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Monument, monumental, monumentalité, et puis plus rien … ? Ce numéro est une collaboration entre Interface et l’Université de Bourgogne où anciens étudiants et doctorants se sont vu confier la réalisation de ce numéro. Ce sujet fait écho à l’exposition sur François Rude qui a eu lieu au Musée des Beaux-Arts de Dijon en automne 2012. Dans ce contexte, Horsd’œuvre offre un regard sur l’art actuel et ses relations avec le monument.

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Published by interface.art, 2016-06-12 12:37:50

HDO_30

Monument, monumental, monumentalité, et puis plus rien … ? Ce numéro est une collaboration entre Interface et l’Université de Bourgogne où anciens étudiants et doctorants se sont vu confier la réalisation de ce numéro. Ce sujet fait écho à l’exposition sur François Rude qui a eu lieu au Musée des Beaux-Arts de Dijon en automne 2012. Dans ce contexte, Horsd’œuvre offre un regard sur l’art actuel et ses relations avec le monument.

Keywords: Monum, monument, monumental, monumentalité, Valérie Dupont, Université de Bourgogne, François Rude, Sculpture, Armelle Weirich, Bertrand Charles, Michel Rose, Elfi Turpin, Cyber monumentalité, Vito acconci, Franck Balland, Champ de ruines, Guillaume Mansart, Mémoire collective, Mont Rushmore, Crasy horse mémorial, Chris Burden, Nicolas Xavier Ferrand, Servin Bergeret.

HORSD’OEUVRE le journal de l’art contemporain, nov. 2012 - mars 2013
www.interface-art.com dijon ® bourgogne ® france ® europe ® ...

MONUM
n°30

Magdalena Jetelová, Domestication of a Pyramid, 1992,
© Werner J. Hannappel

Édito Monument, monumental, monumentalité...
et puis plus rien... ?

Ce numéro 30 de horsd’oeuvre est le fruit d’une heureuse inlassablement répétée : « Est-ce la fin de l’histoire ? ». long de son errance désenchantée dit aussi à sa
collaboration entre la Galerie Interface et l’Université de Dans le livre devenu culte, L’arc-en-ciel de la gravité, manière l’impossibilité du monument remplacé par une
Bourgogne. Sa réalisation en a été confiée à des Thomas Pynchon réinventant l’immédiat après-guerre, ultime et sublime épitaphe publicitaire.
doctorants ainsi qu’à d’anciens étudiants devenus des dépeint un monde en ruines, parcouru d’espions, de Néanmoins, ce que disent ces œuvres, c’est que si la
acteurs de la vie artistique – critiques, écrivains d’art et personnages improbables, de créatures baroques qui valeur commémorative du monument ne résiste pas à
curateurs d’expositions. Le thème retenu, celui de la nous entraînent dans les méandres terrestres et sous- la multiplicité des points de vue ni à la dérive du monde,
« Monumentalité » fait écho à une actualité largement terrestres d’un univers dont les causes et les effets se le monument décliné dans ces interprétations
consacrée, cet automne 2012, à la sculpture, et confondent : « L’après-guerre allait-il être une contemporaines persiste à dire la vérité, mais dans
particulièrement à François Rude célébré par le musée des succession “d’événements” sans liens entre eux ? ses différences plutôt que dans son unité.
beaux-arts de Dijon 1 à travers une exposition rétrospective, Est-ce la fin de l’histoire ? ». « Faire l’expérience du monument » ainsi que nous y invite
dont le chef d’œuvre de l’artiste, Le Départ des Volontaires La fiction (ou science fiction) traduit les interrogations qui le projet d’Elfi Turpin et de Kristina Solomoukha implique de
constitue le pivot. Prolongeant la manifestation, un colloque 2 traversent notre temps et dont les artistes sont aussi les prendre en compte des modalités propres au genre et
se propose de réfléchir à l’éminente question du porteurs et les agitateurs. Confronté à l’incertitude, dont la principale est celle de l’échelle. Réduire ou agrandir
Monumental dans la sculpture des XIX e et XX e siècles. l’imaginaire interroge le monument et force parfois les dimensions de la sculpture fait toujours sens, soit par
Dans ce riche contexte3, le journal horsd’oeuvre apporte sa l’histoire à des réajustements : ainsi ces tipis d’Indiens rapport à l’art lui-même, soit par rapport à une certaine
pierre à l’édifice en offrant un regard sur l’art actuel et ses installés au bas des figures des présidents taillés dans la réalité du monde. Dans l’expérience de la monumentalité,
relations avec le monument, une notion forcément mise à roche du mont Rushmore pour rappeler, dans un geste la relation de l’œuvre avec l’espace qui la contient est
mal à une époque où les « grands récits » ont perdu leur aussi nécessaire que dérisoire, que la terre où se proclame souvent ambiguë. Le gigantisme assez récent des espaces
légitimité (J-F Lyotard, 1986). Les sculptures-monuments l’union des Etats était et reste également la leur ; ainsi la d’expositions commande la taille des œuvres autant qu’il
de Rude font œuvre d’histoire. Cependant, l’événement n’y narration approximative de l’histoire par Fischli & Weiss, génère une concurrence suspecte aussi bien entre les
est pas figé dans une identité essentialisée. À propos de La qu’ils ne peuvent envisager qu’à travers la dispersion structures qu’entre les artistes. D’un autre côté, se
Marseillaise Rosalind Krauss observe qu’elle n’est pas la fragmentaire de la sculpture et l’utilisation d’un matériau confronter à la grandeur des lieux signifiait pour Joana
représentation d’un moment de l’histoire, mais qu’elle fragile, l’argile ; ainsi la restitution nostalgique par Vasconcelos à Versailles être en adéquation au cadre,
donne à voir « le mouvement du temps historique et la Robert Smithson des vestiges industriels érigés en adapter sa mesure à la hiérarchie de l’histoire, des ors et
place de l’homme en son sein » (Krauss, 1977-1997), monuments éphémères dont la fonction et la grandeur des genres, sans parvenir toutefois à éviter l’absorption par
une différence qui inclut l’acte de conscience dans l’image se soldent dans la promesse de l’effacement du passé la toute-puissance du décor. La difficulté consiste à défier
d’autant plus héroïsée qu’elle est animée d’un sentiment de dans le présent. Le slogan que Clay, l’étudiant paumé l’idéologie de pouvoir qui sous-tend la monumentalité. Aussi,
liberté unificateur. La valeur commémorative et fédérative de Moins que zéro entrevoit sur l’autoroute de LA certains préféreront jouer avec (de) ses règles, tel Chris
des monuments se heurte aujourd’hui à une inquiétude « Disparaître ici » et qui semble le menacer tout au Burden, imaginant une sorte de mécano à grande échelle
pour créer un chaos de poutres fichées en terre dont
Pedro Cabrita Reis, The Passage of the Hours, 2004, 800 x 2400 x 800 cm, Middleheim Museum, Anvers, Belgique l’anarchie apporte un démenti aux lois et prétentions de
l’architecture. Telle encore l’artiste numérique Claire Sistach
dont les cyber-explorations redéfinissent une monumentalité
virtuelle et fragile, menacée par la dissolution dans la
reproduction sans fin du cyberespace.

Valérie DUPONT

1. Précisément, l’exposition du musée des beaux-arts de Dijon est
consacrée au couple d’artistes François et Sophie Rude. En plus de
l’attrait que représente le rassemblement inédit des productions du
sculpteur, la découverte des œuvres de Sophie Rude, peintre méconnue,
accroît de beaucoup l’intérêt de l’événement. François et Sophie Rude.
Un couple d’artistes au XIX e siècle, citoyens de la Liberté, musée des
beaux-arts de Dijon, du 12 octobre 2012 au 28 janvier 2013.
2. Le Monumental. Une valeur de la sculpture, du romantisme au
postmodernisme, colloque international organisé par le musée des beaux-
arts de Dijon et l’Université de Bourgogne, les 6 et 7 décembre 2012.
3. Un autre manifestation de sculpture monument(ale) est
actuellement visible à Dijon : dans le cadre des Nouveaux
Commanditaires, Le Consortium présente l’œuvre de Didier
Vermeiren, Étude pour le Monument à Philippe Pot, Église Saint-
Philibert du 28 septembre au 28 octobre 2012.

