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Published by IDEFI-CréaTIC, 2018-07-02 11:20:34

Bilan Pedagogique 2016 - 2017

Bilan Pedagogique 2016 - 2017

Bilan
pédagogique

2016 >2017

Publié par

Université Paris 8
2 rue de la Liberté, 92526 Saint-Denis
www.idefi-creatic.net

Design graphique : © Stéphanie Léonard
Imprimé par Jouve
Juin 2018

Le projet Créatic reçoit une aide attributive ANR-11-IDFI-0011
au titre du programme Investissements d’avenir.

Innover, créer, former

avec et par le numérique

En réponse à la mutation des métiers et des modes d’apprentissage et de
transmission dans l’enseignement supérieur, le programme CréaTIC s’insère dans
une dynamique constante de refonte de l’ingénierie de formation. L’objectif étant
de proposer une articulation plus cohérente et étroite entre les enseignements
théoriques et les pratiques créatives afin de favoriser au mieux l’insertion
professionnelle des étudiants. CréaTIC propose un changement de paradigme
pédagogique tout en relevant le défi de faire émerger un nouveau champ
disciplinaire : les sciences de la création. CréaTIC répond ainsi aux grands enjeux
de l’avenir : penser, inventer, rendre accessible, diffuser des évènements, des
objets et des œuvres. S’inspirant des pratiques pédagogiques éprouvées dans
les disciplines artistiques, il modélise des apports et les implante dans d’autres
disciplines. Ainsi, par la mise en œuvre d’ateliers-laboratoires, CréaTIC favorise
l’émergence de l’acte créateur pour construire des compétences évolutives.

ÉDITO 1

Sommaire

ENTRE ARCHIVES ET RÉCITS DE VIE

  Territoires en migration(s), histoires de langues et récits de vie  6
par Delphine Leroy 

  Pédagogie de la trace dans les postdictatures :  24
Haïti et autres pays
par Stéphane Douailler 

  Mémoire et paysage  38
par Soko Phay et Patrick Nardin 

  Ancrage dans le territoire des acteurs institutionnels ou associatifs
par Martine Bodineau et Pascal Nicolas-Le Strat   52

TRANSMÉDIA, IMAGES ET ANIMATIONS ENRICHIES  60
  Scénario animé : écrire pour le cinéma d’animation
par Fabien Boully 

2 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

  @Nimat : création artistique d’animaux-automates  68
animés interconnectés   72
par Chu-Ying Chen et Vincent Meyrueis   80
  Webdoc :
le développement transmédia d’un projet documentaire  86
par Louis-Michel Désert   92
  Hypermédia et création artistique  96
par Marc Veyrat   102

ARTS DE LA SCÈNE ET EXPÉRIMENTATIONS NUMÉRIQUES  110
  Musée sonique
par Linda Duskova et Lucas Lelièvre 
  Art, culture et participation -
Pratiques participatives dans l’espace public
par Emanuele Quinz 
  Théâtre et téléprésence
par Julien Brun 
  Pratiques scéniques contemporaines :
expérimentations/création
par Sabine Quiriconi 

ENVIRONNEMENT ET PROTOTYPES
  Créativité, reconstruction, proverbes
par Samuel Szoniecky et Stéphane Safin 

SOMMAIRE 3

  Techniques de créativité et d’innovation  116
au service de la conception  119
par Françoise De Cortis et Stéphane Safin 

  Muséologie numérique
par Bernadette Dufrêne et Rémi Labrusse 

MÉTHODOLOGIE D’ANALYSE ET DÉVELOPPEMENT DE PROJETS

  Entreprendre autrement  122
par Marcos Giadas 

  Innovation et design thinking  130
par Gérald Péoux 

  E-éducation : ontologie des ressources pédagogiques  132
par Jean-Marc Meunier et Samuel Szoniecky 

  Gestion de projets et communication  136
par Agnès Henry 

LITTÉRATURE ET ÉCRITURES NUMÉRIQUES  146
  Éditorialisation des collections numériques de Gallica  155
par Hélène Desprez et Arnaud Laborderie   158
  Rencontres littéraires
par Vincent Message 
  Humanités Pop
par Agathe Lechevalier et Matthieu Ughetti 

4 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

  Écritures littéraires numériques  161
par Philippe Bootz 

  Comédie Française 2.0 : le répertoire au prisme du numérique  164
par Tiphaine Karsenti 

SOMMAIRE 5

Territoires en Migration(s).

Histoires de langues

et récits de vie

Saison 2 : Écrire les langues

PAR DELPHINE LEROY

Porté par le master SDE parcours Education Tout au long de la vie, cet atelier-laboratoire
CréaTIC (en trois temps, validables séparément) s’inscrit dans une démarche de relation
entre l’Université et son « territoire ». Il s’agissait de réaliser des histoires de vie de
migrant-e-s d’un quartier précis (de Stains, quartier du Moulin Neuf) centrées sur les
parcours biographiques des personnes vis-à-vis de leur usage des langues et de leurs
modalités d’écritures. (Dispositif : par le biais de l’école maternelle, les parents et/ou
habitants du quartier sont invités à dire une comptine ou une courte chanson dans une
langue parlée autre que le français. Un travail de création est engagé parallèlement
entre les habitants et la galerie d’art contemporain de Noisy sur l’écriture des langues).
Les étudiants réalisent des entretiens des personnes concernées et les transcrivent
intégralement. Ils s’initient à la collecte de données ethnographiques (au moyen de
photographies, captations vidéo et sonores, de collections d’objets etc.). Une attention
particulière est portée à la relation d’enquête (Semestre 1). Dans un deuxième temps,
ils proposent et produisent différents modes de restitution et de mises en récit des
transcriptions et des différents matériaux collectés en vue de la restitution publique
auprès des habitants (Semestre 2) mais aussi en s’initiant à des restitutions plus
académiques (Semestre 1). En parallèle, il y avait la possibilité de suivre un atelier d’aide
à l'écriture universitaire NET.

6 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

OBJECTIFS

› e ngager les étudiants dans des postures réelles de recherche impliquant des

apprentissages multiples. Ces derniers sont facilités par le sens et la nécessité (la
recherche en cours) qu’ils recouvrent (relation aux personnes interrogées, place
et rôle du chercheur dans la ville) ;

› s’approprier différents modes d’écritures et en mesurer les spécificités ;
› s’appuyer sur les expériences et le groupe de recherche pour problématiser

et analyser le rapport aux langues, le rapport à l’inscription locale, à la
reconnaissance ;

› permettre à chacun-e d’aller au-delà de ses préconçus ;
› faire l’expérience de modes collectifs et collaboratifs de recherche

pluridisciplinaires ;

› l’équipe soutiendra le groupe afin qu’il soit à même de proposer une restitution

publique à la fois aux personnes interrogées du quartier concernées mais aussi
correspondre à des restitutions plus académiques ;

› l’idée est que chacun soit confronté à d’autres histoires langagières que les

siennes et puisse établir dans le même temps des passerelles avec son expérience
mais également une distanciation visant une réflexivité accrue sur ses propres
représentations.

VALIDATION

› t ranscription intégrale d’un entretien effectué dans le cadre du cours ;
› être présent et s’impliquer dans les moments de recherche et de restitution

collective. Partager des extraits choisis de son propre journal de recherche ;

› les étudiants s’engageant à suivre plusieurs sessions seront prioritaires.

LE OU LES MODÈLES PÉDAGOGIQUES MOBILISÉS
Pédagogie de projet. Sollicitation auprès du groupe de traiter les situations-problèmes
qui se révèlent lors de l’expérimentation collective. Faire des tensions du groupe des
objets de travail.
Implication des participant-e-s.
Pratique du journal de terrain personnel et collectif : blog consacré au travail réflexif
sur cette thématique.

TERRITOIRES EN MIGRATION(S). HISTOIRES DE LANGUES ET RÉCITS DE VIE 7

LE DÉROULEMENT DE L’ATELIER
3 étapes distinctes et deux moments de restitution

› 3 lundis en intensifs : 

approches du terrain et des acteurs (école maternelle Guy Môquet, quartier
du Moulin Neuf de Stains, Galerie d’art Contemporain de Noisy le Sec), vers
des méthodes ethnographiques : observations, pratique du journal (individuel,
collectif et numérique : création d’un blog), l’entretien semi-directif.

› 6 séances hebdomadaires (jeudi soirs) 

pour accompagner la problématique des appropriations linguistiques, les allers-retours
avec le terrain (participation à la demi-journée de la fête des langues organisée à l’école),
la conduite des entretiens, des transcriptions et premières lectures d’entretiens.

› Une journée d’étude le 27 mars, 

à l’Université Paris 8 sur la thématique du projet  : Écritures en Migration(s).
Expériences, tensions, transformations.
Avec des universitaires spécialistes de ces questions mais aussi des étudiants
intervenants dans le cadre de l’atelier-laboratoire (retraçant quelques portraits
réalisés à partir des entretiens effectués), des classes de GS et des familles de
l’école maternelle de Stains pour présenter le projet réalisé en classe.

8 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

› 3 journées intensives 

pour analyser les entretiens, concevoir et réaliser une restitution aux habitants.

› Une restitution

conviviale et plastique à l’école maternelle le 18 mai 2017.

LES INTERVENANTS ET PARTENAIRES MOBILISÉS

› Artiste plasticien : Sébastien Rémy
› S uivi des étudiants-e-s et aide aux entretiens : Jean-Fidèle Simba
› La galerie, centre d’art : Florence Marqueyrol & Emilie Renard & les artistes en

résidence et/ou intervenants

› L’école maternelle Guy Môquet de Stains, l’équipe enseignante et plus

spécialement Lilia Ben Hamouda (directrice) & Mickaël Foucault (enseignant et
réalisateur)

› La ville de Stains : Feresteh Tabib ( ex-responsable politique de la ville, jusqu’au mois

de mars 2017)

› P articipant/ observateur : Gérald Schlemminger -Ecole supérieure de Pédagogie de

Karlsruhe (Allemagne)

› Coordination : Delphine Leroy

TERRITOIRES EN MIGRATION(S). HISTOIRES DE LANGUES ET RÉCITS DE VIE 9

BILAN PÉDAGOGIQUE : POINTS POSITIFS ET NÉGATIFS

Négatifs

› difficultédepaiementdesintervenantsdel’anpasséquiagénéréunedémobilisation ;
› a bsence de salles à la rentrée sur le campus ayant obligé à modifier le calendrier

initial au dernier moment ;

› volonté d’aligner l’agenda au master Net pour collaboration autour de l’écriture

universitaire 1/ Peu de nos étudiant-e-s étaient disponibles sur ce créneau (lundi)
2/ Collaboration annulée car impossibilité de rémunérer l’intervenante prévue des
PUV ;

› gestion de groupe très difficile  : arrivées à de multiples moments (changements

de dates pour favoriser l’intégration de nouveaux participant-e-s) ont généré
beaucoup d’incompréhensions et de frustrations (redites pour certains quand
d’autres ne comprenaient toujours pas de quoi il était question et quelle pouvait
être leur implication) ;

› m anque d’autonomie de certain-e-s étudiant-e-s dans la recherche et la conduite

d’entretiens : un intervenant s’est consacré à l’accompagnement d’un petit groupe
particulièrement en difficulté ;

› partenariat avec la ville de Stains rendu difficile par des problématiques internes à

l’équipe municipale (avec notamment le départ volontaire de la responsable de la
politique de la ville qui soutenait particulièrement ce projet).

Positifs

› p artenariat avec l’école ;
› p artenariat avec la galerie : la visite dans cet espace a été un grand révélateur

du réel besoin de ce type d’initiative  : aucun-e étudiant-e présent ce jour là ne
s’était précédemment rendu – d’après leurs propres déclarations - dans une
galerie, un centre d’art ou même un musée exposant des œuvres plastiques. Pas
même lorsqu’ils étaient dans le cadre scolaire en sortie de classe. Il semble donc
indispensable de continuer et d’élargir ce type d’appropriation culturelle ;

› entretiens réalisés  : tous les étudiant-e-s sont parvenus à réaliser un entretien,

parfois même deux lorsque le premier se révélait trop « expéditif » ;

› v enue et accueil réussi des habitants du quartier du Moulin Neuf (familles, élèves-

10 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

enseignant-e-s) à l’Université. Faire venir des habitants et des élèves de la ville
toute proche de Stains, c’est actualiser l’idée de la proximité et de la possibilité
d’accéder à des études universitaires dans des quartiers peu investis dans ce type
de projection ;

› j ournée d’études qui a permis la participation de beaucoup d’étudiant-e-s et donc

de rendre visible le projet, ses objets et perspectives de publication incluant les
étudiant-e-s ;

› restitution à l’école : très grand investissement d’un petit groupe d’étudiants avec

des productions de grande qualité qui ont été grandement appréciées par le public ;

› l a participation d’un collègue de Karlsruhe (Allemagne) à la dernière phase de

restitution qui augure d’un partenariat plus important l’an prochain.

