The words you are searching are inside this book. To get more targeted content, please make full-text search by clicking here.

« Récits d’aventures, comptes rendus, actions, work in progress… Sans être pour autant qualifiées de « performances » certaines pratiques se définissent par l’acte (en) lui-même plutôt que par leur mise en forme. Œuvres réalisées hors champ traditionnel ou conventionnel de l’art (atelier, exposition, médium classiques) elle pose d’emblée la question de leur propre visibilité et de leur « durée de vie » (que deviennent-elles après l’acte ?). » Bertrand Charles

Discover the best professional documents and content resources in AnyFlip Document Base.
Search
Published by interface.art, 2016-06-12 12:26:04

HDO_24

« Récits d’aventures, comptes rendus, actions, work in progress… Sans être pour autant qualifiées de « performances » certaines pratiques se définissent par l’acte (en) lui-même plutôt que par leur mise en forme. Œuvres réalisées hors champ traditionnel ou conventionnel de l’art (atelier, exposition, médium classiques) elle pose d’emblée la question de leur propre visibilité et de leur « durée de vie » (que deviennent-elles après l’acte ?). » Bertrand Charles

Keywords: Invisible, Lydie Jean-dit-Pannel, Le papillon Monarque, Animal Totémique, Paul Verlaine, Martine Le Gac, Dématérialisation et/où invisibilité de l'oeuvre, Cécile Desbaudard, les actions de Jérémy Laffon, la fiction comme expérience, Virgine Bobin, Jean-Christophe Norman, Bertrand Charles, Marie France Vo, Situation construites, Tino Seghal, Adeline Blanchard.

HORSD’OEUVRE le journal de l’art contemporain, oct. 2009 - janv. 2010
http://interface.art.free.fr dijon ® bourgogne ® france ® europe ® ...

[IN]VISIBLE

n°24

Couverture :
cause I’m free (détail off)
© Lydie Jean-dit-Pannel, 2007

[IN]VISIBLE Lydie Jean-dit-Pannel
Le papillon Monarque,
Récits d’aventures, comptes rendus, actions, animal totémique
work-in-progress... Sans être pour autant
qualifiées de « performances » certaines « Sans rien en lui qui pèse ou qui pose »
pratiques se définissent par l’acte (en) lui- Paul Verlaine
même plutôt que par leur mise en forme.
Œuvres réalisées hors champ traditionnel ou Depuis 2004, Lydie Jean-dit-Pannel se fait tatouer un à un des papillons Monarque femelle sur toute la partie gauche du corps.
conventionnel de l’art (atelier, exposition, 33 figures aujourd’hui de ce « work in progress » se déploient déjà en rouge et noir de la nuque au talon. Ainsi parée et reliée
médium classiques), elles posent d’emblée la à l’insecte — un Nymphalidé réputé pour être le seul migrateur de son espèce —, attentive à sa vie, à son évolution de larve en
question de leur propre visibilité et de leur lépidoptère ailé de la plus heureuse façon, l’artiste devient à son tour « image » comme la chrysalide devient Imago. Elle en a
« durée de vie » (que deviennent-elles après fait l’emblème de sa recherche et confirmé qu’il n’y a pas de création sans métamorphose.
l’acte ?). En face de quoi se retrouve-t-on si
l’œuvre ne peut se montrer (faute d’objet), si À la mesure des distances et des frontières que le Monarque est capable de franchir pour s’assurer une descendance, est né
sa réalité échappe à tout code ou mode un parcours de plasticienne et de vidéaste conduit par un sens subtil du déplacement et de la mutation. Les territoires
d’exposition connu, ou si cet acte ne laisse traversés empruntent cette dynamique qui fait de chacune des étapes personnelles de l’artiste l’occasion de marquages
aucune trace tangible ? Dans ces formes successifs sur sa peau, qu’elle appelle Mes Encres ; comme une chronique de ses haltes en lieux de villégiature et
d’art qui tendent à délaisser l’objet au profit d’exposition, Québec, Copenhague, Madrid, Chiang Mai, Bornéo…, à mettre en parallèle avec des enregistrements vidéo
de situations, d’intentions, de stratégies ou numérotés de ce qu’elle peut voir au fil de la route, Le Panlogon, un projet en cours d’une durée actuelle de 3 heures et
d’expérience, il y a un désir d’immatériel comptant plus de 700 prises.
évident. Stephen Wright 1 s’est interrogé sur
« l’absence [qui] a toujours eu à travers la Tatouages, plans-séquences, documentaires et photographies gravent un itinéraire singulier qui laisse ses traces dans la chair,
modernité – à cause de la déprise de toute dans le numérique et l’argentique — autant d’écritures entre le dessin et la performance qui éclairent la genèse d’une forme,
tradition qui la définit – une dimension son processus de renouvellement et d’interprétation. A chaque avancée la collection de points de vue s’augmente,
métaphysique, que l’on voit, par exemple, l’imprégnation se consolide et le projet se précise dans plusieurs séries toujours ouvertes. Lydie Jean-dit-Pannel est en quête
dans une bonne partie de la peinture d’une œuvre, qui tout à la fois incarne l’espace, attrape le temps et signe la fascinante légèreté du papillon, son endurance et
abstraite ». Alors, que sont ces gestes sa vitalité.
dématérialisés interrogés s’ils ne s’inscrivent
pas dans le concret ou le réel ? Depuis les Avec un sens aiguisé de l’observation et du mouvement, elle désigne le caractère périssable et en devenir des espèces, celle
origines (Yves Klein) jusqu’aux pratiques plus des insectes et celle des images, c’est-à-dire aussi celle des artistes qui tout à la fois les protègent et les aiguillonnent.
récentes de Yolanda Gutiérrez, Cécile Faut-il qu’elle soit émerveillée par le vol des Monarques, pour chercher à transposer leurs millions de battements d’ailes dans
Desbaudard pointe le « degré d’inscription un médium 25 images/seconde et les frissonnements du corps, jusqu’au souffle suspendu de l’image fixe. Faut-il qu’elle ait
dans la réalité » des pratiques artistiques. perçu la qualité si particulière de leur vibration pour en faire un moteur de vie et de propositions visuelles capables d’enchanter
Des expériences vécues dont l’aboutissement le regard. Toute son attention est au service de cette énergie.
n’est pas forcément l’exposition (Lydie Jean-
dit-Pannel, Vincent Carlier, Jean-Christophe Les photos tout en
Norman) au pur évènement ne laissant contrastes clairs et
aucune trace (Tino Seghal), sont explorées les sombres, les
notions de présence cachée et d’absence. projections des vues
Dans ce processus de dématérialisation la de son bras tatoué
figure de l’auteur est mise à mal jusqu’à sa ou d’autres captures
propre disparition (Édouard Boyer)... et du règne animal
reconstruite artificiellement par des doubles brillent et palpitent
virtuels qui rejouent des performances dans l’obscurité. Les
d’autres artistes (Eva et Franco Mattes). Se yeux s’y affolent et
trouve-t-on alors devant l’œuvre ou sa s’émeuvent comme
représentation ? Et si « œuvre » ne rime pas les phalènes autour
avec visibilité, peut-on se passer de la vision d’une lampe. Qui
de l’œuvre ? Ou plutôt, l’œuvre, peut-elle se n’est pas gagné par
passer de la vision du spectateur ? la conscience de
l’éphémère en face
Bertrand CHARLES de tant de motricité
et d’éclat ? Devant
1. Les recherches de Stephen Wright portent sur les pratiques à faible les images
coefficient de visibilité artistique, sur les conditions des possibilités désirables exposées
d’un art sans œuvre, sans auteur et sans spectateur, sur le régime à la lumière ?
sémiotique dominant et sur les pratiques artistiques dénormées. Comme pour en
conjurer la
disparition
prochaine, l’artiste
travaille à la manière
de l’entomologiste et
fixe l’objet de sa
passion. D’un coup
d’aiguille, entre mise
à mort et guérison,
elle dresse un totem
auquel peut
s’identifier l’animal,
la vie et l’art.

L’événement du
Tatoo Art Fest de la
mi-septembre à
Paris, est l’occasion
pour Lydie Jean-dit-
Pannel de conjuguer
le rendez-vous des
tatoueurs et une
nouvelle réalisation
vidéo pour tenir à
bout de bras une
enfilade d’images —
l’autre nom de la
progression.