La sculpture monumentale de François Rude :

« une œuvre de tous les temps » 1

Un monument appelle à la mémoire. Il suffit d’ouvrir le Gaffiot : qui s’élève au-dessus d’eux, casquée, brandissant son épée, le visage déformé par des yeux
« Monumentum : tout ce qui rappelle quelque chose ou quelqu’un, exorbités et l’expression d’un cri qui entraîne les troupes. L’artiste exprima ici le patriotisme
qui perpétue le souvenir ». La sculpture monumentale, de tout temps, d’un peuple rassemblé au-delà des rivalités et des opinions politiques de chacun ; un peuple
inscrit les destinées et les actions des hommes dans le passé, le de tout temps, pour une œuvre intemporelle.
présent et l’avenir. Elle offre à ses sujets l’immortalité. Rude ne renonça pas à ses propres opinions politiques, ni à son admiration pour Napoléon.
Il se devait de réaliser un monument en hommage à son héros et c’est à Fixin, près de Dijon,
Les œuvres de François Rude font partie du paysage français et dijonnais depuis bientôt qu’il éleva son Napoléon s’éveillant à l’immortalité (1847). Loin de l’iconographie figée
deux cents ans. Né à Dijon en 1784, Rude fréquenta l’école de dessin de François Devosge d’un gisant, Rude créa une sculpture monumentale et héroïque où Napoléon, sur un rocher
avant de rejoindre l’École des Beaux-Arts et l’atelier de Cartellier à Paris en 1807. Son talent de l’île de Sainte-Hélène, se redresse, retire le linceul couvrant son visage et semble sur le
fut vite récompensé par le Grand Prix de Rome, obtenu en 1812. Ce furent pourtant les point de s’élever. Ce qu’Apollinaire appelait « la vie avec le mouvement » dans l’œuvre
événements politiques qui décidèrent de l’orientation de sa carrière : enfant de la de Rude, trouve ici toute sa signification. Mais le réalisme du visage cadavérique suggère
Révolution et de la République, bonapartiste dans l’âme, la chute de l’Empire et le retour qu’il ne s’agit pas d’une renaissance mais bien d’une représentation de la mort et de
des Bourbons le poussèrent à l’exil. Il trouva refuge à Bruxelles auprès de son protecteur l’accession à l’immortalité, à l’éternité de Napoléon I er.
dijonnais Louis Frémiet, dont il épousa la fille, Sophie, elle-même peintre et élève de Jacques- Rude poursuivit son travail de commémoration de l’Empire et mit son talent au service de
Louis David. Après la mort de Napoléon Ier et une douzaine d’années d’un exil qui n’avait quelques héros bonapartistes, tels que Gaspard Monge (v.1846-48, Beaune), Godefroy de
plus de sens, le couple Rude regagna Paris en 1828. Un changement de résidence qui alla Cavaignac (1847, Paris, cimetière Montmartre), le Maréchal Ney (1853, Paris, place de
de pair avec un changement artistique : de formation classique, Rude brisa finalement les l’Observatoire) ou le général Bertrand (1854, Châteauroux). À travers ses sculptures, Rude
règles académiques pour s’engager vers le naturalisme et devenir bientôt l’un des chefs de glorifia les destins de ces hommes et les inscrivit dans l’Histoire.
file de la sculpture que l’on appellera « romantique ».
Au-delà du témoignage historique, la sculpture de François Rude comme monument ancre
François Rude tient précisément sa renommée de ses sculptures monumentales et notamment le souvenir de destinées et d’actions héroïques dans notre conscience et dans celle des
de son impressionnant Départ des Volontaires en 1792 (v.1833-1836), un relief réalisé pour générations futures. Statues figées dans l’espace national, elles continuent de vivre
l’Arc de Triomphe de l’Étoile à Paris et dont un moulage est entreposé à Dijon, au musée aujourd’hui et participent activement à la définition et à la préservation de notre identité
Rude. Une œuvre puissante, tumultueuse, l’image d’un peuple qui s’ébranle pour la défense culturelle.
de son pays : les hommes, unis, s’élancent vers la frontière à défendre, marchant au rythme
de la Marseillaise. Ils sont menés par la Patrie, représentée sous les traits d’une Victoire ailée Armelle WEIRICH

1. Henri DROUOT, Une carrière : François Rude, Dijon, Bernigaud & Privat, 1958, p. 81.

2

Du grand art ?

Peut-on arguer des dimensions
impressionnantes des espaces muséaux
nouvellement construits, réhabilités ou de
certaines manifestations qu’elles induisent une
création monumentale ? Est-ce penser à tort
que préexiste à leur conception la volonté
d’influencer l’œuvre elle-même ? Si la
tentation du gigantisme dans l’art n’est pas un
phénomène nouveau, l’accélération de cette
tendance aujourd’hui est quelque peu ambiguë.

La commande a fait l’objet de la part des artistes MONUMENTA 2011- Anish Kapoor - Leviathan : vue intérieure de l’œuvre
d’investissements de lieux monumentaux. Les fresques © Monumenta 2011, ministère de la Culture et de la Communication - Courtesy the artist and kamel mennour, Paris - Photo : Didier Plowy
de la Chapelle Sixtine (1508-1541), deviennent à leur
tour des monuments que l’on visite. Les plafonds Modern, la transformation du bâtiment en musée Aussi investis soient-ils, les protagonistes répondent à
ouvragés recouverts de toiles participent du équivaut à une sorte de translation homothétique, de l’appel du lieu qui s’expose plutôt qu’il n’expose leur
monument Versailles. Mais ces lieux ne sont pas ceux l’usine en machinerie culturelle, faisant de la visite un œuvre. Si, pour Monumenta, le Grand Palais induit bien
de l’art actuel. L’enceinte muséale s’est « neutralisée », phénomène collectif, où les individus, tels les rouages cette forme d’art monumental, l’œuvre, en voulant se
pour un temps, à l’instar de la galerie. Puis à la fin du d’une mécanique géante, viennent se rassembler ici mesurer à lui, se mue en un faire-valoir du lieu. Toute
20 e siècle s’amorce le désir institutionnel de pour participer, de manière quasi rituelle, au grand « démesurée » qu’elle est, elle est toujours à la
réinvestissement du patrimoine industriel. Se créent tout de l’événement médiatique qu’est cette entreprise mesure du lieu qui la contient. Elle ne le dépasse pas.
alors ce que certains diront être des monuments culturelle vivante et englobante » 3. L’artiste invité dans Les dimensions du colossal Léviathan (2011) de
plutôt que des instruments dédiés à l’art. En 1986 le Turbine Hall ne peut que s’y mesurer. Son travail ne Kapoor (12 000 m 2 de toile qui définissent un volume
ouvre le CNAC-Magasin à Grenoble avec sa « rue » de consiste plus à « seulement » produire une œuvre de 35 x 72 x 33 m, soit 72 000 m 3) sont dictées par
900 m 2 pour laquelle Gino De Dominicis conçoit son mais à se confronter littéralement au lieu. le lieu qui accueille 4. Alors, si le monumental renvoie au
Calamita Cosmica (1988), gigantesque squelette de grand, à ce qui dépasse le champ de vision ; si c’est
24 m de long et 10 m de hauteur. Le géant de Surenchère : Monumenta depuis 2007, nouvel étalon ce à côté de quoi on est petit et qui nous absorbe, face
polystyrène y a toute sa place. Il n’en n’est pas de du monumental « 21 e siècle », se déroule dans les au Grand Palais, Léviathan peut-il prétendre au registre
même avec l’entrepôt Lainé investi par le CAPC de 13 500 m 2 de la nef du Grand Palais (200 m de long, du monumental ?
Bordeaux au début des années 90. La grande nef 45 m de haut et 50 m de large). Déclinaison de
s’étalant sur 1 000 m 2 y sera régulièrement mise en monumentum (monument en latin on l’aura bien De ces confrontations emphatiques, les lieux et
scène au détriment des œuvres elles-mêmes : que compris), la manifestation aurait pu se nommer institutions qui les portent, sortent plus forts encore,
retient-on de l’exposition de Jean-Pierre Raynaud en giganteus ou enormis, mais ici, on n’est pas convié à comme grandis. Par l’action mouvante et éphémère
1993, les 1 000 containers chirurgicaux contenant la simple délectation d’œuvres aux dimensions hors des artistes, les lieux consacrés réifient toujours plus
les débris de sa maison ou bien leur alignement parfait normes mais à un rendez-vous avec l’Histoire. Cette leur enveloppe. La tentation est grande de les assimiler
sous les voûtes ? Ces mêmes voûtes sont célébrées propension à asseoir l’œuvre dans une monumentalité alors à des collectionneurs qui commueraient leurs
par Daniel Buren deux ans plus tôt avec des miroirs immédiate a quelque chose de trivial… et de vain. œuvres en trophées solubles dans l’espace et le
inclinés dans la totalité de l’espace (Dominant-Dominé, Appeler ainsi à une certaine forme d’éternité, – le temps.
coin pour un espace, 1465,5 m 2 à 11°28’42’’, 1991). monument est considéré comme digne de durer – ne
Bien que Buren joue à précipiter le bâti dans « l’abîme la garantit en rien. Tous les ans une nouvelle œuvre Bertrand CHARLES
d’un monumental miroir » 1, il n’en reste pas moins gigantesque : cette année Buren, en 2011 Kapoor,
que sur les vues d’exposition de ces années-là, c’est le avant eux, Boltanski, Serra, Kiefer. Les œuvres ont de 1. Philippe Piguet , « Daniel Buren, l’homme du Monumenta », in
lieu que l’on regarde. commun qu’elles doivent jouer avec le lieu sur le mode L’œil, n°646, Mai 2012
du spectaculaire. Variation sur le même thème ou juste 2. Unilever series, sponsorisées par la firme du même nom.
En 2000, le Turbine Hall de la Tate Modern de Londres répétition ? Si la répétition, en installant un schéma 3. Monique Renault, « Consommation ou consomption de la culture ?
franchit une nouvelle étape en « offrant » un espace immuable, rassure l’habitué qui peut ainsi saisir des La Tate Modern de Londres », in Recherches en communication,
de 3 400 m 2 (150 m de long, sur 40 m de haut !). procédés d’appropriation ou d’appréhension d’un lieu, n°18, 2002, Centre de Recherche en Communication (RECOM), UCL,
Des œuvres sont produites exclusivement pour ce lieu l’œuvre n’est plus là pour elle-même mais travaille ses Louvain, Belgique.
depuis lors à grand renfort de sponsoring 2. On en dissemblances avec ses prédécesseurs. La 4. En 2011, le communiqué de presse du Ministère de la culture citait
retient surtout des chiffres : les 100 millions ou 150 manifestation bien installée ne fait que ressasser. Anish Kapoor en ces termes : « Mon ambition est de créer un
tonnes de graines de tournesol en porcelaine d’Ai espace dans l’espace qui réponde à la hauteur et la lumière de la Nef
Weiwei (Sunflowers seeds, 2010-2011) ou encore les du Grand Palais ».
4 000 m 2 de toile de Marsyas (2002) portés par une
structure de 110 m de long et 35 m de haut. Malgré
leur monumentalité, ce ne sont pas les œuvres qui
créent l’attraction mais bien le lieu, devenu mythique
en un peu plus de dix ans d’existence seulement. La
démesure y est pensée pour induire un certain type de
comportement de la part du public : « À la Tate

Napoléon s’éveillant
À l’immortalité
Est un monument
... Alité !

