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A la manière dont Jerry Lee Lewis a eu de brûler son piano ou que les Who avaient de détruire leurs instruments à la fin de leur concert, cette pratique devient une marque de fabrique et un « art » souvent imité mais jamais égalé par les autres groupes. Le live et l’explosion des guitares deviennent comme une performance ou un happening. Une autre facette de la production artistique est la production d’une pochette d’album toujours plus original, artistique et qui reflète l’identité du groupe.

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Published by interface.art, 2016-06-12 12:36:19

HDO_27

A la manière dont Jerry Lee Lewis a eu de brûler son piano ou que les Who avaient de détruire leurs instruments à la fin de leur concert, cette pratique devient une marque de fabrique et un « art » souvent imité mais jamais égalé par les autres groupes. Le live et l’explosion des guitares deviennent comme une performance ou un happening. Une autre facette de la production artistique est la production d’une pochette d’album toujours plus original, artistique et qui reflète l’identité du groupe.

Keywords: When Rock get up your nose, Sam durant, le rock est mort, Le bruit qui pense, Franck Balland, Julien Blanpied, Sherry Levine, Prince & Rock'n'roll, Bertrand Charles, Iggy Pop, Allan et mes garçons sauvages, Virginie Despentes, Sonic Youth, Bruit&Images, Aurélien Pelletier, Bertrand Kelle, Michel Rose, Christian Marclay, Katrin Ströbel, rock the casbah, Cécile Desbaudard, Guillaume Mansart, Rock the tour eiffel, Sébastien Tellier, Nicolas-Xavier Ferrand, Le rock, l'art, Jean-Luc Verna

HORSD’OEUVRE le journal de l’art contemporain, avril - septembre 2011
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WHEN ROCK

n 27 GETS UP
° YOUR NOSE!

Quand le rock me monte au nez !

Sam Durant, Proposal for Monument Friendship Park, Jacksonville, Florida, 2000
Collection’10, Institut d’art contemporain, Villeurbanne, déc.2010 - janv. 2011 © Blaise Adilon

Sam Durant : « Le bruit qui pense »
Le rock est mort
« HOMER : Wahoo, les Who ! Whooo, Rock’n’Roll !
[Il prend une lampe et la casse, Bart frappe sur la batterie]
JOHN ENTWISTLE : Mais ça va pas qu’est ce que tu fais ?
BART : Ben, euh, je casse tout dans la chambre.
PETE TOWNSHEND : Mais on a promis au réceptionniste qu’on serait gentil.
ROGER DALTREY : Oui, on tient pas à être privé de piscine. »

Extrait de l’épisode 2 - saison 12 des Simpsons, « La Bataille des deux Springfield » avec les Who.

INTRO :
Il y a dans l’histoire du Rock’n’Roll, des événements fondateurs, inauguraux,
symptomatiques. Une histoire qui se réécrit chaque jour, qui fabrique ses légendes,
déboulonne ses icônes, respecte ses idoles. L’une d’elle raconte que, dans les
années 1950, Jerry Lee Lewis mit le feu à son piano à l’aide d’une bouteille de Coca-
Cola remplie d’essence, et qu’il joua Great Balls of Fire jusqu’à ce que le piano
devienne cendres. A la fin du show, il croisa Chuck Berry qui avait insisté pour
passer en vedette et lui lança un immonde et intimidant « T’as vu ça sale nègre »,
maintenant essaie de faire aussi bien que moi.

Dans l’introduction de son livre Postproduction, Nicolas Bourriaud présente les années VERSE :
quatre-vingt-dix comme déterminantes dans l’usage de la réappropriation au sein du champ En septembre 1964, Pete Townshend, guitariste/chanteur des Who, casse la tête
de l’art, évoquant ainsi l’apparition d’une esthétique dite du recyclage. « Les artistes de sa Rickenbacker en la projetant contre le plafond bas du club londonien le Railway
actuels, écrit-il, programment des formes plutôt qu’ils n’en composent : plutôt que transfigurer Hotel. Le public, clairsemé, se moque. Pete poursuit alors spontanément la
un élément brut (…), ils utilisent le donné. » 1 Le travail de Sam Durant, largement traversé destruction de sa guitare en explosant le corps complet de l’instrument sur la scène,
d’histoire sociale contemporaine, d’activisme hérité des années soixante/soixante-dix et de perforant les amplis avec le manche, provocant d’improbables effets sonores.
culture populaire, s’inscrit dans cette tradition récente. Avec ses Proposals for monuments, le « Basically… [guitar smashing is] a gesture which happens at the spur of the
rock – dont il se sert pour désigner différents aspects de la société américaine – occupe une moment. I think with guitar smashing, just like performance itself, it’s a
place privilégiée : dans la libre expression de leurs choix, c’est une histoire simultanément performance, it’s an act, it’s an instant 1. ». Le public reste bouche bée, yeux
musicale et sociale que commémorent les visiteurs de ces installations. écarquillés. C’était le geste inaugural d’une posture qui devint un des poncifs du
Né en 1961 à Seattle, Sam Durant est présent sur la scène artistique depuis la première Rock’n’Roll : détruire son instrument.
moitié des années quatre-vingt-dix. Diplômé du California Institute of the Arts, il s’est installé Le concert suivant, la salle est pleine. Keith Moon en profite pour démolir à son tour
sur la côte ouest des États-Unis, à Los Angeles, où il produit une œuvre protéiforme. Du sa batterie. Les Who trouve alors « sa » marque de fabrique. Un peu plus tard, ce
dessin au graphite à l’assemblage d’environnements multimédias, le principal dénominateur même Keith blessa, brûla et rendit sourd ses acolytes, en bourrant sa batterie de
commun de sa production se situe moins dans la nature des dispositifs réalisés que dans feux d’artifice qu’il déclencha à la fin du titre My Generation. Il y gagnera son surnom :
l’utilisation de ce que produit la société actuelle, dans ce qu’elle érige et impose à la Moon the Loon 2. Une de ses frasques parmi tant d’autres. Les Who demeurent le
communauté, entre amnésie profonde et glorification outrancière de son propre modèle. groupe emblématique de cette pratique. Souvent imité, rarement égalé, le contenu
Qu’il rejoue l’histoire des pionniers, dans une série de Scenes from the Pilgrim story : Myths, artistique de cette performance est pourtant bien présent.
Massacres and Monuments ou qu’il croise les figures d’Abraham Lincoln et de Huey P. En 1961 3, Pete Townshend étudie à la Ealing Art College. Il a pour professeur
Newton, cofondateur des Black Panthers, dans une reformulation iconoclaste du billet de Gustav Metzger, artiste théoricien de l’Auto-destructive Art 4, un art « public » à
cinq dollars (Proposal for the five dollar bill, 2001), l’artiste envisage avant tout de retirer l’adresse des sociétés industrielles, formulant une critique acerbe des valeurs du
ce masque vertueux posé sur le visage de l’histoire afin d’en observer sa face cachée, capitalisme. L’artiste activiste crée des œuvres éphémères ou qui s’auto-
indigne. Un des objectifs de Sam Durant est donc de réintroduire, au sein du white cube – désintègrent et dont la performance, au tout début des années 1960, Acid Action
cet espace consacré favorisant l’édification de ce que l’artiste appelle ses « propositions » Painting 5 reste le geste fort de protestation contre l’utilisation d’armes nucléaires.
alternatives, certaines données occultées par la civilisation américaine. Aussi, on peut Pour Gustav Metzger, nous passons notre temps à détruire la planète, c’est
entendre une partie de l’œuvre de l’artiste comme une subtile forme d’entrisme : un pourquoi l’art doit en être le reflet.
parasitage destiné à questionner les rapports qu’entretient le public à l’histoire collective, et Pete Townshend reçoit un autre cours important prodigué par Malcolm Cecil qui
qui s’opère en empruntant le format et le langage d’une culture populaire. Ainsi, d’une aborde la question de la production musicale et le rôle du musicien. Lors de ce
manière assez proche de celle de Félix González-Torres – qui entendait disséminer des séminaire, Malcolm Cecil scie une basse en guise de démonstration. Pete
objets reproductibles, tirés d’une société marchande, pour produire des œuvres d’art Townshend est bluffé. Il devient alors évident pour lui que son instrument de musique
publique – les « monuments » de Sam Durant enclenchent un processus de partage ne sert pas uniquement « à produire » de la musique. Avec l’arrivée des amplis de
symbolique de la part du public. plus en plus puissants, Pete cherche à exprimer les sanglots d’une guitare ou à
L’une de ses réalisations, intitulées Proposal for monument Friendship Park, Jacksonville, reproduire les bruits et le chaos du monde moderne, il joue beaucoup avec les
Florida (2000), se présente comme une cabane en bois typique du sud des États-Unis. retours et les effets sonores qu’ils produisent (feedback, larsen). Pour la première
Adossée à une cimaise, légèrement surélevée, entourée de grosses pierres en résine et d’une fois dans l’histoire, le son que produit une guitare peut être aussi fort qu’un avion
poubelle dissimulant des hauts-parleurs, l’œuvre nécessite l’activation du visiteur pour être qui décolle, aussi bruyant qu’un train. Le guitariste des Who envisage « la guitare
justement envisagée. Celui-ci est invité à gravir la marche lui permettant d’accéder au seuil électrique », comme un instrument de contrôle d’agressivité et de violence latente 6.
de la construction, à s’installer dans les fauteuils de jardin un peu cheap – d’autant qu’ici, Un de ses techniciens confesse même qu’il voyait régulièrement revenir les guitares
ils ont été transformés en rocking chair – et à choisir parmi les vinyles disposés dans des maculées de traces de sang. Le jeu de Pete Twonshend, son fameux « moulinet »,
caisses ceux qu’il souhaite installer sur une des deux platines à sa disposition. Installation induisait ces mutilations.
homogène, le dépaysement suscité par la mise en relation des éléments plastiques est Le fait d’ « exploser » sa guitare sur scène formule l’avènement du « live » comme
renforcé par ces airs caractéristiques des états du Sud, mélanges de rock et de blues, où se un happening, exprimant la colère et la rébellion inhérente au genre musical. Les
succèdent Lynyrd Skynyrd, Alabama, les Allman Brothers ou encore Wet Willie. vœux pieux d’un « No Future » et du « DIY » (Do It Yourself) punk apparaissent
Dans la tradition des projets de monuments menés par les artistes à la fin des années alors déjà en ligne de mire. Quant à la performance, il y a ceux qui l’ont vécue, qui
soixante (parmi eux Dan Flavin, Claes Oldenburg et Robert Smithson, qui est au cœur de la étaient là, hic et nunc, devant la scène. Et il y a les autres. Ceux qui l’ont vue en
production de Sam Durant), dont Dan Graham pointait, en 1968, « l’abondance de vidéo, qui ont vu des photos ou qui en ont entendu parler. Le phénomène devient
propositions » 2, l’œuvre conçue par l’artiste est avant tout à percevoir comme une tellement prégnant que le cinéaste Michelangelo Antonioni décide d’intégrer dans
célébration, où high et low culture s’irriguent mutuellement. Mais pas uniquement : il y a son film Blow Up 7 une scène de vandalisme musical dans un club londonien, le Ricky
dans l’hommage de Sam Durant quelque chose qui pourrait être de l’ordre de la mélancolie ; Tick Club, où jouent habituellement les Yardbirds 8. Au départ, le réalisateur avait
le sentiment d’une profonde déception portée sur les idéaux d’une génération, incarnés par pensé au groupe du Velvet Underground, mais pour des problèmes de permis de
cette musique. travail, l’idée fut abandonnée. Il demande ensuite au Who 9, nouveau phénomène de
À l’aune de ce qu’annonçaient les grands courants utopiques de années soixante-dix, dont la scène indé britannique, qui décline l’invitation. C’est finalement le groupe The
le rock semble ici porter l’écho lointain, Sam Durant dresse un constat amer sur une In-Crowd qui est choisi. Mais devant le manque de professionnalisme des membres
civilisation en déclin. En cela, l’appropriation culturelle dont il est question plus haut, vient du groupe, Antonioni se replie sur les Yardbirds, tout en leur demandant de
étayer ce qu’on pourrait rapprocher d’une forme de désenchantement postmoderne : il n’y conserver le jeu de scène des Who. Jeff Beck s’exécute et à la fin de Stroll On, il
a plus de transcendance, plus de croyances en un soulèvement des masses, et même le rock, détruit sa guitare 10. Il jette le manche dans le public, et c’est Thomas, le personnage
symbole d’une jeunesse irrévérencieuse, est devenu un produit commercial comme un autre. principal du film qui récupère la relique sacrée qu’il délaisse aussitôt sorti du club.
Il ne reste que les anciennes idoles, qu’on contemple avachis, bercés par le rythme de ces Le film d’Antonioni questionne la porosité des parois entre le réel et l’illusion, il
vieilles rengaines, en goûtant le calme des utopies en ruine. insiste, comme en écho au phénomène du « Smashing guitar », sur le pouvoir de
l’image mais également sur l’éphémère puissance de l’instant présent.
En juin 1967, les Who jouent au Monterey International Pop Music Festival en
Californie (aux côtés de Janis Joplin, Otis Redding, Grateful Dead…). La réputation
du groupe est celle de vandales détruisant backstage, suites d’hôtels et matériels.
Leur concert est à la hauteur, notamment avec une nouvelle interprétation
apocalyptique de My Generation. Jimi Hendrix, le même soir, en grand compétiteur,

Franck BALLAND

1. Nicolas Bourriaud, Postproduction, Les presses du réel, Dijon, 2003, p.9
2. Dan Graham, Les Monuments d’Oldenburg in Rock My religion, le Nouveau musée/Institut, Villeurbanne ; Les
presses du réels, Dijon, 1993, p.21

2

achève sa démentielle interprétation de Wild Thing en mettant le feu à sa guitare et D'après
en la détruisant violemment 11. C’est le même Hendrix, deux ans plus tard, qui
« vandalise » l’hymne américain, lors du gigantesque Festival de Woodstock.

