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souvenirs d'un soldat bas-alpin sur la conquête de la Tunisie

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Published by bellil2012, 2016-09-08 08:08:32

souvenirs d'un soldat bas-alpin sur la conquête de la Tunisie

souvenirs d'un soldat bas-alpin sur la conquête de la Tunisie

Jean Peyras
Pierre Soumille

Les souvenirs d'un soldat bas-alpin sur la conquête de la
Tunisie (1881-1882)

In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°34, 1982. pp. 63-79.

Résumé
Résumé Utilisant un document inédit, d'origine privée, cette étude retrace les "Souvenirs de l'Expédition" de Tunisie écrits entre
1886 et 1910, par Ignace, dit Sylvain Darnaud (1861-1943),qui participa durant son temps de service militaire à la conquête et à
l'occupation de la Régence. Esprit cultivé et personnalité attachante, l'auteur nous décrit l'itinéraire parcouru par son régiment, le
7e Chasseurs à Cheval, qui le mène de La Goulette, port de Tunis, à Sousse, en passant par Kairouan, Gabès, Sfax et El Djem.
Le récit de Darnaud, fidèle et scrupuleux, nous renseigne sur le comportement des Français et sur les réactions des Tunisiens
pendant les opérations de 1881- 1882 ; outre l'évocation des souvenirs de l'antiquité romaine, il nous fournit une description
intéressante des villes et des campagnes tunisiennes, des moeurs des habitants, ainsi qu'un bon aperçu des relations de la
population locale avec les soldats français.

Abstract
Abstract Using a previously unpublished document of private origin, this study relates the "souvenirs de l'expédition" (memories
of the Expedition) in Tunisia written by Ignace called Sylvain Darnaud (1861-1943). When twenty and doing his national service
he took part in the conquest and occupation of the Regency. The author describes the route followed by his regiment -the 7th
cavalry- which goes from La Goulette, Tunis harbour, to Sousse via Kairouan, Gabès, Sfax and El Djem. Darnaud's faithful and
scrupulous account tells us a lot about how the French behaved and how the Tunisians reacted during the 1881-1882 operations.
Besides his evocation of the remains of Roman antiquity, he gives us an interesting description of the Tunisian towns and
country, of the inhabitants' habits, as well as a good picture of the relationship between the local population and the French
soldiers.

Citer ce document / Cite this document :
Peyras Jean, Soumille Pierre. Les souvenirs d'un soldat bas-alpin sur la conquête de la Tunisie (1881-1882). In: Revue de
l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°34, 1982. pp. 63-79.
doi : 10.3406/remmm.1982.1959
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1982_num_34_1_1959

Revue de I Occident Musulman et de la Méditerranée, 34, 19S2-2

LES SOUVENIRS D UN SOLDAT BAS-ALPIN
SUR LA CONQUETE DE LA TUNISIE
par Jean PEYRAS et Pierre SOUMILLE

Cette étude porte sur un document inédit d'origine privée dont nous avons
eu connaissance et communication : il s'agit des "Souvenirs de l'Expédition" de
Tunisie, rédigés par Ignace, dit Sylvain Darnaud, originaire des Basses-Alpes,
qui, pendant son temps de service militaire, participa, dans un régiment de
chasseurs à cheval, à la conquête et à l'occupation de la Régence (1).

Certes la conquête de la Tunisie a fait l'objet de nombreux travaux parus
au lendemain de l'expédition et, en dehors des publications officielles ou
officieuses destinées à justifier l'intervention militaire, une abondante
littérature de "Souvenirs" et de "Mémoires" a foisonné dans les mois ou les
années qui suivirent l'installation française à Tunis (2) : les auteurs de ces
ouvrages de circonstance, à la qualité inégale, et à la valeur historique souvent
médiocre, présentent le caractère commun d'avoir tenu un rôle d'acteur ou de
témoin, les deux ensemble parfois, dans les événements qu'ils rapportent.

Mais le récit de Darnaud mérite attention à plusieurs titres. D'une langue
excellente, et d'un style assez romantique, ne négligeant pas l'anecdote et le
détail pittoresque, tout en sachant les dépasser par des réflexions plus
profondes, le texte nous révèle un esprit cultivé et une personnalité attachante
que nous situerons d'abord dans son époque. A partir de la description qu'il nous
donne de l'itinéraire parcouru -à confronter nécessairement avec les sources
officielles (3)- nous analyserons ensuite ce témoignage fort lucide sur l'attitude
des militaires français pendant l'expédition de 1881-1882 et sur les réactions des
populations tunisiennes face à leurs envahisseurs. Nous verrons enfin comment
l'auteur, qui, malgré son rang^ de simple soldat, garde sa liberté d'esprit et de
jugement, a pu appréhender, a travers les péripéties d'une guerre coloniale, les
réalités d'un pays et d'un peuple.
U- PRESENTATION DE L'AUTEUR ET DU DOCUMENT
I. Biographie d'Ignace dit Sylvain Damaud (1861-1943)

Né à Pierrerue, à quelques kilomètres de Forcalquier (Basses-Alpes,
devenues depuis Alpes-de-Haute-Provence), le 3 mai 1861, dans une famille de
cultivateurs originaires du Vaucluse, le jeune Darnaud fit de solides humanités,
avant de commencer des études de pharmacie, interrompues par le départ au
service militaire, au printemps 1881 : la durée légale du temps passé sous les
drapeaux était alors de cinq ans (loi sur le recrutement du 27 juillet 1872
appliquée jusqu'en 1889) et ce n'est donc qu'en 1886 que notre personnage
retrouvera la vie civile.

64 J. PEYRAS et P. SOUMILLE

A son retour de l'armée, imitant ses compatriotes de la région de
Barcelonnette dont certains étaient d'ailleurs ses amis (4), Darnaud part pour le
Mexique où il exercera pendant trente années, de 1887 à 1917, des activités
commerciales et industrielles dans le textile ; il parcourra le pays en tous sens,
ira même aux Etats-Unis, et séjournera dans plusieurs villes mexicaines (5). En
1897, il épouse une Mexicaine, issue d'une famille d'instituteurs, qui lui donnera
entre 1898 et 1915 huit enfants.

Mais depuis 1911, le Mexique subit des troubles politiques et sociaux : en
1917, une nouvelle constitution à tendance socialiste limite le droit de propriété
des étrangers qui connaissent alors des difficultés économiques. Darnaud,
complètement ruiné, s'embarque, avec toute sa famille, à Veracruz pour Saint-
Nazaire où il arrive à la fin de l'année 1917 ; après une difficile période de
réadaptation, en pleine guerre, à la vie française, il retrouve à s'employer
d'abord dans la région parisienne, et ensuite à l'usine électrique de Sainte-Tulle.

Ignace, dit Sylvain Darnaud, mourra à Toulouse en Février 1943, et il sera
inhume dans le petit cimetière de La Brillanne où se trouve encore sa tombe.
2. Les conditions de la rédaction du document. Sa datation (1886-1910) ,

Pendant les neuf mois où il fit campagne en Tunisie, du 17 septembre 1881
au 2O juin 1882, l'auteur a certainement pris quelques notes rapides sur les
étapes accomplies, sur les principaux événements vécus et sur les impressions
ressenties devant les paysages, les monuments ou les scènes de la vie
quotidienne. Mais les déplacements fréquents, les conditions rudes des camps et
une certaine insouciance due à l'âge -Darnaud a tout juste vingt ans- n'étaient
guère propices à un travail intellectuel soutenu : la seule trace littéraire
conservée de cette période consiste en des vers composés en 1882 dont il sera
question plus loin.

