Arnaud, le petit escargot
Illustrations : Huyen Tran
Texte : Catherine Decroocq
Remerciements
À ma fille, qui m'a donné l'idée de ce livre.
À mes parents, qui m'ont encouragée et aidée dans cette entreprise.
À ma tante, qui a embarqué avec enthousiasme dans cette aventure.
À mon ami, qui m'a soutenue et prodigué d'excellents conseils.
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Cet après-midi-là, c’était la tempête. Des éclairs zébraient le ciel, le
tonnerre grondait. Il pleuvait des trombes d’eau. On entendait le vent siffler
et parfois pousser des « houhou » lugubres.
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Grand cerf s’était réfugié sous un arbre.
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Petit Renard s’était abrité dans une petite grotte.
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Maman Escargot, qui était une maman prudente et prévoyante, avait
amené toute sa progéniture dans un petit renfoncement de rocher.
Maman Escargot avait dit :
« Les enfants, ici, il fait sombre, mais nous serons en sécurité. Nous
devons attendre que le vent se calme et que la pluie s’arrête. C’est moi et
votre papa qui vous donnerons l’autorisation de quitter le refuge. »
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Les enfants Escargot, dans l’obscurité, avaient joué aux charades et
aux devinettes. Papa et maman Escargot avaient même chanté un air d’opéra
à deux voix
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Puis, malgré la faim (la tempête ne s’était toujours pas apaisée à l’heure
du souper), tout le monde s’était endormi, les cornes et la queue bien rentrés
dans la coquille. Tout le monde ? Oui, tout le monde, même Arnaud, le plus
jeune de la famille Escargot et le plus gourmand, celui qui avait toujours
faim avant les autres et qui terminait son repas en dernier.
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Arnaud s’était donc assoupi et rêvait qu’il mangeait des pousses tendres
et odorantes auxquelles l’eau de pluie donnait une saveur si particulière et si
fraîche. Miam miam ! Peut-on rêver rêve plus magnifique que se régaler en
rêve, surtout pour un escargot gourmand comme Arnaud ?
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Mais peut-on imaginer réveil plus brutal et plus cruel quand on ouvre
les yeux et qu’on sent la faim dans le creux de son ventre? Il était minuit et
Arnaud entendait son estomac faire « grouik-grouik ». Il sortit ses cornes
et sa queue de sa coquille. Avec d’infinies précautions, il se dirigea vers
l’entrée de la grotte et regarda au dehors. Seules quelques gouttes de pluie
faisaient doucement «plic-ploc». Assurément, la tempête était finie.
Tout le monde dormait. Personne n’en saurait rien s’il allait un peu
dehors manger quelques feuilles, puis rentrait se lover à sa place. Arnaud
sortit du renfoncement dans le rocher.
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La lune éclairait faiblement le sentier à travers les arbres et ne l’aiderait
pas beaucoup dans son expédition nocturne.
Ce n’était pas très important, car comme tous les gastéropodes, il
n’avait pas de très bons yeux : il se laisserait guider par son odorat pour
trouver les végétaux les plus délicats et les plus exquis. Justement, juste à
droite, il y avait un délicieux champignon. « Croc-croc », fit Arnaud. Là, à
gauche, il trouva une succulente ortie. « Croc-croc » encore, fit-il. Le petit
escargot s’offrait un véritable gueuleton.
Il en oubliait le temps. Sans s’en rendre compte, il s’éloignait du rocher.
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Mais alors que la pluie faisait de petits « plic-ploc » au début de son
escapade, elle avait maintenant redoublé. De grosses gouttes tombaient en
faisant « ploc-ploc-ploc-ploc-ploc ».
Le vent avait repris : « Whouu-whouu ». Arnaud, un peu effrayé, se
colla sous un tronc d’arbre et rentra ses cornes et sa queue dans sa coquille.
« Je vais attendre que ça passe et puis je vais rentrer », songea-t-il.
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C’était penser sans l’énorme rafale qui le souleva, l’emporta et le fit
valser haut dans les airs...