CHORUS : Les liens entre l’art contemporain et le rock sont inépuisables et bilatéraux. Déjà en février
Dans les années 1970, celui qu’on surnomma le « Stratocaster Killer », Ritchie 1916, avant même l’invention du terme « Rock’n’Roll » 1, les artistes munichois Hugo Ball
Blackmore, guitariste de Deep Purple détruit en masse les instruments qui lui et Emmy Hennings organisent au Cabaret Voltaire (Zurich, Suisse) des lectures de poèmes
tombent entre les mains, tout en définissant un nouveau genre musical, le hard- phonétiques (Lautgedichte) sur fond de grosse caisse, volontairement loufoques et
rock. Toute une époque. provocateurs avec la participation du poète Tristan Tzara, du poète allemand Richard
En 1979, The Clash passe à la postérité avec sa musique, d’abord, et la pochette Huelsenbeck, des peintres roumains Marcel Janco et Arthur Segal, des peintres allemands
de son album London Calling ensuite. Double album dont l’art work est signé Ray Hans Richter et Christian Schad, de l’alsacien Hans Arp, des artistes hollandais Otto et Adva
Lowry ; la photo de Pennie Smith, qui l’illustre, montre Paul Simonon fracasser sa van Rees et de l’artiste peintre/danseuse Sophie Taeuber. Le Cabaret ferme ses portes pour
basse électrique Fender lors d’un concert au New York Palladium, le 21 septembre atteinte aux bonnes mœurs et tapage nocturne, après six mois d’activités.
1979. C’est un hommage au premier album rock d’un Blanc, l’album éponyme d’Elvis Rétrospectivement, certains considèrent que l’esprit était pourtant déjà là. Plus proche de
pour RCA en 1956, où on le voit, gorge déployée, jouer sur sa guitare acoustique. nous, et dès la naissance du Rock’n’Roll, les artistes comme Ray Johnson ou Peter Blake
Le lettrage rose et vert qui mentionne le nom et prénom du King est transformé en étaient très proches des milieux musicaux, de même que de nombreux musiciens avaient
un « London Calling » engagé. Le groupe pensait avoir enregistré l’ « ultime » reçu un enseignement artistique déterminant dans leur pratique (Pete Townshend eut Gustav
album rock, ceci explicitant le premier titre pressenti : The Last Testament. Metzger comme enseignant).

VERSE :
On passe sur l’histoire (pré)fabriquée des Sex Pistols, pour redécouvrir dans les
années 1990 le plus gros phénomène de destruction massive musicale, Nirvana.
Chaque concert, chaque album confronte encore plus la personnalité de Kurt Cobain
à la notoriété du groupe. Cobain, dont le mal-être est permanent, exprime d’abord
ce sentiment d’inadaptabilité au monde et souhaite démystifier son groupe, et la
destruction méthodique de leurs instruments à la fin des concerts impliquait le fait
qu’il n’y aurait aucun rappel. Que le public était donc invité à quitter les lieux. Un peu
comme la fin des concerts du King, quand Al Dvorin venait répéter au micro qu’
« Elvis has left the building » 12.
La destruction intégrale du matériel par Nirvana abordait également la question de
l’aura de l’instrument en le rendant inutilisable. Mais évidemment l’effet « relique »
stimula la mythification. Ce vandalisme renaissant pouvait prendre d’autres formes,
comme ce savoureux moment où, obligé, contractuellement, de jouer Smell Like
Teen Spirit en playback à Tops of The Pop en novembre 1991, Kurt Cobain obtient
d’avoir un micro chant live, et interprète leur tube avec une voix très basse, comme
ralentie, et aux antipodes de sa voix éraillée et énergique habituelle. Kris Novoselic,
le bassiste, se contente de lancer sa basse le plus haut possible en dansant de
façon ridicule. Une entreprise de déconstruction du spectacle à l’intérieur même du
système de représentation médiatique toujours compliqué, notamment à la vue du
jeune public enthousiaste qui ne cesse de taper sagement (et plus ou moins) en
rythme dans ses mains.

BRIDGE : © Élodie Lesourd, Warsaw, 2010
Reste la sublime et subtile interprétation par Sonic Youth en 1999 de l’œuvre de acrylique sur mdf, 114,8 x 170,3 cm - Courtesy K. Smolenski
Georges Maciunas Piano Piece #13 for Nam June Paik qui consiste à clouer les
touches d’un piano. Par un double jeu de marteaux, le vandalisme créatif totalement Élodie Lesourd poursuit l’histoire de ces allers et retours entre le mouvement rock et l’art, par
Fluxus, revêt ici un nouvel aspect poétique et artistique. John Cage en père
fondateur. le biais, notamment 2, de ce qu’elle appelle ses peintures « hyperrockalistes ». Elle réalise

OUTRO : des peintures hyperréalistes, à partir de photographies d’expositions d’œuvres d’autres
Beaucoup d’autres groupes ont détourné ce geste de destruction, Matthew Bellamy,
guitariste/chanteur de Muse, pris de remords, a même fait réparer certaines de artistes, et qui ont pour point commun leur regard sur la culture rock. Par exemple, sa
ses guitares explosées. Le girls-band punk L7, fondé par Donita Sparks et Suzi
Gardner, a plusieurs fois fait scandale, notamment en désintégrant basse et batterie peinture I Wanna Be Your God 3 (2004) a pour origine une œuvre de Claude Lévêque
lors de live retransmis en direct à la télévision 13. On a pu voir aussi Marylin Manson
mettre le feu à une batterie, et se taillader les veines, à l’image d’Alice Cooper ou (l'auteur de l'œuvre dont le titre est I Wanna be your Dog se référant à la chanson des
de Daniel Darc. La suite n’est qu’une accumulation de gimmick « punk », Green Day
s’assurant la première place avec ses shows à l’américaine. On se souvient Stooges) photographiée par Claude Bricage (le photographe de l'installation) lors de son
également (ou pas) de la prestation ridicule d’Axel Bauer interprétant Cargo et
essayant de casser sa guitare pour protester contre le star-système (sic) devant exposition à l'Atelier Sainte-Anne de Bruxelles (où avait été montrée l'œuvre). Cette
une assemblée médusée lors d’un Champs-Elysées 14 de Michel Drucker. Trois mois
avant, Serge Gainsbourg brûlait « à 74 % » un billet de 500 francs, afin de photographie apparaît dans un catalogue, et c'est cette image qu'a utilisé Élodie Lesourd
dénoncer une certaine forme de « racket des impôts », lui qui avait déjà détruit
toutes les peintures de sa jeunesse, par (dé)goût. pour sa peinture. Les œuvres d'Élodie Lesourd sont ensuite exposées et parfois
Mais ça, c’est une autre histoire…
photographiées à leur tour pour leur diffusion…
Julien BLANPIED
Concrètement, il est très difficile de différencier une reproduction photographique d’une œuvre
Ce texte fut publié dans les actes du colloque Date limite de conservation au MAC/VAL (15-16 mai 2009).
1. Pete Townshend, 1968, cité dans Rolling Stone. d’Élodie Lesourd et la photographie originelle d’une œuvre originale. À travers ses « images »
2. Moon le Fou.
3. La même année, Arman réalise sa première Colère de contrebasse, NBC Rage à la différence près que se dessine une herméneutique rock, « herméneutique » que Michel Foucault définissait comme
l’action était secondaire, le résultat prévalait. On figeait une aventure.
4. Dont la première occurrence date de 1959 et dont le manifeste est de 1960. « l’ensemble des connaissances […] qui permettent de faire parler les signes et de découvrir
5. Public Demonstration of Auto-Destructive Art : Acid action painting. Height 7 ft, Length 12’ 6”. Depth 6
ft. Materials: nylon, hydrochloric acid, metal. Technique. 3 nylon canvases coloured white black red are leur sens ». Les choix des œuvres qu’Élodie Lesourd « copie » sont déterminés à la fois par
arranged behind each other, in this order. Acid is painted, flung and sprayed onto the nylon which corrodes
at point of contact within 15 seconds. l’objet et le sujet de l’œuvre. Sont ainsi convoqués Jim Lambie, Claude Lévêque, Terence Koh,
6. En 1962, la galerie Saqqarah de Gstaad organise l’exposition Musical Rage pour laquelle Arman réalise
Chopin’s Waterloo, soit la destruction d’un piano droit à coups de masse, fixé ensuite sur un panneau, Christoph Büchel, Julian Dashper, John Armleder ou plus récemment Banks Violette et Konrad
résultat né d’une expérience personnelle douloureuse de la musique.
7. Sortie en décembre 1966, et palme d’or à Cannes en 1967. Smolenski dans une communauté affective thématique. Quoi de plus naturel, finalement, de voir
8. Formation mythique quand on sait qu’Eric Clapton fonda le groupe, et que Jimmy Page (Led Zeppelin) et
Jeff Beck en furent les guitaristes. Élodie Lesourd utiliser la « reprise » comme mode créatif pictural quand il est devenu un des
9. Les Who sortent, en même temps que le film, leur nouvel album A Quick On.
10. En fait, la réplique de la guitare de Steve Howe, guitariste de The In-Crowd, tout juste évincé du film. éléments constitutifs de la musique (le groupe Nouvelle Vague n’a-t-il pas fait son affaire ainsi,
11. Il dit « The times I burnt my guitar it was like a sacrifice. You sacrifice the things you love. I love my
guitar. » Il brûla trois fois sa guitare, à Londres, Miami et au Monterey International Pop Festival. dans une succession de glissements musicaux et sémantiques en faisant des reprises de chansons
12. Elvis a quitté la salle.
13. Un mémorable passage à l’émission de Canal+, Nulle Part Ailleurs à Cannes. « new wave » en version « bossa nova »…?). En revendiquant cette posture positive de
14. Le 9 juin 1984.
l’épigone (du grec ancien / Epígonoi, « les descendants », celui qui vient après), elle
© Leï Yang, Héroïne Rock & Roll, 2010, vidéo, 2’
s’inscrit dans l’esthétique postmoderniste du recyclage des formes préexistantes, mêlant des

cultures populaires à des cultures élitaires.

Dernièrement, l’artiste a fait évoluer sa peinture en utilisant des images qui renvoient plutôt

à une esthétique rock qu’à un signe matériel du mouvement (I Kill Children, 2009). Pour

l’une de ses dernières productions, The Dead C, la peinture est une transposition d’une

photo (d’André Gonçalves) d’une performance du collectif A Kills B intitulée Yellow

Monochrome (2008) qui consistait en l’interprétation de la pièce de théâtre expérimental de

Wassily Kandinsky Der Gelbe Klang (« Le bruit jaune ») composée en 1907 et qui ne

contient aucun dialogue. En reprenant la scène finale du concert performance baignée dans

un camaïeu jaune 4, Élodie Lesourd, à la manière d’un guitar throw 5 et à l’intérieur même

d’un labyrinthe sémantique qu’elle affectionne particulièrement, propose un retournement

inattendu : la monochromie de la scène éloigne sa peinture de l’hyper-réalité, tout en

devenant l’exacte représentation 2D de la performance en question. Élodie Lesourd parvient

ainsi à fusionner sa quête de sens du mouvement rock et ses recherches picturales.

Julien BLANPIED

1. En 1951, le disc jockey Alan Freed anime une émission de radio appelée Moondog’s Rock And Roll Party. C’est
la première utilisation à large audience du terme « Rock’n’Roll », qui signifie en argot « faire l’amour ».
2. Elle réalise aussi de nombreuses peintures néo-conceptuelles mais également, à travers une récente diversification
de médias, des performances, des pièces à partir de t-shirts de groupes, d’autres avec des médiators, des pièces qui
tendent vers la sculpture…
3. Ce titre fait référence à la reprise par Slayer de la chanson des Stooges.
4. L’œuvre Odelay#9 (2005), qui représente une scène de concert figée dans la glace, était déjà une forme de
recherche picturale sur la monochromie…
5. Phénomène couru chez le guitariste de lancer sa guitare dans son dos, et dans un mouvement rotatif, de la récupérer par l'avant.