À travailler
Un des points de tension avec les étudiant-e-s au premier semestre a fait suite à
l’intervention d’un plasticien (ceux qui s’y sont opposés n’avaient d’ailleurs pas réalisé
la visite à la galerie). L’art contemporain a été ainsi qualifié de particulièrement
inadapté au projet car « art bourgeois pour les bourgeois » ne comportant aucun
intérêt selon eux, à la fois dans leur pratique (personnelle, éducative) mais surtout
pour le public que le projet visait. Ce point particulièrement intéressant puisqu’il
permettait de mettre en débat les représentations des un-e-s et des autres, n’a pas
pu aboutir à un échange construit comme je le souhaitais lors de la journée d’étude
où cette question était clairement posée : soit les étudiant-e-s se sont tus, soit ils ne
sont pas venus.
Cette question vive alimente une réflexion suivie avec la galerie sur les enjeux de l’art
contemporain en banlieue et la réception auprès des publics. Elle sert d’appui à notre
prochain partenariat.

LES PRODUCTIONS DE L’ATELIER ET LEUR VALORISATION

› des modes de restitutions écrites sur divers supports (blogs, papiers et publication)

et de différents statuts (personnelles, créatives, institutionnelles) ;

› d es productions plastiques réalisées sur la thématique des langues avec des

« acteurs » du terrain (enfants-familles) ;

› j ournée d’étude (avec publication en perspective) ;

TERRITOIRES EN MIGRATION(S). HISTOIRES DE LANGUES ET RÉCITS DE VIE 11

› d es interventions/ productions d’étudiants (format court) lors de la Journée

d’Etude. Un montage vidéo du service communication de Paris 8 en retrace les
grandes lignes ;

› restitution à l’école (dispositifs éphémères  : bains sonores, post-it et panneaux

arts plastiques laissés sur place).

POUR ALLER PLUS LOIN

Deux compte-rendus d’étudiant-e-s journée d’étude du 27 mars

Journée d'études du 27 mars 2017
L’écriture et/en migration(s) : expériences, tensions, transformations

La journée « L’écriture et/en migration(s) : expériences, tensions, transformations » était organisée
par Créatic, le laboratoire EXPERICE, le département Communication-Français langue étrangère de
l’Université de Paris 8, en partenariat avec l’école maternelle publique Guy Môquet de Stains, la mairie
de Stains, et la galerie d’art contemporain de Noisy-le-Sec. Cette rencontre s'est tenue à la Maison des
étudiants de la Coupole, lieu d'échanges et de réflexions de l'Université Paris 8 Saint-Denis, de 9h à 18h.
Pour des raisons professionnelles, je n'ai pas pu assister à la totalité de la journée et suis arrivé en début
d'après-midi, pour suivre la deuxième partie du programme.
Cette journée s'inscrivait dans le cadre de l'atelier-laboratoire « Territoires en migration(s), histoires
de langues et récit de vie ». Les participants, principalement des universitaires venus notamment de
région parisienne, de Bourgogne, des Pays de la Loire comme d'Allemagne, ont échangé autour des
expériences des migrants liées à la langue et à l'écriture. Il s'agissait pour eux de s'interroger sur les
modes d'appropriation des langues et des langages par les populations migrantes, de comprendre
comment l'acquisition d'une langue peut participer à l'émancipation de chacun, sans pour autant que
la langue originelle soit niée, oubliée. Dans cette optique, le rôle des institutions, et notamment celui
de l'école sur la pratique langagière a été exploré. Les intervenants se sont, par exemple, demandé
comment l'école pouvait favoriser l'appropriation d'une langue, non seulement pour les enfants mais
aussi – indirectement - pour leur famille tout entière, et quelles étaient ainsi les interactions susceptibles
de se créer entre l'école et ces familles migrantes.
A la fin de la journée, l'ensemble de ces réflexions ont été illustrées par des entretiens menés par des
étudiants : leur retranscription a permis aux participants d'entendre, en quelque sorte, les témoignages
des parents d'élèves de l'école maternelle de Stains. Ces derniers ont donné leur impressions, ont

12 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

raconté leur vécu, en répondant à la question suivante : « Quelle est votre histoire par rapport aux
langues ? »
Voici ma perception de cette journée consacrée aux interactions entre migration, langue, écriture,
apprentissage et récit de vie. Comment écrire son histoire intime, inscrire son parcours de vie dans une
société que l'on apprend à connaître, sans oublier ses origines ?
Une langue de l'école, une langue de la maison ?

La relation entre la langue institutionnelle, « officielle », celle que les enfants apprennent à l'école, et
la langue parlée au quotidien dans l'intimité du foyer, la langue d'origine des parents, a été interrogée.
L'interaction, la distance, l'étrangeté pour ainsi dire, entre les deux langues a été évoquée comme étant
une source de blocages et de tensions chez les personnes migrantes, toutes générations confondues.
Par exemple, un mot écrit par un parent dans un carnet de liaison, provoquera, s'il n'est pas écrit
« comme il faut », s'il n'est pas bien compris, un jugement dépréciatif – ou perçu comme tel - chez
l'instituteur ou l'institutrice. Entendu ou ressenti par le père ou la mère, ce jugement aura un impact
négatif sur les parents, et indirectement sur l'enfant. Alors qu'elle devrait être un lieu de partage et
de bienveillance, l'école devient, dans ce cas, un lieu d'où peuvent jaillir des tensions : tension entre
la famille et l'école, due à une incompréhension mutuelle, mais aussi tension entre les générations au
sein de la cellule familiale, entre l'enfant qui apprend et ses parents qui peinent à s'approprier la langue
apprise par leur enfant.
L'apprentissage peut ainsi devenir « violent » comme l'ont expliqué les intervenants, comme en ont
témoigné les parents et les enfants. Ainsi, nous avons pu écouter le témoignage d'un jeune garçon qui
prenait conscience de la différence de pratique langagière quand il disait : « c'est pas pareil comme à la
maison ». L'enfant s'aperçoit du fossé, de la frontière existant entre la langue de l'école et la langue parlée
à la maison. Pour lui, il y a deux français : un français «décollé du réel», pour rependre les propos que j'ai
entendu durant cette journée, le français scolaire, et le français du réel, celui qu'il entend dans sa maison.
Ce « double langage » peut provoquer un « sentiment de minoration », notion développée par Philippe
Blanchet et évoquée par les intervenants. Alors que le français devrait accompagner la diversité, être
une langue vivante à tous les niveaux de la société, il devient une langue normée qui s'oppose à la langue
courante. Cette distinction entre deux niveaux de langage est source de discriminations linguistiques,
ignorant l'hétérogénéité des pratiques réelles de la langue. La langue peut ainsi constituer un facteur
d'attachement à un groupe mais être également un facteur de domination/soumission.
Dans le cadre de ma mission bénévole au sein de l'association Hors la rue, qui prend en charge des
mineurs migrants, j'ai perçu cette coexistence et ce jeu entre plusieurs langues chez les jeunes. Comme
à la maison, quand ils sont entre eux, et bien que ce soit interdit, ils échangent dans leur langue d'origine,

TERRITOIRES EN MIGRATION(S). HISTOIRES DE LANGUES ET RÉCITS DE VIE 13

une façon de se retrouver et de se rassurer. Leur langue d'origine est bien en eux, et les éducateurs
ont beau dire « parlez français que l'on vous comprenne tous » ils ne peuvent évidemment pas s'en
empêcher. Pour autant, ils sont très volontaires, très motivés pour apprendre le français et ne ménagent
pas leurs efforts. Et quand l'un d'entre eux bute sur un mot, ne comprend pas, ils s'entraident, se
soutiennent, en utilisant leur langue d'origine, pour l'aider à apprendre leur nouvelle langue. Je pense
que cet exemple confirme qu'il faut dépasser les questions de domination d'une langue sur une autre
pour parler de la richesse des échanges et d'interactions entre les langues.
L'apport de l'art contemporain :

Émilie Renard, directrice de la galerie d'art contemporain de Noisy-le-Sec, et Vanessa Desclaux,
enseignante à l'école nationale supérieure d'art de Dijon, ont conduit des projets artistiques avec des
personnes migrantes et en difficulté. Elles ont souligné combien il était important d'explorer différents
modes d'actions et d'approches en direction de migrants, pour les aider à avancer et à dépasser leur
situation délicate. La pratique artistique est un préalable de reconnaissance indispensable à un désir
de nouvelle appropriation langagière : en d'autres termes, l'art est un vecteur qui va permettre aux
migrants de faire sauter les verrous, de se libérer pour mieux adopter leur nouvelle langue.
Pendant leur intervention, elles ont raconté comment elles étaient venues à travailler sur des différentes
activités telles que les récits de vie, les images de la vie quotidienne ou les portraits sonores. Ces travaux
artistiques sont des espaces d'expression pour les migrants. Ils constituent un excellent moyen de
reconnaître et d’accepter l'autre avec ses pratiques langagières, mais aussi une façon de partir sur de
nouvelles bases d'apprentissage d'une langue commune.
Là encore, je ne peux que faire le rapprochement avec mon engagement à Hors-la-Rue. Comme Émilie
Renard et Vanessa Desclaux, cette association fait appel aux activités artistiques pour (re)donner
confiance et un nouvel élan aux migrants. Un spectacle de Noël a été ainsi organisé autour de poésies
écrites par les jeunes, à partir d'une formule empruntée à Georges Pérec, « Je me souviens... » : chacun
devait raconter son passé, parfois difficile, douloureux. En le racontant, ils le partageaient, et leur passé
était reconnu. Ils peuvent aussi peindre leur vécu dans le cadre de cours de dessin donné par une art-
thérapeute. La musique n'est pas oubliée et participe à valoriser leur langue d'origine tout en leur faisant
pratiquer leur nouvelle langue. Lors d'une soirée baptisée « Joue ta zik », les jeunes adolescents ont
chanté plusieurs chansons en bambara, en français, parfois dans les deux langues en duo.
Lors de la journée d'études, j'ai fait un rapprochement lorsque la vidéo tournée lors de la Fête des langues
a été projetée, montrant les parents et leurs enfants de l'école maternelle de Stains qui chantaient
une comptine dans la langue de leur pays d'origine. En les écoutant, j'ai compris combien la diversité
langagière est une richesse, et combien il est nécessaire de l'entretenir à travers toutes les générations.

14 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

Le 27 mars 2017 s’est tenue à l’université Vincennes à Saint-Denis Paris 8 une journée d’étude sur l’écriture
et  /en migration(s) organisée par Créatic, le laboratoire EXPERICE, le Département communication-
Français Langue Etrangère de L’Université Paris 8. Cette journée d’étude s’articule sur l’expérience de la
migration et l’utilisation de l’écrit. La journée d'étude était structurée en deux parties qui ont marqué
une progression méthodologique. Les deux sessions ont abordé successivement les thématiques de
l’immigration, l’écriture (récit de vie) et les langues qui nous traversent.