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...avant de le faire retomber « patatra ! » dans une clairière, lui d’un
côté, sa coquille de l’autre.
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Il avait dû dormir après sa chute. La pluie et le vent s’étaient arrêtés.
Le soleil commençait à poindre son nez. Ses doux rayons réchauffaient son
petit corps meurtri.
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Heureusement, car, sans sa coquille, il n’avait plus rien pour se protéger.
Il la voyait, à côté de lui, brisée et inutilisable.
Arnaud était bien malheureux. Il se posait mille questions. Comment
retrouver sa famille ? L’accueillerait-elle à nouveau, nu comme il était ?
Sa maman le gronderait-t-elle beaucoup d’avoir désobéi et d’avoir été si
gourmand ? À force de pleurer, il s’endormit.
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Lorsqu’il se réveilla, il se retrouva sous un arbre avec de nombreux
escargots qui, comme lui, avaient perdu leur coquille.
– Bonjour ! Bienvenue chez nous ! fit une voix près de lui.
– Bonjour… Où suis-je… Et qui êtes-vous ? Est-ce que la tempête
vous a aussi fait perdre votre coquille ?
Quelques rires fusèrent.
– Nous t’avons transporté ici, chez nous. Tu étais dans la clairière et le
soleil risquait de te dessécher. Nous n’avons pas perdu notre coquille. Nous
n’en avons pas, nous sommes des limaces.
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La voix qui avait parlé appartenait à une jeune et charmante limaçonne.
– Je m’appelle Marion. Enchantée !
– Je m’appelle Arnaud... Enchanté…
Arnaud avait entendu chez lui quelques conversations sur les limaces.
Elles n’étaient pas très bien considérées, un peu comme des escargots de
second ordre.
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Arnaud demanda :
– Comment faites-vous pour survivre sans coquille ? Vous devez
beaucoup souffrir…
– Pas du tout ! Nous nous créons des abris de feuilles mortes pour
l’hiver et l’été, nous trouvons des endroits comme ici pour nous rafraîchir.
Nous voyageons léger ! Pas comme vous qui devez toujours transporter
votre maison sur le dos…
Une ombre de tristesse passa dans les yeux d’Arnaud.
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– Oh… Pardon… Je ne voulais pas te blesser… Viens, je vais te montrer
un endroit que j’aime beaucoup.
Arnaud se laissa entraîner par Marion.
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Comme il ne savait pas comment retourner chez les siens, il resta
dans la famille de la jolie limaçonne. Plusieurs mois passèrent. Au début, il
trouva un peu difficile de changer ses habitudes, puis, petit à petit, il trouva
commode de se déplacer sans rien sur son dos. Sa nouvelle amie lui apprit
de nouveaux jeux comme saute-limace ou limaçon- perché. Lui, lui apprit à
jouer à 1,2,3 Sauterelle et à Cache-cagot.
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Les escargots ne sont pas des animaux sédentaires. Transportant
perpétuellement leur maison sur le dos, ils ont un mode de vie nomade. Les
limaces aussi, bien que sans bagage, sont de grandes voyageuses. Un jour,
par hasard, au détour d’un buisson d’orties, les deux familles tombèrent nez
à nez, ou plutôt devrait-on dire cornes à cornes.
Une maman est une maman. Elle reconnaît toujours ses enfants. Même
sans sa coquille, elle reconnut son petit Arnaud. Les retrouvailles furent
émouvantes, quoiqu’un peu baveuses et collantes.
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Le papa d’Arnaud lui fabriqua une nouvelle coquille.
Le petit escargot lui demanda cependant une faveur : de ne pas la coller
sur son dos afin qu’il puisse à volonté la mettre et l’enlever. Il voulait pouvoir
vivre de temps en temps comme un limaçon. Un temps un peu choqué, Papa
Escargot finit par accéder à la demande de son fils.
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D’ailleurs, les deux familles sympathisèrent. Papa et Maman Escargot
étaient tellement reconnaissants de ce qu’avait fait la famille Limace pour
Arnaud ! Ils organisèrent de nombreux pique-niques et surprises-parties
ensemble.
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