Martine LE GAC

© Lydie Jean-Dit-Pannel, cause I’m free (détail), 2007
photographie : David Brunel ; accupuncteur : Marc Prunonosa

2

Étienne Boulanger, Road Blocks (détail), 2004-2008 (Pékin), plan et vidéo
blind process : appartement galerie Interface, Dijon, 17/09 - 22/10/2005 © Frédéric Buisson

Dématérialisation et / ou invisibilité de l’œuvre

Lorsque l’on évoque la « dématérialisation » Chajul, dans la réserve Montes Azules ou
de l’œuvre ou « l’acte invisible » se profilent encore pour Retoño (1995), où elle installe
les notions d’absence, trace, disparition, dans la lagune Cozumel de Colombie des
éphémère… Une œuvre dont le degré petits paniers conçus avec des branches,
d’inscription dans la réalité et/ou le temps feuilles et matériaux organiques prélevés sur
est réduite car oscillant entre une véritable place, destinés à la nidification des oiseaux de
indépendance face aux matériaux et une mer (qui se sont effectivement appropriés les
dépendance peu on non perceptible. paniers pour en faire leur nid).
L’imprécision de ces délimitations signale la
dislocation de la définition même de Pour conclure ce petit tour d’horizon parmi
l’œuvre lorsque lui sont attribués ces quelques procédés de dématérialisation et/ou
principes de dématérialisation et/ou de mise à distance de la perceptibilité d’une
d’invisibilité. Tentons d’en identifier œuvre, rappelons les origines de ce type de
quelques manifestations. préoccupations lorsqu’en 1958 Yves Klein
propose l’exposition Le vide à la galerie Iris
Lorsque l’intervention de l’artiste consiste à Clert (Paris) : les vitres de la galerie sont
signaler ou utiliser une matière volatile peintes en bleu et l’intérieur de la pièce laissée
comme dans l’œuvre Heart Beats Dust entièrement vide. Un an plus tard, il conçoit les
(1968) de Jean Dupuy où la forme Zones de sensibilité picturales immatérielles,
éphémère et variable de « cône pyramide » dont l’existence n’est attestée que par un reçu
générée par une dispersion à la verticale (conçu par l’artiste) qu’il remet à tout
de poussière est activée par les pulsations acquéreur contre quelques grammes d’or qu’il
cardiaques d’une personne reliée au disperse dans la Seine. Si les préoccupations
caisson contenant la poussière par le biais d’Yves Klein et de l’Art conceptuel en général
d’un stéthoscope. Une sculpture étaient centrées sur la volonté d’abstraire
matériellement perceptible est bel est bien l’œuvre de sa conception traditionnelle et des
créée mais constituée d’une dispersion © Jean Dupuy, Chorus for six hearts, 1968-71, MoMA, New York contraintes matérielles, il semblerait que les
d’éléments matériels disparates – des grains recherches actuelles soient davantage liées à
de poussière – et non d’un bloc de matière. Autre cas de figure, lorsque l’artiste réalise une une forme d’opposition face aux systèmes développés par la société contemporaine, aussi
sculpture en employant une faible quantité d’un matériau proche de l’invisibilité : l’œuvre bien ceux régissant les espaces dans lesquels nous vivons (pensons à la notion de « zone
Furtif (2006 – 2007) d’Emmanuel Régent « matérialise » un avion avec des fils de nylon d’autonomie temporaire » formulée par Hakim Bey en 1991 dans son ouvrage TAZ,
ponctuellement recouverts d’acrylique noire ne signalant que les lignes essentielles à la Temporary Autonomous Zone), que ceux définissant leur contenu : une profusion d’objets –
forme du bolide (l’accrochage peut venir renforcer cette mise à distance de la perceptibilité souvent nuisibles à l’environnement – générés par la société de consommation.
de l’oeuvre comme c’est le cas ici : Furtif est présenté accroché de manière extrêmement
discrète au plafond donc en dehors du champ de vision classique). La duplication exacte Cécile DESBAUDARD
d’un élément réel superposé à celui-ci ou encore la réalisation d’un acte qui demeurera peu
perceptible confèrent un statut de quasi-invisibilité à l’œuvre. La première exposition réalisée 1. Jean Dupuy, Entretien Éric Mangion – Jean Dupuy in Jean Dupuy – À la bonne heure !, catalogue de l’exposition À
en 1973 dans le loft de Jean Dupuy, au 405 13th Street à New York, en offre plusieurs la bonne heure !, Villa Arson, 29 juin - 28 septembre 2008, Nice (France), Éditions Semiose, Paris ; Villa Tamaris Centre
exemples : Lizbeth Morano « avait collé sur la porte d’entrée, une réplique photographique d’art, La Seine-sur-Mer ; Villa Arson, Nice ; MAMAC, Nice ; Galerie Barnoud, Dijon ; Frac Bourgogne, Dijon, p.28-29.
à l’échelle 1/1, de la porte d’entrée […], Nam June Paik projeta une vidéo du plafond sur
le plafond […], Gordon Matta-Clark avait lavé un carreau d’une des huit fenêtres – ça
n’avait jamais été fait depuis cent ans - situées côté Ouest [… ], Antoni Muntadas a rempli
quatre tiroirs d’un meuble, de produits naturels odoriférants pris dans le quartier ». 1 Les deux
procédés décrits ci-dessus peuvent se réunir de la manière suivante : application d’un
traitement « plastique » à un objet dont le résultat procure une identité visuelle presque
identique à celle originelle comme dans l’œuvre Sans titre (2004) de Guillaume Millet
présentée lors de l’exposition extra dry, en 2005, à la galerie Interface (Dijon) : il s’agit
d’un radiateur recouvert de peinture polyuréthane blanche. Le choix de ce radiateur n’est
pas anodin puisqu’il se rapproche formellement de ceux du lieu d’exposition; Guillaume
Millet réalise ici une sorte de camouflage de l’œuvre. Cette notion de camouflage est
particulièrement développée dans l’œuvre d’Étienne Boulanger qui l’applique à l’humain
et/ou à l’architecture en milieu urbain, au sein de bâtiments ou zones marginalisées. Dans
Welcome to Our Neighbourhood (2007), à la Stadtgalerie (Saarbruck), il construit un mur
à l’intérieur de la galerie, identique à ceux originels et occultant l’un d’eux. Impossible pour
toute personne non familière à la galerie de percevoir l’existence de ce mur qui propose
pourtant une nouvelle distribution de l’espace… Dans Single Room Hotel (Berlin, 2007), il
crée un hôtel constitué d’une unique chambre, dans un terrain vague jouxtant des
immeubles, selon une architecture extérieurement identifiable à un assemblage
quadrangulaire de panneaux publicitaires occupant l’angle d’un terrain. L’activation de
l’œuvre se produit lorsqu’une personne la découvre et l’expérimente en occupant la
chambre, après réservation, pour une ou plusieurs nuits.

Le travail de l’artiste mexicaine Yolanda Gutiérrez propose une autre illustration du procédé
d’immersion au sein d’un environnement mais cette fois-ci dans la nature. Une partie de sa
création (qu’elle nomme « art écologique ») est effectivement consacrée à la conception
d’œuvres dont les formes et matériaux s’intègrent parfaitement et durablement à
l’écosystème d’un site. Ainsi pour Conviviendo con aves y mariposas (2004) , elle crée des
reposoirs/mangeoires en céramique pour oiseaux et papillons qu’elle fixe à des arbres à

Guillaume Millet, Sans titre, 2004, peinture polyuréthane, radiateur
Extra Dry : appartement galerie Interface, Dijon, 22/01 - 26/02/2005

© Frédéric Buisson
3

© Jérémy Laffon, Symphonie #1 opus 09, 2005, vidéo, 3’40’’ dérisoire
Laffon
L’utilité du futile et du
Les actions de Jérémy

Les actions de Jérémy Laffon sont les symptômes d’une société dans laquelle le réel est asservi la réalisation matérielle d’œuvres présentées dans le circuit du monde de l’art.
aux questions de sens et d’utilité. Elles sont réalisées dans l’espace public pour la grande Les traces – photos et vidéos – sont plastiques, visuelles, inscrites dans une esthétique quasi
majorité et sans invitation officielle. Les principes sont simples : Jérémy agit dans des contextes picturale. Présentées dans des lieux d’art, elles prolongent l’action sans doute peu remarquée
variés, de grands passages, souvent neutres où les problématiques artistiques et esthétiques dans son contexte et invalident la démarche de l’artiste pour qui action et trace sont liées. Une
ont disparu. Aussi, durant sa résidence à la cité scolaire Bellevue à Albi, il a teinté des flaques action qui essaie de continuer à faire son œuvre auprès d’un autre public.
d’eau avec de la peinture orange 1, lancé des fumigènes dans un couloir du lycée alors que les Les traces sont conçues ou comme des citations d’une histoire passée ou comme des
élèves étaient en cours 2. Avant ce temps de résidence, en « ping-pong master player », il a erré instantanés. Il y a là une mise en abyme qui ne fonctionne pas pour tout mais qui gagne à être
dans les loges d’une salle de concert et fait rebondir, jusqu’à plus faim, une balle de ping-pong explorée, travaillée dans le choix des supports et des formats.
sur tous les ustensiles possibles 3. Il encombre également les tapis roulants dans le métro Agir partout ou presque est jouissif et témoigne d’une position. En conserver des traces
d’oranges ou de bouteilles plastiques 4. correspond à la continuité logique d’un travail plastique mais répond immanquablement aux
Que revendiquent ces actions ? Assurément le lien indéfectible entre l’art et la vie, la mise en besoins d’un monde de l’art matérialiste, moins amateur d’expériences pures.
avant de l’anecdotique, la réhabilitation du futile au royaume du tout utilitaire : gageure dévolue
à la poésie et manifeste politique quotidien. Devenu bizarrerie, curiosité dans un monde Jérémy place son attention et la déplace selon les contextes, les environnements. L’importance
mercantile, le futile est nécessaire. Car il pointe et défait les mécanismes de la routine et les et l’utilité de ses actions pointent la norme, déconstruisent l’usage et s’appuient, pour cela, sur
comportements normés. Les actions de Jérémy sont des remèdes anti-normatifs qui tentent une l’esthétique comme expérience.
déconstruction lente et poétique de l’usage. Ces actions sont des gestes anti-spectaculaires qui Un travail singulier en devenir.
travaillent sur le réel. Parce qu’il perturbe l’ordre des choses et rehausse certains détails taxés de
futiles, Jérémy accompagne de ses vœux le pas de côté pour lever doucement le voile posé sur la Caroline ENGEL
réalité : regard toujours singulier sur le réel. Richesse absolue qui échappe à l’évaluation.
Ces actions sont menées au milieu de passants, d’observateurs incrédules ou de spectateurs
passifs, qui au mieux en font une lecture littérale et immédiate ou, au pire, ne les repèrent pas.
Une flaque d’eau n’est orange que si une substance y a été versée. Oranges ou bouteilles plastiques
en nombre ne s’agglutinent pas spontanément au bout d’un tapis roulant. Quelqu’un y est pour
quelque chose. Or aujourd’hui, toute action non spectaculaire et non médiatisée dans l’espace public
ne suscite peu ou presque plus d’intérêt. Sinon un intérêt hostile comme ce fut le cas après « funky
pong terrorism » à la cité scolaire Bellevue, où l’évacuation logique des couloirs enfumés a laissé
la place à des emportements violents. L’artiste a écopé d’un avertissement pour une soi-disant
« performance », elle-même encadrée de guillemets dans le texte.