C'est donc après son retour à la vie civile, qu'il rédige ses "Souvenirs de
l'Expédition" : la date et le lieu de la rédaction sont indiqués à la fin du texte
par la mention "Forcalquier 1886" que nous trouvons à la dernière page du récit.
Mais nous ne possédons pas le manuscrit original de cette époque car Darnaud a
repris son ouvrage, sans doute pour le polir avant de le transmettre aux siens,
pendant son séjour au Mexique : la page de garde du document qui nous a été
conservée porte, en effet, en bas d'un poème de circonstance (6), la date de
191O. Cette année-là, à l'approche de la cinquantaine, l'auteur dactylographie
lui-même son oeuvre de jeunesse, sans trop en remanier le fond, pensons-nous,
sinon, pourquoi aurait-il gardé la date de 1886 ?
3. L'aspect matériel et le contenu du document

Le document se présente sous l'aspect d'une liasse reliée comprenant des
feuillets de format moyen (dont les dimensions sont 15,5 cm sur 23,5 cm), qui
sont numérotés au recto comme au verso : l'ensemble comprend 233 pages mais
il faut y ajouter cinq pages non numérotées, dont deux cages de table des
matières. Sur ce total de 238 pages, le texte dactylographié n'occupe que 2O5
pages, la différence correspondant soit à des pages blanches, soit à des
reproductions de cartes et de photographies datant des années 19OO et
empruntées à des ouvrages de vulgarisation sur la Tunisie.

Le titre exact de l'ouvrage, celui qui figure sur la page de couverture,
est : "Le 7e Régiment de Chasseurs à Cheval en Tunisie -Souvenirs de
l'Expédition-1881-1882". Par ce libellé, l'auteur veut s'identifier pleinement
avec l'unité militaire à laquelle il appartenait à l'époque des faits évoqués dans
son récit (7). Cette volonté apparaît nettement dans le poème daté de "Sfax

LES SOUVENIRS D'UN SOLDAT BAS-ALPIN 65

1882", qui figure à la fin du texte, sous le titre : "Hymne à mon régiment".
Fierté d'appartenir aux chasseurs à cheval, exaltation patriotique voyant dans
cette campagne de Tunisie une préfiguration de la reconquête de l'Alsace et de
la Lorraine perdues dix ans auparavant, ferveur et joie quasi-religieuse d'aller
au combat, tels sont les thèmes principaux de cette poésie, composée dans
l'enthousiasme de la vingtième année. Mais ce culte de la patrie demeure aussi
vivace chez l'auteur en 1910 puisqu'il conserve, lors de la rédaction définitive de
son texte, ces pages que la situation européenne de l'époque rend plus actuelles
que jamais. Et l'éloignement de la France exacerbe encore chez Darnaud
l'amour qu'il porte à son pays (8).

Ces souvenirs s'organisent autour de cinq chapitres qui, à l'exception du
premier servant d'introduction historique et géographique au récit, suivent
l'ordre chronologique des événements vécus par l'auteur : les causes et les
débuts de l'expédition, l'arrivée à La Goulette et la marche sur Kairouan,
l'entrée à Kairouan (28 octobre 1881), la descente vers le Sud (Gabès), et un
premier séjour à Sousse, l'installation à Sfax, et enfin le retour à Sousse, où
Darnaud s'embarque définitivement pour la France en Juin 1882. En tête de
chaque chapitre se trouve une analyse succincte de son contenu sous la forme
d'une enumeration des principaux sujets traités.

2.- LE RECIT DE L'EXPEDITION
1. L'itinéraire parcouru par Darnaud

Si les trois escadrons du 7e Régiment de Chasseurs à Cheval qui ont été
engagés en Tunisie ont franchi la frontière algérienne, avec la colonne venant
de Souk-Ahras, par Sidi-Youssef et Le Kef, Darnaud n'a pas participé
personnellement aux opérations s'étant déroulées entre la fin d'avril et la mi-
octobre 1881 : en effet, il n'a débarqué à La Goulette que le 17 septembre, avec
"1X> hommes du 7e Régiment venus de France" en renfort et il n'a rejoint son
corps que le 2O octobre, entre Pont-du-Fahs et Kairouan (9).

Il faut donc distinguer dans le récit de l'auteur le trajet effectué par son
régiment, avant qu'il ne s'y intègre lui-même et ensuite la marche dudit
régiment relatée par Darnaud : nous marquerons ces deux parcours sur la carte
ci-jointe par deux tracés différents. Intitulé "Première Colonne" et rapportant,
après un rappel des causes de l'expédition, les événements survenus depuis
l'entrée du 7e Chasseurs en Tunisie jusqu'à l'arrivée des renforts comprenant
notre auteur, le chapitre second n'a été écrit qu'à partir des témoignages et des
récits des camarades de Darnaud, sur les débuts des opérations. Ce qui explique
la prudence de certaines affirmations (1O).

Il n'est pas sans intérêt d'accompagner Darnaud à travers le pays et de
confronter sa description avec les sources militaires. Nous examinerons tour à
tour les trois phases de cette marche : opérations vers Kairouan, à travers le
Haut-Tell ; dégagement de Gabès et contrôle de la zone de passage entre les
futurs Territoires du Sud et le reste de la Régence (11) ; déplacements du 7e
Chasseurs dans le Sahel et la Basse-Steppe jusqu'à l'embarquement à Sousse.

Le renfort auquel appartenait Darnaud a débarqué à la Goulette, dans le
cadre du plan préconisé par Roustan et Logerot, modifié par le général Saussier.
Le but premier est la prise de Kairouan, prise qui doit être réalisée d'une
manière éclatante (12).

Darnaud n'eut pas à combattre lors des opérations contre la ville sainte :
en effet, les engagements qui se déroulèrent autour de la zaouia de Sidi Bou
Hamida eurent lieu du 10 au 12 septembre, au moment où la brigade Sabattier

66 3. PEYRAS et P. SOUMILLE

s'installait sur la ligne Hammamet-Zaghouan-Medjez-el-Bab, alors que Darnaud
n'arriva, comme nous l'avons vu, que le 17 septembre en Tunisie, et qu'il ne
parvint à Pont-du-Fahs que le 18 octobre ; de plus, la percée de la colonne
Etienne à partir de Sousse dispensa les troupes de Logerot de tout combat
contre les tribus Zlass qui occupaient Kairouan.

A propos de cette marche effectuée par Darnaud, à travers le Haut-Tell,
deux points sont à souligner, l'un concernant la valeur du document, l'autre
ayant trait au parcours réalisé par la colonne du général Logerot :

. tous les renseignements fournis par l'auteur sont confirmés par d'autres
sources (13). Le tracé de l'itinéraire est correct ; les dates correspondent à la
réalité. On ne saurait faire que deux réserves : la situation trop occidentale
donnée par Darnaud de la plaine de l'Enfida (14) ; l'erreur d'hydronyme -mais
est-elle de son fait?- qui a transformé l'Oued Nebaana en Oued Melana.

. on constate que les soldats de Logerot ont adopté la voie la plus directe.
Pour le renfort dont faisait partie Darnaud, on a l'itinéraire suivant : Aïn el
Asker, Bir M'Cherga, Pont-du-Fahs (du 14 au 1 S octobre); marabout de Sidi Bou
Hamida, El Oukanda (le 2O) ; plaine de Ben Saïdane, Oued Nebaana (le 25) ; Bir
el Bey (le 26) ; Kairouan, enfin, le 28 octobre.

Ce tracé n'est autre, jusqu'à Bir el Bey, que celui de la route GP 3
actuelle, qui correspond exactement au Trik el Mehalla du Bey du Camp (15).
Par contre, on ne manquera pas de relever que les Français ont coupé
directement, en ligne droite, de Bir el Bey à la ville sainte, passant par Bir
Ahmed Ben Aïcha, sans tenir compte de la voie habituelle par Dar Mehalla (16).

Kairouan prise, une nouvelle mission incombait à la colonne Logerot : le
dégagement des trois bataillons français imprudemment débarqués sur la plage
de Gabès. Cette mission fut accomplie avec facilité par les troupes françaises.

