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Les derniers éléments concernant l'immunité....

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Published by JCS, 2021-04-15 08:34:46

COVID & IMMUNITE

Les derniers éléments concernant l'immunité....

Céline Deluzarche

Covid-19
L’immunité pourrait durer de zéro jour... à des décennies,

selon les cas

La quantité d’anticorps neutralisants développés par les patients
après une infection au SARS-CoV-2 est terriblement variable au fil
du temps et selon les personnes. Certains ne vont quasiment
jamais en produire, tandis que d’autres voient leur réponse
immunitaire se renforcer au fur et à mesure. Un futur casse-tête
pour identifier qui aura besoin d’un rappel de vaccin.

Combien de temps est-on protégé après avoir été infecté par le
coronavirus ? Quelques semaines ? Quelques mois ? Ou bien plusieurs
décennies ? Impossible pour l'instant d'avoir une certitude, l'épidémie
ayant débuté que depuis un peu plus d'un an. Une récente étude parue
dans Science estime que la mémoire immunitaire (anticorps
neutralisants, lymphocytes B et T) est présente jusqu'à huit mois après
l'infection. Une autre étude américaine avait, elle, suggéré que cette
mémoire immunitaire pourrait durer « des années » (voir notre
précédent article, ci-dessous).

Coronavirus : entre 2 et 8 % des patients infectés ne développent
jamais d'anticorps.

En réalité, la réponse est : cela dépend des personnes. Des chercheurs
de la Duke-NUS Medical School de Singapour ont ainsi constaté des
variations stupéfiantes dans la vitesse à laquelle diminuent les anticorps :
chez certains patients, il n'en reste plus au bout de quelques jours,
tandis que chez d'autres, ils pourraient perdurer pendant « des décennies
». L'équipe a suivi 164 patients à Singapour pendant six à neuf mois après
leur infection au SARS-CoV-2. Ils ont analysé leur sang pour mesurer la
quantité d'anticorps neutralisants et de lymphocytes T, puis ont construit
un algorithme afin de prédire les trajectoires des niveaux d'anticorps au fil
du temps.

Dynamique des anticorps neutralisants dans les cinq
groupes au cours du temps.

De 0 à 14.881 jours

Les patients ont ensuite été répartis en cinq groupes en fonction de la
cinétique de leurs anticorps :

Le premier groupe (11,6 % des patients), appelé groupe « négatif », n'a
jamais développé d'anticorps neutralisants détectables ;
Le groupe à « déclin rapide » (26,8 %) présente des niveaux précoces
d'anticorps mais diminuant rapidement ; le groupe « lent déclinant »
(29 %) conserve des anticorps jusqu'à six mois, mais déclinant assez
vite ;
Le groupe « persistant » (31,7 %) affiche une relative stabilité du niveau

d'anticorps jusqu'à 180 jours ;
Le groupe à « réponse retardée » (1,8 %) montre une augmentation
marquée des anticorps neutralisants pendant la convalescence tardive.

Ce dernier groupe, qui suscite les interrogations des auteurs, n'est
cependant pas représentatif (il ne compte que trois cas). Le groupe «
persistant », qui représente près d'un tiers des patients, pourrait en
revanche voir son immunité durer entre 326 et 14.881 jours, selon le
modèle algorithmique. Soit une protection potentielle de 40 années ! Une
projection qui sera longue à vérifier « mais qui n'est pas complètement
irréaliste compte tenu du fait que des patients infectés au SARS de 2003
possèdent encore des anticorps neutralisants 17 ans après », insistent les
chercheurs.

Pas d’anticorps ? Pas de panique

Ces chanceux patients sont toutefois ceux ayant connu une infection plus
sévère, avec notamment de forts niveaux de cytokines inflammatoires. À
l'inverse, ceux ayant subi peu de symptômes voient leur niveau
d’anticorps décliner plus rapidement. Mais rassurez-vous : même avec
très peu d'anticoprs, vous pourriez quand même être protégé contre une

réinfection. Dans leur étude, parue dans The Lancet Microbe, les
chercheurs constatent que tous les patients testés, y compris ceux du «
groupe négatif », présentent une immunité prolongée aux lymphocytes T
au moins six mois après l'infection initiale.

« Cette étude nous rappelle que nous réagissons tous différemment à
l'infection, souligne Laurent Renia, professeur à l'Agence pour la Science, la
Technologie et la Recherche de Singapour. Elle pourrait aussi remettre en
cause la stratégie vaccinale : si l'immunité fournie par les vaccins diminue
comme celle des anticorps produits naturellement, un rappe annuel pourrait
être nécessaire [chez certaines personnes] pour prévenir de futures épidémies
de Covid-19 ».

Coronavirus : l'immunité pourrait finalement durer « des années »
Article de Céline Deluzarche publié le 19/11/2020

La question de la durée de l'immunité dans la Covid-19 est
primordiale pour espérer mieux comprendre l'évolution de la
pandémie. Faible, elle ne permettra jamais d'arriver à une
immunité collective. Si, en revanche, cette immunité dure des
années, on peut espérer que le virus s'éteindra de lui-même
faute de combattants. Malheureusement, les différentes études
sur le sujet sont contradictoires. Car l'immunité est bien plus
compliquée qu'une simple histoire d'anticorps.

Pas un seul jour ou presque sans que ne tombe une nouvelle étude sur
la durée de l'immunité au coronavirus. Certaines plutôt rassurantes,
mettant en avant un niveau d'anticorps significatif après plusieurs mois,
d'autres alertant au contraire sur la faible durée de ces anticorps,
notamment chez les personnes asymptomatiques ou ayant développé
des formes peu sévères. Certains patients n’en développent même pas
du tout ! Or, cette question est fondamentale si l'on veut entrevoir la fin

de l’épidémie : si la durée de l'immunité est faible, il faut s'attendre à
des vagues successives sans fin et à devoir multiplier les rappels de
vaccin. Si, au contraire, elle dure des années, le virus disparaîtra lorsque
suffisamment de personnes auront été immunisées.
Les anticorps : seulement une petite partie du tableau immunitaire
La majeure partie des études se focalisent sur les anticorps qui
apportent la réponse la plus directe et la plus rapide pour combattre les
virus. Sauf que le système immunitaire est bien plus complexe que cela
et dispose d'autres moyens pour se protéger. Une large étude, encore
non relue et publiée sur le serveur bioRxiv, suggère qu'en prenant en
compte l'ensemble de la réponse immunitaire, nous pourrions être
protégés du coronavirus pendant « des années », voire « des décennies
».

Évolution des différentes composantes de la réponse
immunitaire près l’infection : anticorps IgA, IgB,
IgG, lymphocytes T CD4 et CD8.