Les deux interventions de la première session étaient consacrée à la migration et l’écriture. La discussion
sur la migration et l’écriture commence par Marie Berchoud  (univ. De Bourgogne, prof des universités,
sciences du langage), où elle évoque comment les migrants vivent le silence et comment l’écriture est
une voie pour amener les gens à raconter leur histoire et confier leur parcours. C’est vrai qu’un migrant
a rarement pour premier souci d’écrire son vécu, du moins tant qu’il n’est pas parvenu à la stabilité. Cela
dépend aussi de sa culture et son rapport à l’écriture.
L’intervention de Stephanie Cirac qui nous présente l’histoire de la littérature russe, et comment utiliser
la littérature pour parler de l’expérience. L’art de transmettre des connaissances. Elle nous a parlé du
rapport à l’identité et à la langue des parents. L’art de littérature c’est de transmettre des connaissances,
c’est la façon d’enlever le traumatisme surtout entre guerre.
L’intervention de Ferroudja Allouache (doctorante, Université Paris 8, UFR SEPF- PRCE Littérature,
Histoires, Esthétique) et Nicole Blondeau (professeur a Université Paris 8, MCF Sciences de l’éducation, 
départ. COM-FLE, laboratoire EXPERICE) sur le dispositif de l’écriture comme une forme d’apprentissage.
Elles montrent comment la production écrite dans une autre langue, l’écriture d’une histoire personnelle
est un moyen de soulagement de communication et d’apprentissage.
La deuxième partie, c’est la présentation d’un projet en cours de l’atelier-laboratoire Créatic « Territoires
en migration(s), histoires de langues et récits de vie ». Une articulation dispositif sur terrain à Stains, un
projet pour apprendre ce qui est une recherche auprès des habitants. Un échange sur les langues. C’est
un projet sur la valorisation des langues au sein d’une école maternelle, l’école Guy Môquet (Le Moulin
Neuf à Stains), une expérience sur le rapport aux langues autour des enfants et des adultes.
Le 14 janvier, une fête des langues a été organisée à l'école maternelle Guy Môquet, les parents ont
chanté des chansons dans leur langue maternelle.
Un enregistrement sonore a été effectué comme support pédagogique afin de valoriser la diversité
linguistique. C’est une journée très intéressante. L’école maternelle va solliciter la curiosité des enfants
on  s’appuyant sur leur disponibilité auditive et les amener à mémoriser les manières de raconter
des histoires ou de chanter des chansons accompagné des parents dans une langue maternelle. Du

TERRITOIRES EN MIGRATION(S). HISTOIRES DE LANGUES ET RÉCITS DE VIE 15

patrimoine du pays  pour  développer des représentations positives et des attitudes d’ouverture à
la diversité linguistique et culturelle,  pour développer des capacités d’observation ainsi que pour
développer une culture qui constitue un ensemble de connaissances aidant à la compréhension du
monde dans lequel l’enfant a grandi et évolue.
La contribution de Forence Marqueyrol, la  responsable du service des publics et du programme
culturel et Emilie Renard, la directrice de la galerie d’art contemporain de Noisy le Sec, concerne la
question de l’art contemporain.
La galerie d’art contemporain de Noisy le sec, ouvre ses portes aux enfants et aux adolescents pour
des activités pédagogiques. L'occasion pour eux de s'approprier le lieu tout en aiguisant leur curiosité
pour l'art contemporain. L’équipe de la galerie propose aux enfants des actions pédagogiques et
culturelles ainsi que des outils de médiation. C’est une façon ludique et inventive d'explorer la richesse
et la multiplicité des regards sur l'art d'aujourd'hui et une belle initiative qui encourage la curiosité et
l'ouverture des enfants.
Le formateur Bruno Hubert, formateur ESPE à l'académie de Nantes et chercheur au centre recherche
à l'éducation de Nantes intervient sur les écrits biographiques des enfants et Delphine Leroy, maître
de conférence au laboratoire EXPERICE à l'Université de Paris 8, a souligné l’importance de l'écrit des
parents et des enfants à l'école.
Enfin, Murielle Molinier, professeure d'Université au laboratoire DILTEC à la Sorbonne Nouvelle, Paris 3,
nous a fait parvenir une synthèse de la journée.
Dans cette journée, différentes approches étaient présente telles que science de l’éducation, sciences
du langage, la littérature et aussi l’anthropologie. Elles traitent l’apprentissage tout au long de la vie
par l’usage de l’écriture vis-à-vis des enfants et des adultes ainsi que la prise en compte de la diversité
linguistique dans les écoles.

Trois bilans d’étudiants (second semestre)

Bilan de l’atelier de l’étudiant Mourad Amdouni M1 (ETLV)

Du lundi 15 au jeudi 18 mai 2017, j’ai participé aux activités de cet atelier. Dès l’entame de ces journées
de formation, Delphine Leroy nous a présenté un aperçu sur les travaux qui ont été fait, au premier
semestre de cette année universitaire, par des étudiants de notre parcours ETLV dans le cadre d’un
programme de formations innovantes intitulé CréaTIC.
Il s’agit de réaliser des entretiens avec des parents d’élèves de l’école maternelle publique Guy
Môquet de Stains. La question de départ de ces interviews était la suivante : peux-tu me raconter ton

16 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

histoire, à toi, personnelle, par rapport aux langues ?
L’objectif de ce projet est de montrer à travers ces rencontres et la matière qui en résulte que, dans
ces quartiers, il y a des apprentissages qui se font. Ces gens peuvent ainsi voir le potentiel éducatif
de l’équipe pédagogique et des étudiants de Paris 8 qui valorisent des apprentissages et des parcours
de vie. C’est aussi une action de valorisation de la migration considérée comme un processus qui
mobilise des capacités humaine.
Une collaboration technique et artistique avec la galerie d’art contemporain de Noisy le Sec montre
qu’on peut avoir plusieurs regards pour aborder cette problématique. L’angle de vue d’un artiste
comme Sébastien Rémy peut, de ce fait, compléter les travaux des chercheurs.
Gérald Schlemminger, un professeur allemand à la Pädagogische Hochschule, Karlsruhe, est venu pour
participer aux travaux de cette semaine intensive. De part sa spécialité scientifique (linguiste, chargé
de former des professeurs pour enseigner la langue française), il est intéressé par les croisements
entres les cultures et la langue.
Le travail avec cette école maternelle sur les langues des locuteurs a permis de créer un rapport entre
le milieu scolaire et les parents des élèves. À travers plusieurs activités, ces derniers ont pu montrer à
leurs enfants qu’ils peuvent exister avec leurs particularités.
Nous nous sommes penchés, le premier jour, sur quinze entretiens transcrits. Leurs volumes étaient
variés (entre trois et trente pages). La méthodologie proposée par Delphine Leroy consistait à
classifier le contenu de ces entretiens selon trois idées principales à dégager : les citations pertinentes
prononcées, le profil de l’interviewé(e) et l’attribution d’un pseudonyme.
J’ai travaillé sur trois entretiens différents : le premier était d’une dame d’origine réunionnaise, le
deuxième (le plus dense avec une trentaine de pages) d’une française d’origine marocaine et le
troisième encore d’une dame d’origine réunionnaise.
Deux jours de travail sur l’analyse du contenu de ces entretiens et le dégagement des propos
pertinents en rapport avec notre recherche. On a pu, avec les recommandations méthodologiques et
les éclaircissements conceptuels des professeurs, classifié ces informations dans des pancartes qu’on
a accroché dans la petite salle.
La discussion autour de la modalité de valoriser artistiquement ce produit a occupé un temps
important. Plusieurs idées, plusieurs conceptions artistiques ont été abordées et certaines ont été
exposées par Sébastien (Les fresques avec les post-its, la verbalisation sous le modèle du spectacle
intitulé « L’encyclopédie des paroles », etc.).
On a opté finalement pour trois projets : la verbalisation enregistrée, la conception d’une fresque avec
des post-it de couleurs différents et la réalisation de deux pancartes.

TERRITOIRES EN MIGRATION(S). HISTOIRES DE LANGUES ET RÉCITS DE VIE 17

Toute la matinée de la troisième journée était donc réservée pour l’exécution de ces travaux. On a
été réparti en trois groupes pour se pencher sur la mission accordée. Ce fut un travail de conception
artistique et technique.
Les résultats de ces travaux ont pu être mis à l’évidence le jeudi durant toute la matinée et une grande
partie de l’après-midi. En effet, à l’école maternelle Guy Môquet tout a été bien préparé pour nous
recevoir. La directrice a œuvré pour nous permettre de bien nous installer et d’entamer les préparatifs
de cette exposition.
L’occupation de l’espace a fait l’objet de plusieurs moments de discussion entre les membres de notre
équipe ce qui a permis à la fin de réaliser des rayons relatant la diversité des œuvres exécutées.
Cela était mis à l’épreuve lors de l’ouverture des portes aux enfants et à leurs parents. J’ai senti la
curiosité pour découvrir les différentes réalisations. Les échanges entre nous et les parents ainsi que
les allocutions explicatives prononcées par Delphine Leroy et quelques-uns d’entre nous ont été une
occasion pour expliquer et aplanir quelques difficultés de compréhension.
Cette recherche action m’a donné l’occasion d’apprendre davantage, de partager des moments
d’échange avec des personnes d’horizons géographiques et cognitifs variés. L’interrogation
demeure permanente et sans fin sur la place de la transculturalité appropriée comme un paradigme
d’émancipation sur le plan individuel et collectif. La diversité ethnique, linguistique et culturelle en
rapport à l’identité telle que perçue comme une richesse pour permettre la transformation de la
personne par le biais d’un apprentissage formel et/ou informel.
Cet atelier à été l’occasion, pour moi, de se mettre en action tout en réfléchissant sur les rapports
complexes des langues avec la personne et les transformations vécues dans une situation de migration
et/ou immigration. Le questionnement reste ouvert tant que la recherche demeure inachevée.

Séminaire : Territoires en migration, histoire de langues et récits de vie 2016/2017
« Percevoir la complexité de l’histoire des plurilinguismes, récits de vie et enjeux de
transmission inter- générations »

Présentation :
L’atelier intitulé « Territoire en migration(s), histoires de langues et récits de vie » est planifié selon trois
moments : le premier consiste à réaliser des entretiens portant sur les langues auprès des familles
venant des pays étrangers (dite familles immigrées). Le deuxième moment, 27 mars 2017, est réservé
à une journée d’études « Ecritures et/ en migration(s) : Expériences, tensions, transformations » au
sein de l’Université Paris 8 et le troisième moment consiste à la lecture et la restitution des entretiens
d’une part, puis de présenter les travaux aux familles au sein de l’école maternelle Guy Môquet (une

18 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

Voici une idée parmi d’autres pour les restitutions des entretiens en utilisant des post-its

semaine intensive du 15/05/2017 au 18/05/2017).
Et puisque j’ai assisté à la journée d’étude du 27 mars 2017 et participé à la semaine intensive de cet
atelier, mon compte rendu sera focalisé sur le dernier moment de l’atelier.
Dès lundi 15 mai 2017, à la salle (A 432), on a commencé à lire les entretiens et les décortiquer dans
une ambiance d’un petit atelier très actif. Ce qui nous a permis, par la suite de choisir la meilleure
façon de restitutier chaque interview.
L’analyse des entretiens a mis en lumière les problèmes vécus par les familles immigrées par rapport
aux langues, le rapport des enfants avec les langues (langues du pays d’origine et langues du territoire,
sur lequel, ils vivaient, etc.) et ce, à partir de leurs histoires de vie racontées.
On peut noter quelques remarques :
-  Les enfants des immigrés - soit nés en France soit nés dans d’autres pays et puis sont venus résider
en France - sont obligés d’apprendre la langue française en tant que langue servant à étudier, à
communiquer et à s’intégrer dans la société française. Leur rapport avec les langues de leurs pays
d’origine est affaibli et/ ou ignoré ;
-  Les parents, eux aussi, ont appris le français, qu’ils parlaient avec un accent distingué, pour des
raisons sociales et commerciales : s’intégrer mieux et réussir son boulot ;
-  Les parents rencontrent plusieurs difficultés avec leurs enfants qui ne parlent plus leurs langues
maternelles et par conséquence, ils n’arrivent pas à communiquer avec leurs proches paternels et
maternels. Et / ou les enfants comprennent ce que disaient leurs proches mais ils ne peuvent pas
s’exprimer dans leurs langues maternelles si les proches (cousins, grands-parents, etc.), eux aussi ne
parlent pas le français ;
-  La solution trouvée par quelques parents est de ne parler que la/ les langue(s) maternelle(s) chez

TERRITOIRES EN MIGRATION(S). HISTOIRES DE LANGUES ET RÉCITS DE VIE 19

eux et pour l’enfant d’apprendre le français à l’école, dans la rue, etc.
Pour quelques familles, les moments de vacances sont devenus cauchemardesques. Les enfants
perdent leurs équilibres langagiers après chaque vacance auprès des pays d’origine. D’autres familles
ont des problèmes d’accord entre la maman qui voulait que ses enfants apprennent la langue
maternelle de son pays d’origine pas celui de leur père et vice-versa. « Ma langue maternelle est,
irréductiblement, ad libtum, le français. C’est la langue de ma mère » Nicole Bondeau.