3

Levine, Prince & Rock'n'Roll Reprod. : Richard Prince, Sans titre (Cow-boy), 1980-1986
Photographie ektachrome encadrée, 68,5 x 102,5 cm
Collection du Frac des Pays de la Loire © Bernard Renoux

L’Amérique de Richard Prince est celle très stéréotypée du Sex drugs & Rock’n’Roll 1 catalogue du célèbre pionnier de la photographie documentaire et en rephotographie les
notamment célébrée par sa série Girlfriends vers 1993. Une certaine esthétique rock en effet : photographies. Elle n’a évidemment pas choisi au hasard le photographe qui aura su
moto, métal qui brille, cuir, poses suggestives... Subculture américaine. Plus qu’une musique, influencer toute une génération par son regard humaniste sur la misère de l’Amérique rurale
le rock c’est une attitude, des attitudes. Ces Girlfriends sur leur moto sont une incarnation de de la fin des années vingt… Hommage au Maître ? Cover ? Levine a cette conscience
ses Cowboys démarlborolisés (série commencée une dizaine d’années plus tôt, en 1980) : d’arriver trop tard pour prendre part à l’histoire de l’art, trop tard pour pouvoir la
la drogue a remplacé la cigarette, il y a toujours le cuir, luisant pour les filles, retourné pour poursuivre. Alors, quand d’autres cassent des guitares et des amplis, quand le Rock se doit
les boys. Toujours les franges, soit sous les manches, soit aux guidons des Harley. Esthétique. d’être sauvage et rebelle, une fois que les Sex Pistols ont craché leur Never Mind the
Posture également : Prince se réapproprie. Ces photographies ont en fait été prises par Bollocks !, plutôt qu’un No Future (faussement 3) nihiliste, elle travaille sur trop de passé :
d’autres, des amateurs ou des publicitaires. Il les a fait siennes. Reprises. elle le dit ou le photographie en quelque sorte. Se joue ici le drame de l’impossibilité de
Alors, attitude Rock ? Le premier tube Rock’n’Roll de l’histoire n’était-il pas lui aussi une créer dans une culture saturée d’images. Le After n’est pas juste la référence au maître,
reprise ? Le fameux Rock Around the Clock (1954) de Bill Haley and his Comets est en fait (d’après), le After est aussi le « après » d’un autre temps : le sien et celui du regardeur.
une reprise d’un morceau de Sonny Dae and his Knights de 1953 2. Mais qui se souvient Ses reproductions de photographies (qui sont en elles-mêmes des reproductions du monde)
aujourd’hui de Dae ? Qui connaît les auteurs originaux des photos de Prince ? Toute la nous questionnent sur l’originalité et l’unicité de l’œuvre d’art. C’est aussi et surtout un jeu
chronologie rock est jalonnée de reprises, comme un modèle persistant, presque sur le sens et l’essence de la photo et de la pratique artistique. Dans cette mise en abyme
emblématique. A la fois revendication d’une filiation ou pur opportunisme, la reprise a de l’œuvre, rien ne différencie plus sa photo de l’original, pas de réinterprétation juste
même fait naître les Cover groups (qui reprennent des standards) jusqu’aux Tribute bands l’œuvre qui seconde la première, tout en étant elle-même. À priori peu subversif, l’art de
qui vont, au-delà de la reprise des morceaux, jusqu’à imiter entièrement l’attitude, le look, Levine devient instrument de la critique, pourtant, « une mise en boucle provoque moins un
etc du groupe copié. « Je joue à être l’autre », « je me prends pour », « je rends renversement des valeurs qu’une saturation du sens (effet larsen ou feedback, comme on les
hommage à ». On joue avec ses mythes, avec ses idoles. Chez Warhol dans un mouvement qualifie sur un plan sonore). La clôture opérée par […] Levine affirme ainsi, en la saturant,
ascendant le banal et le médiatique (la boite de conserve et les stars) devenaient œuvre la forme dominante de l’économie de marché qui lui sert de contexte, et qui tend
d’art. Chez Prince, à l’inverse, l’image banale devient encore plus banale. Il réduit. aujourd’hui un miroir à l’économie des signes de l’art ». 4
Sherrie Levine, quant à elle, augmente. 1981 : After Walker Evans. Elle feuillette un Bref ce n’est pas la reprise pour elle-même que l’on considère mais l’acte d’appropriation
là où dans le Rock et ses dérivés, c’est bien le nouveau potentiel du morceau original qui
est écouté. La reprise nourrit le Rock pour le régénérer et le redéfinir continuellement. Alors
pour conclure ce mélange des genres, wouldn’it be nice 5 de réécouter les mots de Jim
Morrison au moment où s’ouvre à la BNF l’exposition de Richard Prince, American Prayer,
dont le titre est celui de l’album où les Doors, en 1978, (qui se pastichent eux-mêmes dans
une musique plus disco-funk que rock) s’approprient les paroles de leur leader perdu : « we
need great golden copulations », nous rappelant s’il le fallait la philosophie première et
sans équivoque du Rock’n’Roll : se balancer et rouler.

Bertrand CHARLES

1. Le titre de cet article fait expressément et explicitement référence à la fameuse maxime « Sex, drugs and rock’n’Roll »
de Ian Dury qui est en fait le titre d’un single de Ian Dury & The Blockheads sorti en 1977 : Sex and drugs and rock
and roll / Is all my brain and body need / Sex and drugs and rock and roll / Are very good indeed.
2. La version de Bill Haley a été enregistrée le 12 avril I954 et est sortie la même année sans succès ; mais le morceau
fut relancé par le cinéma, au générique du film Blackboard Jungle (« Graine de Violence »). Il devient le plus gros
succès de l’année I955, lançant le Rock’n’Roll aux USA puis dans le monde entier. Bill Haley avait déjà enregistré
Rock the Joint en 1952, morceau (une reprise inspirée) qui contenait déjà le solo de Rock around the clock. En outre,
Rock around the clock par Bill Haley, s’inspirait également du move it on over de Hank Williams (1947).
3. Réserves sur le slogan No Future inventé par Malcom MacLaren manager controversé des Sex Pistols, groupe qu’il
avait monté, selon certains, par pure ambition commerciale, loin donc de l’idéologie Punk.
4. Christophe Kihm, « Art critique et art cynique », in Art Press 2, n°3, 2006-07.
5. Titre des Beach Boys sur l’album Pet Sounds, 1966.

Iggy, Alan et les garçons sauvages

« des trente dernières années du XX e siècle,
l’histoire de l’art ne retiendra que le Rock’n’Roll »
Virginie DESPENTES

En 1967 les Stooges expérimentent le son, le bruit – « white noise » – à l’état brut… Et Jackson Pollock déjà, le peintre « atomique » du XX e siècle illustre à la lettre l’adage
Vrombissements d’aspirateur, percussions tribales sur bidons d’essence… Puis Iggy rock’n’roll « too fast to live, too young to die », lui qui écoute alors du free jazz.
expérimente l’espace scénique, le rapport frontal et violent à l’autre, aux autres… Ceux qui Coltrane la référence ultime. Tout était déjà dit !
le font exister en tant que « frontman », performeur on stage. Les anglo-saxons usent
invariablement du terme « performance » pour désigner la prestation scénique d’un Donc en 1969 Alan Bermowitz assiste à un set halluciné des Stooges. Celui qui ne se
groupe de rock. Et Iggy mieux que tout autre Rock’n’Roll hero incarne le performeur fait pas encore appeler Alan « Suicide » Vega est un plasticien new-yorkais branché
ultime, se donnant entièrement, le corps offert à toutes les violences, tous les dangers, son sur l’obscurité et les lumières sourdes d’ampoules vacillantes et cheap. Son approche
corps de gladiateur perfusé exultant la violence fondatrice et séminale du rock. High energy! instinctive du geste artistique oscille entre minimalisme de bastringue et bricolage du
Sur scène Iggy a finalement tout fait subir à son corps ! Et les actionnistes viennois et leurs caniveau. Amas fracassés de lumières mortes, ses sculptures lumineuses informes,
performances historiques et uniques n’ont qu’à bien se tenir ! Le cas de Gunther Brüs fait conglomérats chaotiques d’ampoules, néons et fils électriques opposent une version trash et
exception, qui misait sur son propre corps « martyrisé » au cours d’actions radicales, « destroy » aux néons néo constructivistes de Dan Flavin, tout comme ses crucifix
sacrificielles et trash, sans compromis, ni artifices. déglingués, guirlandes foutraques de récup’ « Lower East Side » se font l’écho « punkoïde »
Là où les plasticiens sont dans la mise en scène, les rockeurs ne jouent pas, ne simulent pas, des croix « suprêmes », frontales ou évidentes de Malevitch, Ad Reinhardt ou Franck
ils se mettent à nu et plongent dans l’arène sans aucune stratégie, authentiques et Stella. Art du Bowery qui contient déjà les lights shows d’Andy, l’obsession argentée de
imprévisibles, à l’instar d’un Jim Morisson arrivant ivre mort sur scène, prêt à psalmodier la Factory et les lunettes noires du Velvet… L’artiste underground new-yorkais découvre
un « Mother I want to fuck you » provocateur. donc Iggy et les Stooges en 1969 : « Leur set a duré vingt minutes, pas plus, mais c’était
Jim le « Roi Lézard », figure tutélaire pour Iggy l’iguane… Première intronisation dans l’apocalypse. Quelque chose d’invraisemblable, qui m’a laissé tétanisé. Iggy s’est jeté dans la
le « Rock Circus ». fosse comme un animal, il s’est confronté au public avec une violence pas possible, c’était un
En 1965 les frères Asheton, futurs Stooges, font le voyage à Londres. Ils y seront ouragan, d’autant plus intense qu’il était bref. (…) Ma vie a changé à cet instant. ça m’a ravagé
durablement impressionnés par la performance live des Who de Pete Townshend, l’esprit, ce truc, et c’est après ça que j’ai décidé de faire de la musique. Avant ça, j’étais plutôt
sauvagerie adolescente à l’état brut. À l’époque où Arman brise ses premiers pianos pour les branché art contemporain, mais je me suis rendu compte qu’on pouvait affronter la réalité de
rendre plus esthétiques, Pete Townshend issu d’une école d’art, radicalise ce geste façon encore plus violente grâce à la musique et à la performance scénique. » (Alan Vega)
artistique sur scène en détruisant fougueusement et systématiquement sa guitare (inaugurant Alan Bermowitz sera donc Alan Vega, chanteur animal du duo synthétique et
au passage un rituel souvent rejoué, jusqu’à Nirvana), suivi de Keith Moon, pur électron minimaliste Suicide, chantres absolus de la performance sonique et bancale, pure
libre, balançant sans vergogne fûts, grosse caisse et cymbales dans la fosse… Keith Moon déflagration électrique, collusion brutale et sans artifices…
le batteur le plus explosif de l’histoire du rock, génie auto-carbonisé en plein vol, se vouant Apôtres apocalyptiques du bruit électro guttural comme du cri primal, le duo insuffle une onde de
corps et âme à la « rock’n’roll life », sans limites, sans censure, à fond, sans jamais se fulgurance et de danger dans l’art de la performance. À la même époque Chris Burden explore
retourner, toujours dans les excès… Burning life… la violence en jouant avec le feu ou se faisant « shooter » à la carabine dans le bras gauche.
Et du côté des artistes ? Burning life ?... Steven Parrino, ange noir de la « fin de la Tandis qu’impassible derrière d’énormes lunettes de ski Martin Rev tisse ses motifs
peinture » se crashe en moto, Robert Malaval, speed kamikaze paillettes, se lasse en obsessionnels de synthé déglingué, Alan Vega chante, hoquète, pleure, susurre, hurle,
nouveau « suicidé de la société »… supplie, gémit, s’exténue… tout le registre vocal inhumain y passe.