Les chercheurs se sont penchés sur les quatre principales composantes de
la réponse immunitaire, à savoir les anticorps, les lymphocytes B, ainsi que
les lymphocytes T CD8+ et T CD4+. Les échantillons ont été prélevés chez
189 patients américains, âgés de 19 à 81 ans, la plupart présentant des
symptômes légers. Non seulement les chercheurs ont noté une baisse
relativement modeste des anticorps 6 à 8 mois après l'infection mais ils se
sont aperçus que le nombre de cellules B était en hausse -- une surprise
non anticipée. Les cellules T ne montrent elles aussi qu'une légère et lente
diminution, ce qui laisse espérer une persistance à long terme. « Cette
étude est la première à tracer la réponse immunitaire de manière aussi
détaillée », se félicitent les auteurs.

Lymphocytes B et T : une immunité au long cours
Ces résultats encourageants sont en ligne avec d'autres études. Il a ainsi
été montré que des survivants de l'épidémie de Sras de 2003 ont encore
des anticorps neutralisants 17 ans après. Une autre étude de l'université
de Fribourg (Allemagne) montre que les patients atteints de Covid-19
développent une réponse immunitaire puissante par l'intermédiaire des
lymphocytes T CD8+, capables d'éliminer les agents pathogènes même
en l'absence d'anticorps.

Le coronavirus se diffusant relativement lentement
dans l’organisme, il laisse le temps aux cellules
immunitaires de s’organiser.

Contrairement à la réponse humorale produite par les anticorps
neutralisants, l'immunité conférée par les cellules B et T n'est toutefois pas
stérilisante, c'est-à-dire qu'elle n'empêche pas d'être à nouveau infecté.
Mais elle est suffisante en t h é o r i e pour empêcher une forme grave de la
maladie. Cette protection serait d'autant plus efficace, selon les auteurs de
l'étude, que le Sars-CoV-2 se diffuse relativement lentement dans
l'organisme, laissant le temps au mécanisme immunitaire de réagir.

« Le coronavirus est arrêté suffisamment rapidement pour que non
seulement vous ne ressentiez aucun symptôme mais pour que vous ne
soyez pas infectieux », assure Alessandro Sette, chercheur à l'Institut
d'immunologie de La Jolla et coauteur de l'étude.

Il n’est pas déraisonnable de penser que cette mémoire
immunitaire dure des années, voire des dizaines d’années

L'avantage des cellules immunitaires par rapport aux anticorps, c'est
qu'elles sont produites en grande quantité et ne déclinent pas trop au fil
des ans. « Il n'y a aucun signe que les cellules mémoires puissent
soudainement s'effondrer. Habituellement, on observe une lente
décomposition au fil des ans », indique Akiko Iwasaki, immunologiste à
l'université de Yale et interrogé par le New York Times . « Il n'est pas
déraisonnable de penser que ces composants de la mémoire immunitaire
durent des années, voire des dizaines d'années », confirme son collègue
Deepta Bhattacharya, de l'université d'Arizona. On n'a toutefois pas encore
réussi à déterminer quelle quantité d'anticorps ou de cellules immunitaires
est nécessaire pour offrir une protection suffisante. Ce taux pourrait lui-
même être très variable selon les individus. La réponse à la durée de
l'immunité ne sera peut-être jamais tranchée.

Covid-19 : de nouvelles données sur l'immunité
Article de Julien Hernandez publié le 04/11/2020

Trois récentes études viennent ajouter une pierre à l'édifice de
notre connaissance concernant la réponse immunitaire humorale
contre le SARS-CoV-2.

Ce nouveau virus est arrivé avec son lot de nouvelles questions. Et le temps
de la recherche est, malheureusement, long. Pour répondre à des
questions complexes, il faut réaliser des expériences et que celles-ci
soient répliquées, récolter des données provenant de grands échantillons
dans diverses populations et faire attention aux biais de nos interprétations
hâtives.

L'une de ces questions était celle de l'immunité humorale. C'est une
variable des plus cruciales à identifier pour résoudre plusieurs questions
comme la possibilité d'une seconde vague, d'une ré-infection au SARS-
CoV-2 ou la faisabilité d'un vaccin ciblant cette immunité. Au début,
nous ne savions pas grand-chose. Désormais, comme il est détaillé dans
notre précédent article ci-dessous, nous en savons beaucoup plus. De
nouvelles données islandaises publiées dans le New England Journal of
Medicine et américaines publiées dans Science ainsi qu'une récente
communication britannique provenant d'une étude pré-publiée parue dans
le British Medical Journal viennent s'ajouter à ce que nous savons déjà.

Une immunité bien présente

Dans l'étude islandaise, chez plus de 30.000 personnes, les chercheurs
ont analysé la réponse immunitaire humorale à l'aide d'échantillons de
patients. Les échantillons testés provenaient de 1.237 personnes
contaminées par le SARS-CoV-2 (diagnostic confirmé par test PCR) ayant

guéri, 4.222 cas contacts placés en quarantaine et 23.452 personnes
non exposées au virus. Les individus ayant guéri de la Covid-19 étaient
91,1 % à être séropositifs. Cela veut dire qu'ils ont bien produit des
anticorps spécifiques au SARS-CoV-2 et qu'ils peuvent, en théorie, faire
face à une nouvelle infection sans crainte, même si des cas de
deuxième infection, parfois plus graves, ont été recensés. Dans cette
population, le taux des anticorps en question a augmenté, puis a
atteint un plateau deux mois après l'infection et est resté constant
jusqu’à quatre mois après cette dernière. Parmi les personnes cas contacts,
seulement 2,3 % étaient séropositives. Ce chiffre tombe à 0,3 % chez les
personnes non exposées au virus.

91,1 % des personnes infectées dans cette cohorte ont
produit des anticorps contre le SARS- CoV-2.

Dans l'étude américaine, chez plus de 30.000 individus testés positifs au
SARS-CoV-2 (avec plus de 40.000 autres servant de contrôle), les anticorps
étaient également présents chez 90 % d'entre eux, et le taux restait intact
pendant cinq mois. Ces données sont concordantes avec celles de l'étude
islandaise. Dans la communication britannique, dont les résultats n’ont
pas encore fait l’objet d’une publication, c’est la réponse immunitaire cellulaire qui est
étudiée. Cette dernière durerait au minimum six mois. L'expérience a été
réalisée chez 2.000 personnes dont 100 étaient positives au SARS-CoV-2.
La puissance de cette réponse serait corrélée à la sévérité de la maladie
selon les auteurs. Ces données sont pour le moins rassurantes parce
qu'elles démontrent qu'une immunité solide se développe après l'infection
chez la majorité des personnes. La question de la longévité, un peu moins
obscure, inquiète toujours autant.