« Recit de vie, territoire en migration(s), histoire de langue » - Creatic

Du 15 mai 2017 au 18 mai 2017, j'ai participé à une semaine d'atelier-laboratoire intitulée « Territoires
en migration(s). Histoires de langues et récits de vie », dans le cadre de mes unités d'enseignement.
Cet atelier, dirigé par Delphine Leroy, s'inscrit dans la continuité d'un projet mené au premier
semestre : la journée d'étude du 27 mars, qui portait sur les interactions entre migration et langue,
apprentissage et récit de vie. L'ensemble des termes abordés lors des échanges de cette journée ont
ensuite été enrichis par une série d'entretiens menés par des étudiants auprès des parents d'élèves
de l'école maternelle Guy Môquet de Stains. Ceux-ci ont donné leurs impressions, ont raconté leur
vécu, en répondant à la question suivante : « Peux-tu me raconter ton histoire vis-à-vis des langues ? »
Le travail cette semaine du mois de mai avait pour objectif de préparer la restitution publique de ces
entretiens portant sur les histoires de vie des migrants et leur rapport aux langues. Il s'est d'abord agi
de travailler sur leurs témoignages, entre temps retranscrits. Ensuite, nous avons élaboré une mise
en forme, un dispositif, pour restituer nos travaux de façon claire, accessible et participative, auprès
des parents d'élèves.
Le premier jour d'atelier s'est déroulé le lundi 15 mai à la salle 432 à 18h. Avec Delphine, nous étions
trois étudiants, Mourad, Malki et moi-même, à travailler sur les entretiens ce jour-là. Il y avait 15
entretiens au total, Delphine Leroy a expliqué une méthodologie de travail pour reconstituer les
entretiens. Cela consistait tout d'abord à ce que chacun lise un entretien, pour ensuite faire un petit
résumé sur le déroulement et le contenu de celui-ci. Afin de retenir les informations clés de chaque
entrevue, Delphine se proposait d'écrire et de récapituler par des mots ou citations qui distinguent
l'entretien sur une grande feuille. D'un point de vue méthodologique, le premier atelier m'a permis
d'en apprendre un peu plus sur les différentes manières d'entreprendre un entretien. Avec cette
méthode, il nous était permis de juger et de classer les « bons » et « moins bons » entretiens. Un
entretien moins constructif, par exemple, se manifeste par des questions fermées, par l'absence
de neutralité et par l’enchaînement de plusieurs questions qui limitent la liberté d'expression de
l'interlocuteur.

20 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

Mais j'ai constaté que cette qualité variable des entretiens ne nous a pas empêchés d'avancer : dans
tous les cas, quelle que soit la façon avec laquelle un entretien avait été conduit, nous pouvions
récolter des citations riches et qui allaient ensuite servir notre travail. Selon les objectifs fixés, un
entretien a toujours ses avantages : il permet d'analyser et de reconstituer un témoignage et des
expériences de vie qui composent une matière essentielle, utilisable dans notre laboratoire.
Nous avons beaucoup échangé sur les contenus des entretiens. Cela nous a permis de connaître nos
interviewés et de donner ainsi un qualificatif à chaque interlocuteur, qualificatif que nous avons utilisé
dans nos restitutions.
Difficulté temporelle :

Dans la réalisation des reproductions des entretiens, le temps de travail m'est paru limité pour
construire une restitution publique diversifiée. Avec 15 entretiens, nous avons passé les deux
premiers jours à nous approprier des entretiens. Au même moment, nous avons également réfléchi
sur la manière de formaliser et de présenter les travaux... mais il ne nous restait pas suffisamment de
temps pour imaginer les différents modes de présentation possibles. En effet, à deux, avec Michel,
un étudiant en licence qui nous a rejoint le deuxième jour d'atelier, nous avons pensé à oraliser et
théâtraliser des extraits d'entretiens. Mais ce ne fut pas possible, pour deux raisons : le manque de
temps ne nous a pas permis de concrétiser cette idée, et puis les conditions d'accueil ne permettaient
pas de mettre en œuvre un tel dispositif, les invités n'arrivant pas tous en même temps. Il était donc
difficile de mettre en place une présentation scénique des entretiens.
Travail d'équipe :

Pendant ces quatre jours d'atelier, j'ai pu développer de bonnes relations de travail. Le deuxième jour
de rencontre, j'ai fait la connaissance d'autres personnes qui allaient participer à l'atelier : Sébastien
Rémy, un artiste, Jean-Fidel Simba, un doctorant et Gérald, un professeur de l'Université de Hoschule.
Sébastien Rémy a beaucoup parlé de son activité professionnelle en tant qu'artiste : sa pratique
artistique repose sur l'utilisation des textes. Il nous a montré l'utilisation du post-it art pour mettre
en valeur, par exemple, des mots ou des textes. Il se sert de l'écriture pour nourrir sa pratique
artistique. Pendant les moments d'échanges sur la formalisation des travaux, toutes les idées étaient
les bienvenues. Mourad et Malki, très intéressés par l'art des post-it, voulaient travailler avec ces
supports pour la présentation publique. L'idée du post-it, ainsi qu'un enregistrement des citations
clés ont été validé.
Pour être efficace, Delphine a proposé de se partager en deux groupes. J'étais avec Michel
pour travailler à nouveau les entretiens en marquant et surlignant les extraits pertinents pour
l'enregistrement. L'idée était de faire un enregistrement et de le diffuser pendant la journée, pour que

TERRITOIRES EN MIGRATION(S). HISTOIRES DE LANGUES ET RÉCITS DE VIE 21

les invités puissent plonger dans l'ambiance théâtralisée des entretiens sur la langue et sa diversité.
Sans être un spécialiste des questions organisationnelles, j'ai découvert l'unisson d'un travail d'équipe,
et compris qu'en se fixant un objectif commun et partagé le résultat ne peut-être que fructueux. Il
est impressionnant de voir la progression des travaux, les reproductions qui prennent forme, le projet
qui évolue petit à petit, un travail vivant qui change à tout moment jusqu'au terme de la présentation
publique.
La journée de la restitution

Plan organisationnel

La présentation s'est déroulée à Stains, à l'école maternelle Guy Môquet. L'arrivée des invités était
prévue à partir de 16h30. Nous nous sommes donnés rendez-vous à 10h pour préparer et organiser
la salle. Nous avons eu environ cinq heures pour tout ranger et disposer nos travaux. Nous avons
disposé des post-it selon les dispositifs crées par Mourad et Malki. Ils ont conceptualisé la mise en
forme des post-it pour donner au final un ensemble graphique composé de lettres qui composaient le
mot « LANGUES ». Le travail a consisté à positionner en hauteur les post-it pour que les lettres soient
visibles, des jeux de lettres étant marquées sur chacun des post-it de couleurs variées. À trois, nous
avons travaillé sur cette installation, tout en aidant l'autre groupe à organiser la salle.
À 16h, tout était presque prêt, deux grandes affiches reprenaient des mots et des citations pertinentes
des entretiens qui avaient été installées. Le projecteur et les appareils sonores étaient disposés dans
la salle et les post-it étaient bien présentés sur un mur. Tout prenait forme, les mets et les boissons
étaient disposés sur deux tables, tous étaient prêts pour recevoir les invités.
Déroulement de la présentation

La présentation fut un beau moment de convivialité. Les parents des enfants de l'école maternelle de
Stains avaient été prévenus de cette journée de restitution. Ils ont répondu en nombre à l'invitation.
Les premiers arrivés se sont arrêtés au buffet. Puis, ils se sont dirigés progressivement pour découvrir
les exposés, curieux d'aller voir tous ces post-it collés aux murs, de saisir la signification de cette
installation.
La projection vidéo des parents qui chantaient une comptine dans leur langue d'origine a capté
l'attention de plusieurs parents, comme des enfants.
Pour les faire participer, nous avons incité les parents à rédiger un ou plusieurs mots dans leur langue
d'origine sur un post-it, en inscrivant la traduction à côté pour coller l'ensemble sur une grande
feuille qui avait été réservée à ce collage. Ce dispositif a suscité une bonne participation et une réelle
interaction entre les invités.
Cette restitution publique m'a permis de me rendre compte de la force de la médiation artistique :

22 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

pendant la journée sur « l'écriture et/en migration », son utilité et toutes les perspectives qu'elle
ouvre avait été abordées. La présentation que nous avons faite a été pour moi une réussite. Les
parents comme les enfants étaient ravis et ont vraiment participé. Cela montre à quel point il est
bienvenu d'explorer différents modes d'actions et d'approches en direction de familles migrantes,
pour les aider à avancer sur la question de la pratique langagière et pour les aider à dépasser la
complexité de leur situation. La disposition des post-it, la projection vidéo et les enregistrements ont
composé une installation judicieuse pour la reconnaissance de la diversité des langues.

TERRITOIRES EN MIGRATION(S). HISTOIRES DE LANGUES ET RÉCITS DE VIE 23

Pédagogie de la trace
dans les postdictatures :
Haïti et autres pays

PAR STÉPHANE DOUAILLER

CONTEXTE DE L’ATELIER-LABORATOIRE
L’atelier-laboratoire et ses actions successives ont eu pour point de départ une
manifestation scientifique internationale qui a réuni à Port-au-Prince les 2-4 juin
2014 l’École normale supérieure d’Haïti, l’Université d’État
d’Haïti, l’Université Paris 8 Vincennes à Saint-Denis (LLCP EA
4008), l’Université Paris 7 – Denis Diderot (LCSP EA 7335), le
Collège international de philosophie, Le CONICET argentin,
la Fondation Connaissance et Liberté (FOKAL), Open Society
Foundations, Avocats sans frontières, l’Institut français
Henry Peyre à City University of New-York et le périodique
TELAM. Les Actes de cette manifestation ont été publiés en
février 2016 aux éditions Mémoire d’encrier.

IDEFI-CréaTIC a accueilli dans le cadre de ses ateliers-
laboratoires des projets de valorisation de cette
manifestation inédite et de ses prolongements espérés en
Haïti et pour la région. Ils ont été centrés sur la recherche créative des mots pour
dire la violence, sur les mécanismes de la mémoire, du mensonge et de l’oubli, sur

24 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

les ressources du droit, des sciences humaines appliquées, de la littérature et de la
philosophie dans les politiques de la mémoire, ainsi que sur les actions performatives
impulsées dans le cadre de ces politiques par les collectifs militants et artistiques.

LIEUX ET DATES, FORMATION DE RATTACHEMENT,
NOMBRE D’ÉTUDIANTS, RÉALISATIONS 
(RAPPEL 2014-2015 ET 2015-2016)

2014-2015 

› ENS HAÏTI, Festival QUATRE CHEMINS, Port-au-Prince – 16 / 30 novembre 2014 :

La fabrique du commun  : comment passer de la cohabitation des amnésies
individuelles à une composition de mémoire partagée ?
Performance réalisée avec les étudiants du Master Philosophie et Littérature de Paris
8 délocalisé à l’ENS d’Haïti (30), 1 étudiant du département de philosophie de Paris
8 (Sebastian Koch), 1 étudiante du Master Coopération artistique internationale de
Paris 8 (Jeanne de Larard), sous la responsabilité pédagogique d’Etienne Tassin (PR
Paris 7) et de Camille Louis (doctorante et dramaturge du collectif Kom.post.) avec
l’appui logistique de la fondation FOKAL (Open Society Haïti) et le festival « Quatre
Chemins » (Guy Regis Junior). Liens :
http://kompost.me/p/27-nov-17h-fabrique-du-commun-haiti/ ;
http://histoirecontemporainehaiti.lcsp.univ-paris-diderot.fr/Topographie-de-la-
memoire-a-la ;
https://fabriqueducommunhaiti.wordpress.com/ Exploration et partage sensible
des mots et traces mémorielles.

› ENS HAÏTI, Faculté de sociologie de l’Université d’État d’Haïti (UEH), Port-au-Prince

et Cazale – 02 / 08 mars 2015 :
À la recherche des récits du massacre de Cazale (Haïti).
Enquête de terrain menée avec des étudiants du Master de Philosophie et de
Littérature de Paris 8 délocalisé à l’ENS d’Haïti (5) et des étudiants de la faculté de
sociologie de l’UEH, sous la responsabilité pédagogique de Claudia Girola (MCF
sociologie Paris 7) et avec l’appui logistique de la FOKAL. Méthodologie de l’enquête

PÉDAGOGIE DE LA TRACE DANS LES POSTDICTATURES : HAÏTI ET AUTRES PAYS 25

de terrain et de sa rédaction, publication  : Enquête sur la mémoire collective du
massacre de 1969 à Cazale (Haïti). Recherche réalisée par Jean Frantsky Calixte,
Roosebens Chery, Vladimir Pierre Antoine Lovinski, Kedma Louis, sous la direction de
Claudia Girola et Numa Murard, avec le soutien de la FOKAL, de l’ENS d’Haïti, du LCSP
Paris 7, du Centre d’Histoire Contemporaine d’Haïti et du programme d’excellence
IDEFI-CréaTIC de Paris 8.