De ces actions, des traces manifestent en silence : des rendus d’action stylisés non Jérémy Laffon, né en 1978, vit et travaille à Marseille.
documentaires. Ces actions sont supports d’expérimentations. Elles sont aussi prétextes à 1. Funky Juice on a way of an Unfunky Youth, photos, 2009.
une expérience esthétique, à la fois pour l’éventuel témoin et pour l’artiste. L’action est une 2. Funky Pong Terrorism, action, 2008. Utilisation de fumigènes réalisés avec des balles de ping-pong et de l’aluminium.
méthode, un moyen et un support de travail. L’action est la démarche artistique qui permet 3. Backstage, vidéo, 2008
4. Symphonie #1 opus 9&13, vidéo (3’40 & 2’30), 2005.

La Fiction comme experience : les Synthetic

Performances d’Eva & Franco Mattes

http://www.0100101110101101.org/home/performances/interview.html n’est accessible qu’à ceux qui y ouvrent un compte et s’y
installent sous la forme d’un avatar. Il s’agit donc d’une
Dans l’univers plat et synthétique de Second Life, une lorsqu’elle avait réincarné des performances mythiques expérience privilégiée, qui n’est révélée au « monde réel »
femme-lézard écoute, sortant d’un haut-parleur, les soupirs (Body Pressure de Bruce Nauman (1974), Seedbed de que sous la forme de captations dont l’esthétique très
d’un homme qui se masturbe dans l’espace d’un white Vito Acconci également, Action Pants: Genital Panic de particulière se rapproche de celle des jeux vidéo. Si les
cube virtuel où d’autres avatars plus ou moins excentriques Valie Export (1969), The Conditioning de Gina Pane narrations transmises par les images d’Eva et Franco
se pressent religieusement comme à n’importe quel (1973), How to Explain Pictures to a Dead Hare… de Mattes nous sont familières, la dématérialisation des corps
vernissage. Le chat d’Hello Kitty tente de passer sa tête Joseph Beuys (1965) et sa propre Lips of Thomas (1975)) et des espaces (dans Imponderabilia, les avatars passent
hypertrophiée entre les corps nus d’un homme brun aux dans la rotonde du Guggenheim à New York. Dans le livre littéralement au travers du « corps » des performeurs, et
cheveux en bataille et d’une femme à la blondeur publié à cette occasion 1, elle affirme de manière assez les points de vue offerts par la navigation sur Internet
peroxydée et aux formes avantageuses qui se tiennent radicale que la seule manière de documenter une permettent une perception à 360° assez surréelle)
debout face à face dans l’embrasure d’une porte. Le même performance est de la « re-performer ». Pourtant, comme provoque un décalage immédiat avec la définition même
couple, lui tenant une canne et elle un gant, flotte au- pour les versions « synthétiques » d’Eva et Franco Mattes, de la performance, celle qui implique la présence du corps
dessus d’une table la peau peinte en doré en faisant du l’enregistrement joue un rôle crucial dans ce processus, de l’artiste, ou de ses interprètes. Lorsqu’Eva et Franco
play-back sur Underneath the Arches… puisqu’Abramovic est allée jusqu’à inviter la légendaire Mattes interprètent Shoot de Chris Burden, le sens de la
Babette Mangolte 2 (auteure dans les années 1970 de la pièce historique disparaît complètement, avec la douleur et
Depuis 2007, Eva et Franco Mattes – ou plus exactement plupart des images iconiques des pièces de Trisha Brown, le risque. Il s’agit donc moins de fournir une nouvelle
leurs avatars – réactivent des performances historiques sur Yvonne Rainer, Robert Rauschenberg, Richard Foreman, Robert documentation que de s’interroger sur la médiation des
Second Life, auxquelles viennent assister des dizaines Whitman, etc) à filmer l’évènement, produisant de précieux images dans l’histoire de la performance, et leur relation
d’internautes sous la forme qu’ils ont choisie pour habiter matériaux pour de nombreux festivals à travers le monde 3. au spectateur, réel ou virtuel. Eva et Franco Mattes eux-
ce monde fictif. Limitées dans l’espace et le temps (sauf mêmes n’existent pas vraiment, derniers avatars d’une
pour 7000 Oaks, originellement réalisée par Beuys à Comme pour Seven Easy Pieces, le choix des pièces série de personnages créés par les artistes dans leur
Kassel de 1982 à 1987, et pour laquelle Eva et Franco appropriées par Eva et Franco Mattes, toutes considérées interrogation continue du rôle de la fiction dans
Mattes ont stocké des pierres de basalte sur une île de comme des œuvres-clés de l’histoire de la performance et, l’élaboration de l’œuvre d’art et de ses réseaux
Second Life afin que les habitants puissent se les à ce titre, largement reproduites et commentées, pose la (économiques, critiques et médiatiques).
approprier et les installer dans leur propre espace, question de la présence du spectateur. Dans son article
étendant ainsi les frontières spatio-temporelles et narratives « Presence » in Absencia 4, Amelia Jones critique la Virginie BOBIN
de l’œuvre), ces performances sont enregistrées et posture qui considère comme nécessaire la présence
diffusées ensuite dans de véritables lieux d’exposition sous physique du spectateur à l’appréhension d’une œuvre de Voir les vidéos des Synthetic Performances ici :
forme de projections. Outre 7000 Oaks, les deux artistes performance. La constitution d’une histoire de la http://www.0100101110101101.org/home/performances/video.html
se sont ainsi appropriés The Singing Sculpture de Gilbert performance n’a jamais été aussi vivace, à travers Lire une interview d’Eva et Franco Mattes sur les Synthetic Performances ici :
et George (1968 à aujourd’hui), Tapp und Tastkino de expositions, livres et l’explosion de la pratique du http://0100101110101101.org/home/performances/interview.html
Valie Export et Peter Weibel (1968-1971), Seedbed de re-enactment. Or bien peu de ceux qui y participent Une interview réalisée par Julia Kläring et moi-même sera disponible en
Vito Acconci (1972), Shoot de Chris Burden (1971) et aujourd’hui ont pu assister à ces performances des années Octobre sur www.bo-ring.net
Imponderabilia de Marina Abramovic et Ulay (1977), 1970, et si nous pouvons aujourd’hui en obtenir une
généralement sans l’autorisation de leurs auteurs. version altérée (par l’évolution du contexte, notamment), Actualité : La vidéo d’Eva et Franco Mattes, Reenactment of Marina
grâce à des travaux comme ceux d’Abramovic ou d’Eva et Abramovic and Ulay’s Imponderabilia a récemment été retirée de
Bonne joueuse, Abramovic déclarait dans une interview Franco Mattes, notre principal acte de spectateur consiste l’exposition Discovering Contemporary à la foire d’art contemporain de
donnée à ARTnews en Février 2008 qu’elle était un peu à regarder (écouter…) des documents ou des enregistrements. Shangai, en raison des seins nus et en 3D d’Eva. La vidéo originale de
jalouse de n’avoir jamais eu cette idée la première. Elle- Marina Abramovic, présentée à côté, n’a pas été censurée.
même avait donné une nouvelle envergure à la pratique Cette question déjà ancienne prend cependant une
du re-enactment en 2005 avec Seven Easy Pieces, nouvelle dimension dans l’espace fictif de Second Life, qui 1. Marina Abramovic, Seven Easy Pieces, Edizioni Charta, Milan, 2007
2. http://www.babettemangolte.com/index.html
3. http://www.seveneasypieces.com/home.html
4. Amelia Jones, “‘Presence’ in absentia: experiencing performance as
documentation - performance art focusing on the human body in the early
1960s through the 1970s”, in Art Journal, hiver 1997, accessible sur
http://findarticles.com/p/articles/mi_m0425/is_n4_v56/ai_20544717