Des facteurs modulant le taux d'anticorps

Nous ne sommes pas égaux concernant la réponse immunitaire. Beaucoup
de variables, notamment génétiques, mais aussi environnementales,
entrent en jeu. Dans la cohorte islandaise, les taux d'anticorps étaient plus
élevés chez les personnes âgées et chez les patients hospitalisés. Cela
suggère que la gravité de la maladie et le nombre de symptômes jouent
un rôle dans la fabrication de notre immunité contre le virus. De même, les
femmes ont un taux plus faible d'anticorps dirigés contre la protéine de
pointe du nouveau coronavirus. Enfin, d'autres conditions préexistantes
joueraient un rôle sur l'immunité humorale. Les patients fumeurs, ayant un
indice de masse corporelle faible ou sous anti- inflammatoires ont des
niveaux d'anticorps plus faibles que les autres.

Les investigateurs rappellent qu'une expérience a démontré que l'infection
est protectrice chez les macaques rhésus mais que, à l'heure actuelle, de
telles preuves n'ont pas été obtenues chez l'être humain. En Islande, à
l’aide de leurs données, les auteurs estiment que seulement 0,9 % de la
population a été infectée. Dès lors, ils concluent ainsi que :
« indépendamment de la relation ou de l'absence de relation entre la
séropositivité contre le SRAS-CoV-2 et la protection contre la réinfection,
la faible séroprévalence des anticorps anti-SARS-CoV-2 en Islande indique que
la population islandaise est vulnérable à une deuxième vague d'infection ».
En France, selon une étude parue dans la revue Nature basée sur des
enquêtes de séroprévalence, 3,4 % de la p o p u l a t i o n aurait
été contaminée. L'immunité collective n'étant pas une stratégie
acceptable même si elle fonctionnait (et de fait, pour les coronavirus,
elle semble obsolète étant donné la courte durée de l'immunité conférée
par l'infection naturelle), la seule solution pour ne pas subir d'autres
vagues épidémiques reste la découverte d'un vaccin efficace et sûr.

Coronavirus : l'évolution de l'immunité après l'infection

Par Julie Kern, le 09/10/2020

Comment réagit le système immunitaire lorsqu'il doit combattre
le coronavirus ? Deux scientifiques ont épluché la littérature
pour établir un schéma qui résume la dynamique des effecteurs
de l'immunité adaptative.

La question de l'immunité engendrée par le coronavirus SARS-CoV-2 défie
encore les scientifiques. Deux médecins, l'un de l'université Emory
d'Atlanta, l'autre du Fred Hutchinson Cancer Research Center de Seattle,
se sont plongés dans la littérature scientifique récente pour essayer de
faire émerger un schéma général de l'immunité adaptative déclenchée par
le SARS-CoV-2 et son évolution au cours des semaines. Leur point de vue a
été partagé par Jama.

Le schéma général de la réponse immunitaire
adaptative anti-SARS-CoV-2. La courbe du haut
concerne les lymphocytes T et celle du bas les

lymphocytes B et les anticorps.

Les lymphocytes en ordre de bataille contre le coronavirus

Les symptômes de la Covid-19 apparaissent entre 7 et 10 jours après
l'infection effective par le SARS-CoV-2. Mais le s y s t è m e
immunitaire organise déjà la contre-attaque. Les lymphocytes T,
spécifiques du SARS-CoV-2, commencent à proliférer dès les premiers jours
de l'infection. Les lymphocytes T CD4+, qui agissent comme des chefs de
guerre et polarisent la réponse immunitaire, atteignent leur pic environ
une semaine après les premiers symptômes ; les lymphocytes T CD8+,
qui par leur action cytotoxique détruisent les cellules infectées, sont les
plus nombreux entre la première et la deuxième semaine des symptômes.

Les plasmocytes, les cellules qui produisent les anticorps, interviennent
plus tardivement. Et pour cause, les lymphocytes B de l'organisme sont
encore naïfs, ils n'ont jamais rencontré les antigènes du SARS-CoV-2. Une
fois les présentations faites, les lymphocytes entrent en expansion clonale
et vont subir plusieurs étapes jusqu’à devenir matures : d’abord en
plasmoblastes, qui prolifèrent dès l'apparition des symptômes, puis en
plasmocytes producteurs d'anticorps anti-SARS- CoV-2.
Parmi le pool de lymphocytes B ayant rencontré l'antigène, certains ne se
transforment pas en plasmocytes, mais en cellules B mémoires. Si le
même pathogène entre à nouveau dans l'organisme, ces cellules mémoires
se différencieront tout de suite en plasmocytes. Ces soldats de réserve
sont les plus nombreux environ deux semaines et demie après l'apparition
des symptômes.

Coronavirus : comment notre organisme combat l’infection ?

L’assaut des anticorps spécifiques du SARS-CoV-2

Les anticorps anti-SARS-CoV-2 atteignent leur maximum quatre
semaines après l'apparition des symptômes. Il s'agit alors
essentiellement d'IgM, IgA et d'IgG. La production d'IgG va encore
augmenter tandis que les IgM et A vont progressivement disparaître.
Sept semaines après l'apparition des symptômes, les plasmocytes ne
produisent pratiquement que des IgG pour se défendre contre le
coronavirus.

Dès lors, les IgG vont progressivement disparaître pour atteindre
une concentration basale faible environ cinq mois après l'apparition
des symptômes. Cette armée dressée contre le SARS-CoV-2 entre alors
en sommeil et ne se réveillera que si une seconde par ce même
pathogène a lieu.

Ce schéma général décrit l'évolution de l'immunité pour les patients ayant
développé des formes de Covid-19 modérées, et désormais guéris. Il ne
prend pas en compte les dérégulations du système immunitaire pouvant
être associées à des formes sévères, ni la réponse immunitaire des
personnes asymptomatiques. De plus, seul l'immunité adaptative est prise
en compte dans ce schéma.

La durée de la réponse immunitaire varie
fortement selon les individus.

Le 14/04/2021
INSERM

SARS-CoV-2 :
Combien de personnes ont-elles

déjà été infectées en France ?

Les scientifiques français publient une mise à jour de la proportion de la population ayant été infectée
p ar SARS-C oV-2 au niveau national, p ar rég ion et p ar g roup e d ’âg e. Un travail d 'estim ation rend u d ifficile
pour les chercheurs en raison de la décroissance de l'immunité des anticorps mais que de nouvelles
méthodes ont cependant permis de réaliser.