Darnaud y participa-t-il ? Nous pensons que oui, bien qu'il ne soit pas fait
mention du 7e Chasseurs parmi les soldats engagés dans cette opération. En
fait, s'il est vrai que le "Journal de marche et opérations de l'état-major de la
division du sud de la Régence pendant l'occupation de la Tunisie" ne signale pas
l'unité de Darnaud parmi les 5 426 hommes qui marchèrent sur Gabès, il n'en
reste pas moins que la confrontation des dates indique que l'auteur a
directement fait partie de cette marche : Darnaud écrit qu'il a quitté Kairouan
le 9 novembre ; le gros des troupes fait mouvement le 12 ; les 2O et 21, le
goum de Youssef Allegro et la cavalerie razzient des troupeaux appartenant aux
Zlass et aux Hammama ; Darnaud mentionne la razzia d'El Founi le 25 ; les
Français dégagent le plateau de Ras-el-Oued, qui domine Gabès, le 29, et
commencent à établir un camp sur cette hauteur le lendemain ; l'auteur nous
apprend qu'il est arrivé le 30 novembre à Ras-el-Oued.

Nous avons d'abord pensé, au vu de cette dernière date, que Darnaud
faisait partie d'une sorte d'arrière-garde de la colonne Logerot. Ce point de vue
ne résiste pas à l'examen et nous lui préférerons une autre hypothèse,mieux à
même, croyons-nous, de concilier les différences constatées : à notre avis, le 7e
Chasseurs, ou au moins un détachement dans lequel était intégré Darnaud,
constituait "la cavalerie" accompagnant le goum d'Allegro qui éclairait et
couvrait les mouvements de la colonne. Cette conjecture rend compte du départ
précoce de Kairouan, de l'arrivée à Ras-el-Oued en arrière-garde le 30, des
razzias de troupeaux, qui ne peuvent avoir été effectués que par des cavaliers
précédant une colonne ; elle explique, enfin, la raison pour laquelle l'unité a été
omise dans le "Journal de marche" divisionnaire, ce type de document ne
mentionnant parfois pas dans le détail les détachements légers et rapides qui
sont chargés de la couverture des unités d'assaut régulières (17).

LES SOUVENIRS D'UN SOLDAT BAS-ALPIN 67

Quoi qu'il en soit, nous avons la certitude que Darnaud participe à la
seconde grande opération destinée à soumettre les djebels situés à l'ouest et au
sud-ouest de Gabes, afin de couper la route aux Bédouins du Sud, désireux de
réaliser des coups de main vers le Sahel (18). Le 7e Chasseurs, dans lequel se
trouvait l'auteur, fit mouvement par l'Oued Rezifa sur Sidi Guenaou, déjà
reconnu lors de l'expédition précédente par Allegro. Les Français, s'étant
avancés ensuite vers le village de Zéroua, subirent une brève attaque en ce lieu,
mais purent continuer jusqu'à Tamezret (Tamazerte de Darnaud), pointe
extrême de l'avance des soldats à cette époque. Le retour s'effectua par
Djoualigh, Oglet Saad, Mareth et Ketena. Le circuit eut lieu en une douzaine de
jours, du 11 au 23 décembre 1881, et marqua pour Darnaud et son régiment la
fin de la campagne militaire à proprement parler.

Le 7e Chasseurs quitta, en effet, Gabès pour s'établir à Sousse le 24
décembre. Longeant la côte jusqu'à Sfax, mais sans visiter la ville, l'unité
rejoignit Sousse par El Djem (19). Le port fut atteint le 21 janvier 1882.

Nous savons par Darnaud qu'il quitta Sousse pour Sfax le 18 mars, passant
par El Djem, dont l'amphithéâtre fut l'occasion d'un beau passage, empreint d'un
lyrisme soutenu, et qu'il arriva à destination le 26 Mars, s'installant "entre la
ville et la mer". Ce que l'auteur ne nous dit pas, c'est la raison de ce
déplacement qui fut certainement lié aux raids de cavaliers ennemis venus de
l'Aradh sur le domaine de l'Enfida, au nord même de Sousse, preuve que
l'insurrection n'était pas encore anéantie. On sait que, de toutes manières, les
troupes françaises ne purent intercepter les insoumis.

Darnaud resta à Sfax jusqu'au 4 juin, date à laquelle il remonta vers le
nord jusqu'à Sousse qu'il atteignit le 5 juin avant de rembarquer pour la France,
le 2O du même mois, avec son régiment.

L'auteur séjourna donc en Tunisie de la mi-septembre 1881 à la mi-juin
1882, parcourant avec son régiment la région de Tunis, le Haut-Tell, la zone
désertique entourant Gabès, le Sahel et la Basse-steppe. La description -
intéressante mais assez succincte- de ses déplacements est authentique :
Darnaud n'en "rajoute" jamais ; les dates de son récit concordent avec celles qui
nous sont données par d'autres sources ; l'itinéraire correspond aux parcours
effectués par la colonne Logerot ou aux mouvements révélés par la "Carte des
Itinéraires de la Régence de Tunis, publiée par le Dépôt de la Guerre" à Paris,
en 1882.

Nous sommes donc en présence d'un récit fidèle et scrupuleux qui donne
de la valeur aux autres éléments de l'oeuvre.
2, Le comportement des Français et les réactions des Tunisiens pendant
l'expédition de 1881-1882.

Parmi les sentiments qui, selon l'auteur, animent et guident les soldats
français au cours de la campagne de Tunisie, le patriotisme figure en bonne
place. En évoquant le passage de Louis IX à Carthage, lors de la huitième
croisade, Darnaud n'hésite pas à se comparer, lui et ses camarades qui viennent
de mettre le pied sur le sol tunisien, aux compagnons du saint roi : "Nous aussi,
nous étions des croisés. Si notre intervention n'avait plus pour but la libération
du Saint-Sépulcre, elle avait du moins celui, tout aussi noble, de sauvegarder
les intérêts de la patrie". Et sans être dupe des prétextes invoques (les
incursions des Kroumirs) ou des fins soit politiques soit privées de l'expédition, il
justifie, toujours au nom du patriotisme, le protectorat français sur la Tunisie :
"La France sentait combien il était utile et urgent d'avoir sur les flancs de
l'Algérie une sentinelle vigilante". L'évocation des soldats morts pendant les

68 a. PEYRAS et P. SOUMILLE
operations, qualifiés de "héros et de martyrs", s'accompagne toutefois chez
l'auteur d'un hommage rendu au courage et à l'ardeur patriotique des
combattants du camp adverse.

Darnaud hésite à donner le nom de "rebelles" à "des gens qui défendent
leur patrie", admet volontiers que les Arabes auxquels on reproche facilement
d'être "pillards et voleurs" se trouvent en état de légitime défense car, écrit-il,
"nous leur avons pris leurs champs, leurs bois, leur liberté, et ils ne font qu'user
de leur droit d'hommes libres en exerçant de justes représailles sur nos tribus
amies, même sur nos détachements, et en razziant leurs troupeaux". Leurs
qualités guerrières apparaissent lors des affrontements assez rudes qui se
déroulèrent à la mi-octobre 1881, dans la région d'El Oukanda, peu avant que
l'auteur n'y arrive lui-même : "Ce fut presque journellement une succession de
combats partiels, où la rapidité des feux et la discipline des troupes (françaises)
eurent seules raison des vaillants et intrépides cavaliers arabes" qui pratiquaient
des charges incessantes dans la plaine de Ben Saïdane.

Sur les aspects inhumains et parfois très cruels de cette expédition de
Tunisie, Darnaud nous fournit plusieurs témoignages concernant les deux camps.
Du côté tunisien, c'est le massacre survenu le 1er septembre 1881, aux environs
de Zaghouan, de deux soldats français qui, après leur capture, subissent "un
martyre dont la férocité inouïe est bien digne de ces fanatiques ivres de sang" ;
la découverte de leurs restes mutilés et carbonisés provoquera des représailles
de la part des militaires du 7e Régiment de Chasseurs à Cheval, qui tueront "à
coups de bottes" un Arabe rôdant autour de leur cantonnement. La fin tragique
de ses deux compatriotes émeut notre auteur qui, après la razzia d'El Founi, au
cours de laquelle des femmes arabes ont été capturées, note "les éclairs qui
jaillissent de leurs yeux... leur attitude de bêtes féroces prises au piège" et qui
ajoute : "Je comprenais leur joie quand le destin cruel faisait tomber entre leurs
mains un Roumi...".