Michel ROSE

27/09/2012

François Rude, Napoléon s’éveillant à l’immortalité
Moulage en plâtre, patine bronze, 219 x 202 cm, Dijon, Musée Rude
© Musée des beaux-arts de Dijon / François Jay

3





MOT mausolée. Moquette noire d’origine, murs peints en rouge, filtres rouges sur les néons,
catwalk central rouge sur lequel étaient présentés les monuments : l’espace dans lequel le
NU public était invité à descendre était dores et déjà « incluant ». La seconde exposition, quant
à elle, se tenait dans un espace parisien largement ouvert sur la rue qui nous incita à
MENT 1 Concours de monuments, 18 juin 2009, Le Dojo, Nice produire une forme de présentation plus sculpturale, si ce n’est frontale : une demi-ziggourat
noire sur fond de rideaux de velours violet qui, a posteriori, tiendrait du monument funéraire.
Ainsi répondait Sammy Engramer au Concours de monuments que nous organisions avec Les objets exposés quant à eux révélaient un statut trouble en déplaçant constamment un
Kristina Solomoukha au printemps 2009 au Dojo à Nice 2 où nous tentions une première curseur invisible entre projet (des artistes) et réalisation (des étudiants) ; entre traduction et
approche expérimentale du monument avec les outils de l’exposition. Il s’agissait en effet interprétation ; entre pièce et document ; entre document et monument. Aussi les objets
d’en étudier le fonctionnement, les tenants et les aboutissants, et pour résumer, la politique, présentés, au delà des enjeux particuliers des propositions originales faites par les artistes
en en faisant l’expérience et en l’observant à une échelle réduite, celle de la main, pour en sous forme d’esquisse (dessin, texte, protocole, image), se transformaient-ils et perdaient-ils
tirer peut-être une vérité. Si le programme était ambitieux, nous faisions l’économie du geste en partie de leur autonomie en investissant les différentes stratégies publiques du projet : la
monumental, en utilisant l’espace-temps relativement modeste de l’exposition dans le cadre publication, l’exposition, l’inauguration. L’une n’allant pas sans l’autre. Certains monuments
duquel nous proposions de rejouer et tester collectivement, avec artistes, architectes et utilisaient l’espace du document (proposition se matérialisant par son archivage dans la
étudiants, les conditions d’apparition du monument, ses rapports à la mémoire, à la publication), certains, l’espace de l’exposition (monuments traduits et réalisés en maquette),
transmission, au document ou encore à l’événement sans que tout cela ne soit préalablement certains, l’espace de la parole : monuments activés et interprétés par Benjamin Seror lors
énoncé. de la cérémonie d’inauguration, ce dernier se livrant donc à la réalisation en direct de
quelques projets par l’exécution de différents gestes (chants et manipulations diverses, etc.).
PROTOCOLE Tandis que tous occupaient l’espace de l’événement. En effet, Benjamin Seror en élaborant
Alors comment faire l’expérience du monument ? En fabriquant ses circonstances et en en public le discours d’inauguration, avec son décorum de rigueur (présentation,
organisant deux Concours de monuments, l’un en 2009 au Dojo à Nice et l’autre 3 en 2010 remerciements, applaudissements), raconta à grands renforts de digressions (chansons,
à la galerie de l’École d’architecture Paris-Malaquais, où nous proposions à une métaphores) chaque proposition sous l’œil témoin du spectateur. Et c’est précisément à ce
quarantaine d’artistes d’imaginer un projet de « Monument au choix » dans le cadre d’une moment-là que nous saisissions une caractéristique contemporaine du monument : nous
procédure dont l’écriture, parfois fantaisiste, s’appuyait strictement sur les documents faisions collectivement coïncider monument et événement. Car si dans son acception
administratifs publics accompagnant une telle entreprise ; en constituant un jury de courante le monument commémore la mémoire, autrement dit le souvenir, d’un événement
professionnels, quoique se prêtant au jeu, mettant en jeu les enjeux traditionnels du genre passé en produisant une adhésion du groupe à ce souvenir, l’événement lui-même se
(tension de pouvoir et politique du choix) ; en interprétant et en réalisant avec des étudiants chargeait sous nos yeux de sa propre transmission. L’événement devenait monument en
les projets des artistes à échelle réduite lors de workshops respectivement à la Villa Arson troquant alors l’idée de pérennité – faire durer la mémoire au-delà de l’événement à travers
et à Paris-Malaquais ; en présentant les réalisations dans une exposition accompagnée l’érection d’un objet fixe – pour celle d’actualité – faire durer la mémoire à travers sa
d’un booklet photocopié réunissant l’ensemble des propositions des artistes et tous les répétition, son actualisation et sa transformation jusqu’à la disparition même de l’objet.
documents attenant aux projets ; et enfin en laissant le soin à Benjamin Seror de « performer »
la cérémonie d’inauguration où nous l’invitions à chanter la procédure, son déroulement et Elfi TURPIN
ses détails.
1. Sammy Engramer, Monument lacanien, Peinture sur toile carrée, dimensions variables, fond noir, lettres blanches
Résultats 2. Concours de Monuments, 2009, Le Dojo, Nice Commissariat Elfi Turpin et Kristina Solomoukha, en collaboration
Les deux éditions successives et leurs expositions relatives prirent des formes sensiblement avec Benjamin Seror. Avec la participation de Saâdane Afif, Louidgi Beltrame, Pascal Bircher, Lilian Bourgeat, Pascal
différentes. La première occupait l’espace du sous-sol du Dojo dont les propriétés physiques Broccolichi, Michel de Broin, Fayçal Baghriche & Matthieu Clainchard & Vincent Ganivet, les frères Chapuisat, Angela
(plafond bas, colonne, éclairage néon) nous orientèrent assez naturellement vers l’idée de Detanico et Rafael Lain, Marcel Dinahet, Sammy Engramer, Patrice Gaillard et Claude, Jérémie Gindre, Mathieu
Herbelin, Marie-Julie Jacquet, Jacques Julien, Jan Kopp, Vincent Labaume, Seulgi Lee, Bertrand Lamarche, Nadia
Lichtig, Stéphane Magnin, Nicolas Memain, Olivier Nottelet, Amilcar Packer, Daniel Perrier, Guillaume Pinard,
Santiago Reyes et David Zagari, Julia Rometti & Victor Costales, Bernhard Rüdiger, Eric Stephany, Eric Tabuchi, Taktyk,
Ttrioreau, Benjamin Ferrachat et Nicolas Henri Muller.
3. Concours de Monuments II, La tournée mondiale, 2010, Espace Callot, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture
de Paris-Malaquais, Paris. Commissariat Elfi Turpin et Kristina Solomoukha, en collaboration avec Benjamin Seror.
Avec la participation de Aicha Hamu, Alain Declercq, Alexia Turlin, Arnaud Maguet, Boris Vapné, Bruno Peinado,
Colin Matthes, Colombe Marcasiano, Daniela Brahm, Elena Narbutaite, Frédéric Sanchez, Grégory Cuquel, Isabelle
Moulin, Isabelle Prim, Jérôme Poret, John Riepenhoff, Julien Loustau, Laurent Tixador, Michael Pinsky, Neal Beggs,
Nicolas Moulin, Nina Safainia, Paul Druecke, Philippe Durand, Sarah Tritz, Sébastien Leseigneur, Simon Boudvin,
Stefan Rusu, Sylvie Boisseau, Thomas Léon, Trey Burns et les étudiants de l’intensif.