Ce travail d'estimation peut cependant être difficile à faire car les données de surveillance sur les cas, les hospitalisations
et les décès ne captent qu'une petite proportion des infections. Les enquêtes sérologiques sont alors un outil précieux. Ces
enquêtes permettent de mesurer la séroprévalence, c'est-à-dire la proportion de la population ayant développé des anticorps
anti-SARS-CoV-2, ce qui signale une infection passée.
Cependant, les enquêtes sérologiques restent difficiles à mettre en œuvre de façon régulière. Enfin, le phénomène de
décroissance des anticorps (une personne peut perdre ses anticorps avec le temps) fait que la séroprévalence risque à
terme de sous-estimer la proportion de la population ayant été infectée. Au fur et à mesure que de nouvelles données
devenaient disponibles, les scientifiques de l'Institut Pasteur et du CNRS, en collaboration avec l'Inserm, Sorbonne Université
et Santé Publique France ont développé de nouvelles approches pour tenter de suivre la proportion d'infectés à partir de
ces données. Le 8 avril 2021, ils publient dans The Lancet Public Health une mise à jour de la proportion de la population
ayant été infectée par SARS-CoV-2 au niveau national, par région et par groupe d'âge (dernière mise à jour le 23/03/21).
Pendant le premier confinement, en l'absence de sérologie, par un travail d'intégration de données, publié dans la revue
Science , Simon Cauchemez, responsable de l'unité Modélisation mathématique des maladies infectieuses à l'Institut Pasteur,
et son équipe ont produit l'une des premières estimations de la proportion de la population française infectée par SARS-
CoV-2 à la sortie du premier confinement le 11 mai 2020. Ils avaient estimé à l'époque que cette proportion devait se
situer aux environs de 5 % au niveau national, avec des variations importantes entre régions (de l'ordre de 10 % en Ile
de France et dans le Grand Est).

Cette figure représente, en France métropolitaine, les estimations les plus récentes de la
proportion de la population adulte (au-dessus de 20 ans) ayant été infectée par SARS-CoV-2

dans les différentes régions de France métropolitaine.

Un même profil de mortalité

Lorsque des données sérologiques sont devenues disponibles à l'international, les scientifiques ont cherché à déterminer si
elles donnaient une image similaire à ce qu'indiquaient leurs premiers résultats. L'équipe de Simon Cauchemez a donc
collecté les données de mortalité par âge pour 42 pays représentant 3,2 milliards de personnes et pour lesquels 22
enquêtes sérologiques ont été identifiées, permettant de calibrer les modèles. En analysant le risque relatif de décès par
Covid-19 en fonction de l'âge, ils ont mis en évidence que beaucoup de pays partageaient le même profil de mortalité par
âge chez les personnes de moins de 65 ans ; et en ont déduit une approche pour estimer la proportion d'infectés dans un
pays en utilisant uniquement le nombre de décès par groupe d'âge. L'analyse a été publiée dans la revue Nature.

Les dernières estimations de la proportion de personnes infectées par SARS-CoV-2 sont
présentées ci-dessous au niveau national, par région et par groupe d’âge (datées du 23 mars

2021).

Plus récemment, les chercheurs ont développé une méthode pour monitorer la proportion d'infectés par âge et par région
en France, aujourd'hui publiée dans The Lancet Public Health. Les chercheurs de l'Institut Pasteur et du CNRS, en
collaboration avec l'Inserm et Santé Publique France, ont développé une nouvelle méthode pour estimer la proportion
d'infectés par âge et par région en analysant conjointement les données françaises d'hospitalisation et de séroprévalence.
Pour chaque groupe d'âge, les scientifiques comparent le nombre d'hospitalisations qu'il y a eu durant la première vague
avec le nombre d'infections estimées par la grande enquête de séroprévalence SAPRIS durant cette vague. Ils en déduisent
une estimation des probabilités d'être hospitalisé lorsqu'on est infecté, pour chaque groupe d'âge. Connaissant les nombres
de personnes hospitalisées chaque jour par groupes d'âge, il est possible ensuite d'utiliser les probabilités d'hospitalisation
pour estimer le nombre d'infections survenues dans chaque groupe au cours du temps.

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Découvrez Covipod, le podcast dédié à l'actualité du coronavirus

Toutes les deux semaines, rejoignez Julie Kern, journaliste santé diplômée d'un master en infectiologie, pour un tour
d'horizon des dernières actualités et des mesures adoptées pour contrer la pandémie.

Quelle est la part de la population ayant été infectée par SARS-CoV-2, en France, par région et par
groupe d’âge ? © blvdone, Adobe Stock

Céline Deluzarche

Coronavirus : vous avez peut-être déjà des anticorps sans le savoir

Sans jamais avoir été infectées, certaines personnes présentent
des anticorps réagissant à la protéine de pointe du Sars-Cov-2.
Cela concerne plus particulièrement les enfants, très exposés
aux divers virus saisonniers, et suggère l’existence d’une
immunité croisée. Peut-on alors espérer qu’attraper un bon
rhume nous préserve de l’infection à la Covid-19 ?

Et si le vaccin contre le coronavirus était finalement inutile ? D'après
un article publié dans la revue Science le 6 novembre, certaines
personnes possèdent des anticorps agissant sur le Sars-Cov-2, le virus à
l'origine de la pandémie mondiale de Covid 19 et ce, alors qu'elles
n'ont jamais contracté la maladie.

Les chercheurs ont analysé des échantillons de plasma sanguin prélevés
sur des adultes et des enfants au R o y a u m e - Uni avant le début connu
de la pandémie en décembre 2019, ainsi que sur des personnes au début
de la pandémie ayant été testées négatives. Ils ont ensuite comparé le
niveau d'anticorps avec celui de patients testés positifs. Comme prévu,
les patients ayant contracté le virus présentaient les trois types
d'anticorps (IgA, IgM et IgG).
Coronavirus : entre 2 et 8 % des patients infectés ne développent
jamais d'anticorps

Les anticorps développés au contact de virus saisonniers comme
le rhume offrent un rôle protecteur contre le Sars-Cov-2

Près de la moitié des enfants non infectés à la Covid-19 possèdent
déjà des anticorps

Mais, plus étonnant, les chercheurs ont constaté la présence d’anticorps
neutralisants du Sars-Cov-2 chez des personnes non infectées. Si les
pourcentages restent relativement faibles chez les adultes (5,29 %), ils
sont beaucoup plus élevés chez les enfants : 44 % des 1 à 16 ans
possèderaient déjà ces anticorps neutralisants. Pour la quasi-totalité de
ces « immunisés naturels », les anticorps détectés sont des IgG visant la
sous-unité S2, ceux qui ont la durée de vie la plus longue. « Cela
suggère une forme d'immunité acquise via d'autres pathogènes et non par
le Sars-CoV-2 récent », écrivent les auteurs de l'étude.