Mais Darnaud signale, pour les dénoncer avec autant de force, les
brutalités, les exactions et les pillages commis par les troupes françaises en
opérations : à l'Enfida, le 2k octobre, on incendie un douar, "petit acte de
vandalisme", après avoir déterré les silos à orge ; lors de la razzia d'El Founi,
déjà citée, un sous-officier frappe "à coups redoublés de matraque une vieille
femme qui ne pouvait ou ne voulait pas marcher", scène que l'auteur juge
"révoltante", et au sujet de laquelle il fait cette simple remarque : "II faut
avouer que notre rôle de civilisateurs est quelquefois mis à de rudes épreuves".
Même ton persifleur chez Darnaud lorsqu'il évoque, avant l'entrée des Français
dans la ville, la prise prochaine de Kairouan : "C'était là, disait-on, que devait
se terminer cette campagne, et qu'existait le foyer de l'insurrection que nous
nous promettions d'éteindre sous des ruines, non sans avoir, au préalable, pillé et
massacré -douces pensées- ceux qui se montreraient trop entêtés à accepter
notre civilisation". Et d'exprimer ironiquement, après l'occupation de la cité
sainte, ses regrets d'avoir été privé de "l'ivresse du pillage". Autre mention de la
mise à sac d'une ville, bien réelle celle-là, à propos de Sfax, où notre auteur
arrive en mars 1882 : il évoque longuement la résistance de la capitale du Sud
en juillet 1881, dont vint à bout un débarquement de marins français ; ces
derniers "grisés par la poudre et le carnage" se livrèrent à un pillage "à faire
pâmer d'aise les Huns et les Vandales" dont les traces étaient encore visibles
lors du passage de Darnaud.

Le narrateur a été frappé lors de "l'entrée triomphale" de son régiment à
Kairouan, le 28 octobre 1881, de l'hostilité muette des habitants "dont les mines
sombres attestaient le peu de sympathie" à l'égard des conquérants. Par contre,
la tenue et le comportement des soldats tunisiens de l'armée beylicale

LES SOUVENIRS D'UN SOLDAT BAS-ALPIN 69

provoquent à deux reprises son étonnement et son amusement : à La Goulette,
le lendemain de son arrivée, il remarque une sentinelle devant une caserne,
"tranquillement assise, tricotant une chaussette, tandis que son fusil, rongé par
l'oxydation, s'appuyait paisiblement au mur", alors que les officiers de service
passent sans être étonnés "de ce factionnaire transformé en femme" (20) j à
Sousse, le 21 janvier 1882, la colonne, dont fait partie l'auteur, est reçue par la
garnison tunisienne, véritable "scène de vaudeville" et "curieux spectacle" assez
peu militaire, mais fort pittoresque.

Le récit de Darnaud contient aussi, au fil des pages, de nombreux
renseignements sur la vie quotidienne des soldats français, soit qu'ils se
déplacent en colonne, soit qu'ils se trouvent au repos dans les cantonnements :
fatigue des fantassins marchant sous un soleil de feu et victimes de mirages,
nombreux cas de maladie à cause de l'eau et des fièvres d'où l'appel à des
renforts pour remplacer les hommes évacués, nourriture ordinaire de la troupe
et festins extraordinaires à la suite d'une chasse ou de quelque chapardage,
veillées nostalgiques au cours desquelles sont évoqués pêle-mêle les souvenirs
patriotiques et ceux des corps de garde, nuits de guet, punitions et surprises
d'une revue de détail inopinée, et enfin considérations sur les difficultés
financières d'un officier sans fortune personnelle (21).

Mais l'auteur n'oublie pas qu'il appartient à la cavalerie, ce qui nous vaut
plusieurs paragraphes consacrés aux chevaux : éloge du "compagnon fidèle"
qu'est le cheval arabe dont il souligne la beauté, l'élégance, l'obéissance et le
"merveilleux instinct" au moment d'un danger caché ; un seul défaut "qui le
rend à peu près impropre sur nos routes européennes, la délicatesse de ses
sabots", efficacité de telles montures lors des poursuites de l'ennemi, par
exemple dans la razzia d'El Founi ; fantaisie de ces animaux, qui, la nuit, se
livrent à "une course folle à travers le camp, attirés par des secteurs d'herbe
verte ou par de subtiles émanations de cavales en rut".

Quant aux observations faites par Darnaud sur l'équipement, sur
l'armement, et sur la conduite des opérations, elles peuvent se résumer ainsi :
tenues militaires allégées et adaptées à la campagne, supériorité écrasante des
armes françaises sur les "fusils inoffensifs" des adversaires tunisiens, absence de
véritables combats, les "dissidents" limitant leur activité à des actes de
sabotage et les Français se livrant à "la poursuite monotone d'ennemis
insaisissables" (22). Le seul engagement important auquel participe l'auteur se
situe en décembre 1881, au sud-ouest de Gabès, lors de la poursuite d'Ali ben
Kalifa : les cavaliers combattent à pied en attendant l'arrivée de l'infanterie
"qui prend de flanc les Arabes et les poursuit jusque sur les frontières de la
Tripolitaine" mais l'affaire se termine sans aucune perte du côté français.

C'est d'ailleurs à propos de cet épisode que Darnaud porte un jugement
sévère sur l'attitude des goumiers d'Allegro au feu : "le courage de nos
auxiliaires n'allait pas jusqu'à affronter les balles de leurs compatriotes", et il
faut qu'un lieutenant français donne l'ordre "de fusiller tous ceux qui feraient
demi-tour" pour ramener au combat "cette bande d'indisciplinés" (23).
3. La lucidité et l'esprit critique de Darnaud

Nous avons déjà vu plusieurs exemples de l'indépendance d'esprit et même
du non-conformisme de l'auteur lorsqu'il relate les événements auxquels il a, de
près, ou de loin, participé. Nous ne citerons donc ici que deux points de vue qui
confirment cette liberté de jugement de Darnaud.

Lucidité au sujet de la pauvreté des habitants, lorsqu'il note à Gabès :
"Quoi qu'il nous fût défendu de pénétrer dans l'oasis, nous pûmes néanmoins
nous rendre compte combien peu fortunés devaient être les habitants". Et

70 J. PEYRAS et P. SOUMILLE
toujours à propos de la même localité, il s'interroge sur la nécessité qui avait
provoqué en juillet 1881 le bombardement de la ville : "Ce misérable bourg,
situé à peu de distance de la mer, ne vivait guère que du produit de la pêche et
de dattes, excellentes en vérité, récoltées dans l'oasis. N'étant fréquenté que
par des pêcheurs maltais, nous nous demandions ce qui avait pu motiver le
bombardement par notre escadre, Gabès n'ayant alors d'autre défense qu'un
fortin carré, garni de mauvais canons vieux d'un siècle, et que nous trouvâmes
pexarpmloiselse"s (2d4éc).ombres. Tout autour du fortin gisaient quantité de nos obus non

L'esprit critique de l'auteur peut s'expliquer, à notre avis, par sa formation
littéraire de type classique : de nombreuses citations d'écrivains et de poètes
latins ou français émaillent son texte, souvenirs d'études secondaires qui lui
permettent et d'appréhender une culture fort différente de la sienne, et de
s'intéresser aux multiples traces de la civilisation romaine rencontrées en
Tunisie.