4

Pochette de l'album Goo de Sonic Youth, 1990 - © Raymond Petitbon

Sonic Youth : bruit & images situation. Avec Pettibon c’est un univers de BD trash et
ostentatoire qui s’offre à eux ; souvent accompagnés
En lien étroit avec le monde de l’art, comme la bassiste Gerhard Richter, dont le travail internationalement de textes, les dessins sont formés de traits épais et les
Kim Gordon et le guitariste Lee Ranaldo réalisant des exposé et collectionné se situe loin de l’esthétique formes réduites à de grands aplats monochromes très
expositions collectives et individuelles aux quatre coins underground qu’ils affectionnent. Pourtant les thèmes contrastés. Ce n’est pas simplement le dessin qui a été
de la planète, les membres de Sonic Youth ont toujours abordés sont toujours les mêmes. Daydream (songeur, reproduit pour créer la pochette de Goo, mais une
associé musique et art visuel, notamment à travers rêvasser) se traduit en grec ancien par le même mot sorte de brouillon où l’image est grossièrement fixée
leurs pochettes d’albums. Loin de n’être que hangover (gueule de bois). C’est une nouvelle mise sur son support avec du scotch, qui a récolté au
qu’illustratives, ces dernières donnent le ton à chacun en garde face aux illusions qui est ici lancée, d’autant passage des empreintes de doigts sales et quelques
des projets et mettent en image à la fois l’esprit plus que l’image de la bougie hyperréaliste de Richter, cheveux, retranscrivant parfaitement le style des S.Y..
particulier qui accompagne la réalisation de chaque tirée d’une série de vanités réalisée entre 1982 et Bien qu’ils soient passés à un rock plus accessible,
opus et les thèmes qui y sont abordés. 1983, est une peinture faite à partir d’une l’ambiance générale n’a pas changé d’un poil.
Héritiers du punk, imprégnés de la mouvance no wave, photographie. C’est un mensonge de la vision, une À nouveau la pochette donne le ton de tout l’album.
les S.Y. vont s’inscrire dès leurs débuts dans la contre- mise en doute du réel que nous donne à voir ce L’influence de Pettibon est partout, le nom Goo ainsi
culture musicale de leur époque. La subversion du memento mori froid et pâle malgré la flamme. qu’un titre comme Scooter and Jinx sont directement
groupe face à une certaine culture de masse ne va pas tirés du fim Sir Drone (1989) de l’artiste. Les renvois
de pair avec un repli marginal hors de la société. Les aux dérives de la culture californienne sont également
sujets auxquels ils font référence s’avèrent très tôt liés omniprésents, comme dans Tunic (song for Karen),
à la culture populaire, surtout américaine, dans ce référence à la chanteuse Karen Carpenter morte à 32
qu’elle a de plus sombre et déviant, avec cette ans d’anorexie.
conscience d’être un groupe américain et de porter
par là un héritage bien particulier qu’il est nécessaire Deux ans plus tard, le groupe récidive avec le célèbre
de remettre en question. Dirty. Ils font appel à Mike Kelley pour réaliser le visuel.
Kelley et la chanteuse Kim Gordon se connaissent
C’est le cas avec l’album EVOL sorti en 1986. Sur la Après un vif succès et des tournées sans fin, le groupe depuis les 70’s et lors de leurs études communes en
pochette une jeune femme est à genoux, doigts choisit de poursuivre sa quête de visibilité en signant art à Los Angeles, il jouait lui-même dans le groupe
crispés, le visage dur et grimaçant tourné vers sur la major californienne Geffen. L’album Goo (1990) punk de Detroit Destroy All Monsters. L’artiste se voit
l’objectif. La scène fait allusion au meurtre de Sharon avec le dessin de ce couple aux lunettes noires, confier la réalisation d’un livret de six photographies. Il
Tate par les sbires de Charles Manson le 9 août 1969 cigarette à la main, deviendra aussi connu pour sa choisit de réutiliser ces petites poupées tirées de la
dans la « vallée de la mort ». La pochette de l’album musique que son esthétique. Nous devons la pochette série d’installations Half-a-Man (1987-1991) qui l’ont
est réalisée par Richard Kern, à cette époque cinéaste à Raymond Pettibon, connu à cette époque pour avoir rendu célèbre à ses débuts. Ces poupées abimées
très proche de la scène musicale underground new- dessiné le logo et plusieurs pochettes du groupe Black sont personnifiées par le cadrage semblable à celui
yorkaise, alors connu pour ses courts-métrages Flag. Pour Goo, Pettibon a repris une photographie des photographies d’identité, devant un fond neutre.
erotico-gore mettant en scène des personnages d’un paparazzi datée 1966 en lien avec les « Moors Mike Kelley a d’ailleurs ajouté l’une de ses propres
comme l’icône no wave Lydia Lunch. murders », une sombre histoire de viols et de photos d’identité au livret. Ces jouets ramènent au
Derrière cette référence morbide, c’est toute une meurtres d’enfants dans la région de Manchester. monde de l’enfance, mais la prise de vue en gros plan
attaque contre la culture hippie et ses dérives qu’il faut Sonic Youth désire adopter pour cet album un certain de ces surfaces usées devient dérangeante, leurs
voir. À partir de la fin des 70’s, le courant no wave style d’image californien afin d’illustrer leur nouvelle sourires leur donnent une expression inquiétante parce
propose sa version revue et corrigée de l’odyssée pop que trop humaine. Le mot Dirty fait directement
des 60’s. La désillusion a pris place sur les rêves référence à l’univers chaotique de Kelley qui se rapproche
d’amour et de fraternité des ainés, la gueule de bois de de celui de S.Y. autour des questions de genre, de
l’après-fête hippie terminée, c’est bien lucide qu’une normalité et de perversion, de morale et de rejet.
partie des jeunes artistes américains s’engage à
détruire les mythes du passé. Car si EVOL peut Le rock est la musique de l’image et des images, il s’en
s’entendre comme « Evil » (« le mal » en anglais), il inspire autant qu’il en véhicule. S.Y. en a fait
s’agit surtout du mot LOVE à l’envers. volontairement une constituante essentielle de son
identité, en s’entourant d’artistes qui leur ressemblent.
En 1988, Daydream nation propose une approche De par leurs centres d’intérêts d’abord, de par aussi
différente, avec comme introduction le « tube » une certaine pluridisciplinarité qui caractérise nombre
Teenage riot. Sonic Youth désire toucher un plus large d’entre eux. Ils ont su à merveille utiliser les œuvres
public et ce 6 e opus en sera le déclencheur. La des autres pour mettre leur son en image et ainsi
pochette ne fait pas exception. Pour la première fois ils créer une complémentarité dont l’objet final, l’album,
choisissent un artiste non américain, l’allemand ne peut que se trouver enrichi.

Aurélien PELLETIER

ROCK'N'ROLL

Alan Vega : Infinite Mercy À Bill Haley & The Comets, Charlie Feathers, Little
MAC, Lyon, 15 mai-2 août 2009 Richard, Chuck Berry, Elvis Presley - Scotty and
© Blaise Adilon Bill, Jerry Lee Lewis, Gene Vincent & The Blue
Caps, Buddy Holly & the Crickets, Eddie Cochran
En solo Alan Vega sera le premier artiste d’avant garde à réinventer totalement et remettre
au goût du jour la mythologie rock’n’roll, Rock’n’Roll Rebel, perfecto fuchsia, hoquets Rassemblement d'impacts dans un cercle d'enfe R
rockab’, pauses félines, lunettes noires et moue arrogante façon Elvis… Toute la panoplie
« garçon sauvage » de la rock’n’roll attitude des pionniers fifties… Orgasme musical qui roule en crescend O
Son tube electro-rockabilly Juke Box Babe signe le retour du riff de guitare cinglant et syncopé.
« Quelle est l’invention la plus excentrique du XX e siècle ? Sans hésitation : Créant sans rémission l'irrésistible cho C
la guitare électrique. » (Michel Bulteau)
Alan Vega le plasticien conceptuel primitif, Alan Vega le performeur jusqu’au-boutiste, Kermesse réveillant sans répit le vieux schnoc K
Alan Vega l’instinctif se réinvente un personnage de « rock’n’roll hero » ultime et
kamikaze, croisement spectral d’Elvis, Vince Taylor et Rudy Martinez de ? & The Nodule de boogie et de chanson wester N
Mysterians son modèle musical originel. La boucle est bouclée. Fin du XX e siècle.
Aujourd’hui les amplis, le feedback et les guitares électriques envahissent les galeries d’art. Roulade de sons fous et pulsations de fe R
Christian Marclay avait déjà tout dit de cette histoire là en 1999 avec Guitar Drag,
magistrale performance filmée d’une guitare électrique Fender trainée derrière un pick-up (et Onde dévastatrice en mode furios O
reliée à un ampli) sur les routes arides du désert texan, hurlant des sons écorchés jusqu’à l’agonie.
Et les garçons sauvages, les vrais (Lords of Altamont, Magnetix, Jim Jones…), sont Libérateur divin au cœur phénoména L
de retour, hordes d’outlaws tout cuir, toute morgue adolescente dehors, prêts à mettre le feu
aux planches, guitares en bandoulière et mèche rebelle en sueur, bien décidés à en Livrant les corps bridés à son rythme inferna L
découdre et à se livrer corps et âme à la performance électrique.
Rock’n’Roll will never die ! Michel ROSE

Bertrand KELLE « Le rock a souvent été dénoncé comme un
complot visant à abaisser l'homme blanc au
5 niveau du « nègre », mais Elvis Presley a prouvé
que le rock nous avait en fait élevés jusqu'à ce
niveau. »

Michael OCHS



© christian marclay - édition interface, dijon - 2011

Christian Marclay L’association de ces deux mots chez les Clash n’a bien sûr rien à voir avec une exhortation
à la lutte contre les populations ou la culture arabes, il s’agit, bien au contraire, d’inviter ces
Sans titre, 2011 peuples à vivre d’une manière plus libre tout en clamant le rôle libérateur du rock. La
collage « casbah » est ici considérée comme symbole du despotisme qu’il faut « ébranler » pour
Courtesy White Cube, Londres s’affranchir.
Les paroles (qui ne mentionnent nominativement aucun pays) racontent une histoire fictive :
Depuis la fin des années 1980 les onomatopées apparaissent la population s’oppose à l’interdiction du rock en « ébranlant » la « casbah » et, suite à
dans l'œuvre de Christian Marclay, que ce soit dans ses collages cette rébellion, le chef d’état ordonne le bombardement des insurgés par des avions de
à partir de bandes dessinées, ses photographies chasse dont les pilotes, dans leur cockpit, finissent par écouter du rock plutôt qu’obéir aux
de l'environnement quotidien, ou plus récemment dans ses ordres ! Antimilitarisme, célébrations de la liberté, de l’insouciance, du rock définissent cette
partitions musicales, comme Zoom Zoom (2008), ou encore chanson dans laquelle se mêlent des termes arabes, hébreux, hindis et d’Afrique du Nord
Manga Scroll (2010), une partition vocale où il exploite (tels que sharif, bédouin, sheikh, kosher, raga, muezzin et casbah) affirmant l’ouverture
l'expression graphique des sons tirés du manga japonais. culturelle, nullement le racisme.
La façon dont cette chanson a été comprise et utilisée par les soldats occidentaux durant la
L'œuvre reproduite ici (p.6-7) fait partie d'une série récente Guerre du Golfe ne constitue pas seulement une erreur d'interprétation mais une véritable
de collages basés sur la bande dessinée japonaise incompréhension ou un détournement extrême. Elle illustre à quel point l’immersion d’un
traduite en anglais. objet signifiant dans un contexte qui lui est étranger peut falsifier voire détruire son essence
même, ce qui retient bien sûr l’attention de Katrin Ströbel.

Quelques temps après, elle découvre, sur un marché de Rabat, une vidéo promotionnelle
illustrant un groupe de musiciens et danseuses marocains qui offrent leur service lors de fêtes
et mariages. Dans cette vidéo, les danseuses vêtues de robes évoluent de manière totalement
libre, ne répondant ni au cliché de la femme musulmane soumise ni à celui folklorique de la
danse du ventre. Katrin Ströbel décide d’acquérir cette vidéo.

Enfin, à Marrakech, elle achète une jupe dont les motifs, type dessins de BD, illustrent une
ville survolée par des avions. L’absence de certitude quant à la signification de cette scène
(s’agit-il de simples motifs issus du design vestimentaire des années 1970 ou de la
représentation d’une scène de guerre ?) associée à sa connexion avec la chanson Rock the
casbah interpellent l’artiste.

How to rock the casbah se présente sous la forme de trois moniteurs, reliés à un casque,
disposés chacun sur un socle. La bande sonore de chaque film est une version particulière
de Rock the casbah.

La première vidéo est constituée d’un montage d’extraits parfois retravaillés (effets de
ralentis) du clip de la chanson des Clash dont l’accompagnement sonore est la version
arabe de Rock the casbah, réalisée par le chanteur franco-algérien Rachid Taha, en 2004.
Ainsi qu’elle l’explique, la qualité médiocre des images (téléchargées sur internet) évoquant
une sorte de documentaire réalisé sur le terrain, les paroles arabes ainsi que les fragments
du clip où sont visibles des avions de guerre et des membres des Clash vêtus de tenues
militaires, produisent immédiatement chez le spectateur une association voire une
assimilation aux contextes du onze septembre et des actuels conflits dans les pays arabes.
Les personnes connaissant le clip des Clash l’identifient visuellement sans percevoir que la
chanson diffusée n’est pas l’originale.

