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« Les occidentaux se croient dans une position culturelle dominante, les cultures d’autrui n’étant que des hors-d'œuvre, des en-cas entre les vrais repas » Chen Zen

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Published by interface.art, 2016-06-12 12:17:08

HDO_17

« Les occidentaux se croient dans une position culturelle dominante, les cultures d’autrui n’étant que des hors-d'œuvre, des en-cas entre les vrais repas » Chen Zen

Keywords: Identités, identités culturelles, Eric Laniol, Yoshio Shirakawa, Black is a color, Albane Duvillier, Astride Gagnard, Shirin Neshat, Julien Blanpied, Chen zen, Art thérapie, Vincent Chabaud, Ghada Amer, Cécile Desbaudard, Asylum, Julian Resfeld, Adeline Blanchard, Jérôme Dupeyrat, Stéphanie Jeanjean, Biennales d'art contemporain, Julie martin

le journal de l’art contemporain, fév. - mai 2006HORSD’OEUVRE
dijon ® bourgogne ® france ® europe ® ... Couverture :
© Vincent Carlier, Confettis à découper, 2006
n°17 © Michel Rose, Identités, 2006 I dentiques
www.inter face-ar t.com D ifférentes
E trangères
N ationales
T iraillées
I solées
T empérées
E nflammées
S olidt aires…

Identités culturelles Yoshio Shirakawa : Shibukawa Plateforme
Keikaku, Shibukawa, Japon, 2005
« Les Occidentaux se croient dans une position
culturelle dominante, les cultures d’autrui Yoshio Shirakawa
n’étant que des hors-d’œuvre, des en-cas
entre les vrais repas » Chen Zhen L’art contemporain japonais

Il y a seize ans déjà, l’exposition Les magiciens de la Terre 1 avait semé le doute Le 2 septembre 1945, le général MacArthur présida sur le porte-avions Missouri la cérémonie de
dans l’esprit convenu du visiteur local en proposant d’interroger l’actualité des signature du document de capitulation du Japon, occupé depuis quelques jours déjà par l’armée
artistes qui oeuvraient hors des frontières occidentales. américaine. Alors s’écrivit une page fondamentale de l’histoire japonaise. Au travers de cet
événement et de ses suites aux traces photographiques mondialement connues, comme celles par
Un tel questionnement sur la diversité des identités culturelles est aujourd’hui exemple montrant le puissant empereur Shôwa défait, sous les traits d’un petit homme un peu gêné
devenu une constante, à ce point qu’il est possible de se demander si cette dans son frac à l’occidentale, aux côtés du futur gouverneur de l’archipel, en habit militaire mais à
exposition initiale a bien durablement dérangé les esprits, ou si les préjugés l’allure confiante et résolument moderne. L’image est simple, pour ne pas dire simpliste, pourtant elle
persistent, qui nécessitent une mise en lumière incessante 2. Car avec la notion illustre indéniablement le changement politique et social qui intervint à cette époque. MacArthur se
d’identité culturelle, c’est bien d’abord de préjugés dont il est question : notre mit à la tâche, qui ne fut rien moins qu’une modification en profondeur des structures du pays ; la
société, quoi qu’on en dise, se sent comme en possession de valeurs supérieures nouvelle constitution d’inspiration américaine est entrée en vigueur le 3 mai 1947. L’occupation
qu’il paraît difficile, une fois le vernis d’un discours bien pensant retiré, d’effacer. américaine prit fin en avril 1952, le Japon était libéré de ses structures féodales.
Il serait temps pourtant d’envisager une équité des cultures, à l’heure de la Ce bref historique n’a rien d’anecdotique, tant le contexte de cette période est prégnant chez Yoshio
transversalité la plus galopante ; si l’on accepte bien volontiers en effet Shirakawa, comme d’ailleurs il l’est à des titres probablement différents pour d’autres artistes
aujourd’hui qu’un rebond constant entre des pratiques a priori distantes soit de japonais.
mise 3, pourquoi ne pas envisager de penser (et donc de faire) de même pour la Né en 1948 à Tobata (Kita-Kyushu), Yoshio Shirakawa est une personnalité excentrique, au sens
question des identités culturelles ? littéral du terme, de la scène artistique japonaise actuelle. L’artiste est né dans un coin du Japon, loin
de la capitale et du pouvoir central, mais incontestablement dans cette ambiance de changement
Pour autant, il ne s’agit pas ici de revendiquer la disparition de l’autonomie des culturel et social, telle qu’annoncée, seulement dix jours après la défaite japonaise, dans le journal
cultures au profit d’une globalisation artistique déjà fort manifeste. Le Yomiuri-Hochi, qui n’hésitait pas à parler de « commencement d’un art et d’une culture nouveaux »
multiculturalisme n’est pas à proprement parler une gageure dans le champ 1.
artistique contemporain, reste à savoir comment l’utiliser et ne pas en abuser. Recevant une éducation moderne et occidentale, c’est assez logiquement que Shirakawa décida dans
Comme le rappelle fort à propos Chen Zehn, « le multiculturalisme est les années 1970 d’aller étudier en Europe. Le jeune étudiant était attiré par l’Allemagne et la France
davantage une prouesse de commissaire qu’un acte de création » 4. Il s’agit donc et choisit d’ailleurs au départ d’y venir pour la philosophie, qu’il étudiera à Strasbourg.
de reconnaître d’abord les conditions de création d’une œuvre, les principes Consécutivement à la philosophie, il entreprit des études d’art à l’Ecole des Beaux-arts de Strasbourg,
(aléatoires, souvent) de son émergence, être en quelque sorte le migrant de sa puis à Karlsruhe et à Paris, avant d’étudier à Düsseldorf à la Kunstakademie, où enseignait encore
propre expérience artistique. Joseph Beuys. En 1983, après une dizaine d’années d’activités artistiques en Europe, il décida de
rentrer au Japon, comme il l’explique : « Lorsque je décidai de rentrer dans mon pays (…), je réalisai
La première difficulté sans doute est de savoir situer sa propre culture, de que le rêve que j’éprouvais à l’égard de l’Occident commençait à se dissiper, sans pour autant avoir
marquer ce qui la détermine – y-compris dans ses travers – afin de pouvoir trouvé quelque chose susceptible de le remplacer. Ignorant si j’y parviendrais, j’en conclu que je
dialoguer avec d’autres cultures, se déplacer entre elles, dans un agir des n’avais pas d’autre choix que de retourner dans mon île pour essayer de découvrir ce quelque chose.
différences. En ce sens il n’y a aucune raison d’abandonner une culture au profit (…) Il me fallait à tout prix tenter l’expérience d’un retour à mes sources » 2. Ces années de travail en
d’une autre, que ce soit par effet de mode temporaire ou par dépit. L’art ne doit Europe et de proximité avec la culture occidentale ont mené Yoshio Shirakawa à s’interroger sur la
jamais être cette sphère séparée où s’absentent les particularités devant la réception des concepts artistiques occidentaux introduits dans son île à la fin du XIX ème siècle, suite
neutralité toute puissante – et toute illusoire. aux décisions politiques de modernisation du gouvernement de l’empereur Meiji. L’art ne fut qu’un
élément du système global de modernisation du Japon dans le cadre d’une politique dirigiste
C’est d’ailleurs dans ce souci d’échange sans abandon que travaillent les artistes d’occidentalisation. Comme l’a souligné Kenzaburô Ôé, à l’occasion de son discours de réception du
qui traversent ce 17 ème numéro de horsd’oeuvre : David Hammons, qui déclare prix Nobel de littérature en 1994, du processus de modernisation du Japon résulte une double
être « l’ambassadeur bénévole de la communauté afro-américaine » 5, ne se ambiguïté, construite d’une part autour d’une idée de l’Occident et structurée d’autre part autour de
limite jamais pour autant à cette dimension revendicatrice ; Ghada Amer, tout la culture traditionnelle.
en ne cessant de démêler les liens avec la culture de ses origines, interroge Shirakawa est un artiste théoricien qui, face à ce constat historique, s’est senti obligé de s’interroger
davantage les moments où les conventions culturelles – d’où qu’elles nous soient sur ce qu’est réellement l’art contemporain au Japon ; ne serait-il pas comparable pour les Japonais
imposées – deviennent handicapantes, inefficaces, voire inopérantes ; l’œuvre à un rêve ou à une chimère de l’Occident ?
de Shirin Neshat n’est jamais aussi passionnante que lorsqu’elle échappe à son Yoshio Shirakawa fait partie de ces artistes qui à la suite de la modernisation du Japon ont pris
esthétique exotique pour mettre en évidence l’obscurantisme (le refus de ses conscience du fait qu’ils seraient pour ainsi dire déchirés entre la culture occidentale et celle de leur
images dans son Iran d’origine, entre autres), la traque incessante de la pays natal. Au moment où il devint artiste, la modernisation du Japon était une réalité, il travaille donc
différence non admise ; Chen Zhen enfin, dont la transexpérience affirme à partir des réalités historiques du pays. Ainsi il écrivit : « Quel jugement porter, avec le recul du
l’absence de domination culturelle unique et la recherche paradoxale d’une temps, sur la décision historique prise il y a un siècle par mon île de choisir la voie de la modernisation
situation toujours incertaine, situation d’entre les cultures.
2
On le voit, il s’agit donc moins ici de revendications identitaires promptes à
marquer un imaginaire d’oppositions, que de pluralité ouverte dont l’horizon
serait la permanente réactivation : « En ce sens, les artistes sont comme les
ethnologues, ils font la preuve que d’autres mondes, ou d’autres approches du
même monde, existent » 6. C’est sans doute dans la mise en regard des œuvres,
dans leur constante circulation que se joue positivement cette problématique des
identités culturelles : le changement des circonstances, la multiplicité des
regards, les malentendus d’interprétations – voire la méprise – sont des vecteurs
essentiels de la coexistence des cultures.

La circulation des signes aujourd’hui est telle qu’il est constamment nécessaire de
réévaluer ces derniers : comment une œuvre transmet-elle des paramètres
identitaires ? Selon quelles modalités ? Comment évaluer les différents degrés de
réception selon les lieux, les origines des spectateurs ? Comment enfin échapper
à l’hybridation générale qui entraîne inévitablement une occultation des
spécificités ? Voilà quelques-unes des interrogations persistantes dont aucun
artiste ne peut, aujourd’hui, faire l’économie.

Eric Laniol

1. Les Magiciens de la Terre, commissariat : Jean-Hubert Martin, Centre Georges Pompidou et Grande
halle de la Villette, 1989
2. De la Biennale de Lyon en 2000 intitulée « Partage d’exotismes » au très récent Africa remix du centre
Pompidou, en passant par la multiplication des Biennales hors d’Europe ou par l’ouverture très
prochaine du musée « des arts premiers » à Paris… les exemples ne manquent pas !
3. L’artiste serait aujourd’hui au carrefour de croisements incessants, entre le DJ et le designer,
promoteur de formes comme d’échanges, passeur pluraliste… voilà un premier déterminisme culturel
occidental évident, à en croire la lecture des magazines artistiques hexagonaux…
4. Chen Zehn, interview par Eleanor Heartney, in Art Press n°260, septembre 2000, p.22
5. David Hammons, entretien avec Robert Storr, in Art Press n°183, septembre 1993, p.13
6. Carlo Severi, Partage d’exotismes, in Art Press, n°259, juillet 2000, p.32