3. - LA TUNISIE ET SES HABITANTS VUS PAR DARNAUD
1. Damaud et la Tunisie romaine

Les "Souvenirs de l'Expédition" sont parsemés de références à l'Antiquité
qui dénotent chez l'auteur un goût certain pour les textes classiques ou
contemporains traitant de l'Antiquité tunisienne. C'est ainsi qu'il donne les noms
romains des bourgs traversés par les unités françaises : Sicca Veneria, Vaga,
Zama, Thysdrus, Hadrumète ; qu'il explique l'étymologie du mot "Berbères"
(25) ; qu'il rappelle que Djerba est "la terre des Lotophages dont parlent Homère
et Hérodote", et qu'il se demande quel pouvait être ce lotus (26).

Les connaissances du soldat ne se bornent pas à de simples réminiscences
livresques. Darnaud aime aussi faire allusion aux monuments qu'il découvre sur
son chemin : aqueduc de la plaine du Fahs ; ruines de la cité anonyme de l'Oued
Nebaana ; aménagements hydrauliques anciens de Bir el Bey ; barrage de
l'Enfida ; amphithéâtre d'El Djem.

A vrai dire, l'auteur n'a pas cherché à faire oeuvre d'archéologue. Ce qui
compte, c'est de voir le militaire se référer au précédent romain, aux "maîtres-
colonisateurs", aux bâtisseurs de barrages, d'aqueducs, de monuments de toutes
sortes, à ceux qui ont su mettre en valeur des régions désormais incultes et
couvertes de ruines. Les références à Rome, nous le voyons, ne sont pas
gratuites : elles justifient l'intervention de la France, au nom de la civilisation
et le maintien de l'occupation du pays par la force des armes.

Simple soldat, Darnaud possède cette même idéologie que nous retrouvons
sous la plume des administrateurs et des officiers d'Afrique, ainsi que dans les
écrits des chantres de la colonisation (27).
2. Villes et campagnes de Tunisie à travers le récit de Darnaud

Après avoir mentionné, dans son premier chapitre, "deux races distinctes,
le citadin et le nomade... la première n'ayant rien de particulier, étant tous
rentiers ou marchands", l'auteur nous donne, tout au long de son récit , des
notations sur les cités qu'il traverse et il se livre même parfois à des
descriptions qui ne manquent pas d'intérêt : ainsi, le port de La Goulette est-il
qualifié de "ville cosmopolite", "étrange ville où semblait s'être réuni un peu de
toutes les nations, où tous se coudoyaient sans distinction aucune dans un grand
mouvement de confraternité". Quant à Sousse, "une des principales villes de la
Régence, elle est appelée sans doute à un brillant avenir commercial". A Sfax,

LES SOUVENIRS D'UN SOLDAT BAS-ALPIN 71

Darnaud parcourt avec quelques camarades "les rues assez belles, plus propres
par rapport à ses voisines, entre autres celles des quartiers européen et
israélite" et il constate que "Sfax tend à devenir un centre important, tant par
son emplacement que par ses richesses agricoles et commerciales. Des jardins
immenses, plantés d'oliviers, de palmiers, de cactus, d'arbres fruitiers de toutes
sortes, s'étendent au loin dans la plaine". A Kairouan, après avoir remarqué que
"la ville actuelle est d'une saleté exemplaire", et que "les murs (sont) incapables
de résister au choc d'un de nos boulets", l'auteur nous dépeint "la cité fortifiée"
en insistant sur les quatre portes "au-dessus desquelles se trouvent des
inscriptions" qu'il regrette de n'avoir pu relever ; et il nous relate un procédé de
tannage obtenu "en étendant et en clouant des peaux dans les rues, le résultat
étant produit par les pieds des passants".

A propos de la végétation rencontrée dans les zones rurales, Darnaud
insiste sur sa médiocrité qu'il explique par l'aridité du sol, et il souligne qu'elle
se borne généralement "à des étendues très vastes de thym, d'absinthe et
d'alfa", cette dernière plante servant à fabriquer "des cordages d'une solidité à
toute épreuve et différents objets de petit équipement" ; il remarque aussi que
la vente de l'alfa à des compagnies anglaises représente, "après l'exportation de
la laine et de l'huile, un des plus grands commerces de ce pays". Mais l'auteur -
qui, soulignons-le, n'a pas parcouru la vallée de la Medjerda, ni les régions de
Mateur et de Bizerte- mentionne l'existence de "plaines immenses, où il ne
suffirait que de quelques travaux d'irrigation, pour tirer de ces terrains vierges
toutes sortes de produits", se situant entre Tunis et Pont-du-Fahs.

Autres remarques de Darnaud sur les difficultés éprouvées lors de la
marche de son régiment à travers la Tunisie : la pauvreté des ressources
naturelles, l'hostilité de la nature à l'homme et particulièrement dans le Sud où
le franchissement des rives escarpées d'un oued pose problème aux militaires du
génie, la rareté, voire même l'absence, de bois pour le chauffage et la cuisine
des soldats en déplacement.

Mais l'auteur se montre sensible au charme pittoresque ou à la beauté de
certains paysages rencontrés au cours des étapes : le panorama de la ville de
Tunis, qui, "étagée sur le versant d'une colline, montrait distinctement ses
minarets surmontés d'un croissant, ses mosquées, ses coupoles arrondies et ses
maisons blanches" ; les jardins embaumés par les orangers dans les grandes
propriétés de la Manouba, aux portes de la capitale, avec leurs bassins de
marbre ; et dans le Sud le village de Tamazerte (Tamezret) qui, sous la lune,
perché sur une hauteur, "dessinait sur le fond du firmament ses maisons en
torchis".

Toutefois, l'observation du cadre naturel et l'intérêt porté aux sites ne
font pas oublier à Darnaud la présence des hommes : en dehors du paragraphe
consacré à la population dès le chapitre initial et qui nous indique pour la
Tunisie un chiffre de près de deux millions d'âmes (28), les habitants de la
Régence apparaissent très souvent dans son récit, sous forme de personnages
bien typés ou de scènes de la vie quotidienne rapidement croquées par l'auteur.
Pour éviter les redites, nous avons groupé toutes ces descriptions sous trois
rubriques différentes : moeurs des habitants, relations de la population avec les
soldats français et aperçus de l'auteur sur les femmes du pays.
3. La population tunisienne vue par Darnaud

a) Les moeurs des habitants
La religion constitue, aux yeux de l'auteur, un élément important de la
personnalité des habitants de la Tunisie : "deux religions y dominent, l'Islam et

72 J. PEYRAS et P. SOUMILLE

l'Israélite, mais les adeptes de cette dernière n'y sont qu'en très petit nombre,
et encore occupent-ils des quartiers isolés". Darnaud semble bien connaître la
doctrine, les préceptes et les obligations morales de la religion musulmane dont
il nous donne un résumé objectif et précis se terminant par la citation de l'acte
de foi du croyant : "Dieu seul est Dieu, et Mahomet est son prophète".

Et le narrateur de nous dépeindre une cérémonie de circoncision à laquelle
il a assisté "en curieux" : "tous les enfants mâles, ayant atteint l'âge de trois et
quatre ans, vêtus de leurs plus beaux habits, sont conduits par leur mère chez
l'opérateur, plus communément connu sous le nom de toubib ; pendant toute la
durée de la séance, pour couvrir les cris douloureux de leur progéniture, les
femmes poussent à qui mieux-mieux leurs yous-yous agaçants ; d'énormes plats
de couscous au mouton couronnent dignement cette fête de famille".