4

Jean-Christophe Norman : maximal : un espace d’activité où s’expriment la fatigue, la
la matière du dépassement résistance, l’usure, l’épuisement et tout autant un
volontarisme, une énergie et une force. », alpiniste qu’il
« ...marcher est donc cette façon particulière l’objet qu’elle peut devenir ? En tous les cas elle s’exprime était, il sait ce que c’est que d’aller chercher ses limites.
d’ouvrir un espace et un sujet, d’exposer un par la disparition ou tout simplement l’absence… 4 Cette L’expérience, empreinte de douleur est radicale, elle place
sujet au risque d’une saisie supposée directe du propension à la non visibilité est une façon de valoriser la marche de Norman dans la double performance : une
donné, ou en tout cas au risque de la surprise, l’expérience au profit du résultat. Sans pour autant se situer expression artistique effectuée dans un engagement
cette façon toujours neuve d’être pris par dans une lignée conceptuelle où l’œuvre peut n’exister que corporel intense. Lent processus hypnotique, état second,
l’extérieur – par l’autre – et de remettre en jeu par simple énonciation, Norman se place dans une logique telle un drone 5, sa marche quasi statique, à l’échelle de la ville,
bien des façons de voir et d’aborder, d’approcher, du faire – un faire qui ne se donne pas à voir. Son travail utilise tout le potentiel de son corps pour exprimer une très
un espace. » 1 existe, c’est tout. Il n’exerce aucun rapport de force avec le longue durée. Avec la volonté qui transcende la souffrance
contexte qui l’accueille : il n’« ajoute » rien. En ne venant endurée, il vient sublimer l’endurance de son corps.
Les marches 2 de Jean-Christophe Norman ont presque tout saturer ni l’espace, ni le temps, c’est comme si l’œuvre avait
de l’acte sans justification : le déplacement se fait dans un accepté de donner toute sa place au spectateur, un La marche de Norman est bien l’objet impalpable, « immontré »
terrain connu et maintes fois arpenté : la ville ou ce qui la spectateur à qui les marches offriraient ainsi l’opportunité qui dépasse la nécessité de faire aboutir quelque chose à des
constitue (les bâtiments) ou encore ses environs proches. d’un rapport sans objet. yeux spectateurs. Elle est une sorte de (non)mise en forme qui
Quand il s’impose de marcher 24 heures 3 dans une ville questionne le besoin de production d’un objet et de sa
sans s’arrêter, pour lui, l’épreuve (si insensée, démesurée ou Au-delà de la disparition et de l’absence, l’art de Norman monstration. Au-delà d’une simple forme de résistance face à
impossible soit-elle) s’avère sinon redoutable, au moins nous convie à une expérience autre, rare : le dépassement. un monde limité et mesuré, utilisant la seule énergie, la pulsion
intense. Pour le spectateur, cette intensité est évidemment Imaginons, une succession de pas à une échelle qui lui est physique, le « corps qui marche » de Norman vient élaborer
plus ténue parce que l’art de Norman ne se reconnaît pas propre : 24h, 7 jours, une ville… Des kilomètres qu’il s’agit sa propre kinesthésie de la géographie.
dans un objet. La marche est physiquement réalisée, vécue, coûte que coûte de parcourir, un effort à accomplir, serait-ce
mais elle demeure ailleurs, hors de la vue. Il y a bien une vain pour l’essentiel ! Une des plus fortes caractéristiques du Bertrand CHARLES
œuvre dont la plastique a d’ailleurs son importance (les travail est cet effort impénétrable, presque (trop) captivant
contours d’une ville) mais pas de matière palpable. pour être évoqué objectivement à tel point que 1. Thierry Davila, Marcher, Créer. Déplacements, flâneries, dérives dans l’art
l’appréhender sous le seul angle du dépassement physique de la fin du XX e siècle, Éd du Regard, 2002, p.42
La pratique de la marche de J-C Norman diffère de toutes pourrait être réducteur. Mais ce n’est pas le cas, car là où 2. Ce texte s’attache essentiellement à une partie de l’œuvre de Jean-
celles rencontrées jusqu’alors (Alÿs, Long, Fulton, bien des artistes vont démystifier l’exploit ou l’aventure, la Christophe Norman qu’il intitule Walks (24 hours walking Vilnius, août 2008.
Brouwn,…) : elle n’est pas seulement un moyen pour aboutir pratique de J-C Norman est ancrée dedans. Dans un monde Walks 7 days 7pm Broadway New York 2008, Constellation Walks (Vilnius
à l’œuvre, elle est l’œuvre. Ensuite, elle n’est pas mise en totalement balisé où il n’existe plus de territoires insondés, il city limits) 2008, Walking Progress (Besançon in Tokyo) 2008) où l’objectif
spectacle. Elle demeure invisible. Le fait de ne pas montrer sait que l’aventure (humaine) est terminée. Peu importe le est de reproduire par la marche les contours d’une ville dans une autre. La
frontalement part bien d’un choix d’aller à l’encontre de premier degré, il vient célébrer quelque chose là où une distance à parcourir ? Une centaine de kilomètres équivalent à la
cette logique du spectacle, renversant ainsi l’équilibre pratique ironique ou critique viendrait la remettre en cause circonférence des villes choisies. Pour ce faire, Il se fonde sur des cartes qu’il
duchampien qui affirme que pour exister l’œuvre a besoin en arrivant après sa trop grande médiatisation, sa utilise non à des fins de reproduction d’un espace donné mais comme
d’un seul spectateur. Est-ce à dire que la pratique de commercialisation et son hyper technologisation (en vrac, construction mentale. Ses marches sont en quelque sorte une mise à l’épreuve
Norman se situe plus dans l’attitude que dans la forme ou ascensions répétées de l’Éverest, courses et tour du monde des compétences géographiques. Et s’il lui arrive lors de ses marches de
à la voile, exploration de l’univers, tourisme spatial). Quand prendre une photographie ou une vidéo, rien ou presque ne permet
il énonce : « La méthode minimale se conjugue à un effort d’identifier le lieu parcouru, comme si cette prise d’images était vaine,
comme s’il témoignait d’autre chose. Pour plus d’informations :
http://www.jeanchristophenorman.net/
3. Projet Night and day réalisé pour l’instant à Vilnius et à Épinal (octobre
2009). Il se peut que le projet aboutisse à réaliser 24 marches de 24 heures
dans 24 lieux différents…
4. « Le fait que ma participation augure la “disparition” est une histoire
personnelle, un point tournant dans ma vie que je voulais relater plastiquement
dans mon activité artistique », Jean Christophe Norman, 2009.
5. drone : technique qui consiste à reproduire inlassablement le même son en
continu avec un minimum de variations harmoniques pour construire un
morceau de musique.

© Jean Christophe Norman, Tokyo : still night and day - 24 hours walking Tokyo, 2008
5



© raphaël boccanfuso - édition interface, dijon - 2009

© Édouard Boyer, Missing, programme développé depuis 2002

S’effacer,
c’est être léger,
c’est accueillir

La première ligne du communiqué de presse de la BF 15 1 nous intrigue immédiatement car Depuis 2005, il développe l’œuvre du dessinateur Willem, en dehors de l’auteur, en
elle présente ainsi Édouard Boyer : « Projet après projet, Édouard Boyer programme sa singeant son style, en produisant des séries de dessins uniquement dans cette manière, puis
propre disparition... ». Effectivement, nous sommes habitués à ces nombreux artistes qui en transférant cette production sous formes de données informatiques afin de la mettre à
s’inscrivent actuellement dans la postérité de la Performance, expression plastique éphémère disposition du public (projet Snowi is not Willem).
par définition, dont il faut gérer les traces et témoignages pour lui donner une dimension Depuis 2006, É.B. crée à Berlin un territoire virtuel : cet espace mental Berliiinkolonie évolue
durable. Nous sommes parfaitement conscients que ceux-ci développent de façon actuelle et se modifie au gré des déplacements des personnes qui portent le logo « Berliin » tatoué
le genre de l’« autoportrait », mis au point à la Renaissance, c’est à dire cette figure sur leur cheville. Édouard Boyer mène de front tous ses programmes car le temps est
symbolique de l’artiste, à la fois démiurge et martyr, prophète génial souvent méconnu de constitutif de la démarche ; ainsi à la dernière exposition de la BF15, il rassemblait dans un
ses contemporains. Ce dernier délivre un message égocentrique et original, à la stylistique film L’horizon des événements la totalité des réalisations, dans leurs formes et accrochages
reconnaissable et parfaitement identifiable. passés et dans leurs réactivations actuelles. Comme le dit Natacha Pugnet, leur point
Édouard Boyer semble remettre en cause cette conception « romantique » de I’artiste et la commun est la mise en retrait de leur initiateur qui élabore les modalités de son effacement
notion d’auteur singulier qui lui est attachée. Dès 2000, pour Biographie il crée le site : partiel, chaque fois différentes : le non-faire, le faire d’après, le faire-faire ... « je ne me
http://www.edouardboyer.net. Il y soumet sa vie aux internautes, avec l’incitation présente pas comme artiste autographe » dit É.B. ... « II y a un aspect caméléon dans ce que
suivante : « Écrivez la biographie d’Édouard Boyer telle qu’il la vivra. » Il répond à toutes je fais. Prendre la place de quelqu’un d’autre... La question de la responsabilité, de la propriété
les suggestions par des photographies prises par lui et va même jusqu’à disparaître fait partie de mes préoccupations immédiates et, c’est vrai, j’ai plaisir à remettre en cause la
temporairement. Depuis 2002, dans Missing, il soumet sa propre image, prise à l’âge de
trois ans, à des équipes de l’Institut de Recherches Criminelles de la Gendarmerie notion d’auteur... » Édouard Boyer se situe aux antipodes du projet
Nationale, pour faire établir une série de portraits hypothétiques de lui-même, par engagé de sculpture sociale de Joseph Beuys par exemple : les
rajeunissements ou vieillissements artificiels ; puis il soumet ces images à des morpho- relations qu’il met en forme n’illustrent rien, ne justifient rien, ne
psychologues, afin qu’ils définissent le portrait psychologique de ces « clones ». Comme il critiquent rien : elles reproduisent les multiples contrats de la société
le dit lui-même, Édouard Boyer aime se délester de tout amour professionnelle contemporaine et engendrent des réponses aussi riches
propre, s’effacer devant d’autres désirs et d’autres compétences et variées que les êtres eux-mêmes. Pour lui, l’artiste n’est pas une force
professionnelles. Suivant leur logique spécifique, ceux-ci font de travail symbolique, mais une force de vie qu’il ne défend pas
exploser la représentation réaliste et figée de l’artiste adulte et comme une forteresse assiégée, mais qu’il veut livrer à tous les
remettent en valeur les multiples potentialités de développement intéressés, « Les expériences que je tente en ouvrant mon travail à
morphologique qu’il possédait lorsqu’il était enfant. d’autres pratiques me permettent de suspendre mon propre goût ; elles
Édouard Boyer recherche cette dispersion de sa propre identité : sont plus intéressantes que de m’enfermer et de penser produire une
« la figure de créateur ne m’intéresse absolument pas » 2 dit-il. Dans forme originale. Le goût est une prison, une sorte de fauteuil aménagé
ses projets, il utilise des partenaires aux compétences dont on finit par être tributaire. II n’y a pas d’expérience très vive dans
professionnelles et techniques très variées : depuis 2001, un institut un fauteuil. S’effacer, c’est être léger, c’est accueillir. »
de sondage diffuse parmi le public l’énoncé « êtes-vous satisfaits de
la réalité ? » et publie les réponses sur différents supports ; par Marie-France VO
ailleurs, une agence de presse recense et diffuse les émeutes dans le
monde. Après être devenu maitre et ami d’un chien d’une Société de 1. Exposition L’horizon des événements. Édouard Boyer, La BF 15, Lyon, 06/02 -
gardiennage (Mission, 2002), É.B. invente le Geste 1, le définit par 28/03/009. avec affichages publics et parutions dans des journaux locaux.
écrit avec précision et charge l’agence Nogooindustry d’en faire une 2. Toutes les citations d’Édouard Boyer et de Natacha Pugnet sont extraites de :
campagne de publicité dans la presse. Ainsi ce logo publicitaire Natacha Pugnet, Figures d’artistes, entretien avec Édouard Boyer, Archibooks éditions,
constitue d’un personnage brandissant un revolver tout en se Paris, 2008, pp. 19-37.
retournant, pourra être mis en scène et interprété différemment
suivant la nature du journal. É.B. met au point des protocoles précis
et s’intéresse au processus de développement plus qu’au résultat.