De précédentes études ont suggéré l'existence d'une immunité croisée du
coronavirus Sars-CoV-2 avec d’autres virus circulant couramment, comme
ceux du rhume (voir ci-dessous). Ces études faisaient cependant référence
à l’activation d’un système immunitaire complémentaire à celui des
anticorps (les lymphocytes T CD4). Selon les auteurs de l’étude de
Science, les niveaux plus élevés d’anticorps à réaction croisée observés
chez les enfants pourraient expliquer pourquoi ils sont moins susceptibles
de contracter la Covid-19, et pourquoi ils souffrent généralement de
formes beaucoup moins graves -- les enfants étant fréquemment atteints
par des rhumes mineurs, jusqu'à 10 par an avant l'âge de 2 ans !

Immunité croisée : fantasme ou réalité ?

Cette théorie est toutefois remise en doute par d’autres scientifiques. «
L’infection par les coronavirus saisonniers n'offre pas une protection
significative contre l'infection par le virus Sars-CoV-2 et les autres maladies
associées », tranche Marc Eloit, responsable du Laboratoire de Découverte de
pathogènes à l'Institut Pasteur et coauteur d'une étude sur le sujet
parue en juillet. « La très grande fréquence et le taux important d'anticorps
contre les coronavirus saisonniers dans la population générale n'empêchent
pas les infections par ces virus chaque hiver », fait-il remarquer.

De son côté, Kevin Ng, principal auteur de l'étude de Science, reconnaît
lui-même qu'on ne sait rien sur la protection contre la Covid-19 offerte par
les anticorps IgG acquis d'autres maladies. Mais « il sera essentiel de
distinguer l'immunité préexistante de l'immunité nouvelle pour comprendre
la sensibilité à l'infection par le Sars-CoV-2 et évaluer l'efficacité d'un futur
vaccin », met-il en avant.

Coronavirus : existerait-il une immunité croisée avec le rhume ?
Article de Julie Kern publié le 28/052020

Les infections par un coronavirus peuvent provoquer des
maladies allant du simple rhume au Covid-19. L'immunité
induite lors d'un rhume a-t-elle un effet protecteur contre le
Sars-CoV-2 ? Des scientifiques allemands se sont penchés sur
la question.

Les coronavirus forment une famille virale large et diversifiée. Ils ne sont
pas tous responsables de maladies aussi sévères que le Sras ou le Covid-
19. Quatre souches de coronavirus humains (229E, NL63, OC43, HKU1) sont
responsables d’une grande proportion des éternuements et d'écoulement
nasal lors des rhumes hivernaux. À eux seuls, ces quatre coronavirus
représentent 20 % des rhumes et infectent une grande partie de la
population chaque année.

Ces infections par d'autres coronavirus que le Sars-CoV-2 stimulent
également le système immunitaire et induisent la formation d'un pool
de lymphocytes mémoires. Ces cellules ont-elles un effet protecteur
contre le Sars-CoV-2 ?

Une étude allemande a mis en évidence la présence de cellules
réagissant à la protéine S du Sars-CoV-2 chez des patients n'ayant pas
été infectés par ce dernier. Ces observations sont en faveur de

l'existence d'une immunité cellulaire croisée entre plusieurs souches de
coronavirus de lignée différente. L'étude n'a pas encore été publiée dans
une revue scientifique et n'a donc pas été revue par la communauté des
pairs. Elle est disponible sur medRxiv.

Covid-19 : des anticorps du SRAS de 2003 pourraient-ils combattre le
coronavirus ?

Des lymphocytes de patients non contaminés réagissent à la
protéine S du Sars-CoV-2
L'étude a comparé deux groupes : un groupe de 18 personnes dont
l'infection au Sars-CoV-2 a été avérée par un test de dépistage PCR et
un deuxième groupe composé de 18 personnes séronégatives qui ont fait
don de leur sang.
Les cellules immunitaires isolées du sang de chaque participant ont été
stimulées in vitro par deux pools de peptides d'une dizaine d'acides aminés
reproduisant la séquence de la protéine S du Sars-CoV-2. Le premier pool
(S-1) couvre la partie N- terminale de la protéine S (qui comprend le
domaine RDB) et le deuxième pool (S-2) couvre la partie C-terminale (qui
comprend le domaine intégré dans la membrane du virus). Grâce à la
cytométrie en flux, les scientifiques ont pu détecter les lymphocytes T CD4
activés à la suite de la stimulation.
Parmi les patients du groupe Covid-19, 67 % possèdent des lymphocytes
CD4 réagissant au pool S-1 et 83 % au pool S-2. Étonnamment, des
lymphocytes activés par la stimulation ont aussi été identifiés chez 34 %
des patients séronégatifs. Mais avec une petite nuance.

Les deux mélanges de peptides qui recouvrent la séquence
complète de la protéine S du Sars- CoV-2 et le dégré

d'identité des domaines N-terminaux, C-terminale entre les
différents coronavirus.

Un domaine conservé de la protéine S

Les lymphocytes des donneurs naïfs ont été plus stimulés par les peptides
du pool-S2 qui correspondent au domaine C- terminal de la protéine S. En
effet, cette partie de la protéine contient des domaines conservés entre
les différents coronavirus. Pour faire s i m p l e , les coronavirus humains qui
causent les rhumes possèdent une protéine S avec des domaines C-
terminaux similaires à ceux de la protéine S du Sars-CoV-2. À l'inverse, le
domaine N-terminal semble plus spécifique du Sars-CoV-2. Ces résultats
suggèrent qu'il existe une immunité cellulaire croisée entre le Sars-CoV-2
et les coronavirus du rhume qui est le résultat d'une précédente infection.

Les chercheurs ont alors fait un test supplémentaire sur 18 échantillons
issus des patients séronégatifs. Ils ont recherché la présence d’anticorps
(IgG) dirigés contre les coronavirus du rhume. Les 18 se sont révélés
positifs, même ceux dont les lymphocytes CD4 n'ont pas été activés durant
l'expérience précédente. Cela souligne le fait que l'immunité croisée est
indépendante de la présence d'anticorps.

Selon les scientifiques, ces données pourraient expliquer en partie
pourquoi certaines personnes sont asymptomatiques ou n'ont que des
manifestations légères -- alors que d'autres ont besoin de soins intensifs
-- ainsi que la prévalence de la maladie chez les personnes âgées. En
effet, les enfants et les jeunes adultes se rendent plus assidûment dans
des lieux

fréquentés où ils sont susceptibles d'attraper un rhume causé par un
coronavirus, contrairement aux personnes âgées.

Une infection ancienne par des coronavirus humains
protège-t-elle contre le Sars-CoV-2 ?

Julien Hernandez
L'immunité collective n'est pas une option, selon l'OMS

Dans une récente conférence, l'Organisation mondiale de la santé
(OMS) a déclaré qu'il n'était pas envisageable de laisser le SARS-
CoV-2 circuler pour espérer atteindre la fameuse « immunité
collective ». Pourquoi ?