› ENS HAÏTI, FOKAL, Port-au-Prince – 12 / 19 avril 2015 :

Session d’écriture créative post-mémoire.
Atelier d’écriture mené avec des étudiants du Master de Philosophie et de Littérature
de Paris 8 délocalisé à l’ENS d’Haïti (12) et ouvert à d’autres participants, sous la
responsabilité pédagogique de Françoise Simasotchi Bronès (MCF Littérature Paris
8) et Zineb Benali (PR Littérature Paris 8) membres du «  Groupe de Recherches sur
les Écritures de la Violence Extrême » (GREVE), et avec l’appui logistique de la FOKAL.
Réalisation d’un enregistrement vidéo de l’atelier et montage ; Publication de textes
dans un dossier « Pouvoir / Domination / Violence » de la revue PublicaD’Elles
(https://www.facebook.com/Publicadelles ) ;
Édition en ligne d’une conférence prononcée à la FOKAL Par F. Simasotchi-Bronès et Z. Benali
(https://soundcloud.com/histoire-contemporaine-haiti/sets/conversations-partie-2)

› Universidad Nacional General Sarmiento (UNGS) et Espacio Eclectico, Buenos-Aires

– 02 / 06 juin 2017 :
Rencontre des mémoires.
Rencontre internationale à l’invitation de l’UNGS et de l’Espacio Eclectico pour
accueillir dans les structures et actions mémorielles argentines une délégation de la
FOKAL (Michèle Duvivier Pierre-Louis - Présidente de la FOKAL, ancienne Première
Ministre, Lorraine Mangonès -Directrice exécutive, FOKAL, David Bruchon - Consultant,
FOKAL, Florence Élie - Protectrice du Citoyen, Danièle Magloire - Collectif contre
l’impunité, Marie-Marguerite Clérié - Comité Devoir de mémoire), Rachèle Magloire
(réalisatrice et cinéaste), Jhon-Picard Byron (Ethnologie, Université d’État d’Haïti),
avec 2 étudiants du Master de Philosophie et de Littérature de Paris 8 délocalisé à
l’ENS d’Haïti (J. Guillaume, F. Torchon - empêchés pour cause de visas non délivrés
dans les délais par les Etats-Unis), 2 étudiants du Master Coopération artistique

26 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

internationale de Paris 8 (J. de Larrard, A. Bougeard), Etienne Tassin et Claudia Girola
(Paris 7), Stéphane Douailler et Françoise Simasotchi (Paris 8), Aurore Jacquard et
Camille Louis (doctorantes Paris 8). Cette action a mobilisé sur son versant argentin
Gabriela Diker (Rectrice de l’Universidad Nacional General Sarmiento), Eduardo
Rinesi (UNGS), Daniel Lvovich (Histoire contemporaine, UNGS),Daniel Korinfeld
(Universidad Nacional de Lanús), Ana-Paula Penchaszadeh (Universidad Nacional de
Lanús / Centro de Estudios Legales y Sociales), Gustavo Celedon (Paris 8 / Universidad
de Valparaiso), Antonia García Castro (revue Cultures & conflits, Radio Universidad
de Chile), Carlos Perez Lopez (Paris 8 / CONICYT-Universidad de Chile - PUCV), Abel
Córdoba (Procureur en charge de la procédure contre la violence institutionnelle –
PROCUVIN), Antonio Fernandez (Commission pour la récupération de la mémoire
du Campo de Mayo), Analía Meaurio et Graciela Rodríguez (Secrétariat des Droits
Humains – Suteba), Francisco Arrúa (Commission pour la mémoire du quartier La
Manuelita), Martín Mastorakis (Programme Mémoire et Territoire – UNGS), Valeria
Barbutto (“Espacio para la Memoria y para la Promoción y Defensa de los Derechos
Humanos”), Alejandra Naftal (Directrice d'art du montage du site de  mémoire),
Daniel Tarnopolsky (Organismes de droits de l'homme face au  Centre International
de Promotion des Droits de l'Homme), María Freier (Centro Cultural de la Memoria
Haroldo Conti), Marie Bardet (Espacio Eclectico). Les rencontres ont conssisté
en tables-rondes («Mémoires, récits, psychanalyse  », «  Pratiques mémorielles  »,
« Mémoires et territoires », « Politiques de l’exercice du pouvoir, politiques des droits
de l’homme, politiques mémorielles : conflits, suppléances, incompatibilités ») ; visites
de sites mémoriels incluant des échanges avec leurs responsables (Garnison militaire
de Campo de mayo, quartier Manuelita de San Miguel, Fátima école secondaire n°9
de Pilar, Morón, ex-MESMA, Monument aux victimes du terrorisme d’État, Parque de
la Memoria) ; séances de travail avec l’équipe argentine d’anthropologie extérieure
ainsi qu’avec le groupe d’études du Centre d’anthropologie sociale sur la police et les
forces de sécurité (IDES). Réalisation de documents vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=zfE-qO-ni_k (UNGS) ;
https://www.youtube.com/playlist?list=PLv34QpRsv1LXu4wol2KDzeYVTRtQl7bVB

(Rachel Magloire) ;
https://www.youtube.com/channel/UCRgWGXMcMwyI9UyARNhfbwg ;
https://youtu.be/YZ5zTcyeOCY ;

PÉDAGOGIE DE LA TRACE DANS LES POSTDICTATURES : HAÏTI ET AUTRES PAYS 27

Une journée a été consacrée à l’Espacio Eclectico aux performances du «  faire
mémoire  ». Cette journée a été préparée tout au long de la semaine et de ses
activités par des entretiens enregistrés avec l’appui des étudiants de l’atelier-
laboratoire CréaTIC (Jeanne de Larrard, Antoine Bougeard) sous la responsabilité
pédagogique et artistique de Marie Bardet (Espacio Eclectico) et Camille Louis (kom.
post et Paris 8). Elle a proposé selon le protocole de la « Fabrique du commun » une
performance d’échanges sensibles, (dis)sensuels et parlés entre les participants
de la « Rencontre des mémoires » réunis dans l’Espacio Eclectico de Buenos-Aires
(Camille Louis, Marie Bardet, Jeanne de Larrard, Antoine Bougeard, Senda Sferco,
Soledad Nivoli) :
http://kompost.me/p/encuentros-de-memorias-espacio-eclectivo-du-1-au-8-juin/

› ENS HAÏTI, Port-au-Prince – 18-25 juin 2015 :

Mensonge et politique.
Séminaire de Master avec les étudiants du Master de Philosophie et de Littérature de
Paris 8 délocalisé à l’ENS d’Haïti sous la responsabilité pédagogique de S. Douailler
(PR Paris 8).

2015-2016

› Instituto de Investigaciones Filologicas (IIF), UNIVERSITÉ NATIONALE AUTONOME

DE MEXICO, Mexico – 31 oct. / 6 novembre 2015 :
Exils et utopies. Hétéronomies de la justice.
Manifestation scientifique internationale organisée pendant la semaine des
morts au Mexique dans le contexte des étudiants mexicains disparus et tués
d’Ayotzinapa, avec 2 étudiants du Master Philosophie et Littérature de Paris 8
délocalisé à l’ENS d’Haïti (Joanna Guillaume, Kernst-Élie Calixte – empêchés
pour cause de visas délivrés en retard par l’Ambassade du Mexique à Port-au-
Prince), avec 2 étudiants du Master 1 Pro Mise en scène et Dramaturgie de
Paris 10 (Marie Cousseau et Flore Simon), sous la responsabilité pédagogique de
Stéphane Douailler et Carmen Rivera Parra (Paris 8) ainsi que de Maria Kakogianni
et Georges Navet (LLCP EA 4008 Paris 8), et à l’initiative du programme PAPIIT

28 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

IN401215 « Hétéronomies de la justice » coordonné par Silva Rabinovich (UNAM),
du séminaire PII2014-IIUACM coordonné par Pilar Calveiro (UACM, UNAM IIFL et
CEEIICH UABJ. Recueil de données et d’expériences, déplacement à Mixquic,
échanges avec des membres des familles en quête de disparus du collectif Red de
Enlaces Nacionales et avec le Collectif « Fuentes Rojas » :
https://www.facebook.com/fuentes.rojas.5?fref=ts ;
Publication en cours du colloque international Hétéronomie de la justice : exils
et utopies.

Affiche du colloque Avec les brodeuses

Broderies Autels

› FOKAL (Open Society Haïti) – 08 / 12 mars 2016 :

Construire la démocratie : Mémoire et Transmissions – Institutions et Citoyenneté.

Restitution à Port-au-Prince par la FOKAL de la Rencontre des mémoires  :
conférences, tables-rondes, exposition, projection de documents vidéos,
performances artistiques. Récit à plusieurs voix sur la rencontre des mémoires en

PÉDAGOGIE DE LA TRACE DANS LES POSTDICTATURES : HAÏTI ET AUTRES PAYS 29

Argentine (L. Mangonès, D. Magloire, J-P Byron) avec la
participation de l’UNGS (Gustavo Ruggiero, L. Ogando) et
la responsable scientifique et pédagogique de l’enquête
sur le massacre de Cazale (C. Girola) :
http://memoiredencrier.com/wp-content/uploads/2015/08/VF-
rencontre-des-memoires-en-Haiti.pdf

› UNIVERSITÉ PARIS 8, SEMAINE DES ARTS – 21 / 25 mars

2016 :
Autour de la table.
Performance portée par Marie Bardet, Camille Louis, Maria
Kakogianni, dans le cadre de la « Semaine des arts de Paris
8 » avec l’appui du département Danse de Paris 8 et de la compagnie Oro, et centrée
sur le partage des savoirs et des pratiques du corps, avec 2 étudiants du Master
Philosophie et Littérature de Paris 8 délocalisé à l’ENS d’Haïti (Joanne Guillaume et
Kernst Élie Calixte) et 1 étudiante du Master Pro Mise en scène et Dramaturgie de
Paris 10 (Flore Simon).

› ENS HAÏTI, Port-au-Prince – 06 / 11 juin 2016 :

Pédagogies de la trace.
Séminaire avec les étudiants du Master Philosophie et Littérature de Paris 8 délocalisé
à l’ENS d’Haïti (46) avec M. Bardet, S. Douailler, C. Louis, F. Simasotchi, E. Tassin.
Réappropriation collective des activités menées en 2014-2015 et 2015-2016 au sein
de l’Atelier-Laboratoire « De la dictature à la démocratie ? (I) et (II) ». Élaboration de
projets et formalisation du motif théorique et pratique de la « trace ».

LIEUX ET DATES, FORMATION DE RATTACHEMENT,
NOMBRE D’ÉTUDIANTS, RÉALISATIONS 2016-2017

› ENS HAÏTI, Festival QUATRE CHEMINS, Port-au-Prince – 21 nov / 3 déc. 2016 :

La fabrique du commun : les frontières.
Le contexte politique haïtien qui s’est traduit par un déplacement de longue durée
du calendrier des élections présidentielles dans ce pays a contraint à suspendre au

30 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

sein du festival « Quatre chemins » la deuxième déclinaison prévue en Haïti de la
« Fabrique du commun » à la jonction de la performance et de la conférence sous
la direction scientifique, technique et chorégraphique de Camille Louis (Kom.Post)
avec les étudiants du Master Philosophie et Littérature de l’ENS d’Haïti en double
diplomation avec Paris 8 (33 étudiants).