Cyber-monumentalité

« D’une manière ou d’une incarnant une forme de continuité quasiment tous moyens de passage dans cet espace virtuel, le
historique dans l’espace social, se communication avec le monde dôme est également un message
autre, il s’agit de l’espace ultime forge une mémoire collective dont les extérieur, sont une activation adressé à la communauté, il
témoins deviennent à la fois garants et performative des programmes où elle représente les cycles de vie et de mort
de l’imagination, de l’ultime relais. Là où cette combinaison se plonge. Débutées au sein du de l’avatar incarné par l’artiste.
s’observe, des constructions simulateur de réalité virtuelle Second Désormais visibles dans des vidéos à
espace hallucinogène. » 1 commémoratives peuvent s’établir. Life, puis prolongées dans le jeu en l’ambiance crépusculaire, où l’univers
Comme espace social, Internet réseau World of Warcraft, ces du jeu se charge d’une certaine tension
Vito ACCONCI, à propos d’Internet n’échappe pas à cette règle. Au immersions l’ont récemment conduite à apocalyptique, les projets de Claire
contraire : le réseau, en raison des arpenter les vastes paysages de pixels Sistach restent comme les vestiges
S’intéresser à la monumentalité en art, multiples possibilités qu’il offre de Minecraft. d’une activité engloutissante et
ainsi que, par extension, à ce que (possibilités qui libèrent de certaines Apparu en 2009, ce jeu de type fastidieuse, le produit d’une errance
pourrait être sa formulation sur contraintes techniques et favorisent la sandbox (littéralement, bac à sable, car cybernétique étrangement
Internet, nécessite d’interroger la visibilité des projets), devient peu à peu le joueur fixe lui même ses objectifs) représentative de bouleversements
nature même de cette notion, et de le socle de nouvelles propositions peut-être décrit comme un jeu de identitaires actuels.
déterminer les conditions de sa mise monumentales. construction extrêmement sophistiqué, Car au-delà des réalisations même –
en œuvre et de son observation. En Évidemment, la démarche qui consiste où peuvent se rencontrer, grâce aux dont la variété atteste autant de
premier lieu, il ne semble pas à faire d’Internet le lieu d’une connexions en réseau, les nombreux l’imagination de ceux qui les produisent
totalement fortuit d’énoncer quelques transposition littérale, mimétique de bâtisseurs. D’aspect rudimentaire que des différents programmes
généralités. Si la notion de projets monumentaux existants reste (l’univers du jeu n’est qu’un amas de permettant de les mettre en œuvre – il
monumentalité est une forme globalement insatisfaisante, du fait blocs que le joueur récolte, stocke et est intéressant de voir comme ces
« dérivée » du monument, auquel elle qu’elle n’exprime qu’un simple assemble… une sorte de Lego virtuel propositions font écho à une navigation
emprunte son caractère mémoriel – sa déplacement, un changement de en somme), le programme étonne par générant une profonde ambiguïté, une
propension à signifier, dans une médium, d’interface de construction. la multitude de combinaisons qu’il offre dissolution grandissante des identités
immobilité qui semble éternelle, le Ce qui constitue l’intérêt conceptuel aux utilisateurs, et par l’immense dans l’avatar cybernétique qu’elles se
passage du temps – elle se singularise principal de cette cyber-monumentalité étendue de son univers. Lors de sa sont créées. Si ce thème évoque un
par une forme de démesure, un en question est plutôt à chercher dans cyber-exploration de Minecraft, Claire scénario de science-fiction, il trouve
impressionnant rapport d’échelle qui le fait que cette dernière atteste d’une Sistach s’est donc attelée à construire une actualité réelle dans le terrain de
contribue à tenir l’observateur en adaptation spécifique à un terrain différents monuments, célébrant les jeu in progress que représente
respect. Cette intense présence modelé dans la matière virtuelle, et que étapes symboliques de la progression Internet. Et les problématiques liées au
empirique a d’ailleurs supplanté la les hommages qui s’y développent sont de son avatar dans le jeu. Par exemple, monumental deviennent le signe d’un
dimension commémorative qui façonne intimement liés au cadre d’utilisation le site où a lieu le spawn (le spawn redéploiement de l’espace social, une
les monuments classiques, lesquels que représente, comme outil, Internet. désigne l’endroit précis où un trace laissée par une génération qui
s’adressent à la communauté en Claire Sistach (née à Aix-en-Provence personnage apparaît lorsqu’il débute célèbre ses avatars comme les
affirmant, au cœur de l’espace public, en 1982), artiste numérique se une partie – c’est aussi là qu’il explorateurs d’un nouvel espace à
un lien symbolique fort entre une définissant elle-même comme une ressuscite à chaque fois qu’il meurt) fut conquérir.
histoire et l’assemblée qui s’y trouve cyber-exploratrice, investit depuis prétexte à une construction
confrontée. Autrement dit, c’est la plusieurs années le champ des vertigineuse : un dôme perché sur une Franck BALLAND
combinaison entre une donnée « univers simulés » 2 pour se livrer à haute tour, accueillant un jardin de
temporelle figurée en un objet, et son des actions immersives. Ces dernières, petites fleurs jaunes et rouges, cerné 1. In Entretien avec Vito Acconci, éditions Lindau,
exposition au regard de l’assistance, que l’artiste entreprend de manière de torches enflammées. Réalisation Centre Culturel Français de Turin, 1999.
qui établit les circonstances premières extrêmement stricte, coupant monumentale dédiée à son propre 2. Voir le blog de Claire Sistach : claire-sistach.blogstop.fr
nécessaires à « faire » monument. En

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Boris Chouvellon, Last splash, 2012
Béton armé, métal, 30 x 1 x 7 m

Champ de ruines

En 1967, Robert Smithson publie dans la revue Artforum commerciales et des malls climatisés. On construit le culte de la société des loisirs dans des parcs à
« The Monuments of Passaic », une série de six thèmes à l’architecture de façade. Poussé par une dynamique incontrôlable, le champ de ruines se
photographies noir et blanc réalisées à l’Instamatic 400 et qui développe à vitesse grand V en inventant ses monuments propres. Ils débordent et dessinent les contours
accompagnent le récit de son voyage à travers le paysage d’un monde flottant dans lequel l’immédiateté (de la consommation, de l’action...) a peu à peu remplacé
désolé et post-industriel de Passaic New Jersey, sa ville toute forme de culture et d’histoire.
natale. Les « monuments » qu’il repère et décrit alors ont On pourrait sans doute aborder la sculpture Last splash (2012) de Boris Chouvellon, sous l’angle de son
l’élégance manquée des choses sans qualité, ils ont la majesté contexte de réalisation (une île à Amiens et son réseau de canaux d’hortillonnage...) mais cette œuvre qui
d’un bac à sable, d’un parking huileux, d’un pipeline, ou d’un s’élève avec autorité comme s’érige un monument, semble dialoguer à travers le temps avec celles de
pont communal... ce qu’ils sont en réalité. Le paysage que Smithson. Dessinant dans le ciel les courbes d’une glissade sans fin, sa structure reprend (à l’échelle un)
l’artiste traverse s’offre à lui comme un territoire érodé par le celle des toboggans de parcs aquatiques. Un virage après l’autre, l’œuvre figure la chute. Mais le lisse et
chaos, il y voit une zone définitivement assaillie par des forces glissant s’est mué en rugueux et la surface a concédé au squelette. Il ne reste de l’attraction qu’une
entropiques 1. « Le paysage n’était pas un paysage, écrit présence mystérieuse, une nuée rouillée de lignes accrocheuses et des plaques de béton en sursis. Last
Smithson, mais un genre particulier d’héliotypie (Nabokov), une splash emprunte la grandiloquence tapageuse du vocabulaire de l’entertainment pour évoquer de futures
sorte de monde de carte postale d’immortalité ratée et de formes archéologiques. L’œuvre semble édifier le tombeau du divertissement et plus largement de la
grandeur oppressante en voie d’autodestruction. » Dans le société du loisir. En regard de celle de l’artiste américain, l’œuvre de Boris Chouvellon pourrait être lue
désert de cette ville, les bâtiments de l’ère industrielle comme le symbole du glissement qui s’est opéré du monde de l’industrie à la société du spectacle (au
prennent pour l’artiste valeur de monuments chaotiques ayant sens large). Ruine renversée, elle dit la mutation d’une société qui, faute de mieux, trouve son
substitué l’oubli du futur à l’évocation du passé. Ruines en achèvement dans la construction des sémaphores du divertissement et dans la consommation frénétique
construction ou achevées, les éléments qu’il décrit et du temps présent.
photographie ne semblent commémorer que leur mort à venir.
À l’intérieur ce temps retourné où l’entropie remplace Guillaume MANSART
l’évolution, le monument est alors compris comme son
contraire absolu, c’est-à-dire comme une ruine. 1. Dans son texte, Smithson illustre le principe d’entropie en ces termes : « Imagez un bac à sable divisé en deux, avec du sable noir
Dans un texte de 1980, « The Allegorical Impulse, Toward a d’un côté et du sable blanc de l’autre. Prenons un enfant et faisons-le courir dans le bac des centaines de fois dans le sens des aiguilles
Theory of Postmodernism », le critique d’art Craig Owens d’une montre jusqu’à ce que le sable se mélange et commence à devenir gris ; puis faisons le courir en sens inverse ; le résultat ne
tentait de définir à travers le prisme de l’allégorie les sera pas la restauration de la division originale mais un gris plus prononcé et une augmentation de l’entropie. » Robert Smithson,”The
fondements du post-modernisme, il revenait alors, lui aussi, Monuments of Passaic”, publié dans Artforum, vol. VI, n°4, décembre 1967
sur la question de la ruine et la décrivait comme le témoin d’un Traduit par Caroline Anderes et Vincent Barras, dans Art et science-fiction: La Ballard Connection, Valérie Mavridorakis (éd.), Mamco,
effacement : « L’allégorie, de manière logique, est attirée par Genève, 2011
le fragmentaire, l’imparfait, l’incomplet – une affinité qui trouve 2. Craig Owens, « The Allegorical Impulse, Toward a Theory of Postmodernism », in October, n°13, été 1980
son expression la plus aboutie dans les ruines. » écrivait-il. 3. Ce point de vue le rapproche d’ailleurs de certains auteurs de science-fiction, voir Art et science-fiction, La Ballard Connection, Valérie
« Les œuvres de l’homme s’y trouvent résorbées dans le Mavridorakis (éd.) Mamco, Genève, 2011.
paysage, et les ruines représentent l’Histoire comme un
processus irréversible de dissolution et de déchéance, un
éloignement progressif de l’origine 2. » Mais à cette ruine
allégorique, parcellaire et usée d’histoire, traversant le temps
jusqu’au présent, Smithson oppose une « ruine nouvelle » qui
travaille à rebours du temps (vers le futur) et s’oppose au
paysage, l’absorbe, le nie.
Bien que fortement déterminée par son époque, l’analyse de
Robert Smithson sur la construction au présent du « devenir
incertain du futur 3 », paraît prophétique et reste valide
quelques 45 années plus tard. Sans passé (sans mémoire) et
privée d’avenir, la société contemporaine se plonge à corps
perdu dans le présent. Si on célébrait hier la production
industrielle à travers ses constructions, ses machines et ses
installations, on sanctifie aujourd’hui la puissance financière et
l’économie de marché en hissant sur des parvis impeccables
d’imposantes cathédrales de verre et d’acier. On fête la
marchandise dans des hangars arrangés de zones