Quant au jeûne annuel du mois de Ramadhân, Darnaud nous le décrit
comme une véritable "torture" pour ceux qui le pratiquent : "aussi, le soir
arrivé, faut-il les voir accroupis à l'orientale, les uns devant leur souper, les
autres une cigarette à la main, attendant fiévreusement le coup de canon qui
leur permettra de satisfaire leurs besoins particuliers". Mais une telle ascèse
fait l'admiration de l'auteur, qui ne manque pas de remarquer, en conclusion :
"Ah ! si notre code religieux exigeait pareil sacrifice ! ... "

En ce qui concerne la vie familiale, "malgré les cris de réprobation de nos
moralistes, les moeurs de ces populations sont simples et austères ". La femme
étant "un grand sujet de jalousie pour ce peuple intrépide", on compte peu de
cas d'adultère, mais "il ne faudrait pas conclure par là que l'Arabe est le très
dévoué chevalier servant de sa ou de ses femmes", car, toujours d'après
Darnaud, c'est "la plus égoïste des créatures humaines en ce qui concerne le
beau sexe ; selon lui, les filles d'Eve n'ont été créées et mises au monde que
pour ses plaisirs, la reproduction de l'espèce étant une question secondaire".

A la différence des Arabes, jugés avec indulgence ou même avec une
certaine bienveillance, les Juifs de Tunisie, installés "sur le littoral et dans les
lieux habités par les Européens " ne trouvent pas grâce devant Darnaud qui
reconnaît toutefois qu'ils sont "souvent l'objet de représailles sanglantes de leurs
ennemis en religion". Sans doute victime lui-même des préjugés antisémites fort
répandus dans les milieux conservateurs et ruraux de la France des années 188O,
il porte un jugement très dur et sans nuances sur "la deuxième race proprement
dite" de la Régence, en écrivant : "l'Israélite est lâche, poltron, vantard et
voleur ; pour assurer son trafic, tout lui est bon et toujours prêt à l'augmenter ;
mal vêtu, sale, quoique portant de riches étoffes, il est bien le type de cette
race maudite, chassée de la Judée, plus encore par la justice divine que par les
armées romaines".

Malgré ce parti pris contre les Israélites, Darnaud ne cache pas son
engouement pour les femmes juives dont -nous le verrons plus loin- il nous parle
frequememnt dans son exposé, toujours avec un ton admiratif et parfois avec
une pointe de tendresse.

b) Les relations de la population avec les soldats français
Ces rapports, assez superficiels, se fondent surtout sur des échanges
commerciaux. A Sousse, c'est une "espèce d'Hercule qui aurait étranglé le plus
robuste de nous tous" qui, tous les matins, vient vendre son lait au camp
militaire ; à El Djem, les officiers emportent "quelques souvenirs , des sous de
l'époque romaine acquis pour presque rien des mains des Arabes, qui ne
comprenaient guère cet engouement pour des morceaux de bronze sans valeur à
leurs yeux" ; à Gabès, une vente en plein air s'improvise en bordure de l'oasis,
les soldats demandant aux indigènes situés "de l'autre côté du mur de clôture",

LES SOUVENIRS D'UN SOLDAT BAS-ALPIN 73

s'ils ont des poulets et des oeufs à vendre : "les marchés furent vite conclus et
de bonnes piécettes blanches remplacèrent les poulets étiques et les oeufs qu'ils
avaient apportés" ; ce commerce se poursuit car "voyant que nous n'étions pas
aussi croquemitaines que nous en avions l'air, le lendemain, tout un petit monde
de gamins et gamines, demi-nus, conquis eux-aussi par notre bonne humeur, nous
apportèrent du lait, du bon lait, vierge encore de tout truquage, en attendant
que notre civilisation le leur ait appris".

Mais, davantage que les vendeurs tunisiens ambulants, les hommes de
troupe fréquentent volontiers les aubergistes et les marchands italiens ou
maltais qu'ils rencontrent dans les principales villes de la Régence. C'est ainsi
qu'à Sousse, retrouvant un ami quitté à El Oukanda, l'auteur organise "un
banquet fraternel chez le meilleur gargotier de l'endroit, un Italien" : repas
pantagruélique dont le prix s'élève, pour quatre personnes, à cent francs,
"montant de divers mandats-poste accumulés". Et en rentrant à Gabès, après
l'expédition contre Ali ben Kalifa, les soldats, uniquement nourris "de mauvaises
dattes, qu'une faim jamais assouvie faisait trouver délicieuses", prennent leur
revanche et dépensent en quelques heures le prêt de huit jours nécessairement
économisé en l'absence de mercantis : "les boites de conserve, de fromages, les
bouteilles de vin, à la grande joie des marchands italiens et maltais, viennent
égayer le menu...".

Il arrive aussi qu'en d'autres circonstances ces mêmes commerçants
deviennent les victimes des chapardages des militaires français. En effet, selon
l'auteur, les officiers tolèrent de tels actes qui consistent en "l'escamotage de
tout ce qui peut servir à faire un bon gueuleton". Darnaud nous donne deux
exemples de ces vols commis "pour améliorer la popote et considérés comme
une bonne farce, une gaminerie qui vous pose devant les camarades " (29). A
Sousse, il a vu une barrique de vin d'Europe qui, dérobée à un marchand maltais,
avait été dissimulée sous une dune de sable : les soldats allaient y boire, la nuit,
en cachette. A une étape, il a été témoin "du chapardage d'un fromage de
gruyère tout entier malgré sa taille... en plein jour, à la barbe du propriétaire,
un marchand maltais, qui faisait des rêves sur les profits à retirer de ce
fromage tout frais sorti de son enveloppe de fer blanc" : entouré par un groupe
d'artilleurs, "le fromage fond comme un bâton de sucre d'orge", et malgré les
cris du malheureux épicier réclamant l'aide des gendarmes, et en dépit de
l'enquête qui s'ensuit, les coupables ne seront jamais retrouvés.

En dehors des boutiques et des auberges, d'autres lieux publics demeurent
interdits aux jeunes soldats qui, poussés par la curiosité, s'y rendraient pourtant
avec plaisir : à Kairouan, l'ordonnance d'un capitaine dévoile à ses camarades
"sous le sceau du secret, l'existence d'un bain maure où un massage, art
nouveau, était exécuté par de jeunes négresses, pas trop lippues, et dont la
dextérité et le talent, dans ce genre d'exercice, n'étaient plus à faire". Un tel
récit ne manque pas, écrit Darnaud, "d'allumer dans nos jeunes imaginations
tout un incendie de désirs et de convoitises". Mais l'auteur et ses amis se voient
refuser l'entrée des "délices renfermées là, comme dans un décor des Mille et
Une Nuits", l'accès de ces lieux étant interdit "aux chiens de roumis" leur dit-
on.

D'ailleurs les considérations sur le comportement des femmes du pays et
sur les relations qu'il est possible d'entretenir avec elles reviennent à plusieurs
reprises dans l'oeuvre de Darnaud.

c) Les aperçus de l'auteur sur les femmes du pays
De la femme arabe, il est peu question chez le narrateur, sauf pour
mentionner le jugement défavorable de l'une d'elles sur le mâle européen dont

Ik J. PEYRAS et P. SOUMILLE

les attributs virils ne supporteraient pas la comparaison avec ceux des hommes
du Maghreb... Par contre, la femme juive nous est décrite comme
"extraordinairement belle", et rendue "attrayante et friande (par) son costume
tant soit peu dégagé et lascif, sa démarche indolente, voluptueuse, ses yeux
noirs, ses cils teints, ses ongles rouges de henné". Aussi comprend-on
l'enthousiasme de l'auteur pour les "jeunes et jolies juives" qu'il entrevoit dès
son débarquement à La Goulette : "elles déambulaient dans la rue, avec un
regard curieux de notre côté... avec un petit déhanchement canaille qui faisait
papilloter les yeux des promeneurs, même des Arabes qui se seraient volontiers
damnés et auraient renoncé à celles qui attendent tout bon musulman dans leur
paradis, pour pouvoir emporter dans leur sérail ces corps superbes de lignes
tentatrices". Et Darnaud de conclure : "Ah ! Mesdames les Juives, ce costume
vous va à ravir, et votre vue m'a été bien souvent un palliatif parmi toute cette
population morne et abêtie".