© Katrin Ströbel, How to rock the casbah, 2007, installation vidéo (3 écrans, 3 casques) La deuxième vidéo est celle achetée sur un marché de Rabat (outil promotionnel pour des
danseuses et musiciens marocains) dont l’artiste a supprimé le son initial pour lui substituer
Katrin Ströbel : la version swing de Rock the casbah créée par Richard Cheese. Ce n’est souvent qu’à partir
de cette vidéo que le public réalise la présence de manipulations entre le son et l’image.
How to rock the casbah
Quant à la troisième vidéo, elle se compose d’un plan sur la zone des motifs avions/ville
L’œuvre de Katrin Ströbel, née en 1975 à Pforzheim (Allemagne), basée sur l’observation de la jupe achetée à Marrakech portée par une personne effectuant une danse proche de
et l’analyse des divergences culturelles, propose une traduction plastique de la capacité de celle réalisée par les danseuses de la précédente vidéo. Cette danse confie un mouvement
tout élément signifiant (production culturelle, phrase, objet…) à générer de multiples aux motifs de type dessins qui ornent la jupe ce qui rappelle le contexte d’un film
interprétations selon le contexte dans lequel il est perçu et l’identité des personnes le d’animation. La version originale de la chanson des Clash accompagne ces images.
percevant. Elle explique, à propos de la différence entre la vision africaine de l’Europe Contrairement aux deux premières vidéos, l’élément visuel présenté ici n’est pas référencé :
(sorte d’Eldorado) et celle européenne de l’Afrique (terre d’exotisme et d’archaïsme) : « la cette jupe de provenance non identifiable comporte des motifs dont il est impossible de
géographie sert d’écran sur lequel on projette autant de vérités que de clichés sur ce qui est connaître le sens, sont-ils de simples composants décoratifs ou témoignent-ils d’une vision
inconnu chez l’autre » 1 paranoïaque de la vie urbaine contemporaine ? L’artiste explique avoir souhaité terminer
cette œuvre, où les références se multiplient et s‘agglomèrent, par une sorte d’absence du
Chacune de ses œuvres, liée à un séjour effectué dans une ville qui lui est étrangère, sens, une impasse pour notre insatiable besoin d’identification alors condamné à l‘errance.
développe une combinaison visuelle et/ou sonore de signifiants qui entretiennent
habituellement des rapports d’éloignement, d’opposition voire de distinction dont elle Chacune de ces trois vidéos résulte d’un ensemble de manipulations auquel s’ajoute un
brouille parfois la retranscription. In god we trust (2008) consiste, par exemple, en un billet détournement du genre du vidéo-clip, leur durée étant à chaque fois adaptée à celle de la
de un dollar sur lequel la mention de la devise américaine est remplacée par sa traduction chanson qui leur est associée.
arabe, avec Der unbekannte Feind (L’ennemi inconnu) (2007), elle inclut une page du Coran
imprimée à l’envers dans un exemplaire d‘un grand journal allemand. Durant sa résidence Le brouillage général opéré par l’artiste est visuellement confirmé par la mauvaise qualité
à Valence, en 2009, elle réalise Petite correction de mon environnement (Lepen/Leben), elle des images qui témoignent également – donnée particulièrement importante chez Katrin
croise « en ville des graffiti acclamant l’homme politique d’extrême-droite, Le Pen – nom Ströbel dont l’œuvre s’inscrit dans ce que Paul Ardenne nomme « l’art contextuel » – des
que, sans plus attendre, l’artiste transforme par une minime intervention en leben (vivre). » 2 conditions dans lesquelles l’artiste a réalisé ou trouvé ces films (montage d’images
téléchargées sur internet pour le premier, vidéo promotionnelle pour le second, réalisation
L’installation vidéo How to rock the casbah (2007) est née de son séjour au Maroc, en selon de petits moyens pour le dernier). 3
2007. Trois moments particuliers vont l’amener à créer cette œuvre. À travers How to rock the casbah, elle nous interpelle sur la faillibilité de notre système
d’identification (perception et interprétation) tout en signalant notre difficulté à percevoir –
parce que la réalité nous habitue à leur correspondance – la dualité image / son au sein
d‘une vidéo.

« Rock the meaning », voilà peut-être la manière dont les Clash auraient pu caractériser la
démarche de Katrin Ströbel. Ebranler, perturber, délocaliser les objets signifiants pour nous
confronter à nos multiples erreurs (assimilation de clichés, de préjugés, conditionnement,
etc.) et nous inviter à nous interroger davantage sur la façon dont nous nous saisissons de
la réalité d’un fait.

Tout d'abord, elle apprend que la chanson des Clash Rock the casbah (1982), qui évoque Cécile DESBAUDARD
l'interdiction de la musique rock en Iran sous l'Ayatollah Kohmeni, a retrouvé une grande
popularité auprès des soldats occidentaux durant la Guerre du Golfe et que son titre a été, 1. Katrin Ströbel, bitim-réew, catalogue de l’exposition bitim-réew, Goethe Institut, Dakar, Sénégal, p.3
à plusieurs reprises, gravé sur des bombes occidentales. Dans la chanson, le verbe « to 2. Annika Plank, D’une passante, catalogue de l’exposition passante, art3, Valence, 2010, p.52
rock » – qui signifie « ébranler, secouer » – est appliqué au terme d’Afrique du Nord 3. Paul Ardenne, L’art contextuel, Champsarts, Flammarion, Paris, 2002, p.46-47 : « En terme d’art contextuel,
« casbah » qui désigne à l’origine, la « citadelle », puis par extension, le « cœur » l’expérience se constitue dans l’immédiateté et le local. Exigeant de l’artiste qu’il prenne pied dans l’espace et dans
d’une ville puis, populairement, la « maison ». les temps locaux, elle commande parallèlement des pratiques telles que l’observation, l’arpentage ou la ponction. L’art
se fait pratique active parce que réactive. »

8

© Pochette de l'album Never mind the bollocks here's the Sex Pistols des Sex Pistols,1977

Écrire l'antéchrist et les intellectuels délinquant

Si l’interminable histoire du rock est depuis toujours Les micro-événements écrivent à leur tour l’histoire : ils n’en restent pas moins de formidables outils de
habitée par toutes sortes de figures christiques aux le concert de 1976, l’assaut de Notre Dame 2, ou stimulation intellectuelle. Il y a finalement assez peu de
destins tragiques, de musiciens sacr(ifi)és, de l’attaque contre Chaplin 3, bâtissent un monde unifié et démonstrations ou de tentatives d’argumentation dans
chanteurs héroïques et défoncés par le succès autant clandestin qui rejette toute forme de consensus et s’en l’essai. On y trouve d’avantage des affirmations qui
que par l’échec, si la légende s’écrit à coup de riffs prend violemment aux systèmes politiques et religieux, sonnent comme des sentences et résonnent dans des
mémorables, de concerts salvateurs ou de refrains à la consommation (culturelle) et à l’aliénation phrases aussi essentielles que « Elvis Presley et les
émancipateurs, elle est également traversée par des généralisée de la société. Sex Pistols changèrent les structures de la vie
OVNI qui censés décrire ou analyser le mythe Ce qui unit ces hommes, nous dit l’auteur, c’est quotidienne dans le monde entier. Si ce qu’ils firent ne
parviennent parfois à le dépasser. Lipstick traces, une notamment le déséquilibre frappant entre l’exigence conduisit à aucune révolution officielle, cela rendit la vie
histoire secrète du X e siècle 1 est un de ces objets qu’ils ont à l’égard du monde et les armes poétiques plus intéressante dans le monde entier, et la vie a
insaisissable, irrationnel et vertigineux. qu’ils utilisent. Ils agissent avec ce besoin urgent de continué d’être plus intéressante qu’elle ne l’aurait été
vivre non pas comme des objets de l’histoire, mais s’ils n’étaient jamais apparus. » « L’ennui est toujours
En tant que critique rock, on peut dire que Greil comme des sujets, et d’avancer avec cette conviction contre-révolutionnaire » disait un slogan situationniste.
Marcus a su détourner allègrement les lois du genre. que quelque chose dépend fondamentalement de leurs Guillaume MANSART
Loin du gonzo d’un Lester Bangs (autre figure actions. Pour détruire un porte-avion à l’arme blanche,
essentielle de l’écriture rock américaine) l’œuvre de il faut de toute évidence une certaine dose de courage, 1. Greil Marcus, Lipstick Traces, Une histoire secrète du vingtième
Marcus convoque plus volontiers l’École de Francfort et d’obstination, d’insouciance. Il faut surtout savoir siècle, 1989, édition française chez Allia, Paris, 2000
s’appuie sur l’analyse historique (au sens large) pour inventer des chemins de traverses. Et que ceux-ci 2. Le 9 avril 1950, à Pâques, et alors que 10 000 personnes du
relier la musique à une mécanique plus générale, celle passent par la dérive, la psycho-géographie ou par la monde entier étaient venues assister à la Grand Messe de la
des sociétés humaines de quelques géographies et de musique n’a finalement que peu d’importance, « Jugé cathédrale Notre Dame de Paris, Michel Mourre, déguisé en moine
quelques époques qu’elles soient. à l’aune de son ambition sur le monde, un disque des dominicain, monte en chaire et lit un sermon conspuant la religion et
L’objet est ambitieux, la thèse audacieuse et un rien Sex Pistols doit changer la façon dont une personne l’Eglise Catholique « J’accuse / L’Eglise Catholique Universelle du
bancale : « Ce livre a pour propos un fait simple et donnée choisit son trajet pour aller bosser. Ce qui détournement mortel de nos forces vives en faveur d’un ciel vide /
tortueux, écrit l’auteur. Fin 1976 sortit à Londres un revient à dire que le disque doit relier cet acte à tous J’accuse / L’Eglise Catholique d’escroquerie / J’accuse / L’Eglise
disque intitulé Anarchy in the U.K. (...) Jouée par les les autres, et puis appeler le processus dans son Catholique d’infecter le monde de sa morale mortuaire... »
Sex Pistols, la chanson distilla, dans une forme ensemble à se remettre en question. Ainsi, le disque 3. Le 29 octobre 1952, au Ritz, l’Internationale Lettriste trouble la
grossièrement poétique, une critique de la société ferait changer le monde. » conférence de presse de Charlie Chaplin, venu en France présenter les
moderne entreprise une fois déjà par un petit groupe Dans le baroque Lipstick Traces, Greil Marcus mêle un Feux de la rampe, en distribuant des tracts attaquant Chaplin et sur
d’intellectuels basé à Paris (...) l’Internationale lettriste savoir historique à l’expérience personnelle de sa lesquels on pouvait lire notamment « Allez vous coucher, fasciste
refondée en 1957 en Internationale situationniste. (...) rencontre avec Anarchy in the U.K.. Si ses larvé, gagnez beaucoup d’argent, soyez mondain, mourez vite, nous
Ma conviction est que de telles circonstances sont dès rapprochements parfois aventureux relèvent souvent vous ferons des obsèques de première classe. »
le départ bizarres. » Et c’est alors sur près de 600 du dogme « seuls-ceux-qui-veulent-voir-peuvent-voir »,
pages que l’auteur s’active à démontrer qu’il y a dans © Denis Brun, Punk Lives. Compilation, 2003, pochette de disque décalqué sur sac plastique
les cris grinçants de Johnny Rotten, chanteur du
groupe punk, les voix de Guy Debord, Gil J. Wolman,
Michel Mourre, Richard Huelsenbeck, Hugo Ball,
Isidore Isou, mais aussi les voix de communards,
d’anabaptistes radicaux du XVI e siècle, et de quelques
autres encore... bref une polyphonie déraillante qui fait
fi du cours de l’histoire pour penser d’autres
ramifications. Le postulat de l’auteur se tient : « La
question de l’ascendance dans la culture est fausse.
Toute nouvelle manifestation culturelle réécrit le passé,
transforme les vieux maudits en nouveaux héros, les vieux
héros en personne qui n’auraient jamais dû naitre ».
Prenant le parti du transhistorique pour déployer une
pensée synthétique et hallucinée, Greil Marcus
condense le temps et écrit dans les 3’31’’ d’un
morceau sauvage et irrévérencieux, cette histoire
souterraine du XX e siècle qui, moins visible que
l’Histoire « officielle », n’en est pas moins prégnante.
Rassemblés dans un panthéon à l’architecture no
future, les artistes dada et situationnistes dialoguent
avec les Sex Pistols et reprennent en chœur le refrain
de l’insurrection et de la contestation révolutionnaire.

1956 JERRY LEE LEWIS

Aux grandes dames du rock'n'roll : Ella Mae Morse, Rose À Moon Mullican, Merrill Moore et Fats Domino
Maddox, Ruth Brown, Laverne Baker, Lorrie Collins, Wanda
Jackson, Janis Martin, Brenda Lee, Barbara Pittman, … Il est un oiseau rare au surnom de « killer »,
Rapace flamboyant du genre prédateur,
Lorsque Johnny Carroll balançait son « hot rock »
L'autre Johnny, Burnette, un enfant de Memphis, Son plumage est brillant et quant à son ramage,
C'est un chant menaçant fait de glace et de rage.
S'envolait à grands cris sur les traces d'Elvis, On dit de lui qu'il est resté grand « performer »
L'Amérique explosait sous l'incroyable choc. Et lorsqu'il monte au front, séduisant gladiateur,
Il frappe, ah le dément ! sur les touches d'ivoire
Carl Perkins était roi grâce à son « Blue suede shoes »,
Les vieux cons s'indignaient : « Musique de voyous ! » De son piano martyr, instrument de sa gloire.

Al Ferrier, le Cajun, boppait dans les bayous, Michel ROSE
Et la Country partout, couchait avec le Blues.
Extrait de 24 Heures pour des rockers (1994)
Dans un coin s'entraînait le jeune Jerry Lee,
Vincent planait, Buddy berçait son Ollie Vee La rockamobile de Buddy Chessman

Ils avaient découvert les secrets de la vie,
Sur le pays soufflait un grand vent de folie.

Plus importants qu'Einstein, Pasteur ou d'Alembert,
Pionniers à tout jamais d'une divine piste,

Ils étaient les plus grands des existentialistes,
Géniaux et novateurs, tels furent les Rockers !