Dans le cadre de l'épidémie de Covid-19, l'immunité
collective n'est pas une option, selon l'OMS.

Laissons le virus circuler. Il y aura des morts, mais l'immunité collective
sera atteinte plus vite et nous pourrons vivre à nouveau normalement.
C'était la stratégie prônée par le gouvernement britannique avant de faire
marche arrière. Cela a été la stratégie de la Suède qui compte plus de
morts par million d'habitants que la France et qui souffre actuellement
d’une seconde vague épidémique. Selon l'OMS, cette stratégie n'est pas
envisageable, notamment pour des raisons éthiques et scientifiques. En
effet, selon son directeur général : « Laisser le virus circuler sans contrôle
signifie donc permettre des infections, des souffrances et des morts
inutiles. »

Éthique et coronavirus

Le principe éthique que l'on souhaite respecter et maximiser ici, c'est de
réduire le nombre de conséquences funestes. Il est difficile de mesurer la
totalité des conséquences. Une pandémie a toujours des impacts cachés.
Néanmoins, laisser circuler un tel virus pourrait faire énormément de
dégâts directement mesurables en très peu de temps. Et surtout, cela
serait hors de notre contrôle. Même si les conséquences économiques sont
dramatiques, elles restent sous un contrôle plus fort de la volonté
humaine que des lois biologiques, étant donné qu'il n'existe pas de lois
économiques à proprement parler.

Ainsi, l'équation que les dirigeants du monde entier doivent résoudre est
celle-ci : limiter la circulation du virus, tout en préservant les habitants
de chaque pays d'une extrême pauvreté qui se traduirait par des
difficultés à se nourrir, à se chauffer, et entraînerait également un taux
de mortalité accru. Les décisions politiques apportent souvent leurs lots
de conséquences inattendues et parfois désastreuses, si la balance
bénéfice-risque n'a pas été rigoureusement étudiée.

Les gestes barrières seront essentiels tant que nous
n'aurons pas de vaccin. L'immunité collective
naturelle n'est pas une stratégie envisageable.

L'immunité collective : une chimère ?
Dans un récent document, l'Institut Pasteur explique brièvement ce qu'est
l'immunité collective : « L'immunité collective correspond au pourcentage
d'une population donnée qui est immunisée/protégée contre une infection à
partir duquel un sujet infecté introduit dans cette population va transmettre
le pathogène à moins d'une personne en moyenne, amenant de fait l'épidémie
à l'extinction, car le pathogène rencontre trop de sujets protégés. Cette
immunité de groupe, ou collective, peut être obtenue par l'infection naturelle
ou par la vaccination (s'il existe un vaccin bien entendu). »

Cela suppose donc que l'infection naturelle ou le vaccin entraîne une
protection suffisante pour faire barrière au virus. Dans le cas de
l'infection naturelle, on sait que pour les coronavirus classiques,
l'immunité n'est pas de très longue durée : quelques mois à une année
tout au plus. C'est pour cela que l'on peut avoir plusieurs rhumes dans
une même année. Concernant la Covid-19, on en sait encore peu sur son
immunité et sa durée selon les cas. Quelle immunité développent les
personnes asymptomatiques et les personnes Covid-persistant, par
exemple ? Trop d'inconnus subsistent donc pour prétendre que cette
stratégie est envisageable.

Céline Deluzarche

Covid-19 : l'immunité collective est-elle impossible à atteindre ?

Même à Manáus, au Brésil, où les trois quarts de la population
avaient déjà été infectés, une deuxième vague fait rage.
Comment expliquer que l’épidémie continue malgré tout à se
propager ? Et si l’immunité collective est une illusion, va-t-on
vers des reconfinements interminables ?

Le 25 janvier, Joe Biden a annoncé que les États-Unis se rapprocheraient
de l'immunité collective « d'ici l'été », affichant sa confiance dans le
déploiement de la campagne vaccinale. Début janvier, le ministre de la
santé, Olivier Véran, se déclarait « convaincu qu'on atteindra [en France]
un bon taux d'immunité collective ». « Le virus arrêtera de circuler de façon
épidémique quand au moins la moitié des personnes auront été immunisées
», renchérissait le 4 janvier dernier sur France Info le professeur Arnaud
Fontanet, membre du Conseil scientifique.

Tous ces experts feraient bien de se méfier. Car d'autres avant eux ont cru
à cette fameuse immunité collective qui n'est jamais venue. Le 26 avril
2020, l'ambassadeur de Suède aux États-Unis, Karin Ulrika Olofsdotter,
déclarait que Stockholm serait en mesure d’atteindre l’immunité
collective « d'ici le mois prochain ». Résultat : le pays connait une
explosion du nombre de cas depuis octobre, et particulièrement dans la
capitale.

En août dernier, l’épidémiologiste Trevor Bedford avait spéculé sur un
effet de l'immunité collective pour expliquer la chute des nouveaux cas en
Floride, au Texas et en Arizona. Trois États qui ont connu un fort rebond
de l'épidémie en novembre. Encore plus intéressant, le cas de Manáus au
Brésil où 76 % de la population aurait été infectée entre mars et
novembre selon une étude de l'université de São Paulo. Une proportion en
théorie largement suffisante pour bloquer la propagation du virus.
Pourtant, les hôpitaux de la ville voient affluer les malades depuis début
janvier.

Quatre raisons pour lesquelles l’immunité collective ne marche
pas

Mais alors, comment expliquer l’échec du concept d’immunité
collective ? Est-il définitivement illusoire ? Une étude publiée le 27
janvier dans The Lancet se penche sur le mystère brésilien et avance
quatre explications possibles. La première est que le taux de 76 %,
extrapolé sur la base des cas de sujets infectés, aurait été surestimé.
Cependant, même en prenant les vrais chiffres des tests sérologiques
positifs (52,5 % en juin), on aurait dû arriver à un taux d'infections
suffisamment protecteur.

Malgré 76 % de la population immunisée, Manáus au
Brésil fait face à une deuxième vague inquiétante.

Deuxième hypothèse : l'immunité collective a déjà largement décliné du
fait d'une baisse du taux d'anticorps après la première infection. Là encore,
c'est peu probable car plusieurs études ont montré que le niveau
d'anticorps restait suffisant pendant des mois. Une étude publiée dans
Science estime ainsi que la mémoire immunitaire perdure au moins 8 mois
et certains pensent qu’elle pourrait durer « des années ».