Peter Fischli & David Weiss, Galilée présentant à deux moines la Terre comme sphère (Galileo Galilei präsentiert zwei Mönchen die Erde Cette sculpture de Galilée, créée par le duo d’artistes Fischli & Weiss, fait partie d’une série
als Kugel), 1981. Sculpture appartenant à la série Soudain cette vue d’ensemble (Plötzlich diese Übersicht). Série d’environ 300 sculptures d’environ 300 modelages, nommée Soudain cette vue d’ensemble. Elle représente « l’histoire
en argile non cuite. La plus petite fait 6 x 7 x 5 cm, et la plus grande 82 x 53 x 5 cm © Photo : Iwan Schumacher, Zurich. et le présent de la Terre et de l’humanité » mais à partir « des choses qu’on a dans sa tête »,
tel que la décrivent les artistes 4. Un grand événement historique est donc retranscrit à la
À la mémoire collective manière approximative d’un souvenir, et mêlé à plusieurs centaines d’autres, en une dé-
hiérarchisation confuse : il côtoie croyances religieuses, contes de fée, événements imaginés
Considérons d’une part la sculpture d’un monument aux morts : « Le soldat rend ses sœurs anodins (L’inventeur du chewing-gum en train de l’essayer lui-même dans Jacksonville),
Alsace et Lorraine à leur mère : France » 1 ; et d’autre part, la sculpture d’artistes plasticiens anachronismes (Deux romains trinquant à l’année zéro), éléments du quotidien (Pain),
contemporains : « Galilée présentant à deux moines la Terre comme sphère » 2. La mémoire célébrités banalisées (M. et Mme Einstein peu de temps après la conception de leur fils, le
d’un victorieux fait guerrier et d’une grande découverte scientifique est ainsi évoquée par génie Albert), situations rendues comiques (Mick Jagger et Brian Jones rentrant chez eux
deux narrations symboliques. La première sculpture construit et impose publiquement une satisfaits après avoir enregistré I Can’t Get No Satisfaction) 5 ...
version de l’histoire à renfort de personnages allégoriques monumentaux, pour réaffirmer Cette transformation de la notion d’histoire, en sa véracité, sa neutralité et son organisation
les frontières affaiblies d’une nation au sortir de la guerre. La deuxième sculpture présente sélective, s’accompagne d’une modification de la matérialisation plastique consacrée.
deux vérités contradictoires en mettant en scène un savant dont la découverte s’oppose aux Traditionnellement, pour l’édification d’un souvenir collectif majeur, sont employées dans la
dogmes religieux, sans qu’il ne s’agisse d’affirmer l’une des deux positions comme la vérité : sculpture des formes massives et pérennes, d’où l’extension de la signification du terme
est sculptée ici la connaissance historique communément répandue mais erronée monumental, de son sens originel à son usage courant, c’est-à-dire du concept de mémoire
considérant Galilée comme le découvreur, au début du XVII e siècle, de la rotondité de la à la caractéristique plastique de la grandeur. Fischli & Weiss utilisent au contraire des
Terre (pourtant attestée depuis l’Antiquité) 3. La première sculpture a pour vocation la modelages argileux et fragiles qui se mesurent en centimètres. Dans cette série de 300
construction de l’Histoire, la seconde la manifestation de l’imaginaire historique qui en sculptures, la monumentalité plastique tient davantage à la quantité qu’à la taille, ce qui
découle. Dans cet écart se situe une évolution du concept de monumentalité, comprise produit l’effet inverse de la traditionnelle mise en exergue d’un fait : ici, tout élément se noie
comme l’édification d’une mémoire collective. parmi les autres.
La monumentalité, soit la mémoire collective érigée en monument, est ainsi réévaluée dans
son concept et donc dans sa forme : l’histoire commune devient l’imaginaire collectif, et le
monument en prend les formes appropriées de désordre, fugacité, fantaisie. L’œuvre de
Fischli & Weiss peut ainsi être, à l’instar d’une contre-proposition, un contre-monument, à la
mémoire de la mémoire collective.

Claire SIMON

1. Une des six scènes du Monument aux Morts dédié à la Première Guerre mondiale, situé aux Allées du Parc, Dijon,
1925. Sculpteur : Henri Bouchard.
2. Titre original en allemand : Galileo Galilei präsentiert zwei Mönchen die Erde als Kugel, Peter Fischli & David
Weiss, 1981.
3. Galilée n’a pas revendiqué la rotondité de la terre, mais a défendu le système héliocentrique de Copernic. (La
première preuve de la connaissance de la rotondité de la terre est un écrit d’Eratosthène qui en a calculé la
circonférence en 190 av. JC. On suppose que la découverte a été faite par Pythagore, soit au V e siècle av. J-C.)
4. Voir : P. Frey, « Plötzlich diese Übersicht », Kunstforum 60 (Ruppichteroth) avril 1983, p. 122, puis C. Bishop,
M. Godfrey, « Between spectacular and ordinary », in Flash art, n°251 (New York), nov-déc. 2006.
5. Version originale des titres : Brot ; Der Erfinder des Kaugummi bei einem Selbstversuch in Jacksonville Mick Jagger
und Brian Jones befriedigt auf dem Heimweg, nachdem sie I can’t get no satisfaction komponiert haben.
ndlr. Satisfaction a toujours été attribué au duo Mick Jagger/Keith Richards.

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Mount Rushmore / Crazy Horse Memorial :
hommages et controverses

Le Mont Rushmore, situé dans les Black Hills du Dakota du Sud est une œuvre haute de 18 m, aura eu raison de sa
qui impliqua plus de 400 travailleurs entre 1927 et 1941. D’après le site gouvernemental 1
qui lui est consacré, le but de ce monument est de communiquer sur la fondation, santé. La tête de Crazy
l’expansion, la préservation et l’unification des États-Unis par le biais des statues colossales
de George Washington, Thomas Jefferson, Abraham Lincoln et Theodore Roosevelt ; il s’agit Horse, telle qu’on peut
d’une œuvre exaltant la grande nation américaine. L’histoire du Mount Rushmore débute
avec l’initiative de Doane Robinson. Cherchant à attirer les touristes dans le Dakota, l’admirer aujourd’hui,
l’historien contacte le sculpteur Gutzon Borglum et lui fait part de son idée : représenter les
héros de l’Ouest américain, les grands chefs indiens et les explorateurs de l’Ouest au sein n’émergera des Black
d’un même ensemble sculpté. Mais Borglum imposa un ton résolument patriotique en
proposant de sculpter les bustes de quatre présidents, considérés comme les pères Hills qu’en 1998. On
fondateurs de la nation (faute d’argent, et en raison de la mort de Gorblum en 1941, seules
les têtes furent réalisées), en occultant les Amérindiens, habitants légitimes spoliés de évalue la durée des
l’Amérique. Gorblum avait également un autre projet : le Hall of Records. Il s’agissait de
graver dans le granit de la montagne, en regard des quatre présidents, un texte rappelant, travaux restants à une
à travers neuf dates clés, l’histoire des États-Unis. Le projet a été abandonné, mais à la
place, un dépôt (Repository) conserve, à l’abri au cœur de la montagne, des documents cinquantaine d’années.
relatant l’histoire du Mont Rushmore et des États-Unis. Il est absolument étonnant de relever
que, dans le texte du Hall of Records, et dans l’ensemble des pages du site gouvernemental, Le projet de Ziolkowski,
on ne trouve pratiquement aucune mention des Amérindiens, ou Native Americans.
Pourtant, le Mount Rushmore, et les Black Hills sont un lieu sacré pour les amérindiens, selon ses propres
particulièrement pour les Lakotas, une tribu sioux. Après la bataille de Little Big Horn (25
juin 1876), le Dakota fut le lieu d’une ruée vers l’or et les Américains conquirent les Black termes, dépasse de loin Crazy Horse Memorial
Hills, qui appartenaient aux Lakotas depuis la signature en 1868 du Traité de Fort Laramie. les velléités touristiques
En 1970, des Indiens menés par l’UNA, United Native Americans, occupèrent le Mount
Rushmore pour réclamer la rétrocession des Black Hills, sans succès. Aujourd’hui, des initiatives du Mount Rushmore. C’est un hommage au peuple amérindien que le sculpteur a imaginé,
indiennes tentent de renseigner les touristes sur la culture sioux : trois tipis (Heritage village) font
face aux immenses visages des présidents américains. Le monument est toujours considéré par mettant en place le Native American Educational & Cultural Center, ainsi que l’Indian
les Indiens comme une profanation de terres sacrées, symbole d’un contrat rompu.
En 1939, une délégation de chefs tribaux contactèrent le sculpteur américain d’origine Museum of North America. Le site officiel du Crazy Horse Memorial rappelle les souhaits
polonaise Korczak Ziolkowski, alors assistant sur le chantier du Mount Rushmore, et lui
demandèrent de sculpter, dans les Black Hills, la silhouette d’un chef indien célèbre pour son de Ziolkowski : protéger et revaloriser la culture indienne, sacrifiée sur l’autel de la conquête
courage et sa volonté de préserver la culture amérindienne, Thasunka Witko, « Cheval Fou ».
Le chef Lakota Henry Standing Bear expliqua ainsi cette démarche : « Mes collègues chefs de l’Ouest.
et moi même aimerions que l’homme blanc sache que l’homme rouge aussi a de grands
héros 2 ». Ziolkowski réalisa une maquette du guerrier Lakota, le bras droit tendu et l’index Si l’initiative a été largement saluée par les Indiens, elle ne fait pas l’unanimité parmi les
pointé vers les terres sacrées sioux. Le sculpteur dévoua sa vie au Crazy Horse Memorial, y
impliquant sa famille entière, refusant salaire et subvention. Seul, il défia la montagne, et Natives americans traditionalistes : la représentation de Crazy Horse va à l’encontre de la
posa les bases de la plus grande sculpture au monde : les dimensions finales seront de 195
m de longueur pour 172 m de hauteur. Ziolkowski aura arraché à la montagne, philosophie du chef Lakota, qui refusa toute sa vie de se laisser photographier. De même, il
pratiquement seul, près de huit millions de tonnes de roches, sans que son travail ne laisse
jamais apparaître les contours du chef indien. Après avoir subi quatre opérations de la se fit enterrer là où personne ne pourrait le retrouver, pour ne devenir ni martyr ni symbole.
colonne vertébrale, un pontage cardiaque, Ziolkowski meurt en 1982 ; son abnégation
C’est pourtant ce que peut évoquer le projet de Ziolkowski ; on ne peut cependant douter