Black is a color

La récente publication de l’ouvrage Black is a color, c’est à la fois une mise en lumière des œuvres et des L’auteur souligne aussi avec force et justesse le rôle
une histoire de l’art africain-américain contemporain, artistes jusqu’alors peu visibles de par leur majeur d’une minorité au sein de la minorité : les
conçue par l’historienne de l’art contemporain, appartenance à une minorité opprimée, une mise en femmes artistes afro-américaines et leur implication
critique d’art et commissaire d’exposition Elvan perspective historique de la conception changeante au sein de la communauté artistique, féministe,
Zabunyan, (récemment déléguée artistique pour le d’une culture afro-américaine et enfin, une critique noire… Sont ici analysés avec finesse les apports
Mois de la Photo à Paris en 2002 autour du thème implicite d’une histoire de l’art trop souvent d’artistes aussi divers qu’Adrian Piper (dont on peut
Femmes d’images) prolonge ainsi la réflexion occidentale, axée avant tout sur des critères signaler par ailleurs la publication récente d’une
entamée lors de l’exposition qu’elle avait organisée esthétiques d’ordre formel, et ayant tendance à anthologie de ses textes critiques : Out of order, out
en 2001 à la Criée à Rennes : Love Supreme, évacuer les dimensions historique, politique, of sight), Lorraine O’Grady, Carrie Mae Weems,
présentant les travaux de Roy de Carava, Renée contextuelle des œuvres. Lorna Simpson ou encore Renée Green.
Green, Lyle Ashton Harris, David Hammons, Senga
Nengudi, Lorraine O’Grady, Adrian Piper, Lorna Dressant un aperçu des pratiques artistiques des Face à la récente création du Studio Museum à
Simpson et Carrie Mae Weems. Noirs américains depuis les années vingt avec la Harlem à New York, à la prise en compte encore
À cette occasion, Elvan Zabunyan avait déjà précisé Renaissance de Harlem jusqu’aux pratiques timide d’artistes afro-américains au sein d’institutions
son domaine d’investigation : contemporaines d’artistes comme Gary Simmons, comme le MoMA, qui présentait au sein de sa
« Plus de cinq années de recherche, avec plusieurs Elvan Zabunyan interroge les rapports qui lient ces collection permanente une œuvre de David
mois passés à New York, dans le plus grand centre artistes à la prise de conscience progressive d’une Hammons à l’occasion de sa réouverture, le Whitney
mondial de recherches sur la culture noire, ont permis identité noire, à l’affirmation d’une culture différente, museum qui a consacré en 2005 une exposition à
l’existence d’une thèse de doctorat sur les arts visuels aux revendications politiques de leur minorité, à la Romare Bearden, puis à Ellen Gallagher, ou encore
afro-américains depuis les années 1960. Il ne s’agit critique du monde de l’art, enfin à la remise en le succès rencontré par le travail de Kara Walker,
pas d’approcher une œuvre parce qu’elle a été cause, l’appropriation ou le détournement de ce qui l’ouvrage d’Elvan Zabunyan participe de cette
réalisée par un ou une artiste dont la peau est noire, fonde l’art occidental. valorisation nouvelle (depuis les années 1990) en
mais parce que cette œuvre affirme par sa technique, Dans le cadre d’un panorama chronologique, faveur de pratiques artistiques injustement écartées,
ses références historiques et esthétiques, une l’auteur a choisi de se consacrer plus particulièrement tout en comblant un réel manque en matière d’édition
appartenance à la culture afro-américaine. » aux trajectoires personnelles de certains artistes, qui sur le sujet en France.
Le titre même de l’ouvrage reprend celui d’un écrit se répondent ainsi au fil de l’ouvrage. Sont alors
datant de la fin des années 60 de l’artiste californien évoqués les parcours de David Hammons, Danny Albane Duvillier
Raymond Saunders où étaient soulignés les divers Tisdale ou Fred Wilson (…), la carrière prestigieuse
préjugés et réflexions rapides pouvant définir la de Jean-Michel Basquiat étant délibérément laissée Elvan Zabunyan, Black is a color (une histoire de l’art africain-
culture noire. de côté comme effectivement non représentative de américain contemporain), éditions Dis Voir, Paris, 2004.
Ainsi, élaborer une réflexion sur des pratiques par son caractère unique, exceptionnelle et par Adrian Piper, Out of order, out of sight, selected writings, MIT Press,
artistiques émanant de la culture afro-américaine, ailleurs déjà bien connue.
Massachusetts, Cambridge, 1996.

ou l’ambiguïté renouvelée

et du système capitaliste ? ». Etudiant en Europe, Shirakawa a été confronté aux problèmes face cette ambiguïté schizophrène partagée entre héritage culturel sinisé et attirance pour la
auxquels se trouve un artiste japonais travaillant dans le contexte de l’histoire de l’art moderne et modernité occidentale, émerge une vitalité culturelle spécifique, qui révèle un
contemporain occidental. En effet, le Japon a sa propre histoire de l’art moderne, ce qui a contraint cosmopolitisme d’où pourrait encore une fois venir un renouveau de l’art contemporain
Shirakawa à penser dans le champ de ces deux histoires de l’art d’où le renouvellement de cette insulaire.
ambiguïté soulignée par Kenzaburô Ôé. Astrid Gagnard
On le voit bien, Yoshio Shirakawa a choisi de travailler sur la culture, sur les différences culturelles et
sur la réception des idées artistiques et esthétiques dans des contextes différents, en liant son 1. Ruth Benedict, Le Chrysanthème et le sabre, Editions Philippe Picquier, Arles, 1995, page 341.
activité critique et historique à son activité créative. 2. Yoshio Shirakawa, Message en provenance de l’Ile du soleil levant, Edition 23, France, 1997, page 16.
Dans son travail à partir de 1990, il superposa le thème de la culture à celui de l’espace. Sa première
Yoshio Shirakawa : Shibukawa Plateforme Keikaku,
œuvre sur la culture est une sculpture intitulée Standard Japan, inspirée formellement par les Shibukawa, Japon, 2005

kawara, tuiles traditionnelles et par le minimalisme. Shirakawa décida alors de suivre la même
démarche que l’écrivain Soseki Natsume, qui traita globalement des problèmes liés à la
modernisation du Japon. Adopter la même logique en art a conduit Shirakawa à s’interroger sur le
fait de savoir ce qu’est l’art pour les Japonais. La culture devint donc l’orientation générale de son
œuvre. Dans le cadre de la culture, il a
choisi d’interroger certains lieux,
notamment les petites villes, les
campagnes, considérées comme des
espaces où habituellement l’art
contemporain ne se fait pas et n’a pas
cours ; l’art contemporain se concevant
comme un mouvement essentiellement
urbain, les villes selon l’artiste le
« produisant » et le « consommant ». Dans

une œuvre comme La mémoire d’une

styliste locale – le rêve de Sachiko,
il tente de percevoir le changement du
monde à travers un lieu commun et
déserté. Ses travaux récents mêlent
problématiques culturelles, historiques et
locales.
En rentrant au Japon au début des années
1980, Yoshio Shirakawa mit toute son
existence d’artiste en jeu, ce choix du
retour au pays natal n’a en aucun cas été
une solution de facilité. Le Japon est un
pays dur pour les artistes en marge du
système de l’art établi, loin de la norme et
de la mode. Il retourna au Japon, au
moment où son rêve de l’Occident prit fin,
réalisant que les problèmes existant entre
la tradition et la modernité, tels qu’il les a
perçus, sont ceux du Japon, et non pas
ceux de l’art. Probablement, car le Japon a
eu une vision volontariste et peut-être
parfois une compréhension univoque de la
modernité et de la modernisation. Mais de

3

Shirin Neshat, Hybris de la sexualité et de la liberté au travers de mises en scène filmées, alternant subtilement la
narration et la métaphore très utilisée pour signifier certains propos susceptibles d’être
Shirin Neshat : Passage, 2000, video still Dans un monde globalisant, où les différentes cultures se censurés par un régime répressif. Les vidéos sont construites selon un procédé de juxtaposition
© Courtesy Barbara Gladstone chevauchent, de nouveaux paradigmes naissent, fruits hybrides d’images, qui crée un pont visuel et matérialise la rupture ou l’incompréhension entre deux pôles,
de ces croisements interculturels. Ces fruits du métissage que ce soit entre l’Orient et l’Occident, ou entre les hommes et les femmes, tout en instaurant
ébranlent les références et invitent à reconsidérer les questions un dialogue entre les différents protagonistes.
d’identités individuelles et collectives afin d’appréhender les
fondements d’un nouvel ordre social. Dans la très sensuelle pièce vidéo Fervor, réalisée en 2000, elle expose habilement
Dans son récent livre, Kwame Anthony Appiah 1, s’interroge sur la l’ambivalence d’une culture où le port du voile destiné à éteindre le désir présente le paradoxe de
manière de composer avec le libéralisme et la vision rendre la femme mystérieuse et désirable. Le spectateur est le témoin de la rencontre avortée
multiculturelle. Il défend un enracinement profond du entre un homme et une femme magnétisés l’un par l’autre et qui resteront toujours séparés par
multiculturalisme, qui, selon lui, doit être abordé avec créativité et les nombreux dispositifs érigés par la religion.
ouverture.
Si les métaphores relatives à l’identité culturelle, pure souche, En 1999, le prix International de la Biennale de Venise est attribué à Turbulent (1998), qui
hybride, métisse, convoquent le lexique utilisé en botanique et en présente une chorégraphie picturale entre un homme et une femme. D’un côté, l’homme chante
zoologie pour définir les processus de reproduction ou de une chanson d’amour persane à l’attention d’un public exclusivement masculin qui applaudit
lorsque celui-ci à terminé. De l’autre la femme, Sussan Dehym 5, portant le tchador traditionnel
mélanges d’espèces, il ne s’agit pas d’un hasard. Hybride, « (Du) mot chante une chanson sans paroles, ponctuée de gémissements devant une salle vide. Ici, l’homme
est doué de parole dans la sphère sociale alors que la femme apparaît seule psalmodiant devant
grec « hybris » signifie enfreindre les lois divines. un auditoire inexistant.

L’homme hybride pénètre dans une nouvelle époque dans Passage, premier film en couleur réalisé en 2001 sur commande du compositeur Philip Glass,
laquelle il laisse les lois divines derrière lui. Il ne est une méditation sur la mort et les rites funéraires. Dans un paysage rocailleux, une jeune fille
s’agenouille devant un tas de pierres, des figures vêtues de noir se serrent les unes contre les
demande plus « Que suis-je dans ce monde ? » il demande autres sur le sol, des cortèges funèbres passent, un long chemin de pierre sinueux s’enflamme
soudain projetant des volutes de fumée noire dans l’immensité du ciel vide.
« Qu’y a t’il à faire dans ce monde ? Qui de mon moi doit
Les dernières œuvres de Neshat, actuellement visibles à Berlin, Mahdokht (2004) et Zarin
le faire ? » (Dick Higgins) 2
Le divin est précisément l’un des fondements essentiels, sur lesquels (2005) sont inspirées de la nouvelle interdite Femmes sans hommes de Shahrnush Parsipur,
éditée en 1989 à Téhéran. Le livre comporte plusieurs histoires, courtes et métaphoriques,
sont érigées et reposent les lois d’une nation, en dehors desquelles la relatives aux vies de cinq femmes différentes qui souffrent de leurs situations respectives et qui
s’enfuient pour se retrouver dans un jardin où elles chercheront à former leur propre société.
vie communautaire serait impossible. La remise en question du divin, Loin des stéréotypes, l’œuvre de Shirin Neshat tire sa force de sa position hiératique qui donne

Shirin Neshat : Zarin sa disparition ou le syncrétisme (mélange des religions) génère une à voir sans prendre partie. L’artiste déclare : « dès le début, j’ai pris la décision que ce
© Photo : Haupt & Binde déstabilisation de la cohésion sociale en confrontant les individus ou
les sociétés à un nouvel ordre. travail n’allait pas traiter de moi ou de mes opinions sur le sujet et que ma

Sans pour autant enfreindre les lois divines, l’artiste iranienne Shirin Neshat position serait celle de ne pas en avoir. Je me suis dès lors située en posant

questionne, avec respect mais sans complaisance, les valeurs religieuses uniquement des questions sans jamais y répondre. Mon interrogation, ma

islamiques iraniennes. La condition de la femme dans cette culture est au curiosité principale, portaient simplement sur le fait d’être une femme dans
l’Islam ». « Il est pour moi vital, de traiter un thème de l’intérieur, dans
cœur des préoccupations de l’artiste exilée aux Etats-Unis depuis 1974.
l’intention de créer quelque chose de pur et de ne pas succomber à la pression
De son exil a germé une réflexion, associant sa culture originelle à celle de tirer des parallèles entre deux cultures » 6
La distance prise par Shirin Neshat avec sa culture lui permet d’en mieux dessiner les contours
qu’elle a adoptée, pour donner naissance à de nouveaux postulats métissés, au travers d’une œuvre qui restitue tant la nostalgie que l’amour qu’elle lui porte. En composant
avec son identité culturelle originelle, elle propose une délicate alternative qui célèbre le mariage
mais non atténués ou consensuels pour autant. De cette manière, l’œuvre de réussi entre deux cultures riches de leurs différences.