› INSTITUT DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES IGLOBAL, UNIVERSITÉ

DE CARTHAGÈNE, UNIVERSITÉ DEL ATLANTICO, Santo Domingo (République

dominicaine), Cartagena de Las Indias (Colombie), Baranquilla (Colombie) – 23 / 30

novembre 2016 :

Mémoire et traductions.
Participation au IIIème Congrès transdisciplinaire de la Caraïbe sur « Les défis de la pensée
sociale et utopique en Amérique latine » à Santo-Domingo, à une journée de séminaire
doctoral sur « Pédagogies et institutions » à l’Université de Cartagena de Las Indias et
à une journée d’études internationale intitulée « Traduction de l’intraduisible : penser
avec les savoirs de l’autre » à l’Université Del Atlantico de Baranquilla. Avec Varencka
Bello (étudiante du Master Pro « Traduction » (LISH) de Paris 8), Françoise Simasotchi
(PR Littérature Paris 8), Yala Kisukidi (MCF Philosophie Paris 8), Stéphane Douailler et
Patrice Vermeren (PR Philosophie Paris 8), Edelyn Dorismond (Enseignant-chercheur
Université d’État d’Haïti, Collège international de philosophie, docteur paris 8), Ana
Isabel Aguera (doctorante Paris 8 en contrat doctoral de l’Institut des Amériques à
Santo-Domingo), Jose Pedro Ortega (Enseignant IGlobal, UASD, doctorant Paris 8),
Luz Maria Lozano Suarez (Enseignante Del Atlantico, doctorante Paris 8), Angelica
Montes Montoya (Enseignante-chercheure SUE-CARIBE, GRECOL EHESS, docteure
Paris 8). Constitution d’un réseau interuniversitaire au sein de l’espace Caraïbe
associant Haïti, la République dominicaine, les universités colombiennes du réseau
SUE-CARIBE.  Analyses et discussions entre les partenaires du réseau à constituer
portant sur les écritures, réécritures et modes du traduire dans l’espace des Caraïbes.
Parution des textes présentés au IIIème Congrès transdisciplinaire de la Caraïbe à
Santo-Domingo (A. Agüera, V. Bello, E. Dorismond, S. Douailler, N.Y. Kisukidi, J.P. Ortega,
F. Simasotchi, P. Vermeren). Élaboration d’un programme PREFALC sur Réécritures
de la modernité et des émancipations dans la grande Caraïbe porté par Nadia Yala
Kisukidi à l’Université Paris (avec des enseignants de Master des départements de

PÉDAGOGIE DE LA TRACE DANS LES POSTDICTATURES : HAÏTI ET AUTRES PAYS 31

philosophie, littérature, études de genre, sciences de l’éducation, histoire, cinéma,
danse et sociologie), avec l’Université d’État d’Haïti (Master anthropologie sociale de
la faculté d’ethnologie, Masters philosophie, littérature, histoire, histoire mémoire
et patrimoine et M1 sciences de l’éducation de l’ENS d’Haïti), avec l’Université Del
Atlantico de Baranquilla (Masters littératures caribéennes, études de genre, histoire),
avec les universités membres du réseau interuniversitaire SUE-CARIBE (Del Atlantico,
Cartagena, Cordoba, La Guajira, Magdalena, Sucre, Universidad Popular de Cesar,
Universidad tecnologia de Choco), avec l’Université autonome de Santo Domingo
(UASD - formations de Master transdisciplinaires), avec l’Institut IGlobal des Hautes
Études en Sciences Sociales de Santo Domingo (Masters sciences politiques, sciences
juridiques, relations internationales). Projet PREFALC déposé le 28 avril 2017, réponse
favorable de PREFALC reçue le 12 juillet 2017.

› UNIVERSITÉ PARIS  8, Département de Philosophie, Séminaire de Master

(EAGMFMEC), les 8, 15, 22, 29 mars 2017 :

Formes et fonctions des médiations évanouissantes.
Mené en dialogue avec la professeure Silvana Rabinovich (UNAM) professeure invitée
sur chaire internationale à l’Université Paris 8 (7 mars – 7 avril 2017). Ouvert à des
étudiants de Master d’Haïti en double diplomation (en mobilité internationale Erasmus
+, ou venus à titre individuel) et d’autres étudiants rattachés à l’atelier-laboratoire (Jing-
Hui Ma), le séminaire s’est tourné vers la notion de terme ou médiateur évanouissant
en tant que point structural en excès sur les parallélismes entre situations ou aires
culturelles construits sur des conceptions classiques de l’analogie (S. Douailler), et
vers le programme d’hospitalité dans la langue en tant qu’il analyse et recueille des
exceptions philologiques dont la littéralité (littérarité) résiste à l’instrumentalisation
des faits de langue dans la modernisation (sécularisation) du théologico-politique
(«  lire la Bible à travers les yeux des Cananéens  », S. Rabinovich). En lien avec le
programme «  Nomadisme et hospitalité dans la langue  » de l’Université nationale
autonome de Mexico (UNAM) par le biais d’un groupe de travail fermé sur Facebook :
Grupo cerrado  : Heteronomias de la Justicia. Préparation avec les étudiants du
séminaire d’une activité prévue de se tenir entre le 27 octobre et le 7 novembre dans
les camps de réfugiés de la République Arabe Saharaoui Démocratique à Hamada
(Algérie) et Tifariti (Maroc) : participation à un cycle cinématographique «  Cine en

32 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

las Wilayas » avec des films sur les disparus au Mexique et dans le Sahara ; jeux et
lectures dans des écoles ; lectures et traductions du « Discours de l’homme rouge »
de Mahmoud Darwish et échanges avec des poètes saharaouis  ; improvisations et
performances chorégraphiques et corporelles avec des femmes saharaouïes.

› ENS D’HAÏTI, MASTER PHILOSOPHIE ET LITTÉRATURE – Port-au-Prince 08 / 12 juin 2017 :

Pédagogies de la trace dans les postdictatures : Haïti et autres pays.
L’Atelier-Laboratoire a bénéficié pendant la semaine du 08 au 12 juin d’une
conjoncture protégée et favorable malgré une crise générale de l’enseignement et
de l’enseignement supérieur en Haïti (des incidents ont eu lieu mercredi 14 sur les
lieux prévus pour le séminaire puis de violents incidents se sont déroulés lundi 12 à
la Faculté d’ethnologie). Toutes les séances prévues ont pu se tenir avec les étudiants
du Master philosophie et littérature en double diplomation entre Paris 8 et l’ENS
d’Haïti (33), avec 1 étudiante du Master Pro Mise en scène et dramaturgie de Paris
10 (JingHui Ma), Silvana Rabinovich (UNAM), Antonia Garcia Castro (Chercheure
et traductrice Buenos-Aires), F. Simasotchi (PR Littérature Paris 8), S. Douailler (PR
Philosophie Paris 8). Ont été successivement présentés et soumis à discussion en vue
de projets : les liens théoriques entre mémoire et traduction (S. Douailler), comment
enseigner la mémoire ? (A. Garcia Castro), l’hospitalité dans la langue et le discours
de l’homme rouge de Mahmoud Darwish proposé à une traduction en langue créole
(S. Rabinovich), la question de la traduction et de la langue créole (F. Simasotchi).
Montage vidéo du séminaire par JingHui Ma comprenant notamment des entretiens
filmés avec Bérard Cenatus (ENS Haïti) et Jhon-Picard Byron (Faculté d’ethnologie).

› UNIVERSITÉ COMPLUTENSE, Madrid – 28 juin – 1er juillet 2017 :

Primero congreso filosofico internacional de la danza de Madrid.
Communications scientifiques et ateliers pratiques avec Marie Bardet (Espacio
Eclectico de Buenos-Aires), Carmen Rivera Parra (doctorante Paris 8), F. Simasotchi
(PR Littérature Paris 8), S. Douailler (PR Philosophie Paris 8), Maria Ferents (étudiante
RGGU de Moscou et Master Philosophie de Paris 8), Erickson Jeudy (Master en double
diplomation entre l’ENS d’Haïti et Paris 8 en mobilité Erasmus +). Participation à des
performances faisant appel à la mémoire du corps. Communications scientifiques :
C. Rivera Parra, M. Ferents, M. Bardet (conférence de clôture). Atelier « Sensaciones,

PÉDAGOGIE DE LA TRACE DANS LES POSTDICTATURES : HAÏTI ET AUTRES PAYS 33

gestos e imágenes en un mundo gravitatorio: pequeñas desviaciones de las marionetas
de Kleist » (M. Bardet, S. Douailler). Enregistrement et montage vidéos incluant des
entretiens avec des danseurs (Erickson Jeudy). Liens :
https://congresofilosofiadeladanza.com/ ;
http://danzariablog.blogspot.fr/2017/07/y-no-solo-cuerpos-1-congreso.html

LE OU LES MODÈLES PÉDAGOGIQUES MOBILISÉS
L’atelier-laboratoire a conjugué en 2016-2017 les modèles de la rencontre scientifique
internationale (Santo Domingo, Cartagena, Baranquilla, Madrid), du séminaire de
recherche (Paris 8, Haïti), de la collaboration participative en réseau (UNAM), de
la construction de coopérations interuniversitaires (PREFALC), de la performance
artistique (Madrid), de l’archivage et du montage d’enregistrements numériques
(Haïti, Madrid).

LE DÉROULEMENT DE L’ATELIER 

Les différentes phases de l’atelier-laboratoire ont rempli
plusieurs objectifs :

› renforcement institutionnel de l’atelier-laboratoire en lien avec ses partenaires

internationaux (Haïti, pays de la Grande Caraïbe, Amérique du Sud, Mexique) unis par
la thématique de pédagogies capables de se saisir de violences historiques extrêmes,
présentes et passées ; élaboration et obtention d’un programme PREFALC (2017-2018
et 2018-2019) permettant de favoriser et de renforcer les échanges enseignants entre
formations de Master concernées ;

34 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

› approfondissement théorique et scientifique partagé des problématiques

mobilisées par le projet de l’atelier-laboratoire dans le cadre de participations à des
événements scientifiques internationaux et d’organisations de séminaires ;

› poursuite, avec la formation de Master en philosophie et littérature en double

diplomation entre l’ENS d’Haïti et Paris 8, de la recollection des activités et initiatives
prises dans le cadre de l’atelier-laboratoire et de leur analyse débattue en termes de
ressources pour des projets et initiatives propres ;

› archivage et montage d’enregistrements vidéos en complément de ceux déjà

produits à l’occasion de l’atelier d’écriture (avril 2015) : séminaire à l’ENS d’Haïti (juin
2017), participation au congrès international de philosophie de la danse à Madrid
(juin-juillet 2017) ;

› mémorisation et diffusion des liens numériques vers des sites archivant des

données concernant les principales initiatives de l’atelier-laboratoire ;

› pratiques d’échanges s’orientant vers l’usage de plates-formes collaboratives

(Facebook) ;

› accueil de proposition nouvelles (traductions impliquant les langues et parlers

créoles, littérature et documents pour la jeunesse, festival de contes) ;

› publications scientifiques dans des ouvrages collectifs (Hétéronomies de la justice :

exils et utopies, Mexico ; III Congrès transdisciplinaire de la Caraïbe, Santo Domingo).

L’atelier-laboratoire a fait appel à des chercheur-e-s :

› menant des actions universitaires ou culturelles de prise en charge des

violences historiques extrêmes récentes et contemporaines (S. Rabinovich,
A. Garcia Castro) ;

› pouvant introduire dans ces actions l’expérience et les ressources linguistiques

du motif de la traduction (F. Simasotchi, S. Douailler, M. Bardet, C. Rivera Parra, S.
Rabinovich, A. Garcia Castro) ;

› aptes à constituer l’entité « Caraïbe  » en problème épistémologique et pratique

pour la construction réfléchie de réseaux interuniversitaires régionaux (N.Y. Kisukidi,
F. Simasotchi, E. Dorismond, A.I. Agüera, L. M. Lozano Suarez, J. P. Ortega) ;

› sachant instituer des scènes de tissage avec les mémoires du corps et avec des

collectifs artistiques et militants (M. Bardet, et, malgré la suspension de l’activité,
C. Louis).

PÉDAGOGIE DE LA TRACE DANS LES POSTDICTATURES : HAÏTI ET AUTRES PAYS 35

L’implication des étudiants de Master au sein de l’atelier-laboratoire
a concerné :

› les étudiants de Master de philosophie et littérature en double diplomation entre

l’ENS d’Haïti et Paris 8. Ce groupe constitué de 33 étudiant-e-s est en légère diminution
par rapport à l’année 2015-2016 (46) en raison de l’évolution du diplôme qui est passé
du statut d’une formation délocalisée à celui d’une formation en double diplomation.
La participation de ces étudiants a été en tous points exceptionnelle compte tenu de
la situation de crise de l’enseignement et de l’enseignement supérieur haïtiens en
2016-2017 ; cette même promotion avait de même participé de façon très motivée
aux activités proposées en Haïti par l’atelier-laboratoire Créativité, reconstruction,
proverbes sous la responsabilité de Samuel Szoniecki et Stéphane Safin ;

› un groupe d’étudiants de Master du département de philosophie de Paris 8 inscrits

au séminaire Formes et fonctions des médiations évanouissantes proposé au 2e
semestre 2016-2017 par S. Douailler et accueillant comme professeure étrangère
invitée S. Rabinovich (6 étudiant-e-s) ;

› des étudiants d’autres formations de Master d’IDEFI-CréaTIC : Varencka Bello (master

Pro Traduction de Paris 8), JingHui Ma (master pro Mise en scène et dramaturgie
de Paris 10), Maria Ferents (RGGU et master Philosophie de Paris 8), Erickson Jeudy
(master Philosophie et Littérature de l’ENS d’Haïti en mobilité Erasmus + à Paris 8) (4
étudiant-e-s).