de la sincérité du sculpteur, qui répondait à ses détracteurs qu’il avait moins voulu

portraiturer Crazy Horse que rendre hommage à son esprit et à son peuple.

Ces deux exemples de mémoriaux monumentaux démontrent à quel point la question de la

mémoire est subjective, et celle de l’hommage complexe. Les traditions culturelles

s’entrechoquent et peinent à trouver un terrain d’entente, entre histoire, mémoire, et

condition humaine. La réponse de Ziolkowski à un Mount Rushmore célébrant la grande

Amérique mais passant sous silence ses fondations inscrites sur le meurtre en masse des

Amérindiens, s’avère aussi vertigineuse dans son ambition qu’elle peut être maladroite à

certaines occasions : pointer du doigt, tel que le fera fièrement Crazy Horse, est un geste

malpoli dans la culture amérindienne. L’enfer est pavé de bonnes intentions. En tout état de

cause, et malgré les incompréhensions profondes entre deux peuples, l’un spolié et

dénaturé, l’autre en proie tantôt au désir d’oublier les exactions commises, tantôt à la

volonté de les réparer, Gorblum et Ziolkowski auront donné au monde deux des plus grands

ensembles sculptés que l’homme ait jamais créés.

Julie BOISARD

1. www.nps.gov/moru, consulté le 22/08/2012.
2. Whereas, Lakota Chief Henry Standing Bear contacted Korczak in 1939 to encourage him to create another mountain
saying in his letter of invitation: « My fellow chiefs and I would like the white man to know the red man has great heroes, too »,
sur http//:crazyhorsememorial.org/about-us/executive-proclamation, consulté le 22/08/2012.

Art, monumental(ité), et présence du/des genre(s)

Joanna Vasconcelos, Royal Walkyrie, 2012, Château de Versailles Le 19 mai dernier, sous la gigantesque verrière du Grand Palais, se déroula le vernissage
crochet en laine fait à la main, maille industrielle, tissus, ornements, polyester, câbles en acier d’Excentrique(s) de Daniel Buren 1 désigné dans la presse et les médias d’information
625 x 600 x 893 cm © Luis Vasconcelos/Unidade Infinita Projectos comme l’artiste français le plus important de notre temps. Cette manifestation s’inscrit dans
le cadre de « Monumenta », événement qui se définit comme un « concept unique et
fédérateur », et qui invite chaque année un artiste contemporain de renommée
internationale, à investir la Nef du Grand Palais, « avec une œuvre spécialement conçue
pour l’occasion » 2. Aujourd’hui, penser l’histoire récente de « Monumenta » du point de
vue d’une étude de genre, permet de révéler une absence signifiante, au regard de la liste
des artistes conviés depuis son ouverture 3 et nous serions tentés d’ajouter au petit texte de
présentation : « inviter chaque année un artiste [...] et de préférence de sexe masculin ».
L’absence d’invitation d’artistes femmes interroge : N’y aurait-il que des hommes capables
de se mesurer à la monumentalité ? Pourtant nombreuses sont les artistes de renommée
internationale à expérimenter la monumentalité.
Ainsi, à Versailles, où depuis 2009 l’art contemporain est convié dans l’immensité des
espaces de son domaine – près de trois décennies après la tentative éclair de la
sulfureuse Iris Clert 4, un changement est notable cette année, puisqu’après Jeff Koons,
Xavier Veilhan, Bernar Venet et Takashi Murakami, c’est Joana Vasconcelos qui fait son
entrée au château 5. L’artiste portugaise restera dans les mémoires de ce rendez-vous
régulier : la première femme à avoir eu l’honneur d’installer quelques-unes de ses œuvres
dans l’illustre palais. D’une grande diversité, le travail de cette sculpteure trouve son unité
dans un esprit de fusion des contraires, où se joue l’expérience de la démesure. D’abord,
le langage plastique et visuel de Joana Vasconcelos, au-delà d’interroger perpétuellement
la perception des apparences, conjugue et tisse des liens d’union entre des concepts qui
sont souvent considérés par opposition : ancien / contemporain ; artisanat d’art /
beaux-arts ; mœurs et pratiques traditionnelles / monde contemporain ; réalité / mythes ;
pesanteur / légèreté ; intériorité / extériorité ; masculinité / féminité. Ensuite, l’expression
monumentale des œuvres produites, semble s’imposer naturellement à l’artiste qui explique :
« L’échelle n’est pas un but ni un début. C’est une partie du processus ; d’abord c’est une
idée […] L’échelle vient dans le processus de manufacture de l’objet » 6. Puis, elle ajoute
que le lieu de présentation insuffle lui-même les dimensions. De fait, l’exposition au
château reçoit majoritairement des pièces d’une « naturelle » monumentalité. Joana
Vasconcelos proposa à la fois des œuvres déjà existantes et d’autres conçues
spécialement pour l’événement. Versailles apparaît de diverses façons comme un écrin
idéal aux créations de la jeune femme, qui s’efforce d’habiter le lieu pour ce qu’il est, ce

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Chris Burden, Beam Drop, 30 mai 2009,
Middelheim Museum, Anvers, Belgique - © Karin Borghouts