Michel ROSE

9

Rock The Tour Eiffel

Associer le rock et la France ne sera jamais une sinécure. Les œuvres transversales entre Art et Rock sont nombreuses. Xavier Veilhan, Furtivo (extrait), 2008 - musique : Sébastien Tellier
Au contraire de l’Angleterre, des États-Unis, voire de Les exemples présentés dans ce numéro en font foi. Les vidéo couleur, 29'19'' - Courtesy Galerie Perrotin, Paris © 2011 - Adagp, Paris
l’Allemagne, l’hexagone ne peut se targuer d’avoir un esprits des deux sectes sont animés des mêmes démons :
groupe de rock légendaire et international. Téléphone, Noir goût du scandale, volonté de rompre avec le passé, envie séjour en hôpital psychiatrique, libido exacerbée), écrit un
Désir, ou même l’éternel phénix Hallyday ne feront jamais de se réinventer sans cesse et de conquérir de nouveaux album entier faisant l’apologie du sexe décomplexé,
l’unanimité quant à leur véritable impact sur l’histoire de la territoires. À l’heure de se poser la question si l’esprit rock sobrement intitulé Sexuality. Ses interventions ajoutent plus de
musique, alors que les Stones, AC/DC, où même les est réellement vivant dans ce pays, je voudrais m’arrêter sur confusion qu’elles ne permettent la compréhension du
amusants Scorpions remplissaient (et remplissent toujours) la collaboration entre deux figures bien connues des deux personnage, et au fil du temps, Sébastien Tellier se construit un
les stades du monde entier et continuent de susciter la univers, Xavier Veilhan et Sébastien Tellier. Depuis 2006, les auto-mythe assez fascinant pour peu qu’on s’y intéresse.
ferveur des adolescents en quête d’identité. Là où les deux artistes ont travaillé conjointement sur plusieurs projets : La réunion des deux est d’une logique implacable : Veilhan a
Américains vont de Jerry Lee Lewis à Van Halen en passant trois performances, Super, Sébastien Tellier rencontre Xavier vu Tellier en concert, Tellier a vu un catalogue de Veilhan,
par Elvis et Iggy Pop, où les Anglais vont d’Ozzy Osbourne Veilhan, (Maison des Arts de Créteil, 2006), Val de Marne chacun aime et se reconnaît dans ce que l’autre fait. L’évidence
aux Artics Monkeys en passant par Led Zeppelin, les (MAC/VAL, 2006), Ville Nouvelle (avec Alexis Bertrand, est que, malgré les différences de médium, ils recherchent des
Français vont de Dick Rivers aux BB Brunes en passant par Nuit Blanche, Hôtel de Ville de Paris, 2006) et un film, choses semblables, comme l’esthétisme, le cliché et un certain
les Forbans et Kyo. Héritage difficile à revendiquer. Je force Furtivo, sorti en 2008 (Galerie Emmanuel Perrotin, Paris). amour du spectacle. Veilhan voit ses propres œuvres comme
un peu le trait, c’est évident, mais c’est compliqué pour un Les performances sont plus difficiles à catégoriser qu’il n’y des shows : « L’amour du show, c’est un postulat. C’est une
frenchy de ne pas se sentir obligé d’aller voir ailleurs pour paraît. Si la mise en lumière, en espace, la chorégraphie, histoire de panache, de distance, sans condescendance. C’est
se trouver un aïeul musical un peu crédible. les symboles (on retrouve plusieurs fois des chevaux, ou utiliser des images préexistantes pour rentrer de plain-pied
Pour autant, est-ce à dire que la France est perdue pour le l’utilisation de costumes intégralement blancs), rappellent dans un imaginaire collectif. Je recherche l’impact à travers
rock ? Évidemment non. Surtout pas pour le pays l’installation, nous assistons tout autant à un véritable mes objets ». Ils peuvent aussi se targuer d’une histoire et
autoproclamé de la liberté (la vraie), l’égalité, la fraternité, concert, où Tellier se produit avec une véritable formation d’une image commune : deux starlettes, propulsées trop vite
la poésie, la crânerie, la jouissance (sous toutes ses formes), musicale (justement souvent très rock), ou seul au piano, au goût de certains sur le devant de la scène au propre comme
valeurs Rock’n’Roll s’il en est. Parce que le rock, ce n’est pas pour jouer sa fameuse Ritournelle. La frontière avec le au figuré. Tellier a fait son premier concert comme première
simplement une histoire de guitare, de basse, de batterie, de concert y a donc été parfois très mince. Tellier y était mis en partie de Air devant des milliers de personnes, et a été
chanteur hypersexualisé, de stades remplis et de disques valeur, souvent surélevé par rapport à la foule, rajoutant de sélectionné comme représentant de la France à l’Eurovision,
de platine. C’est un certain état d’esprit. C’est un mélange l’eau au moulin de l’image du musicien-démiurge. Furtivo où il chanta, bien entendu, en anglais (ô sacrilège, qui lui
de provocation, de désir d’éternelle jeunesse, d’exaltation était d’autant plus éloquent : Tellier est le héros d’un long valu certains commentaires de la part du Ministre de la
de l’énergie vitale, dont les avatars sont aussi divers que les clip musical (dont il compose la bande sonore), où un Culture et de bien d’autres). Veilhan fut quant à lui considéré
concerts de garage, la prise de drogue, la dévastation de milliardaire oisif, obsédé par des formes, se fait construire comme l’espoir de l’art contemporain, catalogué chef de file
chambre d’hôtel, la sexualité débridée, la haine de un bateau, en l’occurrence Stealth, un prototype de hors- de la nouvelle sculpture française, parfois épinglé pour son
l’autorité, la religion des copains, ou les passions bord, ancienne propriété du richissime italien Giovanni côté un peu « facile », et évidemment conspué par une
amoureuses suffisamment orageuses pour être crédibles. Agnelli, patron de Fiat, Ferrari et de la Juventus de Turin. certaine partie de la bonne société quand il fut choisi pour
Une certaine façon de voir la vie par-dessus la jambe. Live Tellier y est présenté comme un dandy lunaire (très proche exposer à Versailles il y a deux ans. Mais finalement,
fast, love hard, die young. Voilà qui résume parfaitement de son propre personnage, donc), parcourant la terre à Versailles ou L’Eurovision, ces symboles un peu surannés de
l’esprit, et on remarquera qu’à aucun moment on ne parle cheval, en hélicoptère, en voiture de course, ou en bateau, la culture traditionnelle, sont leurs chambres d’hôtel
de musique. La mythologie du rock se remplit d’elle-même, et on est tenté d’y voir un film tourné à sa gloire. Car ce saccagées, où ils ont exprimé une volonté de s’amuser et de
et la biographie de ses acteurs est souvent mieux connue personnage, il existait avant le film. C’est celui qu’incarne se faire plaisir dans des lieux pas forcément conçus pour.
que leur discographie. Quatre milliards d’humains doivent médiatiquement Tellier depuis plusieurs années, un archétype Comme si on leur avait donné un gros jouet tout neuf qu’ils
savoir que Jimi Hendrix consommait excessivement les de rockstar, brillant mais paresseux, agréable mais provocant. se seraient empressés de casser. Des sales gosses. Comme
femmes et les drogues, beaucoup moins pourront citer autre A propos de ses camarades chanteurs, il déclare dans Blast en quoi, en France, les Guitar Heroes nous feront toujours
chose que Voodoo Child et Hey Joe, lorsqu’il faudra parler 2008, dans une interview croisée avec Veilhan : « La défaut, mais jamais les ados attardés qui ne respectent pas
musique. L’aura de cette musique transcende donc chanson française n’a aucun avenir. Ou s’il y en a un, c’est grand-chose. Là où il y a de la vie, il y a du rock…
clairement le simple fait de poser des notes sur des grâce à mon album ». Auréolé de mystère, il porte
partitions, et l’adjectif « rock n roll » ne s’emploie jamais constamment des lunettes de soleil, récite une biographie Nicolas-Xavier FERRAND
aussi bien que pour parler d’autre chose. mouvementée (enfance plutôt aisée, alcoolisme, violence,

Le rock, l'art, la mèche et les couteaux

Les artistes et les rockeurs vivent et dansent sur des pose la pointe sèche sur le métal, elle se donne à une magique, sa touche personnelle, tout le soin apporté
couteaux. Toujours à la lisière de la vie et de la mort, autre symbolique et se dépersonnalise en accueillant qui relève d’un savoir faire personnel et d’une forme de
ils naviguent sur cet objet en acier inoxydable froid sur sa peau un sigle à la connotation particulière. Par virilité revendiquée tel un soudeur qui travaille le métal.
mais tranchant, sec mais sanglant. C’est avec le corps l’acte en lui-même et toute la violence qu’il peut Le geste et la coiffure que ce soit la banane ou la
usé que les rockeurs vivent, c’est avec le sang abimé représenter, elle conduit le spectateur passif à subir crête, sont comme des codes qui forment et soudent
par les drogues que Johnny Cash monte sur scène et nerveusement un geste dérangeant et pour certains la communauté. Même si on peut les trouver un peu
qu’il s’ouvre l’âme pour survivre d’être soi. Le corps insupportable. dérisoires et superficiels ; ils apparaissent primordiaux
n’est rien qu’une illusion, une barrière entre son âme On connait aussi Marina Abramovic pour une de ses et pour tout bon rockeur qui se respecte, il faut avoir
et le monde, pourtant il exprime par sa consistance vidéos Art must be beautiful où elle se coiffe avec une sur son crâne une coiffure digne de ce nom, qui en elle-
indéniable dans la réalité, la malédiction ou la brosse et un peigne en métal. La vidéo dure environ même porte toute l’histoire d’un mouvement, d’Elvis en
bénédiction profonde de nos existences. Avec lui nous 1’31’’, durant le coiffage/décoiffage elle scande de passant par Johnny Cash. La coiffure rock est un
ressentons nos angoisses qui nous serrent les nerfs, manière spasmodique « art must be beautiful, artist emblème du même statut que la guitare faisant partie
et nos plaisirs qui démêlent ses nœuds. must be beautiful ». C’est sans aucun doute d’une esthétique d’ensemble.
C’est par le corps que Marina Abramovic fera le choix l’expression d’une forme de critique des apparences de Celle-ci apparaît dans l’esprit collectif aujourd’hui tel un
de déstabiliser les sensations physiques d’autrui lors l’art et que derrière tout artiste se cache un travail, mythe porteur d’un caractère, d’un style authentique et
de ses performances. Elle jouera bien souvent du une image modelée qu’elle tente au moyen de sa d’une époque aussi peut-être. Comme dans la vidéo
couteau lors de celle-ci. Pour l’une de ses propre mise en beauté de dénoncer comme une forme d’Annelise Ragno, les jeunes hommes de la fureur de
interventions, Thomas lip, elle s’entaillera le ventre d’absurdité. Annelise Ragno connue pour s’intéresser vivre de Nicholas Ray, film culte des 50’s portent une
avec une lame de rasoir pour former un pentagramme, aux mouvements des corps a produit en 2008 une coiffure gominée avec soin comme Jim Stark
sorte de provocation qui met en abyme plusieurs de ré-interprétation de la vidéo de Marina Abramovic en interprété par James Dean avant d’aller se battre en
nos rapports aux corps. Par ce geste elle engage son filmant des rockeurs en train de se coiffer. Le bruit des duel au couteau pour flatter leurs virilités et charmer
enveloppe physique vers une sorte de processus sèche-cheveux remplace le slogan de la précédente qui les femmes. Mais dans tous les cas, c’est la captation
métaphysique qui dénie son appartenance à la création souffle de manière incessante une musique d’une essence, qui va au-delà des apparences et révèle
divine, le corps comme création de Dieu n’a plus d’écho mécanique. Le geste des rockeurs semble plus calculé le souci d’être plus que soi.
et ne peut avoir de validité. Pourtant elle va le que celui de Marina. Chaque rockeur qu’Annelise a pris
stigmatiser, le marquer à la manière d’un graveur qui soin de débusquer nous dévoile en effet tel un rite Mathias DAISEY

© Annelise Ragno, Artist must be beautiful, 2008, vidéo, 28’ en boucle

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D'autres jardins pour Adonis
Jean-Luc Verna, dessiner ou soulever le cœur

Parcourir l’œuvre d’un homme, c’est la feuilleter sans la survoler, c’est Droite ou courbe ? Qu’importe désormais. Son sens ? Elle a le sens de sa couleur.
l’effeuiller sans jamais tenter de séparer pétales, feuilles, épines et J’ai décidé de ne pas continuer à lui marcher dessus. Je prends la liberté de ne pas
bourgeons de leur sève matricielle. Art and Rock s’enrôlent, puisant tous l’explorer jusqu’au bout. D’ailleurs, le bout, le bout, quel bout ? Le bout n’existe pas.
deux dans les délices de la chair et de la littérature. Ce qui suit est un Le chemin est infini, il est cet homme qui dévore ses pieds en un cercle parfait, ce
chœur, un chœur répondant au concerto pour plasticiens Janet & the serpent qui aspire son propre corps.
icebergs à la galerie GHP à Toulouse, sur le modèle d’un groupe qui
aurait choisi de se former et de ne se réunir que l’espace d’une Je quitterai la ligne quand je le voudrai, quand mon intuition guidera mon cœur vers
exposition ensemble. Jean-Luc Verna a invité Hippolyte Hentgen, Julien des pas inventés par ma seule volonté. Je trouverai la force de détourner pour moi
Tiberi, Frédéric Sallaz, Jonathan Cejudo, Karim Ghelloussi et Loïc seule le chemin. La résistance ne m’épuise pas : elle est dans l’état même de
Lepivert à composer cet album de dessins. Les photographies de Gilles chaque chose. Elle est en moi, elle est moi, je suis elle. D’ailleurs lutte-t-elle plus elle
Vidal marquent la particularité de cet évènement, de ce concert pour moi, que je ne lutte moi pour ma vie ?
graphique. L’écriture fait également écho à la vidéo Nocturnes réalisée Parfois, il m’arrive, à la surface de la lune masquée, d’être heureuse sans savoir
au Musée St Raymond cet hiver pour l’exposition Hystoery, où Jean-Luc pourquoi. C’est à cause du soleil, cette étoile oublieuse de ma mort. Il me rend l’illusion
parcourt la statuaire de la collection permanente en renommant les de l’avenir à chacune de ses apparitions. Je voudrais qu’il me parle, qu’il me susurre
poses imitées par des situations précises mettant en scène, par son le secret de mon mystère. Rien à faire, il poursuit sa course de lumière, laissant
corps sculpté, ses idoles musiciennes. l’arc de mes lèvres à demi-ouvert, béat, en attente de quelques éclats rayonnants.