Shirin Neshat est une remarquable contribution à l’établissement d’un nouvel Lucille Peget

ordre culturel hybride et matérialise, entre autres, l’enracinement profond du 1. Kwame Anthony Appiah, « The Ethics of Identity », Princeton University Press, Princeton, Oxford, 2005
2. Wolfgang Becker, Catalogue « Continental Shift », Un voyage entre les cultures, 2000.
Shirin Neshat : Fervor, 2000 video still multiculturalisme évoqué par Kwame Anthony Appiah. 3. Entretien de Shirin Neshat par Marine Van Hoof in Art Press, n°279. mai 2002
© Courtesy Barbara Gladstone Dans un entretien accordé à Marine Van Hoof, l’artiste, questionnée sur 4. Le 7 novembre dernier, à l’appel de Maryam Rajavi, Présidente de la République élue du Conseil National de la Résistance
Iranienne (le parlement de la résistance en exil) des milliers de militants ont manifesté dans les rues de Bruxelles pour
l’urgence du dialogue entre l’Orient et l’Occident à l’issue des évènements du soutenir la mise en place d’un régime démocratique en Iran.
5. Sussan Deyhim est la compositrice des illustrations sonores de Turbulent, Raptures et Fervor. Album, Madman of God Divine
11 septembre 2001, explique que son œuvre était à l’origine un dialogue entre elle–même et Love Song of The Persian Sufi Masters. CramWorld/crammed Discs, 2000. « Cette collection de mélodies classiques du
répertoire Persan est basée sur la Poésie de Rûmi, Hafez et d’autres écrivains Sufi du XI ème au XIX ème siècle. Ces
son pays pour devenir par la suite plus universelle « L’œuvre naît d’un point de vue
pièces sont aussi bien connues de mes grands-parents qu’elles le sont de ma génération. Elles représentent le
culturel spécifique, mais elle se déplace, et ainsi traverse ce particularisme flambeau de la musique classique persane » Sussan Deyhim
6. « For me it is vital to portray a theme from within in order to create something that is pure and not to succumb to the
pour tenter d’atteindre un nouveau plateau où elle serait universelle » 3. pressure of drawing parallels between two cultures. », Shirin Neshat, p.10 cat., Kunsthalle Wien, Vienne 2000.
Shirin Neshat, artiste photographe et vidéaste, est née en 1957 à Qazvin en Iran. Elle s’exile aux
États-Unis à l’âge de dix-sept ans, cinq ans avant que l’Ayatollah Khomeiny ne s’installe au pouvoir.
À son retour en Iran en 1990, elle constate que la révolution islamique de 1979, alors porteuse
d’espoir pour les Iraniens en quête de démocratie et de progrès socio-économiques, a laissé
place à un pouvoir autoritaire et répressif. 4 Les fondements non religieux de la culture de son
enfance ont disparu au profit d’un régime intégriste contrôlant tous les aspects de la vie
quotidienne des Iraniens. Les femmes voilées ou en burqas dominent le paysage ; leur statut
dans la société islamique devient alors l’épicentre de l’oeuvre de Shirin Neshat, questionnant
entre autres, le symbole que représente le port du voile.
À son retour d’Iran, entre 1993 et 1997, elle se fait l’écho des femmes Iraniennes réduites au

silence. Dans la série photographique des Women of Allah l’artiste se représente armée, vêtue
d’un tchador la couvrant de la tête aux pieds, de la poésie féministe militante en persan apparaissant

sur les parties de son corps restées visibles.

Par la suite, Shirin Neshat poursuit son œuvre sur les thèmes, éminemment universels, du désir,

I’m not white like Frank Black,
No I’m black like Charles White is 1

« L’espace est un endroit agéable. New York), on a dit beaucoup de choses sur David écho au procès de Bobby Seale, co-fondateur du Black
Hammons, et dans le même temps, très peu. Panther Party, qui fut présenté ainsi devant le tribunal de
Un endroit où vous pouvez être libre. David Hammons est un joueur. Il pratique le jeu de mots Chicago au mépris des droits fondamentaux de la défense,
comme d’autres pratiquent le golf, musicien et amateur David Hammons fabrique des images de persona non grata
Il n’y a pas de limite aux choses que vous pouvez faire. (dans le sens premier du terme) de jazz, il joue avec les qui irritent, formulant une critique acerbe envers l’Amérique
clichés et les stéréotypes « ethniques ». Il dénonce l’absence et les systèmes qui la régissent. Ces « radiographies »
Votre pensée est libre et votre vie en vaut la peine. et l’invisibilité des artistes noirs dans le consternant concert contemporaines, qu’il décline avec cynisme, dévoilent un
artistique, en résistant, de manière éthique, au si bien artiste à la recherche de sens sur des projections doxiques
L’Espace c’est l’Endroit » 2 nommé White Cube et à toute tentative de récupération. Il concernant sa communauté. Il note que toutes les notions
prend la rue comme atelier et lieu d’exposition, parce que négatives se rapportent, dans une traduction métaphorique
Herman “Sonny” Blount aka Sun Ra c’est ici que se passent les choses. Il recharge la mémoire et imagée, à la couleur noire, alors que dans le même temps,
le quotidien en utilisant le détournement des symboles. Un le blanc est un symbole positif et pur. La fin du
L’artiste noir américain David Hammons, est né en 1943, à Contexturaliste 3 en somme. conditionnement comme réparation ?
Springfield (Illinois). Il est le plus jeune d’une famille de dix L’artiste a débuté avec des Body Prints, fort symboliques, Avec Spade (1974), il imprime les deux faces inversées de
enfants et d’une mère seule. Il migre à l’âge de vingt ans à travaillant sur la notion dichotomique de l’empreinte son visage dans un as de pique (spade en anglais), il pointe
Los Angeles pour y étudier et finit par rejoindre New York (négatif/positif ; noir/blanc, Afro/Américain, présent/absent). la polysémie du terme, spade désignant aussi bien un as de
en 1975. Ses voyages en Europe l’influencent Il s’enduit le corps de graisse et imprime directement une pique, une bêche et un « nègre », dans le langage « de la
profondément. Il subit très jeune la ségrégation (il avoue ne partie de son corps sur des panneaux cartonnés qu’il rue ». Le terme étant utilisé aussi dans l’expression « To call
pas savoir nager parce que les piscines étaient interdites saupoudre ensuite de craie ou de pigments colorés, fixés a spade a spade », que l’on traduit par l’expression
aux noirs) et développe une conscience éclairée de son ensuite avec de la colle en bombe aérosol. Que ce soit en « appeler un chat un chat ». Spade devient un élément
identité culturelle, sa Blackness, qui se révèle être le puissant train de prier dans Pray for America (1969), la tête couverte central de son vocabulaire à partir de 1971, alors qu’il
moteur de sa créativité artistique. par un drapeau américain ou dans Injustice Case (1970) où découvre l’œuvre de Mel Edwards, Lynch Fragments. Bird
En disant cela, à peu près ce que n’importe quelle notice il réalise une empreinte de son corps, poings et pieds liés à (1972) est une « conjugaison » de ce vocabulaire interne.
d’œuvre sur l’artiste pourrait dire (peut-être parlerions-nous une chaise, avec pour décor, la bannière étoilée, faisant Via le rébus visuel, il rend un vibrant hommage au jazzman
aussi de sa fameuse performance Bliz-aard Ball Sale (1983),
épisode des « boules de neige » qu’il vend dans les rues de

4

Charlie Parker, intégrant à la manière d’un ready-made une donnant l’illusion d’un cocotier, phantasme d’exotisme et black ! Le Charbon (Coal), le train (train), le musicien
bêche rouillée dans un saxophone, avec une main de projection d’une utopie blanche sur la communauté noire (Coltrane) ? L’univers sonore et visuel de David Hammons est
mannequin posée sur les clés de l’instrument, prêt-à-jouer… américaine. L’érection de ces objets, en pleine rue ou sur une poésie à oraliser. Et l’on sait l’importance de l’oral dans
On sent poindre très tôt non seulement une liberté poétique des terrains abandonnés, renvoie aussi à une interrogation la communauté africaine.
dadaïste, mais aussi une indéniable créativité à partir de phallique humoristique (que l’on retrouve dans d’autres En disant cela, on a dit peu de choses sur David Hammons.
matériaux pauvres, principe fondateur de l’Arte Povera. travaux, notamment Ear Of Corn en 1997). L’ascension « Ce que je tente de faire, c’est de parler de manière confuse ;
L’utilisation de matériaux bruts et quotidiens (cheveux (« c’est sociale par le sport n’est pour David Hammons qu’une pour être certain que quand je partirai d’ici, il n’y aura rien
la fibre la plus incroyable que je connaisse » avoue t-il très exploitation du jeune homme noir par l’establishment blanc qui n’aura vraiment été dit. Tout revient au néant » 4.
sérieusement), graisse, rebuts, tessons et bouteilles d’alcool et malgré tout une partie de la culture de rue, paradoxe
(souvent assimilés à la solitude errante des sans-abri), qu’il exprime à travers l’installation Untitled (2000) Finalement, ne peut-on pas sentir une volonté de David
viande et légumes frits à l’huile, panneau de basket, coton, juxtaposant un panier de basket DIY avec des chandeliers Hammons à pousser le spectateur à improviser avec les
musique jazz, bannière étoilée (qu’il détourne régulièrement et miroirs luxueux, très WASP. éléments qu’il fournit, comme un jazzman improvise avec
en y incluant les couleurs de la nation « noire », le vert pour Mais ce qu’aime par-dessus tout David Hammons, c’est le des « plans » pré-existants ?
la terre et la promesse d’une vie meilleure, le rouge pour le jazz. Il y fait constamment référence et notamment dans son David Hammons fait partie de ces artistes qui témoignent
sang versé et le noir pour la couleur de la peau et symbole œuvre manifeste Chasing The Blue Train (1989). d’une semblable volonté de dévoilement des structures
de fierté), …Tous ces objets qui construisent une identité. L’installation montre un train électrique circulant entre des invisibles de l’appareil idéologique en laissant toujours sur
« Old dirty bags, grease, bones, hair . . . it’s about us, it’s couvercles de pianos à queue debout et un tunnel réalisé sa partition, une place à l’improvisation.
about me. It isn’t negative. We should look at these images grâce à un tas de charbon. De la musique est diffusée Thank You Brother David Hammons !
and see how positive they are, how strong, how powerful. Our simultanément : au programme, Thelonius Monk, John
hair is positive, it’s powerful, look what it can do. There’s Coltrane et James Brown. David Hammons, dans son Julien Blanpied
nothing negative about our images, it all depends on who is entreprise de restitution d’une certaine histoire afro-
seeing it and we’ve been depending on someone else’s sight. américaine, va jusqu’à utiliser des bouteilles de vin de 1. Jeu de mot (cher à l’artiste) avec les paroles “I’m not black like Barry White,
. . We need to look again and decide ». marque Night Train. L’hommage émouvant à John Coltrane no I’m white like Frank Black is” de la chanson Fire Water Burn du groupe
C’est dans cette investigation de la culture populaire qu’il (et à l’histoire de son peuple) peut se lire à différents américain Bloodhound Gang. Charles White, aussi connu sous le nom du
joue, sans cesse, avec les signes et les référents. Dans la niveaux, le titre faisant référence à deux chefs-d’œuvre du Peintre de la dignité, est la première rencontre artistique de David Hammons.
série qu’il réalise dans le courant des années 80, Higher saxophoniste : Blue Train enregistré en 1957 et à Chasin the 2. Traduit de l’anglais par Valérie Schwartz.
Goals (que l’on peut traduire à la fois par « des objectifs Trane, impressionnant live improvisé en 1961 à New York. 3. Notion établie par Lynda Goode-Bryant et Marcy S.Phillips à la fin des
plus élevés » et « des paniers plus hauts ») il manie un David Hammons évoque tout à la fois le coût humain de la années 70. « Ce terme se mesure à sa capacité à évoquer des pratiques très
sarcasme poignant et le jeu de mots intelligent pour construction du réseau ferroviaire américain, diverses relevant pourtant d’une problématique commune : le rôle joué par
pousser à la confrontation des stéréotypes culturels et la l’esclavagisme, les migrations de populations à la quête de l’art au sein de la réalité, le statut de l’artiste et son travail, l’œuvre et sa
question de la race. L’installation in situ et éphémère (forme travail, les mines de charbon (le charbon possédant une relation au contexte de sa création. » (Elvan Zabunyan in « Black is a color »,
suprême pour éviter toute marchandisation de son activité) caractéristique chromatique évidente en lien avec la Quand les attitudes deviennent forme, 2004)
l’amène à ériger des poteaux téléphoniques avec, à leur proposition et étant dans le même temps le combustible de 4. David Hammons, Discussion avec Deborah Menaker Rothschild Reflections
sommet, des paniers de basket inaccessibles. Les poteaux la locomotive). David Hammons a déposé sur le charbon of a long distance runner, dans le catalogue d’exposition Yarbird Suite,
sont « décorés » de centaines de tessons de bouteilles, une couche de pigment bleu. Le bleu, le Blues, le Blues est Hammons 93, Williamstown, Massachusetts, 1993.