Comment pourrait se terminer l'épidémie de coronavirus ?
La troisième hypothèse est celle des nouveaux variants qui pourraient
échapper au système immunitaire. Deux variants (B.1.1.7, dit variant
britannique et P.1) ont ainsi été identifiés à Manáus, et l'on a déjà observé

un cas de réinfection d'une personne déjà immunisée par ce nouveau
variant P.1. De plus, un autre variant, porteur de la mutation E484K,
circule au Brésil. Or, cette mutation semble associée à une moindre
capacité de neutralisation par les anticorps. Enfin, la quatrième hypothèse
est celle d’une plus forte contagiosité des lignées circulant aujourd’hui. Le variant P.1 était
ainsi absent des échantillons collectés à Manáus entre mars et novembre,
et représentait 42 % des échantillons collectés en décembre.

L’épidémie de Covid est-ell e interminable ?

Cela signifie-t-il que l'immunité collective ne pourra jamais être atteinte et
que l'épidémie continuera à progresser et à se répéter inexorablement ?
Quelques espoirs subsistent quand même pour éviter ce sombre scénario.
D'abord, l'immunité vaccinale semble être supérieure à celle conférée par
l'immunité naturelle, selon une étude menée par le CHU de Toulouse (95 %
pour le vaccin Pfizer-BioNTech contre 85 % pour l'immunité naturelle). Une
autre étude israélienne montre que les patients vaccinés développent
jusqu'à 20 fois plus d'anticorps que ceux qui se sont rétablis du
coronavirus.

Et quand bien même l'efficacité du vaccin s'amoindrirait à cause des
variants, elle devrait être suffisante pour enrayer la propagation. De
plus, on peut espérer que, même en étant réinfecté une deuxième fois
par le virus ou un variant, on développe une forme moins grave de la
maladie, ce qui suffirait à éviter l'engorgement des hôpitaux et donc un
reconfinement.

L’objectif d’immunité collective ne sera
peut-être jamais réalisable.

HORIZON D'ESPOIR

Covid-19: à qt1and l'immunité collective ?
lVIên1e en augmentant le rythme de la can1pagne de

vaccination, une proleclion généralisée ne sera
probablen1ent pas atteinte avant l'auton1ne.

PAR VICTOR GARCIA

Pour accélérer le rythme des injections, différents lieux publics sont réquisitionnés.

Alors que la lassitude gagne face à l'épidémie et son lot de mesures sanitaires, la question
revient, lancinante : quand pourra-t-on retrouver une vie normale ? Déterminer une
date précise peut relever de l'acte divinatoire. « Les modélisations scientifiques
aident à bâtir des scénarios utiles, car ils envisagent les possibles. Mais il ne faut
pas croire qu'ils prédisent la réalité », avertit Marie-Paule Kieny, directrice de
recherche à l'Inserm et présidente du comité scientifique sur les vaccins Covid-19
chargé d'éclairer le gouvernement. Une chose semble néan-moins certaine : la
maîtrise de l'épidémie passe par l'immunité collective, atteinte lorsque le
pourcentage de la population protégée du Sars-CoV-2 est suffisamment grand pour
qu'un sujet malade contamine moins d'une personne en moyenne. Et, bonne
nouvelle, les dernières données sug-gèrent qu'en plus de protéger des formes
graves les vaccins permettent également deréduirelerisqued'infectiondel'ordre de
80 %. En revanche, le variant britannique change la donne. « Il est entre 20 et 50
% plus contagieux que la souche historique, rappelle François Balloux, directeur de
l'institut de génétique de !'University College de Londres et spécialiste de l'évo-
lution des pathogènes. Conséquence, le pourcentage de la population qui doit être
immunisée pour enrayer sa circulation se situe désormais au-dessus de 70-75 %. »
Soit plusde47 des 67,4 millions de Français.
Ce chiffre est-il atteignable? Selon les décomptes du ministère de la Santé, début
avril, seulement 3,2 millions de nos conci-toyens ont reçu les deux doses d'un des
vaccins disponibles. Par soustraction, pour atteindre l'objectif fixé, il en reste un
peu moins de 44 millions à vacciner. « Le rythme augmente très nettement,
notamment grâce aux vaccinodromes, note Vincent Jarlier, membre de l'Acadé-mie
de médecine, professeur émérite de bactériologie et d'hygiène à la Sorbonne. A ce
jour, nous sommes aux alentours de 250 000 doses administrées quotidien-nement
en moyenne, mais cela reste très insuffisant pour atteindre une immunité collective
d'ici à l'été. »
A cette allure, 18,5 millions de Français de plus auront reçu une seconde dose au
1er septembre, ce qui portera le total à 21,7 millions ... A peine plus de 32 % de la
population. « Même en atteignant la barre des 400 000 vaccinations par jour
voulues par le gouvernement, nous serons loin du compte », pointe encore le
professeur émérite. En effet, si cette cadence devient la norme au mois de mai,
seuls 30,9 mil-lions de nos compatriotes auront reçu leurs deux injections en
septembre. « Tout dépendra de l'approvisionnement en matière de doses et de
l'arrivée de nouveaux vaccins. Mais, si tout se déroule bien, nous pourrons y arri-
ver», espère Marie-Paule Kieny. « En plus, environ 15 % de la population hexa-
gonale a été infectée par le virus et a développé une immunité naturelle au moins
partielle», souligne Vincent Jarlier. Avant de préciser : « Mais ce pour-centage ne
peut pas être ajouté de manière brute, puisqu'une partie de ces personnes sera
également vaccinée. »



En d'autres termes, que 60 % de la population française soit immunisée d'ici au 1er
septembre constitue une hypothèse très optimiste. Et nous serons loin de la sor-tie du

tunnel : dans une étude publiée le 6 avril, l'Institut Pasteur alerte sur le risque de reprise

épidémique à l'automne pro-chain. Même avec un taux de couverture de 60 %. « Le

virus garderait alors un ter-rain de jeu conséquent, et, dans ces condi-tions, le maintien

d'un certain niveau de restrictions restera indispensable», sou-ligne l'auteur de

l'étude,Simon Cauchemez, membre du conseil scientifique, dans un entretien accordé à

L’Express. Car si seuls les adultes sont vaccinés, la circulation du virus restera importante

chez les enfants, qui, bien que moins contagieux, pourront faire repartir la pandémie.

