Martini précise que l’aquagym peut se pratiquer sans savoir nager, ou sans être très à l’aise dans l’eau, puisque l’on a toujours pied. Enmer,l’effort sera plus intense car la densité de l’eau salée – et donc la résistance opposée aux mouvements – est supérieure. Et, sur le sable, les appuis sont moins stables. n L’usage de frites de piscine peut se révéler utile, notamment pour travailler les abdominaux. PHOTO © PL PROD/GETTY/ISTOCK M usculation, cardio, coordination, équilibre et mental. L’aquagym, malgré son image de sport consacré à la rééducation ou à la récupération des sportifs, permet de tout travailler », lance d’emblée Loïc Martini. En 2012, alors étudiant en Staps, ce maîtrenageur sauveteur, devenu ambassadeur de la marque Decathlon Aquafitness, avait d’ailleurs consacré un mémoire de recherche aux « intérêts et 46 FORME oldkeypdf


EN VOYAGE COMME À L’ÉCRAN Qui n’a jamais rêvé de se rendre en pèlerinage sur les lieux qui ont inspiré un dessin animé culte, de s’imprégner de l’ambiance de sa série préférée ou de rejouer la scène d’un film d’anthologie ? Nous avons sélectionné cinq destinations pour surfer sur la tendance nostalgique du ciné-tourisme. PHOTO PAR AIRY AUBRY ET ÉRIC DELON. © ANTFOTO/GETTY/ISTOCK TOURISME 47 oldkeypdf


Espagne GOÛTER À L’ATMOSPHÈRE DE « GAME OF THRONES », DANS L’ARÈNE D’OSUNA Pour revivre l’une des scènes fortes de la série Game of Thrones, direction Osuna, dans le sud de l’Espagne, à 90 kilomètres de Séville. C’est ici que la princesse Daenerys Targaryenachevauché son dragon pour survoler les arènes de la ville, dans un épisode culte de la saison 5. L’édifice de 48 mètres de diamètre peut accueillir jusqu’à 6500 personnes sur ses gradins en pierre de taille (photo). Juste à côté, il fait bon se balader à travers les allées du luxuriant parc San Arcadio, pour découvrir la diversité de la flore méditerranéenne et s’arrêter quelques minutes devant les fontaines centrales, aux bassins décorés de céramique. Non loin, le restaurant Casa Curro propose un large choix de délicieuses tapas à un excellent rapport qualité-prix. Plaza de Toros de Osuna, calle Lantejuela, 8 . Parc San Arcadio, calle Alfonso XII . Restaurant Casa Curro, plaza Salitre, 5. PHOTOS © O.T/SP, F11PHOTO/GETTY/ISTOCK, PHOTO12, T. SASAKI/GETTY/ISTOCK, J. HOWARD/BAUER-GRIFFIN/SHUTT/SIPA, MHFOREPHOTOGRAPHY/GETTY/ISTOCK, T. STEINHAUS (JACOBSSALON PHOTOS)/GETTY/ISTOCK Suède DÉCOUVRIR LES FAÇADES COLORÉES DE « KIKI LA PETITE SORCIÈRE », À STOCKHOLM Sorti en 1989,Kiki la petite sorcière (photo du bas) est le cinquième film du maître de l’animation japonais Hayao Miyazaki. Pour le décor, il s’est inspiré du centre historique de la capitale suédoise, dont la place Stortorget et ses bâtisses aux façades colorées sont mondialement connues. On arpente le dédale de ruelles pavées qui l’entoure, et on découvre le charme d’une ville aux bâtiments chargés d’Histoire. Parmi les incontournables, le Palais royal, le musée du Prix-Nobel et la somptueuse église allemande Tyska Kyrkan (photo du haut, à gauche). La rue qui porte son nom regroupe de nombreuses boutiques d’antiquités, des friperies, mais aussi des cafés où il fait bon prendre un verre. Enfin, pour vivre une expérience culinaire suédoise, le restaurant Den Gyldene Freden nous transporteàune autre époque. C’est le plus ancien établissement de Stockholm, et on peut y déguster les mythiquesKöttbullar, des boulettes à base de bœuf, un classique! Église Tyska Kyrkan, Svartmangatan, 16. Den Gyldene Freden, Österlanggatan, 51. 48 TOURISME oldkeypdf