Chen Zhen, Spécialiste de l’Art Thérapie

Après avoir étudié les Beaux-Arts et la scénographie à Les deux idées sont compatibles car Chen Zhen est né et a

Shangaï, Chen Zhen – né dans cette ville en 1955 soit six grandi en Chine puis une fois à l’Ouest, il a développé dans

années après la fondation de la République Populaire de son travail la relation entre la tradition et la modernisation à

Chine – quitte son pays et un régime totalitaire qui n’offre l’œuvre en Orient et en Occident. Avec les roues, on

aux artistes qu’un réseau culturel très restreint. augmente la vitesse de déplacement de l’objet ; indication à

Il arrive à Paris en 1986, s’y installe, intègre l’Ecole mettre en rapport avec la circulation de l’information et les

Nationale Supérieure des Beaux-Arts et vit en dessinant systèmes et moyens actuels de communication des

des portraits dans la rue pendant l’été. En 1990, il réalise sociétés occidentales qui la décuple.

ses premières installations et est exposé pour la première En regardant la Maison portable, je ne peux m’empêcher
fois à Paris. de penser à la maladie de Chen Zhen et au fait que celle-ci
Cette fuite et migration culturelle de l’Est vers l’Ouest, le l’ait conduit, peu de temps après avoir achevé cette pièce, à
changement de régime social et politique d’un système sa dernière demeure. C’est une des dernières œuvres
collectiviste et communiste vers un système individualiste réalisées quelques jours avant son hospitalisation.
et capitaliste seront pour lui des sources fortes de
réflexion et d’inspiration. La Maison portable, métaphore de l’embarcation

La démarche artistique de Chen Zhen, nourrie par des Chen Zhen : Maison portable, 2000 bois, métal, bougies conduite par Charon nocher du Styx, Chen Zhen y prenant
aller-retour entre différents territoires et cultures, © Courtesy Art & Public, Genève place pour rejoindre sa dernière demeure ?
s’intéresse aux données historiques, sociales et politiques Ou alors, faut-il y voir le symbole de la maison sans racine
des pays qu’il découvre. d’un homme voyageur, prolongement de l’expérience de
Le contexte de production de l’œuvre ainsi que le geste du nomade de l’artiste ?
créateur sont essentiels pour Chen Zhen qui a dit : « Je Il y a un certain anachronisme qu’affectionne Chen Zhen

crois à l’intelligence de la main et surtout à la force de entre l’aspect de la Maison portable et l’époque

balancier c’est-à-dire d’équilibre entre main et savoir ». contemporaine où l’on se déplace davantage, de plus en plus loin et de plus en plus vite.

En 2000, il décède des suites d’une longue maladie, forme incurable d’anémie. Laissons la parole à Chen Zhen : « L’identité d’un artiste ne dépend pas de sa nationalité, mais

Chen Zhen a été exposé dans les plus grandes institutions internationales notamment à Paris de sa compréhension profonde et de sa réflexion critique vis-à-vis de sa propre culture, et aussi

au Palais de Tokyo en 2003-2004. de son ouverture au monde et à sa diversité ».

La Maison portable, pièce testament et spirituelle que Chen Zhen réalise en 2000, est Les bougies rouges, déposées au cœur de la maison en un geste hautement symbolique,
l’œuvre que j’ai retenue comme fil rouge de la réflexion. esquissent une réponse au sujet de la pensée de Chen Zhen.
L’artiste utilise fréquemment dans son travail les objets du quotidien qu’il collecte au gré de En Chine, la bougie – très employée dans ce pays – incarne la durée d’une vie d’homme.
ses déambulations. Il récupère des objets obsolètes et abandonnés pour leur redonner vie. L’ensemble des bougies représente donc un village, tous les villages.
C’est à la périphérie de Paris, au marché aux puces de Saint-Ouen, qu’il repère l’objet qu’il Les bougies sont des créatures vivantes qui révèlent la préoccupation humaine de Chen Zhen ;
sa propre interrogation face à l’esprit, au corps et à sa maladie illustrant un unique concept
transformera en Maison portable.
Celle-ci se présente comme une fabrication artisanale et ancienne en bois, de forme d’art thérapie subtil et puissant.
rectangulaire, montée sur roulettes. L’art de Chen Zhen est l’esprit de l’homme évoluant au sein de la nature et de la société et son
travail, par la profondeur de sa pensée entre Orient et Occident, acquiert une dimension
Cette maison à fond plat est composée de quatre hauts côtés ajourés constitués de lamelles spirituelle.
de bois espacées. La partie supérieure, ouverte sur l’extérieur, est rythmée par trois arceaux Peu importe pays d’origine ou pays d’accueil. Partout il faut chercher, chercher à comprendre
de bois, équidistants, formant comme un pont entre les deux grands côtés. pour pouvoir nourrir sa réflexion et la transmuer en art.
Quatre poignées en bois sont fixées aux extrémités à mi-hauteur de la maison et quatre Par nécessité personnelle mais aussi en raison de son souci constant de l’homme et du
roulettes rouges supportent toute la structure. diagnostic des maladies du monde, Chen Zhen, à la fin des années 90, a comme grand projet
L’hypothèse qui vise à percevoir un ancien lit d’enfant au travers de la « Maison portable » d’apprendre la médecine traditionnelle chinoise mais la bougie en a décidé autrement car elle
est possible car le lit accompagne la vie – thème cher à Chen Zhen – et celui-ci est présent s’est trop vite consumée pour l’autoriser à aller au bout se son processus d’expérimentation.

dans plusieurs installations dont Cradle, 1995 et Jue Chang-Fifty Strokes to Each,

1998 ainsi que dans les stèles qui soutiennent les objets dans la plupart de ses pièces.

Si l’on observe l’intérieur, on distingue un amas compact de bougies rouges, couleur Vincent Chabaud
récurrente chez Chen Zhen, qui est une forme un peu étrange qui se devine à travers les

lamelles de bois et qui paraît habiter la maison.

L’épouse de Chen Zhen, présente lors de la découverte de l’objet, m’a précisé sa destination sources :

originelle. - Mme Chen

À la campagne, cette caisse – à portes coulissantes – était utilisée par les paysans pour le - Entretiens avec Chen Zhen, Éd. Les Presses du réel, 2003
transport du cochon… ; manœuvre effectuée par deux hommes qui soulevaient le chargement - Monographie dirigée par David Rosenberg & Xu Min, Éd. Gli Ori, Prato, 2003

à l’aide des poignées.

Chen Zhen a-t-il voulu fixer quatre roulettes à la base du « chariot » en hommage à ses

ancêtres qui inventèrent la roue, ou plus simplement, s’agit-il de donner à l’objet un statut plus

contemporain ?

5

© thomas hirschhorn - édition interface, dijon - 2006



Ghada Amer : la déconstruction de l’identité culturelle

Ghada Amer est née À 21 ans, après avoir vécu dix ans en France, G.A. retourne en Egypte et constate avec

en 1963 au Caire. Elle frayeur que son pays d’origine est devenu beaucoup plus conservateur que lorsqu’elle

a passé ses dix l’avait quitté. Elle découvre notamment l’existence d’une revue de mode, « Venus », dans

premières années en laquelle les tenues de haute couture contemporaine sont adaptées à la nécessité de porter

Egypte et les dix le voile. Choquée, elle décide de réagir contre cette oppression. Toute une partie de son

suivantes en France où œuvre témoigne de cette orientation à travers l’exploration des modèles de la femme dans

ses parents l’ont son acceptation traditionnelle. Le mode d’expression artistique choisi par Ghada Amer, la

encouragée, ainsi que broderie, s’inscrit dans cette optique. Ses figures et motifs, comme nous l’avons déjà

ses sœurs, à découvrir souligné, sont brodés sur la toile, quelques éléments peints s’ajoutent parfois. Elle fournit

la culture française trois explications – révélatrices au passage du rapport ambigu que toute personne entretient

tout en respectant la avec son éducation, entre acceptation et rejet – face à ce choix. « Dans ma famille, chaque

tradition musulmane. femme coud ; c’est quelque chose que j’ai dû apprendre même si je ne le voulais pas. » 5 Ayant,

comme toutes les femmes de sa famille, appris à broder et maîtrisant cette technique, elle se

Cette double identité serait spontanément orientée vers cette pratique dans le cadre de sa création artistique.

Ghada Amer : Projet "Poufs", 1998 culturelle lui permet de Mais elle explique également :
Photocopie couleur mise en volume; 9 x (5 x 5 x 5 cm) développer un regard « Coudre pendant des jours des images de femmes tirées de revues pornographiques
© Collection Fnac, Paris critique sur chacune des destinées aux hommes est une aberration. Ici je participe de la double soumission de la

deux cultures sans chercher à affirmer l’une d’elles. Dès le départ son oeuvre se concentre femme : la femme qui coud et la femme qui coud sa propre image déformée !! » 6 Nous

sur l’exploration mais aussi le détournement des repères culturels orientaux et occidentaux. reviendrons sur les images tirées de revues pornographiques, G.A. associe donc ici

Elle travaille précisément sur la notion de « modèle » : « Ce qui m’intéresse dans les clichés, clairement le fait de coudre à une forme de « soumission » de la femme et revendique la

c’est l’idée du ‘’modèle à suivre’’, et dans la vie nous y sommes partout confrontés ; dès la volonté de signifier cette soumission à travers le choix de la broderie dans son oeuvre. Elle

naissance on nous montre comment il faut vivre, on nous éduque dans ce sens, on grandit évoque enfin le désir de se démarquer de la technique picturale inventée, selon elle, par les

et on suit le modèle qui nous a été imposé. Tout mon travail tourne autour de l’idée de hommes en utilisant un mode d’expression féminin : « Je voulais peindre sans utiliser de

modèle. » 1 peinture mais plutôt en utilisant un « intermédiaire » féminin pour transformer l’acte de

Trois principales thématiques sont explorées dans son œuvre : la tradition écrite (religion, peinture. ». 7 Que ce choix de la broderie soit spontané ou calculé dans le but de signifier

conte, légende), les modèles de la femme dans son acceptation traditionnelle (la femme au une forme de soumission féminine ou encore d’affirmer un mode d’expression purement

foyer, la beauté, le mariage…) et la sexualité féminine. Il est intéressant de noter que si le féminin, il témoigne de l’identité féminine traditionnelle, aussi bien en Orient qu’en

premier modèle se réfère aux fondements de l’identité culturelle, les deux autres traduisent Occident : la femme doit savoir coudre.

leur mise en pratique, dans la vie quotidienne, pour l’un des deux sujets cultivés, la femme. La représentation de la femme effectuant des tâches domestiques occupe une place

importante dans cette partie de l’œuvre de G.A. Le côté cliché de ces scènes est renforcé

L’écrit n’apparaît pas uniquement en tant que sujet dans l’œuvre de Ghada Amer mais aussi par le choix d’un style d’image bien particulier, proche de Pop-Art, celui de la ménagère

en tant qu’élément visuel : elle l’inclut directement à l’œuvre en brodant les mots sur la toile. déclinée dans les magazines des années 50 (coupe de cheveux, vêtements et surtout attitude

D’après Selene Wendt, le recours à ce procédé serait lié à l’importance de la calligraphie totalement artificielle évoquant jusqu’à une sorte d’absence du personnage).

dans la culture islamique : « Le rôle du texte comme élément visuel est synonyme de la culture Cinq femmes au travail (1991) présente quatre femmes : la première fait ses courses, la

islamique. À travers les âges, l’utilisation du texte comme motifs et décoration a toujours été deuxième la lessive, la troisième la cuisine et la quatrième s’occupe de ses enfants. La

manifeste dans les mosquées, les monuments, les œuvres d’art la littérature et la poésie de la cinquième femme c’est bien sûr Ghada Amer en tant qu’artiste créatrice de l’œuvre. Elle ne

culture arabe. L’importance du texte et du motif est liée au fait que la représentation figurative se « contente » donc pas ici de représenter des clichés concernant la femme au foyer mais

est taboue dans la culture islamique. » 2 propose un dépassement possible à travers l’évocation d’une femme réelle et libre. En

Dans l’œuvre Private Room (pièce privée) (1998), Ghada Amer a brodé des textes relatifs revanche, dans La femme qui repasse (1992) ou encore Au supermarché (1992), elle livre

aux femmes extraits du Coran sur des sortes d’étagères en tissu de diverses couleurs. uniquement le modèle.