La traversée de l’Atlantique

Nadège MARREAU : De septembre 2007 à février 2008, tu as effectué la traversée un des enjeux principaux. Ce qui m’intéresse est bien plus dans le geste et l’action
de l’Atlantique en ergomètre. Dans un premier temps, peux-tu nous dire comment est (productive ou contre-productive) qui se joue, que dans le résultat qui n’est que le témoin
né ce projet et de quelle manière a-t-il pris forme ? de ce qui s’est passé.
Vincent CARLIER : Ce projet est né à l’époque où j’expérimentais des actions choisies
pour leur caractère futile, insignifiant et parfois fastidieux. J’ai vérifié par exemple la C’est aussi par goût pour l’idiotie
tendance d’une pièce de monnaie à être plutôt pile ou plutôt face. J’ai testé mon aptitude comme méthode de pensée chère
à lancer et rattraper un avion en papier qui tourne en rond sans qu’il ne touche le sol. De à Jean-Yves Jouannais et les
ces actions, je ne montrais le résultat que par un simple énoncé. Je me suis vite intéressé paradoxes qu’elle entraîne comme
aux relations que pouvait entretenir la performance artistique avec d’autres formes de celui de « l’écart apparent entre,
performance comme le sport. Aussi, la réalisation de la traversée de l’Atlantique en d’une part l’exigence, la rigueur,
ergomètre entrait en résonance avec des problématiques propres à ces deux champs l’attachement à ce que le labeur
performatifs. suppose d’abnégation et de temps
Quant à l’existence du projet, elle prend d’abord forme par son énonciation : la Traversée et de l’autre, le grand luxe
de l’Atlantique en ergomètre (ou rameur d’appartement). d’incohérence, l’apparente
Plusieurs temps marquent ce projet. Il y a d’abord eu la préparation, théorique, physique nonchalance et la très
et logistique, durant laquelle j’ai rencontré divers interlocuteurs (sportifs, médecin, scandaleuse légèreté » des
préparateur physique, sponsor). œuvres produites.
Ensuite il y a eu le temps de l’action. D’octobre à février, il était possible de suivre
ma progression en direct sur internet par le biais d’une carte ainsi que d’un J’ai mis 166 jours pour « parcourir » les 5011 km qui séparent la Pointe de Saint
compteur 1 à Dijon. Aujourd’hui l’action existe à travers des entretiens, des articles, Mathieu (Finistère, FR) de Cap Cod (Massachusetts, US) en ligne droite. Tous les jours je
ainsi que quelques traces résiduelles que je choisis de diffuser, ce qui prolonge m’appliquais à ramer environ 35 km répartis en 2 ou 3 séances et en fonction des aléas
l’aventure par le biais du récit. de mon emploi du temps et de ma forme. En m’offrant la possibilité de simuler fidèlement
l’action de ramer, le rameur est devenu un outil de représentation.
N.M. : Tes projets demandent beaucoup de temps de réalisation. Le tri de confettis, le L’ergomètre sert à simuler fidèlement l’action de ramer (force, sensations de glisse, siège
poinçonnage de chaque exemplaire de ton catalogue monographique, la traversée de à coulisse avec imitation de roulis…). Il devient donc un outil de représentation. Comme
l’Atlantique … Dans ton travail, on trouve très souvent des actions aliénantes. Est-ce dans toute représentation (sauf exceptions), celle-ci s’est jouée dans un espace/temps
que l’adage « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué » pourrait définir différent de son sujet. Les différentes contraintes de mon quotidien sont ainsi venues
ton mode de travail ? remplacer celles que l’on peut rencontrer au milieu de l’océan. Le contexte était moins
V.C. : La difficulté m’attire certainement par amour pour le défi, mais aussi parce que dangereux et l’horizon réduit de mon appartement était certainement moins excitant.
j’aime le travail, ce qu’il implique et son univers; faire, apprendre à faire, l’atelier, les outils,
la maîtrise (ou non). N.M. : Par définition, la performance se déroule devant un public, à un instant « T »
Mais surtout, je pense que le geste tient une place importante dans mon travail car il est auquel bien souvent le public est convié. D’un énoncé spectaculaire digne de figurer
dans le Guinness des records, ta performance s’extrait au final du monde du spectacle.