Chris Burden la puissance du chaos, et de griserie incontrôlable face Barthes résume tout cela, dans une formule à propos
à l’idée de laisser le hasard décider du résultat. Il n’y a de la Tour Eiffel : « édifice inutile et irremplaçable ».
Une forêt de poutrelles métalliques plantées dans une qu’à entendre les cris de joie éructés par les ouvriers Chacun de ses édifices répond au même critère : ce
mare de béton au beau milieu de nulle part, voilà un et les spectateurs sur les quelques vidéos prises lors sont des constructions à usage restreint, et dont les
spectacle peu commun. Le genre qu’on ne penserait de l’installation de l’œuvre. Le risque aussi, comme moyens de construction sont en inadéquation avec les
être qu’un paysage post-apocalyptique, les ruines d’une dans la plupart des anciens happenings de Burden, possibilités de l’époque : les statues de Pâques sont
usine après un raid aérien, ou les restes d’une ville joue son rôle, l’artiste ne pouvant assurer que des outils de culte tutélaire destinés aux familles
ayant subi une attaque atomique. Seule une force personne ne sera blessé ou pire lors de la réalisation nobles, les cromlechs étaient (apparemment)
extraordinaire associée au hasard aurait pu produire de la pièce, où sont propulsés à grande vitesse des l’apanage des prêtres, la Tour Eiffel porte le nom d’un
pareil spectacle. Et pourtant, il s’agit bien d’une œuvre morceaux de métal de plusieurs tonnes. L’Américain individu qui n’a fait « que » la financer, et qui aurait
d’art. Beam Drop fut exécutée pour la première fois concilie ici deux éléments paradoxaux : la préparation très bien pu s’appeler « Tour de Paris ». Leur seul
par Chris Burden en 1984 à l’Art Park de Lewiston millimétrée de l’œuvre, qui demande une science usage commun, le tourisme, n’est au fond qu’une
(New York), avant d’être revisitée à plusieurs reprises poussée de l’ingénierie, et le processus lui-même, qui validation de l’admiration des peuples pour la grandeur,
ces dernières années au Brésil en 2008 ou en s’apparente beaucoup plus à l’expérience ludique de le génie ou la folie de leurs concepteurs. Leur
Belgique en 2009. Le principe est simple : l’artiste fait l’enfant testant la résistance de ses jouets. En somme, construction nécessite le concours de tous, pour la
tout d’abord remuer la terre sur plusieurs mètres il met plusieurs milliers d’années de recherches et de gratification d’un seul (ou de peu d’entre eux). Toutes
avant de la recouvrir d’une couche de béton frais. Puis, connaissances architecturales au service de son les constructions monumentales ont en commun de
à l’aide d’une grue manipulée par un ouvrier, l’artiste imagination en roue libre. faire le lien entre ciel et terre. Plus grande que
fait élever à plus de 30 m de hauteur des poutrelles, Burden touche ici à l’une des caractéristiques l’Homme, elles lui permettent d’accomplir son éternel
qui une fois lâchées se planteront dans le sol. essentielles du monumentalisme : une profonde rêve d’éternité. Khéops est poussière, sa pyramide est
L’opération est répétée de façon à créer un ensemble absurdité. Songeons à la pyramide de Khéops : trente toujours là, plus de quarante siècles plus tard. On ne
monumental, cette fameuse forêt constituée de ans de construction, des dizaines peut-être des sait quasiment rien des civilisations ayant produit les
soixante à soixante-dix poutres métalliques de différentes centaines de milliers d’ouvriers tués à la tâche, la Lybie ziggourats et les cromlechs, et pourtant leur
formes, dont les plus longues atteignent 15 m. et la Numidie envahies afin de pourvoir le chantier en réalisation continue de nous toiser, sans qu’on puisse
Burden est sans conteste un habitué des œuvres esclaves, 143 m de haut, 230 m de large, à une fournir de réelle explication logique quant à leur
déconcertantes. Il est l’auteur mythique de Shoot époque on l’on ne connaît ni le fer, ni le bronze, ni la construction. Le sens premier de leur édification leur
(1971) où il se fait volontairement tirer dans le bras roue, ni les appareils de levage. Tout cela pour une utilité s’il y en avait une, s’est rapidement perdu pour
par un tiers ; Through the Night Soflty (1973) où il tombe dont Khéops ne profitera, c’est logique, jamais laisser place à la sidération magnétique que ces
rampe sur 5 m de verre brisé, les mains liées dans le de son vivant. Quid des ziggourats, des menhirs de monuments exercent sur la foule, stupéfiée par l’hybris
dos ; Trans-fixed (1974) où il est attaché sur une Stonehenge, des statues de l’île de Pâques ? Roland de ceux qui furent pourtant aussi humains qu’eux.
voiture en marche, Velvet Water (1974) où il essaye Chacune d’entre elles incarne la démesure, cet espace
de respirer sous l’eau jusqu’à l’évanouissement… avant où l’homme perd le fil de sa propre échelle pour
de se lancer par la suite dans des réalisations prendre celle du monde. Il n’existe pas de simple clé de
monumentales (voiture, bateau, building, villes…). compréhension pour Beam Drop (comme c’est le cas
L’artiste ne livre que des explications fragmentaires, pour bon nombre d’œuvres de Burden), car elle répond
souvent insuffisantes pour justifier de telles prises de à cette idée enracinée dans la création humaine, qu’il
risque, dont le panache confine au non-sens. faut parfois produire des choses qui laissent sans voix,
Monumentale, son œuvre l’était bien avant de réaliser des choses qui ne répondent ni à l’utile, ni à la morale,
des pièces de grande taille, par l’esprit qui l’anime, ni au bien commun, ni au bon sens. On reste muet
cette volonté d’atteindre des sommets que personne devant Beam Drop comme on le reste devant le David
n’avait osé gravir avant lui. Concernant Beam Drop, de Michel-Ange, le Lipstick d’Oldenburg, le Sphinx ou
Burden dit vouloir prendre l’architecture, qu’il a étudiée les tours de Dubaï, parce que ce sont de fascinantes
à l’Université, à contre-pied. Utilisant les poutres, énigmes, dont la clé revient à admettre que la folie est
l’élément de construction le plus basique, l’artiste un trait typiquement humain. La taille gigantesque de
s’évertue à faire le contraire de ce que cette discipline ces réalisations renvoie au gouffre hypnotique des
prétend accomplir : des constructions utiles et conditions mentales de leurs possibilités. Burden
sérieuses, où les poutres sont savamment disposées. semble avoir depuis longtemps dépassé ce stade :
Avec tout le sérieux nécessaire à une opération aussi « Craziness is an abused term. It just means I have an
colossale, Burden crée des monuments inutiles où les active imagination, that I’m willing to do what it takes to
grutiers sont priés de faire ce qui leur est d’habitude see it through, to get the results » 1. Khéops, Eiffel,
interdit : laisser tomber les poutres. Il assure aussi Bartholdi et les autres n’auraient sûrement pas dit mieux.
que le hasard fait partie de l’œuvre, ne pouvant prévoir
à l’avance comment les poutres vont se ficher dans le Nicolas-Xavier FERRAND
sol, ceci ne pouvant être qu’en partie compensé par la
précision du travail de préparation, l’état d’esprit de 1. « La folie est un terme abusif. Cela veut simplement dire
l’artiste étant alors un mélange de résignation devant
que j'ai une imagination foisonnante, que je suis près à faire ce

qu'il faut pour aller jusqu'au bout, pour obtenir des résultats ».

Extrait de l’entretien publié sur l’édition en ligne du Lodown Magazine,
Chris Burden - Through Life Never Softly.

qu’il semble être, en parfaite adéquation avec ses propres aspirations artistiques : « Si hygiéniques immaculés. Cette œuvre majeure de l’artiste, a malheureusement été refusée
mon travail se développe autour de l’idée que le monde est un opéra, Versailles incarne par les organisateurs de l’exposition au château de Versailles, à cause de son caractère
l’idéal opératique et esthétique qui m’anime » 7. Le dialogue fusionnel que l’artiste entreprit « trop sexuel ». Joana Vasconcelos considère les espaces intérieurs de Versailles comme
avec Versailles peut se lire de manière évidente à travers certaines œuvres dont les féminins et les extérieurs masculins. Rappeler cette division permet de mettre en regard la
imposantes Valkyries, installées en suspension dans la vaste Galerie des Batailles, où elles paire d’escarpins Marilyn avec les deux gigantesques et hiératiques candélabres
survolent la salle contenant trente-cinq peintures monumentales à la gloire de l’histoire composés de milliers de bouteilles de champagne Pommery, Blue champagne (2012),
militaire de la France (de Tolbiac en 496 à Wagram en 1809). Ces sculptures toutes de visibles depuis la Galerie des Glaces.
tissages et de textiles composées 8, représentent ces divinités guerrières féminines de la Au final, Joana Vasconcelos perturbe et interroge démesurément la loi des genres, aussi
mythologie scandinave, qui « étaient supposées se saisir des plus braves des guerriers bien artistiques, que sexuels et sociaux.
morts au combat pour les emporter au Walhalla » 9. Outre, l’élaboration d’une
correspondance de sens, voire même la création d’une histoire inédite entre le sujet des Servin BERGERET Joanna Vasconcelos, Blue Champagne, 2012, Château de
peintures et les sculptures, ces Valkyries ouvrent aussi d’autres champs relationnels entre Versailles, bouteille Pommery POP Champagne, fer, Leds, (2x)
Joanas Vasconcelos et Versailles. Ces œuvres ont été réalisées dans l’atelier de l’artiste, 940 x 496 cm - © Luis Vasconcelos/Unidade Infinita Projectos
où gravitent de nombreux assistantes et assistants, des ingénieur-e-s aux brodeuses et
brodeurs… Ce mode de fonctionnement en équipe, trouve des similitudes avec le 1. Du 10 mai au 21 juin 2012.
pharaonique chantier que fut Versailles. Par ailleurs, ces Valkyries lient monumentalité et 2. « Un concept Unique »,
ornemental. L’ornement fait partie intégrante du décorum du château : ainsi, et pour http://www.monumenta.com/fr/un-concept-unique
donner un autre exemple, les moulures dorées du Salon de la Paix révèlent la dimension 3. Anselm Kiefer, Richard Serra, Christian Boltanski, Anish
ornementale du Coeur indépendant rouge (2005) constitué de milliers de couverts en Kapoor et Daniel Buren.
plastiques façonnés et retravaillés par l’artiste. Personnages féminins mythiques, les 4. Durant le mois de juillet 1970, la galeriste parisienne, invitée
sculptures des Valkyries dévoilent aussi la relecture de Versailles à travers le regard d’une par Christian Dior lors d’une réception, introduisit son
artiste « femme, portugaise, née en France ». Les œuvres présentées se font « l’écho des « Stradart » (un poids-lourd aux parois transparentes dans
pas de Marie Antoinette » que l’artiste « entend encore » 10, et l’exposition apparaît lequel elle accrochait des œuvres) dans les jardins et la cours
comme une réappropriation de Versailles par les Grandes Femmes qui ont marqué son d’honneur du Château de Versailles.
histoire. L’emblématique Galerie des Glaces, lieu par excellence des apparences – où du 5. Du 19 juin au 30 septembre 2012.
reflet d’un miroir à un autre cohabitent le vrai et le faux, scène de théâtre de la 6. Joana Vasconcelos, Le RDV avec Joana Vasconcelos, Michel
conception du pouvoir par et pour un homme – accueille l’imposante paire d’escarpins Gouery, la chronique de Dominique Baque et la session de Manceau.
métallique et scintillante Marilyn (PA) (2011). Ces chaussures ouvragées à talons hauts, Le RenDez-Vous. France Culture (20.06.2012). (de 9’20’’),
accessoires de bal, attestent la présence commémorative du genre féminin au château ; http://www.franceculture.fr/emission-le-rendez-vous-le-rdv-avec-joana-
elles font certainement office de monument temporaire à ces femmes de l’Histoire. Mais, vasconcelos-michel-gouery-la-chronique-de-dominique-baque-
cette composition réalisée à partir de casseroles et couvercles en acier, est aussi un 7. Joana Vasconcelos, Présentation, http://www.vasconcelos-
monument critique de/à la condition des femmes contemporaines. Évocation moderne du versailles.com/t_vasconcelos.php
célèbre conte de Charles Perrault Cendrillon, Marilyn compense métaphoriquement 8. Crochet et tricot en laine fait à la main, maille industrielle,
l’absence de La Fiancée : immense lustre style XVIII e siècle constitué de tampons broderies à fils tirés et autres broderies, applications de feutre,
dentelle aux fuseaux, frivolités (dentelle à la navette), poterie
incrustée de quartz, tissus, ornements, polyester, câbles en acier.
9. Philipe Dagen, Joana Vasconcelos, une femme un peu trop
libre pour la cour du Roi-Soleil. Le Monde. (20.06.2012),
http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/06/20/joana-
vasconcelos-une-femme-un-peu-trop-libre-pour-la-cour-du-roi-
soleil_1721774_3246.html
10. Joana Vasconcelos, Op.cit.