Comme dans de nombreuses œuvres concernant la femme, des scènes érotiques féminines

apparaissent discrètement. Il ne s’agit pas ici d’attaquer ni de critiquer ces textes du Coran, D’autres œuvres telles que Conversation entre femmes (1992) ou La femme qui zappe (1992)

ainsi que le souligne Selene Wendt, mais d’inviter à la discussion en présentant cette illustrent, toujours selon cette facture publicitaire des années 50, les occupations

dualité : espace privé (signifié par le titre) / espace public (auquel l’œuvre est destinée), présupposées de la femme une fois les travaux ménagers achevés : elle discute avec d’autres

réalité (sexualité féminine) / théorie religieuse (textes du Coran sur la femme), intimité / femmes ou regarde la télévision (pire même, elle ne fait que zapper !), comme emmurée

apparences… dans une sorte d’incapacité à éprouver la liberté. Il ne s’agit pas ici de militer pour la

Dans Majnun (1997) elle se réfère à la légende islamique de Madjnûn. Elle brode la libération des femmes mais de dénoncer l’absurdité de leur soumission. Ghada Amer se

traduction française du texte légendaire arabe sur des sortes d’armoires en tissu aux considère comme féministe mais rejette les formes radicales du mouvement qui, ainsi qu’elle

couleurs orangées. le souligne, aboutissent au même résultat que les intégrismes religieux : la négation de

Elle opère ainsi la retranscription dans la langue de sa seconde culture du texte de sa culture l’identité féminine (pour une identification à l’homme dans le premier cas, pour une

originelle. Cette légende raconte un amour impossible entre Leylâ et Qays, en Arabie. Ils disparition dans le second).

s’aiment, Qays écrit des poèmes révèlant sa passion à Leylâ mais le père de cette dernière les

découvre et ne supporte pas leur caractère passionné; il décide alors d’interdire leur mariage. Dans Conseils de beauté du mois d’août-Votre corps, vos cheveux, vos ongles, votre peau

Qays se retire dans le désert et Leylâ est mariée à un autre homme. La répétition des poèmes (1993) sur quatre petits carrés de toile suspendus à un clou sont brodés des conseils

devient la seule manifestation de leur amour : Leylâ les récite et Qays les écrit à nouveau. d’utilisation de produits de beauté pour femmes (crème pour les jambes, etc.), G.A.

Qays meurt rapidement dans le désert, bientôt suivi par Leylâ. Les parents de Leylâ décident s’attaque ici au poncif de la beauté féminine soulignant la prégnance du physique dans la

de les enterrer côte-à-côte. L’acte d’écrire revêt donc ici une signification bien particulière, conception traditionnelle de la femme qu’elle doit tantôt embellir, tantôt voiler.

il ne constitue pas seulement l’expression de cet amour mais son essence-même. En brodant Avec une œuvre comme Barbie aime Ken, Ken aime Barbie (1995) elle évoque le double

minutieusement ces poèmes, Ghada Amer redonne la vie, en quelque sorte, à cet amour. modèle imposé aux femmes dès leur enfance : celui physique de la poupée et celui social

Si cet acte traduit bien sûr son attachement à la Légende de Madjnûn, G.A. déplore que, du couple unique et indestructible. Deux silhouettes en toiles, de taille adulte, l’une féminine,

dans cette histoire, les stéréotypes masculin/féminin s’affirment : la femme demeure passive l’autre masculine, sont suspendues à un cintre. Sur chacune d’elles, la phrase « Barbie aime

alors que l’homme exprime son amour. Ken, Ken aime Barbie » 8, brodée en rouge, se répète pour recouvrir la toile. La série Les

Dans l’installation La Belle au Bois Dormant (1995), une robe de mariée est disposée sur un Mariés (1995) aborde quant à elle le cliché du mariage : des portraits mièvres de jeunes

mannequin de couturière, en bois et tissu, à ses côtés, une robe rouge est posée sur une mariés souriants sont présentés dans des couleurs pastel.

chaise. Une bande sonore diffuse une Ghada Amer explique que l’exploration des

musique doucereuse. Le texte du conte est Ghada Amer : Sans titre (La grande mauve), 1998 (acrylique, broderie, colle sur toile, 300 x 400 cm) modèles de la femme dans son acceptation
brodé sur la robe de mariée. D’après Selene © Caisse des dépôts et consignations, dépôt au Musée d’art moderne, Villeneuve-d’Ascq traditionnelle a fini par lui déplaire, elle a

Wendt : « Le conte de fées est un exemple de décidé de représenter la sexualité féminine.

la façon dont les rôles stéréotypés des sexes La plupart des œuvres développant ce sujet –

sont transmis de génération en génération souvent titrées Untitled suivi de la liste des

comme faisant partie de notre héritage couleurs peintes employées - se présentent de

culturel.» 3 la manière suivante : une surface peinte sur

Elle explique ensuite que la robe blanche laquelle des fils brodés créent des motifs qui

constitue, par excellence, le symbole de la paraissent indéchiffrables au départ figurent

pureté et de la virginité alors que la robe en fait des images de femmes s’adonnant à

rouge traduit la passion et l’impureté. Les la masturbation. Ces femmes sont reliées les

deux principales déclinaisons du personnage unes aux autres par le jeu des fils de tissu

féminin, en Orient comme en Occident – la brodé. Ghada Amer prélève ces images de

femme pure, immatérielle et la femme revues pornographiques masculines, les

impure, dangereuse – sont donc dévoilées reporte sur la toile et brode leur contour. La

par cette œuvre qui révèle également l’une volonté d’évoquer le principe de « double

des sources de cette conception, le conte. À soumission » (cf note n° 6) dirige, dans un

propos des effets négatifs de l’héritage premier temps, la démarche de G.A. mais

culturel des contes sur les femmes, G.A . c’est bien vite le désir d’illustrer le plaisir

explique : « Se débarrasser de ces histoires féminin qui lui succède. Le modèle de la

pour se réinventer soi même en tant que femme femme-objet sexuel est anéanti, G.A. affirme

prend une éternité. » 4 la liberté mais aussi l’identité du plaisir

8

sexuel féminin et, ainsi que le remarque Clara Kim : « son intérêt pour la sexualité Ousmane Sow à Paris
outrepasse toute position critique ou politique. Il tient plutôt de la volonté de démêler les fils « Little Big Horn »
de la séduction et du plaisir. » 9
Selene Wendt : « La représentation de la sexualité de la femme peut être reconnaissance plutôt La prière de Sitting Bull
qu’avilissante ». Ghada Amer explique : « Je voulais réhabiliter le corps de la femme, Monte dans le ciel de Paris
réhabiliter son pouvoir de séduction qui était considéré comme tabou » 10. Elle affirme ensuite, Le sort est contraire à Custer
pour s’opposer au féminisme radical qui revendique une version asexuée de la femme : « Je Qui n’en finit pas de mourir
ne pense pas que je doive nier ma sexualité pour avoir une place dans la société » 11. L’écume aux naseaux des chevaux
Nous rend la bataille tangible
À travers cette exploration critique des modèles culturels orientaux et occidentaux puis le C’est géant, la mort tend son arc
renversement des tabous concernant la sexualité féminine, Ghada Amer, tout en affirmant Avec des relents de Bourdelle
qu’elle ne constitue pas le prototype de l’artiste féminine d’origine islamique, signifie la Et l’Amérique des Indiens
nécessité, pour chacun, de se livrer à la déconstruction de son/ses identité(s) culturelle(s) Offre au passant du pont des Arts
pour accéder à sa véritable identité. Son chant du cygne sur la Seine.

Cécile Desbaudard Michel Rose
06 avril 1999
1. Ghada Amer, « Ghada Amer », catalogue exposition, Espace Jules Verne, Centre d’Art et de Culture, Brétigny-sur-
Orge, 30 septembre – 5 décembre 1994.
2. Selene Wendt, « Ghada Amer reading between the threads », catalogue d’exposition, Kunst Palast Dusseldorf,
Bildmuseet Umeå, 26 mai – 13 octobre 2002, p. 10
3. Selene Wendt, op. cit. p. 11
4. Ghada Amer, entretien avec Valerie Cassel, « Ghada Amer reading between the threads », catalogue d’exposition,
Kunst Palast Dusseldorf,, Bildmuseet Umeå, 26 mai – 13 octobre 2002, p. 36
5. Ghada Amer, entretien avec Marilu Knode, « Interview with Ghada Amer », New Art Examiner, Chicago,
Décembre – janvier 2000, p. 38
6. Ghada Amer, « Ghada Amer », catalogue exposition, Espace Jules Verne, Centre d’Art et de Culture, Brétigny-sur-
Orge, 30 septembre – 5 décembre 1994
7. Ghada Amer, « Ghada Amer reading between the threads », catalogue d’exposition, Kunst Palast Dusseldorf,
Bildmuseet Umeå, 26 mai – 13 octobre 2002, p. 38
8. Clara Kim, « Ghada Amer Délier les langues : l’art d’écrire de Ghada Amer », catalogue exposition Ghada Amer,
Galerie Guy Bärtschi, 7 février- 6 avril 2002, p. 10
9. Selene Wendt, « Ghada Amer reading between the threads », catalogue d’exposition, Kunst Palast Dusseldorf,
Bildmuseet Umeå, 26 mai – 13 octobre 2002, p. 32
10. Ghada Amer, entretien avec Valerie Cassel, « Ghada Amer reading between the threads », catalogue
d’exposition, Kunst Palast Dusseldorf, Bildmuseet Umeå, 26 mai – 13 octobre 2002, p. 41
11. Ghada Amer, op. cit., p. 41