BILAN PÉDAGOGIQUE : POINTS POSITIFS ET NÉGATIFS

Points positifs
La forme de l’atelier-laboratoire, les types de questions qu’elle permet de dégager
et les démarches qu’elle favorise, ne cesse de faire la preuve qu’elle conduit vers
l’invention de partages nouveaux du savoir et de la recherche. Elle dynamise ce faisant
des formes nouvelles de partenariats internationaux et des connexions inédites entre
le travail universitaire et son dehors.

Points négatifs
À l’issue du séminaire tenu en juin 2016 à l’ENS de Port-au-Prince, les participants
de l’atelier-laboratoire ont projeté une nouvelle édition de Fabrique du commun

36 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

animée par Camille Louis au sein du festival Quatre Chemins, ainsi que la conception
et l’élaboration d’une plate-forme participative numérique capable de rendre plus
constants et plus denses les échanges propres au projet de l’atelier-laboratoire. Ces
deux projets n’ont pu aboutir en raison d’une situation de crise aggravée en Haïti.
Cette dernière s’est manifestée avec force et violence à la rentrée universitaire 2016-
2017 lors de l’assassinat pour des raisons d’insécurité de Kernst-Élie Calixte, étudiant
de Master de l’ENS d’Haïti et de Paris 8 inscrit dans l’atelier-laboratoire et ayant
bénéficié en 2016-2017 d’une mobilité vers Paris 8 prise en charge par IDEFI-CréaTIC.
Le premier acte de l’atelier-laboratoire 2016-2017 a été l’organisation, à l’ENS d’Haïti
et à Paris 8, d’une veillée d’hommages.

Points négatifs surmontés
Les difficultés que soulèvent les coopérations avec des pays pour lesquels toutes les
facilités d’un échange universitaire ne sont pas données d’avance continuent de se
montrer extrêmement lourdes. Les appuis apportés par IDEFI-CréaTIC pour aider à y
faire face ont démontré de nouveau en 2016-2017 leur pleine efficacité. Ils permettent
de faire transition vers des appuis plus éprouvés qui ont pu ou pourront également
apporter leurs soutiens aux initiatives prises  : bourses Erasmus +, programme
PREFALC.

LES PRODUCTIONS DE L’ATELIER ET LEUR VALORISATION

Valorisations venues à échéance dans le courant
de la troisième année de l’atelier :

› finalisation avec le soutien financier d’IDEFI-CréaTIC du colloque international

Hétéronomie de la justice : exils et utopies ;

› remise des textes des communications présentées dans le IIIe Congrès

transdisciplinaire de la Caraïbe à Santo Domingo ;

› montages-vidéo du séminaire Pédagogies de la trace  : Mémoire et Traduction

(JingHui Ma) et de la participation de l’atelier-laboratoire au Premier congrès
international de philosophie de la danse à Madrid (Erickson Jeudy).

PÉDAGOGIE DE LA TRACE DANS LES POSTDICTATURES : HAÏTI ET AUTRES PAYS 37

Mémoire et paysage

PAR SOKO PHAY ET PATRICK NARDIN

PRÉSENTATION DU PROJET
Notre atelier-laboratoire vise à réfléchir les relations entre « Mémoire et paysage »
dans le domaine de la création artistique au Cambodge. En effet, plus de quarante ans
après les Khmers rouges, hormis les quelques sites mémoriaux comme S-21 (ancien
lycée de Phnom Penh transformé en centre d’extermination) ou comme Choeung
Ek (plus connu sous l’appellation de « Killing Fields »), les traces des massacres
sont peu visibles dans les paysages cambodgiens. Les charniers qui parsèment par
milliers le pays sont des lieux d’oubli, ils n’apparaissent nulle part sur les cartes
officielles. Dépourvus de signes distinctifs, ils finissent par disparaître de la mémoire
des hommes. Comment un paysage qui a connu des crimes d’une grande ampleur
peut-il offrir une visibilité de l’Histoire ? Comment donner à voir, par la création, un
« paysage de mémoire » – paysage entendu à la fois comme espace à la fois physique
et psychique, et mémoire comme entrelacement de l’histoire collective et de l’histoire
individuelle ?
Les Khmers rouges ont transformé radicalement les paysages cambodgiens
marqués par la désolation. Parce qu’ils sont nés ou ont vécu dans les cités, lieu de la
contamination impérialiste, les citadins sont considérés comme impurs. Les classes
moyennes, les intellectuels, les professeurs et étudiants constituent le « peuple

38 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

nouveau » qu’il faut rééduquer par le travail ou par la mort. Les universités, les
bibliothèques, les hôpitaux sont vidés, comme les habitations individuelles. Mais
les déportations massives ont comme objectif d’ébranler la société, de détruire les
liens familiaux et les relations entre les communautés, d’affaiblir physiquement et
psychologiquement les individus, de casser la solidarité et toute forme de résistance.
Ainsi commence le renversement complet de la société.
En témoignent les images de Phnom Penh déserté qu’on retrouve dans Kampuchéa
1978 (1978) de Nicolas Victorovic ou dans Mort et Renaissance (1980) de Walter
Heynowski et Gerhard Scheumann, documentaristes est-allemands qui font apparaître
l’aveuglement meurtrier des Khmers rouges. De même, les films de propagande
khmers rouges montrent comment ces derniers ont modifié radicalement le
paysage : rizières au cœur de la capitale, multiplication des digues et des rizières dans
les campagnes, transformations des villes en cités fantômes ou en « prisons sans
murs », suivant la formule des survivants.

LE FONCTIONNEMENT DE L’ATELIER-LABORATOIRE
Le projet de cet atelier-laboratoire est d’explorer la ville de Phnom Penh et la
campagne cambodgienne, à travers une approche vidéographique, photographique,
graphique ou autre en se plaçant dans le champ des problématiques de l’art
contemporain. Il s’agit donc de produire des œuvres sous la forme d’installations,
de films, de performances, de dispositifs multimédia ou tout autre processus jugé
pertinent dans ce contexte.
L’accueil de l’Université royale des beaux-arts (URBA) de Phnom Penh a été très

MÉMOIRE ET PAYSAGE 39

favorable et nous a permis de mettre en place un groupe de travail franco-cambodgien
comme prévu. L’atelier a pu avoir lieu comme prévu du lundi 27 mars au jeudi 6 avril
2017. Il a réuni 6 étudiants de l’Université Paris 8 dont 5 en master (arts plastiques,
création éditions numériques, et coopération artistique internationale), une doctorante
en arts (voyage financé par l’EDESTA), 3 étudiants de l’Ecole des Arts visuels Phare
Ponleu Selpak (Battambang), et 10 étudiants de l’Université royale des beaux-arts.
L’atelier a eu lieu comme prévu du lundi 27 mars au jeudi 6 avril 2017 à l’URBA.
Puis nous avons effectué un voyage à Kep avec nos étudiants de l’Université Paris 8
du 7 au 10 avril. La première visée du programme était de rendre possible des
cours communs qui allient théorie et pratique et des collaborations en termes de
production artistique. Un enseignant de l’URBA, Chan Vitharin, a suivi l’expérience
et nous a accompagné tout au long de l’atelier. Deux interprètes Pisey Kosal et Sokro
Suong ont travaillé avec nous en se relayant de telle sorte que l’accompagnement
a été constant de ce point de vue. Par ailleurs, l’URBA a mis une salle équipée à la
disposition de l’atelier pour toute sa durée de telle sorte que le travail puisse se faire
avec régularité. Du point de vue des conditions pratiques, l’atelier s’est donc déroulé
de façon très satisfaisante ; nous nous félicitons de l’engagement de nos partenaires
et de l’excellent état d’esprit dans lequel tout s’est déroulé, aussi bien l’accueil de nos
étudiants que les conditions de travail.

ÉTAPES DE TRAVAIL
Le film Mort et Renaissance (1980) de Walter Heynowski et Gerhard Scheumann, a
été le fil conducteur de cette première action à Phnom Penh. Après l’avoir visionné
entièrement, nous avons analysé les objectifs politiques des deux cinéastes. Arrivés
dans le sillage des forces de Hanoï, ces derniers produisent une œuvre de propagande
faisant l’apologie des nouveaux venus qui sont d’anciens Khmers rouges modérés
ayant trouvé refuge auprès des Vietnamiens. Présentés comme ceux qui ont permis
l’émancipation du peuple cambodgien après les années de cauchemar du régime
de Pol Pot, ils sont de fait ses nouveaux maîtres. Néanmoins, le caractère improvisé
de certains tournages, le montage plutôt hâtif, l’absence de recul par rapport au
drame qui vient de se jouer, composent un propos mal contrôlé, laissant filtrer des
informations inédites sur la situation du Cambodge à ce moment précis.
Nous nous sommes intéressés en particulier au plan séquence qui ouvre le film de

40 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

Heynowski et Scheumann, qui ont parcouru la ville sans rencontrer âme qui vive ;
sidérés par ce lieu fantôme, ces derniers improvisent depuis un véhicule lancé à
pleine vitesse un long travelling à travers les rues. Notre premier projet a été de
réaliser le remake de ce travelling en retrouvant les lieux originaux de tournage.
Grâce au soutien des étudiants cambodgiens et des professeurs plus anciens, il a
été possible de mener l’enquête et de relocaliser géographiquement les endroits
clés, aujourd’hui méconnaissables. Nous avons donc organisé des tournages dans
Phnom Penh en équipant des tuks tuks de dispositifs fixes de prise de vues. Grâce à
ce dispositif nous sommes parvenus à donner d’emblée une dynamique collective à
l’atelier et à impulser des orientations de recherche.
Les jours suivants, nous avons visité le Centre des archives audiovisuelles Bophana,
dirigé par le cinéaste Rithy Panh, avec qui l’Université Paris 8 a un accord de coopération
depuis 2008 : présentation de la base « Hanuman » par un documentaliste du centre,
puis projection et discussion autour du film Apsara (1966) de Norodom Sihanouk.
Notre attention s’est portée sur les premières séquences, qui révèlent la modernité de
la capitale à cette époque à travers les architectures de Vann Molyvann : l’Université
royale de Phnom Penh, le Monument de l’Indépendance, le théâtre Chaktomuk et
le White Bulding. Ce dernier site nous a particulièrement intéressé et nous avons
organisé une après-midi de visite, avec comme guide un étudiant en architecture de
l’URBA qui a montré de nombreuses photos et documents. Ce complexe architectural,
anciennement des logements sociaux, est aujourd’hui délabré et en voie d’être démoli
prochainement. Témoin du patrimoine cambodgien, il est depuis les années 1990 un
lieu de refuge pour les marginaux et les laissés-pour-compte (vendeurs ambulants,
prostituées) tout en constituant un lieu de recherche expérimental pour les artistes,
musiciens et danseurs.
La transformation de Phnom Penh avec ses bouleversements sociaux est l’un des fils
rouges de notre réflexion. Après avoir travaillé sur le court métrage de Davy Chou,
Cambodia 2099 (2014), nous nous sommes rendus sur les lieux du tournage pour
découvrir Diamond Island (Koh Pich), une ancienne île de vergers sur le Mékong,
devenue la vitrine immobilière du Cambodge du futur. Des centaines de jeunes
viennent s’y promener, attirés par les lumières et les tours de ce paradis pour riches.
Travailler sur les paysages de mémoire, c’est se confronter au passé khmer rouge.
Nous nous sommes rendus à S-21, un centre de tortures et d’exterminations basé

MÉMOIRE ET PAYSAGE 41

dans un ancien lycée au cœur de Phnom Penh, devenu le musée du génocide. Le lieu
des exécutions était situé à à Choeung Ek, à 17 km au sud-ouest de la capitale, où
plus de 14000 cambodgiens ont été assassinés. Ce charnier appelé aussi Killing Fields
a été visité pour la première fois par beaucoup des jeunes participants cambodgiens
de l’atelier, révélant ainsi la difficulté de se réapproprier l’histoire collective quand
celle-ci a été longtemps étouffée.
Pour le groupe de l’Université Paris 8, le dernier lieu visité est Kep au Sud du Cambodge,
non loin de la frontière vietnamienne. Ce séjour nous a permis de découvrir cette
ancienne station balnéaire devenue un lieu fantôme avec ses villas coloniales
abandonnées. La splendeur d’antan est apparente derrière les ruines envahies par
une végétation luxuriante.