Pendant les deux longs mois qu'il passe en garnison, à Sfax, de la fin de
mars au début de juin 1882, l'auteur noue une idylle avec une jeune Juive d'une
quinzaine d'années, lingère de son métier, dont il ne nous livre que le prénom,
Maria. Et de nous raconter ses assiduités auprès de la belle malgré la vigilance
de la mère de cette dernière "pour nous empêcher de pousser plus avant
certaines privautés... qui n'étaient encore que de celles qui mettent à peine un
peu de rose aux joues". Mais Darnaud pense que l'accueil de cette famille
israélite ne s'explique pas uniquement par ses avantages personnels : " ceints
d'une espèce d'auréole glorieuse, à titre de défenseurs de leurs droits et de leur
vie, contre leur ennemi héréditaire, notre uniforme chatoyant, ce nom de
soldat français, tout cela devait naturellement exercer sur ces bonnes gens un
attrait puissant et la facilité avec laquelle on liait connaissance en était une
preuve indéniable". Le départ brusque de l'auteur qui n'a pas le temps de faire
ses adieux à Maria interrompt "un beau rêve, pur de toute souillure" : il ne lui
reste que le souvenir de "cette humble maison juive, où nos religions
différentes s'effaçaient devant les flèches acérées du petit Dieu malin".

Autre aventure sentimentale survenue dans cette même ville de Sfax, où
de nombreux militaires français "filaient le parfait amour avec les filles de
Judée en se grisant des yeux noirs aux longs cils, de la beauté plastique et de la
langueur orientale" de ces beautés locales : "on apprit, un beau matin, la
double désertion de la fille d'un agent consulaire étranger et d'un sous-officier
d'artillerie". Darnaud nous explique que "l'héroïne en question était devenue la
coqueluche de tous les bouillants sous-officiers de la garnison, voire même des
officiers, qui ne dédaignaient pas non plus de lancer des oeillades furtives à la
blonde et jolie enfant qui, du matin au soir, debout à son balcon, émerveillée et
orgueilleuse de ce défilé interminable de jeunes gens plus ou moins galonnés,
décochait à chacun un sourire engageant et des regards qui en disaient long sur
l'état d'âme de cette pauvrette, isolée dans ce quartier européen, à peu près
désert, où les petites amies ne devaient pas abonder pour la sauvegarder contre
les terribles tentations". Et après la fuite sous d'autres cieux des deux
tourtereaux, "les non-élus, évincés et dépités, eurent des mots méchants, sales
pour la fillette, qui, de déité, était tombée au rang de celles qu'on ramasse le
soir, au coin des rues".

L'auteur reconnaît lui-même que le récit de telles conquêtes féminines,
remportées par ces jeunes hommes dont il était le compagnon et souvent le
complice, "semble n'avoir rien à faire à côté de cette chevauchée militaire que

LES SOUVENIRS D'UN SOLDAT BAS-ALPIN 75

fut cette campagne". Mais il rappelle qu'il retrace là toutes ses impressions
d'alors, et celles concernant le commerce des femmes n'étaient pas les
moindres pour un garçon âgé d'une vingtaine d'années...

Toutefois, la présence d'historiettes et d'anecdotes de cette veine ne doit
pas masquer les autres éléments d'information contenus dans le texte de
Darnaud : après lecture attentive, les "Souvenirs de l'Expédition" apparaissent,
en effet, comme un bon document historique permettant de comprendre les
réactions d'un soldat du grade le plus modeste (l'auteur terminera la campagne
en remplissant les fonctions de brigadier-fourrier) devant les événements qu'il
a vécus en Tunisie pendant ses neuf mois de séjour. De ce témoignage qui nous
renseigne autant sur la mentalité du narrateur que sur le déroulement des faits
militaires, ou sur le comportement de la troupe, nous pouvons, en conclusion,
dégager quelques grands traits.

Facilité des opérations militaires et absence de véritable danger au cours
des combats auquel l'auteur participe, telle est la première impression
d'ensemble qui se dégage du récit de Darnaud : il insiste à plusieurs reprises sur
l'inefficacité du feu de l'ennemi ; il n'est témoin, dans son entourage, d'aucune
perte, du fait de l'adversaire, et, en dehors d'un officier d'infanterie tué par
méprise par un cavalier de son régiment, il ne mentionne qu'un blessé léger
atteint lors de la poursuite d'Ali ben Kalifa : "un camarade (qui) reçut une balle
morte à la cuisse".

Par contre, un sentiment d'insécurité et même de crainte devant la
maladie apparaît tout au long du texte : Darnaud insiste sur les dangers de
"l'eau malpropre" dont il s'abstient de boire pendant toute la campagne, sur les
fièvres -sans doute le paludisme- qui font des ravages parmi ses compagnons et
sur l'importance des évacuations sanitaires effectuées sur les hôpitaux de
Constantine par le chemin de fer de Ghardimaou : l'angoisse de la mort par
maladie semble plus présente dans les imaginations de ces jeunes soldats que la
peur d'être tué au combat (30).

D'ailleurs, l'enthousiasme patriotique domine tout le récit ï l'auteur, en
quittant la banlieue de Tunis, exprime sa joie d'aller se battre pour son pays ;
en s'embarquant pour le retour en France, il évoque ses camarades morts
durant l'expédition, mais il les considère comme "les pionniers obligés de
toutes les conquêtes". Et nous retrouvons encore le même culte de la patrie
dans un poème intitulé "Larmes et Deuils" et placé en fin d'ouvrage (31) :
Darnaud le dédie à la mémoire d'un ami, connu en Tunisie, et mort, deux
années plus tard, à Biskra, des suites d'une maladie contractée pendant les
opérations de 1881-1882.

Du pays et de ses habitants, l'auteur souligne la pauvreté et le retard
économique par rapport à l'Europe, qu'il attribue, partie aux "gouverneurs turcs
despotes et sanguinaires", partie aux faiblesses et aux erreurs de Mohammed
Es Sadok, le bey, qui signa le traité du Bardo. Mais Darnaud ne manque pas une
occasion d'opposer la précarité de la situation actuelle à l'état de prospérité
que connaissait la Tunisie au temps des Romains. Et il regrette que le projet de
Roudaire "d'ouvrir une tranchée et de jeter la Méditerranée dans le Sahara"
pour y créer une mer intérieure n'ait pas eu de suite.

Dans l'attitude de la population vis à vis des Français qui s'installent en
conquérants dans la Régence, l'auteur devine, au delà d'une apparente
indifférence au niveau des rapports de la vie quotidienne, une hostilité latente,
mais profonde. Aussi, Darnaud ne pense pas qu'il soit possible, à cause
d'obstacles essentiellement religieux, de pratiquer en Tunisie une politique
d'assimilation du peuple arabe : "subissant, sans l'accepter, l'étranger qui

76 3. PEYRAS et P. SOUMILLE

l'opprime, il (l'Arabe) couve dans son coeur indomptable une haine féroce
contre l'envahisseur, haine qui se transmet de génération en génération, et qui
ne s'éteindra que par l'anéantissement de sa race, ou par l'expulsion de
l'étranger".