Asylum : l’étrange terre d’asile de Julian Rosefeldt

L’artiste berlinois présente dans son installation chorégraphiées, de l’ordre du théâtre. L’effet de distanciation d’exotisme » !
du spectateur est créé par cet univers étrange et absurde Adeline Blanchard
cinématographique Asylum des personnes en dans lequel ces immigrants, ces demandeurs d’asile
apparaissent. Les cuisiniers oisifs dans le zoo ou bien les L’installation Asylum a été présentée au Hamburger Bahnhof de Berlin (2002),
demande d’asile, mises en scène dans des femmes de ménage aspirant la jungle de cactus n’ont rien de dans l’espace Atlantis à Londres (2003), au festival d’Avignon (2004) ainsi qu’à
tragique, mais sollicitent la curiosité et l’étonnement. La Munich à la Haus der Kunst (2005). Un catalogue Asylum est paru chez Hatje
« tableaux vivants », selon leur ethnie et leur dichotomie entre l’esthétisation outrancière des lieux et la Cantz, 2002.
condition des personnes représentées crée également un certain
genre. Neuf projections en boucle sur écrans malaise. La distance ressentie par le spectateur est à la hauteur Julian Rosefeldt : Asylum, 2001-2002
de l’ignorance de nos sociétés occidentales face aux cultures installation filmique composée de 9écrans, filmé en 16 mm,
translucides sont agencées de façon homogène dans « exotiques ». Les immigrants, catégorisés dans l’installation par
groupes ethniques, sont montrés de façon générique, non transféré sur DVD, 16:9, 52 min. en boucle
l’espace. Les protagonistes évoluent dans une individuelle, telle que nous les percevons. © Courtesy Arndt & Partner Berlin / Zurich
Le point de vue singulier de Julian Rosefeldt est une incursion
situation quotidienne de travail stéréotypé que l’on pudibonde et insolite dans un univers qu’il ne prétend pas
connaître. Il fait le choix d’interpeller le spectateur sans tomber
associe à leur origine. dans le voyeurisme pathétique d’un documentaire réaliste. Il
reflète avec justesse notre perception de l’autre, le regard de
Dans l’asile onirique de Julian Rosefeldt, le spectateur l’Occident sur le reste du monde. Sans prétention, l’installation
déambule dans un dédale de projections, découvrant tour à de Rosefeldt, tel un miroir, nous renvoie notre ignorance de ces
tour les occupations étranges d’immigrants vivant en cultures étrangères. Une expérience unique de « partage
Allemagne : ici, des cuisiniers de fast-food chinois, avachis sur
des troncs d’arbres, tels des singes au zoo, « épluchent » sans
fin des emballages en carton. Plus loin, des vendeurs de roses
afghans font les cent pas dans une rotonde de bains thermaux
pendant que des prostituées thaïlandaises astiquent
avec lassitude et volupté des statues antiques. Là,
des femmes tsiganes poussent sans cesse un
manège tandis que des vendeurs de journaux turcs,
dans une bouche d’aération ventilée, tentent
d’empiler des journaux qui s’envolent. Munies d’un
aspirateur, des femmes de ménage albanaises
aspirent en vain une jungle de cactus.
Tel Sisyphe, condamné pour l’éternité par les dieux à
pousser au sommet d’une montagne une pierre qui
retombe sans cesse, les protagonistes de Rosefeldt
sont aliénés par leur tâche quotidienne et absurde.
Le caractère répétitif de leur travail, l’oisiveté de
certains, le lent et régulier balancement de la
caméra évoquent le temps qui passe, l’ennui. Leur
destin monotone et pénible ne les laissera pas
échapper aux vicissitudes de l’existence. L’inanité de
leurs actions nous rappelle de façon plus générale
l’absurdité de la condition humaine.
Toutefois, les décors sublimés dans lesquels ils
évoluent ne nous incitent pas à nous apitoyer sur leur
sort. Pas d’émoi, ni de compassion. L’univers
extrêmement esthétisé qui les entoure, les couleurs
saturées, la lumière épurée et artificielle créent une
atmosphère divine, surréelle, exotique et presque
kitsch. Cette mise en scène de Rosefeldt veut
accentuer la distanciation, le fameux
« Verfremdungseffekt » (l’effet d’étrangeté) de
Berthold Brecht, où le spectateur, conscient de son
état, de la mise en scène, ne s’identifie pas aux
acteurs. Les tableaux projections de Rosefeldt
constituent d’ailleurs des scènes très

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Faire partie d’un monde plus grand

Frequency au Studio Museum de Harlem, New York, USA

Le Studio Museum de Harlem – dédié aux artistes contemporains afro-américains et changements continuels dans l’évolution de l’art africain-américain et dans la “redéfinition
d’origines africaines, installé dans le quartier historique de ces mêmes communautés à permanente de la notion de blackness [noirceur] dans la culture contemporaine.” » 2 Ainsi,
New York – inaugurait, il y a quelques jours, l’exposition Frequency (9/11/05 - 12/03/06). Thelma Golden qualifiait la nouvelle affirmation d’une individualité revendiquée de la part
L’exposition se donne pour objectif de présenter la diversité des pratiques artistiques des artistes, laquelle pouvait maintenant prendre la forme d’une expression libre et flexible,
caractérisant les plus jeunes générations d’artistes afro-américains ou de descendance mutante au gré du temps, des situations et des contextes.
africaine, en présentant le travail d’une sélection de 35 artistes issus de l’ensemble des
États-Unis ; à l’image de Kianga Ford, Karyn Olivier ou Kwabena Slaughter, pour n’en citer Afin de mieux comprendre l’accomplissement dont il est question ici, il est nécessaire de
que quelques-uns. Les sources d’inspirations représentées varient « parmis d’autres, des faire un peu d’histoire. Premièrement, il faut replacer le terme « Post Black Art » comme
contes traditionnels au hip hop, des esthétiques non occidentales à la peinture abstraite, de succédant à la phase dite « Black Art » ou « Black Aesthetique », un terme créé par les
dessins de tatouages aux athlètes noirs. 1 » Plus pertinemment, et comme son titre l’indique, acteurs même des pratiques artistiques qualifiées comme telles, et illustré par exemple avec
l’exposition Frequency est aussi l’opportunité de mesurer comment ces pratiques artistiques le travail de Kerry James Marshall ou David Hammons, pour les plus célèbres. Il est ici
se positionnent en rapport à leurs origines culturelles et identitaires et/ou prennent position question de revendication des caractéristiques identitaires et culturelles fortes, de promotion
dans le contexte contemporain et sur la scène artistique internationale. de cette identité et de la dénonciation de discrimination ou de jugments péjoratifs. Il est aussi
ici question d’une nécessité de s’affirmer laquelle résulte du fait d’être ignoré en tant que
Pour précision la présente exposition suit [sans vouloir pour autant être présentée comme groupe ou communauté.
succédant à] l’exposition-manifeste Freestyle, qui avait marqué son temps au moment de sa Il nous faut aussi remonter au temps de la création du Studio Museum de Harlem, en 1968
réalisation, au Studio Museum en 2001. Freestyle, illustrait à l’époque une nouvelle – au moment du Mouvement des Droits Civils [Civil Right Movement], dans le contexte
orientation dans les pratiques artistiques afro-américaines, lesquelles avaient alors été tourmente suivant l’assassinat the Malcom X et la même année que la mort de Martin Luther
labellisées, par son commissaire d’exposition Thelma Golden [actuelle directrice du Studio King, – pour mieux en comprendre les objectifs. En fait, une période ou la différence raciale
Museum et également co-commissaire de la présente exposition Frequency organisée avec et culturelle etait condamnée par certains alors qu’elle était vénérée et servait d’arme pour
Christine Y. Kim], en terme de « Post Black Art. » Thelma Golden proposait pour « Post Black d’autres. Ces autres qui ressentaient la nécessité de proclamer et d’affirmer leurs distinctions
Art » la définition suivante : « le travail de cette manière est caractérisé par une liberté identitaires pratiquaient la revendication d’eux-mêmes au sens d’un acte politique et d’un
individuelle qui est le résultat de ce moment transitionnel dans la recherche de définir les acte de reconnaissance. Ils souhaitaient cesser d’être ignorés pour, au contraire, être vus et

Indian Summer : l’identité hybride

Depuis plusieurs années, l’Europe et les États-Unis s’ouvrent aux scènes artistiques non- matériau de création dans la culture déjà constituée qui les entoure. D’autre part,
occidentales. Mais si l’Inde joue aujourd’hui un rôle indéniable au sein de l’économie et l’évocation du développement brutal de l’Inde dans le cadre d’une mondialisation de
de la géopolitique mondiale, la vitalité de ses créateurs, en revanche, n’a été découverte l’économie, de la culture et des médias, dont les artistes ne sont pas dupes.
que très récemment. Très peu connue en France, la jeune création indienne fait ainsi Ainsi, l’Inde que révèle l’ENSBA n’est pas celle des danses de Bolywood et des vaches sacrées
l’objet d’une exposition à L’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. (si ce n’est d’une manière subvertie), mais celle des « cybercafés avec le sol en terre battue». 2
Alors que l’une des questions souvent posées à propos de l’art actuel non-occidental est Quelques œuvres de l’exposition Indian Summer sont particulièrement représentatives de
de savoir si nous pouvons y accoler ou non l’étiquette « art contemporain » – autrement cette identité complexe et hybride qui définit les jeunes créateurs indiens : Anita Dube se
dit de savoir si cet art relève de la culture globalisée ou de traditions locales – cette réapproprie des yeux de verre qui servent originellement d’offrandes dans les temples,
question n’a pas beaucoup de sens pour l’Inde. L’Inde, un pays qui s’est construit au pour créer sur les murs de l’exposition des motifs dégoulinants qui suggèrent plus l’idée
croisement de nombreuses civilisations et qui a connu des contacts répétés avec l’Occident. du corps organique que celle du sacré.
La question qui sied le mieux à propos de la création indienne ne commence donc pas par Dans le même registre, Bharti Kher détournent les bindis, ces signes ornementaux symboles de
« est-ce que » mais par « comment » : comment conjuguer un modèle occidental hérité du la femme mariée, pour composer des peintures abstraites proche de l’op’art ou encore tout un
colonialisme et vécu aujourd’hui dans le cadre de la mondialisation avec des traditions répertoire animalier dans lequel les bindis prennent la forme de spermatozoïdes.
locales nombreuses, ancestrales et extrêmement variées (hindouistes, musulmanes, etc.) ? Sheba Chhachhi réalise des installations avec sculpture et projections vidéo, où viennent
C’est la question que se posent les artistes d’Indian Summer, dont l’identité peut se définir se télescoper l’iconographie de l’Inde religieuse et des images qui renvoient à
par le concept d’hybridité. Cette notion développée par les postcolonial studies renvoie à l’uniformisation des médias et de la culture de par le monde.
la création de nouvelles formes culturelles dans les zones de contact qui ont été créées par Surech Kumar a réalisé lors de sa dernière résidence en Suisse une série de photos sur
la colonisation. fond de paysages champêtres, pour évoquer l’imagerie kitsch du cinéma populaire de
l’Inde du sud et de Bollywood. La série est intitulée Santalwood (bois de Santal) :
Pour les générations d’artistes qui ont marqué la création indienne entre la période précisément l’Inde comme on se l’imagine.
coloniale et les années 1990, il était un sujet revenant de manière récurrente au cœur des Les artistes du Raqs Media Collective évaluent quant à eux l’impact de la globalisation
débats : le choix de la tradition ou de la modernité. Dans ce contexte, les artistes indiens sur l’Inde, en théorisant les médias, l’espace urbain et la cyberculture dans leurs
ont ouvert une troisième voix que Geeta Kapur 1 appelle la modernité alternative, non installations vidéo. En fait, le trajet que poursuit l’Inde depuis quelques décennies est à
alignée sur le modèle occidental. Aujourd’hui, la jeune scène l’image de celui de Subodh Gupta, parti de l’une des provinces les plus pauvres du
artistique indienne est en train de renouveler
complètement le paysages des arts plastiques, et pays pour s’installer à Delhi où il se questionne sur son quotidien, la société de
questionne les notions de modernité et de consommation et le système des castes. Son travail peut alors s’envisager
tradition d’une façon beaucoup plus comme une allégorie des mutations de l’Inde actuelle. Deux
critique, ne voulant rejeter ou adhérer sculptures de cet artiste accueillent le visiteur d’Indian
servilement ni à l’une ni à l’autre. Summer : une vache sacrée d’un rose inattendu
Ces artistes aiment leur pays, mais étendue sur des matelas (Rani), et le toit d’un taxi
ils portent un regard sans surmonté d’une masse en bronze qui représente le
concession aussi bien sur sa paquetage d’un voyageur en exil (Everything is inside).
situation politique, le poids de ses
traditions ou le statut des femmes, La jeune scène artistique indienne est ainsi
que sur l’uniformisation mondiale. multiculturelle et pluri-identitaire, à l’image d’un
Les œuvres exposées à l’ENSBA pays en pleine mutation, pris entre les aléas de la
reflètent les différentes attitudes tradition et de la globalisation.
que conjuguent la plupart de ces
artistes qui ont émergé dans les Jérôme Dupeyrat
années 1990 : d’une part la
critique de la tradition indienne Indian Summer. La jeune scène artistique indienne, jusqu’au 31 déc.
par un jeu de réappropriation et 2005 à l’ENSBA, Paris 6 ème arr. Catalogue d’exposition bilingue
de subversion que l’on retrouve français/anglais, avec des textes d’Henry Claude Cousseau, Deepak
chez nombre d’artistes Ananth, Geeta Kapur, Cédric Vincent.
occidentaux qui 1.Principale historienne de l’art en Inde, elle a étudié la création
puisent contemporaine de son pays depuis les années 1970, mais ses
leur théories connaissent aujourd’hui une certaine remise en question.
2. Jany Lauga, commissaire adjointe de l’exposition Indian Summer,
in Cédric Vincent et Frédéric Wecker, « Chroniques indiennes »,

art21 n°4, octobre/novembre 2005.