Sous la nuit, les yeux en étoiles,
La colonne filante de son propre temple
Dessinent le cœur soulevé.

Affleurent les poignets,
Les voyages.
Affleurent les sens,
Les rencontres.
Fards électriques
Et talons d’or
Oublier le jour comme on rêve Là-bas
Eternelle, la fleur
Son parfum réparti dans les mémoires vivantes
Sa couleur confondue à celle du soleil
Brille
De mille pétales d’argent.

Il faudrait un homme,
Il faudrait mille hommes,
Pour ?

Myrtes et Genévriers ont quitté le jardin

Et les bouquets du « flowerman » destinés à Siouxsie
Le sentiment apaisent.
La beauté d’un geste
Ni tout à fait étrange
Ni tout à fait anodin
Pourquoi, tous, chacun,
Ne parfumerions-nous pas « les âmes
à la rose
pour la vie entière » 1 ?

Je connais un homme Jean-Luc Verna, Janet & the icebergs, 2010, GHP, Toulouse © Gilles Vidal
Je connais mille hommes
Qui inventent leurs propres légendes, Il le sait, j’en suis sûre que j’aimerais pouvoir englober le paysage extérieur, le serrer
Tissent leurs vies comme ils tissent leurs songes tout fort au cœur de ma poitrine. J’aimerais tout contenir à l’intérieur de moi pour
Authentiques représentations devenir cette clandestine porteuse de la terre-mère, pour ne plus me sentir
Multiples visages d’un même centre coupable d’exister, coupable de vivre, coupable d’aimer. Enfin, j’aurais le sentiment
Soi. de vivre. Je vivrais partout dans ce nulle part dont mon corps délimiterait les
Le corps, héroïque frontières avec le reste.
Les doigts, l’aurore du mythe Mon étendue lunaire serait alors enfin peuplée et vivante et elle m’utiliserait pour se
Le visage, lit de rivières originelles estompées par les sourires, déplacer… de terre en terre, d’étoile en étoile, de cœur en cœur…
La peau, l’écume des temps retentis Aucune voix. Aucune réalité. Aucun mensonge véritable. Aucune réalité
« Quand Dieu modela dans la glaise le premier être humain, il y peignit les yeux, les mensongère. Seule, la non-existence marche, s’assume et se consume dans une
lèvres et le sexe. Si Dieu était satisfait de sa création, il donnait la vie à la figurine lenteur qui ne se mesure qu’avec le mouvement de la brume. C’est un fait, plus la
d’argile peinte en la signant de son nom » 2 brume s’épaissit, plus j’y vois clair.
Le sens du sacré, le seuil de l’homme Je crains que, dans mon cas, la parole ne soit pas plus importante que le silence.
L’infime, d’intimes notes Je parle pour que la femme du paysage intérieur s’habitue à mon existence et
J’ai un rêve. Devenir rien ou devenir tout. Mais je ne suis ni rien ni tout. Je suis cette apprivoise ma voix. Je ne plierai pas et continuerai à tendre le bras, vers cette vie
virgule charnelle dans la terre déposée. Je ne parle qu’en des langues étrangères à en moi. Quand je l’effleure du bout des sens, elle se défile, se désagrège, se volatilise
tous. Est-ce que quelqu’un comprend le mutisme profond de la parole ? Est-ce que sans me laisser de trace. C’est son passage qui me revient, comme un souvenir à
quelqu’un m’entend ? qui l’on a coupé la parole, comme une âme à qui je dois donner souffle et vie, enfin
Pourquoi la vie ne se donne-t-elle pas à moi ? Pourquoi la vie ne tient-elle pas sa et pour toujours.
promesse ? Je ne veux rien de plus que du silence vif.
À moins que le vœu de la vie soit la mort. Alors, comme ça, pour vivre, la vie
espèrerait la mort ? Helly O’TROPP
Pourquoi pas… ça m’arrange, finalement. Je préfère attendre et m’assurer qu’il ne
se passe rien. Ainsi je n’ai rien à prévenir. Je n’ai rien à prévoir qui ne soit déjà Finally, without end. Pink thinks
visible : la terre autour de moi, ce monde dont je touche pied mais qui me paraît si Antique things
lointain malgré sa matière palpable et docile. Anaïs DELMAS Enter a picture, a life, an ocean.
Parfois, je vois la vie traverser le rêve. Je m’y aperçois, me tournant le dos. Je continue,
je marche, parfois il m’arrive de courir après elle, la vie, cette vie, moi. En vain. mars 2011
Je ne parviens plus à tomber. Le droit à la chute m’a été enlevé. Trop de cartes brûlées
sûrement. 1. Guillaume Apollinaire
Et je flotte, sur un nuage froid et humide noir et compact. Je n’ai aucune visibilité 2. The Pillow Book Peter Greenaway
du dessous du nuage. Sans doute n’y a-t-il rien à voir ? Sans doute n’y a-t-il pas
d’autre profondeur ?
Je tiens sans forcer en équilibre sur un fil confus d’exister, sur une ligne réduite à n’être
qu’une ligne que j’ai toujours perdue et souvent retrouvée, souvent sauvée, enfin… C’est
elle qui me sauve quand, se faufilant entre les plis du corps elle vient soulever la lourde
paupière de l’œil intérieur.