8

This is so contemporary !
Les « situations construites » de Tino Seghal

« When you enter my work, you are L’espace muséal, dans lequel se déroule l’action, est vide. contemporary ! ». La situation est assez amusante. Les
also constructing it » 1 Pas de cartels, pas de catalogue d’exposition, ni de gardiens, qui n’ont normalement pas leur mot à dire sur les
Tino Seghal photographies ou de films. L’artiste les proscrit pour privilégier œuvres, semblent se défouler, se libérer des conventions
l’expérience même. Ces œuvres à expérimenter ne restent liées au lieu sacré du musée. Leurs exclamations peuvent
En 2006, lors de la deuxième de ses trois expositions à gravées que dans la mémoire de ceux qui les ont vécues. être interprétées comme de l’auto-ironie de Seghal par
l’ICA (Institute of Contemporary Art) de Londres, Tino Ce sont des œuvres événementielles qui sont représentées rapport à son travail « si contemporain ! », jugement qui
Seghal confronte le spectateur à une expérience singulière dans un lieu et une temporalité définis, mais qui, pourtant, n’a absolument aucune pertinence. On imagine un visiteur
dans l’espace institutionnel mis à nu : This Progress. C’est peuvent être réactivées à tout moment. L’œuvre existe, lambda déclamer cette phrase hors de propos comme une
une expérience unique à vivre. À peine ai-je pénétré le même si elle n’est pas jouée. Elle est à la fois éphémère et révélation devant une œuvre.
vide de l’espace d’exposition qu’une fillette d’une dizaine pérenne. On peut faire l’acquisition d’une situation de Très souvent, il y a dans les situations de Seghal une interaction
d’années, au regard inquisiteur, s’approche de moi et Seghal comme d’une œuvre tangible. La vente de l’œuvre avec le visiteur ou du moins une incitation à la réaction.
m’interpelle : « Hello ! Could you tell me what progress se fait par oral, devant notaire, sans aucun document écrit, Dans « This objective of that object » 6 (2004), lorsque le
is ? 2 ». Interloquée par la question de l’enfant, je sans certificat. Ces œuvres immatérielles font partie de visiteur pénètre l’espace, il est rapidement entouré de cinq
m’efforce tant bien que mal de donner une définition à ce collections publiques ou privées et sont activées dans un interprètes qui s’exclament en chœur et en crescendo :
terme vaste et complexe. La fillette, dubitative, me conduit espace temps précis lors d’une exposition. « The objective of this work is to become the object of a
vers une autre pièce où elle répète mot pour mot à une « My works take a form that exists over time – as they can discussion » 7. Si cette interjection ne provoque aucune
adolescente ma définition du progrès. La jeune fille be shown over and over again – so they’re not dependent réaction de la part du visiteur, les interprètes commencent
renchérit sur cette définition, me sommant de développer on any kind of documentation to stand for it » 4. à faillir lentement au sol en prononçant une dernière
ma pensée. Tout au long de mes réponses, nous nous Le mode de transmission orale des travaux de Seghal est le phrase avant de s’évanouir : « The work is over » 8. S’il
déplaçons dans les espaces de l’ICA. Puis, en haut de propre de la danse, discipline qu’il a étudiée à Berlin. n’y a pas de réponse des spectateurs, il n’y a pas de
l’escalier menant au premier étage des salles d’exposition, L’économie politique, étudiée à Essen, transparaît discussion engagée, donc l’œuvre disparaît. Elle n’a plus
tandis que mon interlocutrice disparaît furtivement, un également dans son travail. lieu d’être. C’est le propre de l’art conceptuel où l’idée
homme d’une trentaine d’années expose avec conviction et Il apparaît comme un chorégraphe de situations prime sur la réalisation matérielle des œuvres. S’il n’y a
véhémence ses arguments sur la question. Tentant de d’échanges sociaux. Au lieu d’une transformation de plus d’idée, ni d’échange ou de discussion, l’œuvre
pousser la discussion toujours plus loin, il me mène (et ressources, on assiste à une transformation d’actions. n’existe plus. C’est un moyen radical contre la passivité
malmène) à travers les différents espaces d’exposition Tandis que certaines situations comme This Progress des spectateurs.
jusqu’à la descente d’escalier. Là, une femme âgée achève impliquent une participation totale du visiteur, d’autres, se En revanche, si le visiteur réagit, les interprètent
sereinement mon parcours en me dirigeant vers la sortie. rapprochent plus de la performance. Dans Kiss, deux rebondissent en s’écriant : « We have a comment ! » 9.
Tout en évoluant dans un espace muséal paradoxalement interprètes rejouent des grands baisers de l’histoire de l’art Puis ils se concertent en cercle serré, faisant mine de parler
vide, dépouillé de toute œuvre d’art, j’ai été mise en comme celui de Rodin, de Brancusi ou de Jeff Koons avec du spectateur intrus. Celui-ci n’a pas toujours la tâche
situation de philosopher sur la notion de progrès. Serait-ce la Cicciolina (Manet Soft, 1991). Dans Instead of facile dans les situations de Seghal. L’œuvre ne semble pas
la démonstration qu’une forme de progrès dans l’art allowing some thing to rise up to your face dancing Bruce être une entité finie, concrète, soumise au regard critique
passerait par la dématérialisation de l’œuvre ? and Dan and one other things 5 (2000) – un des premiers du visiteur. Elle est vivante et répond aux réactions de ce
À la sortie de cette épreuve, on ressent une véritable travaux chorégraphiques de l’artiste – celui-ci met en scène dernier. C’est pourtant bien lui, le regardeur, qui fait
satisfaction d’avoir été impliqué activement dans ce une danseuse se mouvant à terre et dans le coin d’un l’œuvre, selon le précepte duchampien.
parcours de réflexion, de discussion, de stimulation espace, tentant littéralement de se fondre dans le sol. Cette « Je suis contre cette surestimation et surévaluation de
intellectuelle. C’est une rencontre sociale, un échange entre œuvre est une référence explicite aux performances de l’objet dans notre société. Je mets mon travail en liaison
les acteurs et les visiteurs qui créent ensemble l’œuvre. Bruce Nauman (Wall Floor Positions, 1968) et de Dan avec ce temple de l’objet qu’est le musée et je remplace
Tino Seghal qualifie ses travaux de « situations construites » 3 Graham (Roll, 1970). l’objet par un autre type de produit, plutôt immatériel,
dans lesquelles des interprètes sont en interaction avec les Mais Seghal n’étant pas l’interprète de ces situations, il comme des situations, des expériences. » 10
visiteurs. Les matériaux de ces œuvres sont la voix s’éloigne volontairement de la performance et de son Contrairement à l’art conceptuel qui - tentant d’échapper à
humaine, le mouvement, le langage, sans production caractère éphémère. la réalisation de l’œuvre - produit des concepts écrits et
d’objets concrets. Le titre des œuvres est souvent donné This is so contemporary, œuvre présentée à la Biennale de visuels, aux protagonistes de Fluxus qui créent des
par les interprètes eux-mêmes. Venise 2005, apparaît moins comme une performance « instructions » afin de rejouer et de pérenniser leurs
Il n’y a aucune trace écrite ou visuelle de ces situations. puisque le visiteur est interpellé. Les gardiens des actions, et loin du caractère reliquaire des documents
expositions sautillent dans les espaces en chantant témoignant des performances, Seghal libère l’œuvre d’art
joyeusement : « This is so contemporary, contemporary, de toute production matérielle. Nous sommes à l’encontre
du fétichisme de la marchandise défini par Guy Debord :
De même aucune image ne rend compte de la performance, comment as-tu rendu cet « la domination de la société par ‘des choses
acte crédible ou au moins existant ? suprasensibles bien que sensibles’, qui s’accomplit
V.C. : La notion de spectacle est annulée car elle n’était pas mon intention. Je pense que absolument dans le spectacle, où le monde sensible se
l’exhibition aurait fait glisser mon travail vers des problématiques qui ne sont pas les trouve remplacé par une sélection d’images qui existe au-
miennes. dessus de lui, et qui en même temps s’est fait reconnaître
Plutôt que d’utiliser des images qui auraient certainement diminué le potentiel narratif de comme le sensible par excellence. 11 »
mon aventure, j’ai préféré les indices (cartons annonçant le projet, compteur en direct, Dans une société dominée par les images, la
site internet et transmission virale de l’information, articles de presse...). J’ai préféré représentation, le visuel, Tino Seghal conçoit et reconstruit
laisser les gens imaginer mon aventure et son cadre plutôt que leur montrer les seules de nouveaux rapports sociaux. C’est une véritable
images que j’aurais pu faire de moi ou du cadre de l’action au risque de m’y enfermer. expérience humaine. Vivre un Seghal, c’est aussi une
Les images sont bien souvent très réductrices et ne prouvent rien. Le récit et l’imaginaire jouissance du moment présent.
sont alors un mode d’existence bien plus puissants. Chez l’artiste, le monde sensible, l’expérience existent au-
delà des images virtuelles.
N.M. : Pour ce projet, il n’y a donc quasiment pas de trace. Stephen Wright pourrait Sur des sites de diffusion de vidéos amateurs, il existe des
sans doute la qualifier d’œuvre à faible coefficient de visibilité ! Comment l’œuvre se tentatives de piratages filmiques afin de garder des traces
matérialise-t-elle et comment le spectateur en prend connaissance ? visibles de ses œuvres. Ces opérations sont forcément
V.C. : Pour moi, la meilleure matérialisation de ce projet, c’est le récit que les spectateurs vouées à l’échec. Le résultat ne peut être qu’éloigné de la
on pu s’en faire. J’espère justement que ce faible coefficient de visibilité a ouvert les réalité vécue, de l’expérience même, absolument
portes du récit et de l’imaginaire. Je pense que l’énoncé de l’aventure ainsi que les irremplaçable.
quelques éléments que j’ai choisi de diffuser, comme les nombreux commentaires laissés
sur le site de la traversée et les emails et encouragements que les gens m’ont envoyés Adeline BLANCHARD
pendant la traversée, offrent à l’aventure un fort potentiel narratif. L’oeuvre adopte ainsi
ce mode d’existence, qui fait l’économie de l’image au profit du récit. Le hors champ de 1. « Lorsque vous entrez dans mon œuvre, vous la construisez », Entretien
l’œuvre devient alors son mode d’existence. avec Tyler Coburn in Kultureflash, février 2007.
2. « Bonjour ! Pouvez-vous me dire ce qu’est le progrès ? »
Dijon, octobre 2009 3. « staged situations »
4. « Mes œuvres prennent une forme qui existe au-delà du temps
1. Ce projet a été réalisé dans le cadre d’une invitation en résidence du Frac Bourgogne. puisqu’elles peuvent être toujours montrées. Ainsi, elle ne sont dépendantes
2. Lien web de la page : http://www.vincentcarlier.fr/traversee d’aucune documentation qui les représente », Entretien avec Tim Griffin in :
Artforum, 2005.
5. « Au lieu de laisser quelque chose vous atteindre le visage en dansant
Bruce et Dan et d’autres choses ».
6. « Cet objectif de cet objet ».
7. « L’objectif de cette œuvre est de devenir l’objet d’une discussion ».
8. « L’œuvre est terminée ».
9. « Nous avons un commentaire ! »
10. in www.geneveactive, magazine culturel de la métropole lémanique,
« L’écosophie de Tino Seghal », publié par Yi-hua Wu, 29/04/2009.
11. La société du spectacle, éditions Champ libre, 1971.