Bharti Kher : I've Seen an Elephant Fly, 2002
sculpture, bindis, taille d’un bébé éléphant
© Courtesy Anupam Poddar, Delhi

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entendus en tant que groupe ou communauté. « Le Studio Museum a ouvert juste à ce moment-là. Il était spécifiquement
lié à la culture “Black” et à l’histoire “Black” et s’est exprimé à travers l’art contemporain. Quand le Studio Museum a
ouvert, il avait pour mission de trouver des ateliers ou des artistes de descendance africaine pourraient travailler et
montrer leur travail, parce que des opportunités comme celles-la n’existaient pas dans d’autres lieux d’exposition à ce
moment-là. Il y avait bien le MoMA, le Métropolitain Museum, et le Guggenheim, d’autres institutions aussi bien que
des galeries, mais aucune ne présentait les artistes noirs.3 »

Ainsi, comparativement à l’évolution des théories et des pratiques artistiques féministes – qui ont également muté d’un
essentialisme collectif à un pluralisme individuel, – l’art africain- américain aux Etats Unis a récemment atteint cette zone
de liberté où la pratique d’une esthétique « Black » n’est plus une règle ou une loi mais une alternative. Participant de
cette même logique, la pluralité de leurs pratiques artistiques permet aussi à ces mêmes artistes de faire aujourd’hui
partie d’un monde plus grand.
Ceci ne préfigure pas seulement le résultat crucial qu’est l’intégration, mais il est aussi ici question de la juste évaluation
des données sur lesquelles la notion de différence habituellement repose. Il est en effet maintenant bien compris, par
exemple, que la féminité résulte d’une construction sociale de l’image de la femme, de la même manière que la
discrimination raciale repose sur des clichés et stéréotypes construits par une classe dominante. Ici, Michael D. Harris
replace l’origine de la notion de « blackness, » telle qu’elle est conçue aux Etats-unis, dans l’imaginaire de la population
blanche 4 Ceci établi, Michael D. Harris alerte également des dangers de l’usage de signes distinctifs identitaires par
les artistes africains-américains, car comme il le mentionne : « Recycler, inverser, déconstruire les images racistes […]
nous ancrent visuellement dans notre oppression. » 5 Effectivement, utiliser des stéréotypes, même en les détournant,
revient à perpétrer leurs messages et à continuer à se placer dans un système racial.

Frequency oscillant entre une esthétique « Black » et « Post Black » est en fait rassurante. Cette alternance suggère le
choix individuel plus que la règle collective. C’est la manifestation d’une communauté libre et apaisée, qui semble avoir
trouvé sa place ou commence à la trouver ; une communauté qui ne se sent plus toujours la nécessité de se présenter
en terme de groupe, mais s’autorise aussi à se distinguer en tant qu’individu.

Stéphanie Jeanjean Kianga Ford : Urban Revival

1. Enumération extraite du communiqué de presse.
2. Thelma Golden, « Introduction » catalogue
Freestyle, Studio Museum in Harlem, New York,
2001 [p.14]. [“Work in this mode is characterized
by “an individual freedom that is the result of this
transitional moment in the quest to define ongoing
changes in the evolution of African American art”
and in the “ongoing redefinition of blackness in
contemporary culture”]
3. Citation extraite d’un entretien avec Ali Evans
[PR, Studio Museum in Harlem, New York],
novembre 2005.
4. Michael D. Harris, Colored Pictures. Race and
Visual Representation, University of North Carolina
Press, 2003.
5. Michael D. Harris, Colored Pictures. Race and
Visual Representation, University of North Carolina
Press, 2003 [p. 228]. [“Recycling, inverting, and
deconstructing racist images have some effect in
dismantling that imagery, but those strategies
visually root us in our oppression”]
En plus de sa programmation d’expositions, le Studio
Museum de Harlem publie le magazine trimestriel
Studio et offre des résidences pour artistes d’origines
africaines ou afro-américaines. Pour plus
d’informations sur le Studio Museum de Harlem et
ses activités : www.studiomuseum.org/index1.html

Robert Pruitt : Pretty for a Black Girl

Les biennales d’art contemporain,

de nouveaux « non-lieux » 1?

Depuis la création de la Biennale de Venise en 1895, celle de New York en 1932 et celle de Sao au Lieu Unique, à Nantes.
Paulo en 1951, les biennales d’art contemporain n’ont cessé de se multiplier, se répartissant
sur toute la surface du globe. Lyon (depuis 1991), Berlin (1996), Montréal (1998), Valencia Visiteurs identiques, regards curatoriaux récurrents, artistes confirmés, la normalisation des
(2001), Prague (2003), La Havane, Johannesburg, Fortaleza, Santa Fe, Taipei, ne sont que biennales s’impose comme une évidence : celles-ci sont devenues les vitrines d’un art
quelques-unes des quarante mégalopoles accueillant tous les deux ans des expositions standardisé, résultat de la mondialisation. Cette globalisation, aussi appauvrissante et
internationales d’art. paralysante soit-elle, a parfois consciemment été voulue, au détriment d’une valorisation de
l’histoire et de la création locale.
Pourquoi une telle surenchère de biennales ? Pour se rapprocher d’un large public dispersé sur
les cinq continents ? Non, assurément ! Les biennales sont des rassemblements professionnels En effet, avant d’être des points de présentation des recherches plastiques, ces manifestations
incontournables avant tout pour les connaisseurs, artistes, commissaires, galeristes, artistiques sont des outils de politique et de diplomatie. Par le biais de leurs biennales
institutionnels et critiques. respectives, les villes de Johannesburg et de la Havane se sont volontairement alignées sur
l’Occident pour faire oublier un passé douloureux pour l’une et une situation politique sclérosante
Ces rencontres d’artistes locaux et internationaux serait-elles, alors, un moyen de l’affirmation de pour l’autre.
soi des sociétés qui les génèrent ? À chaque localité coïnciderait une biennale singulière,
expression de son identité ? Maigre réponse face à une uniformisation de plus en plus manifeste Espérons tout de même qu’en de tels lieux et de tels contextes, les biennales seront les faire-
des biennales. D’abord, seuls quelques commissaires d’exposition occidentaux se partagent les valoir des œuvres contemporaines, qu’elles permettront de porter l’attention dans la direction
tâches. Rosa Martínez, directrice de la dernière Biennale de Venise, était Commissaire des artistes et pourquoi pas qu’elles inciteront le pouvoir en place à créer les structures et à
d’exposition de la troisième Biennale de Santa Fé et Directrice de la cinquième Biennale inventer les moyens susceptibles de porter les créations artistiques locales.
d’Istanbul. De même, Jérôme Sans et Nicolas Bourriaud, actuels commissaires de la Biennale de
Lyon et directeurs du Palais de Tokyo, ont respectivement curatoré des expositions de la Julie Martin
Biennale de Taipei et de Venise. Du coté des artistes, la situation n’est guère plus diversifiée. Que
penser de la présence récurrente de Maurizio Cattelan ? Déjà extrêmement renommé, il est 1. Ce terme emprunté à Marc Augé désigne les lieux qui du fait de la mondialisation ont perdu leur identité.
devenu l’artiste incontournable des dernières biennales : à Venise en 1999 et 2001, à Lyon en 2. La sixième Biennale des Caraïbes est un canular. Avec la complicité du curateur Jens Hoffman, Cattelan lance un
2001 et 2003, à Séville en 2004 et à Prague cette année. Il faut dire que l’artiste avait déjà créé communiqué de presse annonçant la manifestation, des articles dans des revues, et les rumeurs qui accompagnent ce type
en 1999 son propre évènement : la sixième Biennales des Caraïbe 2 ! Quant aux artistes non- d’événement international. Finalement la biennale se traduit par l’invitation de 10 artistes à venir prendre une semaine de
occidentaux présents dans les biennales, ils sont déjà illustres. Wang Du, dont la Parade a vacances tous frais payés sur l’île St Kitts! La supercherie a fait l’objet d’un catalogue : 6th Caribbean Biennal, A Project
itinéré à Rennes, Lyon, Toulouse et Paris (au Palais de Tokyo), est exposé à nouveau à Lyon, by Maurizio Cattelan, Dijon, Les Presses du réel, 2001.
Emaka Udemba est présenté à la Havane après une exposition au Palais de Tokyo et une autre