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HORSD’ŒUVRE n° 27 Ce numéro a été conçu par la rédaction en chef en parallèle de l’événement ONE+ONE
édité par l’association (ART & ROCK) qu’INTERFACE coordonne du 16 avril au 28 mai 2011 à Dijon dont
INTERFACE vous pourrez retrouver tout le programme sur son site Internet : www.interface-art.com
12 rue Chancelier de l’Hospital
annemasse F - 21000 Dijon Galerie Barnoud montbéliard Éditions d’artistes nouveautés
t. : +33 (0)3 80 67 13 86 27 rue Berlier
Villa du Parc [email protected] 21000 Dijon Le 19 INTERFACE - HORSD’OEUVRE
12 rue de Genève www.interface-art.com tél. 03 80 66 23 26 19 avenue des alliés 12 RUE CHANCELIER DE L’HOSPITAL - 21000 DIJON
74100 Annemasse ouvert les mer., ven. et sam. 25200 Montbéliard tél/fax : 03 80 67 13 86 // [email protected]
tél. 04 50 38 84 61 Comité de rédaction : de 15h à 19h tél. 03 81 94 43 58 Format : 420 x 594 mm (impression offet)
ouvert du mar. au sam. Frédéric Buisson, Bertrand ® « Rock it » P. Cazal, J. Conscience, ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h,
de 14h à 18h30 et sur rendez-vous. Charles, Laurence Cyrot, P. Gronon, J. Hubaut : 23/04 - 28/05/11 le dim. de 14h à 18h JEAN DUPUY [horsd’oeuvre n°0 - 1997]
Fermé les jours fériés Cécile Desbaudard, Nicolas- ® Katrin Ströbel : 18/06 - 23/07/11 ® « ... With a mental squint » Oh, Ah, Hi, Ici..., 1997-2003
® « Aimant, jaune, fluo, etc » Xavier Ferrand, Marlène Joël Kermarrec & D. Cadio, A. Vasseux, Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste
Véronique Joumard : jusqu’au 23/04/11 Gossmann, Martine Le Gac, Musée Magnin K. Ziemke : juqu’au 12/06/11 Prix unitaire : 70 + 6 de frais d’envoi
® « Losing Sight » Clément Laigle : Nadège Marreau, Michel Rose 4 rue des bons enfants ® « La vie, comme un tableau » Raphaëlle
29/04 - 28/05/11 21000 Dijon Paupert-Borne : 25/06 - 25/09/11 DANIEL FIRMAN [horsd’oeuvre n°1 - 1997-2011]
® « Entropie ce qui reste du monde » Conception graphique : tél. 03 80 67 11 10 Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste
Haute École d'Art et de Design Frédéric Buisson ouvert du mar. au dim. de 10h à 12h mulhouse Prix unitaire : 50 + 6 de frais d’envoi
Genève/Option SCIE : 03 - 14/06/11 et de 14h à 18h
® « Situations de la peinture 4 » Coordination, contacts Agenda : ® « Ashes to Ashes » Lydie La Kunsthalle Muhouse GÉRARD COLLIN-THIÉBAUT [horsd’oeuvre n°2 - 1998-2011]
24/06 - 03/09/11 Nadège Marreau Jean-Dit-Pannel : 16/04 - 15/05/11 La Fonderie Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste
® « Sans titre » Kaz Oshiro : 16 rue de la Fonderie Prix unitaire : 50 + 6 de frais d’envoi
16/09 - 19/11/11 Contacts Presse : Fiona Vianello Eggo Galerie 68093 Mulhouse Cedex
89 rue Berbisey tél. 03 69 77 66 47 ÉRIC DUYCKAERTS [horsd’oeuvre n°3 - 1998-2011]
belfort Ont participé à ce numéro : 21000 Dijon ouvert du mer. au dim. de 12h à 18h, Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste
Franck Balland, Julien tél. 09 50 80 57 55 nocturne le jeudi jusqu'à 20h, fermé les Prix unitaire : 50 + 6 de frais d’envoi
Théâtre Granit Blanpied, Bertrand Charles, ouvert du mer. au sam., de 14h à 20h, lun. et mar., 22, 23, 24 avril et 1er mai
1 faubourg de Montbéliard Mathias Daisey, Anaïs le dim. de 15h à 19h ® « L'idée de la nature » D. Allouche, YAN PEI-MING [horsd’oeuvre n°5 - 1999]
90000 Belfort Delmas, Cécile Desbaudard, ® « Un+Un » E. Barra & B. Kelle : L. Almarcegui, E. Avert, D. Boeno, International Landscape, 1999
tél. 03 84 58 67 50 Nicolas-Xavier Ferrand, 29/04 - 15/05/11 L. Friedländer, L. Ghirri, L. Grawey, Tirage : 200 ex.
ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h Bertrand Kelle, Guillaume W. Grösch / F. Metzger, D. Knorr, Prix unitaire : 15 + 6 de frais d’envoi
le dim. de 15h à 19h et les soirs de Mansart, Aurélien Pelletier, Musée des beaux-arts de dijon B. Moninot, E. Pong, T. Rocha Pitta,
spectacle Michel Rose Palais des ducs et P. Rönicke, R. Signer, E. Simon, G. MARC CAMILLE CHAIMOWICZ [horsd’oeuvre n°6 - 1999]
® « Entre-temps » Blanca Casas des états de Bourgogne Steiner & J. Lenzlinger, C. Twombly : Projet pour le plafond de la chapelle de l’Hôtel-Dieu de Cluny, 1999
Brullet/Pierre Yves Freund : Relecture : Michel Rose 21000 Dijon jusqu’au 22/05/11 Tirage : 99 ex. numérotés et signés par l’artiste + 21 E.A.
jusqu’au 24/04/11 tél. 03 80 74 52 09 ® « 400 Sonnets Inversés, Réunis » Prix unitaire : 46 + 6 de frais d’envoi
® « Le Granit et la Savoureuse » Couverture : ouvert tous les jours sauf le mar. de Seb Patane : 18/06 - 28/08/11
Julie Legrand : 07/05 - 19/06/11 Photomontage, 2011 9h30 à 18h (sauf le 30/04 : 10h à ERNEST T. [horsd’oeuvre n°7 - 2000]
vue de la salle des Gardes du 17h), fermé les 1er et 8 mai nevers Peinture sur palette, Détail, 2000
Ecole d'art Gérard Jacot Musée des Beaux-Arts de Dijon ® « Artist must be beautiful » Tirage : 50 ex. numérotés et signés par l’artiste + 20 E.A.
(org. Frac Franche-Comté) © Musée des Beaux-Arts de Annelise Ragno : 30/04 - 15/05/11 Arko Prix unitaire : 46 + 6 de frais d’envoi
2 avenue de l'Espérance Dijon - photo : François Jay 3 place Mossé - 58000 Nevers
90000 Belfort © F. Buisson, Interface, Dijon atheneum tél. 03 86 57 93 22 JOCHEN GERZ [horsd’oeuvre n°8 - 2001]
tél. 03 84 36 62 10 Université de Bourgogne ouvert mer., ven. et sam. de 15h à 19h YOUR.art, 1991/2001
® « Petit nu » de Stephan Double page intérieure : Esplanade Erasme et sur rdv Tirage : 200 ex. numérotés et signés par l’artiste
Balkenhol par Erik Verhagen : CHRISTIAN MARCLAY 21000 Dijon ® « Partitions » G. Brecht, H. Chopin, G. Prix unitaire : 31 + 6 de frais d’envoi
16/05/2011 à 20h SANS TITRE, 2011, collage tél. 03 80 39 52 20 Chiari, P. Corner, Y. Etienne, I. Hamilton
© courtesy White Cube, Londres ouvert du lun. au ven. de 10h à 17h Finlay, D. Higgins, R. Filliou, J.B. Farkas, J. PETER DOWNSBROUGH [horsd’oeuvre n°9 - 2001]
Tour 46 & musée des Beaux-Arts et les soirs de spectacle Giller, J. Giorno, A. Knowles, M. Nanucci, AND, ET, ICI, 2001
Tour 41 & Citadelle Impression : ICO Dijon ® « précisions sur les vagues #2 » B. Tryolière, E. Parendeau, B. Vautier : Tirage : 100 ex. tamponnés au dos par l’artiste
(org. Frac Franche-Comté) Tirage 5 000 exemplaires Une proposition de : Célia Houdart jusqu’au 17/07/11 Prix unitaire : 46 + 6 de frais d’envoi
tél. 03 84 54 25 51 avec S. Roux, C. Hauser, J. Tuncer, ® « Fever#1 » Les gens d’Uterpan :
® « Hic sunt Leones, Terra ISSN : 1289-951 M. Darrieusecq, O. Vadrot, 13/05/11 ORLAN [horsd’oeuvre n°11 - 2002]
incognita » M. Assaël, E. Bossut, V. Dréville : jusqu’au 7/04/11 ® « Double Mixte 2 » Office abc & Catharsis - Générique imaginaire n°27 / Corporis
L. Bourgeat, M. Bourget, M. Boyce, Publié avec le soutien de Marie Welles : 17/09 - 27/10/11 Fabrica - Générique imaginaire n°26, 2002
T. Claassen, H. Duprat, R. Fauguet, l’ensemble des structures Centre d’art contemporain Tirage : 199 ex. numérotés et signés par l’artiste
A. Guggisberg, A. Lutz, D. Mach, annoncées dans l’agenda et du : Le Consortium Café Charbon Prix unitaire : 100 + 6 de frais d’envoi
A. Molinero, G. Motti, P. Pouvreau, 37 rue de Longvic (org. Arko)
P. Regli, P. Rösel, B. Semmes, S.A. château-gontier 21000 Dijon 10 rue Mlle Bourgeois - 58000 Nevers MARC COUTURIER [horsd’oeuvre n°12 - 2003]
Sigurdsson : 10/06 - 25/09/11 tél. 03 80 68 45 55 tél. 03 86 57 93 22 Pointe d’argent, 2003
Chapelle du Genêteil ouvert : www.leconsortium.fr ® « Entr’acte(s) » Louise Hervé & Tirage : 99 ex. numérotés et signés par l’artiste
besançon rue du Général Lemonnier ® « Deep Comedy » Chloé Maillet : 30/06/11 à 19h Prix unitaire : 75 + 6 de frais d’envoi
53200 Château-Gontier Arman, C. Boltanski, D. Brown, A.
Petit Kursaal tél. 02 43 07 88 96 Bullock, R. Feinstein, G. Friedmann Palais Ducal GIANNI MOTTI [horsd’oeuvre n°13 - 2003]
(org. Frac Franche-Comté) ouvert du mer. au dim. de 14h à 19h K. Fritsch, R. Graham, P. Joseph, K. (org. Parc Saint-Léger) BLITZ, 2003
2 place du théâtre ® « 21e siècle, après Albert Robida » Linzy, I. Genzken, D. Van Golden, D. 1 place de l’Hôtel de Ville - 58000 Nevers Tirage : 200 ex. numérotés et signés par l’artiste
25000 Besançon Daniel Nadaud/Jean-Jacques Rullier : Graham, A. Hubbard, H. Haacke, R. ouvert du mer. au sam. de 14h à 18h Prix unitaire : 50 + 6 de frais d’envoi
tél. 03 81 61 55 18 jusqu’au 05/06/11 Harrison, P. Huyghe, Y. Kusama, B. et le dim. de 15h à 18h
® Raphaël Zarka : 10/05/11 ® Christophe Terlinden : Lavier, M. Leckey, Ming, F. Morellet, ® « celebration » Tony Regazzoni : CHRISTIAN ROBERT-TISSOT [horsd’oeuvre n°15 - 2004]
® Neal Beggs : 01/06/11 02/07 - 28/08/11 O. Mosset, R. Prince, C. Rutault, C. jusqu’au 05/06/11 Sans titre, 2002-2004
projection 18h - 20h Sherman, H. Yang, J. Scher, M. Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste
chelles Smith, W. Wegman, J. Wesley pougues-les-eaux Prix unitaire : 50 + 6 de frais d’envoi
Ecole régionale des Beaux-Arts Zobernig : 9/06 - 15/10/2011
(org. Frac Franche-Comté) les églises Parc Saint-Léger ETIENNE BOSSUT [horsd’oeuvre n°16 - 2005]
12 rue Denis Papin centre d'art contemporain dole avenue Conti - 58320 Pougues-les-Eaux Illustration bleue, 2005
25000 Besançon rue éterlet tél. 03 86 90 96 60 Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste
tél. 03 81 87 81 30 77500 Chelles Musée des Beaux-Arts ouvert du mer. au dim. sauf jours fériés Prix unitaire : 50 + 6 de frais d’envoi
® Istvan Balogh par Stéphanie tél. 01 64 72 65 70 85 rue des arènes de 14h à 19h et sur rdv
Jamet-Chavigny : 06/04/11 à 17h ouvert du ven. au dim. de 14h à 17h 39100 Dole ® « Desire in Representation » Peggy THOMAS HIRSCHHORN [horsd’oeuvre n°17- 2006]
et sur rendez-vous en semaine tél : 03 84 79 25 816 Buth : jusqu’au 15/05/11 NAIL & WIRE, 2004-2005
Centre-ville ® « Anastyloses et reconversions » ouvert tous les jours, sauf le dimanche Tirage : 200 ex.
(org. Frac Franche-Comté) Simon Boudvin : 13/03 - 30/04/11 matin et le lundi 10h à 12h et de 14h reims Prix unitaire : 20 + 6 de frais d’envoi
tél. 03 81 61 55 18 ® Farah Atassi & Élodie Lesourd : à 18h, le mercredi jusqu’à 20h
® Visite guidée par Michel Dector & 22/05 - 17/07/11 ® « Courbet contemporain » : Frac Champagne-Ardenne JORDI COLOMER [horsd’oeuvre n°18 - 2006]
Michel Dupuy : 22/05/2011 à 11h 14/05 -18/09/11 1 place Museux - 51100 Reims Anarchitekton Barcelona, 2006
delme tél.03 26 05 78 32 Tirage : 140 ex. numérotés et signés par l’artiste
Palais Granvelle fresnes-au-mont ouvert du mar. au dim. de 14h à 18h Prix unitaire : 20 + 6 de frais d’envoi
(org. Frac Franche-Comté) Synagogue de Delme ® « Lyot » Julien Carreyn :
Cour du musée du Temps 33 rue Poincaré Le Vent des Forêts 13/05 - 14/08/11 GUILLAUME MILLET / JOËL HUBAUT
25000 Besançon 57590 Delme Mairie ® « Disorder » Nick Mauss : OLIVIER MOSSET / NIEK VAN DE STEEG [horsd’oeuvre n°20 - 2007]
tél. 03 81 61 55 15 tél. 03 87 01 35 61 21 rue des Tassons 13/05 - 14/08/11 Aliza, 200 / 7Hiouppie !, 2007
® « The Mental Cube » Messieurs ouvert du mer. au sam. de 14h à 18h, 55260 Fresnes-au-Mont ® Ciprian Muresan : 16/09 - 31/12/11 Gone West (poster), 2007 / Extra Pur, 2007
Delmotte : 17/06/11 à 20h30 dim. de 11h à 18h tél. 03 29 71 01 95 Tirage : 100 ex. numérotés et signés par les artistes
® « La femme de loth » Edith Deckyndt : ® « 100% Vent des Forêts » Les frères sélestat Prix de l’ensemble : 150 + 9 de frais d’envoi
Le Gymnase - espace culturel IUFM jusqu’au 30/04/11 Chapuisat, M. Crasset, T. Mercier &
(org. Frac Franche-Comté) ® « L’anabase de May et Fusako C. Hamaide-Pierson, F. Nakaya, Frac Alsace CLAUDE LÉVÊQUE [horsd’oeuvre n°21 - 2007]
Fort Griffon Shigenobu, Masao Adachi, et 27 M. Peter, S. Prasad, M. Tschiember, 1 espace Gilbert Estève Sans titre, 2007
25000 Besançon années sans images » Eric Baudelaire : S. Vigny : inauguration le 16/07/2011 67600 Sélestat Tirage : 200 ex. numérotés et signés par l’artiste
tél : 03 81 65 71 28 20/05 - 18/09/11 tél. 03 88 58 87 55 Prix unitaire : 30 + 6 de frais d’envoi
® « FRAC : Next Generation » : limoges ouvert du mer. au dim. de 14h à 18h
19/10 - 23/10/11 dijon ® Olga Mesa : jusqu’au 22/05/11 VERA FRENKEL [horsd’oeuvre n°22 - 2008]
Frac Limousin ® Brice Dellsperger/Jean-Luc Verna : News of the Scaffolding Archive - Toronto, 2008
brest appartement/galerie Interface les coopérateurs 17/06 - 21/08/11 Tirage : 200 ex. + certificat de l’artiste
12 rue Chancelier de l’Hospital impasse des Charentes Prix unitaire : 60 + 6 de frais d’envoi
Centre d’art Passerelle 21000 Dijon 87100 Limoges solre-le-château
41 Bis rue Charles Berthelot tél. 03 80 67 13 86 tél. 05 55 77 08 98 RAPHAËL BOCCANFUSO [horsd’oeuvre n°24 - 2009]
29200 Brest ouvert de 14h à 19h du mer. au sam. ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h, Cent lieux d’art 2 Ta mère la Pub, 2009
tél. 02 98 43 34 95 et sur rdv fermé les jours fériés La vitrine Paulin - 2 rue Beaumont Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste
ouvert le mar. de 14h à 20h et du mer. ® « d'une dérive l'autre ou la tentation ® « une manière de penser les images » 59740 Solre-Le-Châ teau Prix unitaire : 40 + 6 de frais d’envoi
au sam. de 14h à 18h30 du twin fin » Arnaud Maguet & Franck Eon : 19/03 - 11/06/11 tél. 06 37 22 85 7
fermé dim., lun. et jours fériés Olivier Millagou : jusqu’au 28/05/11 ® Bethan Huws : 24/06 - 29/10/11 ® « Moss Garden » Sébastien Gouju : BAPTISTE DEBOMBOURG [horsd’oeuvre n°26 - 2010]
® « abstraction / quotidien » G. Arndt, ® Katrin Ströbel : 18/06 - 23/07/11 jusqu’au 08/05/11 Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste
S. Beckett, A. Léocat, C. Martin, ® Marie Lepetit : 17/09 - ../10/11 lons-le-saulnier ® Laurette Atrux-Tallau : 18/06 - 18/09/11 Prix unitaire : 50 + 6 de frais d’envoi
B-M. Moriceau, B. Steppe, E. Stocker :
16/04 - 12/06/11 Musée des Beaux-Arts vézelay nouveauté
® « Graukarten » Tina Schulz : (org. Frac Franche-Comté)
10/05 - 02/07/11 place Philibert de Chalon Fondation Zervos CHRISTIAN MARCLAY [horsd’oeuvre n°27 - 2011]
® « sélection d'œuvres de la collection 39000 Lons-le-Saunier Maison Zervos - La Goulotte Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste
du Frac Bretagne » John M. Armleder, tél. 03 84 47 64 30 89450 Vézelay Prix unitaire : 100 + 6 de frais d’envoi
Christophe Cuzin, ... : 25/06 - 15/08/11 ouvert du mar. au ven. de 14h à 17h, tél. 03 86 32 36 10
samedi et dimanche 14h18h, ouvert tous les jours de 14h à 19h
Si vous souhaitez que vos manifestations fermé le 1er mai ® « Là, demeure » P. Bisher, J. Dahlberg,
soient annoncées dans l’agenda du ® « Topographie anecdotée du T. Demand, P. Downsbrough, P. Gronon,
prochain numéro, une participation de skateboard » Raphaël Zarka : T. Ruff, M. Sailstorfer, H. Sugimoto,
30 Euros minimum est demandée. jusqu’au 12/06/11 R. Whiteread, ... : 03/07 - 18/09/11


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