9

belfort HORSD’ŒUVRE n° 24 Galerie Barnoud pougues-les-eaux Michel ROSE : Couteau sans lame auquel manque le manche
édité par l’association 27 rue Berlier (hommage à Lichtenberg), 27/09/2004
Théâtre Granit INTERFACE 21000 Dijon Centre d’Art Contemporain
1 faubourg de Montbéliard 12 rue Chancelier de l’Hospital tél. 03 80 66 23 26 Parc Saint-Léger Éditions d’artistes
90000 Belfort F - 21000 Dijon ouvert mer., ven., sam. et sur rdv Avenue Conti
tél. 03 84 58 67 50 t. / f. : +33 (0)3 80 67 13 86 de 15h à 19h 58320 Pougues-les-Eaux INTERFACE - HORSD’OEUVRE
ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h, [email protected] ® « allegro vivace » Thomas Monnin : tél. 03 86 90 96 60 12 RUE CHANCELIER DE L’HOSPITAL - 21000 DIJON
le dim. de 15h à 19h et les soirs de http://interface.art.free.fr jusqu’au 05/12/09 ouvert du mer. au dim. tél/fax : 03 80 67 13 86 // [email protected]
spectacle - fermé du 21/12/09 - http://www.interface-art.com de 14h à 18h et sur rdv Format : 420 x 594 mm (impression offet)
02/01/10 grenoble ® « THEREHERETHENTHERE » Simon
® « Exposition pour un livre Conception graphique : Starling (partenariat Parc Saint JEAN DUPUY [horsd’oeuvre n°0 - 1997]
d'artiste » Anne-Marie Filaire : Frédéric Buisson Centre d’Art Bastille Léger / Mac Val) : Oh, Ah, Hi, Ici..., 1997-2003
21/11/09 - 06/01/10 Site sommital de la Bastille jusqu’au 20/12/10 Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste
® « Changer l'eau » Jacqueline Coordination, contacts Agenda : 38000 Grenoble ® « Une pièce démontée » Prix unitaire : 70 + 6 de frais d’envoi
Gueux : 16/01 - 28/02/10 Nadège Marreau tél. 04 76 54 40 67 Compagnie Mille plateaux associés
® « L'hypothèse contrastive » ouvert tous les jours de 11h à 18h (coproduction Parc Saint Léger / YAN PEI-MING [horsd’oeuvre n°5 - 1999]
Laurent Sfar : 13/03 - 25/05/10 Ont participé à ce numéro : ® « le mois italien : la différence ? » Art Danse - Dijon) : 15 - 20/01/10 International Landscape, 1999
Adeline Blanchard, Virginie M. Airò, G. Andreotta Calò, ® « Double Duo Laurent Dehors » Tirage : 200 ex.
besancon Bobin, Bertrand Charles, L. Cecchini Bruna Esposito, M. Fliri, Héla Fattoumi - Laurent Dehors / Prix unitaire : 15 + 6 de frais d’envoi
Cécile Desbaudard, Caroline L. Fregni Nagler, M. Maloberti, Delphine Caron (un partenariat
Citadelle de Besançon Engel, Martine Le Gac, S. Mezzaqui, J. Miliani, G. Ozzola, Parc Saint Léger / D'Jazz Nevers - MARC CAMILLE CHAIMOWICZ [horsd’oeuvre n°6 - 1999]
Nadège Marreau, L. Pozzi, G. Toderi et M. Vanzo : Nièvre) : 04/02/10 Projet pour le plafond de la chapelle de l’Hôtel-Dieu de Cluny, 1999
(org. Le Pavé Dans La Mare) Marie-France Vo, Michel Rose 14/11/09 - 03/01/10 ® « Workshop ENSA Bourges » Tirage : 99 ex. numérotés et signés par l’artiste + 21 E.A.
99 rue des Fusillés de la Résistance (Un partenariat Parc Saint Léger / Prix unitaire : 46 + 6 de frais d’envoi
25000 Besançon Relecture : Michel Rose hauteville-lompnes École nationale supérieure d'art de
tél. 03 81 81 91 57 Bourges) : 22 - 27/02/10 ERNEST T. [horsd’oeuvre n°7 - 2000]
ouvert du mer. au dim. de 10h à 17h Couverture : Centre d’Art Contemporain de Lacoux Peinture sur palette, Détail, 2000
® « Traffic Art Highway » S. Hubard, LYDIE JEAN-DIT-PANNEL L’école - Lacoux reims Tirage : 50 ex. numérotés et signés par l’artiste + 20 E.A.
J. JiangBo, V. Lamouroux, L. XiaoFei, cause I’m free (détail off ), 2009 01110 Hauteville-Lompnes Prix unitaire : 46 + 6 de frais d’envoi
G. Picouet, Y. XiuZhen : © L. JEAN-DIT-PANNEL tél. 04 74 35 25 61 Frac Champagne-Ardenne
jusqu’au 13/12/10 ouvert mer. et week-ends 1 Place Museux JOCHEN GERZ [horsd’oeuvre n°8 - 2001]
Double page intérieure : de 11h à 17h30 et sur rdv fermé du 51100 Reims YOUR.art, 1991/2001
Le Pavé Dans La Mare RAPHAËL BOCCANFUSO 01/01 - 01/02/10 tél. 03 26 05 78 32 Tirage : 200 ex. numérotés et signés par l’artiste
7 place V. Hugo Ta mère la Pub, 2009 ® « Dess(e)ins d’artistes » L. Enrique, ouvert du mar. au dim. 14h à 18h Prix unitaire : 31 + 6 de frais d’envoi
25 000 Besançon correcteur fluide sur G. Duhamel, M. Dufois : fermé les jours fériés
tél. 03 81 81 91 57 affiches TGV © R. Boccanfuso 05/12/09 - 28/02/10 ® Marine Hugonnier : PETER DOWNSBROUGH [horsd’oeuvre n°9 - 2001]
ouvert du mar. au sam. de 10h à 18h ® Clément Montolio : début 04/10 27/11/09 - 03/01/10 AND, ET, ICI, 2001
® « Espace Public / autour de Publié avec le soutien de la ® Lili Reynaud-Dewar : Tirage : 100 ex. tamponnés au dos par l’artiste
Utopinov » Jérôme Conscience, Gérard Direction régionale des affaires maçon 22/01 - 14/03/10 Prix unitaire : 46 + 6 de frais d’envoi
Collin-Thiébaut : 28/01 - 27/03/10 culturelles de Bourgogne, du
® « Bona Mens » Jérôme Conscience : Conseil régional de Bourgogne, Musée des Ursulines saint-nazaire ORLAN [horsd’oeuvre n°11 - 2002]
28/01 - 27/03/10 du Conseil général de Côte-d’Or, 5 rue des Ursulines et Allée Matisco Catharsis - Générique imaginaire n°27 / Corporis
de la Ville de Dijon et de 71000 Maçon Le Grand Café Fabrica - Générique imaginaire n°26, 2002
Frac Franche-Comté l’ensemble des structures tél. 03 85 39 90 38 Place des Quatre z’Horloges Tirage : 199 ex. numérotés et signés par l’artiste
4 square Castan annoncées dans l’agenda. ouvert tous les jours de 10h à 12h et 44600 Saint-Nazaire Prix unitaire : 100 + 6 de frais d’envoi
25031 Besançon Cedex de 14h à 18h sauf les lun. et dim. matin tél. 02 44 73 44 00
tél. 03 81 61 55 18 Impression : ICO Dijon ® « Parole à voir - Dialogue en noir ouvert tous les jours, sauf lun. et MARC COUTURIER [horsd’oeuvre n°12 - 2003]
® « Dédicace et soirée surprise autour Tirage 5 000 exemplaires blanc gris » : jusqu’au 31/12/09 jours fériés de 14h à 19h, les mer. Pointe d’argent, 2003
de L’inextricable ouvrage, vol.1 de de 11h à 19h Tirage : 99 ex. numérotés et signés par l’artiste
Gérard Collin-Thiébaut » : 25/11/09 ISSN : 1289-9518 marseille ® « Radical Autonomy » Q. Armand, Prix unitaire : 75 + 6 de frais d’envoi
W. Beshty, E. Chambaud, A. Dekker,
École Régionale des Beaux-Arts carquefou Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur S. Dybbroe Moller, R. Gander, GIANNI MOTTI [horsd’oeuvre n°13 - 2003]
12 rue Denis Papin 1 place Francis Chirat G. En Koop, B. Maire, A. Mette Hol, BLITZ, 2003
25000 Besançon Frac des Pays de la Loire 13002 Marseille N. Nuur, P. Oltheten, E. Richer, Tirage : 200 ex. numérotés et signés par l’artiste
tél. 03 81 61 55 18 La Fleuriaye - Boulevard Ampère tél. 04 91 91 27 55 T. Schuttelaar, J. Tuerlincxx : Prix unitaire : 50 + 6 de frais d’envoi
® « Carte blanche cinéma à Jérôme 44470 Carquefou ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h jusqu’au 03/01/10
Conscience - Alfa Roméo et Juliette de tél. 02 28 01 50 00 ® « Voyage sentimental 3 » I. Aballí, ® Guillaume Leblon : CHRISTIAN ROBERT-TISSOT [horsd’oeuvre n°15 - 2004]
J. Conscience ; Le Mépris de J.-L. ouvert du mer. au dim. de 14h à 18h, B. Jan Ader, C. Boursier-Mougenot, M. 23/01 - 21/03/10 Sans titre, 2002-2004
Godard » : 02/12/09 à 18h00 fermé les 24, 25 & 31/12 et le 01/01 Broodthaers, M. Duras, D. Narkevicius, Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste
® « For Whom Is it too Late Today ? L. Pelen, H. Robert, S.-M. Tse, I. Wildi, selestat Prix unitaire : 50 + 6 de frais d’envoi
Galerie Jean Greset Between Stamp and Mars » R. Zaugg : jusqu’au 12/12/09
5 rue Rivotte Ha Za Vu Zu : jusqu’au 31/01/10 ® Bernard Plossu (partenariat avec la Frac Alsace ETIENNE BOSSUT [horsd’oeuvre n°16 - 2005]
25000 Besançon ® « Nothing More Natural » Anne-Mie Non-Maison, Aix-en-Provence) : 1 route de Marckolsheim Illustration bleue, 2005
tél. 03 81 81 38 52 Van Kerckhoven : jusqu’au 03/01/10 22/01 - 17/04/10 67601 Sélestat Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste
ouvert du mer. au sam. de 10h à 12h ® Guillaume Janot : 15/01 - 07/03/10 tél. 03 88 58 87 55 Prix unitaire : 50 + 6 de frais d’envoi
et de 14h à 19h et sur rdv. metz ouvert du mer. au dim. de 14h à
® « colors » A. Ebnother, M. McClune, château-gontier 18h fermé du 21/12 au 05/01 THOMAS HIRSCHHORN [horsd’oeuvre n°17- 2006]
J. Nixon, C. Renggli, R. Thurston : Frac Lorraine - 49 Nord 6 Est ® « Ultime Caillou » Anita Molinero : NAIL & WIRE, 2004-2005
jusqu’au 03/10/09 Chapelle du Genêteil 1 bis rue des Trinitaires jusqu’au 07/02/10 Tirage : 200 ex.
® Vera Molnar : 08 - 31/10/09 Rue du Général Lemonnier 57000 Metz Prix unitaire : 20 + 6 de frais d’envoi
® Arthur Aeschbacher : 05 - 28/11/09 53200 Château-Gontier tél. 03 87 74 20 02 valenciennes
® « paysage 1 » S. Audibert, tél. 02 43 07 88 96 ouvert du mer. au dim. JORDI COLOMER [horsd’oeuvre n°18 - 2006]
D. Blondeau, F. Carray, M-C. Casier, ouvert du mer. au dim. de 14h à 19h de 12h à 19h ouverture exceptionnelle l’H de Siège Anarchitekton Barcelona, 2006
G. Collin-Thiébaut, J. Fonchain, mar. sur rdv durant les vacances de noël, les 25 & 15 rue de l’Hôspital de Siège Tirage : 140 ex. numérotés et signés par l’artiste
E. Gogneau, T. Henriot, J. Leick, ® « Procession » Pascal Rivet : 26/12/09 et le 01/01/10 59300 Valenciennes Prix unitaire : 20 + 6 de frais d’envoi
G. Mainier, P. Marle, B. Puthomme, 09/01 - 07/03/10 ® « Esthétique des pôles - le testament tél. 03 27 36 06 61
L. Raguénès, J-C Terrier : ® « Sculptures en forme » Christelle des glaces » D. Allouche et ouvert du mer. au sam. de 14h30 GUILLAUME MILLET / JOËL HUBAUT
03/12/09 - 2/01/10 Familiari : 27/03 - 06/06/10 E. Richer, D. Almond, D. Auerbacher, à 18h30 sauf les jours fériés OLIVIER MOSSET / NIEK VAN DE STEEG [horsd’oeuvre n°20 - 2007]
® « paysage 2 » T. Bernard, S.Bonnot, J.-J. Dumont, J. Koester, J. Loustau, B. ® « Un fond si proche - Carte Blanche Aliza, 200 / 7Hiouppie !, 2007
I. Bralet, J-P. Brun, A. Claas, colombey-les-deux-églises Lozay, L. + J. Orta, D. Renaud, G. van à Olivier Delavallade » J. Ber, Gone West (poster), 2007 / Extra Pur, 2007
A. Catarino, J. Conscience, der Werve, M. van Warmerdam : M.-C. Bugeaud et J.-L. Gerbaud : Tirage : 100 ex. numérotés et signés par les artistes
L. Delpierre, F. M&M, G. Fastenaekens, Mémorial Charles de Gaulle jusqu’au 07/02/10 jusqu’au 28/11/09 Prix de l’ensemble : 150 + 9 de frais d’envoi
N. Folberg, S. Girard, C. Guinot-Bacot, ® « Signs and Wonders » conférence ® Exposition-Résidence de
H. Houel, D. Murray, D. Pegeot, (org. Frac Champagne-Ardenne) de G. Désanges & A. Delage : Xavier Drong : 09/01 - 27/02/10 CLAUDE LÉVÊQUE [horsd’oeuvre n°21 - 2007]
J. Pleignet, B. Plossu, J-L. Tartarin, 52330 Colombey-les-deux-églises 27/11/09 à 19h ® Exposition Parcours de François Sans titre, 2007
A. Titarenko : 07 - 30/01/10 tél. 03 25 30 90 80 ® « Les Inuits, un peuple légendaire » Guibert : 06/03 - 24/04/10 Tirage : 200 ex. numérotés et signés par l’artiste
ouvert mer. au lun. de 10h à 17h30 rencontre projection avec Jean Prix unitaire : 30 + 6 de frais d’envoi
brest ® « Les jours sans fin » Vincent Malaurie : 05/12/09 de 18h à 22h
Cordebard : jusqu’au 31/12/09 ® « Nanouk l’Esquimau » de R. J. VERA FRENKEL [horsd’oeuvre n°22 - 2008]
Centre d'art Passerelle Flaherty, musique de G. Chenevier : News of the Scaffolding Archive - Toronto, 2008
41 Bis rue Charles Berthelot delme 13/12/09 à 15h Tirage : 200 ex. + certificat de l’artiste
29200 Brest ® « Étrange attirance/Au bout de soi Prix unitaire : 60 + 6 de frais d’envoi
tél. 02 98 43 34 95 Synagogue de Delme au bout du monde » visite interprétée
ouvert le mar. de 14h à 20h et du mer. 33 rue Poincaré de Mourad Frik : 21/01/10 à 19h RAPHAËL BOCCANFUSO [horsd’oeuvre n°24 - 2009]
au sam. de 14h à 18h30 57590 Delme Ta mère la Pub, 2009
fermé dim., lun. et jours fériés tél. 03 87 01 35 61 publications Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste
® « aperçu » Valerie Bäuerlein, ouvert du mer. au sam. de 14h à 18h, Prix unitaire : 40 + 6 de frais d’envoi
Katharina Schmidt : jusqu’au 19/12/09 dim. de 11h à 18h ® VINCENT CARLIER, 2009
® « mise en scène » E. Antin, fermé du 21/12/08 au 01/01/09 240 x 170 mm - 80 pages - ill. coul. - Français / Anglais
V. Bäuerlein, M. Jafri, A. Klein, ® « La création » Yona Friedman : Texte : Guillaume Mansart
S. Lafont, D. Margreiter, R. Oldendorf, jusqu’à 31/01/10 Coproduction : interface (dijon), Ensa de dijon,
I. Schaber, K. Schmidt, L. Simmons, ® Une exposition conçue par Mathieu Musée de l’hospice Saint-Roch - EPCCI (Issoudun)
C. von Wedemeyer : jusqu’au 19/12/09 Kleyebe Abonnenc : 19/02 - 16/04/10 Prix : 10 euros (+ 4 euros de frais d’envoi)
® « Trauerspiel » Suzanne Lafont :
jusqu’au ../09/10 dijon ® LAURENT SFAR. Interloperies, 2009
® Grit Hachmeister : 175 x 235 mm - 128 pages - ill. coul. - Français / Anglais
12/12/09 - 13/02/10 atheneum Textes : Paul Ardenne, Nathalie Leleu et Françoise Lonardoni
® Delphine Constant : Centre culturel de l’université Éditions Filigranes
05/01 - 27/02/10 de Bourgogne Prix : 25 euros (+ 4 euros de frais d’envoi)
® « fragmentations » S. Bächli, 1 rue Edgar Faure
E. Hattan, K. Kilimnik : 21000 Dijon ® ÉTIENNE BOULANGER. En territoires flottants, 2008
12/01 - 20/03/10 tél. 03 80 39 52 20 230 x 165 mm - 144 pages - ill. coul - Français / Anglais
® Sylvie Ungauer : 12/01 - 03/04/10 ouvert du lun. au ven. de 10h à 17h Textes : François Aubart, Camille de Singly, Albane Duvillier, Alexandra Fau,
® « against the act (3 essays about ® « graphie du déplacement » Béatrice Josse, Guillaume Mansart, Karen Tanguy, Eyal Weizman
violence) » Katrina Daschner : Mathias Poisson : jusqu’au 11/12/09 Edition : Frac Lorraine
29/01 - 30/04/10 Prix : 15 euros (+ 4 euros de frais d’envoi)
® « NEW YORK - BREST - VENEZIA » appartement galerie Interface
Bettina Hutschek : 20/02 - 09/04/10 12 rue Chancelier de l’Hospital
® performances - Bettina Hutschek : 21000 Dijon
06 & 09 & 11/03/10 tél. 03 80 67 13 86
® « l'Etre-Chant / module de ouvert de 14h à 19h du mer. au sam.
performance 1 et 2 » eDS : 03/03/10 et sur rdv - ouvert jusqu’à 20h le ven.
® « les ponpons de Dijon » Joël
Hubaut : jusqu’au 16/12/10
® Katharina Schmidt : 30/01 -
06/03/10
® Claire-Lise Petitjean & Diego
Movilla : 19/03 - 24/04/10

Si vous souhaitez que vos manifestations soient annoncées dans l’agenda du prochain
numéro, une participation de 30 Euros minimum est demandée.


Click to View FlipBook Version