9

annemasse HORSD’ŒUVRE n° 30 dijon lyon nîmes pougues-les-eaux
édité par l’association
Villa du Parc INTERFACE appartement/galerie Interface L’attrape-couleurs Carré d’art, Musée d’art Parc Saint-Léger
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tél. 04 50 38 84 61 t. : +33 (0)3 80 67 13 86 tél. 03 80 67 13 86 tél. 04 72 19 73 86 16 place de la Maison Carrée tél. 03 86 90 96 60
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fermé les jours fériés ® « horsd’oeuvre Collection - une ® « Double Singulier » Sébastien Pons ouvert tous les jours de 10h à 18h sauf 01/01/13, ouvert le 11/11/12
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et Julien Tibéri : 23/11/12 - Valérie Dupont R. Boccanfuso, E. Bossut, Heendrickxen, Labussière, Mazuy, Perrot, ® « Questions d’images (visages de D. Allouche, N. Canell, C. Cornish,
03/02/13 E. Boulanger, P. Cabrita Reis, Phelippot, Richard, Turpin, Vincent : sable) » œuvres de la collection du A. Csörgö, E. Dekyndt, J. Jonas,
® « Terrible Two » Grout et Mazeas Conception graphique & P. Cazal, M. C. Chaimowicz, 10/11 - 22/12/12 Frac Languedoc-Roussillon : jusqu’au I. Kopelman, A. Leccia,
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Le bourg C. Marclay, G. Millet, O. Mosset, 4 rue Rambaud 75011 Paris 1 Place Montfort
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20/11 - 22/12/12 ® « une brève histoire de tout - jusqu’à 21h le ven. Duyckaerts, J. Grigely, P. Joseph,
® « la pièce manquante » Instantané (83) » Christine Laquet : ® « le Frac s’invite au Consortium » B. Owens, L. Raguénès, L. Weiner : PEDRO CABRITA REIS [horsd’oeuvre n°30 - 2012]
Nicolas Pinier : 12/01 - 26/02/13 jusqu’au 06/01/13 exposition collective : jusqu’au jusqu’au 21/12/12 Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste
® « Star-Dust - XXVIe Ateliers 13/01/13 Prix unitaire : 100 + 7 de frais d’envoi
besançon Internationaux : La Croatie » K. Dada, mulhouse
I. Eskinja, A. Husman, A. Opalic, gétigné-clisson
Frac Franche-Comté D. Sanvincenti, G. Skofic, S. Tolj, La Kunsthalle Mulhouse
27 rue Mégevand S. Vujicic : jusqu’au 03/02/13 La Garenne-Lemot La Fonderie
25000 Besançon ® œuvres de la collection du Frac des (org. Frac des Pays de la Loire) 16 rue de la Fonderie
tél. 03 81 61 62 18 Pays de la Loire, dispositif de 44190 Gétigné-Clisson 68100 Mulhouse
® Inauguration du nouveau batiment : présentation et œuvres de Marc Camille tél. 02 28 01 50 00 tél. 03 69 77 66 47
06 - 07/04/13 Chaimowicz : 05/04 - 01/09/13 ® « le jour d’avant » œuvres de la ouvert du mer. au ven.
collection du Frac des Pays de la Loire : de 12h à 18h, sam. & dim. de 14h à
Galerie Jean Greset château-gontier 07/12/12 - 03/02/13 18h, nocturne le jeudi jusqu’à 20h,
7 rue Rivotte fermé les lun., mar.,
25000 Besançon Chapelle du Genêteil la clayette le 26/12/12 & 02/01/13
tél. 03 81 81 38 52 rue du Général Lemonnier ® « zeichnen zeichnen, toujours
ouvert du mar. au sam. 53200 Château-Gontier Exos Lucius toujours » Régionale 13, exposition
de 10h à 12h, de 14h à 19h tél. 02 43 07 88 96 68, rue Lamartine collective :
et sur rdv ouvert du mer. au dim. de 14h à 19h 71800 La Clayette 23/11/12 - 13/01/13
® « commencements du cercle » ® Hippolyte Hentgen : tél. 03 85 84 35 97 ® « sous nos yeux » partie I, exposition
Takesada Matsutani : 12/01 - 17/03/13 ouvert les sam. et dim. de 14h30 à collective : 14/02 - 21/04/13
08/11 - 15/12/12 ® Jacques Halbert / Capitaine 18h30 et sur rdv
® « finir en beauté » sélection Longchamps : 06/04 - 16/06/13 ® « Saône et gloire » Didier Trenet : nantes
d’oeuvres originales, d’estampes jusqu’au 02/12/12
et de livres d’artistes : corbigny HAB Galerie
16/12/12 - 05/01/13 Collège les Bruyères (org. Frac des Pays de la Loire)
® Anne Lefebre : 10/01 - 09/02/13 Abéïcité-Abbaye de Corbigny (org. Exos Lucius) 21 quai des Antilles
® Jean Paul Mauny : (org. Parc Saint Léger) 2 rue de la planchette 44000 Nantes
14/02 - 09/03/13 6 rue de l’Abbaye - 58800 Corbigny 71800 La Clayette tél. 02 28 01 50 00
® Gilles Touyard : 14/03 - 06/04/13 tél. 03 86 90 96 60 tél. 03 85 84 35 97 ouvert du mer. au dim.
® Stéphan Bordarier : ouvert du lun. au sam. 10h à 12h et ouvert le 23/11 de 17h à 19h, le de 14h à 18h30
11/04 - 11/05/13 de 14h à 17h 24/11 de 14h à 19h et sur rdv ® œuvres de la collection du Frac
® « Le pommier et le Douglas » Marie ® « Installation » H. Fernagu, P. Ginet, des Pays de la Loire, dispositif de
caen Preston : 12/01 - 16/02/13 Collectif Notus, B. Woodrow, E. Wurm présentation et œuvres de Marc
: jusqu’au 05/12/12 Camille Chaimowicz :
Frac Basse Normandie delme 22/02 - 05/05/13
9 rue Vaubenard limoges
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tél. 02 31 93 09 00 33 rue Poincaré - 57590 Delme Frac Limousin
ouvert tous les jours de 14h à 18h, sauf tél. 03 87 01 35 61 impasse des Charentes Arko
les 1er novembre, 24 & 25 décembre ouvert du mer. au sam. de 14h à 18h, 87100 Limoges 3 place Mossé
® « Le blues du chien » F. Curlet, dim. de 11h à 18h tél. 05 55 77 08 98 58000 Nevers
P. Mayaux, P. Oltheten, fermé du 17/12/12 au 08/01/13 ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h, tél. 03 86 57 93 22
Présence Panchounette, M. Rosler, ® « Come tavolo, come lago, come fermé les jours fériés ouvert mer., ven. et sam.
Taroop & Glabel, G. Rey, S. Afif, vivo spazio » Marie Cool, Fabio ® « Caverne Cinéma » oeuvres de la de 15h à 19h et sur rdv
M. Aubry, P. Decrauzat, N. Dolla, Balducci : jusqu’au 17/02/13 collection du Frac Limousin : ® « we gave a party for the gods and
J. Knifer, E. Peñafiel Loaiza, ® Susan Hiller : ../03 - ../05/13 23/11/12 - 16/03/13 the gods all came » S.Bérard,
I. Wallace : 06/10 - 29/12/2012 ® « Conversations visuelles » P. Curnier Jardin, J. Giorno,
exposition des 30 ans du Frac Limousin : A. Hubbard, C. Jeffery, M. Lancelin,
04/04 - 31/08/13 S. Lee : jusqu’au 08/12/12

Si vous souhaitez que vos manifestations soient annoncées dans l’agenda du
prochain numéro, une participation de 30 Euros minimum est demandée.


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