À partir des visites, des projections de films et de la consultation d’archives se sont
développés différents champs de recherche et de création :

› mémoire et oubli,
› archive de l’espace urbain,
› paysages fantômes,
› « boromey » c’est-à-dire les lieux puissants en cambodgien.

SÉLECTION D’ŒUVRES DE L’ATELIER

« Double crossing », une première œuvre
Le travelling d’ouverture est en lui-même un moment de cinéma, une vision
d’apocalypse où la seule trace de vie est un pigeon isolé qui s’envole à l’approche de
l’opérateur ; pour souligner cette étrange apparition, les cinéastes figent son image
un bref instant au terme de la séquence. En produisant le remake de ce travelling il
s’agit de créer une installation vidéo qui montrerait simultanément sur deux écrans
deux visions du même itinéraire dans Phnom Penh. En premier lieu, il a fallu explorer
la ville pour retrouver le fil du parcours de 1979. Un making off documente ce travail,
en particulier la recherche du point de départ exact du plan-séquence original ; celui-
ci se trouve à proximité du marché central, à quelques mètres d’une station-service
alors désaffectée mais aujourd’hui à nouveau en pleine activité. En franchissant la
station à contresens, mais de cette manière seulement, on parvient à s’engager dans

42 BILAN PÉDAGOGIQUE 2016 > 2017

la direction de l’ancien travelling de Heynowski et Scheumann. Répéter le parcours des
cinéastes est une expérience qui ne va pas de soi dans la fourmilière qu’est devenue
le Phnom Penh contemporain ; si la ville abandonnée ne créait aucun obstacle au
passage du véhicule équipé de la caméra, il n’en va pas de même aujourd’hui où
la circulation est engorgée, mêlant tuk-tuks, motocyclettes, vélos, cyclopousses,
voitures, camions, autobus, piétons dans un chaos généralisé. Le tournage s’est ainsi
organisé à partir de quelques tuk- tuks réunis en convoi, tentant de rééditer le trajet
initial malgré l’encombrement des rues. C’est au retour, en confrontant les deux
images, que les correspondances finissent par apparaître ; la structure urbaine a peu
changé, les façades restent souvent les mêmes, mais l’espace est à présent envahi
par la circulation, chargé de panneaux, d’accessoires, d’inscriptions, de lumières, qui
brouillent toute identification immédiate des lieux.

La station-service, point de départ du travelling : à gauche en 1979 (photogramme du film de Heynowski et Scheumann), à
droite, la station en 2017

Placées côte à côte, les deux images révèlent une étrange concordance des temps
entre un passé tragique impossible à saisir et l’agitation de la ville d’aujourd’hui, qui
semble vouloir l’anesthésier. De manière diffuse, la cité fantôme des Khmers rouges
est toujours là, enfouie dans le présent. On reconnaît les rues, les carrefours, les
bâtiments, cachés sous des néons ou des enseignes ; les écrans associés montrent ce
qui a changé et ce qui demeure, mais en filigrane désignent une histoire oubliée. La ville
moderne a jeté un voile sur la ville ancienne ; il ne s’agit pas ici de « reconstruction »
après un conflit, ou d’une évolution urbaine. Les Khmers rouges n’ont jamais détruit
la ville, ils l’ont « dévitalisée » en la dépeuplant ; ce que dévoile le travelling des

MÉMOIRE ET PAYSAGE 43

cinéastes est-allemands est un monde désaffecté, au sens strict du terme, devenu
la matrice d’une ville nouvelle, régénérée en quelque sorte, mais qui ne se place pas
dans la continuité de ce qu’elle était avant. Que faire de cette fracture ? La double
vision d’une même traversée à partir d’un degré zéro ne travaille pas ici la nostalgie
du temps passé comme peuvent le faire les images anciennes ; elle met en scène à la
fois la mémoire et l’oubli, tout en révélant la puissance du refoulement de ce sur quoi
l’histoire achoppe.

Captures d’écran sur Google Earth montrant la zone totalement nivelée, comme un trou sur la carte en plein milieu de la
ville. Le lac Boeung Kak a disparu. A droite, en cliquant sur une icône, on peut voir un point de vue antérieur ; le paysage n’a
aujourd’hui plus aucun rapport avec ce qui est montré. On peut constater à cette occasion le caractère involontairement
subversif de Google Earth.

Boeung Kak, le lac fantôme de Rida Srun
Les opérations immobilières se multiplient aujourd’hui à Phnom Penh, où le prix
du m2 atteint 5000 $ dans les quartiers les mieux situés ; elles s’imposent avec
brutalité aux populations sans souci d’un plan d’urbanisme cohérent ou du bien
commun. Le profit rapide semble le seul horizon de ces projets destinés pour
l’essentiel à des complexes hôteliers, des centres commerciaux ou des résidences
de luxe. Le cas le plus frappant concerne le lac Boeung Kak, situé au nord de la ville,
qui a été entièrement asséché en 2012 pour faire place à un vaste programme de
constructions malgré les protestations des riverains. D’une surface modeste de 90
hectares, le lac se situait au cœur d’un quartier populaire très vivant attirant de
nombreux touristes. Le plan d’eau et les terrains qui le jouxtent ont été alloués
à une société privée dont le premier geste a été de faire évacuer la zone ; 20000

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habitants ont ainsi été expulsés d’autorité avec des indemnités bien inférieures à
ce qu’ils pouvaient espérer compte tenu du prix réel des terrains. Les destructions
de maisons par les forces de l’ordre, les pressions multiples ont provoqué des
manifestations qui ont été violemment réprimées par la police. De guerre lasse
la plupart d’entre elles ont fini par accepter les compensations pour s’installer
ailleurs. Si les dégâts sociaux de ces pratiques sont considérables, l’impact sur
l’environnement n’est pas négligeable, le comblement du lac étant susceptible en
particulier d’aggraver les inondations à Phnom Penh.
Les chantiers sont à présent en pleine activité, mais l’amertume est persistante. Des
étudiants ont décidé de produire une archive du nouveau quartier en le parcourant
à moto. L’une des réalisations de Rida Srun se présente comme un long plan
séquence montrant une zone où l’on a fait table rase du passé ; plus rien n’existe
de la situation antérieure, ni maisons, ni végétaux. Derrière de longues palissades
de bois, de tôle ou de béton se construit une vile nouvelle où toute mémoire
semble s’être effacée comme si l’on construisait sur une friche. Le souvenir même
d’une vie antérieure disparaît, alors qu’ici même autour du lac aujourd’hui comblé,
se déployait un quartier populaire abritant de nombreuses guesthouses en bois
montées sur pilotis.
Le film révèle un monde intermédiaire, entre le terrain vague et les constructions
en cours ; ce qui hante les images, et que faute d’indices il devient impossible de
réimaginer, appartient au quartier ancien. Le souvenir s’efface mais cette absence
pèse et apparaît avec évidence dans ces vastes étendues vides où les travaux n’ont
pas tous démarré. Dans ce parcours autour de chantiers en cours, on est frappé par
la mise en forme d’une amnésie comme si rien n’avait jamais eu lieu et qu’il fallait se
tourner vers les promesses rayonnantes des villes verticales. Hormis l’activité des
ouvriers, la vie a déserté l’endroit qui produit l’impression anonyme d’une zone.
Celle-ci semble nettement délimitée par les panneaux bleus, gris, verts, jaunes qui
bordent les chantiers et forment une espèce de continuum, guidant le parcours
des motos. Le regard se heurte à ces surfaces opaques, et quand une ouverture
se dessine on aperçoit entre de très vastes étendues désaffectées de grands
immeubles en chantier autour desquelles s’active une armée d’ouvriers coiffés de
casques. En tournant autour du site, le film travaille une documentation du lieu
avant son achèvement ; à travers le nivellement des terrains, le refus de tout ce qui

MÉMOIRE ET PAYSAGE 45

précède et l’ampleur des travaux se discernent pourtant aussi bien la violence de la
transformation urbaine que le mépris de toute mémoire. Un plan séquence donne
tout à voir d’un seul tenant, se donnant comme un bloc de temps, une trace visuelle
sans commentaire ajouté. Vouloir une société entièrement tournée vers l’avenir (et
une course au profit) comme le montrent ces images, est ici une nouvelle occultation
de l’histoire comme si le pays n’avait aucun passé qui vaille et que sa seule identité
était celle des entrepreneurs mettant la politique et l’appareil d’état à leur service.
A sa manière strictement descriptive et dépourvue d’affect, ce travail n’est pas sans
colère comme l’ont expliqué les étudiants cambodgiens ; l’encerclement trace une
ligne virtuelle autour du périmètre concerné, venant faire l’état des lieux depuis un
point de vue extérieur. Ce qu’il donne à voir peut être perçu comme la dynamique
d’une ville en plein développement ou le résultat d’un saccage social, technique,
architectural. L’image en apparence banale de ces chantiers de construction au
milieu de terrains vagues est en fait une image contaminée par ce qui a été effacé
et le souvenir des traumatismes qui l’accompagnent.

Les voix fantômes de Rafael Medeiros

Les voix fantômes de Rafael Medeiros

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Les paysages fantômes sont ici des paysages mentaux relevant en particulier
de l’énergie invisible des lieux, et des mondes parallèles qui, au Cambodge
possèdent une réalité concrète dans l’imaginaire social. Un certain nombre
de réalisation concernent cette dimension singulière. Rafael Medeiros a ainsi
organisé un tournage avec des étudiants cambodgiens pour les filmer à travers la
ville depuis l’arrière d’un Tuk Tuk. La bande son reprend des récits de ces mêmes
étudiants racontant des histoires de fantômes ou de réincarnations telles qu’elles
se transmettent dans les familles, ou leurs propres expériences à ce sujet ; la
disjonction entre l’image de motocyclistes casqués en pleine circulation et
l’intimité du discours provoque une tension étrange transformant le parcours
urbain en une forme de rêvé éveillé.

Killing Fields de Neou Sokpanha
Chœung Ek, Killing Fields pour les guides touristiques, est un ancien cimetière
chinois, qui fut transformé en terrain d'exécution par les Khmers rouges ; c'est
là que les détenus de S-21 étaient amenés la nuit pour être assassinés, après les
nombreux interrogatoires et les tortures. Pour rester discrets et éviter un vacarme
qui pourrait alerter le voisinage, les bourreaux n'utilisaient pas d’armes à feu ;
ils tuaient les condamnés à coups de bâton, par étranglement, à l'arme blanche
ou en les égorgeant avec des écorces de palmiers très coupantes, simplement
arrachées à la végétation alentour. Les corps étaient ensuite enterrés sur place
dans des fosses communes hâtivement creusées.
En apparence, rien n'est remarquable à Chœung Ek ; le visiteur se promène
paisiblement dans un espace vert aménagé, avec des passerelles en bois qui
organisent son parcours. La sérénité du paysage masque l'horreur ; le jardin est
charnier dont les fosses n'ont pas toutes été ouvertes. Chaque arbre, chaque
sentier, chaque recoin, cache une tragédie ; le lieu est peuplé de fantômes et ce
qu'il révèle n'est pas ce qu'il donne à voir. Sa banalité ne fait que souligner celle
de la routine des mises à mort faisant le quotidien des gardiens khmers rouges,
qui tenaient avec un soin obsessionnel le registre de toutes leurs activités ; pour
eux, Chœung Ek était un « terrain » ou s’exécutaient non pas des hommes mais
d’abord des décisions administratives. Le site est devenu un haut-lieu touristique
du pays, aujourd'hui exploité par une société japonaise — ce qui suscite

MÉMOIRE ET PAYSAGE 47

Killing Fields de Neou Sokpanha

localement des commentaires acerbes sur la marchandisation de la mémoire et
la désinvolture avec laquelle on se débarrasse ainsi de la responsabilité d'un lieu
historique essentiel.
Neou Sokpanha, étudiant de l'école des Arts visuels Phare Ponleu Selpak, s'est
interrogé sur la manière de photographier ce lieu. Faut-il le documenter ?
Redoubler l’attention des touristes pour les crânes défoncés déposés dans le
stupa monumental faisant face à l’entrée ? Le travail de Neou Sokpanha rejoue
la peur enfantine, comme si en se cachant les yeux dans ses mains ce qui nous
terrifie pouvait disparaître. Prises avec un petit téléphone portable proposant

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