États-Unis MONTER LES MARCHES DU FILM « JOKER », À NEW YORK Arrivé à New York, entrez, sur votre appli Citymapper, l’adresse West 167th Street. Vous vous retrouverez au nord de la ville, dans le quartier du Bronx, l’un des cinq arrondissements de Big Apple, berceau de la culture hiphop. Devant vous, un escalier de 132 marches s’élance vers le ciel (à dr.). C’est ici qu’une scène culte du film Joker(2019) fut tournée. Celle où le comédien Joaquin Phoenix (ci-contre.) se lance dans une danse endiablée! Soyez patient, car le lieu est pris d’assaut par les touristes. À vingt minutes à pied de là, les fans de base-ball feront une halte devant le mythique Yankee Stadium, sur les bords de l’East River, face à l’île de Manhattan. Puis vous profiterez des nombreux parcs du quartier en vous baladant dans le jardin botanique de la ville. Fondé en 1891, il est l’un des premiers du genre dans le pays. Yankee Stadium, 1E 161st Street. Jardin botanique, 2900 Southern Boulevard, Bronx. www.nyctourism.com Thaïlande DÉGUSTER UNE NOIX DE COCO SUR LE SABLE DE « LA PLAGE », À MAYA BAY Après quatre années de fermeture, à cause du tourisme de masse, la baie de Maya, sur l’île thaïlandaise de Koh Phi Phi, est de nouveau accessible en long-tail boat (photo), un bateau à longue queue typique du pays. On se remémore alors la scène du film La Plage (2000), lorsque Leonardo DiCaprio, Virginie Ledoyen et Guillaume Canet découvrent cet endroit paradisiaque. Selon des règles strictes – huit embarcations par heure maximum –, on peut redécouvrir la faune et la flore sous-marine tels des coraux ou un crabe très rare, le pu kai, qui avait totalement disparu. Et pour admirer ce paysage à couper le souffle, on se pose sur le sable blanc à l’ombre d’un cocotier, afin de déguster un fruit fraîchement préparé par le capitaine du bateau. www.getyourguide.fr Angleterre EXPLORER L’UNIVERS DE LA SÉRIE « PEAKY BLINDERS », À BIRMINGHAM La gigantesque métropole de Birmingham (Midlands de l’Ouest), au cœur de l’Angleterre, n’était guère prisée des touristes avant le succès de la série Peaky Blinders, qui narre les tribulations d’un gang de malfaiteurs au sortir de la première guerre mondiale. Pour se mettre dans l’ambiance, on prend une pinte au Spotted Dog, un pub pittoresque près du quartier de Small Heath, où résident les membres de la famille Shelby, les héros. Puis l’on se dirige vers celui de Digbeth, à l’ambiance bohème, réputé pour son art urbain, et notamment sa mosaïque à la mémoire de John Fitzgerald Kennedy. Et que dire de l’architecture futuriste du Bullring Shopping, un centre commercial sorti de terre en 2003! On finit nos déambulations le long du canal Old Line (photo), dans les quartiers ouest. Spotted Dog, 104 Warwick Street, Digbeth. Bullring Shopping Center, Moor Street. 49 oldkeypdf


PHOTOS © RITA SCAGLIA, CÉCILE GABRIEL, DARGAUD, J.-L. FROMENTAL-J.-L. BOCQUET-J. DE LOUSTAL/DARGAUD- PLANCHE © DARGAUD Durant l’été, nous publions des extraits inédits d’albums à paraître en librairie. Cette semaine, un roman graphique revient sur la vie de Georges Simenon, auteur belge célèbre pour son personnage du commissaire Maigret, au moment où il s’installe à Paris avec sa femme durant les Années folles. PAR BENJAMIN JÉRÔME. Les folles années de jeunesse de Simenon E n 1923, le journaliste Georges Simenon épouse à Liège Régine Renchon, dite Tigy, une jeune fille bien née qui se rêve peintre. Très vite, le couple emménage dans le Paris des Années folles, et fait la fête jusqu’à l’aube dans les boîtes de Montparnasse. Pour vivre, Tigy vend ses toiles et Georges publie des contes semi-érotiques ou des histoires d’aventures, qu’il écrit à la chaîne, d’abord dans une chambre d’hôtel, puis dans un petit appartement de la place des Vosges. Bientôt, il est assez à l’aise pour financer la construction d’un bateau, L’Ostrogoth. C’est à son bord que Simenon écrira les premières enquêtes de Maigret. Connu dans le monde entier pour ce personnage de commissaire bourru, le Belge Georges Simenon (1903-1989) a publié plus de 350 romans sous son nom, ou l’un de ses 27 pseudonymes. Dans L’Ostrogoth, à paraître le 6 octobre, un duo de scénaristes chevronnés, JeanLuc Fromental, 72 ans, et JoséLouis Bocquet, 60 ans, revient sur la jeunesse de l’écrivain, avec l’aide et la bénédiction de son fils, John Simenon. « Il connaît la voix de son père. Et sait comment il parlait et pensait, raconte Jean-Luc Fromental, passionné par l’auteur belge. Il a apporté un élément de vérité que l’on n’aurait pas pu avoir sans lui. C’était comme travailler avec le fantôme de l’écrivain. C’était jouissif. » Le dessin de cet épais roman graphique a été confié à Jacques de Loustal, 67 ans. L’illustrateur au style très reconnaissable, avec des personnages aux contours épais et noirs, a d’ailleurs illustré nombre de rééditions de Simenon. Huit adaptations sont déjà prévues L’Ostrogoth n’est pas la seule bande dessinée consacrée au maître du polar. Avec l’éditeur Dargaud, Jean-Luc Fromental et José-Louis Bocquet se sont mis en tête d’adapter plusieurs livres du Belge, avec différents dessinateurs. Ils s’attaquent non pas aux aventures de Maigret, mais aux livres plus personnels, que Simenon appelait ses « romans durs », à savoir, dixit son fils John, plus durs à rédiger. Après Le Passager du Polarlys, une affaire de meurtre en mer, sortie en mai, où Bocquet est associé au dessinateur Christian Cailleaux, Fromental signera, à la fin de l’année, La neige était sale, avec Bernard Yslaire. Ce dernier album reprend un roman éponyme de 1948. Simenon y décrit une ville sans nom, paralysée par la neige et occupée par une armée ennemie. Son héros, Frank, 17 ans, assassine des gens sans raison. Huit adaptations en bande dessinée de romans durs sont d’ores et déjà prévues. n « Simenon, l’Ostrogoth », de J.-L. Fromental, J.-L.Bocquet et J. de Loustal, Dargaud, 128 p., 24 €. En librairie le 6 octobre. Les scénaristes Jean-Luc Fromental et José-Louis Bocquet se sont associés à l’illustrateur Jacques de Loustal (de haut en bas) pour rendre hommage à Simenon. 50 BANDE DESSINÉE oldkeypdf


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