Quand pourra-t-on, alors, atteindre une immunité collective? Marie-Paule Kieny
avance prudemment l'horizon de la fin de l'année 2021. Tout comme l'Institut Pasteur. «
Mais il ne faut pas croire que cette immunité sera forcément répartie équitablement sur
l'ensemble du territoire, prévient-elle. Il pourrait exister des réfractaires locale-ment (un
village d'irréductibles) ou dans une certaine tranche d'âge (les plus jeunes, peu concernés
par les formes graves). Il faudra du temps pour maîtriser totalement la pandémie. » Et
elle pourrait même ne pas diNspaaturareît,re entièrement. Dans un récent sondage publié
par le site de la revue une écrasante majorité de virolo-gues et
épistémologistes pensent que le Covid-19 deviendra endémique, c'est-à-dire qu'il
circulera en permanence sur le territoire, à bas bruit, avant de provoquer des reprises
épidémiques ponctuelles.
Ces dernières posent un problème crucial, puisqu'elles se produiront au sein des
populations réfractaires. Or, selon la dernière enquête de Santé publique France,
seulement 57 % des individus interrogés confirment vouloir se faire vacciner« cer-
tainement » ou « probablement » contre le Covid-19. « Parmi les récalcitrants, il y a bien
sûr des complotistes et des "antivax", mais aussi des personnes de bonne foi, estimant
que les vaccins ont été développés trop rapi-dement et préférant attendre», souligne
Antoine Bristielle, directeur de l'observa-toire de l'opinion de la Fondation Jean-Jaurès.
Heureusement, plusieurs raisons permettent de rester optimiste. D'abord, le
pourcentage de Français prêts à se faire vacciner est en hausse depuis le mois de
janvier, et il devrait encore augmenter, selon Anne-Sophie Hacquin et Hugo Mercier,
chercheurs à l'Institut Nicod (CNRS, EHESS, ENS):« Nos travaux sug-gèrent
que fournir des informations fiables et raisonnables à la population a un effet
bénéfique. » Ensuite, la pression sociale augmentera au furet à mesure de
l'augmen-tation du niveau général de la vaccination, ce qui pourrait faire changer
d'avis certains rétifs. La mise en place d'un passeport vac-cinal pourrait aussi
constituer un déclic. « Autoriser plus de libertés aux vaccinés - aller au
restaurant, au musée, etc. -, aurait un fort effet incitatif», suggère Marie-Paule
Kieny. Enfin, la question de la vaccination des enfants deviendra prégnante dans
les prochains mois, à condition qu'elle soit adaptée. « Probablement avec des doses
moins fortes, estime la chercheuse de l'Inserm. A ce moment-là, on pourra imaginer
n'autoriser que les enfants vacci-nés à aller en cours après la détection d'un cas
positif dans une classe, tandis que les autres resteraient quelques jours en télé-
école. » De quoi convaincre une bonne par-tie des parents parmi les hésitants ... *

Faut-il vacciner tout le monde?

L'arrivée 1nassive de doses donne l'occasion de repenser
la stratégie d'in11nunisation. Mais cela vaut-il le coup?

OUI/« EN OUVRANT AU MAXIMUM,
NOUS CASSERONS LES CHAÎNES
DE TRANSMISSION »

PAR ROBERT SEBBAG

Nous sommes à un tournant dans la campagne, les autorités promettant 12 millions de doses d'ici à la fin du mois d'avril.

Je plaide donc pour une politique de la première dose. On le sait maintenant, elle offre un palier de protection avec tous les
vaccins disponibles et diminue les risques de formes graves du Covid-19. Il faut donc profiter des quantités exis-tantes pour lancer
une campagne massive de premières injections au lieu de vouloir sécuriser des doses pour la seconde. En cela, le gouver-
nement a un devoir de transparence sur les stocks, et il n'est pas accep-table que certaines régions ou cer-tains centres en
gardent pendant plusieurs semaines. Ouvrons donc au maximum la vaccination, d'abord aux personnels prioritaires; je pense
aux caissières, aux forces de sécurité, aux éboueurs, aux soignants et sur-tout aux enseignants : dès la rentrée de mai, la
problématique des écoles va se poser à nouveau. Profitons des deux prochaines semaines pour vacciner ceux qui sont en
première ligne. Ensuite, il y a un moment où les autorités doivent se montrer moins dogmatiques, en mettant de côté les critères
d'âge et de comorbidités. On a commencé à le faire avec les plus de SS ans, on peut aller plus loin. Nous sommes engagés dans
une course contre la montre, et les vaccins jouent un rôle prépondérant dans la limitation de la transmission. Mais ce que je vois
sur le terrain me préoccupe. D'abord, nous ne sommes pas à l'abri de l'apparition de nouveaux variants. Ensuite, la défiance qui
s'est installée à l'égard de certains produits comme l'Astra Zeneca prend des proportions inquiétantes. Par consé-quent, il faut
aller vite et se montrer plus flexible. Israël a ouvert très tôt, dès le 4 février, sa campagne au plus grand nombre avec le succès
que l'on connaît : chaque soir, la sécurité sociale faisait un point selon les centres et prévenait, via leur portable, les citoyens
qui voulaient se faire vacciner sans critère d'âge. On en toute transparence et ne rien lais-ser dans les réfrigérateurs. Le
temps presse. C'est en ouvrant au maximum la vaccination que nous casserons les chaînes de transmission.*

NON/« IL FAUT CONTINUER À PRIORISER
LES PLUS VULNÉRABLES»

PAR ALAIN FISCHER

Il est vrai que la situation évolue.En avril, en mai et en juin, nous aurons beaucoup plus de doses disponibles. Toutefois, cette offre
croissante ne permet pas de vacciner tout le monde tout de suite. Loin de là. Par ailleurs, la stratégie suivie par la France a été de
privi-légier d'abord les personnes fragiles. Or ce parcours n'est pas arrivé à son terme. La vaccination des plus de 75 ans est bien
avancée, mais elle n'est pas terminée. Celle des plus de 70 ans n'est pas finie non plus. Enfin, celle des plus de 55 ans commence à
peine. Ces per-sonnes, même sans comorbidités, risquent davantage de dévelop-per un Covid grave et de mourir que d'autres de
20, 30, ou 40 ans en bonne santé. Donc, selon moi, la logique reste intangible. Une bonne frontière, même si c'est un petit peu
artificiel, serait de vacci-ner en priorité tous les plus de 50 ans et les personnes vulnérables.

Certes, il se peut parfois qu'en fin d'après-midi un centre, une pharmacie ou un médecin possèdent encore quelques doses
dis-ponibles. Ils se débrouillent alors pour les donner et peuvent les proposer, par exemple, à des personnes plus jeunes. Mais
c'est à la marge. Pour l'instant, la demande reste importante. Il y a des listes d'attente substantielles chez les pharmaciens.
Et beaucoup de personnes relativement âgées désirent se faire vacciner. Si l'on ouvrait le processus à tout le monde
aujourd'hui, les plus fragiles en pâtiraient, car cela retarderait leur prise de rendez-vous.

Certains diront que si on vaccine les plus jeunes, on protège les aînés en réduisant la circulation virale. Ce n'est pas complètement
faux, mais les modélisations montrent que les gains de cette stra-tégie ne sont pas suffisants. D'ici au 15 juin, date de l'ouverture
au moins de 50 ans, il faut donc continuer de prioriser les plus vulné-rables et peut-être certaines professions exposées. C'est
un sujet qui mérite d'être étudié avant d'ouvrir la vaccination à tous.*


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