NOTES

(1) Nous devons exprimer ici notre gratitude envers M. Alexandre Darnaud, de Sainte-
Tedteurlnqleuieir(A,nldopuaensss-adseeé-sgHéaacluertmites-e,Pnratvovafioetunrcanjeio),udtq'éiuniàtnésrooeunssspaarnétpnseormrmeinussseudie'gulntdielm'iIsgeenrnatlcsee dscuoercluuilm'adeuentetSuyorlr,viagsiinonn.al pernopsraepopsèsreess:iocne,
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JL.auCnéaays,, 1188(9797)1,,Su81r*95pce.; Yrévgeirmt e(nLt.),,cHonisstuolrteiqru:e dHuist7oeriCquheasdsueu7res RàégCimheenvatl (d1e74C5h-a1s8s9eu6)r,s,VeVnadlôemncee,, IImmpp..
familiales,(8le)urDasrcnolaaurditaé st'oeuffjoeucrtsuainmtpdoasnés àdesseséceonlfeasnftrsanl'çuasiasgees. du français dans les conversations

(9) Les trois escadrons du 7e Chasseurs sont rattachés à la brigade Sabattier qui fait elle-
même partie de la colonne Logerot : Archives Vincennes, 31 H 1O.
sceoplotnemneb,r"ed(o11n08n8)é1sP, asrqouueesxtle'omauuptteelesu,rraérusearcsovunejesttepoddue'raspcr"esèrastnadgienlassnttdsé'emnettorigemneyaugsxteé"sr.ideuexsecsomcbamatasr",addees Zdaeghlaouapnr,emdéibèuret
sa1ov9u6er5cc, ects.l.la.r, t(pé1a1s)sleiMms a,érvtpéeanlret(Aimc.ue),lniètLrseemsdaecnnosntflpien.sc2sh6aa2hp.airtNor-oetursIiIpI,doelaivtoansinisms pbdleieafuilécaonuToputnriàesiecteâ(t1cth8e8e1t-dh1eè9s1ec1,o)n,qfuPri,aonnrste,agtriPoon.uUp.adFne.t,s

LES SOUVENIRS D'UN SOLDAT BAS-ALPIN 77

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Pans, P.U.F., 1955, passim, surtout les cartes 4, 34, 36.

de la MehaJ(1l5a) eCsft. bDieesnpomisa,roqpu.é cpita.r, fliegs. l4i0eu:xv-doiitess dqeuinjoamloandniesmnte le'ittidneértariarneshauutmreanfocies. Lsueivpiarpcaorurles
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dtéeléglarapcohniq(d2uu2ei),teLau'axdu'teeeanuuvriracomintseenddaeenuGtxable'exèaseu,màpdllaeessZudaietgehsaodbueoanctoaguàpeudrToeunsntipsialr;a"lréetéséppatriléalmtairoodnisn".tpatrenttartoiivs e fdoeiscoduupufriel

78 J. PEYRAS et P. SOUMILLE

titre de co(l2o3n)elD"a.rSnuarulde qruôalleifdi'eAlAlelglergorcof.: M"uanrtaevlen(At.u)r, ieAr sorlt'airornièrnee-pslaaint d'odùe,set ràeqlautiioonnsdonfnraaintcloe-
1m9a6g6h. rébines (1830-1881). Luis Arnold et Joseph Allegro, consuls du Bey de Tunis à Bône, Tunis,
événement(s2*m) iCliotmaiprears.er avec Martel, op cit., pp. 23O-236, qui donne une bonne explication de ces

(25) Berbères, de "Barbari", nom donné par les Romains aux peuples auxquels ils se
heurtaient.
uennseusitoertaeuxd(2eg6)âjut"ejQuaubuix'ée,tra.leituL-recdeforanuunitaf,notdnedunqlaugeogûrctoestslreouètsursadg?'ruEnéhaebbloeile,invm,e,caieéstnadi'eéttlaàsiétàchavuéetrrasueerqsudoelaenilsle, lR'bohruaobmyliéu..s.e"tdeméLliannngéé,
sgeafunfesricrraeecteoanrdtd(u2f7lagei)uoturDcvaieernrntpnaeaeulymldisgenelnantôn,ctcerveeee,rturqnouleneauspr-cpsneeoubluxrsàaasltaltàaeTiccnueonttlsiotsneipeiatsreasrtedircoeoensuverdireeevrseglareas,s,Téecuotuunlsiapsoiioureuses:psléée"stuPh,upaiargsrqgruiâle'ecaemeletàbsitrlaiidovrnpaolr,iiotspsteoerrdc,tteepionalnrta
ses produits, avec sa soeur l'Algérie et la métropole".
ou5fn5f6cichIisiefrlfardéelei(t2p1e8r9s)é.2c1CiL,hseiqscfuofinérveicneadrlquniuqaiautnieeot,sntplsaocuedprreotpcalueiantlaetptmeoiopeanunnltnaatuéisetou-onplcàéh,irntiuoednunigereènpdàoeelpauflalaraiéTttaieulosnintiàésd,ielea,m1aafviSinsa6n9idltu6el3seXOt IpXiMrmeeumpssouiiselèsmrcilbarelneescv,edanr'easitveenamdnteecn4de8tru
simple au double, de 9OO OOO habitants à 1 7OO OOO habitants.
mot de sab(i2r9a)lgDéarrineanudsigpnriéfciainset qvuole elte qmuoites"tchpaapsasrédderan" snol'uars gvoitenmtidli'tAafirreiq.ue ; il s'agit en réalité d'un
malades, c(e3q0u)i Lperovdoéqtuacehuenmeefnftet ddeémDoarranliasuadteucrrosiusre,laletro1u7poectvoablridee.1881, une colonne de soldats
les pages n(o3n1)nPuomèémroetédees qduuatteoxrtzee. strophes regroupées en quatre parties. Ce poème se trouve dans

Résumé
l'ExpéditionU" tdielisTanunt isuine édcorciutms entreiné1d8i8t6, edt'or1i9g1i0n,e pparivIégen,accee,ttdeit éStyuldveainreDtarranceaudles(1"8S6o1u-v1e9n4i3r)s,qduei
Eaiprpl1npeséaa8pergtr8crréi2tomriçKitmcueae;isinppsdrctaoaoouen,ruuslttdttlaeeerruinmveer,7éldaeaenGelnt'tséieatCovbthnvsoèdoaisscnleps,aldsseeteerSstiFufoselroranmeaxnastnpnpdàseçdoatealpeCsiidsutsEheélleasceotvaDstiuamaeojvltren,stepmvunaaqilrccig.ourhecinLlsaeaeelnsmlesedtriemreléat,iécuvtèaialnnetc'ilaciter'asndieiuoeldteetneinàseqDsnuuLaserlidroasatne,lédsGancaduooortTeduunsosu,slmqenffumtriaditêsiadoeiéntneèe,ceenlçur,epasrieitosestiprl.ttedlàns'nedicdtsoelriau'nuonTshcpétucarunbfuallioeeiipstruus,aaerxtnnào,itiopptsSnné,aoorruuuaadcssntioesnieueors,rlneiaudnseeqsnRsdeucpi'eépugragnanri1pese8sntba8sisconoou1ennnrt-.

Abstract
hc"toRiDDnshacoajoovechwermuaumanFvlbpatrare.inahuynetteDdna-iianraocnTsrtw(hn1tusnhid'8nUqsaoi6euouicsfs1hlhiidlidtn-a'a'ey1isbtgngxeh9,isroptf4eseséahar3.,sidee)tR.ihaapftegcsfrirWgotioueveenwmlhvned"eiescoanlnLyuld(umadsu.tsalrweysiTsGamencnhnaogruoetuurngiytlpniephoaeuttouueasletdntborehdul1oe,ifpos8ssrithTd8ctiao1eunthcid-ndungec1iergos8Eseddu8cxheohnr2opsicfaitsceuborrdptmbentihisoepeateeurlttinlraoiitsoortt,nhnneieu)otlaosanolioftnrsfiaoSs.oTeuontplBrtuouhrsevetnhseisvisiicifaepsTadebiotuaeelovbnslhuioweieatwtohsrirwitiKaesihtondgeatooeeiiewknvnrtnb,oooypwuttcbahhtaaynhrhnteetsiii,IssoFlgiaonnGrnnrcseaeatdoantcgbuflhceidèchmeptysocho,uecapebnnolSrueltntrfeelhrqaealdyat-aumxv,titeSoheeaasoyndisntefnldvsaaa7ttannnhhtoEinhdddfeel

Souk-Ahras ^Bledb.Vdpelal'iEnne/fida
Sidi Youssef ♦"
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El Founif

Ras el Oued^>\

Sidi Guenaou ^' ._
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100km * combat \ signalés
• ville, autre lieu-dit rr ruine romaine «.itinéraire / par Darnaud
+. itinéraire du 7* RCC avant l'arrivée de Darnaud


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