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albi HORSD’ŒUVRE n° 17 dijon limoges 17/03 - 06/05/06 & Steve Brown, Eléonore de Montesquiou,
édité par l’association monbeliard Tobias Sternberg : 11/03 - 18/03/06
Cimaise & Portique INTERFACE Frac Bourgogne Frac Limousin
Aux Moulins Albigeois 12 rue Chancelier de l’Hospital 49 rue de Longvic - 21000 Dijon Les Coopérateurs Le 10neuf sélestat
41 rue Porta F - 21000 Dijon tél. 03 80 67 18 18 Impasse des Charentes 19 avenue des alliés
81000 Albi t. / f. : +33 (0)3 80 67 13 86 ouvert du lun. au sam. 87100 Limoges 25200 Montbéliard Frac Alsace
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ouvert tous les jours de 13 h à 19 h www.interface-art.com ® Jonas Dahlberg : ouvert du mar. au ven. de 10 h à 18 h puvert de 10 h à 12 h, 14 h à 18 h 67600 Sélestat
sauf mar.et jours fériés jusqu’au 18/02/06 et le sam. de 14 h à 18 h fermé le du mar. au sam. tél. 03 88 58 87 55
® « Slice » Peggy Pocheux : Comité de rédaction : ® Knut Asdam : 18/03 - 20/05/06 dimanche, lundi et jours fériés ® « artifice » Catherine Melin : ouvert du mer. au sam. de 14 h à 18 h
27/01 - 24/03/06 Laurence Cyrot, Cécile ® Katrin Sigurdardottir : ® Christophe Rüttimann : 04/02 - 02/04/06 le dim. de 11 h à 18 h
® « Anatopies » Benoit Broisat, Desbaudard, Valérie Dupont, 24/06 - 02/09/06 jusqu’au 28/02/06 ® « Ciel lourd et courbe » ® « Des territoires » :
Laurent Pernel, Santiago Reyes, Astrid Gagnard, Marlène ® « Sculptures : la tentation de la Marielle Paul : 04/02 - 02/04/06 01/03 - 07/05/06
Sébastien Taillefer : Gossmann, Guillaume Mansart, Galerie Interface figure » : jusqu’au 11/02/06 ® « Parterrre du midi, détail »
08/04 - 03/06/06 Nadège Marreau, Michel Rose, 12 rue Chancelier de l’Hospital ® Alain Séchas : 03/03 - 18/06/06 montpellier Bertrant Lavier : toute l’année
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belfort tél. 03 80 67 13 86 ENSA site Limoges Frac Languedoc-Roussillon troyes
Conception graphique : ouvert de 15 h à 19 h (org. Frac Limousin) 4 Rue Rambaud - 34000 Montpellier
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1 Faubourg de Montbéliard ® « Croix oblique, ligne verticale » 87000 Limoges ouvert du mar. au sam. de 14 h à 18 h, 9 rue Jeanne d’Arc - 10000 Troyes
90000 Belfort Coordination, contacts Agenda : Stéfanie Morel : jusqu’au 25/02/06 ® « Puzzle 01 bis » : A. Charlton, fermé les jours fériés ouvert de 14 h à 18 h
tél. 03 84 58 67 50 Nadège Marreau ® Arnaud Sabard, Christophe J. M. Armleder, R. Lericolais, ® Nina Childress - Lilian Bourgeat : sauf dim. et jours fériés
ouvert mar. au sam. de 14 h à 18 h Langenbach : 17/03 - 22/04/06 M. Aubry : jusqu’au 10/03/06 jusqu’au 11/03/06 tél. 03 25 73 28 27
et le dim. de 15 h à 18 h Ont participé à ce numéro : ® Fiorenza Menini - Eric Watier - Till ® « Le bruit du rouge»
® « Bunkers » Leo Fabrizio : Adeline Blanchard, Galerie Barnoud Théâtre de l’Union Roeskens : 03 - 05/06 Bernard Metzger :
27/01 - 01/03/06 Julien Blanpied, Vincent 27 rue Berlier - 21000 Dijon (org. Frac Limousin) 03/02 - 10/03/06
® Carina Diepens : Chabaud, Cécile Desbaudard, tél. 03 80 66 23 26 20 rue des Coopérateurs nancy ® « Tirant d’air » Bruno Goosse :
12/03 - 23/04/06 Jérôme Dupeyrat, Albane ouvert de 15 h à 19 h 87100 Limoges 22/03 - 05/05/06
Duvillier, Astrid Gagnard, le mer., ven. et sam. et sur rdv ® Norton Maza : jusqu’au 01/03/06 Galerie Art Atttitude Hervé Bize ® « Les Fanzines Passages/
Ecole d'art Gérard Jacot Stéphanie Jeanjean, ® Bruno Breitwieser : ® Franck Eon : 02/03 - 20/04/06 17-19 Rue Gambetta Souterrain » : 22/03 - 05/05/06
Eric Laniol, Julie Martin, 10/02 - 31/03/06 54000 Nancy
(org. 10neuf) Lucille Peget, Michel Rose ® Serge Onnen : 14/04 - 31/05/06 longwy ouvert du mar. au sam. publications
2 avenue de l'Espérance de 14 h à 18 h et sur rdv
90000 Belfort Remerciements : Atheneum - Centre culturel Carré Vauban tél. 03 83 30 17 31 L’Office - ENSBA de Dijon
Tél : 03 84 36 62 10 Valérie Schwartz (traduction) (org. Frac Lorraine) ® « Sculptures, installation et vidéo » 3, Rue Michelet
ouvert de10 h à 12 h et de 14 h à 18 h de l’université de Bourgogne Porte de France Marko Lehanka : 03/02 - 06/05/06 21000 Dijon
du mar. au sam. Couverture : 1 Rue Edgar faure - 21000 Dijon 54400 Longwy-Haut tél. 03 80 30 21 27
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® Philippe Compagnon : © V. Carlier ® « surprise party » Tony Regazzoni : ® « Rebonds - Empreintes » : Centre d’Art Contemporain ® Grégoire Faugéras (coéd.Centre
14/01 - 18/02/06 30/01 - 18/02/06 19/01/06 - 18/02/06 Parc Saint-Léger - Avenue Conti commercial de la Toison d'Or, l'Office -
(org. le Granit) Double page intérieure : ® Edwige Simonin : 01/03 - 21/03/06 58320 Pougues-les-Eaux ensA de Dijon))
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12/03 - 23/04/06 NAIL & WIRE, 2004-2005 ouvert du mer. au dim. (coéd. atheneum, Centre commercial de la
© T. Hirschhorn fontenoy-en-puisaye Le magasin de 14 h à 19 h Toison d'Or, l'Office - ensA de Dijon)
besançon Site Bouchayer-Viallet ® « A partir de trois, c'est la foule » ® Cédric Debeaumarché (coéd.
Publié avec le soutien de la CRAC - Château de Fontenoy 55 Cours Berriat Xavier Drong, Sébastien Hoëltzener, atheneum, centre culturel de l'université de
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140 grande rue Conseil régional de Bourgogne, ouvert tous les jours de 11 h à 19 h ouvert du mar. au dim. de 14 h à 19 h reims - ensA de Dijon)
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Tel.03 81 81 91 57 l’ensemble des structures ® artistes contemporains icaunais : Michael Craig-Martin : Frac Champagne-Ardenne Interface, Frac Franche-comté, Le Granit- scène
ouvert du mar. au sam. de 14 h à 18 h annoncées dans l’agenda 26/03 - 23/04/06 jusqu’au 03/09/06 1, Place Museux nationale, Belfort, l'Office - ensA de Dijon)
® Rodolphe Huguet : ® « Pris de tremblayment ! œuvres de ® Cinémas, Exposition sur l’image 51100 Reims ® Loïc Raguénès (coéd. Frac
08/02 - 07/03/06 Impression : ICO Dijon la collection du Frac Bourgogne » filmée à Grenoble de Jean-Luc tél. 03 26 05 78 32 Languedoc-Roussillon, Casino Luxembourg
® Didier Boutin : Tirage 5 000 exemplaires P. Corillon, P. Garfield, D. Ghesquière, Godard à Philippe Parreno : ouvert de 14 h à 18 h - Forum d'art contemporain - l'Office -
15/03 - 14/04/06 F. Guzmán, J. Julien, Man Ray, C. jusqu’au 07/05/06 sauf lun. et jours fériés ensA de Dijon)
castres Parmiggiani, C. Robert-Tissot, N. ® « Radio Kills The Video Stars / ® Luc Adami DVD (Coéd. Ville de
bourges Rubins, R. Zaugg : 30/04 - 25/06/06 mâcon Side B » Artistes résidents du Pavillon, Dijon, l'Office - ensA de Dijon
Hotel de Viviès Laboratoire de Recherche Artistique du
Emmetrop / Le Transpalette (org. Cimaise & Portique) forbach Musée des Ursulines Palais de Tokyo, Paris : à paraître (cat.) :
26 route de la Chapelle ouvert du mar. au vend. de 10 h 20 Rue des Ursulines jusqu’au 05/02/06 ® Aude Robert DVD (coéd.Centre
18000 Bourges à 12 h et de 14 h à 17 h 30 Médiathèque de Forbach 71000 Mâcon ® Robin Rhode - David Zink-Yi/ commercial de la Toison d'Or, l'Office -
tél. 02 48 50 38 61 le sam. et dim. de 15 h à 18 h tél. 03 85 39 90 38 la Rumba : 03/03 - 07/05/06 ensA de Dijon)
ouvert de 14 h à 18 h du mer. au sam. ® « Anatopies » Jordi Colomer : (org. Faux Mouvement) ouvert de 10 à 12 h et de 14 h à 18 h ® Hélène Magne & Clémence Ancelin
® « TTrioreau » Hervé Trioreau : 07/04 - 03/06/06 Place Aristide Briand sauf lun., dim. matin roubaix DVD (Coéd. Ville de Dijon, l'Office - ensA
jusqu’au 18/02/06 57600 Forbach ® « Les fouilles de Sennecé les de Dijon)
® Nicolas Floc’h : château-gontier tél. 03 87 84 61 90 Mâcon » : 08/02 - 30/12/06 Espace Croisé - Centre d’art ® Anders Werdelin (coéd.Centre
04/03 - 29/04/06 ouvert de 9 h 30 à 12 h et de 13 h 30 ® « La donation Louise Ronot » : Grand Place commercial de la Toison d'Or, l'Office - ensA
Chapelle du Genêteil à 18 h le mar. et le ven. 21/03 - 18/06/06 59059 Roubaix de Dijon)
La Box Rue du Général Lemonnier de 10 h à 12 h et 13 h 30 à 19 h tél. 03 20 66 46 93 ® Damien Cazé (coéd.Centre
9 rue Edouard Branly 53200 Château-Gontier le mer. de 13 h 30 à 18 h le jeu. et de metz ouvert du mar. au sam. de 14 h à 18 h commercial de la Toison d'Or, l'Office
18006 Bourges tél. 02 43 07 88 96 10 h à 12 h et 13 h 30 à 17 h le sam. ® « I see the face » Michelle - ensA de Dijon)
tel. 02 48 24 78 70 ouvert de 14 h à 19 h ® « Riga, cartographie d’une ville » : Frac Lorraine - 49 Nord 6 Est Naismith : 04/02 - 01/04/06 ® Cendrine Borzycki (coéd.Centre
ouvert tous les jours de 14 h à 18 h du mer. au dim. 17/01 - 04/03/06 1bis rue des Trinitaires ® Yorgos Sapontzist : commercial de la Toison d'Or, l'Office -
® « Appel à témoin » Projet continu ® François Curlet, Florence Dorléac : 57000 Metz 25/02 - 04/03/06 ensA de Dijon)
sur le répondeur de la box Tél. 02 48 jusqu’au 19/03/06 genève tél. 03 87 74 20 02 ® « Fringe #1 » Camille Henrot, Annis ® Tony Regazzoni (coéd. atheneum,
66 42 03 ® Petra Mrzyk et Jean-François ouvert du mer. au dim. de 12 h à 19 h Joslin,François Lewyllie, Michael Cousin l'Office - ensA de Dijon)
® « zéro G_l’information hors gravité » Moriceau : 08/04 - 04/06/06 MAMCO sauf jeudi de 14 h à 21 h ® Edwige Simonin (coéd. atheneum,
Edouard Boyer : 09/02 - 18/03/06 10, rue des Vieux Grenadiers ® « Uchronies et autres fictions » : centre culturel de l'université de
® Thorsten Streichardt - Shell Shelf : 04/06 chatou 1205 Genève - Suisse 11/02 - 07/05/06 bourgogne, l'Office - ensA de Dijon)
tél. 00 41 22 320 61 22
caen Centre national de l’estampe ouvert de 12h à 18 h, du mar. au ven., Faux Mouvement Bon de commande
et de l’art imprimé - cneai de 11 h à 18 h les sam. et dim. 4 Rue du Change
Frac Basse-Normandie Maison Levanneur ® « Condensations. mille et trois 57041 Metz INTERFACE - HORSD’OEUVRE
9 rue Vaubenard Île des impressionnistes plateaux, 5ème épisode » : tél. 03 87 37 38 29 12 RUE CHANCELIER DE L’HOSPITAL
14000 Caen 78400 Chatou 21/02 - 07/05/06 ouvert de 13 h 30 à 18 h 30 21000 DIJON - tél/fax : 03 80 67 13 86
ouvert tous les jours de 14 h à 18 h tél. 01 39 52 45 35 du lun. au sam. et sur rdv
sauf les jours fériés ouvert du mer. au ven. de 10 h à 18 h, ® « Famous Five (F5) » ® THOMAS HIRSCHHORN / HORSD’ŒUVRE N°17
® Carlos Kusnir : sam. et dim. de 12 h à 16 h Vidéo-installations de la NAIL & WIRE, 2004-2005
jusqu’au 19/03/06 ® « cherchez l'auteur » Pierre jeune scène artistique lettone : 600 x 420 mm
® Collection Frac Basse-Normandie : Leguillon : jusqu’au 07/05/06 Impression Offset
25/03 - 30/04/06 sur Couché 250 Gr
® Pascal Pinaud : 6/05 - 25/06/06 Si vous souhaitez que vos manifestations soient Tirage : 200 exemplaires
annoncées dans l’agenda du prochain numéro, Prix : 20 Euros
une participation de 30 Euros minimum est demandée. (+ 3 Euros de frais d’envoi)
© Claudine Collilieux

HORSD'OEUVRE. Nancy. Avril 2005

Éditions
Le sujet central de ma photographie est Xavier Douroux, ® VALÈRE COSTES
co-Directeur du Centre d'art contemporain Le Consortium à Polymères, 2005
Dijon et médiateur délégué par la Fondation de France du 23 x 17 mm, fr. / angl.
programme Nouveaux commanditaires en Bourgogne. 48 pages, ill. coul.
Étant l'auteure de cette photographie, je cadre et suis hors coéd. Ensa-dijon, Interface,
cadre. En tant qu'éventuelle porteuse du projet Nouveaux Frac Franche-Comté,
Commanditaires à L'Est Républicain à Nancy (Meurthe-et- Le Granit (Belfort)
Moselle), au moment de cette prise de vue, et n'étant pas Tirage : 1 000 exemplaires
sollicitée comme artiste mais en tant que salariée Prix : 15 Euros
potentiellement Nouveaux commanditaires, je suis hors jeu (+ 2 Euros de frais d’envoi)
sur le plan artistique comme hors d'œuvre. Il est question
ici de la position sociale de l'artiste face à celle des acteurs ® MICHEL ROSE / ESSAI
artistiques, en l'occurrence Xavier Douroux et Anne L’appel de la Mariée chez
Pontégnie. Difficile de jouer le jeu : j'ai posé alors le regard Marcel Duchamp, 2005
(photographique) d'une artiste par ailleurs salariée d'un 20,5 x 130 mm, 88 pages
groupe de presse et invitée à l'appellation de Nouveaux coéd. Semiose Éditions, Interface
commanditaires comme seul enjeu. Comme je ne désire Tirage : 1 000 exemplaires
pas être hors jeu, comme hors d'œuvre, j'œuvre par cette Prix : 10 Euros
proposition artistique et tire de la sorte mon épingle du jeu. (+ 2 Euros de frais d’envoi)


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